Délibérations du comité sénatorial permanent
des
affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 17 - Témoignages
Ottawa, le lundi 10 juin 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit ce matin à 10 heures, pour étudier le projet de loi C-28, concernant certains accords portant sur le réaménagement des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, je suis ravie de vous voir si tôt un lundi matin. Je suis très contente de revoir le sénateur Nolin, qui vient de traverser une semaine difficile. Sénateur, permettez-moi de vous offrir nos condoléances, à vous et à votre famille.
Le sénateur Nolin: Merci beaucoup.
La présidente: Nous accueillons ce matin le professeur Patrick Monahan, ainsi que M. Jonathan Fried, directeur général, Politique commerciale et Coordination de l'ALÉNA. Le sénateur Finlay MacDonald a suggéré d'inviter M. Fried.
Le professeur Monahan enseigne à la faculté de droit d'Osgoode Hall. Il a déjà comparu devant nous au sujet du projet de loi C-28, sous ses diverses formes. Nous espérons qu'il traitera non seulement du projet de loi C-28, mais aussi des amendements proposés au projet de loi.
Veuillez procéder, professeur.
Le professeur Patrick Monahan, faculté de droit d'Osgoode Hall: C'est un plaisir de me retrouver ici de nouveau pour discuter du projet de loi, sous ses diverses formes. J'ai eu l'occasion d'examiner les amendements que M. Rock a proposés au comité la semaine dernière et je suis ici pour en parler. À mon avis, les amendements proposés par M. Rock contiennent quelques aspects positifs. Permettez-moi d'en indiquer trois.
Premièrement, la suppression de la date limite du 30 juin 1994 pour les dommages-intérêts, qu'on avait proposé d'inclure dans la dernière série d'amendements, est désormais proposée. C'est positif. J'en ai discuté longuement avec vous lors de mon dernier témoignage et je suis heureux de constater que le gouvernement propose de supprimer cette date butoir.
Deuxièmement, je crois comprendre qu'il est proposé de voter contre l'article 10 lorsque cet article sera mis aux voix. Là encore, je pense que c'est très positif. On supprime ainsi le délai de 30 jours prévu pour négocier une entente sur la compensation ainsi que les restrictions sur la teneur d'une telle entente. Autrement dit, on permet de conclure une entente entre le gouvernement et la partie lésée. Il n'y a pas de limite dans le projet de loi actuellement. Si l'article 10 est supprimé, il n'y aurait pas de restrictions quant au contenu d'une telle entente.
Comme je vous l'ai déclaré lors d'un témoignage précédent, il me semblait que l'article 10 aurait empêché le gouvernement de remplir ses obligations en vertu de l'ALÉNA, parce qu'il stipulait que le gouvernement ne pouvait accorder à une personne qui aurait demandé une indemnisation en vertu de l'ALÉNA une indemnité incluant les profits non réalisés. Par conséquent, supprimer cet article signifie que le gouvernement n'est pas empêché de remplir ses obligations en vertu de l'ALÉNA.
De plus, j'ai lu le compte rendu de la discussion sur cette question devant le comité la semaine dernière. J'ai noté que le ministre et M. von Finckenstein ont fait remarquer que l'ALÉNA n'entrait pas en jeu, parce que le contrat a été résilié en décembre 1993 et que l'ALÉNA n'est entrée en vigueur que le 1er janvier 1994. Je crois comprendre qu'un deuxième témoin ce matin traitera de l'ALÉNA, mais je fais simplement remarquer que la violation de l'ALÉNA, si violation il y a, découlerait de l'adoption du projet de loi et non de la résiliation du contrat.
L'ALÉNA n'exige pas que les contrats soient exécutés. Autrement dit, si j'ai conclu un marché avec un investisseur américain et que je romps le contrat, j'ai tout à fait le droit de le faire et de ne pas exécuter le contrat tant que je verse des dommages-intérêts. C'est le fait de déclarer dans une loi que le gouvernement ne versera pas de dommages-intérêts qui constitue la violation de l'ALÉNA. Ce n'est pas encore arrivé parce que le projet de loi n'a pas encore été adopté. Autrement dit, l'adoption du projet de loi C-28 violerait les dispositions de l'ALÉNA.
L'argument que, parce que la rupture du contrat a eu lieu en décembre 1993, l'ALÉNA ne s'applique pas, ne me semble pas fondé. D'ailleurs, je trouve que c'est un argument inhabituel de soutenir que la violation de l'ALÉNA résulte de la rupture du contrat. L'ALÉNA ne stipule pas qu'il est interdit de résilier des contrats avec des investisseurs américains. Je crois bien interpréter le projet de loi. Si je me trompe, les sénateurs pourraient peut-être me corriger.
Troisièmement, si je comprends bien les amendements proposés, l'article 8 ne limite pas le recouvrement des frais judiciaires, des honoraires d'avocat, comme le proposait la version antérieure - autrement dit, la liste des exclusions ne contient pas cette disposition. Cela m'inquiétait, quand j'ai témoigné la dernière fois, et je suis heureux de constater qu'il a été proposé de ne pas ajouter cette restriction dans le projet de loi.
Il ne reste donc plus qu'une dernière question que j'ai déjà soulevée, à savoir la proposition d'interdire dans l'article 8 du projet de loi qu'on accorde des dommages-intérêts majorés ou punitifs. Je remarque que le ministre a déclaré dans son témoignage la semaine dernière que, en cas de diffamation par exemple, le projet de loi tel qu'il est proposé de l'amender permettrait encore d'accorder des dommages-intérêts généraux de nature compensatoire et visant à indemniser la victime de la diffamation. Par conséquent, la personne diffamée pourrait encore demander des dommages-intérêts généraux. Le ministre trouvait non fondé l'argument que j'avais avancé dans mon dernier témoignage, à savoir qu'un demandeur dans une action en diffamation n'obtiendrait aucun redressement.
Permettez-moi de vous expliquer un peu plus précisément ce qui m'inquiétait la dernière fois que j'ai témoigné et pourquoi j'ai affirmé qu'il se pouvait qu'un demandeur dans une action en diffamation n'obtienne rien, même si la dernière série d'amendements supprimait cette interdiction de dommages-intérêts pour diffamation.
Ma crainte découlait de l'effet combiné de la date limite du 30 juin et de l'exclusion des dommages punitifs. Tel que se présentait la disposition proposée, si les poursuites en diffamation n'avaient pas été intentées avant le 30 juin 1994, il était interdit d'en intenter plus tard. La date butoir du 30 juin signifiait qu'un demandeur dans une action en diffamation pouvait se retrouver les mains vides. L'élimination de la date du 30 juin est positive parce qu'elle veut dire que, s'il était établi qu'une personne avait été décrite de manière erronée ou qu'une affirmation mensongère avait été faite à son sujet, cette personne pourrait demander des dommages-intérêts généraux. Elle n'aurait toutefois pas le droit de demander des dommages majorés ou punitifs.
Simplement pour donner aux sénateurs une idée de ce que cela pourrait signifier dans la pratique, nous pouvons examiner l'arrêt récent de la Cour suprême Hill c. Église de scientologie, 2 R.C.S. 1995, 1130. Dans cette cause, M. Hill, ancien procureur de la Couronne, avait été diffamé par les défendeurs et il a obtenu trois catégories de dommages-intérêts. Il a obtenu 300 000 $ en dommages-intérêts généraux - pour le tort causé à sa réputation. Il a obtenu 500 000 $ en dommages majorés, qui visaient, selon le tribunal, à compenser le tort supplémentaire que lui ont causé les défendeurs en répétant les déclarations diffamatoires qu'ils savaient sans fondement.
Autrement dit, M. Hill a obtenu 800 000 $ pour le tort causé à sa réputation - 300 000 $ en dommages-intérêts généraux et 500 000 $ en dommages majorés.
Il a aussi obtenu 800 000 $ supplémentaires en dommages punitifs, parce que les défendeurs ne se sont pas contentés de répéter les propos diffamatoires jusqu'au procès mais ont continué de les répéter même après que le tribunal les a déclarés diffamatoires. Dans ce procès, le tribunal a donc accordé 1,6 million de dollars en dommages-intérêts.
Il est évident que des dommages-intérêts aussi élevés sont assez exceptionnels au Canada, mais ils illustrent l'ampleur de ceux qui peuvent être accordés dans un cas exceptionnel.
Si le projet de loi C-28 et ses amendements proposés étaient adoptés, une personne qui aurait été diffamée par le gouvernement recevrait 300 000 $ au lieu de 1,6 million de dollars. Ce serait une somme importante mais pas celle que le tribunal a considérée justifiée dans l'arrêt Hill.
Faut-il s'en inquiéter? Je pense que oui, même si je ne suis pas convaincu qu'un tribunal déclarerait inconstitutionnel le projet de loi C-28 ni même cette disposition particulière. J'y reviendrai plus tard.
Permettez-moi d'expliquer en détail ce qui me préoccupe. Je n'en ai pas beaucoup parlé lors de mon dernier témoignage à cause des autres questions que je voulais aborder.
