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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
ffaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 20 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre l'étude de la résolution de modification de la Constitution du Canada, article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous poursuivons nos délibérations au sujet de l'article 17. Nous accueillons ce matin l'honorable Allan Rock. Monsieur le ministre, je vous cède la parole, après quoi nous vous poserons nos questions.

M. Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général du Canada: Honorables sénateurs, je suis ici ce matin pour discuter avec vous afin de déterminer si le Sénat devrait adopter une résolution de modification de la Constitution du Canada, aux termes de l'article 43, visant à apporter certains changements aux Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

J'ai suivi le débat qui s'est déroulé au Sénat et j'ai eu l'occasion hier soir de lire la transcription des exposés présentés par Mmes Katherine Brock et Anne Bayefsky, les deux témoins auxquels le comité a demandé une opinion sur l'objectif de la résolution et la procédure à suivre aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l'ensemble, je suis d'accord avec ces deux témoins.

Tout compte fait, la Chambre des communes et le Sénat ont été autorisés par résolution à collaborer, grâce à un processus bilatéral, avec une province qui demande de modifier un volet de la Constitution qui ne touche que cette province, une fois que cette dernière, par l'entremise de son assemblée législative, a exprimé le désir d'effectuer ce changement. La question qui se pose est donc la suivante: quels critères devraient guider le Parlement pour l'amener à prendre une décision en ce sens?

Je remarque que Mme Bayefsky a invité le Sénat à examiner divers facteurs avant de prendre sa décision. Bien sûr, la Constitution ne nous invite pas simplement à approuver des décisions les yeux fermés, à prendre des décisions d'office lorsqu'une assemblée législative provinciale nous le demande; nous avons l'obligation, en tant que législateurs, de nous former une opinion. Il faut alors se demander ceci: quelle procédure devons-nous adopter en pareil cas et quels sont les facteurs dont nous devons tenir compte?

J'ai été très impressionné par les facteurs qu'a énumérés Mme Bayefsky. Le premier a trait à l'étude du processus qu'a utilisé la province pour présenter sa résolution de modification et à la question de déterminer si ledit processus est équitable et démocratique. J'ai remarqué dans la transcription, madame la présidente, que Mme Bayefsky a soulevé diverses questions au sujet du processus utilisé par le gouvernement de Terre-Neuve, à savoir: le processus était-il équitable et démocratique? Y a-t-il eu des audiences publiques? A-t-on tenté de procéder à une réforme non conforme à la Constitution? Y a-t-il eu des négociations avec les parties intéressées? A-t-on tenu un référendum? Des élections ont-elles porté, en partie, sur cette proposition précise? Ce sont là effectivement nombre des questions que nous nous sommes posées au Cabinet et à l'autre endroit avant de prendre notre décision, à savoir que nous devions adopter une résolution.

[Français]

Compte tenu également de la protection des droits de la minorité et de l'historique de la motion, notamment du processus suivi jusqu'à son adoption, nous sommes arrivés à la conclusion qu'elle méritait l'appui du Parlement, et nous avons considéré plusieurs choses pour en arriver à notre position. Tout d'abord, le processus en tant que tel, c'est-à-dire, la présentation de la résolution par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador.

Deuxièment, la nature et la portée de la participation des confessions à la prise de décision administrative et financière dans le système d'éducation de Terre-Neuve ont été matière à controverse pendant des générations. Nous avons appris que cela a fait l'objet d'une Commision royale d'enquête qui a fait les recommandations que l'on retrouve dans la modification proposée pas plus tard qu'en 1992.

Troisièmement, qu'il y a eu de longues négociations et discussions entre le gouvernement de cette province et les dirigeants des confessions en cause. Quatrièmement, qu'il y a eu un référendum au mois de septembre dernier dans lequel on a demandé à la province son point de vue sur la question de savoir si cette réforme devait être réalisée. Cette proposition a été approuvée par un vote majoritaire.

[Traduction]

Dernier facteur, à la fin du mois dernier, l'Assemblée législative de Terre-Neuve a adopté une résolution à l'unanimité demandant au Parlement d'agir immédiatement pour donner effet à cette modification constitutionnelle.

Le deuxième critère qu'a proposé Mme Bayefsky était que, une fois établi le caractère équitable et démocratique du processus, il faut se demander si justement le processus proposé désavantage déraisonnablement une minorité. Permettez-moi de dire, honorables sénateurs, que je crois fermement que les propositions présentées par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador concernant l'éducation confessionnelle sont tout à fait conformes à ce critère.

À l'autre endroit, nous nous sommes demandé si la modification proposée empiète sur les droits à l'instruction dans la langue de la minorité à Terre-Neuve et au Labrador ou abolit ces droits. Nous avons également pris en compte le fait qu'il n'y a aucune majorité confessionnelle dans la province. Contrairement à d'autres provinces, il n'y a pas de confession religieuse numériquement majoritaire. Nous avons également pris en considération que les changements proposés ont les mêmes répercussions sur chacune des sept confessions. Nous en sommes venus à la conclusion, après une interprétation équitable de la résolution de modification et une évaluation équilibrée de ses effets, que ce qui est ici en cause, c'est véritablement une modification à la façon dont les droits pertinents seront exercés et à la façon dont les écoles confessionnelles seront administrées. La question n'est pas de savoir s'il y aura de telles écoles, car cela sera sûrement le cas, mais plutôt de déterminer comment elles devraient être administrées et régies, et c'est cela qui va changer.

Même après l'adoption de la modification, il y aura toujours des écoles confessionnelles à Terre-Neuve et au Labrador. La Constitution reconnaîtra toujours à ces confessions religieuses le droit d'avoir leurs écoles. L'éducation, les activités et les pratiques religieuses demeureront une caractéristique essentielle du système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador. La modification n'abolira pas le système d'éducation confessionnelle et elle n'effacera pas le rôle des groupes religieux dans le domaine de l'éducation. Selon la modification qui est proposée, il y aura des écoles confessionnelles là où les parents en feront la demande et lorsque le nombre d'élèves le justifiera.

