Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 38 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui l'honorable Charles Harnick, procureur général de la province de l'Ontario, ainsi que M. David Tilson, son adjoint parlementaire.
Vous avez la parole.
M. David Tilson, adjoint parlementaire du procureur général de l'Ontario: Madame la présidente, je représente la circonscription de Dufferin-Peel qui se situe au nord-ouest de Toronto. C'est un privilège d'être ici aujourd'hui.
Accompagne aujourd'hui l'honorable Charles Harnick, procureur général, Mme Ann Gage, la veuve du sergent Ron McKean. Mme Gage a récemment été soumise à la perturbation et à la détresse causées par sa participation à une audience en vertu de l'article 745 pour l'homme qui a tué son mari. Elle pourra nous faire part de la perspective d'une survivante d'un de ces crimes et nous parler de l'impact d'une de ces audiences. Nous entendrons ensuite M. Gary Rosenfeldt, un survivant dans le contexte des crimes horribles perpétrés par Clifford Olson. M. Rosenfeldt et sa femme travaillent à faire abroger l'article 745 depuis plusieurs années. Il nous fera part de sa perspective sur le projet de loi.
Comme vous le savez, l'article 745 du Code criminel préoccupe grandement les Canadiens ainsi que le gouvernement et la population de l'Ontario. C'est en leur nom que nous comparaissons aujourd'hui.
La préoccupation du gouvernement de l'Ontario a été exprimée dans une résolution que j'ai eu l'honneur de présenter à l'assemblée législative de l'Ontario en avril dernier. Cette résolution a été acceptée à l'unanimité par les trois partis représentés à la législature. Je laisserai des copies de cette résolution à la disposition du comité aujourd'hui. Je ne vais pas la lire dans son entièreté. Elle demande simplement au gouvernement de l'Ontario d'enjoindre le gouvernement du Canada à abroger l'article 745 au complet, et de s'assurer que les accusés trouvés coupables de meurtres purgent leur peine au complet, et de protéger les victimes, leur famille et la collectivité.
Le sens de cette résolution est clair. Nous voulons que le gouvernement du Canada abroge l'article 745 dans son entièreté, afin d'assurer que les personnes trouvées coupables de meurtre purgent leur peine du début à la fin. Des milliers de citoyens ont signé des pétitions demandant l'abolition de l'article 745; j'ai avec moi certaines de ces pétitions que nous allons aussi laisser avec vous. Les quelques-unes que je vous ai apportées aujourd'hui ont une valeur symbolique et représentent les milliers de signatures de ceux qui ont exprimé leur opposition à cet article.
Dans la province de l'Ontario, on s'oppose presque universellement à l'article 745, et c'est le cas partout au Canada. Un sondage d'opinion publique demandé par le solliciteur général du Canada a révélé qu'environ 80 p. 100 des Canadiens veulent l'abolition de cet article.
Il est facile de comprendre pourquoi. La population de l'Ontario est révulsée par les crimes commis par ces meurtriers qui cherchent maintenant notre compassion. La population éprouve de la compassion pour les victimes qui ont souffert à cause de ces crimes. La population croit, tout comme le gouvernement de l'Ontario, que nous devons modifier notre système judiciaire pour qu'il offre plutôt de la sympathie et de l'appui, non pas à ceux qui commettent ces crimes haineux mais bien à ceux qui en sont les victimes. La population estime, tout comme le gouvernement de l'Ontario, que les audiences en vertu de l'article 745 constituent une atteinte aux principes fondamentaux de la justice et jettent le discrédit sur l'administration de la justice pour cette raison.
Le meurtre est un crime rare dans notre société. Environ la moitié d'un pour cent des crimes violents causent la mort d'une victime. De ceux-là, moins de 10 p. 100 se soldent par un verdict de culpabilité de meurtre au premier degré. Tous les ans, environ 40 nouveaux détenus se joignent à la population des établissements carcéraux fédéraux, détenus qui se sont vu imposer des peines de plus de 20 ans pour homicide. Ils ne sont pas très nombreux. Pour se voir imposer une peine de 20 ans ou plus sans possibilité de libération conditionnelle, un meurtrier doit faire quelque chose de particulièrement horrible, sadique, atroce, quelque chose qui sort de l'ordinaire. Il s'agit des Clifford Olson et des Paul Bernardo de ce monde; ces audiences visent ces gens-là. Ce sont généralement ces personnes qui sont visées par les audiences en vertu de l'article 745; ce n'est pas l'exception, mais bien la règle.
Nous sommes d'avis que le meurtre est le plus sérieux de tous les crimes. Nous pensons qu'il mérite les sanctions les plus sévères. Les personnes visées par l'article 745 sont les meurtriers dont les cas sont les plus graves. Ce type de révision judiciaire ne s'applique à aucun autre crime ni à aucun autre criminel.
La question qui s'impose est donc la suivante: pourquoi? Pourquoi voulons-nous accorder cette clémence spéciale aux meurtriers les plus odieux, alors que nous ne l'accordons à personne d'autre? Qu'est-ce qui les distingue pour qu'ils méritent une compassion et une indulgence que nous n'accordons à personne d'autre? Pourquoi devrions-nous faire preuve d'une compassion spéciale pour Saul Betesh et Robert Kribs, qui ont été trouvés coupables d'avoir kidnappé, violé et tué un petit cireur de chaussures de 12 ans nommé Emmanuel Jacques? Ils sont admissibles en vertu de cet article, peuvent faire une demande maintenant et ont toutes les raisons de le faire.
Pourquoi devrions-nous faire preuve d'une compassion spéciale à l'endroit de Ronald Neely, 53 ans, qui a fait une crise violente quand sa femme a quitté le foyer avec leurs quatre enfants. Il a tué son fils de 13 ans à coup de fusil et blessé deux de ses filles. Les membres de sa famille craignent, s'il est libéré par anticipation, qu'il ne vienne régler leur sort comme il a menacé de le faire.
Pourquoi devrions-nous faire preuve d'une compassion spéciale à l'endroit d'Anthony Speciale qui a exécuté trois personnes, Stanley Norman et Bill et Paul Lianzakis, semble-t-il exécutés selon les méthodes qu'affectionnent les membres de gangs du crime organisé? Même si les amendements à cet article adoptés par le gouvernement étaient en vigueur, il pourrait quand même demander d'être libéré avant d'avoir fini de purger sa peine.
Pourquoi Terrence Musgrave mérite-t-il notre compassion? Il a été trouvé coupable d'avoir poignardé 28 fois une propriétaire de magasin du nom de Cathy Maruya. Musgrave était à l'extérieur de la prison, en liberté surveillée quand il a commis ce meurtre. Environ un tiers des meurtriers qui demandent maintenant la clémence avaient été libérés de prison ou étaient sous surveillance quand ils ont commis leurs crimes.
Et qu'en est-il de Helmut Buxbaum? Pourquoi mérite-t-il notre sympathie? Vous vous souviendrez qu'il avait organisé le meurtre brutal de sa femme et a essayé d'organiser un deuxième meurtre à contrat depuis son établissement pénitentiaire. Pourquoi devrions-nous lui donner l'occasion d'être libéré plus tôt?
Pourquoi Richard Sauvé et Gary Comeau méritent-ils notre clémence? Ils étaient membres du gang Satan's Choice et ont été trouvés coupables d'avoir exécuté un membre d'un gang rival de motocyclistes dans un bar. Comme tant d'autres, ils prétendent s'être réformés et prétendent mériter la clémence.
Pourquoi devrions-nous offrir un traitement spécial à Roman Swietlinski, qui a poignardé une secrétaire médicale du nom de Mary Frances McKenna 132 fois en utilisant cinq couteaux différents, lors d'une attaque sans aucune provocation?
Pourquoi Robert Desgroseilliers devrait-il jouir d'une considération spéciale? Il a été trouvé coupable d'avoir organisé le meurtre brutal de sa femme afin de pouvoir toucher une police d'assurance de 100 000 $. Vous n'arriverez jamais à me convaincre qu'un jury permettrait qu'on libère ces gens de prison; pourtant, plusieurs d'entre eux ont déjà été libérés. Qu'y a-t-il de différent dans ces cas-là maintenant qui nous permettent de dire qu'on doive renverser la décision du jury et du juge lors du procès original?
Corrections Canada a identifié 123 individus dans des prisons fédérales qui pourront faire une demande en vertu de l'article 745 d'ici l'an 2000. Tous ces individus ont été trouvés coupables de leurs crimes lors d'un procès où ils ont pu présenter une défense complète. Lors de tous ces procès, les procureurs ont pu présenter une preuve constituée suite à des enquêtes policières approfondies. Les juges qui ont imposé ces sentences avaient accès à une information complète non seulement à propos du crime mais aussi à propos du criminel. Plusieurs de ces criminels ont fait appel de ces décisions à tous les paliers du système de justice pénale, soumettant ainsi la décision originelle à un type de révision judiciaire beaucoup plus approfondie et complète que tout ce qu'on peut invoquer en vertu de l'article 745.
Les sentences imposées à ces individus étaient considérées justes après cet examen, le plus exhaustif qu'on puisse concevoir. Quelle justification peut-il y avoir pour remettre en question ces sentences 15 ans plus tard à la lumière d'informations qui, selon ce que nous disait le vérificateur général plus tôt cette semaine, sont au mieux incomplètes, et, dans le pire des cas, conçues pour faire avancer la cause du criminel?