D'ailleurs, depuis mon dernier témoignage, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'arrêt Hill et y a parlé de l'importance de la réputation et de l'importance du droit de la diffamation au Canada. À la page 1175 de cet arrêt, le juge Cory déclare dans son analyse de la valeur de la réputation:
Les démocraties ont toujours reconnu et révéré l'importance fondamentale de la personne. Cette importance doit, à son tour, reposer sur la bonne réputation. Cette bonne réputation, qui rehausse le sens de valeur et de dignité d'une personne, peut également être très rapidement et complètement détruite par de fausses allégations. Et une réputation ternie par le libelle peut rarement regagner son lustre passé. Une société démocratique a donc intérêt à s'assurer que ses membres peuvent jouir d'une bonne réputation et la protéger aussi longtemps qu'ils en sont dignes.
Dans le paragraphe précédent, le juge Cory avait déclaré qu'une bonne réputation est un attribut qui doit - et je souligne le mot «doit» - être protégé par les lois de la société.
Le juge Cory affirme que la réputation est liée à la valeur de la dignité humaine; que les lois d'une société doivent protéger la bonne réputation d'une personne et qu'elles le font par l'entremise du droit de la diffamation. Plus loin dans son jugement, il fait remarquer que, même si la Charte des droits et libertés ne parle pas expressément de la réputation, la réputation d'une personne représente sa dignité inhérente. C'est un concept qui sous-tend tous les droits garantis par la Charte des droits et libertés.
Le juge Cory, au nom de la Cour suprême du Canada, affirme que la valeur de la réputation d'une personne sous-tend en un sens tous les droits garantis par la Charte des droits et libertés.
Se tournant ensuite vers la question des dommages-intérêts, le juge Cory fait remarquer qu'indemniser une personne pour le tort causé à sa réputation uniquement par ce que nous appelons des dommages-intérêts généraux ne suffit pas, parce qu'on n'exprime pas ainsi l'indignation de la société face aux déclarations diffamatoires. On ne protège pas correctement la réputation de la personne.
À la page 1209 du Recueil des arrêts de la Cour suprême, le juge Cory déclare à propos des dommages punitifs:
Les dommages-intérêts punitifs peuvent servir, et servent effectivement, un objectif utile. S'ils n'existaient pas, il ne serait que trop facile pour les gens importants, puissants et riches de persister à répandre des libelles contre des victimes vulnérables. Les dommages-intérêts généraux et majorés à eux seuls pourraient simplement être considérés comme la redevance à payer pour être autorisé à continuer cette atteinte à la réputation. La protection de la réputation d'une personne à la suite de la publication de déclarations fausses et injurieuses doit être efficace. La meilleure protection est de faire savoir que des amendes, sous forme de dommages-intérêts punitifs, peuvent être imposées lorsque le comportement du défendeur est véritablement outrageant.
La Cour suprême du Canada déclare dans l'arrêt Hill que, premièrement, la réputation d'une personne se rattache à la dignité inhérente de la personne, qui sous-tend les droits garantis par la Charte des droits et libertés. Deuxièmement, les dommages punitifs et, par conséquent, les dommages majorés sont pertinents et nécessaires afin d'assurer cette protection.
Le projet de loi C-28 tente d'exclure les dommages-intérêts majorés et punitifs. Considérons ce qui arriverait dans un cas exceptionnel où un tribunal confirmerait le comportement inacceptable - tel que des déclarations préjudiciables répétées et que l'on sait fausses - d'une personne jouissant de l'immunité prévue par le projet de loi, à savoir une personne qui est un agent, un mandataire ou un fournisseur de services de Sa Majesté. Si le tribunal jugeait que la personne a agi de manière tout à fait inacceptable, comme il l'a fait dans l'arrêt Hill, le projet de loi l'empêcherait d'accorder des dommages-intérêts traduisant l'ampleur réelle du préjudice et l'indignation de la société face au comportement du défendeur.
Comme je l'ai déclaré la dernière fois, je n'exprime aucune opinion quant à l'existence de déclarations diffamatoires envers qui que ce soit dans le cas présent. Je note que le gouvernement a jugé nécessaire à un moment donné d'exclure toute compensation pour diffamation, mais je ne porte pas de jugement sur cette décision.
À mon avis, si des faits pouvaient inciter un tribunal à accorder des dommages majorés ou punitifs, il serait étonnant que le tribunal déclare que le gouvernement est libre d'adopter une loi visant à interdire l'attribution de tels dommages-intérêts. Sinon, par définition, les fonctionnaires pourraient agir de manière arbitraire puis être protégés contre les conséquences de ces actes.
Cela n'a rien à voir, sénateurs, avec une simple tentative de limiter les dommages relatifs aux profits non réalisés ou de prévoir les critères qui guideraient un juge dans son évaluation des dommages-intérêts, comme le feraient, selon moi, les dispositions du paragraphe 8(2). Je n'ai cessé de répéter que ces dispositions seraient valides. Mais c'est l'exclusion des dommages-intérêts majorés ou punitifs, permettant à une activité arbitraire d'être dégagée de toute responsabilité, qui m'inquiétait la dernière fois que j'ai témoigné et qui m'inquiète encore.
Considérant l'ensemble du projet de loi, je reconnais que la question des dommages majorés ou punitifs ne se poserait que dans des circonstances exceptionnelles, comme l'a indiqué la Cour suprême dans l'arrêt Hill. La cour a déclaré que, dans une situation normale, on ne s'attendrait pas que des dommages majorés ou punitifs soient accordés, mais que, dans la cause en l'espèce, les actes du défendeur étaient si outrageants que ces dommages étaient jugés justifiés. Tout compte fait, je tire la conclusion qu'un tribunal déterminerait probablement que le projet de loi C-28, tel qu'il est proposé de l'amender, serait valide constitutionnellement, ce qui ne dissiperait pas mes craintes au sujet de l'alinéa e) de l'article 8.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que d'autres arguments seraient invoqués contre la validité du projet de loi C-28, notamment que les autres exclusions prévues par le projet de loi vont à l'encontre de la primauté du droit. Je crois que M. Chipeur, qui a comparu devant vous à plusieurs reprises et aussi récemment que la semaine dernière, a toujours exprimé des réserves au sujet de l'exclusion des profits non réalisés. Là encore, je n'ai pas adopté cette position devant vous. Je continue de croire que le Parlement est libre de limiter l'indemnité accordée à l'égard des profits non réalisés en cas de rupture de contrat, même si je ne pense pas qu'il soit souhaitable de le faire du point de vue des politiques. Mais je ne suis pas ici pour vous donner mon point de vue sur les politiques; c'est à vous d'en décider. Du point de vue du droit constitutionnel, je ne crois pas que cela contreviendrait à la Constitution.
Voilà, sénateurs, mes remarques au sujet des amendements proposés. J'en discuterai volontiers avec vous.
Le sénateur Gigantès: Vous avez perdu un peu de poids depuis la dernière fois, professeur.
M. Monahan: Je ne crois pas.
Le sénateur Gigantès: Vous avez le teint un peu plus blême.
M. Monahan: C'est probablement vrai. Vous m'êtes tombés dessus tellement souvent, sénateurs.
Le sénateur Gigantès: Qui détermine le montant des dommages-intérêts généraux à accorder?
M. Monahan: Un jury ou un juge. Dans l'arrêt Hill, ils ont été accordés par un jury.
Le sénateur Gigantès: Et un juge ou un jury aurait toute la liberté d'accorder le montant qu'il veut en dommages-intérêts généraux?
M. Monahan: Les dommages-intérêts généraux sont généralisés. Autrement dit, il est impossible de les évaluer de manière précise dans un procès pour diffamation. Contrairement à un grand nombre d'autres types de procès, dans une action en diffamation, il n'est pas possible de mesurer précisément le tort causé à la réputation de quelqu'un, alors il y a une grande marge de manoeuvre dans l'attribution de ces dommages. Une cour d'appel peut évidemment examiner cette évaluation. Dans l'arrêt Hill, deux cours d'appel sont arrivées à la conclusion que l'évaluation des dommages faite par le jury était assez raisonnable.
Le sénateur Gigantès: Supposons que, dans l'arrêt Hill, le tribunal n'ait pu accorder que des dommages-intérêts généraux. Le tribunal aurait-il pu accorder des dommages généraux élevés, de 1,6 million de dollars, parce que les diffamations ont été répétées et continues?
M. Monahan: Si une loi stipulait qu'un tribunal ne pouvait pas accorder des dommages majorés ni des dommages punitifs et que le tribunal essayait d'en accorder par l'entremise des dommages-intérêts généraux, je pense qu'une cour d'appel rejetterait cette façon de procéder et évaluerait les dommages-intérêts généraux en fonction d'autres dommages-intérêts semblables. Elle déclarerait que les dommages-intérêts sont tout à fait disproportionnés par rapport à ce qui a été accordé par le passé. Il n'y aurait, par exemple, aucune raison d'accorder des dommages-intérêts généraux de 1 million de dollars.
Une cour d'appel évaluerait ce qui a été accordé dans un cas par rapport à ce qui l'a été dans d'autres. Je pense que cela empêcherait ce genre d'activité, sénateur.