Je remarque avec intérêt que Mme Bayefsky a dit que, dans les faits, certaines minorités religieuses continueront d'être largement protégées. Voici ce qu'elle a dit:

...contrairement à ce qui passe dans beaucoup d'autres provinces, les minorités continueront toujours de jouer un rôle important dans le système d'éducation, en fait elles auront beaucoup plus de pouvoirs et elles exerceront un plus grand contrôle.

N'oublions pas, honorables sénateurs, que les droits confessionnels demeureront enchâssés à l'article 17.

La troisième question qu'a soulevée Mme Bayefsky dans son témoignage portait sur les effets possibles de la modification sur d'autres provinces; elle s'est demandé également si un précédent serait établi qui pourrait mettre en péril l'éducation religieuse ailleurs. J'ai parlé de cette question à l'autre endroit et je vais résumer très brièvement ce que j'ai dit.

Premièrement, à maints égards, la situation à Terre-Neuve et au Labrador est unique. Pour avoir une certaine valeur, un précédent doit reposer sur des faits semblables ou sur des principes similaires, sinon identiques. Il serait difficile de trouver, un jour, ailleurs au Canada une situation qui reproduirait les mêmes principes et circonstances qui sont présents dans cette affaire. Mis à part l'examen des juristes quant à savoir si ces faits constitueraient un précédent, l'hypothèse selon laquelle ils lieraient les mains du Parlement dans des causes futures ne tient pas compte de la proposition voulant que dans chacune des ces situations, le Parlement doit se former un jugement indépendant.

En tant que députés, nous sommes tenus de tirer nos propres conclusions à partir des faits pertinents à chaque situation et de nous demander si nous devons collaborer avec une province à l'adoption d'une modification bilatérale. Si dans l'avenir, certains soutiennent que nous devrions adopter une proposition seulement parce que l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve a été modifié grâce à ce processus, cet argument ne tiendra pas et ne pourra pas tenir. Nous devrons à ce moment-là exercer notre jugement et nous baser sur les faits en l'espèce. Cela est vrai, madame la présidente, plus particulièrement en ce qui concerne l'article 93 traitant de l'éducation religieuse dans les écoles. C'est à nous qu'il appartiendra de nous faire notre propre opinion si des causes se présentent à l'avenir.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et de voir si cette résolution pourrait constituer un certain précédent qui risquerait de mettre en péril ces mêmes droits qui sont enchâssés à l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour adopter une telle modification, il faudrait utiliser la formule générale d'amendement. Cela ne fait aucun doute. Au moins sept provinces comptant au minimum 50 p. 100 de la population devraient accepter cette modification. On ne pourrait pas procéder de façon bilatérale.

Bien sûr, la cause qui nous est soumise n'a absolument rien à voir avec une proposition qui viserait à modifier les droits à l'instruction dans la langue de la minorité prévus à l'article 23. De même, les droits des Autochtones sont enchâssés aux articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ces droits ne peuvent pas être modifiés de façon bilatérale, de concert avec une province. Ces articles ne peuvent être modifiés sans l'application de la formule générale d'amendement qui exige l'approbation d'au moins sept provinces comptant au minimum 50 p. 100 de la population.

Mmes Bayefsky et Brock ont toutes deux indiqué que la question implique un équilibre des intérêts et je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec elles. Voici ce qu'a dit Mme Bayefsky:

Je crois que la question des droits et de leur protection doit être en équilibre avec les droits de toute une série de groupes différents et que nous aurions tort de nous concentrer seulement sur un seul de ces droits.

Voici ce qu'a dit Mme Brock:

Il faut établir clairement que la modification porterait préjudice aux droits de la minorité et que ce préjudice ne serait pas compensé par les gains réalisés au chapitre de la qualité de l'éducation ou des droits que les autres groupes pourraient obtenir dans la société. Par exemple, il faut établir un équilibre entre les droits de la minorité et le droit des parents de décider où ils veulent envoyer leurs enfants à l'école.

[Français]

Et je partage ces points de vue. Le Sénat, d'après moi, devrait se servir de ces critères. Il s'agit de critères que le Cabinet, aussi bien que la Chambre des communes ont utilisés. A mon avis, la modification concernant Terre-Neuve met en équilibre les droits de ceux et celles qui sont touchés par ce changement. Ces droits sont les suivants:

[Traduction]

Premièrement, le droit des enfants de Terre-Neuve à la meilleure éducation possible; deuxièmement, le droit des parents de décider où ils veulent envoyer leurs enfants à l'école; troisièmement, les droits de chaque confession religieuse; et quatrièmement, les droits des représentants élus de Terre-Neuve et du Labrador d'assurer le système d'éducation qu'ils jugent le plus approprié.

Voilà, madame la présidente, qui met un terme à ma déclaration liminaire. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre aux questions des honorables sénateurs.

Le sénateur Beaudoin: Je reconnais que la question principale est que, puisque l'article 17 stipule que le droit aux écoles confessionnelles est toujours protégé par la Constitution, le transfert des droits de catégories de personnes à l'État est une question d'équité et de raison. Je reconnais aussi que pour modifier les droits des Autochtones, il faut recourir à la formule d'amendement 7/50. En ce qui concerne les droits à l'éducation dans la langue de la minorité prévus à l'article 23, c'est la formule 7/50 qu'il faut utiliser, à tout le moins. Je suis tout à fait d'accord.

Ma seule hésitation concerne la question de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour le Québec et l'article 23 de la Loi sur le Manitoba pour cette province. Avant que la Charte des droits ne soit adoptée, la Cour suprême avait établi que les articles 133 et 23 ne pouvaient pas être scindés. La question est la suivante: depuis l'adoption de la Charte des droits en 1982, ces articles peuvent-ils être scindés? Si je vous pose la question, c'est que nous scindons déjà l'article 93 qui dit que l'éducation est de compétence provinciale, moyennant certaines restrictions. Il faut respecter les droits confessionnels, donc l'article peut être scindé. Je suis d'accord.

