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POST

Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 10 - Témoignages - Séance de l'après-midi


Halifax, le mercredi 19 février 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 14 h 05, pour poursuivre son étude de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui M. Desmond Morley, directeur exécutif de la Fédération des associations de professeures et professeurs d'université du Nouveau-Brunswick, de même que M. Ian Fraser, son président.

M. Ian Fraser, président, Fédération des associations de professeures et professeurs d'université du Nouveau-Brunswick: La Fédération des associations des professeures et professeurs d'université du Nouveau-Brunswick représente le corps professoral des quatre universités néo-brunswickoises. Comme nous sommes l'organisme-cadre, nous parlerons en son nom.

Je tiens tout d'abord à remercier le sous-comité de nous avoir invités à présenter un mémoire et à venir ici, aujourd'hui, pour répondre à ses questions. Je me contenterai de vous donner les grandes lignes de nos recommandations, après quoi je céderai la parole à M. Desmond Morley, qui vous donnera des précisions sur les données qui nous ont portés à faire ces recommandations.

À la page 10 du mémoire en anglais et à la page 11 du mémoire en français, vous remarquerez que nous faisons trois recommandations d'ordre très général.

Nous recommandons tout d'abord que le gouvernement fédéral examine immédiatement et en profondeur la relation entre l'enseignement postsecondaire et la participation à la population active telle qu'elle existe actuellement; ensuite, qu'il détermine, à partir des tendances connues actuellement, dans quel sens cette relation devrait probablement évoluer à l'arrivée du XXIe siècle; et, enfin, qu'il accorde le poids approprié à cette relation au moment d'établir ses priorités en matière de transfert des fonds pour les programmes sociaux des provinces.

Je laisse maintenant à M. Morley le soin de vous donner plus de précisions.

M. Desmond Morley, directeur exécutif, Fédération des associations de professeures et professeurs d'université du Nouveau-Brunswick: Honorables sénateurs, je suis flatté d'avoir été invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Vous avez peut-être remarqué le titre de notre mémoire, «Le futur n'est plus ce qu'il était», petite phrase attribuée à Yogi Berra. Nous voulions, par ce titre ironique et accrocheur, illustrer l'évolution de la situation pendant ces quelques dernières années, soit en une période considérée en statistique comme du court terme.

Nous souhaitons aujourd'hui, comme vous l'a précisé M. Fraser, faire des recommandations générales au sous-comité en nous appuyant sur les tendances qui se sont manifestées durant le court et le moyen terme, en fait depuis 1979-1980. Nous espérons ainsi pouvoir obtenir son soutien pour une réévaluation névralgique du rôle fédéral dans l'enseignement postsecondaire, étant donné le lien de plus en plus fort qui se tisse entre le niveau de scolarité et l'offre d'emplois.

Les universités ont toujours été cette tour d'ivoire, ce haut lieu du savoir où l'on apprend pour le plaisir d'apprendre, rôle qui conserve toute son importance. Depuis quelques années, cependant, l'économie, le marché -- quel que soit le terme utilisé pour décrire la dynamique qui régit le déploiement de la main-d'oeuvre -- exige un niveau de scolarité de plus en plus élevé, non seulement pour pouvoir avancer dans le milieu de travail mais, de plus en plus, comme condition préalable pour pouvoir même y entrer.

Nous voulions vous illustrer ces tendances. Grâce, en grande partie, à la direction régionale du Développement des ressources humaines du Canada pour le Nouveau-Brunswick, nous sommes en mesure de vous présenter des graphiques auxquels je voudrais bien que vous jetiez un coup d'oeil. Vous les trouverez aux annexes I, II, III et IV du mémoire.

Jetons un coup d'oeil rapide à l'annexe I. J'aimerais attirer votre attention sur le caractère récent des données. Ainsi, le premier bloc, à gauche, représente les exigences professionnelles de 1992. Les projections établies par DRHC s'arrêtent en l'an 2000, soit dans trois ans seulement. Voici donc les changements survenus ou sur le point de survenir sur le marché du travail durant cette courte période.

En 1992, 19 p. 100 seulement des travailleurs avaient besoin d'un diplôme d'études postsecondaires ou universitaires pour se trouver un emploi, alors que 48 p. 100 se trouvaient du travail s'ils n'avaient pas terminé leur douzième année.

En l'an 2000, 38 p. 100 de la population active devront compter au moins 17 années de scolarité, alors que 29 p. 100 pourront se contenter d'une douzième année. Force nous est donc de constater que, durant cette très courte période, il y aura inversement critique des tendances.

Je vous demanderais maintenant de bien vouloir examiner le graphique de l'annexe II établi par Développement des ressources humaines Canada à partir des données de Statistique Canada. Le rapport emploi/population selon le niveau de scolarité n'a pas beaucoup varié, sauf pour le groupe qui a moins de huit années de scolarité. Il s'est maintenu dans la plupart des catégories, à l'exception de la catégorie «Post part» qui désigne ceux qui ont fait des études postsecondaires partielles et vise donc, en réalité, très peu de personnes. La variation pour ce groupe n'est donc pas très significative.

Les barres auxquelles je vous demanderais de porter attention sont celles des travailleurs ayant entre 9 et 13 ans de scolarité et de la catégorie «Post comp», soit ceux qui ont fait des études postsecondaires -- non pas universitaires, mais bien postsecondaires. Chez les diplômés universitaires, le niveau est demeuré essentiellement le même entre 1976 et 1995.

Les grands perdants sont ceux qui ont huit années de scolarité ou moins. Leur part du marché du travail est passée de 38 à 24 p. 100. Il y a donc eu supplantation. Les employeurs exigent maintenant un certificat ou un diplôme d'études plus avancées pour occuper le même nombre d'emplois qu'auparavant.

Si vous regardez maintenant l'annexe III -- les données statistiques de l'annexe II portaient sur la période allant de 1976 à la dernière année pour laquelle nous disposions de données, c'est-à-dire 1995. Les données de l'annexe III sont plus récentes. Elles prouvent, selon moi, ce que j'affirme. Entre 1990 et 1995 -- ce ne sont pas des pourcentages, mais des milliers de personnes --, ceux qui ont moins de huit ans de scolarité, c'est-à-dire la colonne en noir, baissent en nombre.

Le même phénomène se remarque chez les diplômés d'études secondaires, c'est-à-dire ceux qui ont fait leur douzième année, à l'exception d'une légère anomalie dans la dernière barre. Je vous rappelle que la partie «Post part» illustre le nombre de personnes ayant partiellement terminé leurs études postsecondaires, données qui, selon Développement des ressources humaines Canada, ne sont pas vraiment significatives et qui ne font donc que brouiller les pistes.

Le nombre correspondant d'employés ayant un diplôme d'études postsecondaires a, à nouveau, augmenté à un rythme constant, mise en part une légère variation durant la première année, c'est-à-dire en 1990, et le nombre de diplômés universitaires faisant partie de la population active a continué d'augmenter régulièrement, sans régression, entre 1990 et 1995. Leurs nombres ont augmenté.

N'oubliez pas que cette colonne représente des milliers de personnes. Si ce sont des pourcentages que vous voulez, le nombre de diplômés universitaires employés a augmenté par plus de 25 p. 100. Actuellement, le pourcentage de diplômés universitaires qui ont réussi à se trouver du travail se rapproche davantage de 30 p. 100.

Le dernier graphique vise à donner aux sénateurs une idée de l'apport économique des diplômés d'études postsecondaires, particulièrement des diplômés universitaires. Le revenu moyen d'un diplômé universitaire, quel que soit son âge, est supérieur de 42 p. 100 à celui de la personne qui a fait des études postsecondaires, mais non universitaires. Durant les années où son revenu est à son maximum (soit entre 45 et 64 ans), l'écart grimpe à plus de 67 p. 100. Il faut également tenir compte de l'importance des dépenses de consommation, des économies, du niveau élevé des impôts personnels, autant d'avantages pour l'économie. Leurs seules économies fournissent une réserve de capitaux susceptibles d'être investis dans la croissance économique, qui nous fait si cruellement défaut.

Ces graphiques prouvent amplement que l'économie et le marché exigent plus de diplômes d'études postsecondaires, non pas forcément d'études universitaires, comme je l'ai déjà précisé. Il n'y a pas de garantie, mais, si vous avez un diplôme universitaire, vous êtes plus susceptible de trouver rapidement un emploi mieux rémunéré.

Je vous réfère à une analyse de cette tendance fondée sur des données de Statistique Canada et publiée dans The Globe and Mail du 13 mars 1995. Le seul reproche que l'on puisse faire à cette analyse qui date déjà de deux ans est qu'elle minimise la tendance, car la situation s'est beaucoup aggravée depuis lors. Cependant, nous avons malheureusement été incapables de mettre la main sur des données exactes pour les deux dernières années, et je ne voulais pas utiliser des prévisions pour illustrer mon propos. Je tenais à vous fournir des chiffres réels.

À la page 4 de notre mémoire, vous trouverez une citation en retrait, tirée de l'édition du Globe and Mail du 13 mars 1995, dont j'aimerais vous lire certains passages:

Une nouvelle loi d'airain est en train de s'emparer du milieu de travail. Si vous avez obtenu un diplôme d'études postsecondaires -- diplôme universitaire, diplôme d'un collège communautaire, certificat de formation --, vous obtiendrez un emploi. Si vous avez fait des études moins poussées, vous n'en aurez pas...

Il est ensuite question du nombre d'emplois créés pour les diplômés d'études postsecondaires et du nombre d'emplois disparus pour ceux qui n'ont pas fait des études aussi poussées.

L'auteur poursuit:

Les diplômés universitaires n'ont jamais souffert de ces changements [de 1990 à 1994].

Je vous rappelle que l'analyse porte sur une période de cinq ans seulement, non pas de 15 ou de 20 ans. Le nombre d'emplois pour les diplômés universitaires a augmenté de 483 000 partout au Canada, soit un gain de 25 p. 100. Enfin, on peut lire:

De 1990 à 1994, l'économie a créé environ 957 000 emplois pour les personnes qui avaient ce bout de papier essentiel confirmant leurs études postsecondaires. En même temps, elle a éliminé 830 000 emplois pour les gens qui avaient fait des études moins poussées.

Je souligne que, par «études moins poussées», il faut entendre non pas les décrocheurs du secondaire ou ceux qui ont terminé leur dixième ou onzième année, mais aussi les diplômés de douzième année.

Développement des ressources humaines Canada nous affirme que la situation est identique au Nouveau-Brunswick. La scène nationale décrite pour ces quatre années vient tout juste de se reproduire presque en tous points au Nouveau-Brunswick.

Nous supposons que la population réagit aux nouvelles exigences du marché, d'où l'augmentation du nombre d'inscriptions à l'université. Au haut de la page 5 du mémoire figure un paragraphe extrait d'une publication de la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes selon laquelle -- c'est une période récente -- entre 1990 et 1993, le nombre d'inscriptions global dans les universités des Maritimes est passé de 51 000 à 58 400, soit une augmentation de 7 400 étudiants ou de 15 p. 100.

Cela correspond à ce que nous avions nous-mêmes dit à la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes en 1989, lorsque nous avions fait une analyse de la période allant de 1979 à 1989.

Durant ces dix années, le nombre d'inscriptions à l'université avait augmenté de 50 p. 100 dans la seule province du Nouveau-Brunswick, en dépit d'une baisse du taux de natalité, en raison essentiellement d'une augmentation de 65 p. 100 du taux de participation des éventuels candidats aux études universitaires du secteur secondaire. Par conséquent, de 1979 à 1989, 65 p. 100 plus de personnes appartenant à un groupe de candidats éventuels à la baisse, faisaient des études universitaires, ce qui explique pourquoi le nombre d'inscriptions a augmenté alors que le nombre d'habitants était en régression.

De toute évidence, du moins dans les provinces maritimes, nous avons fait la preuve adéquate -- avec concision par suite des restrictions de temps et d'espace, car le mémoire, croyez-moi, aurait pu être beaucoup plus volumineux -- qu'il existe des tendances, particulièrement au Nouveau-Brunswick, dont il faut tenir compte, notamment la relation entre les exigences du marché du travail et la réaction de la population qui cherche à y satisfaire en s'inscrivant à l'université.

En fait, il est précisé plus loin dans le mémoire que, dans la seule province du Nouveau-Brunswick, depuis 1979, les inscriptions des étudiants ont augmenté de 70 p. 100, d'après les dernières données publiées.

Par conséquent, les universités se remplissent actuellement parce qu'on les a obligées à remplir un rôle qui n'était perçu comme le leur jusqu'ici. On croit peut-être encore, à tort, que les universités sont de hauts lieux du savoir. Sans vouloir prétendre être des établissements de formation, nous courrions à notre perte si nous n'admettions pas que nous faisons de la formation professionnelle. Le fait est que plus de gens demandent à être admis à l'université et le sont parce qu'ils souhaitent avoir la compétence voulue pour postuler des emplois.

Parmi ces exigences, il faut compter, comme nous le disons à la page 6 de notre mémoire, sur des connaissances analytiques et logiques de plus en plus essentielles pour s'acquitter des emplois qui existent déjà. Tous les sénateurs présents dans la salle sont conscients des progrès techniques réalisés dans de nombreux domaines. Par exemple, auparavant, il suffisait au serveur de restaurant d'exécuter les commandes avec le sourire et de porter l'argent à la caisse. Aujourd'hui, bien souvent, il lui faut se servir d'une caisse enregistreuse électronique perfectionnée qui non seulement met à jour le dénombrement des stocks, mais tient toutes sortes d'autres données. Le serveur est aussi, aujourd'hui, un agent de saisie des données, une personne qui traite des données. Être serveur aujourd'hui exige beaucoup plus de compétences qu'il y a 10, voire 15 ans. C'est là un simple exemple à l'échelle microscopique du phénomène qui échappe à de trop nombreux décideurs en matière d'enseignement postsecondaire.

Il faudrait aussi permettre à la main-d'oeuvre d'acquérir, dans sa formation, la souplesse et la capacité d'adaptation nécessaires pour passer, avec le plus d'aisance possible, d'un emploi à un autre parce que, aujourd'hui, le travailleur n'occupe plus son emploi à vie. Il est difficile de savoir combien d'emplois successifs il aura durant sa vie professionnelle, mais je crois que la moyenne est de sept, si ce n'est un peu plus.

Nous sommes préoccupés par le fait que les priorités financières des gouvernements fédéraux successifs -- tant conservateurs que libéraux, il faut bien le dire -- ont mis au jour leur incapacité de faire face aux nouvelles réalités qui s'imposent à un rythme alarmant, ce que j'espère avoir pu vous prouver au moyen des graphiques. Il existe une nette relation entre le niveau d'instruction postsecondaire et l'emploi, voire l'emploi donnant un sens à la vie.

Ainsi, le futuriste et économiste Jeremy Rifkin a prédit que l'avènement des nouvelles technologies aura éliminé presque tous les emplois de cols bleus d'ici à l'an 2020. Tous ne sont pas d'accord avec lui. Cependant, quand on entend de pareilles prédictions, il faut se demander à quel point elles sont justes.

Si vous comparez ce que je viens de vous décrire avec la feuille de route du gouvernement fédéral -- je le dis des régimes conservateurs et libéraux indifféremment -- en matière de compressions des transferts aux provinces, vous constaterez que, durant les deux dernières années, le Nouveau-Brunswick a, à lui seul, perdu 5 millions de dollars de transferts effectués dans le cadre du Financement des programmes établis, 5 millions de dollars qui étaient destinés à l'enseignement postsecondaire selon la formule utilisée dans cette province.

Le Financement des programmes établis a ensuite été remplacé par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il est prédit que, si la même formule est utilisée, selon laquelle le Nouveau-Brunswick a droit à la même proportion des fonds que dans le cadre du Financement des programmes établis, l'enseignement postsecondaire perdra 18 millions de dollars, l'an prochain, et 32,5 millions de dollars, l'année suivante. Le Nouveau-Brunswick et les autres provinces maritimes n'ont tout simplement pas l'assiette fiscale voulue pour compenser pareil manque à gagner.

Je n'ai jamais vécu en Ontario, en Alberta ou en Colombie-Britannique. Nous disons toujours, «Eh bien, il y a des provinces plus riches qui peuvent sans doute se permettre de combler le manque à gagner.» C'est peut-être vrai, et c'est peut-être faux. Je ne connais pas du tout leur situation financière. Ce que je sais, c'est que les provinces maritimes ne disposent pas de l'assiette fiscale ou des ressources nécessaires pour combler le manque à gagner lorsque le gouvernement fédéral coupe les fonds consacrés à l'enseignement postsecondaire.

Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais, essentiellement, les transferts fédéraux ont diminué, en dollars constants, depuis 1989. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, ils ont diminué de 1,7 p. 100, en dollars constants de 1989. Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais au cours de la même période, les inscriptions dans les universités ont augmenté de 17 p. 100.

À long terme, soit entre 1979-1980 et 1995-1996, les universités ont reçu du gouvernement des augmentations nettes de 9,5 p. 100, en dollars réels, sauf que, pendant cette même période, les inscriptions, comme je l'ai mentionné, ont augmenté de 70 p. 100. Je ne sais pas comment les universités ont pu absorber des hausses si énormes sans augmentation correspondante de leurs ressources, mais elles l'ont fait. Elles ont atteint leur limite.

Comme l'a mentionné plus tôt aujourd'hui un des témoins, les universités vont devoir combler le manque à gagner en augmentant les frais de scolarité, en limitant le nombre d'inscriptions et en restreignant l'accessibilité à l'enseignement, de sorte qu'elles risquent encore une fois de devenir la chasse-gardée de l'élite. Nous devons à tout prix éviter cela, car plus de gens aujourd'hui ont besoin d'un diplôme universitaire pour trouver un emploi. C'est pourquoi nous avons formulé les recommandations que nous proposons.

J'aimerais, si vous me le permettez, vous les répéter: le gouvernement fédéral doit examiner immédiatement et en profondeur la relation entre l'enseignement postsecondaire et la participation à la population active telle qu'elle existe présentement; il doit déterminer, à partir des tendances connues actuellement, dans quel sens cette relation devrait probablement évoluer à l'arrivée du XXIe siècle; et il doit accorder le poids approprié à cette relation au moment d'établir ses priorités en matière de transfert des fonds pour les programmes sociaux des provinces.

Nous sommes convaincus que les autorités fédérales et, en fait, les autorités provinciales considèrent toujours les universités comme de simples centres d'études supérieures. Elles sont devenues, comme nous l'indiquons au début de notre mémoire, des composantes essentielles du moteur de la croissance économique. Nous espérons que le gouvernement fédéral reconnaîtra bientôt ce fait.

Le sénateur DeWare: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je connais M. Fraser, le président de la fédération, depuis longtemps. Nous n'avons pas l'occasion de nous voir très souvent, ce qui n'était pas le cas il y a 10 ou 15 ans.

En fait, vos recommandations vont au coeur du mandat du comité. Nous devons, entre autres, faire en sorte que le Canada soit prêt pour le 21e siècle. Nos centres de recherche et nos étudiants ne veulent pas être laissés de côté. Nous avons l'impression que le financement de la recherche est au point mort. De plus, les étudiants lourdement endettés ne sont peut-être pas en mesure de faire face à leurs obligations et cela risque de les dissuader de poursuivre leurs études au niveau supérieur.