Le sénateur Gigantès: Vous affirmez cependant que, si le libelle ou la diffamation se poursuivait et était vraiment outrageant, le tribunal pourrait en tenir compte.
M. Monahan: Oui.
Le sénateur Gigantès: Alors, un tribunal de première instance pourrait en tenir compte et accorder des dommages-intérêts assez élevés en expliquant pourquoi, afin que la cour d'appel accepte cette décision.
M. Monahan: Je pense, sénateur, que les dommages-intérêts généraux devraient être liés au tort causé à la réputation de la personne. Le demandeur devrait avoir démontré qu'il a vraiment subi un préjudice de cette ampleur. Dans le cas du procès Hill, un avocat éminent a tenu une conférence de presse devant le palais de justice et la diffamation s'est grandement répandue. Par conséquent, le tribunal a décidé qu'un montant de 300 000 $ correspondait à l'ampleur du tort causé à la réputation de M. Hill.
Le sénateur Pearson: J'ai été très touchée par la citation concernant l'intérêt que la société porte à la réputation. Ma question est la suivante: est-il coûteux de monter une défense dans une action en diffamation? Je ne pense pas aux procès pour diffamation contre la réputation professionnelle de quelqu'un mais à ceux qui portent sur de fausses accusations de violence faite à des enfants ou d'agression sexuelle, par exemple.
M. Monahan: C'est très coûteux, parce que le défendeur peut créer de nombreux obstacles procéduraux. Par cette remarque, je ne porte cependant aucun jugement sur un cas en particulier et il ne faudrait pas interpréter ma remarque en ce sens. C'est très coûteux parce qu'il y a beaucoup de requêtes et de procédures interlocutoires qui retardent le début du procès. Dans le procès Hill, par exemple, il a fallu plusieurs années - je ne sais pas exactement combien -, avant que la cause soit entendue.
Certains juristes ont écrit des études à ce sujet pour essayer de dissiper l'idée que notre droit du libelle refroidit les ardeurs de la presse. Certains soutiennent que la presse ne publie pas tout ce qu'elle aimerait publier par crainte de l'application du droit. En réalité, il coûte très cher d'intenter des poursuites et c'est très long, et ce que déclare la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Hill - et je suis tout à fait d'accord - c'est que la valeur de la réputation est importante et que la société a l'obligation de protéger la réputation de la personne.
Le sénateur Pearson: Nous devrions peut-être chercher des moyens de rendre ce mécanisme plus abordable.
M. Monahan: Dans ce cas, je pense qu'il serait utile de supprimer l'interdiction de demander des dommages majorés ou punitifs, mais je crois comprendre que cela ne se fera pas. Le gouvernement ne proposera pas un tel amendement. À mon avis, toutefois, il serait de loin préférable de laisser les tribunaux trancher et d'accepter que les tribunaux de notre pays agissent de manière responsable et n'accordent pas des dommages-intérêts exagérés ou disproportionnés par rapport à ce qui est normal, surtout lorsque l'État se donne une immunité qu'il n'accorde à personne d'autre, parce que seuls les actes contre l'État sont visés par cette interdiction.
Le sénateur Beaudoin: J'ai une question sur le droit contractuel. Dans le cas qui nous intéresse, il est question d'un aéroport, donc, de toute évidence, d'un domaine de compétence fédérale. Cela ne fait aucun doute. Il ne fait aucun doute également que le gouvernement pouvait conclure un marché au sujet de l'aéroport Pearson. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.
J'aimerais avoir votre opinion sur un aspect assez technique. Lorsque les autorités fédérales interviennent dans un champ fédéral, mais se fondent sur le droit contractuel, qui est un domaine provincial, on peut soutenir qu'elles doivent s'appuyer sur le droit contractuel tel qu'applicable dans la province visée.
Il y a deux possibilités. La première est que, puisqu'il est question d'un aéroport, qui relève du gouvernement fédéral, le gouvernement fédéral peut, en vertu de son pouvoir accessoire, légiférer comme il l'a fait dans ce cas-ci. J'aimerais avoir votre réaction sur cet aspect assez technique.
M. Monahan: Sénateur, j'estime que ce projet de loi est valide du fait qu'il se rapporte au domaine de l'aéronautique ou encore parce qu'il touche à la responsabilité contractuelle de l'État. Je suis d'avis que le Parlement doit, par l'entremise des lois, pouvoir légiférer au sujet de la responsabilité contractuelle de l'État. D'ailleurs, ce pouvoir lui est conféré par la Loi sur la responsabilité de l'État. C'est un aspect de la responsabilité de l'État, qui est lui-même un aspect du pouvoir du Parlement sur la dette et les biens publics.
Sinon, si des catégories de dette et de biens publics énoncés expressément ne se trouvent pas dans l'article 91, elles relèveraient du pouvoir résiduaire parce que les provinces ne peuvent pas légiférer expressément, à mon avis, sur la responsabilité contractuelle de l'État fédéral. Cela doit relever du pouvoir du Parlement.
Compte tenu de ces facteurs, sénateur, je ne pense pas qu'il y ait motif de conclure que le projet de loi dépasse les pouvoirs du Parlement.
Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, si l'alinéa e) était supprimé, ce ne serait pas parce que les autorités fédérales n'ont pas le pouvoir d'intervenir dans ce domaine.
Par exemple, l'an dernier, nous avons soulevé l'argument de la primauté du droit, qui est évidemment le fondement de notre système. C'est autre chose. Si un tribunal tirait la conclusion que l'alinéa e) peut être contesté, ce serait parce qu'il va à l'encontre de l'accès à des recours judiciaires ou du montant des dommages.
M. Monahan: Oui, en particulier s'il y avait des preuves que le tribunal était prêt à accepter pour démontrer que la conduite du gouvernement ou des fonctionnaires a été particulièrement outrageante et que le gouvernement ou le Parlement tente d'éviter de verser des dommages-intérêts pour cette conduite. Ce sont les actes arbitraires du gouvernement ou des fonctionnaires que la primauté du droit vise à contrôler et à limiter. Voilà pourquoi je continue de m'inquiéter. Mais cela ne se produirait que dans des circonstances exceptionnelles et je ne sais pas si c'est le cas ici.
Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur Monahan, j'aimerais revenir sur un sujet que j'ai abordé avec le ministre la semaine dernière, au sujet du bien-fondé, pour le Parlement, de discuter d'un projet de loi qui, s'il était adopté, donnerait en quelque sorte des instructions ou des conseils au juge du procès dans un procès déjà en cours.
Le ministre nous a déclaré qu'il était légal d'invoquer la suprématie du Parlement. Premièrement, est-ce légal? Deuxièmement, est-ce convenable? Est-ce quelque chose que nous devrions faire maintenant?
Je ne souhaite pas répéter ce qui a été déclaré ici en votre présence, mais j'aimerais résumer. Je peux comprendre et même accepter que le Parlement énonce des conditions avant qu'un procès commence. On nous a affirmé que le Parlement pouvait modifier un verdict dont il n'est pas satisfait. Je ne sais pas si c'est déjà arrivé. Mais adopter une loi qui influence un procès en cours est une idée que j'ai beaucoup de mal à accepter.
Puis-je avoir votre opinion à ce sujet?
M. Monahan: Sénateur, j'ai réfléchi à cette question. J'ai lu le compte rendu de votre discussion de la semaine dernière et je comprends les motifs de cette préoccupation. C'est quelque chose qui porte à se demander pourquoi le Parlement pourrait, par ce projet de loi, dire au juge ce qu'il peut ou ne peut pas faire en ce qui concerne les dommages-intérêts à accorder.
Tout compte fait, cependant, j'aurais tendance à être d'accord avec le ministre à ce sujet parce que, si le Parlement ne pouvait pas adopter une loi portant sur une question qui est devant les tribunaux ou qui fait l'objet d'un procès, alors dès que quelqu'un n'aimerait pas une proposition du gouvernement à l'étude à la Chambre des communes ou au Sénat, il suffirait de courir au palais de justice, d'intenter des poursuites et d'affirmer que le Parlement ne peut pas légiférer parce que la question fait l'objet de poursuites judiciaires.
Je ne pense pas que nous devrions accepter que le Parlement soit empêché d'adopter des lois sur des questions qui font l'objet de procès, même si la loi porte sur le procès lui-même, comme c'est le cas ici, tant que la loi applique les principes de la primauté du droit, tels que je les ai énoncés dans mes témoignages précédents devant votre comité - autrement dit, tant que le projet de loi permet l'accès aux tribunaux et limite les dommages-intérêts d'une manière qui peut se justifier non pas en fonction des politiques mais plutôt des exigences de la Constitution, ce qui veut dire avoir accès aux recours judiciaires.
Le principal argument qu'on voudrait invoquer pour contester le projet de loi serait que l'accès aux recours judiciaires n'est pas efficace. C'est autour de cet argument que je voudrais articuler la contestation du projet de loi. Je dirais que, même si le gouvernement a donné accès aux recours judiciaires, les limites imposées aux dommages-intérêts sont si élevées que l'accès n'est pas efficace.