Les juges et les jurys qui ont jugé ces causes et imposé ces sanctions disposaient d'une bien meilleure information que nous. Quelles informations les ont persuadés que le crime dépassait à ce point les normes d'une société décente que les meurtriers devaient se faire imposer la sentence maximale? Sur quelle base raisonnable pouvons-nous nous fonder pour substituer notre jugement au leur?
Il y a deux réponses, et ni l'une ni l'autre n'est satisfaisante. La première est que le comportement subséquent du meurtrier en prison a été tellement exemplaire qu'il -- et je dis «il» parce qu'il n'y a pratiquement aucune femme dans ce groupe -- s'est réformé. Il a fait réparation pour son crime et peut maintenant devenir un membre utile de la société. Plusieurs faits militent contre cette conclusion. L'un d'entre eux est que la perspective d'échapper à la prison fera que la plupart des gens feront semblant s'être réformés, même si ce n'est pas possible. Nous avons beaucoup de mal à identifier ceux qui se sont réellement réformés et à les distinguer de ceux qui font semblant.
Le Service correctionnel du Canada a effectué un certain nombre d'études à long terme portant sur des prisonniers mis en liberté sous surveillance dans la collectivité. Les résultats varient selon la méthode utilisée, mais presque 40 p. 100 des personnes relâchées de prison se retrouvent à nouveau derrière les barreaux. Le taux d'échec pour les meurtriers à qui ont a accordé une libération conditionnelle est presque aussi élevé. Une étude à long terme effectuée par les Services correctionnels du Canada a montré que 22,5 p. 100 de meurtriers libérés se retrouvaient plus tard à nouveau en prison, et environ 30 p. 100 des prisonniers relâchés après avoir purgé des peines imposées pour homicide involontaire ont dû être réincarcérés. Un tiers des crimes qu'ils ont commis étaient des crimes contre la personne.
Incidemment, 17 de ces meurtriers libérés ont commis un second meurtre, et deux autres ont essayé de commettre un autre meurtre. À la lumière de ces preuves, force nous est de constater que nous avons beaucoup de mal à distinguer les meurtriers réformés de ceux qui font semblant de l'être pour qu'on les libère plus tôt. C'est la protection du public qui en souffre.
La raison encore plus probante qui devrait nous amener à refuser ces demandes de clémence est l'impact de ces crimes sur les survivants, sur les parents et la famille des victimes. Nous entendrons leurs expériences personnelles plus tard, mais je veux vous lire une brève déclaration de l'une des personnes qui ne pouvait être avec nous ce matin. Elle s'appelle Joanne Kaplinski. Son frère Ken travaillait à la réception d'un motel quand il a été tué lors d'une tentative de hold-up qui a mal tourné. L'une des personnes qui a perpétré ce crime a demandé une libération anticipée en vertu de l'article 745, demande qui a reçu beaucoup de publicité. Mme Kaplinski écrit ce qui suit:
Le 29 janvier 1978 mon frère Kenneth John Kaplinski, âgé de 24 ans, travaillait de nuit à la réception d'une auberge à Barrie, en Ontario. Après avoir commis un vol, les auteurs de ce crime ont amené mon frère en voiture et l'ont exécuté en lui mettant deux balles dans la tête à bout portant. Son corps en décomposition a été retrouvé deux mois plus tard.
Deux hommes, Edward Sales et Allan Kinsella, ont été trouvés coupables de meurtre au premier degré et condamnés à l'emprisonnement à perpétuité sans aucune possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Kinsella avait déjà un casier judiciaire chargé, et était libre, en libération conditionnelle, au moment où ce crime a été commis.
En décembre 1993, ma famille et moi avons été outragés d'apprendre que le meurtrier de Ken avait fait une demande en vertu de l'article 745 pour que l'on raccourcisse sa sentence d'emprisonnement à vie.
Nous avons du mal à croire que ce soit même une possibilité et il est tout aussi étonnant de penser que nos dollars de contribuables sont utilisés pour financer une telle farce. ... la libération anticipée après n'avoir purgé que 15 ans de sa peine, voilà une idée qui est tout à fait à l'encontre de la décision prise par le juge lors du procès.
Le jeune fils de mon frère, ma famille et moi-même purgeons tous une peine à vie, la peine que nous éprouvons à cause de la perte de mon frère.
Pourquoi devons-nous en plus devenir les victimes d'un système judiciaire qui insiste pour ne faire aucun cas des victimes des crimes; qui insiste pour que nous restions muets... et qui s'axe sur les droits des meurtriers plutôt que sur les droits des victimes et de leur famille?
Heureusement, pour la société, pour ma famille et pour moi-même, la justice a été servie lors de la révision judiciaire de Kinsella. Le jury a refusé sa demande de réduction de peine en vue d'une admissibilité à la libération conditionnelle et a précisé qu'il ne pouvait faire de nouvelle demande avant d'avoir purgé sa peine de 25 ans.
Quand cette révision de la demande de Kinsella a été terminée, la Couronne nous a fait savoir que le meurtrier Edward Sales, qui avait été condamné dans la même cause, avait aussi présenté une demande en vertu de l'article 745.
Bientôt, ma famille et moi-même serons à nouveau soumis à cet outrage et à cette indignation. Et nous ne pourrons jamais cesser d'être membres du club des victimes, un club où les membres ne jouissent d'aucun privilège.
Cette déclaration est éloquente. Je ne peux rien y ajouter, mais j'aimerais bien savoir ce qu'auraient à dire ceux qui appuient l'article 745 en réponse aux questions de Mme Kaplinski. Pourquoi devrions-nous axer notre système de justice pénale sur les droits des meurtriers alors que nous faisons fi du sort des victimes et traitons en victimes les survivants?
La déclaration de Mme Kaplinski est liée à la dernière chose que je veux vous dire ce matin. L'autre élément qu'on apporte pour justifier la libération anticipée des meurtriers est le fait qu'il faut montrer de la compassion et appuyer leurs tentatives de réhabilitation. Je vais vous citer deux déclarations de ceux qui appuient cet article. La première a été faite par Neil Body, le directeur de l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser. Le professeur Body écrit ce qui suit:
La valeur de l'article 745 est qu'il fournit de l'espoir et encourage le changement chez ceux qui se retrouvent dans l'environnement carcéral monotone et parfois violent. Nous ne devrions pas cesser de transmettre ce message d'espoir.
La deuxième citation nous vient de la Société John Howard de l'Alberta. Voici ce que dit la société:
Nous croyons que chaque personne a une valeur intrinsèque et a le droit d'être traitée avec dignité, équité, et compassion sans discrimination au sein du processus de justice pénale. Nous croyons aussi que tous ont le potentiel de devenir des citoyens responsables.
La révision judiciaire est une disposition digne, équitable et empreinte de compassion qui reconnaît que les gens ont la capacité de changer. ... Ainsi, la John Howard Society de l'Alberta croit que l'article 745 du Code criminel du Canada devrait être maintenu.
Je crois que cela résume la position de ceux qui appuient l'article 745. Ils disent que la loi fournit de l'espoir et de l'encouragement à ceux qui sont sans défense et devrait donc être maintenue. Je suis tout à fait pour la compassion et je pense que nous devrions la manifester à ceux qui ont des démêlés avec la justice. Je pense que tout le monde a le droit d'être traité avec dignité et avec équité, mais il m'apparaît clair, comme à la vaste majorité des Ontariens et des Canadiens, qu'il faut que ce droit soit aussi donné aux survivants de ces crimes odieux, et non seulement à ceux qui les ont perpétrés.
La loi n'en fait rien. Même avec les amendements que le gouvernement a apportés au projet de loi dont vous êtes saisis, l'article 745 est injuste. Au nom de la compassion pour les meurtriers, nous imposons un fardeau onéreux et injuste à leurs victimes. Est-ce qu'il est approprié de réagir par la compassion aux actes iniques si cette compassion augmente le tort qui est fait aux survivants? Ma réponse est non, ce n'est pas approprié. Nous devrions réagir aux victimes avec compassion. Nous devrions réagir aux criminels avec justice. C'est le sentiment qu'exprime cette pétition que nous avons fait circuler dans la province de l'Ontario.
Je vais vous lire la pétition, qui est brève. Elle a été signée par des milliers de gens de partout en Ontario. Elle a été lue et présentée à l'assemblée législative de l'Ontario. Voici ce qu'elle dit:
Attendu que le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario a adopté une résolution encourageant le gouvernement du Canada à abroger l'article 745 du Code criminel du Canada afin d'assurer que les meurtriers purgent leur peine au complet,
Attendu que les personnes trouvées coupables de meurtre au premier degré ont le droit de demander au tribunal qu'on réduise la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle,
Attendu que les familles des victimes doivent revivre les horreurs du crime lors d'une audience avec jury pour cette libération anticipée, et doit revivre cette expérience chaque fois qu'on accorde une audience au meurtrier qui demande une libération anticipée,
Attendu que le gouvernement provincial doit défrayer une large part des coûts de ces audiences avec jury,
Nous, les soussignés, prions le procureur général de l'Ontario de demander au ministre de la Justice et procureur général du Canada de revoir sa décision en vertu du projet de Loi C-45 et d'abroger l'article 745 du Code criminel.
Honorables sénateurs, au nom du gouvernement de l'Ontario, j'ai le plaisir de vous présenter ces exemplaires symboliques de cette pétition qui, je crois, exprime les vues et les sentiments de la population de l'Ontario.
Cela met fin à mes commentaires, madame la présidente. J'aimerais maintenant vous présenter le procureur général de l'Ontario, l'honorable Charles Harnick.