Si le principe vaut pour l'article 93, ne vaut-il pas pour l'article 133 concernant le Québec et l'article 23 concernant le Manitoba? Manifestement, Terre-Neuve peut, en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, réclamer l'adoption d'une modification bilatérale. Je suis tout à fait d'accord. Cependant, pourrait-on faire la même chose dans le domaine des droits linguistiques? Je suis porté à croire que oui. Je pense à un cas où les autorités de la Saskatchewan ont dit: «Nous sommes bilingues, mais nous pouvons modifier notre constitution interne pour devenir une province unilingue». La Cour suprême a dit dans l'affaire Andrews que cela était possible.

Je reconnais que les droits linguistiques et les droits confessionnels sont différents. En fait, les droits confessionnels sont des droits collectifs alors que les droits linguistiques ne sont probablement pas des droits collectifs. Il y a une grosse différence.

Si vous soutenez que l'article 93 peut être scindé -- et je crois que vous avez tout à fait raison -- et si vous prétendez que l'article 43 s'applique -- là encore je crois que vous avez raison -- ne pourriez-vous pas utiliser le même argument en ce qui concerne les droits linguistiques?

M. Rock: Madame la présidente, la question que soulève le sénateur Beaudoin est intéressante et, je dirais, toujours en suspens. J'ai mon opinion sur la question, mais avant de vous en faire part, j'aimerais peut-être dire que peu importe la réponse à la question -- et je dis cela avec tout le respect que je dois au sénateur Beaudoin -- cela n'a rien à voir avec la question politique qui est de savoir si une résolution devrait être adoptée dans ce cas pour modifier l'article 17. Autrement dit, si, sur le fond, vous êtes persuadée que le fait de modifier l'article 17 pour le système scolaire de Terre-Neuve est une bonne idée, en se basant sur les facteurs dont j'ai parlé dans ma déclaration liminaire, le seul fait que les articles qu'a invoqués le sénateur pourraient aussi faire l'objet d'une modification bilatérale ne devrait pas nous empêcher d'adopter la résolution. Je pense qu'on mêle ici les pommes et les oranges.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question qu'a soulevée l'honorable sénateur.

On pourrait soutenir qu'il est possible d'invoquer l'article 43 pour effectuer une modification bilatérale à la Loi sur le Manitoba, par exemple. Cependant, je m'empresse d'ajouter deux choses. Premièrement, une telle modification ne pourrait abroger les droits prévus à l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord.

M. Rock: Deuxièmement, comme je l'ai dit ce matin à propos de l'article 17, c'est à nous parlementaires qu'il appartiendrait de décider si nous voulons participer à ce changement. Autrement dit, nous devrions décider sur le fond d'une cause future et éventuelle s'il est dans l'intérêt du public d'adopter cette modification. Si nous ne donnions pas notre accord à une résolution présentée à la Chambre des communes, tout pourrait s'arrêter là.

Je sais que cette question intéresse Mary Dawson, qui est à la table avec moi. Elle s'empressera de corriger les erreurs que j'ai faites dans ma réponse. Je l'invite à ajouter ce qu'elle désire.

Mme Mary Dawson, sous-ministre déléguée, ministère de la Justice du Canada: En réalité, je n'aurais pas pu mieux exposer la situation que le ministre. Je pense qu'il a traité tous les aspects que nous avions besoin de connaître.

Le sénateur Beaudoin: Légalement parlant, il y a une distinction entre les droits confessionnels, qui sont des droits collectifs, et les droits linguistiques, qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été reconnus comme des droits collectifs. Je crois que ce sont des droits individuels. En ce sens, il y a une différence. De toute évidence, les autres éléments des articles 133 et 23 concernent la compétence fédérale. Je dirais qu'ils ne peuvent pas être modifiés sans le consentement unanime prévu à l'article 41 ou, à tout le moins, sans l'application de la formule 7/50. Certaines personnes s'en remettent à cet argument pour dire que ce que nous faisons actuellement risque d'être invoqué plus tard. Peut-être que cela ne se produira jamais. Je sais que l'article 93 sera invoqué par le Québec un jour s'il décide de le faire. J'ai l'impression que de fortes pressions s'exercent au Québec actuellement pour qu'on le fasse. Manifestement, le cas de Terre-Neuve ne peut être entièrement distinct du cas du Québec, même si on retrouve certaines différences.

Jusqu'à maintenant, les tribunaux ne se sont pas prononcés catégoriquement, mais vous dites que l'on étudie les cas un à la fois. Nous traitons actuellement d'une question touchant les droits confessionnels. Si un jour on nous soumet une question d'ordre linguistique, le Sénat prendra une décision sur le bien-fondé de la question.

M. Rock: Oui, sénateur, c'est juste.

[Français]

Madame la présidente, on a retardé l'heure du vote à la Chambre des Communes jusqu'à onze heures trente, et donc, heureusement, je pourrai demeurer ici jusqu'à onze heures et demie.

[Traduction]

Le sénateur Milne: On nous a dit que l'un des critères que nous devrions appliquer consiste à savoir si la modification risque de désavantager déraisonnablement une minorité. Existe-t-il des précédents quant à la façon dont des gouvernements ont procédé dans le passé lorsqu'ils ont dû examiner les droits d'une minorité au regard des droits d'un ensemble d'autres minorités? Dans le cas qui nous intéresse, il n'y a pas de majorité, mais plutôt un groupe de minorités différentes.

M. Rock: Je ne connais aucun cas antérieur qui pourrait être semblable sur le fond, ce qui nous ramène aux principes premiers. S'il n'existe aucun précédent sur lequel on peut s'appuyer, nous devons nous en remettre aux principes premiers. C'est ce qui m'a amené ce matin à parler de l'équité, du processus démocratique et des conséquences de ces modifications sur les droits distincts qui sont en jeu.