Je le répète, tout compte fait, je ne suis pas persuadé qu'un tribunal accepterait cet argument. Je ne suis pas persuadé qu'un tribunal trouverait la loi inconstitutionnelle parce que l'accès n'est pas efficace. Je crois qu'un tribunal déclarerait qu'il y un accès efficace malgré les limites importantes qui sont imposées aux demandeurs. Mais divers arguments pourraient être invoqués, et je pense que ce serait probablement l'argument le plus fort contre l'interdiction relative aux profits non réalisés, par exemple, qui est la clé de voûte du projet de loi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je conviens certainement que le Parlement légifère souvent sur des questions qui ont des répercussions directes sur des procès, notamment en augmentant les peines, en créant de nouvelles catégories d'actes criminels, et cetera. Mais dans ce cas-ci, non seulement le projet de loi repose-t-il sur un seul procès, mais il n'a pas d'application générale; il n'a qu'une application très particulière. De plus, le gouvernement est accusé.
Pour faire une analogie avec le sport, la partie est en cours depuis un certain temps déjà. L'une des équipes n'est pas satisfaite des règles du jeu et demandera à l'arbitre de changer les règles à son avantage.
M. Monahan: Je comprends votre préoccupation, sénateur. C'est une préoccupation importante. Par contre, et pour être juste envers le gouvernement, il faut reconnaître que le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes quelque temps avant que les poursuites soient intentées. La poursuite a fait son chemin jusqu'au tribunaux, mais le projet de loi a précédé le procès.
Cela ressemblerait davantage au scénario que j'ai déjà décrit, selon lequel un gouvernement dépose un projet de loi et un demandeur décide d'intenter des poursuites pour empêcher le gouvernement de faire adopter le projet de loi. D'ailleurs, le projet de loi C-22 a été déposé au début de 1994 ou en décembre 1993 et les poursuites n'ont pas été intentées avant septembre 1994.
Je comprends la préoccupation. Je suis certain que c'est une question qui serait débattue devant le juge.
Dans l'ensemble, je suis d'opinion - et je ne suis ici que pour vous donner mon opinion - que le tribunal ne déclarerait pas que cela contrevient à la Constitution.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne dis même pas que le tribunal trancherait dans un sens ou dans l'autre. Je m'interroge sur le bien-fondé d'une telle mesure.
Si je vous comprends bien, lorsque l'intention du législateur est connue, on devrait éviter d'agir à l'encontre de cette intention. On dirait que c'est comme lorsque le budget est lu et que les mesures fiscales entrent en vigueur même si la loi habilitante n'a pas encore été adoptée. Élargissez-vous ce principe de l'intention, si je peux le qualifier ainsi, pour qu'il comprenne tout projet de loi dont l'intention est démontrée, même si ce projet de loi ne sera peut-être jamais adopté?
M. Monahan: Je fais seulement une remarque sur la possibilité qu'un tribunal déclare une mesure inconstitutionnelle. Je n'exprime pas d'opinion sur les justifications de politique du projet de loi C-28 parce que mon opinion à ce sujet ne vous est d'aucune utilité. Je ne suis pas élu à la Chambre des communes et je ne suis pas sénateur non plus. Par conséquent, on ne me demande pas d'exprimer mon opinion à ce sujet.
Je ne suis pas d'accord pour qu'on limite les dommages-intérêts qu'un tribunal peut accorder. Je ne pense pas que les tribunaux devraient être empêchés de fonctionner normalement et d'accorder ce qu'ils croient être des dommages-intérêts pertinents. Je pense qu'il est important que tous les membres de la société canadienne puissent intenter des poursuites contre le gouvernement. C'est une caractéristique qui fait du Canada une société libre et qui le distingue de nombreuses autres sociétés dans le monde où les tribunaux ne sont pas autorisés à prendre des mesures allant à l'encontre des souhaits du gouvernement. C'est une valeur précieuse que nous devons protéger. Je ne suis cependant pas à l'aise avec les limites qui sont imposées ici.
Mais, du point de vue constitutionnel, et ayant vu comment les tribunaux réagissent dans ce genre de situation, je ne suis pas persuadé qu'un tribunal déclarerait que c'est inconstitutionnel. C'est à vous, sénateurs, et à vos collègues de débattre la question de politique et de prendre une décision à ce sujet.
Le sénateur Lynch-Staunton: Permettez-moi d'essayer à nouveau. Je ne parle pas de l'aspect constitutionnel ni des politiques. Je parle du comportement que devrait adopter le Parlement à l'égard d'un procès en cours. Oublions le procès dont il est question ici, même ci le projet de loi vise ce procès en particulier.
Même le secrétaire parlementaire du ministre des Transports a déclaré, en réponse à une question qui lui a été posée il y a quelques jours à peine: «Il ne conviendrait vraiment pas que je fasse des commentaires sur les aspects particuliers de cette affaire». Voilà un porte-parole du gouvernement qui dit: «Ne parlons même pas de cette affaire parce que le procès est en cours». On nous demande d'aller plus loin que cela. On nous demande non seulement d'en parler, mais d'approuver des directives qui seraient données au juge pendant que le procès est en cours. C'est ce qui me dérange. L'aspect constitutionnel entre peut-être en jeu. Il n'en demeure pas moins que ce qu'on nous demande de faire me rend très mal à l'aise. On nous demande de prendre parti pour le défendeur dans un procès en acceptant les conditions qu'il énonce pour limiter les dommages-intérêts qu'il devra peut-être payer.
M. Monahan: Oui. Cela touche à la politique qui sous-tend le projet de loi, ainsi qu'au caractère raisonnable des directives au tribunal dans les circonstances. Je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose sinon que cela me semble lié aux politiques. Je conviens avec vous, sénateur, qu'en tant que principe général le Parlement ne devrait pas interdire l'accès aux recours judiciaires ni empêcher les tribunaux d'accorder les dommages-intérêts qu'un tribunal accorderait normalement.
Soit dit en passant, le ministre a qualifié les dommages-intérêts pour profits non réalisés d'espèce de gain fortuit pour le requérant. Je ne pense pas que ce soit une description juste, parce qu'en cas de rupture de contrat, le requérant se déclare prêt à remplir les exigences du marché conclu. Il est prêt à le faire. Mais le défendeur l'en empêche. Alors il ne peut pas prétendre que, parce qu'il est prêt à exécuter le contrat, le requérant cherche un gain fortuit. Il dit simplement qu'il est prêt à exécuter le contrat et que le défendeur n'est pas disposé à le laisser faire. Par conséquent, le requérant n'est pas mis dans une position qui lui permet d'obtenir un gain fortuit.
Quoi qu'il en soit, j'ai toujours pensé qu'une loi qui limite l'indemnité accordée pour les profits non réalisés est valide, même si elle n'est pas souhaitable. Il n'est pas souhaitable, en particulier pour l'État, de s'accorder des immunités dont ne jouissent pas les citoyens ordinaires. Cela ne devrait pas se faire. C'est un principe général. J'espère que cela ne se refera plus. Mais je ne suis pas persuadé qu'un tribunal conclurait que c'est inconstitutionnel.
Là encore, sénateur, c'est la seule raison pour laquelle je suis ici.
Le sénateur Milne: Professeur Monahan, lorsque vous avez comparu devant notre comité par le passé, vous aviez quatre grandes préoccupations au sujet du projet de loi. Vous pensez que les amendements en ont dissipé trois. La quatrième demeure; il s'agit essentiellement de l'alinéa 8(2)e). Mais vous ne pensez-pas qu'un tribunal trouverait cette disposition inconstitutionnelle, n'est-ce pas?
M. Monahan: Cette disposition ne s'appliquerait que dans un cas exceptionnel, lorsque la conduite d'un défendeur serait extrême et injustifiée. S'il était établi qu'il y avait eu une conduite extrême de la part des fonctionnaires, je pense que le tribunal voudrait trouver une façon d'indemniser la personne lésée. Cela pourrait signifier déclarer certains termes de cette disposition inconstitutionnels.
J'ai simplement essayé de vous donner mon opinion. Autrement dit, si je regarde cela dans une perspective générale, parce que cette disposition ne s'appliquerait que dans ces circonstances exceptionnelles, je pense qu'il est juste de vous affirmer que, tout compte fait, la loi serait probablement déclarée valide.
Mais s'il était établi que ces circonstances exceptionnelles existaient, je pense que le tribunal voudrait trouver un moyen d'indemniser la personne lésée. Il le ferait en donnant un sens étroit à ces dispositions ou, peut-être, en les déclarant inconstitutionnelles.
On peut soutenir que ces dispositions seraient déclarées inconstitutionnelles par un tribunal. Mais il faudrait des circonstances très inhabituelles pour arriver à cette situation.
Le sénateur Milne: C'est très peu probable, n'est-ce pas?
M. Monahan: Oui.
Le sénateur Milne: Pour faire suite à l'intervention du sénateur Lynch-Staunton, vous pouvez peut-être régler un problème qui m'embête moi aussi. Si je comprends bien et j'ai toujours pensé qu'il en était ainsi, le Parlement et le gouvernement sont deux choses différentes, et le gouvernement a conclu ce contrat qu'il résilie maintenant.