Je trouve intéressant de voir que vos recommandations vont dans le sens de notre mandat. J'en suis très contente. Vous avez tout à fait raison de dire que le gouvernement fédéral devrait examiner immédiatement et en profondeur cette relation. Votre recommandation est tout à fait pertinente.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quand le financement de l'enseignement postsecondaire a-t-il commencé à diminuer? Est-ce lorsque les paiements de transfert ont été réduits?

M. Morley: Oui. Il y avait une formule d'indexation. Encore une fois, comme je l'ai mentionné, nous aurions pu soumettre un mémoire de 40 pages. Je n'ai pas les documents d'étude avec moi, mais je vais essayer de vous donner un tableau général de la situation.

Les fonds consacrés par le gouvernement fédéral à l'enseignement postsecondaire étaient attribués selon une formule d'indexation en vertu du Financement des programmes établis. Ces fonds ont été gelés, d'abord par le gouvernement Mulroney, mais il n'est pas le seul responsable parce que, dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement Chrétien a prolongé le gel décrété par le gouvernement Mulroney.

Je ne l'ai pas mentionné, même si cela figure dans notre mémoire, mais nous sommes conscients du fait que les gouvernements essaient de maintenir leur dette à un niveau raisonnable. M. Martin a réussi à le faire en réduisant le déficit. Nous savons également qu'il a consacré 800 millions de dollars, sur cinq ans, à la recherche universitaire. Tous ces signes sont encourageants. Le fait est que le financement a été gelé à un moment donné, et qu'il a ensuite été réduit à plusieurs reprises. Cette tendance a été maintenue par le gouvernement Chrétien, de sorte qu'on ne peut pas blâmer un parti plus qu'un autre.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais est-ce que les fonds ont été transférés en vertu du TCSPS? Quel système a été gelé?

M. Cameron: Le système FPE, mais les fonds transférés en vertu du TCSPS ont été réduits. Ces réductions représentent, pour les universités du Nouveau-Brunswick, des pertes de 18 millions de dollars cette année, et de 32,5 millions de dollars l'année prochaine.

Maintenant, pour situer les choses dans leur contexte, le budget pour les quatre universités du Nouveau-Brunswick totalise 200 millions de dollars. Donc, si vous soustrayez 20 millions de 200 millions, vous vous retrouvez avec un manque à gagner de 10 p. 100.

Pour le gouvernement fédéral, dont le budget se chiffre dans les milliards de dollars, 20 millions de dollars, ce n'est pas beaucoup. Toutefois, pour les universités du Nouveau-Brunswick, qui n'ont qu'un budget de 200 millions de dollars, 20 millions, c'est beaucoup, et 32,5 millions de dollars, c'est énorme. Cela va leur faire très mal.

Nous essayons, au Nouveau-Brunswick, d'aider les étudiants à acquérir les compétences qui leur permettront de s'intégrer au marché du travail, à l'économie, appelez-cela comme vous voulez, au même rythme qu'à l'échelle nationale. Comme vous le confirmera le sénateur DeWare, qui vient du Nouveau-Brunswick, nous n'avons pas les mêmes économies d'échelle que l'Ontario et l'Alberta. Or, le ministère du Développement des ressources humaines a confirmé à la Fédération, et j'ai vu les chiffres, mais pour le Nouveau-Brunswick seulement, que la hausse enregistrée au Canada, d'après ce qui a été publié dans The Globe and Mail, correspondait à celle du Nouveau-Brunswick. Le nombre d'emplois exigeant un diplôme universitaire a augmenté de 25 p. 100 au Nouveau-Brunswick, comme dans le reste du Canada. Par conséquent, le Nouveau-Brunswick n'est pas différent des autres provinces. Toutefois, il est frappé durement par des réductions qui, aux yeux du gouvernement fédéral, sont négligeables. Quelques millions de dollars dans un budget qui totalise des milliards de dollars, ça ne semble pas beaucoup, mais pour le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, c'est énorme.

Le sénateur DeWare: Vous n'avez pas le même nombre d'habitants.

M. Morley: Exactement. Nous n'avons pas la même assiette fiscale. La population du Nouveau-Brunswick correspond à moins du tiers de celle de Toronto. Nous sommes une province. Notre population correspond au tiers de celle de Toronto ou de Montréal. Pour ces raisons, nous n'avons pas les économies d'échelle qui nous permettent d'absorber les coupures que nous impose le gouvernement fédéral. Ces coupures nous font beaucoup de mal. Elles font aussi très mal à la Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous saviez donc que les transferts de paiement diminuaient tous les ans. Ont-ils cessé de faire des compressions? Va-t-on continuer de la sorte? Nous le saurons, je suppose, au prochain budget.

M. Morley: Tout à fait. Je crois -- et je puis parler de façon autorisée à ce sujet parce que je ne crois pas que des décisions ont été prises -- qu'un autre problème s'est posé du fait que le gouvernement du Nouveau-Brunswick et le gouvernement fédéral sont en train de négocier un accord fédéral-provincial en matière de formation de la main-d'oeuvre. Le député local nous a invités tout juste dimanche dernier à une conférence sur le sujet. Il semblerait qu'on m'ait invité modérateur du groupe de discussion sur l'enseignement postsecondaire parce ce domaine constitue une composante de l'accord. Ne disposant pas de l'accord sur place, nous n'avons pu ni le lire ni l'analyser. Je n'ai aucune idée du sort qui est réservé aux transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux et de ce qu'on en conservera. Je sais ce qui va se passer pour les deux prochaines années. Je ne pense pas que personne ne sera en mesure de prévoir pour les années subséquentes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ainsi, même ce comité peut faire toutes les recommandations qu'il juge à propos. Si des correctifs ne sont pas apportés aux paiements de transfert, nous perdons tous notre temps.

M. Morley: Tout à fait.

Le sénateur Lavoie-Roux: Qu'il s'agisse des universités ou de nous. Je sais qu'au Québec on craignait que le gouvernement fédéral mette fin abruptement aux paiements de transfert. C'est de cet argent dont il s'est surtout servi pour réduire le déficit parce que le problème ne se pose pas seulement dans le secteur de l'éducation mais aussi dans ceux des services sociaux et de l'aide sociale. C'est là où M. Martin a trouvé son argent.

En attendant, vous dites que le besoin d'enseignement supérieur est plus grand qu'il n'était il y a 20 ans par exemple. C'est très décourageant.

M. Morley: Je crois qu'il s'agit probablement d'une analyse très perspicace de la part de le sénateur. Cela me donne l'occasion de signaler au reste des sénateurs que notre principale recommandation ici -- et c'est la raison pour laquelle nous faisons des recommandations générales -- c'est que le gouvernement fédéral réévalue de façon critique et en profondeur l'enseignement postsecondaire par rapport au nouveau rôle qu'il joue depuis, tout au plus, les années 80. Comme il a changé radicalement, il faut songer à des modes de financement tout à fait différents. Les paiements de transfert, quels qu'ils soient, ne conviennent pas. Nous devons considérer les universités comme étant des composantes essentielles du moteur de la croissance économique et les traiter en conséquence.

Le sénateur Andreychuk: Dites-vous qu'au Nouveau-Brunswick, les compressions effectuées par le gouvernement fédéral sont balayées directement ailleurs par le gouvernement provincial -- étant donné que l'un des arguments invoqués par le gouvernement provincial c'est qu'il a laissé une certaine souplesse aux provinces en matière de choix -- et que c'est vous qui en subissez le contre coup. Elles ne prennent pas d'initiatives discrétionnaires à l'intérieur de ces compressions dans les budgets de la santé et de l'éducation?

M. Morley: D'autres provinces auraient agi de la sorte et je n'en citerai aucune, mais je puis dire en toute honnêteté -- je suis le directeur exécutif de la Fédération et, par conséquent, son bureaucrate à plein temps depuis les 12 dernières années -- que le gouvernement Hatfield et, par la suite, le gouvernement McKenna se sont fait un devoir de remettre aux universités ce qui leur avait été moralement destiné sous le régime du FPE. Il y a peut-être eu un changement d'un point de pourcentage.

Le sénateur Andreychuk: Y a-t-il aussi eu des compressions équivalentes de la part des provinces?

M. Morley: Oui, pour ainsi dire. Ce serait difficile à dire à deux ou trois points de pourcentage près mais, on peut dire que oui.

Le sénateur Andreychuk: Il s'agit d'une attaque sur deux fronts.

M. Morley: Elles ont en fait été liées par le montant. Vous devez vous rendre compte que, au Nouveau-Brunswick, 55 p. 100 du financement global de l'enseignement postsecondaire provient du gouvernement fédéral. Lorsque vous ajoutez la portion provinciale et faites la part des choses, vous constatez que le gouvernement fédéral assume la moitié de tout l'enseignement postsecondaire au Nouveau-Brunswick. Par conséquent, lorsque le gouvernement fédéral nous impose de fortes compressions, c'est la moitié ou plus -- plus de 50 p. 100 -- de notre revenu total qui sert au financement du programme qui en subit les fortes répercussions.

Les 800 millions de dollars de M. Martin ont été très bien accueillis. Ils ne sont destinés qu'à la recherche et à l'infrastructure qu'elle exige. La fédération parle des fonds de fonctionnement, c'est-à-dire les chaises pour asseoir les gens, les professeurs pour enseigner.

Un témoin a dit plus tôt aujourd'hui, et je suis tout à fait en désaccord avec elle, que les provinces maritimes semblent avoir une bonne expérience avec la taille des classes. L'Université du Nouveau-Brunswick à elle seule -- je le sais parce que j'ai un fils qui la fréquente et que dans certaines de ses classes en première année ils étaient entre 300 ou 400. L'Université du Nouveau-Brunswick n'est aucunement la plus grande université de cette région. Dalhousie est encore plus grande et est probablement aux prises avec un plus grand problème, mais je n'ai pas de renseignements de première main à ce sujet. Dans deux cours d'introduction de première année, mon fils faisait partie d'une classe de 300 étudiants et d'une autre de 400. Ce n'est pas une façon d'apprendre.

Le sénateur Perrault: J'ai bien aimé la citation de Yogi Berra: «Le futur n'est plus ce qu'il était». Je suis associé au base-ball à Vancouver. Yogi a aussi dit: «Personne ne va plus à ce restaurant, parce qu'il est trop bondé».

M. Morley: J'allais terminer là-dessus.

Le sénateur Perrault: Je vais vous dire là où il y a surpeuplement ces jours-ci, c'est parmi les gens qui sont victimes de la réduction des effectifs. Nous oublions souvent l'étudiant adulte ou le particulier avec expérience de travail qui se trouve au beau milieu de ses meilleures années productrices de revenus, entre 45 et 65 ans. Il perd tout simplement son poste et c'est la catastrophe pour sa famille. De nombreuses familles vivent la même chose. Vous en connaissez au Nouveau-Brunswick tout comme j'en connais en Colombie-Britannique. On apprend ensuite que certains cadres obtiennent des primes parce qu'ils ont réduit le personnel de leur entreprise de 50 p. 100. Je crois que l'honneur devrait revenir à ceux qui ont doublé les emplois et augmenté la part du marché, mais c'est une autre question.

Cela ne va-t-il pas poser un énorme problème de rééducation, surtout lorsqu'on nous dit que, au cours de sa vie, un travailleur devra acquérir de nouvelles habilités à quatre reprises? Cela semble être le chiffre minimal, quatre postes ou emplois différents. Je m'en remets à votre expertise ici.

Soit dit en passant, je trouve le mémoire excellent. Il contient certaines réalités inéluctables sur lesquelles nous pouvons nous pencher au lieu de nous contenter d'une approche philosophique.

Qui va rééduquer ces gens? Qu'arrive-t-il au cadre de 45 ans qui ne possède aucune compétence en informatique mais qui doit continuer à rembourser une hypothèque et qui a trois enfants d'âge scolaire? Il s'agit là des véritables problèmes sociaux que nous devons régler, peu importe notre affiliation politique.

M. Morley: Tout à fait.

Le sénateur Perrault: Il faudra pour cela encore plus d'instructeurs pour leur faire acquérir ces nouvelles habilités. J'aimerais connaître votre avis là-dessus.

Le président: Il est d'accord avec vous, sénateur.

Le sénateur Perrault: Les Néo-Brunswickois donnent une explication plus complète que les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard.

Il s'agira d'un défi pour la profession enseignante.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous pouvons faire toutes les recommandations que nous voulons si les fonds ne sont pas là.

Le président: Mais il est d'accord.

Le sénateur Perrault: Il nous faudra recycler ces gens et cela exige des ressources.

M. Fraser: Puis-je répondre? Il est vrai que nous parlons d'une dette gigantesque que nous devons nous efforcer d'éliminer. Tout le monde doit en quelque sorte se serrer la ceinture. À la page 9 du mémoire figure une citation intéressante que nous avons tirée de «The Trimark Investor» et que nous avons jugé assez pertinente pour l'intégrer à notre mémoire. On y dit qu'une bonne dette ça existe:

[...] on parle habituellement d'une «bonne» dette pour décrire une dette que l'on fait pour acquérir un bien qui prend de la valeur. Ce bien peut être corporel [...] ou incorporel, tel que l'éducation postsecondaire d'un enfant.

Nous devons tenir compte du fait qu'il s'agit d'un investissement et non pas simplement d'une perte ou d'une dette. Nous investissons dans notre avenir.

Le sénateur Perrault: Il faudra que nous prêtions attention aux enfants et aux jeunes gens sans compter ce nouveau phénomène. Il me semble que nous assistons à un profond changement d'une aussi grande envergure que la révolution industrielle.

M. Morley: En effet.

Le sénateur Perrault: Lorsque nous en sortirons, nous nous rendrons compte de la période de bouleversements que nous avons traversée. Il faudra davantage d'instructeurs aux fins de la rééducation, n'est-ce pas?

M. Morley: Là où je veux en venir au sujet de l'enseignement postsecondaire, et surtout au niveau universitaire, c'est qu'une fois que vous quittez l'université, l'adaptabilité et la souplesse dont j'ai parlé plus tôt sont déjà des réactions innées. Si vous êtes mis à pied à 35, 40 ou 45 ans, il est beaucoup plus probable qu'après avoir passé au travers de 3, 4 ou 7 carrières, -- peu importe la moyenne, cela n'importe pas vraiment -- vous ayez pu vous adapter et possédiez cette formation de base en raisonnement analytique et logique qui vous permettra de passer d'un emploi à l'autre. Si vous êtes mis à pied, vous pouvez vous recycler plus facilement et plus rapidement. Cependant, si vous avez été chaudronnier pendant 30 ans et qu'on essaye de vous former comme pilote de chasse, vous aurez du mal à vous acquitter de ces fonctions. C'est là l'idée. Les données démographiques indiquent que l'économie, le marché, peu importe le nom que vous lui donnez, recherche cette souplesse.

Bill Mulholland, le président de la Banque de Montréal, disait en 1989: «Envoyez-moi des diplômés des arts libéraux. Je vais les former. Je veux des gens qui peuvent penser. Ne m'envoyez pas des économistes et des comptables ni des gens qui sont spécialisés dans un seul domaine et qui y sont cantonnés.» Bien sûr ils possèdent un diplôme en économie ou dans n'importe quelle autre spécialité, mais ne concentrez pas toute leur formation dans un seul domaine. Donnez leur une bonne éducation dans les arts libéraux. M. Mulholland disait aussi: «Il est possible pour nous de les intégrer à notre banque. En effet, après deux ou trois ans ils ont fait leur temps dans le secteur où nous les avons affectés et nous pouvons leur confier alors d'autres tâches sans perdre nos trois années d'investissement. Nous pouvons les faire passer d'un endroit à l'autre à l'intérieur de la banque et ne pas les mettre à pied. Nous pouvons leur enseigner d'autres tâches.» Donnez leur donc une bonne formation de base.

M. Fraser: Puis-je ajouter une toute petite chose? N'oubliez pas non plus que, lorsque le Conference Board du Canada a fait enquête auprès des entreprises et leur a demandé ce qu'elles cherchaient chez leurs employés, elles ont exactement décrit une formation générale.

Le sénateur DeWare: J'ai parlé de la formation de la main-d'oeuvre. Il semble y avoir beaucoup d'inquiétudes, lorsque nous avons discuté des surplus de l'assurance emploi -- on allait commencer à donner l'occasion aux provinces de s'occuper de la formation. Je crois comprendre que le Nouveau-Brunswick est en train de négocier un accord. Est-ce bien le cas?

M. Morley: C'est exact.

Le sénateur DeWare: Notre inquiétude ou l'inquiétude dont on nous a fait part, c'est que le secteur privé interviendra beaucoup dans la formation spécialisée, en principe, les entreprises et d'autres, mais si tel est le cas, la province -- c'est elle qui va tenir les cordons de la bourse. Va-t-elle se concentrer sur les collèges communautaires et les appuyer ou sera-t-elle obligée, par l'entremise de la politique ou que sais-je encore, d'appuyer certaines initiatives du secteur privé? Telle est ma préoccupation.

M. Morley: Une question à laquelle il est toujours difficile de répondre. Vous êtes en politique depuis longtemps et vous connaissez probablement mieux que moi la réponse.

Le sénateur DeWare: Je détesterais voir le nombre de collèges diminuer à cause du secteur privé. Il faudrait bien sûr que des normes soient établies.

M. Morley: Je ne peux que répéter, et je le dis en toute sincérité, que les gouvernements conservateurs successifs et le gouvernement libéral au Nouveau-Brunswick ont réparti l'argent avec une honnêteté scrupuleuse. Si on me posait la question au sujet d'une autre province, que je ne mentionnerai pas, je dirai qu'on y a volé l'argent pour construire des routes, parce que je sais que c'est ce qui s'est vraiment passé, mais au Nouveau-Brunswick ce ne fût pas le cas. On y a réparti l'argent tel qu'il avait été affecté à l'origine au moyen des transferts effectués dans le cadre du FPE.

Le sénateur Forest: J'apprécie certes votre mémoire, il vient renforcer ce que nous avons déjà entendu dire au sujet du besoin de financement.

Je ne sais rien au sujet de l'accord que l'on est en train de négocier, mais l'Alberta a signé le sien il y a quelques semaines. Je n'avais pas tous les détails, mais il va sans dire que les résidants de la province l'ont salué comme étant une véritable percée pour venir en aide dans ce secteur. Je pense qu'il n'y a pas moyen de s'en sortir, parce qu'à l'heure actuelle pour chaque dollar que nous versons, 35 cents servent à rembourser l'intérêt de la dette. Dès que nous commencerons à réduire ce montant, nous aurons alors plus d'argent. La question est de savoir à quelle vitesse nous pourrons le faire sans détruire nos établissements.

Je vous remercie de nous avoir apporté ces documents.