Je ne répéterai pas ce que j'ai dit ce matin. Lorsque nous examinons la chronologie de la proposition, nous constatons que rien n'a été précipité, que les choses ont été faites de façon méthodique, qu'aucune décision unilatérale n'a été prise; il y a eu des consultations, des négociations, le processus était officiel et il a été approuvé par l'assemblée législative. En fait, tout cela a découlé d'une commission royale d'enquête qui a examiné la situation en détail.

En outre, si la modification était adoptée, vous constateriez que le lendemain matin, il y aurait toujours des écoles confessionnelles et les parents auraient toujours le droit d'effectuer des choix. Faute d'exemples, au moins on peut examiner les principes premiers. À cet égard, j'estime que nous établissons actuellement un exemple pour l'avenir, un exemple dans lequel tous les critères appropriés ont été pris en compte, et que nous devons établir qu'il faut respecter la décision de la province.

Le sénateur Pearson: J'aimerais donner suite à une question que j'ai posée mardi. J'ai été heureuse de vous entendre dire que vous vous souciez avant tout des droits des élèves. J'ai de la difficulté à voir, lorsqu'on parle des minorités, où se situent les droits des élèves. Est-ce que vous les incluez dans les droits de la minorité confessionnelle, tout en reconnaissant qu'en même temps les élèves peuvent avoir la liberté de religion et de conscience? J'espère qu'en cours de route, nous pourrons discuter des droits des élèves.

M. Rock: Je sais que le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador comparaîtra lors de vos audiences à Terre-Neuve. Le ministre Grimes pourrait vouloir parler de la situation des élèves actuellement et de ce que la province prévoit pour eux à l'avenir.

Pour ma part, j'ai constaté lors des discussions à la Chambre et au Cabinet que beaucoup soutiennent qu'il y a place pour l'amélioration dans le système scolaire de Terre-Neuve et du Labrador et que les améliorations que cette modification pourrait apporter seront à l'avantage des élèves. Bien sûr, les droits des élèves de Terre-Neuve et du Labrador sont les mêmes que ceux accordés aux élèves partout au Canada, le premier étant le droit au meilleur système d'éducation que l'on puisse leur donner.

Le gouvernement provincial a exprimé la ferme conviction que l'adoption de la résolution visait à améliorer le système d'éducation. En pareil cas, les droits des élèves, d'après les preuves que j'ai, justifieraient l'adoption de la modification.

Le sénateur Pearson: Le comité entendra un groupe de jeunes. Vous n'avez pas tellement éclairé ma lanterne en ce qui concerne la question plus fondamentale des droits des élèves à s'opposer aux désirs des parents. Je pense que nous devons permettre aux élèves de participer aux décisions qui les touchent.

M. Rock: Cela va peut-être au-delà de la portée de cette question précise et impliquerait les parents et les élèves eux-mêmes qui devraient discuter ce qu'ils veulent faire de leur système d'éducation. Bien sûr, la compétence de la province entre peut-être en jeu en ce qui concerne l'administration du système scolaire.

Le sénateur Doody: Il y a un instant, vous avez dit que rien n'avait été précipité. Je présume que vous vouliez dire au Parlement et non au Sénat.

M. Rock: Je voulais dire à Terre-Neuve.

Le sénateur Doody: Vous avez dit «ici» et j'ai tout de suite pensé à la requête du gouvernement de Terre-Neuve qui est arrivée dans les bureaux du gouvernement au mois de novembre et qui a été présentée au Sénat le 31 mai, et on a exercé des pressions sur nous pour que nous l'adoptions immédiatement sinon c'était le «chaos» dans les écoles de Terre-Neuve si le Sénat n'approuvait pas cette résolution immédiatement et la laissait suivre son cours.

Je suis content de voir que le Sénat a accepté que notre comité tienne des audiences sur la question, même si je n'ai pas l'impression qu'on aura suffisamment de temps pour le faire, compte tenu de l'importance de la question pour un grand nombre de Terre-Neuviens qui estiment que le processus n'a pas été si équitable que cela. Beaucoup croient que la question a été biaisée, que les modifications proposées ont été présentées un peu de la même façon et que les suggestions et les propositions de changement qui ont été avancées par les divers groupes confessionnels à Terre-Neuve n'ont pas eu l'écho qu'elles auraient dû avoir.

Je sais que divers groupes de Terre-Neuviens ont écrit au premier ministre, mais je n'ai vu aucune réponse. D'après ce que j'en comprends, les revendications des catholiques romains et des pentecôtistes à cet égard sont tombées dans l'oreille d'un sourd. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Rock: Je sais qu'il s'agit d'une question controversée, que certaines personnes n'acceptent pas cette modification et critiquent la proposition. Rien d'étonnant, cependant, à ce qu'il n'y ait pas unanimité. On propose des changements pour déterminer qui aura le pouvoir d'assurer la direction du système scolaire à Terre-Neuve et au Labrador. La modification proposée vient changer la façon dont on fait les choses depuis des générations.

Tout ce que je peux dire, c'est qu'on discute de modifications depuis de nombreuses années. Il faut supposer que les négociations ont été menées de bonne foi, mais elles n'ont pas débouché sur une entente. Même s'il n'était pas tenu de le faire, le gouvernement a tenu un référendum qui a été approuvé par une majorité. Je suis au courant du nombre d'électeurs qui ont exercé leur droit de vote, mais tout le monde avait le droit de voter.

Le sénateur Doody: Je ne conteste pas cela.

M. Rock: Ensuite, l'assemblée législative a adopté une résolution aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle, laquelle est nécessaire pour provoquer l'implication du gouvernement fédéral, et plus récemment, elle a adopté une résolution à l'unanimité. Bien sûr, tout le monde n'est pas d'accord, mais si on attend d'avoir l'unanimité pour faire quelque chose, on ne fera rien. Ce dont nous discutons aujourd'hui, c'est d'un processus au sujet duquel les gens ont eu la possibilité de donner leur opinion -- campagne électorale, référendum, débats publics, commission royale -- et, finalement, le gouvernement a décidé d'agir.