Mais le Parlement continue d'agir, il a encore le droit d'adopter des lois et il n'est pas partie au contrat. Il a le pouvoir de légiférer à l'égard de ces contrats. Je n'y vois rien d'injuste.
M. Monahan: L'injustice se produirait si le Parlement décidait, comme il proposait de le faire dans le projet de loi C-22, que personne ne pourrait intenter des poursuites judiciaires pour rupture de contrat. Je sais que le gouvernement maintient que la version précédente était tout à fait acceptable. Je ne suis pas de cet avis. Je suis d'avis que la primauté du droit exige que les gens puissent intenter des poursuites contre le gouvernement lorsque celui-ci agit mal, notamment pour des ruptures de contrats non fondées. Il faut un accès efficace aux recours judiciaires. Je pense qu'un tribunal confirmerait cette position et que les tribunaux ont confirmé que le principe de la primauté du droit limite le Parlement, et le gouvernement.
Reconnaissant que le Parlement est une entité distincte du gouvernement, la cour a statué dans une décision rendue à la fin de 1995 dans l'arrêt MacMillan Bloedel qu'une disposition de la Loi sur les jeunes contrevenants était inconstitutionnelle parce qu'elle péchait contre le principe de la primauté du droit.
Voilà un exemple, survenu depuis que j'ai comparu devant vous la dernière fois, d'une situation où la cour a statué que la primauté du droit pouvait permettre de déclarer une loi non valide. Lorsque j'ai témoigné la dernière fois, jamais une loi n'avait été déclarée non valide. C'est fait maintenant.
Certains témoins du gouvernement ont tenté de faire valoir que le Parlement peut faire ce qu'il veut et que la primauté du droit n'a pas d'importance. Je ne pense pas que ce soit vrai. Je pense que le Parlement doit respecter les normes conformes à la primauté du droit lorsqu'il légifère. Si le Parlement déclarait qu'il abolira les tribunaux ou empêchera tout le monde de poursuivre le gouvernement pour des contrats que le gouvernement a rompus, je pense que les tribunaux déclareraient cette décision inconstitutionnelle et que le Parlement ne pourrait pas agir ainsi.
Le sénateur Milne: Ces amendements règlent donc votre problème.
M. Monahan: Oui, sauf pour la question des dommages majorés, qui ne se présente que dans des cas exceptionnels. Je pense que la limite imposée à l'égard des profits non réalisés est conforme avec la primauté du droit.
Le sénateur Doyle: Lorsque le ministre était avec nous, la semaine dernière, le sénateur Jessiman l'a interrogé sur l'incidence de la primauté du droit sur ce que nous faisons et il a obtenu la déclaration suivante du ministre Rock:
Lorsqu'un projet de loi est présenté devant le Parlement, que des représentants élus en débattent et procèdent à un vote, que ce vote est suivi de l'envoi du projet de loi au Sénat en vue de son étude par un comité et que les sénateurs en débattent et procèdent à un vote sur ce projet de loi et prennent en considération tous les intérêts dont la Déclaration des droits veut assurer la protection, cela constitue l'audience impartiale garantie par celle-ci.
Il a déclaré que c'est toute l'attention que nous devons accorder à la primauté du droit et que, lorsque nous avons franchi toutes ces étapes, nous avons fait notre travail. Il suppose évidemment que le Sénat votera comme il le souhaite, étant donné qu'il a démoli toutes les raisons de ne pas voter en faveur de la loi.
Cette affirmation vous pose-t-elle des difficultés? Vous avez déclaré il y a un moment que le Parlement doit avoir établi des normes afin de respecter les exigences de la primauté du droit, ce qui donne à penser que vous songez à des éléments autres que ceux que le ministre a décrits lorsqu'il est venu témoigner.
M. Monahan: J'ai lu le témoignage de M. Rock. Je ne me souviens pas d'avoir lu cette déclaration. Mais j'estime que la primauté du droit limite le Parlement. Il ne s'agit pas simplement d'affirmer que tout ce que le Parlement choisira d'inclure dans un projet de loi, après avoir engagé le débat, respectera les principes de la primauté du droit. Adopter une loi, comme on proposait de le faire avec le projet de loi C-22 original, stipulant qu'il n'y aurait pas d'accès aux recours judiciaires, que quelqu'un qui avait signé un contrat avec le gouvernement n'avait aucun droit en vertu de ce contrat, violerait la primauté du droit, selon moi. Une telle loi autoriserait une conduite arbitraire du gouvernement. Ce n'est plus le projet de loi que nous avons devant nous.
Je suis d'accord avec le fond de votre question, oui, effectivement, la primauté du droit impose des limites au Parlement. Je le répète, je crois que les tribunaux trouveraient que le projet de loi actuel répond et satisfait à ces exigences. Mais on pourrait soutenir le contraire et on le fera peut-être. Mais je ne crois pas que les tribunaux accepteraient cet argument, au bout du compte.
Le sénateur Gigantès: Au cours d'une séance précédente où nous discutions du projet de loi original, je me souviens que vous étiez d'accord avec le fait que la partie qui se sentait lésée aurait pu contester la constitutionnalité du projet de loi devant les tribunaux.
M. Monahan: Oui, ils peuvent toujours présenter cet argument.
Le sénateur Gigantès: L'accès aux recours judiciaires n'a pas été refusé parce qu'ils pouvaient toujours se présenter devant un juge et soutenir que le projet de loi est inconstitutionnel vu qu'il leur interdit l'accès aux recours judiciaires. Selon vos arguments, les tribunaux l'auraient trouvé inconstitutionnel s'ils vous avaient écouté. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous continuez d'affirmer que le projet de loi interdit l'accès aux recours judiciaires quand il est impossible, dans les faits, d'interdire l'accès aux recours judiciaires.
M. Monahan: Seulement dans l'hypothèse où j'ai raison et le gouvernement a tort. Je pensais que vous étiez d'avis contraire.
Oui, si vous alliez en cour et que le tribunal déclarait le projet de loi inconstitutionnel, alors vous réussiriez. Mais le ministre estimait que vous pouviez aller en cour, sauf que vous n'auriez pas gain de cause. D'abord, le gouvernement présenterait une motion stipulant qu'il est impossible d'intenter des poursuites parce que le contrat n'a jamais existé. C'était ce que disait le projet de loi original, qu'il n'y aurait pas de contrat à contester.
Le sénateur Gigantès: Vous avez déclaré que le tribunal n'accepterait pas cet argument. Je suis ravi de voir un professeur admettre qu'il a peut-être tort. Je n'en ai jamais rencontré auparavant.
La présidente: Je ne suis pas certaine que le professeur Monahan a admis avoir tort. J'aimerais que le compte rendu le signale.
Merci beaucoup pour votre témoignage de ce matin, professeur.
Notre deuxième témoin ce matin, honorables collègues, vient du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Veuillez procéder.
M. Jonathan Fried, directeur général, Politique commerciale et Coordination de l'ALÉNA: Madame la présidente, je suis accompagné aujourd'hui de M. Serge Fréchette. Il est avocat principal à la Direction du droit commercial du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il fait partie du personnel du ministère de la Justice qui travaille au ministère des Affaires étrangères, mais il relève du solliciteur général.
Madame la présidente, je n'ai pas préparé de déclaration. Le ministre Eggleton m'a demandé de me mettre à la disposition de votre comité pour vous donner toute l'aide possible ce matin. Cette demande a été faite vendredi, si je comprends bien. Je suis à la disposition du comité pour vous aider, si je le peux.
La présidente: M. McIlroy a proposé, dans sa déclaration, que nous entendions quelqu'un du ministère du Commerce international. À la réunion du comité de direction, cette demande a été confirmée par le sénateur MacDonald. Quelques sénateurs ont des questions précises à vous poser.
Le sénateur Nolin: Avez-vous lu le projet de loi C-28?
M. Fried: Oui, à titre de client plutôt que d'avocat.
Le sénateur Nolin: Pensez-vous que ce projet de loi posera des difficultés par rapport à l'ALÉNA ou à l'accord sur le libre-échange avec les États-Unis?
M. Fried: Non, je ne le pense pas.
Le sénateur Bryden: Je pense que tout le monde accepte que l'accord de libre-échange avec les États-Unis ne s'applique pas, mais les avis sont partagés à propos de l'ALÉNA parce que, si je comprends bien l'argument, l'annulation du contrat s'est produite au moment où l'ALÉNA n'était pas encore en vigueur. Par contre, lorsque le projet de loi que nous étudions actuellement sera adopté, l'ALÉNA sera en vigueur. Pensez-vous que, le fait que le projet de loi soit adopté lorsque l'ALÉNA est en vigueur influencera les droits en vertu de l'ALÉNA? En fait, si tout cela se produisait actuellement, contreviendrions-nous aux dispositions de l'ALÉNA?