M. Charles Harnick, procureur général de l'Ontario: Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Le Sénat et son comité rendent un précieux service aux Canadiens en leur donnant l'occasion de réexaminer le projet de loi. Je tiens à vous assurer que les Canadiens vous en sont reconnaissants tout comme je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui.
La question que nous examinons, soit la réforme de l'article 745 du Code criminel, a suscité une opposition sans précédent de la part des Canadiens de toutes les régions du pays. Même si je prends la parole aujourd'hui au nom du gouvernement et de la population de l'Ontario, cette loi suscite une intense indignation dans toutes les régions du pays. Ce projet de loi ne bénéficie pour ainsi dire d'aucun appui. Pensez-y un instant. C'est stupéfiant.
Le peuple canadien a beaucoup de respect pour la loi. Nous reconnaissons qu'un compromis est nécessaire et qu'il est souvent préférable de trouver un juste milieu. Le projet de loi C-45 n'offre pas de juste milieu pas plus que les modifications que vous êtes en train d'examiner et qui visent à combler les lacunes les plus flagrantes de la loi originale. Ce projet de loi ne bénéficie d'aucun appui public.
Des sondages effectués en Ontario ont permis de constater que quatre personnes sur cinq s'opposent à l'article 745 et aux modifications. Dans les provinces des Prairies et en Colombie-Britannique, ces dispositions suscitent le même malaise profond et la même opposition. Plus les gens se familiarisent avec ce projet et plus ils s'y opposent.
Nous sommes des législateurs. Nous avons la responsabilité et le privilège de rédiger les lois destinées à servir nos concitoyens. Nous devons nous acquitter correctement de cette responsabilité. Notre tâche est de gouverner dans l'intérêt de l'ensemble de la société. Nous ne pouvons pas négliger la volonté populaire. Les lois qui ne reçoivent aucun appui de la part du public, les lois qui suscitent un mépris généralisé sont de mauvaises lois. Elles jettent le discrédit sur l'administration de la justice et menacent l'intégrité du système judiciaire.
Trois facteurs à mon avis expliquent le rejet pratiquement généralisé de l'article 745. Le premier concerne le processus politique qui a servi à le produire. Les Canadiens trouvent ce processus moins que transparent. L'article 745 est une façon détournée d'essayer de réduire les sanctions imposées par la loi pour les meurtres les plus horribles et les plus terribles. L'article 745 atteint cet objectif de façon détournée. Ce genre de manoeuvre politique déplaît aux Canadiens.
Le deuxième facteur concerne les répercussions du projet de loi sur la sécurité de nos collectivités: à savoir, la mise en liberté d'une grande majorité de contrevenants. Par exemple, mon collègue, M. Tilson, a mentionné plus tôt une étude sur les audiences tenues en vertu de l'article 745 en Ontario jusqu'à la fin de 1995. L'étude a permis de constater que 79 p. 100 des meurtriers dont la demande a été entendue par un jury en vertu de l'article 745 ont obtenu une certaine réduction de leur peine. Parmi ceux qui ont fait l'objet par la suite d'une audience de libération conditionnelle, 84 p. 100 ont obtenu une certaine forme de libération.
Ce sont des probabilités assez bonnes. Pour le meurtrier condamné, il ne coûte rien d'essayer. S'il obtient gain de cause, il est libéré. S'il perd, il doit purger sa peine jusqu'à la fin. La plupart du temps, l'aide juridique paye les factures. Il n'est donc pas étonnant que la proportion de meurtriers qui demandent des audiences en vertu de l'article 745 ne cesse de croître.
Il existe une troisième raison pour laquelle les gens n'aiment pas l'article 745. C'est parce qu'il dénature la détermination de la peine. Les Canadiens commencent à considérer que le processus de détermination de la peine n'est qu'une comédie. Les juges imposent des peines qui semblent sévères. Or, de plus en plus, les gens se rendent compte qu'aucun criminel ne purgera la totalité de sa peine. L'emprisonnement à perpétuité ne signifie pas à perpétuité. Vingt-cinq ans sans possibilité de libération conditionnelle ne signifie pas 25 ans. Même les peines plus courtes qui sont imposées ne correspondent pas à la durée des peines purgées. «Dix ans pour vol à main armée» signifie trois ans et demi, avec la possibilité de sorties à court terme après à peine 20 mois, à partir de la date de l'arrestation et ainsi de suite.
Les Canadiens sont de plus en plus conscients de cet état de choses. Ils exigent que les peines imposées correspondent aux peines purgées, sans quoi, à mon avis, le système de justice risque d'inspirer de plus en plus de méfiance. L'article 745 est l'exemple le plus flagrant de cette absence de cohérence dans la détermination de la peine. C'est ce que je veux dire lorsque j'indique qu'il jette le discrédit sur l'administration de la justice et menace l'intégrité du système judiciaire.
La loi originale était une mauvaise loi pour toutes ces raisons. Même si les modifications à l'article 745 améliorent certains des pires aspects des dispositions originales, elles ne feront que les rendre moins pires; elles n'en feront pas une bonne loi.
L'Ontario considère que les dispositions qui permettent d'utiliser la déclaration de la victime sur les répercussions du crime constituent une amélioration opportune. Dans certains cas visés par la loi existante, des familles de victimes de meurtre se sont vu refuser la possibilité de démentir les déclarations intéressées des requérants. Dans un cas en Ontario, le juge chargé d'examiner l'affaire a interprété la loi comme suit, et je cite: «La douleur et la colère de la famille n'ont aucune place au tribunal.»
Les modifications éclairciront cet article de la loi. Cependant, les dispositions prévoyant l'examen des demandes par un juge pour qu'il détermine s'il existe une possibilité réelle qu'elle soit accueillie ne décourageront pas les meurtriers d'invoquer cet article. Je tiens à en faire une interprétation exacte. Le libellé de l'article se lit comme suit: «une possibilité réelle que la demande soit accueillie».
J'aimerais aborder cet aspect un instant et m'éloigner de mon texte. En Ontario, il existe un système d'examen des chefs d'accusation dont se servent les procureurs de la Couronne pour déterminer les causes qui devraient être instruites. Ils se fondent sur deux critères. Le premier consiste à déterminer s'il existe une possibilité réelle d'obtenir une condamnation. Dans l'affirmative, le deuxième critère consiste à se demander s'il est dans l'intérêt public de procéder à l'instruction de la cause. Si la réponse à ces deux questions est «oui», la cause est alors sélectionnée par les procureurs de la Couronne et instruite.
L'Ontario possède les normes les moins sévères en matière d'examen des chefs d'accusation de toutes les provinces au pays. Cela signifie que lorsque les avocats de la Couronne examinent des causes en fonction du critère de la possibilité réelle d'obtenir une condamnation, la plupart des causes sont sélectionnées et instruites.
Ce que nous avons devant nous, c'est une norme de sélection prévoyant l'existence d'une «possibilité réelle que la demande soit accueillie». Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour indiquer aux sénateurs que «l'existence d'une possibilité réelle que la demande soit accueillie» représente la norme de sélection des chefs d'accusation la plus faible qui puisse être acceptée lorsqu'on demande à un juge d'examiner ces causes dans le cadre de la révision en deux étapes qu'instaureraient les modifications proposées. Je tiens à vous indiquer que cette disposition est conçue expressément pour ouvrir la porte au plus grand nombre de demandes possible. La population du pays et la population de l'Ontario tiennent à le savoir. Une fois qu'elles le sauront et qu'elles le comprendront, il leur sera alors impossible d'accepter cet aspect des modifications.
Les juges interprètent la loi. En tant que législateurs, nous sommes appelés à nous assurer que ces lois représentent les gens que nous servons. Comment un juge ne peut-il pas déterminer qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie lorsque pratiquement 80 p. 100 des demandes présentées en vertu de l'article 745.6 aujourd'hui reçoivent un accueil favorable? Le mécanisme de révision judiciaire aura pour principale conséquence d'augmenter le nombre de causes en appel.
Il y a beaucoup d'autres raisons de s'opposer au paragraphe 745.6. Je n'ai pas parlé de l'impact de cet article sur les familles des victimes, ni non plus de la douleur et de la perte que ressentent constamment les survivants de ces crimes. Dans quelques instants, certaines de ces personnes parleront plus directement et personnellement que je ne pourrais le faire à leur place.
L'Ontario a adopté une déclaration des droits des victimes. Ce qui compte le plus dans la manière dont nous appliquons le Code criminel aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les droits des victimes ne soient pas amoindris de quelque façon que ce soit. Nous avons établi un code de conduite de manière que les victimes soient traitées correctement tout au long du processus judiciaire.
Le fait que les victimes soient oubliées dans le contexte du paragraphe 745.6 est ce qui nous motive aujourd'hui. À la dernière réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice, l'honorable Rosemary Vodrey, ministre du Manitoba, a vivement recommandé au ministre fédéral d'élaborer une déclaration des droits des victimes qui pourrait s'appliquer à l'échelle nationale. Si l'on avait une déclaration des droits des victimes pour nous guider, les décisions à prendre par suite des délibérations et des débats sur l'article 745 apparaîtraient beaucoup plus clairement.
Je n'ai pas parlé des coûts des audiences et de la mauvaise affectation des ressources limitées qu'elles représentent. Le processus prévoit deux audiences auxquelles participent des procureurs de la Couronne et des juges. Je préférerais sans nul doute que nos tribunaux et le temps de nos juges et de nos jurys servent à régler plus rapidement les cas en attente de jugement dans la province de l'Ontario.
Je n'ai pas parlé du fait que ces audiences grèvent de plus en plus nos ressources. D'ici la fin du siècle, 189 meurtriers reconnus seront admissibles à des audiences en vertu de l'article 745 en Ontario. À l'heure actuelle, je m'attends à ce que tous fassent une telle demande. Après tout, comme je le disais plus tôt, ils n'ont rien à perdre. En fait, certains d'entre eux présenteront une demande plus qu'une fois. Ce n'est que depuis trois ans que l'on tient de telles audiences en Ontario et déjà un demandeur a eu deux audiences. Il y en aura certainement plus dans l'avenir.
Les Ontariens sont convaincus que le paragraphe 745.6 et les modifications prévues ne conviennent pas. La question qui se pose est la suivante: que faut-il faire?
Comme je le disais plus tôt, l'Ontario préférerait vous demander d'éliminer cet article au complet. Une telle mesure est certainement appuyée par une grande majorité de Canadiens. C'est ce que les gens vous demandent de faire. Toutefois, je comprends les réalités politiques en jeu.
Comme solution de rechange, je vous demande d'adopter la proposition présentée par l'honorable Rosemary Vodrey, ma collègue et procureur général du Manitoba, à la toute dernière conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice. Elle propose que le procureur général du Canada ait la responsabilité d'approuver les demandes d'audience en vertu de l'article 745. Le procureur général du Canada devrait personnellement accepter et autoriser une demande de ce genre. Tel devrait être le mécanisme d'examen.
La sécurité de la collectivité est la vraie question qui se pose ici si bien qu'il convient parfaitement que le ministre de la Justice prenne une décision à l'égard de ces demandes. Après tout, ces personnes se trouvent dans des institutions fédérales et, au moment de leur libération, pourraient se rendre n'importe où au Canada. Il y a amplement de précédents pour une telle procédure en droit canadien. Les procureurs généraux provinciaux doivent donner leur accord avant que la demande d'un contrevenant dangereux puisse être présentée devant un tribunal provincial.
Cette proposition aurait pour effet de faire en sorte qu'une telle audience ne serait pas un droit universel offert à tous les meurtriers reconnus, mais un privilège particulier qui ne serait accordé que pour les causes assorties de circonstances extraordinaires. Cela n'éliminerait pas le droit de tout contrevenant de présenter une demande, mais cela éliminerait l'accès automatique à une audience publique. Cela épargnerait aux survivants de ces crimes la détresse et l'aversion que causent actuellement de telles audiences.
Je vous recommande vivement d'adopter cette option qui me semble raisonnable, compte tenu des réalités politiques d'aujourd'hui. Si à cause des réalités politiques à Ottawa, le paragraphe 745.6, sous le libellé modifié qui est proposé, doit avoir force de loi, je vous recommande vivement, au nom de la responsabilité et de la protection des victimes, de demander que le mécanisme d'examen relève du ministre fédéral de la Justice, lequel devrait donner son accord avant qu'une demande ne puisse être présentée. C'est là que réside la véritable responsabilité.
Je vais vous demander maintenant d'écouter deux personnes qui peuvent témoigner personnellement des difficultés que présente la loi actuelle pour les survivants de ces horribles crimes. Les deux ont perdu des êtres chers à la suite d'un meurtre et ont connu la douleur que représentent les audiences en vertu de l'article 745.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir écouté aujourd'hui avec autant de patience. Je vous présente maintenant Mme Ann Gage qui a récemment assisté à une audience en vertu de l'article 745 pour la libération conditionnelle anticipée du meurtrier de son mari, agent de police, et M. Gary Rosenfeldt dont le fils a été assassiné en 1981.
La présidente: Merci, monsieur le ministre.
Mme Ann Gage: Honorables sénateurs, je m'appelle Ann Gage et on m'a demandé de prendre la parole à cette audience du Sénat pour vous dire l'impact de l'audience judiciaire en vertu de l'article 745 sur ma vie et sur celle de ma famille.
Par où commencer? Comment trouver les mots qui vous permettront de comprendre jusqu'à quel point une audience judiciaire en vertu de l'article 745 peut être injuste et émotionnellement destructive, non seulement pour les victimes et leur famille, mais aussi pour la famille du demandeur également?
Mon mari, Ron McKean, était sergent de police à Collingwood. En répondant à un appel le 12 octobre 1977, il a perdu la vie à cause d'un homme appelé William Frederick, un homme qui, avec son complice, s'était évadé d'un établissement correctionnel au moment du meurtre.
William Frederick a plaidé coupable de meurtre au premier degré et a été condamné à la prison à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle au bout de 25 ans. Après la condamnation de William Frederick, nous avons commencé à essayer de continuer à vivre. Nous avons pensé que la justice avait respecté notre famille et la mémoire de Ron. Nous avons trouvé quelque peu rassurant que William Frederick soit envoyé en prison, purge sa sentence et ne soit plus jamais en mesure de faire vivre une telle horreur à une autre famille. Je me suis bien trompée.
Après avoir purgé 12 ans de sa peine, William Frederick a décidé d'invoquer l'article 745. En ouvrant le journal en 1989, j'ai eu le choc de voir réapparaître les visages de Ron et de William Frederick. Une audience en vertu de l'article 745? Je ne savais absolument pas qu'une telle possibilité existait, ni même ce qu'elle représentait. Heureusement, la demande de William Frederick a été rejetée. Toutefois, nous avons commencé à nous renseigner au sujet de l'article 745. Nous savions qu'il allait présenter une nouvelle demande, ce qu'il a fait.
Je suis allée à toutes les audiences préliminaires avant l'audience proprement dite. Nous avons appris que William Frederick avait complètement changé et qu'il avait droit à une audience en vertu de l'article 745. Qu'en était-il de nos droits? De ceux de Ron?
Bien que je me sois rendue à toutes les audiences préliminaires, je n'étais absolument pas prête pour l'horreur que nous allions vivre au cours de l'audience. On nous avait dit au départ que l'audience durerait quatre jours. En fait, elle a duré trois semaines. Nous avons dû écouter ce qui s'était passé en détail le soir de la mort de Ron. J'ai vu l'horreur ressentie par ma famille et mes enfants, lorsque William Frederick a raconté comment il avait tiré sur leur père avec un fusil de chasse à canon tronçonné, comment, s'apercevant que Ron vivait toujours, il avait choisi de fuir.
Nous avons écouté tous les méfaits dont il s'était rendu coupable auparavant: vols à main armée, prises d'otages, évasions de prison, sans compter son mépris complet de l'autorité. Son insensibilité à propos du meurtre a été affligeante.
J'ai été choquée de voir que notre système judiciaire permet ce genre d'audience. Mes enfants, adultes maintenant, ont dû revivre l'horreur de cette soirée. J'avais espéré que leur innocence d'enfants les protège. L'audience judiciaire en vertu de l'article 745 a tout anéanti. Ils ont écouté, ils ont pleuré, ils ont demandé pourquoi et ont essayé de comprendre.
Je suis très fière que mes enfants aient pu conserver leur sang-froid et garder leur dignité au cours de l'audience. Pas une seule fois en avons-nous voulu à William Frederick. Ce que nous voulions, c'est ce que nous avions cru pendant 19 ans. Nous voulions que William Frederick purge sa sentence pour le meurtre de Ron. Nous ne demandions pas plus et pas moins.
J'ai appris à mes enfants à faire confiance à notre système judiciaire. William Frederick a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Quand il a été condamné, le juge ne lui a pas dit: «Par contre, quand vous aurez purgé 15 ans de votre peine, vous pourrez demander une libération conditionnelle anticipée.» Non, ce qu'il a dit, c'est: «Vous ne pouvez pas demander de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de votre peine.»
Nous avons écouté ceux qui nous ont décrit les progrès de William Frederick, les cours qu'il a suivis, les études qu'il a faites et ses remords. Nous nous en réjouissons. Nous espérons qu'il persévérera dans cette voie et, surtout, qu'il est sincère; n'est-ce pas justement ce qu'est censé accomplir le système carcéral? N'est-ce pas là la raison d'être même du système pénal? N'est-ce pas ce à quoi s'attend la société?
Je n'oublierai jamais les trois semaines d'audition de la demande de révision judiciaire faite en vertu de l'article 745. Nul dans cette salle n'est demeuré indifférent, que ce soit la famille de la victime ou celle de William Frederick qui, elle aussi, était venue assister à l'audience dans l'espoir que l'époux et le fils obtiendrait sa libération conditionnelle anticipée. On ne pouvait faire autrement que de sympathiser avec ces personnes qui sont, elles aussi, des victimes du crime commis par William Frederick.
Au bout de presque deux jours de délibérations, le jury a rejeté la demande de libération. Jamais temps ne m'aura paru plus long.
Je n'ai aucune idée de l'impact qu'aurait eu la décision contraire sur ma famille, mais je puis vous assurer qu'il aurait été dévastateur. Nous savons que, dans trois ans, William Frederick sera admissible à la semi-liberté. Dans six autres années, il sera admissible à une libération conditionnelle totale. Nous savons qu'à ce moment-là, il nous faudra accepter la décision de la commission. Cependant, nous n'étions pas prêts à voir le cauchemar recommencer au bout de seulement 15 ans.
L'article 745 est injuste pour tous les intéressés. Il va à l'encontre de la sentence d'emprisonnement à perpétuité. Il donne un faux sens de la justice à la famille des victimes et il revictimise tous ceux qui ont été victimes du crime. Le gouvernement a la responsabilité, à l'égard des Canadiens, de respecter la peine prononcée par un juge. L'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans devrait être respecté à la lettre. Je ne souhaite pas à d'autres familles de vivre le chagrin et l'horreur suscités par une audience en vertu de l'article 745.
Je vous demande de recommander l'abrogation de l'article 745.6 du Code criminel.
M. Gary Rosenfeldt, Victimes de violence: Honorables sénateurs, le 12 août 1981, un homme a comparu devant un juge, dans une salle d'audience de Vancouver, en Colombie-Britannique, et les noms de 11 enfants innocents ont été lus, y compris le nom de notre fils Daryn. À chaque nom, cet homme, Clifford Robert Olson, a plaidé coupable à l'accusation de meurtre.
En janvier de l'année suivante, soit en 1982, un juge de Vancouver a décidé que Clifford Robert Olson passerait les 25 années suivantes au moins en prison. Il l'a condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
On nous a dit, à ce moment-là, que l'homme serait probablement incarcéré au pénitencier de Kingston, que nous n'en entendrions plus parler, que c'était la dernière fois que nous en entendions parler.
À l'époque, nous ignorions l'existence de l'article 745. Nous ne savions pas comment fonctionnait le système carcéral. Le système de justice du Canada ne nous était pas familier. Nous étions loin de nous douter que c'était nous qui étions condamnés à perpétuité, plutôt que Clifford Robert Olson.
En réalité, depuis 15 ans, Clifford Olson perturbe régulièrement nos vies et nous cause, à moi et à ma famille, des souffrances innommables. Nous croyons qu'il vient de demander une révision judiciaire en vertu de l'article 745. Au début de l'année prochaine, mon épouse, mes enfants et moi-même devrons nous rendre à Vancouver pour assister à l'audition de sa demande.
La possibilité que cela puisse se produire lorsque Clifford Olson a été condamné à la prison ne nous a jamais même effleurés. Nous croyions ne plus en entendre parler pendant au moins 25 ans. Cela a causé beaucoup de souffrance à notre famille.
Nous venons d'entendre Ann Gage parler de l'audition de la demande présentée en vertu de l'article 745 à laquelle elle a assisté pendant trois semaines. Ces individus peuvent demander et redemander une révision judiciaire en vertu de l'article 745 chaque année ou tous les deux ans. Après 15 ans, voilà qu'il nous faut envisager de nous rendre en Colombie-Britannique, d'assister à une audience qui pourrait durer jusqu'à trois semaines. Et nous ne parlons là que de l'audience de 1997. Faudra-t-il à nouveau en 1999, puis en 2001, passer par le même processus? Cela durera-t-il toute notre vie? Faut-il que nous le subissions?
Il y a quelques années, de concert avec d'autres groupes de victimes du Canada, nous avons pressenti l'honorable Allan Rock en vue de lui demander d'abroger l'article 745. M. Rock a déclaré à la presse, à ce moment-là, qu'il n'était pas question de revoir la loi, qu'il n'avait pas l'intention de la modifier.
De toute évidence, comme l'a fait remarquer M. Harnick, l'opinion publique a obligé le ministre à revenir sur sa décision. Il a commencé à rafistoler les parties de l'article 745 qui, selon lui, étaient susceptibles de l'améliorer. Il semble sincèrement convaincu que le fait de devoir soumettre la demande à un juge avant l'audience fera vraiment diminuer le nombre d'audiences devant un tribunal. Je crois que c'est faux. Comme l'a fait observer M. Harnick, surtout en Ontario, l'approbation de la demande par le juge pourrait devenir presque automatique.
Ce qui m'effraie le plus, quand ces demandes seront présentées à un juge, c'est que certaines soient approuvées dans le seul but de donner une faible lueur d'espoir, en attendant qu'un jury en soit saisi. Je ne connais pas beaucoup de jurés qui rejetteront une demande déjà approuvée, en quelque sorte, par un juge.
En tant que victime, j'aimerais que l'article 745 en entier soit abrogé. Je parle au nom d'un très important organisme de défense des droits des victimes. Nous traitons avec des centaines de familles de victimes de meurtre d'un océan à l'autre. Ce qui indispose le plus les familles des victimes de meurtre est l'article 745. La plupart de ces familles ne prennent conscience de son existence que 15 ans après la condamnation. C'est à ce moment-là qu'elles découvrent avec horreur que ce qu'elles ont entendu dans la salle du tribunal était tout simplement faux.
Nous vous supplions de maintenir les peines qui ont été prononcées et de laisser les victimes des meurtriers vivre en paix. Laissez-nous enterrer notre fils. Mon épouse et moi n'avons jamais visité sa tombe. Nous serons incapables de le faire tant que cet homme continuera de nous faire souffrir de sa cellule de prison. Nous savons qu'il continuera de le faire pendant la prochaine décennie.
Nous demandons à votre comité de dire au Parlement que le rafistolage de l'article 745 au moyen du projet de loi C-45 est tout simplement inacceptable. Nous vous demandons de rejeter ce projet de loi. S'il ne l'est pas, nous vous supplions au moins d'en revoir la partie qui impose de soumettre la demande à un juge avant son audition par un tribunal.
Comme l'a proposé M. Harnick, faites que seul le ministre de la Justice du Canada puisse approuver une demande de révision judiciaire présentée en vertu de l'article 745.
La présidente: Merci, monsieur Rosenfeldt.
Avant de passer aux questions des sénateurs, je tiens à dire au groupe de témoins qu'il n'est pas du ressort de notre comité d'abroger l'article 745.6 du Code criminel. Nous avons été saisis du projet de loi C-45. Nous pouvons rejeter le projet de loi; nous pouvons le modifier; nous pouvons même faire des recommandations au sujet de l'article 745.6, mais nous ne pouvons pas l'abroger. Je tiens à ce que cela soit clair avant de commencer les délibérations. Dans la mesure du possible, je vous demanderais de concentrer vos questions sur l'à-propos de rejeter le projet de loi C-45, de le modifier ou de l'adopter dans sa forme actuelle. Ce sont les seuls choix qui s'offrent au comité.
Le sénateur Beaudoin: Permettez-moi de commencer en disant que nous écoutons avec grand soin tous les témoins qui comparaissent devant nous. Si j'ai bien suivi votre témoignage, vous êtes contre le projet de loi C-45 sous sa forme actuelle. La question qui se pose est donc la suivante: devons-nous l'amender?
Le procureur général a proposé que nous accordions aux juges les mêmes pouvoirs que ceux du ministre de la Justice du Canada en l'occurrence. Peut-être cela sera-t-il envisagé. C'est un amendement possible au projet de loi C-45. J'y réfléchirai très sérieusement. J'ignore ce que sera la décision finale. Nous allons devoir approfondir la question.
Certains des témoins sont allés jusqu'à dire que nous devrions éliminer l'article 745.6 complètement. Je suis d'accord avec ce qu'a dit la présidente. Peut-être pouvons-nous commenter l'article ou formuler des recommandations à cet égard, mais son élimination pure et simple n'est pas une option pour nous.
Indirectement, vous avez soulevé la question de la Charte des droits quand vous avez fait allusion à une charte des droits des victimes. Il faut tenir compte d'une chose, s'il est vrai que l'article 745.6 va à l'encontre des principes de la justice fondamentale, comment se fait-il alors qu'il n'y ait pas eu de cause dans ce sens devant les tribunaux? Que je sache, aucune décision n'a été rendue par la Cour suprême qui aurait conclu que cet article va à l'encontre de l'article 7 de la Charte des droits et libertés; pourquoi est-ce le cas, et pourquoi aucun procureur général n'a-t-il soulevé la question? Si un procureur général n'est pas satisfait d'une disposition du Code pénal, il peut la contester devant les tribunaux.
J'aimerais en savoir un peu plus long. Je n'ai pas arrêté de position à cet égard. Ma première réaction serait qu'il n'y a pas enfreinte à la Charte. Ce n'est pas pour dire que cela met fin au débat; car, même si l'article est constitutionnel, on peut toujours améliorer toute mesure législative.
M. Tilson: Les droits d'un accusé en vertu de la Charte devraient être pris en compte lors d'un procès. Si vous avez interprété mes remarques comme signifiant que je pense que les meurtriers jouissent de droits en vertu de la Charte aux termes de l'article 745, vous avez mal compris ma position.
Avant le procès dans ces causes des plus graves, la police mène une enquête très approfondie. La plupart des procès dans ces cas sont très longs. On accumule beaucoup de preuves. Les avocats de la Couronne et de la défense passent beaucoup de temps à traiter ces preuves, assez horribles dans la plupart des cas. Viennent ensuite les délibérations du jury et du juge. Tout cela prend beaucoup de temps. C'est presque nonchalant, à mon avis, de remettre en cause ce processus en vertu de l'article 745.
Si vous croyez que je suggère qu'un meurtrier a des droits en vertu de la Charte aux termes de l'article 745, je tiens à corriger cette impression, car je n'ai jamais voulu dire cela. Je suis très conscient de ce qu'a dit madame la présidente. Vous devez vous en tenir à certaines limites dans vos actions. Toutefois, en tant qu'homme politique qui représente une partie de la population de l'Ontario, je crois que j'ai le droit de vous dire que l'article 745 ne devrait même pas exister. À mon avis, l'existence même de l'article 745 est un outrage.
Le sénateur Beaudoin: En d'autres termes, vous pensez que cet article est une mauvaise disposition législative et que nous devrions nous en débarrasser.
M. Tilson: Je comprends que vous n'avez pas le droit d'abroger cette mesure, mais j'ai le droit d'exprimer mon opinion.
Le sénateur Beaudoin: C'est au ministre de la Justice d'introduire une mesure législative en rapport avec l'article 745.6 s'il le désire. Vous considérez que cet article va à l'encontre des principes de la justice fondamentale. Le procureur général est d'avis que nous devrions garder l'article 745, mais que nous devrions l'amender.
M. Harnick: Sénateur, je ne suis pas ici aujourd'hui pour prétendre que l'article 745 va à l'encontre de la Charte. Ce n'est pas ce que je dis. De plus, je comprends les limites que doit respecter le comité.
L'une des choses positives que nous avons suggérées est de rendre le procureur général du Canada responsable de l'acceptation de ces demandes. Je pense que le résultat est évident. Cela le rendrait responsable de quelque chose dont il devrait être responsable selon la plupart des Canadiens, et je m'inclus dans ce nombre. Si nous avons un jour un autre ministre de la Justice et un autre gouvernement, ce ministre de la Justice ne voudra peut-être pas s'encombrer du fardeau de cette responsabilité envers le public. Conséquemment, il ou elle dira peut-être «Cette disposition devrait être abrogée».
Le gouvernement qui promeut cette mesure ne peut dire à quelqu'un d'autre: «Nous allons soumettre cela à un juge d'une cour supérieure, qui devra prendra la décision. Nous nous en laverons les mains.»
Devrait-on ou non garder cette disposition; il faut voir si le ministre de la Justice du jour est disposé à l'appuyer. Tant que le ministre de la Justice est disposé à dire: «Quelqu'un d'autre peut s'en occuper. Nous avons fait notre travail politique. Transmettez la question à quelqu'un d'autre maintenant.» Je pense que cela en dit long.
Je suis tout à fait d'accord avec votre évaluation de l'argument que j'ai avancé. Bien que j'ai l'intime conviction que le ministre de la Justice doive abroger cette disposition, les réalités politiques font que ce n'est sans doute pas probable. Il a proposé ces amendements. Mon expérience me permet de comprendre; j'ai aussi été le point de mire en Ontario, d'une façon similaire. Il n'est pas sur le point d'abroger cette mesure législative. Ce sont les réalités politiques qui veulent ça.
Dans la mesure où il n'est pas disposé à retirer cette mesure -- bien que j'aimerais qu'il le fasse -- je pense encore que la meilleure façon de traiter l'article 745 est que le ministre de la Justice ait à approuver les demandes et ainsi exprimer son consentement. Ultimement, cette disposition sera peut-être abrogée quand un ministre de la Justice qui n'aimera pas cet article sera nommé. Le gouvernement dont il sera issu importe peu. Nous ne sommes pas ici pour jouer à la politique. Nous sommes ici parce que nous croyons que si cette loi doit exister, ceux qui la promeuvent devraient en être responsables.
Le sénateur Gigantès: Quand vous dites que nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, je crois comprendre que vous désirez une situation dans laquelle Allan Rock deviendra responsable de l'article 745. Il me semble que vous espérez qu'il y aura éventuellement un procureur général conservateur qui abrogera l'article 745 afin de ne pas se faire harasser par les Libéraux comme les Conservateurs et les Réformistes vont harasser Allan Rock. J'ai l'impression que c'est ce que vous nous dites. Vous avez bien camouflé la partisanerie, monsieur et je vous en félicite. Toutefois, c'est ce que nous faisons tous.
M. Harnick: Il est évident que M. Rock croit en cette mesure législative. M. Rock est un ami à moi. J'ai le plus grand respect et pour lui et pour son intégrité. S'il croit en cette mesure, je pense que la façon responsable de la traiter devrait être similaire à la façon dont on traite les demandes en ce qui a trait aux criminels dangereux. C'est moi qui dois les revoir. C'est moi qui dois prendre la décision que le ministère de la Justice demande une ordonnance selon laquelle une personne est décrétée être un criminel dangereux. Je fais cela dans le cadre de mes fonctions en tant que procureur général de l'Ontario.
Je ne pense pas que ce cas soit différent. Ce n'est pas une question politique; cela relève de la sécurité de la collectivité. Si vous croyez que dans certains cas on devrait améliorer la sentence qui a été imposée, cette responsabilité relève du ministre de la Justice, ainsi que la décision d'agir en ce sens. Si nous voulons qu'un article du Code criminel permette d'agir ainsi, je pense qu'il est logique de dire que la décision doit être prise par le ministre de la Justice. C'est ce que je fais moi-même quand je dois juger d'une demande ayant trait aux criminels dangereux. Je prends ma décision à la lumière des faits du cas, et ces faits sont bien documentés à mon intention. Je dois tout prendre en considération à la lumière des représentations faites par les avocats. Plutôt que d'envoyer le tout à un juge, parce que c'est un juge qui doit au bout du compte entendre la cause, pourquoi la décision ne relèverait-elle pas de la personne qui est responsable, sur le plan politique, de la sécurité de la collectivité?
Le sénateur Gigantès: Avez-vous dit que le procureur général devrait décider de l'opportunité d'améliorer une peine?
M. Harnick: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le procureur général devrait consentir à ce que la demande soit examinée s'il le juge approprié. Il doit donner son consentement. L'affaire est alors portée devant un juge et un jury et se déroule selon la procédure habituelle. La demande est examinée, suite au consentement donné par le procureur général du Canada.
Le sénateur Gigantès: Je me permets de ne pas partager votre avis. Vous avez utilisé le mot «améliorer».
M. Harnick: Je suis désolé, sénateur, ce n'est pas ce que je voulais dire.
Le sénateur Gigantès: C'est pourtant ce que j'ai entendu. Pourquoi devrait-il déterminer la peine initiale au lieu d'un juge?
M. Harnick: Vous m'avez mal compris. Ce n'est sûrement pas ce que j'ai dit dans mes remarques.
Ce que je dis, c'est qu'au bout du compte, en vertu de l'article 745 actuel, un juge et un jury prendront cette décision; mais, avant que le processus débute, il faudrait que la personne responsable de sélectionner le cas soit le procureur général du Canada et non pas un juge appelé à prendre une décision en fonction exactement de ce que j'ai dit dans mes remarques, à savoir de l'existence d'une «possibilité réelle que la demande soit accueillie». C'est exactement ce que j'ai dit, sénateur.
Le sénateur Gigantès: Si nous avons des juges et si notre système judiciaire a évolué de cette façon, c'est pour retirer aux politiciens les décisions que vous voulez remettre entre les mains du procureur général. Pourquoi ne pas retourner à l'époque de Dracon, d'où vient l'adjectif draconien, où un politicien prenait les décisions et les peines étaient beaucoup plus lourdes? Si nous pensons au public, pourquoi ne pas revenir à l'époque où on lapidait les femmes adultères?
Sur le plan historique, si nous avons des juges, c'est que nous espérons que les juges sont moins influencés par l'opinion publique qu'un politicien qui cherche à se faire réélire.
M. Harnick: Revenons en arrière, sénateur, car je trouve vos propos extrêmes ou plutôt extrêmement inexacts. Ce dont vous ne tenez pas compte dans vos remarques, c'est que nous avons affaire à des individus qui ont subi un procès, qui ont été reconnus coupables par un jury, qui se sont vu imposer une peine par un juge et qui demandent maintenant un privilège particulier. On ne dit pas qu'ils n'ont pas eu droit à un procès devant juge et jury. Tout cela a déjà eu lieu. Nous disons simplement qu'il faudrait d'abord que le procureur général du Canada consente à ce qu'une demande soit présentée, après quoi un juge et un jury peuvent suivre la procédure énoncée à l'article 745.
La façon dont vous interprétez mes propos ne tient absolument aucun compte des présentations que nous avons faites et qui ont pourtant été très claires.
Le sénateur Gigantès: Vous dites bien toutefois, monsieur, et vous ne pouvez pas le nier, que la demande de révision devrait d'abord passer entre les mains d'un politicien élu avant d'être transmise à un juge et à un jury. Je tiens à vous dire que cela est contraire aux principes de la loi en démocratie car les démocraties ont dans la mesure du possible retiré ce genre de décisions d'entre les mains des politiciens.
M. Harnick: Je suppose que nous différons d'opinion sur ce point.
Le sénateur Milne: Par souci de vérité, et en ce qui concerne votre comparution devant un comité sénatorial, madame Gage et monsieur Rosenfeldt, vous devez savoir qu'aucune décision prise au sujet de cette loi ne pourra être appliquée rétroactivement; par conséquent, rien ne changera la situation très déplorable dans laquelle nous nous trouvons en ce qui concerne la loi actuelle. Je ne voudrais pas que vous sortiez d'ici en croyant que c'est ce qui pourrait se produire par suite de votre comparution aujourd'hui.
M. Rosenfeldt: Nous sommes très bien au courant de la situation. La raison pour laquelle je fais le travail que je fais aujourd'hui, et sans aucun doute la raison pour laquelle Mme Gage est ici aujourd'hui, c'est que nous avons vécu l'horreur de cette expérience. Nous ne voulons pas que la famille d'une autre victime de meurtre ait à subir ce que nous subissons aujourd'hui. C'est la raison de notre présence ici aujourd'hui.
Le sénateur Milne: Cela nous ramène à mon point principal, c'est-à-dire les autres options dont nous disposons en ce qui concerne le projet de loi qui se trouve devant nous. Mis à part la possibilité de le modifier, si nous avions le choix de l'adopter tel quel, pour tâcher d'améliorer quelque peu la situation, ou de le rejeter, quelle est l'option que vous préféreriez?
Mme Gage: Je préférerais qu'il soit adopté. Je préférerais avoir quelque chose que rien du tout.
M. Rosenfeldt: Je suis d'accord. Je préférerais qu'il soit adopté. Ma principale préoccupation toutefois concerne le point soulevé par M. Harnick en ce qui concerne la révision judiciaire. Je ne veux pas aborder l'argument avancé par le sénateur Gigantès, mais ce qui m'inquiète au sujet des juges qui examinent un cas avant qu'il soit porté devant les tribunaux, c'est que les gens oublient. Après 10 ou 15 ans, la collectivité oublie. Même les médias oublient le nom des contrevenants et les crimes horribles qu'ils ont commis. C'est ce que nous constatons au sein du Service correctionnel du Canada aujourd'hui. Lors des audiences de libération conditionnelle, certains membres de la commission ne savent même pas le type de crimes commis par les contrevenants. Fondamentalement, nous aimerions que l'article soit modifié pour que la demande soit portée devant le ministre de la Justice du Canada en tant que personne responsable envers le public.
M. Harnick: Si nous sommes ici, c'est entre autres pour vous proposer certaines solutions de rechange. Nous devons être constructifs. Je vous ai donné mon avis sur la façon dont on devrait procéder à cette révision. J'ai également indiqué que le critère de sélection prévu à l'heure actuelle par le projet de loi n'est pas assez sévère. J'espère que lors de vos délibérations vous envisagerez de remplacer «une possibilité réelle que la demande soit accueillie» peut-être par l'expression «une probabilité réelle que la demande soit accueillie.»
Sénateur Gigantès, je me suis creusé la tête pour essayer de trouver une meilleure solution. Il y a à peine une semaine, le ministre Rock a décidé d'instaurer un processus permettant à une personne reconnue coupable qui est incarcérée dans un établissement fédéral de voir sa cause révisée en fonction de la production de nouvelles preuves. Cette décision prise par M. Rock n'a sûrement pas été examinée par un juge. C'est une décision qu'il a prise lui-même. Dans la même veine, il peut sûrement prendre l'initiative de la procédure que nous proposons ici et que vous examinerez, je l'espère.
Le sénateur Milne: Monsieur Harnick, par souci d'exactitude, je tiens à préciser que vous avez déclaré, je crois, que 80 p. 100 des meurtriers en train de purger des peines se voient accorder une libération conditionnelle en vertu de cet article. Pour votre information, nous avons ici des chiffres qui remontent au 28 octobre 1996. À la fin d'octobre, 204 d'entre eux étaient admissibles et 79 des personnes admissibles ont présenté une demande. Cela représente environ 40 p. 100 plutôt que 80 p. 100.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du témoignage de M. Julian Roberts de l'Université d'Ottawa, que nous avons entendu hier. Il a déclaré que la réduction de la période d'inadmissibilité par le jury signifie que les membres de ce jury, censés représenter leur collectivité, acceptent ce mécanisme; pourtant, vous nous dites qu'ils y sont catégoriquement opposés.
M. Harnick: Je me méfierais beaucoup de ce genre d'interprétation. Je pense qu'il faut revenir à ce que les témoins ont dit ce matin. Ils ont dit que nous avons des procès, que nous avons un jury qui prend une décision à l'issue d'un procès et que nous avons des juges qui imposent des peines aux contrevenants par suite de la décision prise par le jury. Maintenant, vous êtes en train de dire que dans 10 ou 15 ans, nous aurons un autre jury qui modifiera la décision prise par le premier jury. C'est ce que nous sommes en train de faire ici. C'est ce que fait l'article 745.6. On modifie la peine imposée par un juge par suite de l'audition de la preuve.
Le sénateur Milne: On ne modifie pas vraiment la peine.
M. Tilson: «L'emprisonnement à perpétuité» ne signifie pas à perpétuité.
M. Harnick: On commue la peine. Si vous voulez tenir un débat public sur cette question, la véritable question à poser, c'est s'il accepte l'article 745.6. Dès que l'article 745.6 existe et prévoit la constitution d'un jury, certains membres du jury peuvent se dire: «Eh bien, c'est le processus.» La seule chose que le professeur ne leur a pas demandé, c'est s'ils acceptent l'article 745.6. C'est là la véritable question.
Le sénateur Pearson: Je vous suis reconnaissante d'être venus témoigner, surtout à Mme Gage et à M. Rosenfeldt. Si vous avez pris connaissance du compte rendu des témoignages que nous avons entendus, d'autres victimes ont comparu devant nous et d'autres opinions ont été exprimées. Un point a été soulevé en commun.
Sans vouloir ajouter à votre douleur, il me serait utile que vous répondiez à cette question. L'article 745.6 existait au moment de la condamnation. Pourquoi le juge ou vos avocats ne vous en ont-ils pas informé?
Mme Gage: Je ne crois pas que les gens étaient vraiment au courant de son existence. Lorsque je l'ai appris en 1989, nous sommes allés au poste de police où mon mari avait travaillé. Ils n'avaient aucune idée qu'une telle loi existait.
Le sénateur Pearson: Le juge devait le savoir.
Mme Gage: On ne nous a rien dit. C'est pratiquement comme si on l'avait glissé là. En 1978, lors du procès de M. Frederick, on m'a dit qu'il était condamné à l'emprisonnement à perpétuité avec la possibilité d'une libération conditionnelle après 25 ans. Je pouvais accepter cela mais j'ai beaucoup de difficulté à accepter que le seul critère auquel il doit satisfaire, c'est d'avoir purgé 15 ans d'emprisonnement. Aucun autre critère n'est utilisé pour lui permettre de présenter cette demande. C'est injuste.
Le sénateur Pearson: Il serait intéressant de découvrir pourquoi vous n'avez pas été informés.
M. Rosenfeldt: Tout d'abord, nous n'avions pas d'avocat. Il ne faut pas oublier que le contrevenant se voit offrir les services d'un avocat; pas les victimes. Dans notre cas, John Hall était le procureur. Il a accepté de rencontrer les familles des victimes pendant une après-midi quelques mois après le procès. C'est tout.
De notre côté, nous avons mis sur pied une organisation appelée Victimes de violence en 1984. Ces dernières années, j'ai constamment rencontré les familles de victimes de meurtre d'un océan à l'autre. Je suis allé chez elles. Je leur ai demandé si elles étaient au courant de l'existence de l'article 745. Aucune d'entre elles ne l'était.
Au cours des 15 dernières années, nous nous sommes efforcés de convaincre entre autres les médias de faire connaître aux gens l'existence de l'article 745. Lorsque nous lisons dans le journal qu'un juge a condamné une personne à 25 ans d'emprisonnement, et c'est ce que nous lisons constamment dans les journaux, les gens sont convaincus qu'il s'agit de 25 ans. Il ne s'agit pas de 25 ans. Nous le répétons depuis plusieurs années.
Le sénateur Pearson: Serait-il utile, compte tenu des options limitées dont nous disposons ici, que nous recommandions que les juges le fassent savoir?
M. Rosenfeldt: C'est une excellente idée.
Le sénateur Pearson: Ma deuxième question est la suivante: est-il nécessaire d'assister aux audiences? La famille doit-elle y assister?
Mme Gage: Je n'ai assisté qu'à une audience. J'estime que c'est très important. Le fait de nous voir là chaque jour rend le jury responsable devant nous. Si nous ne sommes pas là, devant qui sera-t-il responsable?
Le sénateur Pearson: Je voulais savoir si c'était obligatoire.
Mme Gage: Votre présence n'est pas obligatoire mais il est important que vous soyez là chaque jour.
M. Rosenfeldt: Vous êtes intimement convaincus de représenter ceux que vous aimez lorsque vous assistez aux audiences et vous n'avez pas le choix. Je dois être à Vancouver ce printemps. Si je dois marcher jusqu'à Vancouver pour représenter notre enfant, je le ferai. Je n'ai pas le choix.
Le sénateur Nolin: Comme vous le savez, monsieur Harnick, il existe un processus administratif selon lequel les procureurs généraux de toutes les provinces et le procureur général du Canada, ainsi que leurs collaborateurs, se rencontrent régulièrement. Ils établissent une liste des changements qu'ils veulent apporter au Code criminel et à d'autres lois. Leur avez-vous déjà fait cette proposition?
M. Harnick: Oh, oui. Nous en avons longuement parlé. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques, la proposition que je vous présente aujourd'hui est une proposition que j'ai faite à l'occasion d'une réunion fédérale-provinciale-territoriale. Nous en avons discuté avec le ministre de la Justice avant qu'il annonce sa position sur l'article 745. Nous l'avons exhorté à examiner cette proposition. Bien entendu, nous lui avons demandé de l'abroger. Il n'était manifestement pas disposé à le faire et je le comprends.
Nous avons également présenté la proposition faite par le ministre de la Justice du Manitoba, voulant que le ministre de la Justice du Canada soit la personne qui approuve ces demandes. Cela a été fait et nous l'avons exhorté à le faire.
Le sénateur Nolin: Vous avez l'appui d'autres provinces?
M. Harnick: Oui.
Le sénateur Di Nino: Je ne suis pas un membre régulier de ce comité. Je suis reconnaissant au comité d'avoir eu l'obligeance de m'inviter. Je tiens à souhaiter tout particulièrement la bienvenue à celui qui se trouve à être mon député provincial ainsi qu'un ami, le procureur général.
Je peux dire aux témoins que bien que vous ayez entendu autour de cette table que nos choix sont limités, et c'est fort possible, quoi qu'il en soit, en tant que l'une des deux chambres du Parlement, nous avons d'autres droits. Nous pourrions, si une question nous tenait suffisamment à coeur, présenter un projet de loi pour modifier le Code criminel, par exemple pour abroger l'article 745. C'est peut-être une chose à laquelle nous devrions songer.
Monsieur le ministre, j'ai un peu de difficulté à appuyer sans réserve la position que vous-mêmes et d'autres témoins avez adoptée. J'ai un problème auquel j'aimerais que vous répondiez, si vous le pouvez. J'ai parlé à un certain nombre de gardiens d'établissements correctionnels. L'un des arguments qu'ils avancent, c'est que certains de ces -- je ne crois pas que nous devrions les traiter d'individus -- certaines de ces brutes incarcérées dans nos établissements se comportent d'une certaine façon parce que cet article leur donne une «lueur d'espoir». Les gardiens craignent que si on élimine cet article, certains d'entre eux risquent de ne pas vivre très longtemps à cause de la réaction des détenus. Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet?
M. Harnick: En fait, M. Tilson a abordé cet aspect dans ses remarques.
Le sénateur Di Nino: Je suis arrivé un peu tard.
M. Harnick: Il voudra peut-être commenter cet aspect, à savoir les conséquences de l'article 745 sur les détenus.
M. Tilson: J'ai fait deux commentaires. La société John Howard a indiqué appuyer l'article de la «lueur d'espoir». J'ai expliqué pourquoi cette position n'est pas vraiment justifiée.
Le fait est que ces contrevenants ont déjà eu leur procès. Ils ont déjà été entendus et jugés par les tribunaux. On n'a droit qu'à un seul procès, pas à deux. C'est aussi simple que ça.
M. Rosenfeldt et Mme Gage en sont deux excellents exemples. Pourquoi les contrevenants devraient-ils avoir droit à un autre procès? Le fait est qu'il existe d'autres victimes dans cette société. Seulement deux d'entre elles sont parmi nous aujourd'hui.
Le sénateur Di Nino: N'est-ce pas également une lacune de la part des services correctionnels d'être incapables de garantir la sécurité des gardiens s'ils craignent le traitement que pourraient leur réserver ces individus?
M. Tilson: Il est fort possible que le processus comporte une réadaptation continue. Il est à espérer que la réadaptation fait partie du processus d'incarcération. Cependant, je ne suis pas vraiment convaincu que l'article de la «lueur d'espoir» grâce auquel une peine d'emprisonnement à perpétuité peut être commuée en une peine de 15 ans d'emprisonnement, favorise forcément la réadaptation.
M. Harnick: Si je puis ajouter quelque chose à cela, je ne crois pas que cela devrait être l'objectif de la loi, si en fait ça l'est dans ce cas. Dans le cadre d'une conversation, les gens le disent, je sais, mais je ne crois pas que la loi devrait viser à contrôler la population carcérale. Est-il vraiment nécessaire d'avoir cette loi ou de la justifier, comme le font certaines personnes, simplement parce que, tant que nous avons la clause de la faible lueur d'espoir, les gardiens peuvent contrôler les prisonniers dans les établissements pénitentiaires? Qu'est-ce que cela dit aux victimes de ces crimes abominables?
M. Rosenfeldt: Cela fait que nous nous demandons qui dirige les prisons.
Le sénateur Jessiman: On a répondu à ma question lors de l'intervention du sénateur Pearson, mais une bonne partie de cela passe par la communication aux parties en cause. On nous a dit, à ma grande surprise, que cet article de la loi a été adopté en 1976 lorsque la peine de mort a été abolie.
On nous a aussi dit, ce qui m'a également surpris, que par rapport à tous les autres pays, la période de 25 ans est tout à fait excessive. Dans la plupart des pays du monde, si la peine capitale n'est pas imposée, les condamnations à perpétuité sont dans l'ensemble de 15 ans. Cela m'a surpris.
J'abonde tout à fait dans votre sens. J'abrogerais l'article 745 demain, si je le pouvais. Si nous comprenions, et si les victimes des familles comprenaient, dès le départ, que c'est le mieux qui puisse être obtenu, ils se pourraient qu'ils l'acceptent. Ils ne seraient à tout le moins pas consternés de l'apprendre après 15 ans. Ils sont alors vraiment bouleversés. S'ils l'avaient su dès le départ, je crois qu'ils s'en tireraient mieux.
M. Tilson: C'est un peu comme entrer par la porte d'en arrière. Je défie quiconque de ramener la condamnation à perpétuité de 25 à 15 ans.
La présidente: Le message est clair. Une condamnation à perpétuité est une condamnation à perpétuité. Même si vous pouvez devenir admissible à la libération conditionnelle et que vous l'obtenez, vous êtes en libération conditionnelle pour la vie et vous pouvez vous retrouver derrière les barreaux n'importe quand. Une condamnation à perpétuité est une condamnation à perpétuité.
Le sénateur Jessiman: Il se peut que l'on ait dit aux victimes qu'après 25 ans les contrevenants pouvaient présenter une demande de libération conditionnelle. On ne leur a toutefois pas dit qu'après 15 ans le contrevenant pouvait se faire entendre pour présenter une demande de libération conditionnelle. C'est injuste et scandaleux. Je suis avocat, même si je ne suis pas criminaliste, et j'ignorais que, depuis l'abolition de la peine capitale, les détenus condamnés pour meurtre peuvent présenter une demande de libération conditionnelle après 15 ans, peu importe le nombre de meurtres commis. Bien sûr, il se peut qu'ils ne soient pas libérés.
M. Tilson: J'ai présenté cette pétition à l'assemblée législative de l'Ontario. Aucun des pétitionnaires n'était au courant de l'existence de cette loi.
Le sénateur Jessiman: Je ne l'ai appris qu'hier.
M. Tilson: Le Canadien moyen n'a aucune idée de son existence, pas plus que les avocats.
Le sénateur Lewis: Une personne qui purge une peine à perpétuité sans être admissible à la libération conditionnelle pendant 25 ans, pourrait, en vertu de ce projet de loi, faire une demande tous les deux ans de manière à réduire la période d'admissibilité. Serait-il utile d'amender le projet de loi pour limiter les demandes à une seule?
M. Rosenfeldt: Sénateur Lewis, nous accueillerons favorablement tout ce qui mettra fin au bouleversement constant qui nous afflige. Comme je l'ai dit, notre première audience aura lieu en 1997. Serons-nous, en tant que parents d'un enfant qui a été assassiné, assujettis à quatre autres audiences au cours des dix prochaines années? Après cela, devrons-nous assister à toute audience de la Commission des libérations conditionnelles, parce qu'il sera alors admissible à la libération.
C'est une très bonne suggestion. À un certain moment, quelqu'un doit dire que nous cesserons de tyranniser et de retyranniser les victimes. C'est ce qui ne va pas.
Le sénateur Lewis: Aux termes des dispositions de ce projet de loi, le juge qui procède à l'examen, ou le jury, peut statuer qu'un condamné ne peut présenter une nouvelle demande. Il faudrait peut-être préciser dans la loi que les condamnés n'ont qu'une seule chance.
M. Rosenfeldt: C'est une très bonne idée. Mme Gage est déjà passée à travers deux audiences de ce genre. La dernière a duré trois semaines. Qui paie pour ces audiences? Les provinces n'ont pas les ressources nécessaires pour rembourser les victimes qui comparaissent à ces audiences de meurtriers condamnés.
Le sénateur Moore: Monsieur Harnick, pour faire suite à la question du sénateur Nolin, vous avez dit que vous avez rencontré M. Rock et vos homologues des provinces et que le Manitoba a proposé qu'il en incombe au ministre de la Justice de prendre cette décision. Quel appui avez-vous reçu à cet égard?
M. Harnick: L'appui n'était pas unanime. L'Ontario, le Manitoba, l'Alberta, le Yukon et certaines provinces maritimes ont manifesté de l'intérêt à l'égard de la suggestion. Je ne crois pas qu'il y avait des représentants du Québec. La Colombie-Britannique était au beau milieu d'une campagne électorale. Je ne veux pas donner l'impression que l'appui était unanime, mais les gens ont manifesté de l'intérêt pour la suggestion. Il est difficile de juger de l'appui vu qu'aucun vote n'est tenu à ces réunions. Nous y discutons de diverses questions et exposons nos positions au ministre.
Le sénateur Moore: Savez-vous si le Manitoba a l'intention d'exercer de nouveau des pressions en ce qui concerne cette option?
M. Harnick: Mme Vodrey a pris des engagements à l'égard de cette option tout comme elle s'est engagée à étudier une charte nationale des droits pour les victimes.
La présidente: Nous remercions tous les témoins d'être venus ce matin. Nous savons que cela a été très difficile pour certains d'entre vous et que d'autres ont dû laisser en plan d'autres affaires pressantes. Cependant, je puis vous dire que nos délibérations se poursuivent. Ce n'est pas un sujet facile, comme vous le savez, et nous sommes nombreux à l'aborder dans une large perspective.
Le comité suspend ses travaux.