Permettez-moi également d'ajouter, sénateur, qu'il y a un autre facteur que nous ne devrions pas perdre de vue: il y a eu des élections provinciales au cours desquelles le gouvernement qui cherchait à se faire réélire a présenté un programme qui incluait des changements au système scolaire et ce gouvernement a été élu avec une écrasante majorité. À un moment donné, comme pour toute autre question, même s'il y a des personnes qui ne sont pas d'accord, le gouvernement doit agir. Dans ce cas, le gouvernement provincial a agi. On nous a demandé de participer à un processus bilatéral visant à faire adopter une modification.

En tant que gouvernement, nous avons analysé les antécédents, nous avons examiné le processus, la participation qu'on nous demandait, et en dépit du fait qu'il y a des gens qui ne sont pas contents, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait adopter la résolution. Bien sûr, je suis ici aujourd'hui pour vous expliquer comment nous en sommes arrivés à cette décision et pour vous aider à faire de même.

Le sénateur Doody: Monsieur le Ministre, rien de ce que vous avez dit ne change quoi que ce soit au fait que l'article 17 a été adopté pour protéger les droits des minorités et qu'on veut aujourd'hui le modifier sans le consentement de ces minorités.

M. Rock: Vraiment?

Le sénateur Doody: Oui, tout à fait.

M. Rock: Qui parle au nom des minorités, sénateur?

Le sénateur Doody: Leurs représentants élus aux conseils scolaires, les deux tiers des représentants élus aux conseils scolaires catholiques romains, les associations parents- enseignants, les élèves, toutes des personnes qui seront représentées à notre comité à St. John's. Ces gens vont nous dire clairement qu'à leur avis, l'adoption de cette modification viendra diminuer leurs droits. En fait, le premier ministre de la province de Terre-Neuve reconnaîtra bien franchement que cette modification législative viendra diminuer leurs droits.

M. Rock: Comme je l'ai dit ce matin, il ne fait aucun doute que la résolution vient modifier la façon dont les conseils scolaires confessionnels sont administrés. Il ne fait aucun doute que cela change la façon dont les droits sont exercés. C'est très clair. Mais il demeure que l'enseignement sera toujours dispensé par les écoles confessionnelles de Terre-Neuve et du Labrador. Il demeure également que même si divers groupes minoritaires se sont dits contre cette mesure, les minorités prises dans leur ensemble représentent 95 p. 100 de la population de la province. Le fait est que par suite d'un vote majoritaire lors d'un référendum provincial, la proposition a été adoptée. Et le fait est, sénateur, que la simple existence d'un article vieux de 50 ans ne signifie pas qu'il ne peut pas être changé.

La Constitution prévoit des modifications bilatérales. Le simple fait que l'article ait été adopté il y a 50 ans ne signifie pas qu'il ne peut jamais être modifié. La Constitution est un document vivant et souple qui doit s'adapter aux réalités nouvelles.

Le sénateur Doody: Même si l'article a 50 ans, il assure toujours la protection d'une importante minorité à Terre-Neuve et leur confère des droits en vertu des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. Il est fort peu probable que Terre-Neuve serait entrée dans la Confédération sans cette assurance même si les conditions avaient été négociées après le référendum, qui, en toute justice, devrait être repris, mais cela a été accepté par la majorité. Bien sûr, dans la partie de la province dans laquelle j'ai grandi, cette protection serait accordée pour l'éducation confessionnelle et pour le système que nous connaissons depuis des générations et qui nous a bien servis.

Il existe une sorte de mythe dans les couloirs du Parlement, voulant que le système d'éducation de Terre-Neuve soit en très mauvaise posture et qu'il ne se compare pas favorablement aux autres. C'est là un autre mythe que nous dissiperons lorsque nous entendrons les représentants du système scolaire de la province. Je me demande encore comment vous pouvez nous assurer que les droits qui sont actuellement exercés par les minorités de Terre-Neuve continueront d'être protégés si cette modification est adoptée.

M. Rock: J'ai aussi parlé ce matin de l'équilibre des droits. Dans une société comme la nôtre, si nous voulons gouverner au nom de l'intérêt du public, aucun droit précis ne peut être absolu et avoir préséance sur tous les autres. Nous devons faire de notre mieux pour reconnaître les droits d'une façon sensée.

Le sénateur Doody: Pourquoi avons-nous besoin de la Constitution?

M. Rock: Le fait est qu'il est ici question, sans l'ombre d'un doute, d'une modification à la façon dont ces droits sont exercés. Certains nous ont fait part d'arguments très solides, à savoir que ces changements sont nécessaires pour améliorer le système scolaire, qu'ils sont nécessaires pour moderniser le système scolaire, pour permettre à la province, avec ses ressources, d'offrir la meilleure éducation possible aux élèves. Oui, il va y avoir un changement. Non, les choses ne seront pas exactement comme elles étaient, mais les éléments fondamentaux du système seront toujours là et la façon dont le système est administré sera améliorée. Cela coûtera moins cher et on obtiendra un meilleur produit. Les éléments fondamentaux seront toujours là, sénateur, parce qu'il y aura toujours des écoles confessionnelles. En fait, il n'y aura pas d'écoles publiques, seulement des écoles confessionnelles. Il y aura des écoles uniconfessionnelles dans certains cas.

Le sénateur Doody: Vous dites qu'il n'y aura pas d'écoles publiques?

M. Rock: Terre-Neuve est unique, comme vous le savez, étant la seule province du pays qui compte uniquement des écoles confessionnelles. Je dis que le droit fondamental des parents d'envoyer leurs enfants dans une école confessionnelle existe actuellement et existera encore une fois la modification adoptée. Ce droit ne sera peut-être pas exercé exactement de la même façon, mais ce changement n'est-il pas suffisamment inacceptable en soi pour que l'on prive une province de ce qui a été démocratiquement décidé pour améliorer son système scolaire?