M. Fried: La question que vous posez en est une que le gouvernement s'est posée. Dans ces cas-là, le ministère des Affaires étrangères se tourne vers ses conseillers juridiques de la Direction du droit commercial et du ministère de la Justice pour obtenir une opinion précise sur les limites de nos droits et obligations en vertu de l'ALÉNA.
Nous avons été informés et avisés - et cette opinion est conforme au témoignage que vous avez reçu de M. von Finckenstein la semaine dernière - qu'étant donné que tous les événements pertinents se sont produits avant l'entrée en vigueur de l'ALÉNA et qu'indépendamment de l'application de la loi, si elle est adoptée, il y a eu résiliation du contrat en décembre 1993, les événements découlant de l'annulation du contrat n'auraient pas de conséquences sur l'ALÉNA.
Le sénateur Beaudoin: L'autre jour, M. von Finckenstein et M. McIlroy n'étaient pas d'accord sur ce point. C'est important à cause de l'ALÉNA. J'ai posé cette question au ministre de la Justice, et M. Rock m'a répondu que le Canada ne contrevient à aucun droit issu de traité ni à aucune obligation en droit international.
Je crois comprendre que vous avez examiné cette question et que vous ne considérez pas que le paragraphe de l'article 8 portant sur l'investissement aurait des conséquences directes ou indirectes sur nos obligations en vertu de l'ALÉNA. Ai-je bien compris qu'il n'y a violation d'aucune obligation?
M. Fried: C'est ainsi que j'interprète l'opinion du solliciteur général et de ses représentants dans notre ministère.
Le sénateur Beaudoin: C'est important. Nous avons discuté en profondeur de la primauté du droit et du droit constitutionnel, mais pas beaucoup du droit international. C'est la première fois que cette question me vient à l'esprit. À votre avis, il n'y a pas lieu de s'inquiéter?
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas son opinion. C'est celle de M. von Finckenstein. Il vient de le déclarer au sénateur Bryden. Il se fonde sur l'opinion de M. von Finckenstein.
M. Fried: Madame la présidente, avec votre permission, vous m'avez présenté comme le directeur général de la politique commerciale. Au ministère des Affaires étrangères, tout comme dans les autres ministères, lorsque des questions juridiques se posent, nous nous tournons vers nos conseillers juridiques pour qu'ils nous donnent une interprétation précise des droits et obligations juridiques, du point de vue national ou international.
La Direction du droit commercial, comme je l'ai expliqué, a apporté ces précisions par l'entremise de M. von Finckenstein et du ministère de la Justice.
Le sénateur Nolin: C'est la même opinion.
Le sénateur Beaudoin: Clarifions ce point.
La présidente: Vous vous rendez compte que M. Fried n'est pas avocat.
Le sénateur Beaudoin: Oui. Mais nous avons maintenant trois opinions. Celle de M. McIlroy, celle de M. von Finckenstein et celle du ministre de la Justice, qui est évidemment celle du ministère de la Justice. Cela fait deux contre un.
J'ai simplement posé la question. Je ne dis pas que je suis d'accord ou pas d'accord. Je pose la question parce que c'est une question de droit intéressante.
La présidente: Merci, monsieur Fried, d'être venu comparaître ce matin et d'avoir amené M. Fréchette.
Le sénateur Doyle: Le ministre du Commerce international comparaîtra-t-il devant nous?
La présidente: Non, le ministre du Commerce international ne comparaîtra pas et le ministre des Transports non plus.
Sénateurs, j'ai convoqué l'étude article par article du projet de loi à 14 heures cet après-midi. Si le comité le souhaite, nous pouvons procéder à cette étude ce matin. Que voulez-vous?
Le sénateur Milne: Faisons-le ce matin.
La présidente: Vous aimeriez le faire ce matin. Êtes-vous d'accord pour que nous procédions tout de suite à l'étude article par article au lieu de nous réunir à nouveau cet après-midi à 14 heures?
Le sénateur Doyle: Il n'y aura aucune occasion d'interroger le ministre du Commerce international ou le ministre des Transports? Le ministre des Transports précédent a largement déclenché les événements dont nous discutons depuis deux ans. Je pense que le nouveau ministre devrait être prié de donner son aval à ce qui s'est produit avant lui ou à ce qui est nouveau, selon son interprétation.
La présidente: Sénateur Doyle, comme vous le savez, par l'entremise de la greffière, je l'ai invité oralement à témoigner. J'ai ensuite écrit mardi dernier au ministre des Transports. J'ai reçu ce matin une lettre du ministre des Transports indiquant que son emploi du temps ne lui permettait pas de comparaître devant le comité. Je crois qu'il a envoyé copie de cette lettre au sénateur Nolin, à titre de vice-président, mais je verrai à ce que vous en receviez copie vous aussi.
Le sénateur Doyle: Pouvons-nous reporter l'étude article par article au début de notre séance cet après-midi?
La présidente: Souhaitez-vous attendre à 14 heures cet après-midi pour effectuer l'étude article par article? Est-ce la volonté du comité?
Le sénateur Beaudoin: Je préférerais cela. C'était prévu pour 14 heures.
La présidente: Je n'agirai pas unilatéralement. J'ai demandé si vous vouliez procéder maintenant ou si vous préfériez attendre. Si vous préférez attendre à 14 heures, nous nous retrouverons ici à 14 heures pour l'étude article par article.
La séance est levée.
OTTAWA, le lundi 10 juin 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est réuni ce jour, à 14 heures, pour étudier le projet de loi C-28 concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson International.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous allons maintenant commencer l'étude article par article du projet de loi C-28. Êtes-vous d'accord pour commencer immédiatement?
Le sénateur Milne: Oui.
La présidente: L'article un est-il réservé?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 2 est-il réservé?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 3, modifié, est-il adopté?
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais savoir si les amendements proposés sont les mêmes que ceux qui ont été distribués la semaine dernière, ce qui pourrait accélérer la procédure?
Le sénateur Bryden: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Mot à mot?
Le sénateur Bryden: Avec cette différence, sénateur Lynch-Staunton - c'est-à-dire, si vous avez la même copie que moi - que mes amendements comportent des notes marginales.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai pas de notes marginales.
Le sénateur Bryden: Il y avait également un intertitre dans les miens.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai certains intertitres. Je tiens à m'assurer que nous utilisons tous la même version.
Le sénateur Bryden: Je suis disposé à proposer les amendements à mesure, article par article.
Le sénateur Lynch-Staunton: En sera-t-il fait lecture?
La présidente: Je vais demander au sénateur Bryden de les lire un par un.
Le sénateur Lynch-Staunton: Avant d'examiner le premier amendement, je tiens à réitérer deux choses, premièrement, nous qui siégeons de ce côté estimons qu'il est tout à fait irrégulier de procéder de cette façon - d'examiner un projet de loi et ses amendements pendant qu'une instance judiciaire est en cours. Nous avons présenté nos arguments à ce sujet ici et ailleurs; je tiens à les répéter puisque nous entamons cette étape.
Deuxièmement, nous estimons que les amendements proposés sont, pris globalement, tout à fait contraires au principe du projet de loi. Ces amendements contiennent en effet des éléments qui viennent contrarier et contredire ce qu'énonce le projet de loi, tant sur le plan du fond que de la forme.
C'est donc après avoir formulé ces deux objections importantes que nous acceptons de procéder à l'examen des amendements. C'est également pour ces deux raisons que nous ne les appuierons pas.
La présidente: Sénateur Bryden, voulez-vous lire votre amendement à l'article 3?
Le sénateur Bryden: Oui. Je propose:
Que l'article 3 du projet de loi C-28 soit modifié par substitution, aux lignes 2 et 3, page 2, de ce qui suit:
«présente loi, les accords n'ont aucun effet juridique après le 15 décembre 1993.»
La présidente: Voulez-vous en discuter? Sinon, l'article 3 modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Nous allons passer maintenant à l'article 4.
Le sénateur Bryden: Je propose:
Que l'article 4 du projet de loi C-28 soit modifié par substitution aux lignes 4 à 8, page 2, de ce qui suit:
Engagements, droits, titres, et cetera.
Il demeure entendu que, par application de la présente loi, tous les engagements, droits, titres, intérêts, domaines et obligations prévus par les accords, ainsi que la responsabilité qui y est liée, n'ont aucun effet juridique après le 15 décembre 1993.
La présidente: Voulez-vous en discuter? Sinon, l'article 4, modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Nous allons passer maintenant à l'article 5, si vous le voulez bien.
Le sénateur Bryden: Je propose:
Que l'article 5 du projet de loi C-28 soit modifié par substitution, aux lignes 9 à 17, page 2, de ce qui suit:
Droits fonciers
«5. Il demeure entendu que, par application de la présente loi, tous les domaines, droits, titres et intérêts sur des biens immeubles visés par un document mentionné en annexe et sur les biens visés par les articles 6 et 18 de la partie I de l'annexe de toute personne dont les droits proviennent d'une partie à un accord, à l'exception de Sa Majesté, n'ont aucun effet juridique après le 15 décembre 1993.»
La présidente: Discussion? L'article 5, modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 6 est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Passons à l'article 7.