Le président: Je veux remercier Desmond Morley. Monsieur Fraser, nous vous remercions de votre très courte présentation.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez très bien expliqué pourquoi l'éducation est un investissement important et votre argument est repris dans tout le pays. Vous m'avez aussi fait plaisir lorsque vous avez dit que l'enseignement supérieur est toujours important, que le développement de l'esprit et la productivité est ce que nous recherchons et que la formation ciblée est un concept qui s'ajoute à cela. Ce que vous avez aussi fait ressortir au moyen de vos statistiques, c'est l'argument irrésistible selon lequel il faut avoir fait des études postsecondaires pour trouver un emploi. Cela nous amène à conclure que tout le monde doit entreprendre des études secondaires. J'ose espérer que ce n'est pas ce que vous dites.

M. Morley: C'est ce que je dis.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites que tous les Canadiens devront avoir fait des études secondaires.

M. Morley: Si je dis cela c'est que, à l'heure qu'il est, lorsque nous parlons d'un niveau d'éducation nous le qualifions de postsecondaire, primaire, secondaire et supérieur. Ce que j'essaie de dire, c'est que chaque membre de la société devra hausser son niveau d'éducation comme l'indiquent les tendances démographiques. Ce ne sont ni les universités ni les collèges communautaires qui créent cette situation, mais le marché. C'est le marché qui pousse les gens.

C'est le marché qui l'exige -- comme dans l'exemple que j'ai donné au sénateur Perrault. Un serveur ou une serveuse, par exemple, doit en savoir davantage au sujet de sa fonction. Il en va de même pour l'opérateur de saisie de données. C'est la demande.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez utilisé une nouvelle définition de l'éducation postsecondaire. Si c'est le cas, et que notre comité devait recommander l'investissement, et j'espère que nous en viendrons à ce point, que faisons-nous en attendant, alors que le recyclage, y compris au niveau postsecondaire, n'a pas été la solution pour de nombreux cols bleus et que parfois des gens soutiennent que ce n'est pas réaliste? Comment assurer que tous les Canadiens sont pris en compte dans l'équation, plus particulièrement les gens qui vivent dans la pauvreté, et ainsi de suite, qui ne rattraperont pas assez rapidement le retard? Comment en arrivons-nous à une société englobante?

M. Morley: Une fois de plus, laissez-moi vous dire que ce que nous définissons maintenant comme étant l'éducation postsecondaire, c'est un niveau d'éducation. Au fur et à mesure que vous passez d'un niveau à l'autre, vous passez aussi d'un établissement à l'autre. Je crois que c'est comme l'a décrit le sénateur Perrault: un profond changement est en cours. Je prévois un profond changement dans la façon dont l'enseignement est assuré. Prenons par exemple l'enseignement à distance de même que diverses méthodes d'enseignement interactives qui intéresseront probablement davantage ces gens et motiveront davantage ceux qui semblent avoir à l'heure actuelle la capacité d'accéder à ce que nous appelons maintenant les études postsecondaires. Je veux parler de l'éducation à un certain niveau pour les cols bleus, tels que vous les décrivez, qui ne sont pas dans le continuum qui se développe, comme vous pouvez le constater à l'annexe I.

Je crois que cela va se produire un jour ou l'autre et que les gens commenceront tout naturellement à être plus éduqués. Il y a 100 ans, après avoir fréquenté la petite école rouge les gens avaient reçu toute l'instruction dont ils avaient besoin à l'époque. Les exigences de l'économie, du marché, peu importe l'expression utilisée, se sont accrues et, assez curieusement, un diplôme de douzième année est maintenant considéré comme la norme et on continue de parler de niveau secondaire. Pourtant nous parlons maintenant de douzième année alors qu'en fait ces études secondaires correspondent maintenant au niveau primaire. La barre est plus haute et on continuera de la relever.

En même temps, il y a 100 ans une partie de la population n'aurait pu se rendre jusqu'à la douzième année. Les méthodes d'enseignement et tout ce qui a accompagné la progression du système d'éducation ont permis à plus de gens de s'instruire et d'obtenir un diplôme de douzième année. Je crois que cela va se produire au niveau postsecondaire, mais il faut pour cela mettre de l'ordre dans le système d'éducation étant donné que les exigences professionnelles sont plus grandes et les installations plus rares.

Le sénateur Andreychuk: Par postsecondaire, vous entendez une réorganisation de tous les systèmes.

M. Morley: C'est exact.

Le président: Je vous remercie, monsieur Fraser et monsieur Morley, de votre excellent mémoire.

M. Morley: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant de l'Association des universités de l'Atlantique, M. Arthur May, président du conseil et recteur de l'Université Memorial de Terre-Neuve. Certains d'entre vous ont peut-être connu M. May à Ottawa lorsqu'il travaillait pour le ministère des Pêches et des Océans. Il est maintenant rendu à cette grande université à Terre-Neuve. Je ne sais pas s'il y est venu avec John Crosbie, mais il l'a suivi là-bas. John Crosbie en est le chancelier et M. May le recteur. Ils ont en quelque sorte quitté le ministère des Pêches. Et il n'y avait pas de poisson.

Monsieur May, vous pourriez présenter les gens qui vous accompagnent ou les laisser se présenter eux-mêmes et nous dire quelle université ils représentent pour les fins du compte rendu.

M. Arthur May, président du conseil et recteur, Université Memorial de Terre-Neuve: Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir ainsi présenté. En fait, nous avons maintenant un ancien ministre fédéral des Pêches et un ancien sous-ministre comme chancelier et président de l'Université Memorial.

Le président: Et nous n'avons toujours pas de poisson.

M. May: Non. C'est la raison pour laquelle nous sommes à l'université. Permettez-moi de vous présenter mes collègues. Nous avons 19 universités dans la région de l'Atlantique. Nous n'avons pas de représentants de chacune d'entre elles, mais nous avons cru qu'il serait bon pour le comité d'entendre des gens dont la composition est largement représentative. Mme Elizabeth Epperley est rectrice de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard; Harley D'Entremont est recteur de l'Université Sainte-Anne de la Nouvelle-Écosse; Colin Starnes est recteur de l'Université King's College ici à Halifax; Ken Ozmon est recteur de l'Université Saint Mary's à Halifax; Alice Mansell est présidente du Nova Scotia College of Art and Design qui vous accueille ici aujourd'hui. Bernie MacDonald a dû nous quitter. Nous attendons Jacquie Thayer-Scott du Collège universitaire du Cap-Breton qui n'est pas encore arrivée.

Si vous le permettez, monsieur le président, je vais aller droit au fait et parler du mémoire. Permettez-moi de dire deux choses en guise d'introduction. Le mémoire n'est pas aussi formidable qu'il le paraît parce que nous avons essayé d'y traiter de trois vastes sujets en les résumant largement pour que vous compreniez le message. Nous l'avons assorti de graphiques et de tableaux dans l'espoir de renforcer le message. Si cela vous intéresse encore suffisamment, nous avons beaucoup de matériel des divers établissements qui contiennent des anecdotes pour illustrer certains points.

Deuxièmement, monsieur le président, si nous avions soumis ce mémoire il y a deux semaines, nous aurions été en mesure de vous dire à quel point nous sommes étonnés de la rapidité avec laquelle vous avez communiqué le message et obtenu une réaction du gouvernement, parce que certaines des questions que nous abordons aujourd'hui ont été en fait débattues, hier, à Ottawa. Toutefois, d'autres changements s'imposent. Nous faisons des progrès, mais il y a encore du travail à faire.

Pour vous résumer notre mémoire, nous avons l'intention de discuter de l'abordabilité et de l'accessibilité de l'enseignement, de la recherche universitaire, de l'infrastructure de recherche connexe et de l'importance que revêtent les universités pour les collectivités. Nous espérons, par notre témoignage, faire ressortir le caractère particulier de la région de l'Atlantique, parce que cette région est vraiment très différente des autres.

Pour ce qui est de l'abordabilité, nos universités sont dispersées sur l'ensemble du territoire. La plupart des grands centres urbains ont un campus ou sont situés près d'un campus, et nous donnons un grand nombre de cours par la voie de l'enseignement à distance. Cette année, nous comptons 65 000 étudiants à temps plein et 14 000 étudiants à temps partiel, ce qui donne un total de 79 000 étudiants. Les inscriptions ont augmenté de 33 p. 100 environ en dix ans.

Nous savons, d'après les données de Statistique Canada, que les diplômés universitaires tirent profit de leur éducation. Ils peuvent trouver un emploi plus facilement et gagnent plus d'argent. À l'heure actuelle, le taux de chômage au Canada oscille autour de 10 p. 100, mais le taux de chômage chez les diplômés universitaires est légèrement inférieur à 5 p. 100.

Les diplômés considèrent l'enseignement supérieur comme un bon investissement. Par ailleurs, il est de plus en plus difficile d'y avoir accès. La plupart des étudiants doivent emprunter pour financer leurs études. Le prêt moyen dans les provinces de l'Atlantique oscille autour de 12 000$. Ce chiffre a augmenté rapidement au cours des dernières années, et risque de croître encore plus. Il y a beaucoup de jeunes diplômés qui ont de la difficulté à rembourser leur prêt.

La part des recettes que tirent les universités des subventions provinciales diminue. Par conséquent, elles sont obligées d'augmenter les frais de scolarité, et donc d'accroître la part des recettes tirées des étudiants. Prenons, par exemple, les universités de la Nouvelle-Écosse. Il y a dix ans, près de deux tiers des recettes d'exploitation des universités provenaient du gouvernement. Aujourd'hui, moins de la moitié des recettes des établissements publics proviennent du gouvernement. C'est très révélateur.

Hier, le gouvernement a proposé dans son budget diverses mesures pour venir en aide aux étudiants et à leurs familles. Il a proposé, entre autres, des améliorations aux régimes enregistrés d'épargne-études et le report du paiement des intérêts, une fois les études terminées. Nous abordons dans notre mémoire deux questions qui ont été passées sous silence et qui méritent notre attention. D'abord, il faudrait accorder une aide spéciale aux personnes défavorisées, par exemple, les parents célibataires, ou aux étudiants dont la famille a un revenu très faible. Nous pourrions aider ces étudiants à améliorer leur situation en leur accordant, par exemple, des subventions. À défaut de cela, ils n'auront d'autre choix que de s'endetter lourdement.

Ensuite, il faudrait établir des partenariats avec le gouvernement afin de créer des emplois pour les étudiants. Les universités elles-mêmes offrent un grand nombre d'emplois à temps partiel aux étudiants. Elles leur permettent de travailler et de payer en même temps leurs études. Nous ne prétendons pas être en mesure de créer suffisamment d'emplois pour les aider à financer toutes leurs études, mais nous pouvons certainement offrir au sein de nos établissements, et nous le faisons déjà, de nombreux emplois à temps partiel pour les étudiants. Le gouvernement fédéral pourrait imiter nos efforts et ainsi doubler le nombre d'emplois à temps partiel pour les étudiants.

Passons maintenant à la recherche et à l'infrastructure. Là, nos recettes viennent essentiellement des subventions fédérales et des grandes entreprises. Dans la région de l'Atlantique, la recherche universitaire génère des retombées de plus de 200 millions de dollars. Cette région, et c'est ce qui la distingue des autres, est fortement tributaire de la recherche universitaire. Au Canada, environ 23 p. 100 des travaux de recherche et de développement sont effectués par les universités; le quart environ est effectué par le gouvernement fédéral, et la moitié, par le secteur privé.

Dans l'Atlantique, les universités réalisent non pas 23 p. 100, mais 45 p. 100 des travaux de recherche. Elles dépendent deux fois plus de la recherche universitaire que le reste du pays.

J'aimerais dire quelques mots au sujet du programme d'infrastructure qui a été annoncé hier. Il constitue un grand pas dans la bonne direction. Je crois que tous mes collègues s'entendent pour dire que ce programme arrive à point nommé, parce que nous en avons grandement besoin. De plus, il encourage la concurrence. Toutefois, dans l'Atlantique, nous sommes toujours un peu nerveux quand le gouvernement fédéral lance un programme national, puisque environ 80 p. 100 des fonds qu'il consacre à la recherche sont répartis entre quatre provinces -- le Québec, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Les six autres reçoivent le reste, soit 20 p. 100. C'est un facteur qu'il faut garder en tête.

J'aimerais, pour terminer, vous parler brièvement du rôle que jouent les universités au sein des collectivités: nous générons, par nos dépenses, des retombées économiques importantes dans la région de l'Atlantique. Celles-ci ont atteint 2,7 milliards de dollars en 1994-1995.

Nous constituons une importante source d'emploi dans la région. Nous fournissons un emploi direct à 17 000 personnes, et un emploi indirect à plus de 19 000 personnes.

Nous avons traversé des moments difficiles et nous devons faire plus avec moins, les dollars étant ajustés en fonction de l'inflation. Les subventions de fonctionnement de l'ensemble des universités ont diminué de 18 p. 100, par inscription en équivalent temps plein, en dix ans.

Bien entendu, notre contribution n'est pas seulement économique. Il est difficile d'imaginer ce que seraient nos collectivités sans les universités, et pas seulement à cause de leur apport sur le plan de l'enseignement, sans parler de nos galeries d'art, de nos installations sportives, de nos bibliothèques et autres installations qui représentent pour la collectivité une ressource inestimable.

Toutefois, mis à part notre rôle pédagogique, c'est par la recherche essentiellement que nous desservons nos collectivités. J'en ai déjà parlé brièvement. Vous trouverez, à la partie 4 du document, de nombreux exemples de travaux de recherche entrepris par les universités de la région de l'Atlantique. On y décrit également l'importance que revêtent ces travaux pour les collectivités.

Merci beaucoup, monsieur le président. J'espère que vous allez me permettre de faire appel aux connaissances de mes collègues ici présents pour répondre à certaines de vos questions, surtout celles qui les concernent directement.

Le sénateur Perrault: Vous nous avez remis un excellent document d'information. Vous dites, comme tout le monde d'ailleurs, que nos établissements manquent de fonds. L'organisateur de campagnes de souscription joue un rôle clé au sein de l'université. Du moins, c'est le cas dans l'Ouest. Qu'en est-il de la générosité des entreprises? Dans quelle mesure peut-on compter sur elles?

J'ai fait allusion, plus tôt, à l'arrangement qu'a conclu un des collèges de la Colombie-Britannique. La Banque Royale du Canada s'est engagée à fournir la moitié des ordinateurs dont a besoin la bibliothèque, et la CIBC, l'autre moitié. Le matin, quand on allume l'ordinateur, un message discret apparaît à l'écran. On informe l'usager que l'ordinateur est offert gracieusement par la banque XYZ ou je ne sais quoi. Est-ce que le fait de collaborer étroitement avec une entreprise peut causer des problèmes? Êtes-vous en faveur de ce genre de collaboration?

M. May: Il y a eu des discussions, ces derniers mois, au sujet des problèmes que pourrait causer une trop grande collaboration avec le secteur privé. Permettez-moi de vous dire que les universités sont très heureuses de pouvoir compter sur l'aide du secteur privé. Elles sont très nombreuses. Il y a 88 universités qui font partie de l'AUCC au Canada.

Le sénateur Perrault: C'est beaucoup.

M. May: Mais les diplômés, les anciens étudiants, constituent également une importante source de soutien, financier ou autre. Nous comptons également sur eux.

Le sénateur Perrault: Il n'y a rien de changé de ce côté là?

M. May: Non. Je ne crois pas que le secteur privé va essayer de changer quoi que ce soit.

Le sénateur Perrault: Nous avons vécu la même situation dans l'Ouest.

M. May: M. Ozmon, qui a une plus grande expérience que moi des campagnes de souscription, souhaiterait peut-être ajouter quelque chose.

M. Kenneth Ozmon, recteur, Université Saint Mary's: Il veut dire par là que je suis plus vieux que lui. Merci. J'aimerais tout simplement dire que le soutien des entreprises a augmenté au fil des ans. Les banques sont un bon exemple. Elles ont été très généreuses envers les universités et, à mon avis, elles n'ont pas essayé de tirer parti de cet appui.

Nous dépendons beaucoup des entreprises, comme nous dépendons de nos anciens étudiants. Toutefois, je tiens à préciser que les banques, les entreprises en général, n'aiment pas contribuer au budget d'exploitation des universités. Elles préfèrent plutôt accorder leur appui financier aux programmes innovateurs. Mais elles n'ont jamais voulu, et ne veulent pas, contribuer au budget d'exploitation des universités. Elles considèrent que cette responsabilité incombe au gouvernement, aux utilisateurs.

Le sénateur Perrault: Et qu'en est-il de la désignation des pavillons du campus? Accepteriez-vous qu'il y ait un salon McDonald ou une bibliothèque Pizza Hut? J'exagère, bien entendu, mais vous savez ce que je veux dire.

M. Ozmon: Nous essayons de ne pas trop miser là-dessus, sénateur, mais je crois que toutes les universités utilisent ce procédé pour recueillir des fonds.

Le sénateur Perrault: Comme source de recettes.

M. Ozmon: Les panneaux autour des patinoires sont de plus en plus...

Le sénateur Perrault: À l'université?

M. Ozmon: Oui. J'ai vu des logos de compagnies sur les uniformes. Cela ne se voit pas encore sur notre campus, mais nous ne perdons pas espoir, au cas où il y aurait un donateur important dans la salle.

Le sénateur Perrault: Et qu'en est-il des dons, des bourses d'études ou d'entretien? Est-ce qu'ils sont à la hausse ou à la baisse?

M. Ozmon: À la hausse. Mes autres collègues voudraient peut-être répondre à cette question. Nous avons intensifié nos efforts à ce chapitre. Bon nombre de nos établissements ont des employés à temps plein ou à temps partiel qui sont chargés de communiquer avec les anciens étudiants et des donateurs éventuels. Mais mon collègue, M. D'Entremont, souhaiterait peut-être ajouter quelque chose.

M. Harley D'Entremont, recteur, Université Sainte-Anne: Le budget fédéral a modifié le régime fiscal qui s'applique aux dons de capital-actions que reçoivent les universités. Elles ont droit, dans un sens, à une déduction additionnelle de 20 p. 100, ce qui est une bonne chose. On veut encourager les anciens étudiants et les entreprises à faire des dons importants, comme le font les Américains. Nous devrions peut-être faire encore plus de ce côté-là. Le Centre canadien de philanthropie, l'AUCC et d'autres organismes appuient cette initiative. Le fait d'augmenter le montant de la déduction, surtout pour les dons de capital-actions, aidera les universités à renflouer leur fonds de dotation. Cette mesure vise à encourager les dons. Je crois que la plupart des universités considèrent cela comme un pas dans la bonne direction. Nous devrions poursuivre nos efforts en ce sens.

Le sénateur Perrault: En ce qui concerne les universités qui reçoivent moins de 50 p. 100 de leurs recettes des gouvernements, avez-vous des données comparatives sur le pourcentage de recettes que les établissements aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, par exemple, reçoivent du secteur public?

Mme May: Je ne saurais vous le dire. Nous n'avons pas de données comparatives là-dessus.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites que, grâce aux mesures qui ont été annoncées dans le budget d'hier, les étudiants ont maintenant les outils dont ils ont besoin pour surmonter les obstacles auxquels ils sont confrontés. Vous avez ajouté qu'il faudrait prévoir des mesures pour les handicapés et certains groupes défavorisés. Est-ce bien cela? Ou est-ce que ces mesures ne constituent qu'un premier pas?