Le sénateur Doody: Beaucoup de gens à Terre-Neuve pensent exactement de cette façon, ils disent que c'est important.

Le sénateur Lewis: Monsieur le ministre, cette résolution de modification doit être adoptée grâce à la formule d'amendement prévue à l'article 43, je crois.

M. Rock: C'est exact.

Le sénateur Lewis: Je crois que ce processus a été utilisé à plusieurs autres reprises, particulièrement en 1987 dans le but d'accorder des droits aux Assemblées de la Pentecôte en vertu de l'article 17. Je ne me souviens pas du processus utilisé, mais je pense que cela ne ressemblait pas tellement à celui qui est utilisé dans ce cas-ci -- audiences publiques, référendum et le reste.

Le fait d'assujettir les Assemblées de la Pentecôte aux dispositions de l'article 17 a sûrement eu des effets sur les droits des autres confessions qui étaient alors protégées en vertu de cet article. Est-ce que vous savez si quelqu'un a contesté cette modification précise qui a été apportée en 1987?

M. Rock: À ma connaissance, sénateur, personne ne l'a fait.

Le sénateur Lewis: Il semble que cela ait été accepté.

M. Rock: Je crois que oui.

Le sénateur Lewis: Même si, en soi, cette modification influait sur les autres confessions dont les droits étaient modifiés en proportion.

M. Rock: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Le sénateur Beaudoin a parlé de l'article 133 de la loi de 1867 et de l'article 23 de la loi de 1982. Ce qui m'intéresse davantage, c'est de voir comment l'article 43 de la loi de 1982 permet à une province de s'entendre avec le gouvernement fédéral pour effectuer une modification. Vous le savez aussi bien que moi, l'article 23 n'est pas opérant en ce qui concerne le Québec actuellement. La langue anglaise ne jouit pas de la même protection au Québec que celle accordée à la langue française dans toutes les autres provinces parce que l'Assemblée nationale du Québec n'a pas approuvé cette disposition précise. Est-ce exact?

M. Rock: En partie, sénateur. Mary Dawson pourrait peut-être vous donner une réponse détaillée.

Le sénateur Jessiman: Quand croyez-vous que nous serons en mesure d'accorder aux anglophones du Québec la même protection de leur langue que celle dont jouissent les francophones dans les autres provinces du Canada en vertu du paragraphe 23(1)?

M. Rock: Je ne suis pas certain que cela soit pertinent à l'article 17.

Le sénateur Jessiman: Croyez-vous qu'une province pourrait vous demander -- je parle ici du Québec --, seulement dans la mesure où cela touche les gens du Québec, de la dégager de sa responsabilité qui consiste à accepter tout le reste de la Charte mais pas l'article 23?

M. Rock: Il est toujours dangereux de répondre à une question que l'on ne comprend pas complètement, mais permettez-moi de dire quelque chose dont je suis sûr. L'article 23 ne peut être modifié bilatéralement, si ce n'est à l'aide de la formule générale d'amendement. L'article 43 ne peut pas être invoqué pour modifier l'article 23.

Le sénateur: Donc c'est sept provinces et 50 p. 100 de la population?

M. Rock: Oui, au moins, et peut-être a-t-on besoin de l'unanimité. La question fait l'objet de discussions parmi les experts constitutionnels, mais ce n'est certainement pas par voie bilatérale.

Le sénateur Beaudoin: Simplement pour les fins du compte rendu, il a parlé de l'article 23. Je parlais du Manitoba, bien sûr, parce qu'il n'y a pas de débat à ce sujet.

Le sénateur Jessiman: Je me demande ce qu'il advient de l'article 23 de la loi de 1967.

Le sénateur Beaudoin: C'est au moins 7/50, ce n'est pas l'unanimité.

La présidente: C'est là une disposition déroutante. Permettez-moi de rappeler aux sénateurs que lorsque nous parlons de l'article 23, nous parlons soit de l'article 23 de la Loi constitutionnelle, soit de l'article 23 de la Loi sur le Manitoba. C'est de l'article 23 de la Loi sur le Manitoba dont le sénateur Beaudoin parlait.

Le sénateur Cogger: Monsieur le ministre, votre propre collègue, M. Duhamel du Manitoba, a déclaré dans le Journal de Montréal en mars dernier -- et je vais le citer librement -- que l'idée d'enchâsser les droits d'une minorité dans la Constitution est précisément de les soustraire aux référendums et aux caprices des majorités. Dois-je supposer que vous êtes en principe d'accord avec lui?

M. Rock: Il est impossible d'être en désaccord avec une telle déclaration, sénateur. La question est de savoir si elle est pertinente à la modification de l'article 17.

Le sénateur Cogger: Je suppose que vous êtes d'accord aussi pour dire que mis à part l'intérêt que présente le référendum d'un point de vue juridique, ce mode de consultation n'est pas pertinent en l'espèce.

M. Rock: L'article 43 n'oblige pas à tenir un référendum.

Le sénateur Cogger: Nous utilisons le référendum essentiellement, je suppose, pour connaître l'opinion de la population ou, si l'on veut être un peu plus cynique, pour permettre à un gouvernement d'obtenir une majorité, si petite soit-elle, pour justifier ses actes.

M. Rock: Certains témoins du gouvernement provincial pourront vous expliquer pourquoi la province a décidé de tenir un référendum à Terre-Neuve. Comme vous le dites, sénateur, l'article 43 n'oblige pas la tenue d'un référendum.