Le sénateur Bryden: Je propose:
Que le projet de loi C-28 soit modifié par substitution à l'intertitre précédant l'article 7 et aux lignes 23 à 40, à la page 2, et aux lignes 1 à 3, à la page 3, de ce qui suit:
Responsabilité
7.(1) Seule une indemnité sous la forme de dommages-intérêts - à l'exclusion de toute autre forme de réparation - peut être accordée, uniquement en conformité avec l'article 8, dans une action ou autre procédure intentée contre Sa Majesté, avant ou après l'entrée en vigueur de la présente loi, et liée:
a) à la demande de propositions,
b) aux négociations qui ont suivi cette demande;
c) à un accord;
d) aux avis ou services fournis à Sa Majesté à l'égard d'un accord;
e) à toute mesure prise par le gouvernement du Canada à l'égard de l'annonce de l'annulation des accords.
Immunité
(2) Dans une action ou autre procédure intentée avant ou après l'entrée en vigueur de la présente loi et liée à l'un des éléments mentionnés aux alinéas (1)a) à e), aucune réparation ne peut être accordée à l'encontre d'un ministre, d'un préposé, d'un mandataire de Sa Majesté ou de toute autre personne engagée pour fournir des avis ou services à Sa Majesté à l'égard des accords, au titre des gestes - actes ou omissions - accomplis dans l'exercice, réel ou prétendu tel, de leurs attributions.
La présidente: Discussion? L'article 7, modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Article 8.
Le sénateur Bryden: Je propose:
Que l'article 8 du projet de loi C-28 soit modifié par substitution, aux lignes 4 à 7, page 3, de ce qui suit:
8.(1) Dans les actions ou autres procédures visées au paragraphe 7(1), une indemnité sous la forme de dommages-intérêts ne peut être accordée qu'à l'égard des réclamations qui satisfont aux conditions suivantes:
a) être liées directement aux terminaux 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson;
b) être recouvrables en droit contre Sa Majesté.
Restriction
(2) Dans les actions et procédures visées au paragraphe (1), aucune indemnité ne peut être accordée à l'égard:
a) des profits non réalisés par l'auteur d'une réclamation ou par toute autre personne, ou des pertes de revenus futurs dont le versement était conditionnel à l'exécution et la mise en oeuvre d'un accord;
b) des sommes versées pour lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, à l'égard d'un accord;
c) des investissements dans une société ou personne morale contrôlée par un ou plusieurs associés de la Société en commandite T1T2 ou l'entité qui le contrôle et qui ont donné lieu à un changement de contrôle de la société ou de la personne morale;
d) de la perte de valeur d'une action, d'une participation dans une société ou d'un investissement;
e) des dommages non compensatoires, punitifs, exemplaires ou majorés.
La présidente: Discussion? L'article 8, modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 9 est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 10 est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 11 est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'article 12 est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'annexe est-elle adoptée?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adoptée.
Le titre est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Le projet de loi, modifié, est-il adopté?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
Le rapport du projet de loi, modifié, va-t-il être présenté au Sénat?
Des sénateurs: D'accord.
Le sénateur Lynch-Staunton: Madame la présidente, avant de mettre fin à ce débat, je tiens à indiquer une nouvelle fois, pour le procès-verbal, que nous n'avons pas pris position au sujet des amendements. Nous n'avons pas voté en faveur de ces amendements, ni contre eux. Nous nous sommes abstenus. Cela devrait être noté pour les motifs que j'ai indiqués. J'aimerais que ces motifs figurent dans le rapport. Il semble, qu'en l'absence d'unanimité, il soit possible de faire figurer dans le rapport les commentaires des membres dissidents. J'ai donc une déclaration très brève que j'aimerais voir figurer dans votre rapport. Je vais la lire:
Les membres du Parti progressiste-conservateur du comité ne peuvent appuyer les amendements proposés par le gouvernement pour le moment -
J'ai souligné les mots «pour le moment» pour les mettre en évidence.
- et demandent le rejet du projet de loi C-28, modifié, pour les raisons suivantes:
1. Les amendements proposés par le gouvernement sont contraires au principe du projet de loi C-28 et auraient donc dû faire l'objet d'un nouveau projet de loi présenté à la Chambre des communes.
2. Un projet de loi qui touche directement une instance judiciaire ne devrait même pas être examiné, encore moins adopté, pendant que l'instruction suit son cours.
Les membres du Parti progressiste-conservateur déplorent également le fait que le ministre des Transports, qui a parrainé le projet de loi C-28, et le ministre du Commerce international aient refusé de comparaître devant le comité et de témoigner sur le fond du projet de loi.
Je demande que cela figure dans le rapport du comité.
La présidente: Honorables sénateurs, le comité souhaite-t-il inclure ces commentaires?
Je suis certaine que le ministre des Transports a effectivement refusé de donner suite à la demande que lui avait présentée officiellement le comité. Par contre, pour ce qui est du ministre du Commerce international, aucune demande en ce sens ne lui a été transmise.
Le sénateur Lynch-Staunton: S'il n'a pas été invité, je vais immédiatement supprimer ce passage. Veuillez m'excuser. Je vais modifier ce paragraphe pour qu'il se lise ainsi:
... déplorent le fait que le ministre des Transports, qui a parrainé le projet de loi C-28, ait refusé de comparaître devant...
La présidente: Souhaitez-vous discuter de ce sujet?
Le sénateur Bryden: Je n'ai rien contre le fait d'inclure cette déclaration pourvu que cela ne soulève pas de problème sur le plan de la procédure.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cela ne soulèvera aucun problème pour ce qui est de Pearson mais cela pourrait soulever un problème politique.
Le sénateur Bryden: Si j'ai bien compris, vous demandez simplement à la présidente de faire figurer vos commentaires dans son rapport?
La présidente: Il ne semble pas prévu que l'on puisse présenter un rapport minoritaire au sujet d'un projet de loi. D'après la greffière, il n'existe aucun précédent interdisant de joindre au rapport général sur le projet de loi un rapport minoritaire, si c'est ce que souhaitent les membres du comité.
Le sénateur Stanbury: Madame la présidente, je tiens uniquement à ce qu'il soit précisé que ces remarques ne font pas partie du rapport du comité. Le comité a été composé d'une certaine façon. Je ne voudrais pas que l'on pense que la majorité du comité a accepté ces remarques ou est prête à y souscrire. Je ne vois pas très bien comment le comité peut inclure dans son rapport des remarques qui ne reflètent pas sa volonté.
Le sénateur Lynch-Staunton: Tout d'abord, le commentaire précise expressément qu'il s'agit de l'opinion des membres du Parti progressiste-conservateur. Cela est mentionné deux fois. Il est très clair qu'il s'agit là de l'opinion de la minorité.
Deuxièmement, pour ce qui est des précédents, je dirais qu'il en existe. Je me souviens avoir participé à une discussion au sujet de la Loi sur les brevets où l'on parlait d'étendre à 20 ans la période de protection accordée aux sociétés pharmaceutiques. À l'époque, le sénateur Kirby avait insisté pour faire figurer dans le rapport une opinion minoritaire ou une opinion dissidente et cela avait été fait.
Ce commentaire vise à exposer les opinions du comité sur le projet de loi à l'étude. Il ne lie personne, si ce n'est les personnes qui partagent ces opinions. Il me paraît souhaitable d'attirer l'attention du Sénat sur ce point.
Le sénateur Stanbury: Je n'ai rien contre, au contraire. J'essaie de trouver un moyen de le faire sans donner l'impression qu'il s'agit du rapport du comité, compte tenu de sa composition.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas le rapport de la majorité. C'est le rapport du comité. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Bryden: Est-il possible de demander au sénateur Lynch-Staunton de faire sa déclaration au moment de la présentation du rapport à la Chambre?
Le sénateur Lynch-Staunton: Toute cette discussion repose sur l'hypothèse que les rapports du comité doivent être unanimes. Si l'on veut que le Sénat soit en mesure d'apprécier les rapports des comités, il paraît souhaitable qu'il soit au courant de toute la gamme des opinions, si cela est possible sans trop alourdir le rapport. Il y a une opinion favorable aux amendements et une autre qui, pour diverses raisons, n'est pas favorable à ces amendements pour le moment.
Nous vous prions d'introduire cette opinion dans le rapport. Elle ne lie pas la présidente, ni les membres du comité qui ne partagent pas cette opinion; elle offre néanmoins l'intérêt d'indiquer aux sénateurs qui vont recevoir le rapport qu'il existe deux opinions opposées au sujet de cette question.
Le sénateur Stanbury: Serait-il préférable d'insérer au début de votre déclaration les mots suivants: «opinion minoritaire des membres du comité appartenant au Parti progressiste-conservateur du comité» ou quelque chose du genre, pour bien préciser qu'il s'agit d'une opinion minoritaire?
La présidente: Techniquement, le rapport du projet de loi mentionne uniquement le fait que le projet a été modifié ou non. C'est la façon traditionnelle dont un comité fait rapport sur un projet de loi. Dans le cas présent, le projet de loi a été amendé. Nous pouvons fort bien préciser que ces amendements n'ont pas reçu l'appui de tous les membres du comité.