Il en va de même pour la recherche. Vous avez dit que la formule 80/20 présentait certains problèmes. Toutefois, de manière générale, est-ce que ces mesures vont nous permettre de livrer concurrence aux autres pays de l'OCDE?

M. May: D'abord, les mesures proposées vont nous permettre d'aider les étudiants et leurs familles. Les régimes enregistrés d'épargne-études permettent aux gens d'économiser pour l'avenir. Le fait aussi de reporter le paiement des intérêts aide les étudiants, mais cela ne règle pas le problème immédiat que pose l'accumulation de la dette. C'est pourquoi j'ai proposé qu'on accorde une aide spéciale aux groupes défavorisés. Je crois que des mesures ont déjà été prévues pour les handicapés. Nous devrions faire encore plus de ce côté-là.

Nous devrions envisager d'autres solutions, comme le fait d'encourager les universités à fournir des emplois à temps partiel aux étudiants qui fréquentent l'établissement. Ce sont des solutions que nous devons examiner.

Ensuite, le Canada consacre à peu près 1,5 p. 100 de son PIB à la recherche. C'est la moitié de ce qui se fait aux États-Unis, et 40 p. 100 de ce qui se fait en Suède. Parmi les pays du G-7, c'est le Canada qui consacre le moins à la recherche. Nous nous situons au même rang que l'Espagne et le Portugal.

Le sénateur Andreychuk: Mais juste avant l'Italie.

M. May: Nous avons beaucoup de chemin à faire.

Le sénateur Andreychuk: La région de l'Atlantique a été la première à établir des partenariats avec des universités dans les Antilles. Des programmes individuels et coopératifs ont été mis sur pied. La commercialisation de nos services éducatifs à l'étranger suscite beaucoup de discussions et d'intérêt au Canada. L'avantage de cette démarche, c'est qu'elle vous permet d'élargir votre base. Est-ce que la région de l'Atlantique considère cela comme un secteur de croissance? Est-ce que cette démarche présente des risques?

Par exemple, on retrouve dans bon nombre des pays du Commonwealth des constituantes des universités des États-Unis et de tous les pays d'Europe. Ces constituantes vendent leurs services. Est-ce une option que vous privilégiez? Devrait-on encourager une telle démarche?

M. Ozmon: Mme Mansell, la présidente du Nova Scotia College of Art and Design, plusieurs de nos collègues et moi-même avons accompagné Équipe Canada lors de sa dernière mission. Nous voulions visiter des universités, explorer les possibilités qui s'offrent à nous et établir des liens avec d'autres établissements afin de promouvoir les échanges et les projets de recherche conjoints.

Les possibilités à l'étranger sont innombrables. Le Canada est devancé actuellement par le Royaume-Uni et l'Australie, surtout dans la région de l'Asie du Sud-Est, et les États-Unis bien entendu, de sorte que nous avons beaucoup de travail à faire. Toutefois, nous jouissons dans ces pays d'une bonne réputation.

Le sénateur Andreychuk: Le comité des affaires étrangères a examiné la question des relations commerciales avec l'Asie. J'ai pris part à cette étude, et le sénateur Perrault aussi. On nous a dit à maintes reprises que les Canadiens n'ont pas les compétences voulues pour travailler à l'étranger, qu'ils ne connaissent ni la langue, ni les pratiques commerciales en vigueur dans ces pays. C'est une lacune que l'on retrouve chez les étudiants et les gens d'affaires. Vous êtes-vous penchés là-dessus?

M. Ozmon: Je ne suis pas de cet avis. Le Canada a plus d'expérience dans ce domaine que de nombreux autres pays, en tous cas plus que les États-Unis et l'Australie. Je pense que vous avez entendu parler des mesures que les législateurs australiens ont adoptées, des mesures qui sont très mal vues en Asie du Sud-Est. Le Canada jouit d'une bonne réputation et il a beaucoup a offrir. C'est un pays multiculturel, sécuritaire et accueillant. Nous ne sommes pas un peuple froid. Tous ces facteurs militent en notre faveur.

Mme Elizabeth Epperley, rectrice, Université de l'Île-du-Prince-Édouard: Je crois que M. Ozmon fait preuve de modestie, car Saint Mary's se classe parmi les premiers établissements des provinces de l'Atlantique en ce qui concerne l'enseignement de l'anglais comme langue seconde; je lui remets également ces lauriers. L'Île-du-Prince-Édouard tente certainement de lui enlever une partie de son domaine de spécialisation.

Il est très important de remarquer les nouvelles initiatives prises face à ce qui, d'après nous, représente un secteur de croissance. L'Institute of Island Studies de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard a des partenariats avec des îles de l'Atlantique Nord. Il s'agit de partenariats économiques. Pour nous, l'Île-du-Prince-Édouard joue le rôle d'agent de l'Amérique du Nord. Nous venons juste de mettre au point un programme de troisième cycle en éducation, spécialisé notamment en développement international si bien que nos diplômés en éducation peuvent aller dans d'autres pays. Nous avons conclu un accord international et bénéficions d'un financement du ministère des Ressources humaines de 105 000 $ pour cette année, en vue du placement de nos bacheliers en éducation à l'étranger. Pour nous, c'est très important. Nous perçons ce marché. Nous sommes allés en Asie et y retournerons, sans pour autant oublier l'Europe.

Le sénateur Andreychuk: Comme nous avions entendu le point de vue de la C.-B., je voulais entendre celui de l'autre extrémité du pays.

Le président: La rectrice Epperley a maintenant la parole. Peut-être pourrait-elle nous indiquer, puisqu'elle vit dans le Canada Atlantique, et non en Colombie-Britannique -- là où le sénateur Perrault met en avant le Japon et la Chine.

Le sénateur Perrault: Nous sommes plus près de la Russie que d'Ottawa.

Le président: L'Équipe Canada va à l'étranger. Elle va en Chine et au Japon; elle va aux Philippines, en Malaisie et dans ces régions. Je pense que de grandes possibilités s'offrent au Canada Atlantique notamment dans les pays hispanophones comme le Mexique et les pays d'Amérique du Sud; je pense que nous devrions en tirer profit tout comme la région du Pacifique tire profit des pays d'Asie.

Enseigne-t-on l'espagnol dans les universités?

Mme Epperley: Oui. En fait, grâce à une subvention de l'ACDI, le collège vétérinaire est présent au Mexique. Nous venons d'envoyer un protocole d'entente à l'Université de la Havane à Cuba, nous essayons donc de créer de tels liens. En tant qu'ancienne Américaine dont l'espagnol est la première langue, je pense -- et nous le reconnaissons tous -- qu'il s'agit d'un secteur très important qui mérite d'être développé.

M. D'Entremont: Moncton a récemment signé avec Haïti un contrat de 5 millions de dollars parrainé par l'ACDI. En ce qui concerne les Caraïbes, l'Université de Moncton est maintenant très présente dans l'une des îles.

M. May: Monsieur le président, je ne peux m'empêcher de vous dire que le consul honoraire du Mexique est notre chancelier à Terre-Neuve.

Le sénateur Losier-Cool: J'aimerais commencer par dire que selon moi, les témoins que nous avons entendus ces derniers jours et le groupe d'étudiants, bref, toutes les universités du Canada atlantique ont fait un excellent travail. Avec le personnel de la Colline et le personnel compétent du Canada Atlantique, je crois que nous pouvons dire, compte tenu des réalités financières et économiques de la région, que c'est presque un exemple à suivre.

Hier, nous avons entendu des témoins représentant les handicapés. Ils nous ont dit que la plupart des universités ne sont pas bien équipées pour recevoir les handicapés. Cela pourrait-il faire partie d'un programme d'infrastructure et d'aménagement des édifices? Il n'y a pas beaucoup de campus qui soient équipés de cette manière.

Mme Alice Mansell, présidente, Nova Scotia College of Art and Design: Nous représentons le campus le plus inaccessible du Canada Atlantique, alors que nous sommes situés au centre de la ville; pourtant, beaucoup d'étudiants ont du mal à circuler dans notre édifice. Même ceux qui n'ont pas de déficience visuelle se perdent. C'est à mon avis un problème réel, puisque nous vivons et travaillons dans de vieux édifices qui perdent leur efficacité et deviennent moins sécuritaires. Il y a beaucoup d'étudiants que nous pourrions bien mieux desservir et, à mon avis, il faut passer à l'étape suivante.

Le sénateur Lavoie-Roux: N'y a-t-il pas de loi au Nouveau-Brunswick obligeant tous les établissements publics à être aménagés pour les handicapés?

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Ce n'est pas le commentaire que nous avons entendu lors des témoignages d'hier. Que pourrions-nous suggérer ou recommander afin que les universités de la région atlantique deviennent plus accessibles à ces personnes?

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y en a une loi ou est-ce qu'il n'y en a pas?

Le sénateur Losier-Cool: Au Nouveau-Brunswick, oui.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est gentil. Et on ne s'en occupe pas.

[Traduction]

N'y a-t-il pas de telles lois au Nouveau-Brunswick?

M. May: Je pense que l'on peut dire qu'en général, on a prêté beaucoup d'attention à cette question posée bien avant que je ne sois à la Memorial University de Terre-Neuve; quand j'y suis arrivé, le problème avait été réglé depuis longtemps. Tous les édifices sont accessibles grâce à des rampes d'accès et des ascenseurs.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous parlez de Terre-Neuve.

M. May: Oui, c'est exigé par la loi.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est la raison pour laquelle je pose la question au sujet du Nouveau-Brunswick.

M. May: Je pense que les circonstances sont particulières et que cet édifice est certainement particulier, ce qui explique les problèmes que cela pourrait représenter. On pourrait trouver une réponse à ce problème dans des programmes comme l'actuel programme d'infrastructure; pas le nouveau, mais l'actuel. Des travaux publics pourraient se faire en vue d'améliorer l'accessibilité des handicapés. Je crois toutefois que le problème est localisé, je ne pense pas qu'il soit général.

Le sénateur Forest: Ces édifices seraient-ils considérés comme des édifices d'intérêt patrimonial que l'on ne peut pas rénover?

Mme Mansell: Ils ont beaucoup de charme -- préservation du passé et prévention de l'avenir. Nous déployons tous les efforts possibles pour que les étudiants puissent circuler partout, mais évidemment, le collège lui-même est handicapé. Il est unique et pittoresque, mais des travaux s'imposent.

M. Ozmon: J'ajouterais un mot au nom des étudiants handicapés, car je crois qu'il est important de reconnaître que l'accessibilité physique ne représente qu'un htmect du problème. Les étudiants handicapés sont actuellement très peu représentés. Cela s'explique par le fait que nous n'avons pas la capacité financière d'offrir les genres de services dont ils ont besoin.

Le sénateur Perrault: Vous voulez parler des appareils de lecture et de ce genre d'équipement?

M. Ozmon: Les appareils de lecture, les services d'interprétation, les traducteurs Braille, uniquement le temps qu'il faut pour surveiller les examens. Il faut à certains de ces étudiants de cinq à six heures pour passer un examen. Nous avons besoin de surveillants d'examen. Il en faut beaucoup. Le pourcentage de personnes handicapées à Saint Mary's est relativement élevé. La plupart de nos étudiants mettent beaucoup de temps à terminer leurs études. Il s'agit d'étudiants qui ne peuvent suivre qu'un ou deux cours par an et il leur faut donc dix ans pour terminer leurs études, si pas plus. Ces étudiants restent donc inscrits et nous essayons d'en ajouter d'autres. C'est une demande énorme à laquelle nous ne pouvons répondre. C'est donc également un htmect du problème qu'il faudrait examiner.

Le sénateur Perrault: Grâce à la nouvelle technologie, il est possible de dicter une lettre dans une machine, laquelle peut la transcrire automatiquement; le problème de révision, et cetera, continue de se poser. J'imagine que c'est là que le facteur coût entre en ligne de compte.

Je ne savais pas, et j'avoue mon ignorance, que vous étiez également associé avec les Antilles. De quelle sorte de relations s'agit-il et comment fonctionnent-elles? Faites-vous des échanges d'étudiants?

M. May: La University of the West Indies, composée de trois campus, a toujours été membre de cette organisation. À l'occasion, nous faisons venir un représentant à nos réunions. Nous n'avons jamais osé tenir une de nos réunions dans les Antilles, surtout pas en janvier, même si nous avons été tentés de le faire. Peut-être qu'un de mes collègues de la Nouvelle-Écosse pourrait parler des échanges, car c'est surtout dans cette province qu'une telle tradition s'est implantée, et non pas tant à Terre-Neuve. En réalité, les liens ne sont pas forts.

Le sénateur Perrault: Envoyez-vous des professeurs à la University of West Indies?

Mme Mansell: En fait, je m'en veux de le dire, mais nous avons probablement le plus fort pourcentage d'échanges d'étudiants aux Antilles, au Mexique, à Cuba où nous envoyons également des professeurs.

Dans le cadre de certains de nos programmes, celui du design en particulier, quelques-uns de nos professeurs ont donné sur ces campus des cours intensifs de deuxième cycle de courte durée. Évidemment, nous pouvons en faire un peu plus. Le développement des ressources est difficile, mais l'intérêt manifesté est important et nous sommes, particulièrement dans cette région, très portés à en faire plus dans cette partie sud de l'Amérique centrale.

Vous savez probablement que depuis 20 ans, nous faisons des échanges d'étudiants et de professeurs de manière à pouvoir vraiment tirer profit de leur expérience, puisque nous n'insistons pas pour qu'ils adoptent nos façons de faire.

Le sénateur Perrault: De toute évidence, vous avez eu d'excellents résultats dans votre département. C'est une véritable découverte pour moi, monsieur le président. Je trouve formidable que des gens de l'Atlantique viennent en Colombie-Britannique et je suis heureux de me trouver ici. Notre pays est sensationnel et nous nous en rendons certainement compte au cours de tels voyages.

Le président: Cela doit faire maintenant 10 ans que j'ai quitté l'université, mais, beaucoup d'étudiants en médecine reviennent. Des avocats viennent des Caraïbes. Il n'y personne de Dalhousie pour répondre à cette question, mais l'UNB pourrait y répondre.

M. May: Il n'y a personne ici de l'UNB.

Le président: Qu'en est-il de la faculté de médecine à Terre-Neuve? Si je comprends bien, il y en a une.

M. May: Effectivement. Nous avons des étudiants des États-Unis, de l'Asie, de Singapour. Je ne sais pas si nous en avons des Caraïbes et je ne sais pas où vont maintenant les étudiants en médecine des Caraïbes.

Mme Anne-Marie MacKinnon, que j'aurais dû présenter comme directrice de l'Association des universités de l'Atlantique, pourrait vous donner la réponse. C'est elle qui dirige le bureau de Halifax et qui tire les ficelles, lorsque nécessaire.

Une faculté de médecine est associée avec les Caraïbes et je devrais pouvoir vous dire laquelle, puisque le nouveau lieutenant-gouverneur de Terre-Neuve, M. House, est l'un des pionniers de la télémédecine dans la région de l'Atlantique et que des liens ont été établis entre les Antilles et Memorial à cet égard.

Le sénateur Perrault: Dans la salle d'opération... Voulez-vous parler de la nouvelle technique qui aide les médecins à opérer?

M. May: J'espère que non.

Le sénateur Perrault: Vous n'effectuez pas l'opération par satellite. Cela pousserait les choses à l'extrême, n'est-ce pas? Des ordinateurs sont là pour les guider.

M. May: Je plaisantais en partie seulement, car la dernière fois que je l'ai rencontré, je lui disais qu'au moins nous ne verrons jamais le jour où un patient s'assied devant l'ordinateur pour que ce dernier établisse un diagnostic; il m'a dit que nous nous dirigeons exactement sur cette voie. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit davantage de diagnostic à distance et de comparaison de tableaux, d'ECG et de radios.

Le sénateur Perrault: Vous pouvez même envoyer des radios. C'est un progrès sensationnel pour la médecine.

Le président: Quelle université de votre région s'occupe de la faculté de médecine des Caraïbes?

M. May: Oh, c'était Memorial. J'ai parlé d'une association avec le centre de télémédecine de la faculté de médecine de Memorial, mais il y a une faculté de médecine à la University of the West Indies.

Le sénateur Lavoie-Roux: J'aimerais poser une question à l'aimable directrice du Nova Scotia College of Art and Design: quelle est votre situation financière; vous permet-elle d'offrir les programmes actuels et de prévoir l'avenir? Le travail de vos étudiants m'a fort impressionnée.

Mme Mansell: Nous avons beaucoup progressé ces deux dernières années, ce qui nous a permis de déterminer nos points forts et notre vision de l'avenir. Nous sommes très encouragés par l'intérêt de plus en plus marqué pour les disciplines et la recherche dans notre domaine. Notre contribution à la santé de la région apparaît un peu plus clairement, je crois. Je suis assez optimiste. L'ambiance est plutôt grave à l'heure actuelle, car nous avons de profondes inquiétudes à propos de notre situation budgétaire, mais je pense que nous pouvons présenter de bons arguments en faveur du rôle que nous jouons. Si, comme nous nous y employons, nous réussissons à obtenir un peu plus de participation de la part des secteurs public et privé, je crois alors que nous pourrons mieux défendre dans tout le pays les programmes fort essentiels d'arts et de design, ainsi que la recherche dans ce domaine.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous n'avez pas souffert, comme d'autres collèges, de la politique du paiement de transferts? Elle ne vous a pas touché contrairement à d'autres endroits, d'autres collèges.

Mme Mansell: Nous avons perdu près de 30 p. 100 de notre financement. Nous sommes très à court. Ce qui a permis à ce collège de se maintenir à flot, c'est que -- et je sais que cela va paraître exagéré, mais j'ai travaillé dans quatre provinces différentes, de l'ouest à l'est du pays -- les professeurs et les étudiants sont tous sans exception très attachés au collège et cette intense énergie a porté fruit. Les choses ont été très difficiles. Je crois que nous avons presque atteint la limite de la capacité humaine. Toutefois, je suis convaincue que tous ont le sentiment de l'importance du collège, de l'intérêt accru qu'il suscite, de sa meilleure image et de l'exaltation causée par la technologie et ce qu'elle nous a permis de développer. Nous avons connu des moments très difficiles. Nous avons fait de notre mieux pour donner l'impression que cela a été facile, mais cela ne l'a pas été.

Le sénateur Perrault: Le Collège des arts est une cible facile.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pour reprendre ce qui a été dit ces derniers jours, voyez-vous la lumière au bout du tunnel?

Mme Mansell: Oui, et je ne pense pas que ce soit la lumière du train qui vient vers nous. Il me semble que la voie est libre.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous êtes dans le wagon de queue.

Mme Mansell: Non, nous sommes en fait en tête. Je pense que nous allons connaître une période difficile, l'année prochaine en particulier. Au nom de tous mes collègues, je dirais que nous nous sommes débarrassés de tout le muscle et de tout le gras; nous pensons maintenant pouvoir nous débarrasser d'un organe de plus. Toutefois, je suis convaincue que nous allons survivre. Il le faut.

Votre présence ici nous encourage, je pense, puisqu'elle nous fait comprendre que le rôle de l'éducation et son importance pour l'avenir de notre pays sont absolument essentiels. C'est également très important pour le reste du monde.

Lorsque M. Ozmon et moi-même sommes allés en Asie, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions travailler ensemble, que nous pouvions offrir quelque chose de positif aux étudiants asiatiques et à nos étudiants canadiens, tout en favorisant les échanges commerciaux. Au ministère des Affaires étrangères, la culture est le troisième pilier du progrès économique; par conséquent, éducation et culture sont très étroitement liés. Je pense que nous avons le vent en poupe. Nous devons nous faire valoir. Nous devons obtenir davantage d'appui pour nos étudiants et nos programmes. Ce que j'aime dans cette région, c'est que nous pouvons travailler ensemble et que nous le faisons.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il est intéressant de voir que vous êtes présents dans trois ou quatre endroits, y compris à Sainte-Anne. Avez-vous une section à l'Université Sainte-Anne?

Mme Mansell: Non. Il a simplement été question d'offrir certains cours ensemble.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il me semblait qu'il y avait d'autres campus que celui-ci. Y a-t-il un autre campus?

Mme Mansell: Il y a trois autres collèges d'art au Canada avec lesquels nous travaillons.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je veux parler en fait de la Nouvelle-Écosse.

Mme Mansell: Non, il n'y a en pas d'autre en Nouvelle-Écosse, mais nous avons des liens et nos programmes sont offerts dans toute la Nouvelle-Écosse. Avec Saint Mary's, nous avons des programmes communs. Nous avons des étudiants à King's College, et cetera.

M. Colin Starnes, recteur, Université King's College: J'imagine -- et vous vous en rendrez compte en parcourant le pays -- qu'il peut sembler très bizarre qu'une petite province de moins d'un million d'habitants ait 11 universités alors qu'une région de X millions d'habitants n'en a que 19. C'est, à mon avis, un trésor qui appartient uniquement à cette région du pays. C'est un accident de l'histoire. Ce n'est certainement pas le fait d'un génie, à moins que vous ne l'interprétiez comme une sorte d'intervention divine.

Ce que l'on a réussi à créer ici est de toute évidence très attrayant pour les étudiants de tout le pays; c'est simplement en voyageant que je l'ai finalement compris. Si vous recherchez une formation générale dans une collectivité où tout le monde s'entraide, la région de l'Atlantique est véritablement l'endroit idéal; peut-être est-ce par accident, mais le fait est que c'est le cas. Des endroits minuscules comme le Collège Sainte-Anne et l'Université King's College, qui comptent 640, 748, 800 étudiants, des endroits comme Dalhousie ou même Memorial, laquelle se situe dans le contexte de Terre-Neuve et qui est liée corps et âme à cette province, témoignent donc de l'existence de collectivités dynamiques où il est possible de faire des études très spécialisées.

La culture du collège des arts n'est pas celle de la Technical University of Nova Scotia et vice-versa. Cette caractéristique que vous retrouvez dans les universités de la région atlantique mérite, je crois, l'attention de votre comité, car on a certainement tendance, non seulement dans cette ville, dans cette province, dans cette région, mais aussi dans le monde entier, de vouloir tout amalgamer.

Si vous vous penchez sur la question de rentabilité, vous verrez, je crois, que cette région se compare à n'importe quelle autre région du Canada, ce qui est étonnant, compte tenu de tous les soi-disant facteurs défavorables qu'on y retrouve. On ne cesse de dire qu'il y a trop d'universités, qu'elles sont trop petites, et cetera. Or, ces établissements sont en mesure d'envoyer des gens dans le monde entier, ainsi qu'en témoigne chacun d'eux. Les étudiants peuvent fréquenter des facultés partout au monde.

Nous sommes de petites universités, mais aussi des centres de recherche et nous sommes parvenus à un équilibre -- ainsi qu'en témoignent ici Dalhousie et TUNS. Vous n'étiez peut-être pas prêts à entendre ce point de vue, qui, dans un certain sens, nous parait si évident que nous n'en faisons même pas mention, mais j'ai pensé qu'il fallait le souligner.

Le président: Merci pour ce bel éloge de cette région où il fait bon vivre, d'autant plus que c'est ma région d'origine. Avant de terminer, j'aimerais demander à mon amie de l'Île-du-Prince-Édouard, Mme Epperley, de nous parler du collège vétérinaire qu'elle a dans son université et de nous indiquer d'où viennent les étudiants.

Mme Epperley: Ils viennent des provinces de l'Atlantique, essentiellement.

Le président: Tous?

Mme Epperley: Non, pas tous. Nous avons un nombre de places réservées à chaque province de la région atlantique. Merci d'en faire mention, puisque nous sommes en train de renégocier l'entente avec les premiers ministres des autres provinces. Je vous remercie. Ce n'était pas un coup monté.

Ils viennent essentiellement de la région de l'Atlantique et nous avons également un certain nombre de places réservées aux Canadiens et un certain nombre de places réservées aux étudiants étrangers, ces dernières places étant très contrôlées. Si vous voulez savoir d'où viennent ces étudiants étrangers, je vous dirais qu'ils viennent des États-Unis, car seuls les Américains sont prêts à payer 30 000 $ américains pour obtenir une place à notre collège vétérinaire.

Le président: Je remercie Mme Mansell pour son excellent exposé sur la culture. Elle dit qu'elle peut voir la lumière au bout du tunnel, mais je ne sais pas dans quel sens. À Terre-Neuve, je ne pense même pas que de tels espoirs soient permis.

Le sénateur Perrault: Il me semble que vous n'ayez qu'une idée en tête.

Le président: Le problème, c'est qu'aucun espoir n'est permis.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez un pont, toutefois.

Le président: Non, ce nouveau pont est construit pour que le reste du Canada vienne nous voir.

Le sénateur Perrault: L'île va couler sous le poids.

Le sénateur DeWare: J'aimerais savoir ce que vous pensez de ceux qui tentent de venir étudier avec un visa, des retards que cela occasionne, et également savoir si nous perdons des étudiants pour toutes ces raisons. Ma deuxième question est la suivante: pensez-vous que nous devrions avoir un ministre de l'Éducation au Canada?

M. May: Je suis sûr que nous avons tous des avis différents au sujet de ces questions. Nous sommes heureux d'accueillir des étudiants étrangers avec visa. A Memorial, ma propre université, 97 p. 100 de nos étudiants sont de Terre-Neuve si bien que nous serions heureux d'avoir des étudiants de l'extérieur.

Le sénateur DeWare: Si je comprends bien, obtenir un visa prend beaucoup de temps.

M. May: Je crois qu'il s'agit de problèmes administratifs. Ils ne se produisent pas toujours au Canada, mais parfois dans l'autre pays. Il y a effectivement des problèmes qu'il faudrait régler.

Faudrait-il un ministre de l'Éducation au Canada? Y a-t-il plus important pour l'unité d'un pays que l'éducation de ses jeunes? La réponse est oui -- c'est une opinion personnelle. Il s'agit d'une question très controversée dans certaines provinces.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison, mais le personnel enseignant, les universités et tous nos établissements pourraient s'organiser sans que l'on ait besoin d'un ministre de l'Éducation.

M. May: Monsieur le président, permettez-moi de présenter Bernie MacDonald, dont j'ai mentionné le nom alors qu'il n'était pas encore arrivé. Il est vice-directeur de l'administration au Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse. Il vient d'arriver et je voulais vous le faire savoir.

Le président: C'est à Truro, n'est-ce pas?

M. Bernie MacDonald, vice-directeur de l'administration, Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse: Oui.

Le sénateur Perrault: Vous êtes sur l'Internet, n'est-ce pas?

M. MacDonald: Oui.

Le sénateur Perrault: C'est fort intéressant et utile aussi, je crois. Je connais quelqu'un dont la fille voulait s'inscrire en médecine vétérinaire; nous avons trouvé l'information voulue sur l'Internet. Je lui ai imprimé les données et j'espère qu'elle a entamé les démarches pour entrer au collège.

Pourquoi êtes-vous sur l'Internet? Est-ce que ces merveilleux établissements sont sur l'Internet pour que les personnes intéressées puissent avoir accès au calendrier et trouver les spécialités offertes dans les diverses classes? C'est une bonne façon d'encourager les gens à venir au Canada, dans les provinces de l'Atlantique, n'est-ce pas?

M. May: Tout le monde est sur le Web. À mon université, vous pouvez maintenant faire une demande d'inscription et être accepté sur le Web.

Le sénateur Perrault: Vous suivez le progrès. Il y aurait apparemment 55 millions de personnes qui se branchent sur le Web, lequel risque un de ces jours de disparaître dans un trou noir électronique s'il devient sursaturé.

Mme Epperley: Je sais que les membres du corps professoral voulaient améliorer leurs compétences dans le domaine de la technologie de l'information; je ne savais pas que cela prendrait autant d'ampleur. J'avais moi-même sous-estimé le phénomène et je suis aujourd'hui passionnée par cette technologie.

Nous avons lancé un appel sur tout le campus pour demander s'il y avait des intéressés. Beaucoup se sont présentés nous expliquant ce qu'ils faisaient déjà, avec très peu de ressources, comme la création de CD-ROM, de programmes d'études personnalisés, et cetera; nous n'avons même pas pu tous les rencontrer ce semestre. Nous avons dû les rencontrer deux à la fois.

Le sénateur Perrault: Ils sont passionnés.

Mme Epperley: Effectivement. C'est là que l'on se rend compte de l'importance des fonds d'infrastructure; la coopération, comme celle si réussie qui existe entre Colin Starnes et Alice Mansell est en fait ce qui nous unis dans la région de l'Atlantique et ce qui rend notre région commercialisable aux yeux du reste du pays et du monde. Tout se joue dans la formation de réseaux à haute vitesse et cette technologie est passionnante.

Le sénateur Perrault: Ils sont tous reliés.

Mme Epperley: Oui, c'est cela. J'ai également quelque chose de positif à dire au sujet de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons un partenariat en économie du savoir qui est unique au Canada; le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial se sont regroupés pour éliminer le double emploi et obtenir de bonnes ressources. Nous avons mis en réseau les années du jardin d'enfant jusqu'à la 12e année -- sauf que pour l'Île-du-Prince-Édouard, c'est de la première à la 12e année -- ainsi que les universités et les collèges, de manière que tout le monde soit regroupé.

Le sénateur Perrault: C'est formidable. J'imagine que beaucoup de ces données qui sont sur l'Internet ne sont pas accessibles au grand public.

Mme Epperley: Au contraire, elles le sont.

Le sénateur Perrault: Il faudrait que vous me donniez votre adresse Internet.

M. May: Monsieur le président, pour tout savoir sur les universités de l'Atlantique, tapez amac@fox.nstn.ca.

Le sénateur Perrault: Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. May: Je vais vous donner la carte.

Le sénateur Perrault: Comme des centaines de millions d'autres personnes, je suis sur le réseau électronique.

Le président: Nous vous remercions, monsieur May, ainsi que vos confrères, d'être venus nous donner vos points de vue.

M. May: Monsieur le président, merci beaucoup.

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant les représentants du Nova Scotia Council on Higher Education: Kathleen Thompson, directrice de l'aide aux étudiants, Marilyn Gaudet, présidente intérimaire du NSCHE, et Peter Rans, conseiller principal en matière de politiques au NSCHE, soit le Nova Scotia Council on Higher Education. Nous vous cédons la parole.

Mme Marilyn Gaudet, présidente intérimaire du Nova Scotia Council on Higher Education: J'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue en Nouvelle-Écosse. J'espère que ces quelques jours passés à Halifax ont été agréables. Pendant que j'écoutais vos propos, je me suis dit qu'il serait difficile de prendre la parole après l'intervention d'un si grand nombre de nos présidents d'université, lesquels vous ont souligné les nombreux points forts de nos universités. Mes propos vont sans doute vous décevoir par contraste. Dans tous les cas, j'aimerais vous remercier de nous donner la possibilité de présenter les perspectives du Nova Scotia Council on Higher Education en ce qui concerne les questions relatives à l'enseignement postsecondaire.

Tout en étant présidente intérimaire du NSCHE, je suis aussi sous-ministre de l'Éducation de la province de Nouvelle-Écosse, mais je vais parler aujourd'hui essentiellement du secteur universitaire, puisque mes collègues de l'Association des universités de l'Atlantique vous ont déjà présenté leur exposé. Les questions examinées par le sous-comité sénatorial sont extrêmement importantes, non seulement pour la Nouvelle-Écosse, mais aussi pour le Canada dans son ensemble. Nous nous rendons tous compte que l'éducation et la formation sont essentielles pour le développement des ressources humaines et le développement économique de la Nouvelle-Écosse et du Canada. Nos universités jouent un rôle clé, puisqu'elles doivent s'assurer que nous sommes en mesure de soutenir la concurrence internationale dans une économie mondiale, basée sur l'information.

Ainsi que vous l'avez entendu juste avant notre exposé, la Nouvelle-Écosse a la chance d'avoir actuellement 13 établissements conférant des diplômes universitaires. Nous nous rendons compte de l'importance de ces établissements pour notre économie et pour le futur bien-être de la province et de ses habitants.

Plusieurs initiatives visant à renforcer le système de l'enseignement postsecondaire en Nouvelle-Écosse sont en cours. Nous encourageons les universités à travailler ensemble pour diminuer les coûts administratifs et assurer le financement des programmes dans leurs établissements. Nous restructurons certains de ces établissements pour créer des centres d'excellence, en informatique et en technologie de l'information notamment. Comme vous l'avez entendu, nous encourageons les universités à commercialiser les établissements postsecondaires sur la scène internationale et participons à de tels efforts, reconnaissant que nos universités et nos collèges communautaires sont des ressources susceptibles d'attirer des investissements et des capitaux dont notre province a tant besoin. Toutefois, à l'instar de tous les gouvernements du pays, nous nous donnons beaucoup de mal pour trouver les ressources qui nous permettront de relever les défis et réagir aux changements.

J'aimerais aujourd'hui m'attarder sur les trois rôles essentiels du gouvernement fédéral en matière d'enseignement postsecondaire.

Tout d'abord, j'aimerais parler du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. J'ai commencé mon exposé en disant que nous avons 13 établissements conférant des diplômes universitaires. Les dépenses par habitant pour l'enseignement universitaire sont parmi les plus élevées du pays, contrairement aux dépenses par étudiant, qui sont les plus basses. Cela s'explique par le fait que nous accueillons plus d'étudiants extérieurs à la province par rapport à notre population, que toute autre province du Canada. Nous tirons fierté de cette réalité qui témoigne de la qualité de nos universités et notre fort engagement envers l'éducation dans notre pays.

Toutefois, lorsque le gouvernement fédéral décide de réduire les transferts de fonds aux provinces par le truchement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, la Nouvelle-Écosse est particulièrement défavorisée par rapport aux autres provinces. Cela compromet notre capacité de jouer le rôle éducatif qui nous tient à coeur. Alors que nous avons été en mesure de protéger nos universités des effets des réductions fédérales découlant du Transfert, nous avons dû toutefois réduire ces dernières années le financement provincial aux universités. Ces réductions ont obligé les universités à augmenter les frais de scolarité.

Alors que nous sommes extrêmement fiers de nos établissements, nous craignons qu'ils ne doivent pratiquer les frais de scolarité les plus élevés du pays. La décision des établissements est toutefois compréhensible, à moins que nous ne les financions davantage. Pour cette raison, nous encourageons le gouvernement fédéral à reconnaître l'importance stratégique de l'enseignement postsecondaire dans le pays et à affecter aux provinces davantage de fonds par le truchement du Transfert, au fur et à mesure que s'améliore la situation financière du Canada.

J'aimerais ensuite aborder la question de l'aide aux étudiants. Par suite des augmentations des frais de scolarité et des autres coûts, comme le logement, l'alimentation et les livres, l'endettement des étudiants atteint des niveaux inacceptables. On estime actuellement que beaucoup d'étudiants auront des dettes de l'ordre de 24 000 $ à la fin de leurs études. Ceux qui auront fait des études pour obtenir plus d'un diplôme seront encore plus endettés. Nous craignons que cela ne dissuade des candidats aptes aux études de commencer ou terminer leur diplôme.

Il n'y a pas une seule et unique solution à ce problème, mais le gouvernement fédéral peut prendre plusieurs mesures afin d'essayer de régler la situation.

Tout d'abord, nous pensons que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient mettre sur pied un système harmonisé de prêts aux étudiants, de manière que ces derniers ne souscrivent qu'à un seul prêt auprès des deux paliers du gouvernement.

À l'heure actuelle, les étudiants ont affaire à deux systèmes de prêts, le système fédéral et le système provincial. Les critères d'admissibilité, les mécanismes de remboursement et les structures administratives sont différents. Un système harmonisé serait beaucoup moins compliqué pour l'étudiant.

Deuxièmement, même avec l'harmonisation des prêts, les étudiants d'aujourd'hui et de demain doivent s'endetter, ce qui les dissuade de terminer leur diplôme. En Nouvelle-Écosse, nous offrons un programme de remise de prêt qui permet aux étudiants de ne pas rembourser une partie de leur dette, s'ils réussissent dans leurs études. Cette remise peut correspondre à 5 210 $ sur un prêt total de 16 380 $ dans le cas d'un programme de 52 semaines. Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait compléter cette mesure en contribuant lui-même à la réduction de la dette. Que l'on appelle cette mesure «remise de prêts», «subvention différée», ou autre chose, elle s'ajouterait à ce que nous faisons déjà sans y faire concurrence, ce qui permettrait de réduire l'endettement général des étudiants.

Je dois ajouter toutefois que nous sommes encouragés par les mesures annoncées dans le budget d'hier. En effet, les étudiants disposeront de 12 mois de plus avant de commencer à rembourser leur prêt fédéral.

Troisièmement, le gouvernement fédéral dispose d'un autre moyen pour aider les étudiants et leurs familles face à l'augmentation des coûts des études; je veux parler des mesures et incitatifs fiscaux qui sont en place. Divers plans, y compris les REÉR, les crédits d'impôts non remboursables et les prêts d'étudiants déductibles du revenu imposable, ont été avancés comme étant de bons instruments fiscaux. Je le répète, dans le budget d'hier, nous avons été heureux de voir que le gouvernement fédéral prévoit apporter des améliorations aux incitatifs fiscaux pour l'enseignement postsecondaire.

Enfin, j'aimerais aborder la question de la recherche. C'est en finançant la recherche que le gouvernement fédéral démontre qu'il est déterminé à maintenir d'importantes activités universitaires. Je suis sûre que beaucoup de mes collègues universitaires vous l'ont dit: dans des provinces comme la Nouvelle-Écosse, qui dispose de ressources limitées, l'appui fédéral constant en matière de recherche est essentiel pour le maintien d'un niveau acceptable de recherche.

En Nouvelle-Écosse, nous avons pris vivement conscience de l'importance d'une politique provinciale en matière de recherche et nous prenons des mesures pour élaborer une politique coordonnée pour le gouvernement, les universités et le secteur privé. Le fait est que l'appui fédéral des conseils nationaux de financement a diminué en termes réels. En plus, la recherche dans nos universités se fait en grande partie pour le compte de ministères fédéraux comme la Santé, l'Agriculture, les Pêches et l'Environnement, qui ont retiré bon nombre de leurs activités de la Nouvelle-Écosse. L'existence d'établissements fédéraux de recherche dans la province a complété notre système universitaire et créé des synergies qui auraient été autrement impossible à réaliser, étant donné que notre secteur privé ne manifeste pas beaucoup d'intérêt pour la recherche et n'a pas vraiment de capacités à cet égard.

Par conséquent, les universités de l'Atlantique, celles de la Nouvelle-Écosse en particulier, sont doublement touchées par la réduction du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et par le retrait d'organismes fédéraux du domaine de la recherche dans la région.

Si le gouvernement fédéral doit faire des compressions en matière de capacités et de programmes dans le Canada atlantique, nous aimerions en tant que gouvernement avoir à tout le moins une certaine influence sur les ajustements à faire. Or, les décisions semblent au contraire se prendre en consultant peu les provinces, voire pas du tout. Nous aimerions pouvoir examiner les points particulièrement stratégiques de nos intérêts économiques dans des secteurs essentiels de la recherche et consulter nos universités pour connaître les initiatives de recherche fédérale qui leur seraient les plus utiles.

Le gouvernement fédéral a également appuyé les activités de recherche des universités de Nouvelle-Écosse d'autres manières. Ainsi, par l'entremise du Conseil de recherches en sciences humaines, des subventions spéciales permettaient d'aider les petites universités, de soutenir des collections spéciales et de financer des bourses d'études supérieures.

Le gouvernement fédéral offrait également un programme de bourses pour appuyer les professeures-boursières dans certaines disciplines. Beaucoup de ces bourses n'existent plus ou ont été considérablement réduites. Pourtant, à cause de nos universités qui sont essentiellement des établissements de petite taille et uniques en leur genre, ces bourses permettaient d'appuyer les chercheurs tout au début de leur carrière et leur disparition a porté un coup dur et disproportionné à nos petits établissements.

D'autres problèmes ont également été soulevés à propos de l'ACDI et d'Industrie Canada.

Les exemples des compressions fédérales en matière de recherche sont innombrables, et pourtant on nous dit que notre économie est de plus en plus basée sur l'information. Je suis sûre que mes collègues universitaires vous ont donné de multiples exemples du rapport qui existe entre l'appui fédéral pour la recherche et les succès qu'ils ont connus et je suis sûre qu'ils peuvent continuer de vous en donner.

Nos universités peuvent jouer un rôle essentiel en matière de recherche à l'échelle provinciale, nationale et internationale et elles le font. Selon nous, la fusion de Dalhousie University et de la Technical University of Nova Scotia va fournir une masse critique encore plus importante que jamais.

Nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral joigne le geste à la parole politique et nous aide à optimiser l'énorme investissement que nous avons fait dans tous nos établissements.

Nous avons été heureux d'apprendre dans le budget fédéral d'hier la création de la Fondation canadienne pour l'innovation. Bien que nous ne disposions pas de beaucoup de détails, l'accent mis sur l'infrastructure de recherche dans les établissements postsecondaires et les hôpitaux de recherche associés est extrêmement positif. Cela aidera les établissements à supporter le coût de la recherche en matière d'équipement de laboratoire, d'ordinateurs, de machines sophistiquées et coûteuses nécessaires pour faire de la recherche de haut niveau. Les universités de la région atlantique ont beaucoup de mal à maintenir l'infrastructure de recherche en l'absence de partenariats suffisants avec le secteur privé, étant donné que notre secteur privé se compose essentiellement de petites et de moyennes entreprises disposant de peu de capacités de recherche. Nous espérons que cette initiative sera à l'avantage de la Nouvelle-Écosse aux plans universitaire et économique et que le gouvernement fédéral jouera un rôle important à cet égard.

J'ai délibérément tâché de résumer nos préoccupations provinciales tout en essayant d'étoffer certains témoignages que vous avez déjà entendus et de mettre l'accent sur les secteurs où le gouvernement fédéral a, à notre avis, un rôle capital à jouer.

Le président: D'après vos commentaires, je n'arrive pas à déterminer si vous faites partie du gouvernement, du ministère de l'Éducation, ou si vous représentez simplement le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Qui représente le Nova Scotia Council of Higher Education? S'agit-il d'un organisme gouvernemental ou d'un organisme indépendant du gouvernement?

Mme Gaudet: Le Nova Scotia Council on Higher Education est un conseil qui réunit principalement des représentants du secteur privé et des membres d'universités et qui est chargé de conseiller le ministre de l'Éducation et de la Culture sur les affaires universitaires. Le conseil même se compose d'un certain nombre de gens qui s'occupent des affaires universitaires en collaboration avec les universités et avec le ministre.

J'occupe à l'heure actuelle le poste de sous-ministre de l'Éducation et de la Culture, c'est-à-dire du ministère provincial de l'Éducation et de la Culture, mais je représente également le conseil à titre intérimaire jusqu'à ce que nous trouvions une personne à temps plein pour remplacer le président sortant. Je représente le conseil consultatif du ministre mais je représente également le ministère de l'Éducation et de la Culture.

Le président: Ce conseil a donc des liens très étroits avec le gouvernement, n'est-ce-pas? Il s'agit en fait d'un service gouvernemental, n'est-ce-pas?

Mme Gaudet: C'est un organisme consultatif auprès du gouvernement.

Le président: Dans vos commentaires à titre de présidente intérimaire de cette association, vous n'arrêtiez pas de dire que le gouvernement fait ceci et que nous faisons ceci. J'ai eu l'impression que vous parliez en tant que sous-ministre pendant un moment.

Mme Gaudet: Oui, c'est ce que je fais chaque jour.

Le sénateur Perrault: Vous vous débrouillez bien dans ces deux rôles.

Le sénateur Andreychuk: Vous n'aviez pas à vous excuser de votre mémoire après le témoignage des présidents car je trouve que vous nous avez fourni des observations très utiles.

Vous avez parlé des réductions fédérales. Manifestement, il y a eu un déficit à un certain moment. Je n'ai pas suivi la situation de près mais y a-t-il eu des réductions correspondantes dans le financement provenant de sources provinciales? Est-il également vrai que cela a des répercussions sur le secteur de la recherche puisque la compression des effectifs de vos ministères à l'échelle provinciale réduit leur capacité d'embauche? Je songe surtout aux services sociaux où je sais que beaucoup de recherche se fait au niveau provincial, puisqu'il s'agit également d'une responsabilité provinciale, et que toutes sortes de contrats et d'études étaient confiés aux départements de sociologie, de psychologie, et cetera. C'est donc un double coup qui a été porté aux universités. Serait-ce le cas ici?

Mme Gaudet: La situation financière a été difficile tant à l'échelle provinciale qu'à l'échelle fédérale. Effectivement, avant les réductions fédérales apportées dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le gouvernement avait présenté un plan financier qui prévoyait des réductions dans tous les secteurs d'activités gouvernementales, y compris la santé et l'éducation.

Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a imposé des réductions à la province, qui ont entraîné une autre série de réductions pour les universités. Il est toutefois important de souligner que le gouvernement provincial n'a pas transmis aux universités la totalité des réductions qu'il a subies au chapitre de l'enseignement postsecondaire dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous les avons protégées dans une grande mesure de ces réductions.

M. Peter Rans, conseilleur principal en matière de politiques, Nova Scotia Council on Higher Education: Pour vous situer le contexte, à son apogée, le système universitaire en Nouvelle-Écosse recevait des subventions de fonctionnement d'environ 212 millions de dollars. Cette année, le niveau de financement est d'environ 184 millions de dollars. Par conséquent, sur une période d'environ quatre ou cinq ans, les universités ont subi une réduction importante de leur financement de base pour un grand nombre des raisons décrites par Marilyn. C'est donc l'ampleur des coupures subies par les universités au cours des quatre ou cinq dernières années.

Le sénateur Andreychuk: Il y a eu des réductions au niveau provincial. Je ne dis pas que c'est bien ou mal. En fait, elles sont probablement attribuables aux mêmes facteurs invoqués par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire la situation budgétaire générale.

Mme Gaudet: Effectivement.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez fait une remarque à propos des petites universités. Il se trouve que j'habite dans une province où on accorde de plus en plus d'attention aux établissements plus importants. Manifestement, ils arrivent à mieux se faire entendre d'Ottawa. Vous voulez faire comprendre à quel point ces réductions causent du tort aux petits établissements. En ce qui concerne les mesures budgétaires annoncées hier, prévoyez-vous des discussions quant à la façon dont ces fonds pourraient être répartis équitablement et proportionnellement parmi les secteurs universitaires ou postsecondaires au Canada?

Des discussions ont-elles eu lieu ou auront-elles lieu?

Mme Gaudet: Je suppose que vous faites allusion aux fonds destinés à l'infrastructure de recherche.

Le sénateur Andreychuk: Oui.

Mme Gaudet: Nous n'avons eu aucune discussion avec le gouvernement fédéral à ce sujet. Nous ne pouvons qu'espérer que des discussions positives auront lieu sur la répartition de ces fonds. D'après le peu que j'ai pu lire des mémoires le soir du budget, j'ai bon espoir que nous arriverons à présenter des arguments solides pour que la Nouvelle-Écosse puisse obtenir une partie importante de ce financement.

Le sénateur DeWare: Sur ce point en particulier, le budget prévoit la participation des provinces. On peut y lire que grâce à des partenariats avec les établissements publics de recherche, le milieu des affaires, le secteur bénévole, les particuliers, et dans la mesure où ils souhaitent y participer, les gouvernements provinciaux.

Le sénateur Andreychuk: C'est ce que je voulais savoir. Y a-t-il eu des discussions?

Mme Gaudet: Vous avez manifestement lu plus de choses que moi à ce sujet. Je n'ai vu qu'un résumé beaucoup plus succinct.

Le président: Lorsque vous dites qu'on ne vous a pas consultés, êtes-vous en train de parler en tant que sous-ministre de l'Éducation, c'est-à-dire en tant que membre du gouvernement, ou êtes-vous en train de parler en tant que membre du Nova Scotia Council of Higher Education?

Mme Gaudet: Peter Rans est un membre de longue date du personnel du Council of Higher Education. Je parlerai en tant que représentante de ces deux instances. Je crois qu'il n'y a eu pratiquement aucune consultation sur les réductions apportées dans le secteur de la recherche.

Je crois que nous sommes en train de parler d'un certain nombre d'activités qui se déroulent dans les ministères fédéraux de la région, dans certains de nos centres de recherche mais à ma connaissance, le dialogue a été pratiquement inexistant. Ces décisions ont été prises dans le contexte fédéral sans qu'il y ait eu vraiment de consultations à propos de ce qu'il serait important de maintenir et à propos de mesures stratégiques. Nous comprenons tous que des réductions s'imposent mais nous estimons que nous n'avons pas été suffisamment consultés à propos de ces réductions.

Comme je ne suis ici que depuis quelques mois, je laisserai à Peter Rans le soin de faire des commentaires.

Le président: Vous êtes trois ici. Combien de personnes le Council of Higher Education of Nova Scotia représente-t-il? S'agit-il uniquement de vous trois et combien de membres compte le conseil que vous représentez ici?

Mme Gaudet: Le conseil même compte 13 ou 14 membres, en plus d'un petit effectif.

Le président: En plus d'un petit effectif.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, nous avons entendu dire à plusieurs reprises au cours de nos audiences que les coûts dans les provinces atlantiques, les provinces maritimes, sont très élevés, parmi les plus élevés au Canada. Y a-t-il une raison à cela? Pourquoi les coûts sont-ils si élevés ici? En Colombie-Britannique, ma province, un bungalow moyen se vend aux alentours de 400 000 $. Les coûts sont très élevés là-bas. Je me demande ce qui contribue aux coûts élevés de votre économie.

Mme Gaudet: Êtes-vous en train de parler des frais de scolarité élevés?

Le sénateur Perrault: Les frais de scolarité sont-ils plus élevés? Manifestement, il vous faut des revenus plus élevés. Quelle est la cause de ce déséquilibre?

Mme Gaudet: Un plus grand nombre d'étudiants hors province. Notre province a les dépenses les plus élevées par habitant, c'est-à-dire que nous sommes la province qui dépense le plus pour les études universitaires; mais par étudiant, ces dépenses sont parmi les moins élevées au pays. Cela, conjugué à notre capacité d'offrir le même niveau de subventions que celui que les autres provinces fournissent à leurs établissements, oblige les établissements à se servir des frais de scolarité pour combler le manque à gagner.

Le sénateur Perrault: Je pense que le président a été cité dans le journal l'autre jour. Il a déclaré que nous sommes arrivés à un point où les enfants de riches ont de bien meilleures chances de faire des études que les enfants de pauvres. Est-ce exact, monsieur le président? Vous a-t-on correctement cité?

Le président: C'est ce que j'ai dit. Si nous ne prenons pas de mesures pour gérer la crise que traverse l'enseignement postsecondaire, seuls les enfants de riches pourront aller à l'université.

Le sénateur Perrault: Êtes-vous d'accord avec cette déclaration? C'est une perspective terrifiante. C'est tout à fait contraire aux instincts libéraux, avec un petit «L», des Canadiens, que seuls les bien nantis aient la possibilité de faire des études supérieures. C'est vraiment un problème. Qu'en pensez-vous?

M. Rans: Je crois, sénateur, que c'est la raison pour laquelle Mme Gaudet a insisté sur le problème de l'endettement des étudiants. Dans cette région en particulier où les frais de scolarité sont parmi les plus élevés au pays, nous sommes particulièrement préoccupés par l'endettement de plus en plus important des étudiants. Si le taux d'endettement des étudiants augmente et qu'il s'agit d'étudiants qui viennent de familles à revenu modeste, ils n'auront manifestement pas la possibilité de poursuivre leurs études.

Le sénateur Perrault: Ne faudrait-il pas partir du principe que si un jeune veut s'améliorer en faisant des études, il ne faudrait pas qu'il soit obligé de les abandonner à cause de considérations financières?

M. Rans: Tout à fait. C'est pourquoi nous avons exhorté le gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces pour harmoniser les programmes d'aide aux étudiants et les nombreuses autres mesures que nous avons préconisées aujourd'hui.

Le sénateur Perrault: Un autre thème qui revient souvent, c'est l'allégation selon laquelle nos normes sont sérieusement compromises et ne sont plus ce qu'elles étaient. C'est ce que soutiennent les organisations étudiantes en particulier. Elles se plaignent que les enseignants ne sont plus capables d'assumer la charge de travail. Avec des classes de 300 étudiants, ils ne peuvent plus accorder une attention individuelle aux étudiants, comme c'était le cas il y a quelques années. Est-ce la situation ici aussi, à votre avis?

M. Rans: Effectivement, la taille moyenne des classes dans la majorité de nos établissements dépasse nettement ce qui était considéré raisonnable il y a plusieurs années. C'est le résultat du niveau de financement mis à la disposition de ces établissements.

Le sénateur Perrault: Qui s'occupe de corriger les examens et ainsi de suite? De toute évidence, il est impossible pour le professeur principal d'effectuer toutes ces tâches.

M. Rans: Cela dépend. Dans certains établissements, il a fallu évidemment engager un plus grand nombre de professeurs à temps partiel plutôt qu'à temps plein pour faire face aux réalités économiques dont nous discutons.

Le sénateur Perrault: Vous avez soulevé la question de la recherche. On nous a signalé, et on nous a d'ailleurs présenté des chiffres, que nous avons pris du retard par rapport aux autres pays de l'OCDE, ce que vous confirmez. Vous accueillez un nombre assez important d'étudiants hors province, d'après ce que vous avez dit.

Mme Gaudet: Oui, en règle générale.

Le sénateur Perrault: Vos dépenses par habitant sont plus élevées que dans toutes les autres provinces du Canada?

Mme Gaudet: Je crois que oui.

Le sénateur Perrault: Y a-t-il une raison particulière à cela? Quel genre de cours ces gens suivent-ils lorsqu'ils viennent ici?

Mme Gaudet: Je crois qu'il existe un certain nombre de raisons. Tout d'abord, cela est sans doute attribuable au nombre d'universités que nous avons et au vaste éventail de programmes qu'elles offrent, dont les présidents vous ont parlé plus tôt. C'est une province qui offre un choix vaste et intéressant de programmes d'études. C'est donc, à mon avis, l'un de nos atouts.

Le sénateur Perrault: C'est un bon endroit où venir étudier. Vous disiez que l'une des raisons pour laquelle les frais de scolarité sont si élevés dans votre province, c'est que vous accueillez de nombreux étudiants hors province. Pourquoi ne pas augmenter les frais de scolarité des étudiants qui veulent venir étudier dans votre province? Cela n'améliorerait-il pas votre situation?

Mme Gaudet: Cela pourrait améliorer notre situation financière mais ce n'est pas une mesure que nous envisageons.

Le sénateur Perrault: N'y a-t-il pas une campagne en cours pour augmenter les frais de scolarité des étudiants hors province?

Mme Gaudet: Non.

Le sénateur Perrault: Il s'agirait sûrement d'une source possible de revenus, n'est-ce pas?

M. Rans: Sans aucun doute, mais je crois que pour l'instant la province considère que cela irait à l'encontre de la liberté de circulation sur laquelle ce pays a été fondé. Nous n'aimerions pas du tout être obligés de recourir à cette solution.

Le sénateur Forest: En tant qu'ancienne chancelière d'université, je comprends les problèmes que vous vivez même si à cette époque-là, la situation financière était meilleure. J'aimerais adresser ma question à Kathleen Thompson, directrice de l'aide aux étudiants, à propos de l'aide aux étudiants.

Dans votre mémoire, vous avez parlé de l'harmonisation des programmes de prêts. Au cours de nos audiences à Ottawa, nous avons entendu les témoignages des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, surtout fédéral, je crois au sujet de ces programmes. Ils ont décrit certaines initiatives qu'ils essayaient non pas d'harmoniser, je crois, mais plutôt de transformer selon la formule du guichet unique à cause de la confusion qui semblait régner chez les étudiants.

Est-ce la solution que vous aviez envisagée, ou simplement d'offrir un seul prêt?

Mme Kathleen Thompson, directrice de l'aide aux étudiants: Mme Gaudet faisait allusion à un programme où les étudiants recevraient un seul prêt. Il serait toutefois subventionné par les deux paliers de gouvernement. Il y aurait donc une entente entre les gouvernements quant au partage des coûts du programme, mais les étudiants, lorsqu'ils recevraient leur prêt, iraient à la banque et n'auraient qu'une seule dette, au lieu de la situation actuelle où ils ont un prêt étudiant provincial et un prêt étudiant fédéral à rembourser.

Le sénateur Forest: Cela me semble très logique. Vous avez mentionné certaines mesures fiscales dans votre mémoire. Le budget qui a été rendu public hier en prévoit certaines mais ne prévoit pas une aide aussi importante que celle que nous aurions espérée, mais il a quand même prévu certaines mesures. Il a également prévu la possibilité de différer le remboursement du prêt.

Y a-t-il d'autres initiatives qui, selon vous, pourraient aider les étudiants en ce qui concerne les frais de scolarité et leur niveau d'endettement?

Mme Thompson: Nous, c'est-à-dire tous les directeurs provinciaux, avons entre autres discuté à maintes reprises du fait que les parents ne se préparent pas en prévision du financement des études de leurs enfants. C'est pourquoi nous devons vraiment encourager les parents à commencer à économiser lorsque leurs enfants sont tout jeunes pour financer leurs études. Il ne fait aucun doute que les exonérations d'impôt ont nettement contribué à favoriser ce genre de comportement.

Le sénateur Forest: Le budget prévoit également un Régime enregistré d'épargne-études. Cela pourrait sans doute être une mesure utile à cet égard.

Mme Thompson: Oui. Ce sont des choses dont nous avons discuté à maintes reprises lors des réunions fédérales-provinciales.

Le sénateur Forest: Eh bien, je suppose que vous vous êtes fait entendre. Je tiens à vous féliciter de ne pas avoir envisagé d'augmenter les frais de scolarité pour les étudiants hors province parce que cela va à l'encontre de la liberté de la circulation. Il ne fait aucun doute que les petits établissements sont doublement touchés parce que les frais de scolarité par étudiant, et les établissements mêmes qui offrent de plus petites classes sont forcément plus coûteux.

Le sénateur Perrault: Économie d'échelle.

Le sénateur Forest: Oui. Être petit c'est bien, mais parfois c'est coûteux.

Mme Thompson: Le programme de remise de prêts est un autre secteur où le gouvernement fédéral doit aider les provinces à réduire l'endettement des étudiants. Lorsque nous avons mis en oeuvre le programme de prêts aux étudiants, c'est-à-dire lorsque nous sommes passés d'un programme de bourses à un programme de prêts, nous avons reconnu qu'un problème d'endettement se poserait à l'avenir pour les étudiants. C'est pourquoi dans le cadre du programme de prêts étudiants de la Nouvelle-Écosse, nous avons adopté un programme de remise de prêts, selon lequel la province rembourse une partie de la dette de l'étudiant. Le gouvernement fédéral a laissé entendre qu'il participerait au programme mais jusqu'à présent rien n'a été fait.

Le sénateur Forest: Ce serait un autre domaine.

Mme Thompson: Absolument.

Le sénateur Perrault: Plus tôt aujourd'hui, j'ai demandé à l'un des témoins s'il serait possible pour un étudiant de rembourser un prêt en faisant du travail qui profiterait à la société et on a cru que je voulais dire sur le campus. Je songe plutôt à un projet national où les jeunes qui ont, par exemple, un diplôme en travail social iraient dans des quartiers défavorisés mettre en pratique ce qu'ils ont appris en échange de quoi on défalquerait un montant de leur prêt étudiant et on leur remettrait un peu d'argent. Est-il possible ici de faire participer des jeunes, des diplômés récents, à des travaux communautaires et de leur accorder des crédits qui leur serviraient à rembourser leur prêt?

Il me semble que certains accueilleraient plutôt bien cette initiative. J'ai parlé à des jeunes qui conduisent des taxis. Il n'y a rien de mal à conduire un taxi, mais ces jeunes ont des diplômes et n'arrivent pas à trouver un emploi qui leur permette d'utiliser leurs compétences. Je me demande ce que vous en pensez.

Mme Thompson: En Nouvelle-Écosse, nous avons un programme très restreint qui ne s'adresse pas aux diplômés universitaires. Il s'agit d'un programme offert pendant l'été, qui permet aux étudiants de créer leur propre emploi dans des organisations à but non lucratif et de travailler tout l'été.

Le sénateur Perrault: Comment fonctionne-t-il?

Mme Thompson: Le programme fonctionne très bien. Une partie de leur salaire est plafonnée et est versée directement à l'université pour leurs frais de scolarité, et ils reçoivent un petit montant qui leur sert d'argent de poche pendant l'été.

Le sénateur Perrault: Ce genre de programme pourrait s'appliquer à l'échelle nationale.

Mme Thompson: Ce programme pourrait être offert aux diplômés universitaires.

Le sénateur Perrault: C'est ce que je voulais dire.

Mme Thompson: Oui. C'est une initiative dont on a discuté.

Le sénateur Perrault: Il y a beaucoup de jeunes complètement démoralisés. Si nous ne prenons pas de mesures pour remédier à la situation, nous risquons de semer les germes de la révolte.

Le président: Permettez-moi de vous demander, madame Thompson, si vous représentez également le gouvernement de la Nouvelle-Écosse? Vous semblez parler au nom du gouvernement: «Nous faisons ceci et nous faisons cela.»

Mme Thompson: Je suis directrice du Bureau de l'aide aux étudiants, qui est une division du ministère de l'Éducation et de la Culture. Je ne fais pas partie du conseil.

Le sénateur Perrault: Vous avez de bonnes idées.

Le président: Il est bon de savoir au nom de qui vous parlez lorsque vous dites: «Nous avons fait ceci et nous avons fait cela.»

Le sénateur Lavoie-Roux: À la première page, vous dites, et c'est ce que nous ont dit également les représentants d'universités, que vous les encouragez à collaborer pour minimiser les frais administratifs et assurer le financement des programmes dans leurs établissements. Avez-vous étudié à fond cette possibilité? Reste-t-il du travail à faire pour les inciter à rationaliser l'administration?

Mme Gaudet: Non, je pense qu'ils sont en train de le faire. En ce qui concerne du moins les universités des régions métropolitaines, il y a près d'un an, elles ont annoncé la formation d'un consortium pour unir leurs efforts afin de réaliser des économies non seulement au niveau administratif mais aussi au niveau des programmes d'études. Je crois qu'en ce qui concerne la collaboration des universités avec la province, des initiatives très positives et concrètes sont en cours.

Elles ont aussi parlé d'initiatives de promotion et ont indiqué qu'elles constatent les avantages mutuels que comporte le fait de collaborer dans le cadre de tribunes internationales pour faire la promotion de la Nouvelle-Écosse ailleurs.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il reste quand même des progrès à faire, n'est-ce pas?

Mme Gaudet: Oh, non. Le consortium n'en est qu'à sa première année de fonctionnement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Donc cette initiative n'est pas encore terminée.

Mme Gaudet: C'est exact. Je n'aime pas parler en leur nom. Elles n'en sont qu'à leur début.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ma deuxième question s'adresse à vous, madame Thompson. Vous occupez-vous de la dette étudiante? Vous avez mentionné que les étudiants auront 12 mois supplémentaires avant de devoir commencer à rembourser leur prêt fédéral, ce qui est un pas dans la bonne voie.

Puis, vous avez parlé de la possibilité d'un régime d'épargne-études pour les parents.

Vous avez parlé d'un niveau d'endettement d'environ 24 000 $. Avec un endettement aux alentours de 24 000 $, croyez-vous que ces mesures suffiront à vraiment redonner la motivation nécessaire à l'étudiant qui est sur le point d'abandonner ses études ou qui hésite à faire des études parce qu'il craint de trop s'endetter? Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il s'agit de mesures positives mais suffisent-elles à calmer l'appréhension que nous ont dit éprouver la plupart des étudiants?

En ce qui concerne le deuxième point, c'est-à-dire les régimes d'épargne-études, cette mesure ne sera pas d'une grande aide à ceux qui sont déjà en train de faire des études. Il est trop tard pour que leurs parents adhèrent à un régime d'épargne-études. Ce sera donc pour les étudiants de demain. Ai-je tort ou raison?

Mme Thompson: Vous avez raison en ce qui concerne le régime d'épargne-études. C'est définitivement une mesure pour les étudiants de demain.

En ce qui concerne les étudiants actuels et la stratégie de gestion de la dette, qu'il s'agisse d'une remise de prêt comme nous l'appelons en Nouvelle-Écosse, certains mécanismes s'imposent pour aider effectivement les étudiants à rembourser leur dette car elle est considérable. Dans la situation économique actuelle, de plus en plus d'étudiants se demandent s'il vaut la peine de contracter une dette de 24 000 $ pour obtenir un diplôme de premier cycle et si cela est logique sur le plan économique. À mon avis, il ne fait aucun doute que pour les étudiants actuels, la gestion de la dette est un problème majeur.

Le sénateur Lavoie-Roux: Mais ils sont quand même obligés de rembourser leur dette.

Mme Thompson: C'est un bon investissement. Les études sont un bon investissement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Même lorsqu'un étudiant qui n'a que 21 ans et qui vient d'obtenir son baccalauréat doit rembourser une dette de 24 000 $ et est toujours sans emploi?

Mme Thompson: Tout à fait. C'est pourquoi la remise de prêt est une mesure qui s'impose à ce stade.

Le président: Avant de mettre fin à cette discussion, j'aimerais poser une autre question. Je constate que Kathleen Thompson est directrice de l'Aide aux étudiants pour le gouvernement et Marilyn Gaudet est la sous-ministre. Peter Rans, faites-vous partie vous aussi du gouvernement?

M. Rans: Je pourrais peut-être apporter certaines précisions au sujet du rôle du Nova Scotia Council on Higher Education. Le Nova Scotia Council on Higher Education conseille le ministre sur les politiques concernant le système universitaire en Nouvelle-Écosse. Ces conseils sont fournis par un conseil de 13 membres, comme l'a indiqué Mme Gaudet.

Je fais partie de l'effectif du Nova Scotia Council on Higher Education. Je suis le conseiller principal en matière de politiques pour le conseil mais, parallèlement, si le ministère a des questions à poser concernant le système universitaire ou le système d'études supérieures en général, je serais l'un de ceux qui pourraient fournir des conseils ou de l'information au ministre, selon le sujet abordé. Il s'agit d'un organisme chargé de conseiller le ministre mais qui est indépendant du ministre, en ce sens qu'il ne relève pas entièrement du ministère de l'Éducation mais travaille en parallèle pour lui donner des conseils sur le système universitaire. Ces précisions vous sont-elles utiles?

Le président: Vous n'êtes donc pas un bureaucrate?

M. Rans: Cela dépend de ceux de mes amis à qui vous posez la question. Je suis un bureaucrate en ce sens que je suis un conseiller en matière de politiques auprès du Conseil et auprès du ministre mais je viens au départ du milieu universitaire. J'étais professeur à l'Université Dalhousie.

Le président: Votre salaire est-il payé par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse?

M. Rans: Oui.

Le président: C'est ce que je voulais savoir. Je tiens à vous remercier pour l'excellente information que nous a fournie votre groupe tout aussi excellent. Que cette information provienne du gouvernement, du ministère ou du Conseil, il s'agit d'une information utile à avoir et il est bon de savoir à qui nous parlons, qui vous représentez et combien de gens vous représentez car autrement nous pourrions croire que vous représentez 10 000 personnes alors que vous n'en représentez que 13 ou peut-être que vous ne parlez qu'en votre propre nom. C'est difficile à savoir. En fait, vous représentez le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et vous parlez également au nom du ministère de l'Éducation.

Chers collègues, nous avons avec nous Jennifer Smiley, la présidente de l'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse.

Si vous voulez bien commencer, madame Smiley.

Mme Jennifer Smiley, présidente, Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse: Je suis accompagnée de mon adjointe exécutive, Colleen Cash. Je m'appelle Jennifer Smiley et je suis une étudiante de quatrième année. Je fais ma thèse en histoire et une double spécialisation en histoire et en études contemporaines à l'Université King's College. Colleen est un membre à temps plein de notre personnel et également une étudiante à temps partiel à l'Université Saint Mary's.

L'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse est une affiliation de 11 associations étudiantes en Nouvelle-Écosse. À l'heure actuelle, nous représentons environ 20 000 étudiants qui fréquentent le Collège universitaire du Cap-Breton, l'Université Saint Francis Xavier, le Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse, l'Université King's College, l'Université Saint Mary's, la Technical University of Nova Scotia, le Nova Scotia College of Art and Design, l'Université Acadia, l'Université Mount Saint Vincent, l'Université Sainte-Anne et l'Université Dalhousie.

Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui étant donné qu'il nous a été impossible de participer à la table ronde des étudiants qui s'est tenue hier. Malheureusement, comme je siège au Nova Scotia Higher Appeal Board, j'ai été convoquée à l'audition de plaintes concernant les prêts étudiants. Cette tâche venait donc en priorité.

J'aimerais commencer par signaler que nous avons un système unique ici. Parmi les étudiants qui en font partie, environ 10 000 viennent de l'extérieur de la Nouvelle-Écosse; nous sommes les seules universités au Canada qui importent plus d'étudiants qu'elles n'en exportent. Nous sommes obligés de reconnaître que nous faisons sans doute ce qu'il faut.

Nous estimons que l'étude de l'enseignement postsecondaire faite par le Sénat arrive à un moment très opportun, c'est-à-dire à un moment où le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux commence à avoir des répercussions sur les étudiants et sur les universités dans l'ensemble du pays. Aujourd'hui, nous aimerions vous présenter quelques observations, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Depuis une vingtaine d'années, notre union plaide en faveur d'études supérieures, accessibles et abordables. Nous avons 20 ans d'expérience derrière nous et nous avons également quelques propositions à vous présenter. Nous avons entendu plusieurs témoignages aujourd'hui portant sur les objectifs du gouvernement et sur la façon dont les fonds disponibles tant au niveau fédéral que provincial influent sur ces objectifs. J'aimerais vous parler maintenant des attentes des étudiants qui entrent à l'université et vous indiquer comment nous devons concilier les objectifs des étudiants et ceux du gouvernement à l'aide d'un système qui soit acceptable pour les deux parties et abordable et accessible pour tous.

L'étudiante ou l'étudiant qui fréquente l'université en Nouvelle-Écosse ressemble sans doute beaucoup à tous les autres étudiants du pays. Une majorité de nos étudiants sont inscrits en arts ou en sciences; ils ont entre 20 et 24 ans; une majorité d'entre eux étudient à temps plein -- les inscriptions à temps partiel en Nouvelle-Écosse ont diminué de 5 p. 100 au cours de la période de 10 ans s'étalant de 1983-1984 à 1993-1994; une majorité de nos étudiants à temps partiel ont plus de 30 ans; et parmi nos étudiants à temps partiel, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes.

Il y a environ 18 000 étudiants en Nouvelle-Écosse qui reçoivent une aide financière. Le prêt étudiant moyen s'élève à environ à environ 5 900 $ par année et le nombre d'étudiants qui reçoivent une aide financière varie selon la région. Par exemple, au Collège universitaire du Cap-Breton, plus de 80 p. 100 des étudiants qui fréquentent cet établissement reçoivent une aide financière.

Les étudiants en Nouvelle-Écosse font des études postsecondaires pour diverses raisons. Nous en avons énuméré quelques-unes dans notre mémoire, entre autres le développement personnel, le développement intellectuel et le perfectionnement professionnel. Nous aimerions également souligner que nos étudiants adultes et à temps partiel -- il existe deux universités dans la région de Halifax qui offrent des programmes d'études postsecondaires à l'intention des étudiants adultes et à temps partiel, à savoir l'Université Mount Saint Vincent et l'Université Saint Mary's -- ont des besoins et des problèmes différents. Un grand nombre d'entre eux ont déjà des obligations financières lorsqu'ils entrent dans le système et souvent leur choix de cours est plutôt dicté par des considérations professionnelles.

J'aimerais maintenant aborder certains des problèmes que nous constatons en ce qui concerne l'accessibilité et le caractère abordable de l'enseignement postsecondaire dans notre province et vous communiquer certaines réflexions à ce sujet. Selon l'Association des universités de l'Atlantique, en dix ans, soit de 1983-1984 à 1993-1994, le total des frais d'études a augmenté de 109 p. 100. Sans tenir compte de l'inflation, les frais de scolarité dans les Maritimes ont augmenté de 50 p. 100 de 1985 à 1995.

En 1996-1997, le coût d'une année d'université en Nouvelle-Écosse pour une personne qui ne vit pas à la maison s'élevait à environ 10 000 $. À l'heure actuelle, les frais de scolarité en Nouvelle-Écosse sont parmi les plus élevés au Canada; cependant, je suis sûre que l'année prochaine l'Ontario nous aura rattrapés. Si nos frais de scolarité s'élèvent en moyenne à 3 300 $, il reste 7 000 $ pour payer les livres, les dépenses du ménage, les vêtements, le transport, les soins de santé, les soins personnels, le logement et les repas.

Nous aimerions faire remarquer que les études coûtent cher et qu'on se sert souvent des frais de scolarité pour déterminer si les études sont coûteuses ou non, puisque ce sont les coûts les plus visibles. Il est très facile de connaître le montant des frais de scolarité et de déterminer leurs répercussions sur les étudiants. Cependant, les étudiants doivent assumer de nombreux autres coûts cachés.

L'harmonisation de la taxe de vente aura des répercussions sur les étudiants en Nouvelle-Écosse, où les étudiants à temps plein se voient rembourser la taxe de vente provinciale lorsqu'ils achètent un ordinateur. Ce programme disparaîtra à compter du 1er mai, ce qui veut dire que le prix des ordinateurs augmentera d'environ 11 p. 100 pour les étudiants parce qu'à l'heure actuelle on nous fait grâce de la taxe de vente provinciale. Les étudiants qui achètent des fournitures scolaires en Nouvelle-Écosse reçoivent un remboursement de la taxe de vente provinciale. Cela disparaîtra également. Ce sont deux exemples parmi tant d'autres des coûts cachés des études, qui toucheront nos étudiants à partir du 1er mai.

Ce qui préoccupe entre autres l'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse, c'est que souvent les augmentations du coût des études postsecondaires se répercutent sur le système de prêt où on autorise les étudiants à emprunter plus d'argent à rembourser plus tard. Cela augmente le taux d'endettement et le niveau de financement de la dette des études universitaires, ce que nous considérons inacceptable. Par exemple, par suite de l'harmonisation de la taxe de vente, il est possible que le montant alloué, dans la demande de prêt, pour l'achat de livres et de fournitures et qui est à l'heure actuelle de 700 $, augmente en prévision de l'augmentation des coûts des fournitures scolaires et de tout le reste. Comme nous l'avons déjà souligné, nos 20 années d'expérience nous ont permis de constater que même si l'augmentation du plafond d'emprunt accroît l'accessibilité aux études au début de la formation universitaire, cela signifie que les étudiants qui sortent de l'université sont beaucoup plus endettés, ce que nous considérons inacceptable, et que cette dette est plus difficile à rembourser.

Les limites de prêt augmentent au même rythme que les taux de non-remboursement et le nombre de faillites. Depuis 1990, près de 30 000 étudiants ont cessé de rembourser leur prêt parce qu'ils n'étaient pas capables de faire face à leurs obligations. Le nombre de faillites personnelles parmi les étudiants augmente. Dans les Maritimes, 22 p. 100 des diplômés de 1995 ont eu de la difficulté à faire face à leurs obligations sur une période de deux mois; sur ce nombre, 58 p. 100 travaillaient à temps plein.

Il est une autre question que nous avons examinée au cours des derniers mois: les cartes de crédit et leur utilisation par les étudiants, un autre sujet que les sondages passent habituellement sous silence. Or, de nombreux étudiants ont des cartes de crédit et s'en servent pour payer leurs dépenses. Lorsqu'ils n'ont pas d'argent pour acheter de la nourriture, ils se servent de leur carte de crédit. Il y a un formulaire qui leur permet d'avoir accès à six cartes. C'est une question qui nous préoccupe beaucoup parce les taux d'intérêt sur bon nombre de ces cartes sont très élevés.

Pour ce qui est des mesures qui pourraient être prises pour régler le problème de l'endettement des étudiants, nous aimerions que le gouvernement fédéral crée un programme de remise de prêt. Kathleen Thompson, qui a pris la parole avant nous, en a parlé. Nous croyons que ce programme devrait être mis sur pied de concert avec les provinces.

Les emplois d'été pour les étudiants: une des meilleures façons d'aider les étudiants, c'est de leur fournir un emploi d'été. Si vous n'arrivez pas à gagner pas d'argent pendant l'été, vous êtes bien mal parti. Il est de plus en plus difficile de trouver des emplois intéressants et bien rémunérés. Il faut faire quelque chose. Le taux de chômage chez les jeunes en Nouvelle-Écosse atteint 20,9 p. 100.

Nous aimerions également que les tableaux qui fixent les contributions des parents et des étudiants, et que l'on retrouve sur les formulaires de demande de prêt, soient modifiés. Les chiffres devraient être rajustés tous les ans et refléter de façon réaliste le montant que ces personnes peuvent verser au titre de l'enseignement postsecondaire, en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie, et cetera.

Il est important aussi que les étudiants soient bien informés. À l'heure actuelle, notre programme de remise de prêt est sous-utilisé parce que les étudiants n'en connaissent pas l'existence. Les étudiants peuvent obtenir un prêt s'ils obtiennent leurs crédits, et ceux qui sont lourdement endettés ont tout intérêt à se prévaloir de ce programme d'aide.

L'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse a collaboré de près avec la direction de l'aide aux étudiants pour que des changements soient apportés au programme, qui était relativement inaccessible à certains égards. Ces changements seront mis en oeuvre au cours des deux prochaines années, ce qui est une bonne chose. Toutefois, les mesures qui ont été annoncées dans le budget d'hier, comme la période d'exemption d'intérêt de 30 mois, doivent être communiquées aux étudiants. Or, il est difficile de rejoindre les étudiants diplômés qui ont déjà quitté les campus, parce qu'ils ne restent pas en contact avec l'établissement d'enseignement ou leur institution financière.

Le sénateur Perrault: Mettez-les sur Internet.

Mme Smiley: Vous avez raison.

Nous tenons également à signaler que nous avons assisté, lundi, à un colloque sur les services financiers. Les représentants des banques nous ont dit qu'il est important que les étudiants restent en contact avec leur institution financière. Je crois que ces renseignements devraient être communiqués aux étudiants au niveau universitaire, ou même au niveau secondaire.

Nous avons beaucoup parlé des obstacles financiers qui empêchent les étudiants de poursuivre leurs études. Je tiens à préciser qu'il y a également de nombreux obstacles systémiques ou difficiles à cerner qui limitent l'accessibilité à l'enseignement. Les Canadiens d'origine africaine, les femmes handicapées ou d'autres minorités visibles qui ont de la difficulté à entrer à l'université. Il y a plusieurs autres exemples que nous pourrions porter à votre attention. Le gouvernement fédéral devrait faire en sorte que ces groupes puissent avoir accès à l'enseignement postsecondaire. Il devrait aussi prévoir des mécanismes de soutien, comme des services de garderie pour les parents célibataires, ou encore recruter des conseillers pédagogiques de race noire pour aider les étudiants étrangers ou d'origine africaine qui éprouvent des difficultés.

L'accès à l'enseignement postsecondaire demeure l'une des choses les plus fondamentales et importantes que notre société puisse offrir aux personnes de tout âge. La société et l'étudiant peuvent tirer parti de cet enseignement de bien des façons. D'après un sondage effectué auprès des diplômés de 1995, le revenu d'un étudiant augmente en fonction de son niveau de scolarité. Cela montre à quel point les études sont importantes.

En 1996, la Nouvelle-Écosse affichait un taux de chômage de 9,5 p. 100 en 1996. Toutefois, le taux de chômage chez les diplômés universitaires était de 5 p. 100, ce qui indique que les diplômés universitaires ont tendance à être plus nombreux au sein de la population active. Il s'agit là d'un fait important.

J'aimerais vous parler brièvement des mesures qui ont été proposées, hier, dans le budget fédéral. Il est vrai que le fait d'instituer une période d'exemption d'intérêt de 30 mois va grandement aider les étudiants à faible revenu qui ont de la difficulté à rembourser leur prêt une fois leurs études terminées. Toutefois, si cette période d'exemption a été prolongée, c'est parce que le niveau d'endettement des étudiants, le nombre de faillites personnelles et le taux de non-remboursement des prêts ne cessent de croître. Nous sommes d'avis que c'est l'absence de fonds fédéraux et provinciaux qui est au coeur du problème.

Cela dit, je suis prête à répondre à vos questions.

Le président: Vous avez parlé à un moment donné du coût des soins de santé. Les soins de santé en Nouvelle-Écosse ne sont-ils pas couverts par la Loi canadienne sur la santé?

Mme Smiley: Nous faisions allusion aux frais que les étudiants doivent verser, dans la plupart des cas, à leur association pour financer les régimes d'assurance-médicaments, et cetera.

Le président: Donc, vous parliez du coût des médicaments, non pas du coût des soins de santé?

Mme Smiley: Vous avez raison. Je m'excuse. Ce sont les coûts des médicaments -- les frais médicaux qui ne sont pas couverts.

Le président: Les coûts des médicaments, pas les frais médicaux?

Mme Smiley: Il y a des services qui ne sont pas couverts par le régime de soins de santé de la Nouvelle-Écosse, comme les services d'ambulance.

Le président: Les services d'ambulance n'entrent pas dans les frais médicaux. En Nouvelle-Écosse, les soins médicaux, si j'ai bien compris, sont payés par le gouvernement fédéral et la province. Les services d'ambulance, c'est autre chose. Il y a aussi les coûts des médicaments, mais les coûts des soins de santé sont régis par la Loi canadienne sur la santé. Je n'aime pas les entendre dire qu'ils sont obligés de payer pour leurs soins de santé, parce que c'est le gouvernement qui assume la totalité de ces coûts.

Le sénateur Lavoie-Roux: Si vous souffrez d'une maladie pour laquelle vous avez besoin de médicaments.

Le président: Cela fait partie du coût des médicaments.

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, mais cela relève du régime de soins de santé.

Le sénateur Andreychuk: Ou certaines opérations.

Le président: Nous réglerons cette question une autre fois.

Le sénateur Andreychuk: En vertu du régime actuel, les étudiants ne paient pas d'intérêt sur leur prêt, une fois leurs études terminées. Je ne sais pas quand cette mesure a été instituée, mais les étudiants peuvent retarder leurs versements de 18 mois.

Mme Smiley: Au palier fédéral. Oui. Il s'agit du programme canadien de prêt aux étudiants.

Le sénateur Andreychuk: Mais vous devez remplir certains critères pour bénéficier de cette exemption. Est-ce que ces critères sont adéquats? Est-ce qu'ils permettent vraiment de venir en aide à tous les étudiants qui ont besoin d'une exemption, ou est-ce qu'ils sont trop restrictifs?

Mme Smiley: Ce programme a pour objet de venir en aide aux étudiants nécessiteux et aux étudiants qui n'ont pas beaucoup de ressources du fait qu'ils sont sous-employés. Il tient compte des besoins particuliers de chaque étudiant. Le programme est adéquat, mais je pense qu'il faudrait en assouplir les paramètres.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites qu'il y a beaucoup d'étudiants qui font faillite. Vous nous avez expliqué à quel point il est difficile pour eux de rembourser leur prêt. Certains témoins ont affirmé que les étudiants disent, «Voici mon dossier. Tout y est clairement expliqué, sauf que je n'ai pas droit à l'exemption.» Est-ce qu'il y a des étudiants qui vous présentent ce genre d'argument?

Mme Smiley: Malheureusement, nous sommes en contact avec les étudiants quand ils sont dans le système. Nous n'avons pas tellement l'occasion de communiquer avec eux une fois leurs études terminées, de sorte que ces renseignements nous parviennent toujours via d'autres organismes. Nous sommes conscients des problèmes qui existent, mais cela ne constitue pas nécessairement un sujet de préoccupation pour nous, parce que nous ne sommes pas en contact avec ces gens sur une base quotidienne.

Le sénateur Andreychuk: Des étudiants de toutes les régions du Canada nous ont dit, parce que tout le monde sait que les étudiants doivent assumer de lourdes dettes, qu'ils ne savaient pas, quand ils sont entrés dans le système, que leurs études allaient leur coûter si cher, et que ce facteur commence maintenant à décourager même les étudiants les plus défavorisés. Hier, dans le budget, le gouvernement a annoncé que la période de report accordée aux étudiants sera portée de 18 à 30 mois. Cette question peut vous paraître injuste, mais croyez-vous que cette mesure répond aux besoins des étudiants? Je vois que vous faites non de la tête.

Mme Smiley: Non. Absolument pas. Même s'il est important de bénéficier d'une période de report plus longue, le fait est que vous devez quand même rembourser votre prêt. Cette mesure ne s'attaque pas à la source du problème, à savoir que les étudiants à l'heure actuelle doivent débourser beaucoup d'argent pour étudier.

Pour ce qui est de l'accessibilité à l'enseignement postsecondaire, il est très difficile pour les familles à faible revenu d'accepter l'idée qu'elles doivent assumer une dette de 30 000$ pour l'éducation des enfants, alors que la maison familiale, elle, ne vaut même pas cela. Ce montant est tout simplement trop exorbitant. Le fait de prolonger la période de report ne simplifiera aucunement les choses.

Mme Colleen Cash, adjointe administrative, Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse: Le fait de prolonger le régime d'exemption d'intérêts risque d'avoir un effet dissuasif sur certains étudiants. Trente mois, c'est presque trois ans. Les étudiants vont se poser certaines questions avant de poursuivre leurs études: est-ce que je vais devoir reporter le remboursement de mon prêt pendant trois ans? Est-ce que ma dette sera tellement élevée que je devrai en reporter le remboursement pendant tout ce temps? Certains étudiants pourraient se poser ce genre de questions.

Le sénateur Andreychuk: Les perspectives d'emploi constituent donc toujours un problème. Croyez-vous que si les perspectives d'emploi étaient meilleures, la crainte de ne pas pouvoir rembourser le prêt diminuerait?

Mme Cash: Peut-être, mais vous devez quand même prendre des mesures pour réduire votre niveau d'endettement. Vous pouvez obtenir votre diplôme et décrocher un emploi qui vous paiera 40 000 ou 50 000$ par année, mais si vous avez une dette de 20 000, de 30 000 ou de 40 000$ à rembourser, c'est lourd à supporter, peu importe votre revenu.

Mme Smiley: Il y a une autre mesure proposée dans le budget qu'on oublie souvent de mentionner. Il s'agit du régime enregistré d'épargne-études. Si vous terminez vos études à 22 ans et que vous vous retrouvez avec une dette de 40 000$, vous avez 9 ans pour la rembourser. Or, quand êtes-vous censé commencer à mettre de l'argent de côté pour l'éducation de vos enfants? Votre dette est tellement énorme que vous ne voyez pas comment vous pouvez cotiser à votre propre régime de pensions, sous forme de REÉR, et encore moins au régime d'épargne-études de vos enfants. Comme beaucoup de personnes remboursent encore leur dette au moment où ils sont prêts à fonder une famille, ils n'arrivent jamais à mettre de l'argent de côté pour payer des études postsecondaires.

Le sénateur Andreychuk: Vous étudiez dans quel domaine?

Mme Smiley: J'étudie l'histoire du Canada et l'art contemporain.

Le sénateur Andreychuk: Je vous félicite pour votre mémoire. Vous avez très bien su exposer la situation et vous défendez très bien les étudiants qui sont dans le système. J'espère que nous aussi nous serons en mesure de les défendre, parce qu'ils m'impressionnent beaucoup.

Le sénateur Perrault: Est-ce que vous consultez l'Internet pour vos recherches? J'ai un cédérom sur l'histoire du Canada parce que nous avons souvent besoin de renseignements à ce sujet.

Mme Smiley: J'ai accès à l'Internet. Toutefois, je consulte surtout les archives publiques pour mes recherches.

Le sénateur Perrault: J'essaie de savoir si vous avez trouvé beaucoup de renseignements sur l'histoire du Canada dans l'Internet.

Mme Smiley: Comme je l'ai dit, ma thèse ne se trouve pas dans l'Internet. Toutefois, je sais que ces renseignements existent. La plupart d'entre nous utilisent l'Internet tous les jours.

Le sénateur Perrault: Je vous souhaite bonne chance dans vos études. L'histoire est un sujet qui me fascine beaucoup.

Le sénateur Losier-Cool: Je veux moi aussi vous féliciter pour votre mémoire. Vous avez parlé de la population étudiante et du grand nombre de femmes qui fréquentent les campus. Je présume que bon nombre d'entre elles ont des enfants. Est-ce qu'il y a des services de garderie sur les campus? Si oui, qui en assume les coûts?

Mme Smiley: Cela dépend de l'établissement. Colleen est peut-être mieux placée que moi pour répondre à cette question.

Mme Cash: Cela dépend de l'établissement. Divers services de garderie de la province nous ont demandé d'écrire des lettres en leur nom pour obtenir des places subventionnées pour les étudiants qui suivent des cours à l'université. Je présume que si on nous demande d'écrire toutes ces lettres, c'est parce qu'il ne doit pas y avoir suffisamment de places dans les services de garderie.

Le sénateur Losier-Cool: On trouve très souvent des comptoirs d'alimentation dans les pavillons où se trouve l'union des étudiants. Nous avons vu un Pizza Hut et un Second Cup dans le pavillon qui abrite la bibliothèque. Est-ce que ces comptoirs, parce qu'ils font de l'argent avec les étudiants, financent en quelque sorte vos activités?

Mme Cash: Cela dépend de l'entente qu'ils ont conclue avec l'université. Certains comptoirs ont fait des arrangements avec l'administration de l'université, et d'autres avec l'union des étudiants. Cela dépend de l'entente qui a été conclue. Certains ont fait des arrangements exclusifs, ce qui veut dire qu'ils s'engagent à faire un don au fonds de bourses d'études ou autre chose de ce genre. Tout dépend de l'entente qui a été conclue.

Le sénateur Losier-Cool: Et qu'en est-il de l'union des étudiants?

Mme Cash: Certains ont aussi des arrangements avec l'union.

Mme Smiley: Cela dépend aussi de la taille de l'établissement. Bon nombre de nos universités sont très petites et elles ne sont pas propriétaire des locaux qu'occupe l'union des étudiants. Ou bien, l'union ne dispose que des locaux offerts par l'administration de l'université.

Le sénateur Losier-Cool: Croyez-vous que ces comptoirs font de l'argent?

Mme Smiley: Oui.

Mme Cash: Absolument. Sinon, ils ne seraient pas là.

Le sénateur Losier-Cool: C'est une entreprise privée.

Mme Cash: Il convient de souligner qu'en plus des comptoirs d'alimentation, il y a également des banques alimentaires qui commencent à s'installer sur les campus de la province. Cela veut dire qu'il y a des étudiants qui n'ont pas d'argent pour se nourrir. C'est un facteur qu'il faut prendre en considération.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez dit que le report de la période de remboursement n'aidera pas les étudiants parce que leur dette sera la même. Un des témoins qui a comparu plut tôt a dit que, oui, cette mesure serait efficace. Ce que je sais, c'est que la question du financement des études est loin d'être réglée, et que nous devons l'examiner à fond.

C'est tout ce que j'avais à dire et bonne chance dans vos études.

Le sénateur DeWare: Madame Smiley, dans la discussion que nous avons eue avec vos étudiants, nous avons entendu hier des étudiants atteints d'invalidité et pour qui l'accès à certains programmes pose un problème, par exemple cette salle-ci. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, si vous avez eu des discussions à ce sujet. Est-ce que cela préoccupe certains de vos étudiants ou s'agit-il d'un nombre si important?

Mme Smiley: Il y a bien sûr une préoccupation chez nos étudiants. Par l'entremise de l'Association des étudiants de la Nouvelle-Écosse, nous avons pris l'an dernier une initiative en ce qui a trait à l'accès physique aux universités. Nous avons fait parvenir des lettres à toutes les administrations des universités pour leur demander de traiter, sur tout le matériel mis à la disposition des futurs étudiants, de l'accessibilité de leur campus. Par exemple, un étudiant de la Colombie-Britannique qui a présenté une demande à l'établissement où nous nous trouvons présentement et s'y présente en chaise roulante, serait aux prises avec d'énormes problèmes. De même, l'université que je fréquente, l'Université King's College, vient tout juste d'installer cette année son premier ascenseur.

Malheureusement, cette initiative prise par notre organisme auprès des administrateurs d'universités n'a pas semblé donner les résultats espérés dans la mesure où ils ne sont pas prêts à traiter dans leur matériel de l'accessibilité physique de leur campus. Cependant, je pense que ce qu'il faut recourir, sur les campus où ils existent, aux groupes d'action sur l'incapacité qui se réunissent par l'entremise de l'UENE. La meilleure façon de répondre aux besoins, c'est d'agir sur leurs campus respectifs. Nous pouvons faire beaucoup pour les aider à promouvoir leurs causes, mais il est difficile pour une personne physiquement apte de vraiment comprendre le genre de problèmes avec lesquels ces personnes sont aux prises et de trouver la meilleure façon de les aider.

Le sénateur DeWare: S'ils s'organisent et signalent la chose à votre attention, vous êtes alors disposés à les aider?

Mme Smiley: Oui et nous avons des sous-comités de même qu'un comité d'action sur l'incapacité qui dispose d'un budget pour des campagnes, etc, pour faire ce genre de travail. Ils travaillent au sein de notre organismes.

Le président: Nous voulons vous remercier Mme Smiley de vous être fait entendre. Je tiens à vous dire que vous avez une très forte association d'étudiants en Nouvelle-Écosse, en l'occurrence l'UENE. Continuez à bien travailler et à collaborer tant que de nouvelles mesures ne seront pas prises à l'égard des prêts aux étudiants et de l'éducation.

Lorsque vous dites que vous étudiez l'histoire, s'agit-il de l'histoire grecque ou romaine?

Mme Smiley: L'histoire du Canada.

Le président: L'histoire du Canada. C'est bien, parce que j'ai demandé à deux ou trois étudiants en histoire de l'Ouest du Canada de me dire quel était le berceau du Canada. Ils n'ont pas pu me répondre.

Mme Smiley: Vraiment? Je peux le leur dire.

Le président: C'est bien. Je crois que l'UENE fait du bon travail et je vous félicite. Si vous avez d'autres réflexions, veuillez les transmettre à James van Raalte avant le 1er mai.

La séance est levée.


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