Le sénateur Cogger: Monsieur le ministre, j'ai posé une question à Mme Brock et à sa collègue et j'aimerais vous la poser maintenant. Il me semble que depuis 1967, toutes les modifications à la Constitution ont constamment élargi la portée de certains droits, accordé des droits ou étendu leur application. Il me semble que ce serait peut-être la première fois qu'une modification constitutionnelle aurait pour effet de limiter des droits, comme vous le dites -- je pense que vous refusez de dire «diminuer». Vous parlez de changer les droits, mais il ne fait aucun doute qu'aux yeux des minorités de Terre-Neuve, leurs droits sont diminués.

M. Rock: Quelles minorités, sénateur?

Le sénateur Cogger: Les catholiques romains, les pentecôtistes. Pourquoi croyez-vous qu'ils poussent les hauts cris?

M. Rock: Lesquelles de ces minorités poussent les hauts cris, sénateur?

Le sénateur Cogger: Les catholiques romains, pour commencer.

M. Rock: Je me demande simplement si nous sommes sur le point d'affirmer catégoriquement ici aujourd'hui qu'il y a une minorité qui prend position. Il y a des minorités au sein des minorités qui ont une opinion différente. Si tout le processus devait être sclérosé à cause d'une absence d'unanimité ou à cause de l'expression d'opinions fermes contre une proposition, il ne fait aucun doute que nous ne réaliserions jamais quoi que ce soit.

Sénateur, il est ici question du désir d'un gouvernement provincial de moderniser son système scolaire. Il n'y a pas d'unanimité; il y a des personnes qui sont contre. Cependant, on a eu recours à un processus ouvert, méthodique et équitable, et aujourd'hui, on demande au gouvernement national d'adopter la résolution proposée.

Si vous souhaitez vous en remettre uniquement à ceux qui sont contre et dire que parce qu'il y a des gens qui s'opposent, nous devons arrêter, je crois alors que nous nuirions au processus bilatéral de modification de la Constitution.

Le sénateur Cogger: Ne me faites pas dire ce que je ne veux pas dire. Bien sûr, monsieur le ministre, vous ne dites pas que parce qu'il n'y a pas une seule minorité identifiable, mais plusieurs petites minorités, cela justifie tout le processus. Si 54,9 p. 100 des électeurs ont voté pour, par conséquent, 45,1 p. 100 ont voté contre. Ces 45,1 p. 100 de personnes sont touchées, peu importe la description que vous en faites.

M. Rock: Le gouvernement national n'agit pas et la Chambre des communes n'a pas adopté sa résolution à cause du résultat du référendum. La Chambre des communes a adopté cette résolution parce que l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador a adopté une résolution nous demandant de participer avec elle à l'adoption d'une modification constitutionnelle en vertu de l'article 43. Nous avons examiné toutes les circonstances, y compris les discussions, les négociations à long terme, le rapport de la commission royale, le résultat des élections provinciales, l'état du système scolaire à Terre-Neuve, la nature des changements proposés et les droits qui subsisteraient une fois la modification adoptée, et nous en sommes venus à la conclusion que c'est ce qu'il nous fallait faire. Ce n'est pas le référendum qui nous a amenés à agir, c'est la résolution de l'assemblée législative dans toutes ces circonstances.

Le sénateur Cogger: Je comprends, monsieur le ministre, et je vous remercie de votre réponse. Mme Brock a dit aussi que le Sénat devrait entre autres tenir compte du fait que nous avons le droit, en fait probablement le devoir, de nous convaincre de la qualité du débat législatif qui a eu lieu. J'ai décidé de lire tout ce qui a été dit à la Chambre des communes à ce sujet et je vais vous dire que je n'ai été nullement impressionné par le raisonnement qu'a offert le Bloc québécois pour voter en faveur de la résolution. La raison pour laquelle les députés du Bloc québécois ont voté pour cette question en se rangeant du côté de votre gouvernement n'a absolument rien à voir avec la qualité de l'enseignement à Terre-Neuve, rien à voir avec quoi que ce soit d'autre que le simple fait d'intégrer dans le régime constitutionnel de notre pays la sanction par le gouvernement fédéral d'un référendum duquel se dégage une faible majorité. Tout est dans les débats, et je ne vais pas vous ennuyer avec les citations. Vous étiez là, j'en suis certain.

Lorsqu'on regarde la qualité du débat législatif, je suppose que nous avons le droit de prendre cela en considération également, n'est-ce pas?

M. Rock: Oui, mais si les arguments ne sont pas sensés, j'espère que vous les mettrez de côté.

Le sénateur Cogger: Si je le fais, votre modification n'est pas adoptée à la Chambre des communes.

M. Rock: Sénateur, vous avez le droit d'examiner tous les débats et de décider ce qui est sensé ou non. Le simple fait qu'un certain nombre de personnes aient dit des choses insensées ne veut pas dire que l'insensé devient pourvu de sens. Quiconque soutient que cette modification crée un précédent dans le contexte de la séparation du Québec dit des choses insensées.

Je ne crois pas qu'il faille examiner l'argumentation derrière cela. C'est trop évident pour vous et je ne veux fatiguer personne avec cela. Cependant, permettez-moi de dire que ce que j'ai compris du témoignage de Mme Brock n'était pas tellement que nous devrions examiner la qualité du débat à la Chambre des communes, ce qui est en soi tout un défi, mais bien plutôt la qualité du débat à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et la qualité des questions qui ont été soulevées et des arguments qui ont été apportés là-bas.

Le sénateur Cogger: Elle n'a rien précisé. Je suppose que l'on peut dire qu'elle parlait du débat ici et à Terre-Neuve.

Vous savez que certains groupes religieux, parfois par le biais de leurs avocats, ont proposé par l'entremise de M. Mills à la Chambre des communes un sous-amendement qui viendrait essentiellement supprimer l'expression «conformément à une loi provinciale» pour la remplacer par l'expression «lorsque le nombre le justifie». Je trouve intéressant de remarquer, monsieur le ministre, que dans vos propres commentaires à la Chambre des communes vous avez dit, et je cite:

Le gouvernement de la province de Terre-Neuve et du Labrador a également déposé un avant-projet de loi prévoyant que des écoles uniconfessionnelles pourraient être créées lorsque le nombre le justifie...

C'est ce que vous avez dit à la Chambre des communes. Puisque vous sembliez utiliser les mêmes termes et invoquer cet argument pour appuyer le projet de loi à la Chambre, prévoiriez-vous également un sous-amendement qui viendrait enchâsser ces mots?

M. Rock: Non, sénateur. Je représente la circonscription d'Etobicoke-Centre et je ne crois pas que le représentant d'Etobicoke-Centre puisse dire à la province de Terre-Neuve et du Labrador comment elle doit formuler ses lois concernant l'administration de son système scolaire. Je ne sais pas comment quelqu'un de Broadview-Greenwood peut faire mieux. Le fait est que nous avons une proposition de modification ici qui a l'appui de l'Assemblée législative de Terre-Neuve et une résolution unanime nous demandant d'agir de façon urgente pour la mettre en oeuvre.

Il y a aussi -- et c'est ce dont je parlais à la Chambre des communes -- l'intention connue du gouvernement provincial de présenter un projet de loi qui reposera sur cette modification, si elle est adoptée, pour s'assurer que lorsque le nombre le justifie, il y aura des écoles uniconfessionnelles. C'est ce dont j'ai parlé à la Chambre des communes.

Je trouve cela intéressant et pertinent au débat, mais je ne vois pas comment nous devrions décider de présenter un sous- amendement que le gouvernement provincial ne juge pas approprié. Il faut se rappeler que l'éducation est une responsabilité provinciale. Le gouvernement a décidé ce qui était bon pour sa province.

Je crois que la Constitution prévoit des changements bilatéraux pour reconnaître que dans certains domaines, comme l'éducation qui est de compétence provinciale, une province peut décider, peut-être pas à l'unanimité, mais démocratiquement, qu'elle veut changer certaines façons de faire et que le gouvernement fédéral doit respecter cela. Dans la mesure où le processus est équitable et démocratique et qu'il ne vient pas abroger les droits des minorités, je crois alors que nous devrions acquiescer à la requête sans imposer de façon capricieuse et à distance des mots qui ne sont peut-être pas appropriés dans la modification.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais poser une question qui découle de l'interrogatoire des sénateurs Doody et Cogger, et qui porte sur les minorités. Je vais vous donner plus de temps, monsieur le ministre, pour nous aider à définir ce qu'est une minorité et à voir qui parle en son nom. Cela sera important pour nous, lorsque nous irons à Terre-Neuve, pour nous aider à replacer les choses que nous entendrons dans leur contexte.

Il y a actuellement à Terre-Neuve sept confessions reconnues, assujetties à l'article 17, dont les catholiques romains, les pentecôtistes, les anglicans, l'Église unie, l'Armée du salut, l'Église adventiste du septième jour. Les Témoins de Jéhovah, par exemple, que je considère comme une minorité religieuse, n'ont pas de droits en vertu de l'article 17. L'Église moravienne non plus. J'ai découvert -- et je ne souhaite pas banaliser le débat -- qu'il y a dix hommes qui font partie des Doukhobors à Terre-Neuve.

Ce que je voudrais avoir, c'est une définition d'une «minorité». Ma deuxième question est la suivante: qui parle au nom de la minorité et comment le déterminons-nous?

M. Rock: Pour savoir comment définir une «minorité», à mon avis, on peut aborder la question du point de vue numérique ou politique. Ce que je trouve intéressant dans ce contexte, sénateur, c'est qu'il y a sept confessions reconnues, comme vous l'avez dit, qui, réunies, constituent 95 p. 100 de la population de la province. En ce sens, c'est une majorité de minorités, si vous voulez. Il n'y a pas de confession unique qui domine toutes les autres.

Lorsqu'on tient un référendum provincial ou des élections provinciales sur une question et que la question est acceptée, ce que l'on a, c'est un ensemble de minorités qui agissent comme «le peuple» et qui acceptent cette résolution.

Le sénateur Rompkey: Qui parle au nom de la minorité et comment déterminons-nous qui le fait?

M. Rock: C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une clarification à la question du sénateur Cogger. Lorsque des individus ou des institutions se rassemblent, il est difficile de savoir au nom de qui ils parlent. Ils prétendent parler au nom de l'ensemble du groupe, mais manifestement, ce n'est pas le cas. J'ai entendu des doléances de tous les milieux et exposant des positions différentes à ce sujet.

Nous devrions recourir aux principes démocratiques et tenir compte de l'opinion de l'assemblée législative provinciale. Ces gens-là sont élus démocratiquement. Ils ont été très clairs. Lors de ce qu'on pourrait appeler un vote libre, ils ont décidé d'adopter la résolution. Comme je le dis, plus récemment, ils ont à l'unanimité demandé au Parlement d'agir de façon urgente.

La société est un ensemble de minorités au sens large du terme. La province de Terre-Neuve et du Labrador compte des groupes confessionnels qui, ensemble, constituent la vaste majorité de la population et leurs représentants élus nous ont demandé d'agir. Le fait qu'il n'y ait pas d'unanimité ne devrait pas nous empêcher d'agir, autrement, nous ne ferons jamais rien.

La présidente: Je tiens à informer les sénateurs qu'il y aura peut-être une réunion d'urgence de notre comité, pas au sujet de l'article 17, mais au sujet des deux autres mesures législatives, cet après-midi pendant que le Sénat siège. Cela n'a pas encore été confirmé mais, si le sénateur Cools intervient au sujet des projets de loi 42 et 48, je crois qu'il y a entente des deux côtés pour que ces projets de loi nous soient soumis et soient retournés à la Chambre cet après-midi. Soyez donc prêts pour cette réunion.

Je rappelle également aux membres du comité de direction que nous avons une autre réunion au sujet de l'article 17 immédiatement après à la salle des francophones.

La séance est levée.


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