Le sénateur Bryden: Le rapport est présenté de la façon habituelle. Rien ne vous empêche de lire cette déclaration pour qu'elle fasse partie du procès-verbal du Sénat. Je ne vois pas l'avantage qu'il y a à introduire cette déclaration dans le rapport de la présidente.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis surpris que l'honorable sénateur s'oppose à cette démarche étant donné que le rapport sur l'enquête Pearson comprenait une opinion minoritaire très détaillée. Nous représentions la majorité à l'époque, mais quelles que soient nos opinions sur ce rapport, nous avons jugé tout à fait approprié d'inclure dans ce rapport des opinions diamétralement opposées aux autres pour que le lecteur puisse mieux comprendre l'ensemble des conclusions, aussi bien favorables que défavorables au rapport majoritaire.
Nous demandons simplement de faire figurer dans le rapport une conclusion très brève proposée par les cinq membres de l'opposition qui font partie du comité. Nous voulons donner ces deux points de vue pour que le Sénat soit mieux en mesure d'évaluer les travaux du comité. Cela ne nuit aucunement aux personnes qui ne partagent pas ces opinions.
Le sénateur Bryden: En incorporant cette opinion à titre de rapport minoritaire, va-t-on offrir des possibilités procédurales devant le Sénat qui n'existeraient pas dans le cas contraire?
La présidente: Nous allons nous renseigner davantage sur cette procédure mais il n'est certainement pas habituel de faire figurer des opinions minoritaires dans les rapports des comités. Dans le cas des enquêtes, comme l'enquête Pearson, il y a déjà eu des rapports minoritaires et majoritaires mais il n'est pas habituel de faire rapport sur un projet de loi de la façon que propose aujourd'hui le sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Gigantès: Si cela n'est pas interdit, le sénateur Lynch-Staunton pourrait peut-être ajouter le mot «minorité» à sa déclaration et dire: «La minorité composée de membres du Parti progressiste-conservateur n'est pas d'accord avec la majorité libérale pour les raisons suivantes:...»
Le sénateur Doyle: Je crois que le sénateur Stanbury ne voudrait pas que l'on puisse penser que des membres de son parti ont adopté la position mise de l'avant par le sénateur Lynch-Staunton. Je peux vous assurer qu'aucun des membres qui siège de ce côté n'aimerait que d'autres pensent que nous sommes de votre avis. Par souci de précision, il devrait être possible d'indiquer que certains n'ont pas bougé lorsque le ministre a donné l'ordre d'avancer.
Il existe certainement des précédents pour cette façon de procéder. Je me souviens que notre comité a souvent transmis des recommandations au ministre accompagnées de commentaires. Nous mentionnions que certains membres du comité avaient proposé certaines recommandations et que d'autres suggestions avaient également été faites. Nous avons utilisé tous les moyens possibles pour bien indiquer, sans aller jusqu'à exiger de longs débats, quelle était notre position. Lorsqu'on lira le procès-verbal de nos travaux, que ce soit dans trois mois ou dans trois ans, on verra uniquement que le comité a adopté le projet de loi et si l'on ne se reporte pas à 20 pages plus loin, rien n'indiquera que le rapport n'était pas unanime. La suggestion présentée par le sénateur Lynch-Staunton n'est peut-être pas tout à fait conforme aux règles officielles mais il faudrait peut-être alors changer ces règles. C'est tout ce que j'ai à dire.
Le sénateur Pearson: Je me souviens qu'après notre étude de la Loi sur les jeunes contrevenants, le rapport indiquait que certains sénateurs n'approuvaient pas certains amendements. Cette fois-là, il y avait en fait des sénateurs des deux côtés de la table. Cette mention visait à indiquer qu'il y avait certains sénateurs qui n'approuvaient pas totalement le rapport.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis disposé à formuler cette déclaration pour qu'elle indique clairement qu'elle ne lie pas les personnes qui entretiennent d'autres opinions - en disant tout simplement que les membres du parti PC du comité ne sont pas en mesure d'appuyer - ou ont déclaré qu'ils n'appuieraient pas, les amendements pour le moment. Je supprimerais le passage suivant «demandent le rejet du projet de loi». La déclaration serait la suivante: «Les membres du parti PC du comité ne peuvent appuyer pour le moment les amendements proposés par le gouvernement parce qu'ils estiment que ces amendements... En outre, ils estiment que le projet de loi qui aura un effet direct...» Voilà le ton qui pourrait être utilisé. Cette déclaration ne mentionnerait pas de façon catégorique qu'il s'agit là de l'opinion du comité. Elle donnerait par contre une idée de l'opinion qu'entretiennent les membres minoritaires.
Le projet de loi auquel le sénateur Kirby avait joint une longue opinion minoritaire est le projet de loi C-91. Je crois également que le rapport sur la TPS contenait des commentaires formulés par les membres du gouvernement qui faisaient partie à l'époque de la minorité. Plus j'y réfléchis, plus je crois que nous allons trouver des exemples de rapports, en particulier ceux qui proposent des amendements, où figure une longue relation et parfois, des commentaires présentés par des membres dissidents.
La présidente: Mme Lank, veuillez nous dire ce que vous avez appris.
Mme Lank: J'ai consulté sur cette question des spécialistes de la procédure de la Chambre, notamment le greffier du Sénat. Du point de vue de la procédure, aspect qui a déjà été abordé par le comité, l'élément important est l'utilisation du mot «recommandation». Il ne faut pas utiliser le mot «recommandation» si l'on ajoute un commentaire concernant une opinion minoritaire. Cela soulèverait des problèmes de procédure parce que l'adoption est une décision du Sénat. Le rapport contiendrait alors des éléments contradictoires. Cependant, si vous formulez cette partie en indiquant qu'il s'agit d'une remarque ou d'un commentaire, et qu'il est clairement indiqué que cela ne fait pas partie des amendements, cela ne devrait soulever aucun problème procédural.
Le sénateur Milne: Mme Lank a répondu à ma première question. Je suis prête à accepter tout cela mais je n'aimerais pas que l'on puisse associer le nom du comité à une déclaration mentionnant que le ministre a refusé de comparaître, parce que si l'on lit sa réponse, on constate qu'il n'a pas refusé de comparaître mais qu'il avait d'autres engagements.
La présidente: Oui. Voici ce que dit sa lettre:
Je réponds à la lettre du 4 juin 1996 de le sénateur Carstairs dans laquelle elle invitait l'honorable David Anderson, ministre des Transports, à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le ministre Anderson a malheureusement un emploi du temps très chargé, tant à Ottawa qu'ailleurs, jusqu'à la fin du mois de juin. Il ne pourra donc donner suite à l'invitation de le sénateur.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je serais heureux de supprimer le mot «a refusé» et de le remplacer par «n'a pas été en mesure», après avoir mentionné cette lettre.
Le sénateur Stanbury: J'ai l'impression que les modifications que vient de proposer le sénateur Lynch-Staunton ont résolu le problème qu'a signalé notre greffière. Je pense qu'il n'y a plus d'objection maintenant.
Le sénateur Bryden: On pourrait peut-être lire cette déclaration.
La présidente: Le sénateur Lynch-Staunton voudrait-il relire sa déclaration et la proposer à titre de motion pour que nous puissions voter sur elle.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je propose d'ajouter ce qui suit au rapport:
Les membres du comité appartenant au Parti progressiste-conservateur ne peuvent appuyer pour le moment les amendements proposés par le gouvernement parce qu'ils estiment que ces amendements sont contraires au principe du projet de loi C-28 et qu'ils auraient donc dû faire l'objet d'un nouveau projet de loi présenté devant la Chambre des communes.
En outre, ils estiment que ce projet de loi, qui va toucher directement une instance judiciaire, ne devrait même pas être examiné, encore moins adopté, pendant que cette instance se poursuit.
Les membres du Parti progressiste-conservateur déplorent également le fait que le ministre des Transports, qui a parrainé le projet de loi C-28, n'ait pas été en mesure de comparaître devant le comité et de témoigner sur le fond du projet.
Le sénateur Gigantès: La greffière n'a-t-elle pas indiqué que le mot «commentaire» risquait de poser des problèmes de procédure ou d'en éviter?
Mme Lank: Le mot «commentaire» convient. Tout comme le mot «observation». Le mot qu'il ne faut pas utiliser est «recommandation».
La présidente: Le mot «recommandation» n'apparaît pas.
Le sénateur Gigantès: Le sénateur Lynch-Staunton pourra-t-il utiliser le mot «observation» ou «commentaire» au début de sa motion?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je présente un texte mais je suis sûr que les auteurs du rapport vont lui donner le titre qui convient.
Le sénateur Gigantès: Nous ne voudrions pas que l'on utilise un titre qui n'a pas été accepté par nous.
La présidente: Êtes-vous prêts à accepter l'introduction suivante «Les membres du Parti progressiste-conservateur présentent les observations suivantes»?
Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement.
La présidente: Quels sont ceux qui appuient la motion du sénateur Lynch-Staunton?
Des sénateurs: D'accord.
La présidente: Adopté.
L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée.