Aller au contenu
POST

Sous-comité de l'éducation postsecondaire au Canada

 

Délibérations du sous-comité de l'enseignement postsecondaire
du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages du 6 mars


OTTAWA, le mardi 6 mars 1997

Le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour poursuivre son étude sur l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons avec nous M. Paul McGinnis, spécialiste en éducation pour l'Agence canadienne de développement international.

Le sénateur Andreychuk a pensé que vous apporteriez une contribution utile au travail de ce comité, Monsieur McGinnis. Vous avez la parole.

M. Paul McGinnis, spécialiste en éducation, Agence canadienne de développement international: Honorables sénateurs, vos questions seront, bien sûr, la partie la plus importante de mon témoignage aujourd'hui, mais j'ai quand même préparé quelques remarques en guise d'introduction.

[Français]

On m'a informé à 13 h 30 hier que je devais comparaître devant vous, donc je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer. Ma présentation sera en anglais. Si vous avez des questions à me poser, je pourrai certainement vous répondre en français.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je vois bien cela. Je vous remercie.

[Traduction]

Pour ce qui est du contexte dans lequel évoluent l'ACDI et les établissements d'enseignement, la déclaration du gouvernement sur le Canada et le monde énonçait trois objectifs pour ses futures actions internationales: la promotion de la prospérité et de l'emploi; la protection de notre sécurité dans un cadre mondial stable; et la protection des valeurs et de la culture canadiennes.

De cette déclaration découle le mandat général de l'ACDI, qui consiste à appuyer le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de contribuer à la création d'un monde plus sûr, équitable et prospère. C'est de là que viennent les six priorités de programmes sur lesquelles est fondé notre travail. Ces priorités sont les besoins humains fondamentaux; l'intégration de la femme dans le développement ... l'ACDI est un des leaders mondiaux dans ce domaine; les services d'infrastructure; les droits, la démocratie et le bon gouvernement; le développement du secteur privé; et l'environnement.

Le document précise que le gouvernement canadien est déterminé à renforcer les partenariats à l'intérieur du pays ainsi que dans les pays en développement. Les milieux universitaire et professionnel qui participent aux programmes d'aide au développement sont considérés comme des éléments importants de nos systèmes à l'étranger.

Les sénateurs se demandent peut-être comment les universités et collèges participent à nos programmes. Les institutions tertiaires sont financées par l'entremise de la Direction générale du partenariat de l'ACDI, une de nos directions générales de programmes, et des trois directions générales bilatérales de l'Asie, de l'Afrique et des Amériques. Nous fournissons aussi de l'aide au développement à l'Europe centrale et à l'Europe de l'Est.

À la Direction générale du partenariat, les universités et collèges élaborent leurs propres programmes en collaboration avec les institutions partenaires dans les pays en développement. Ils discutent avec les institutions partenaires et préparent une proposition, qui est ensuite soumise à l'ACDI pour l'obtention du financement nécessaire. L'ACDI choisit certaines de ces propositions et finance certaines de ces activités. L'ACDI finance aussi certains programmes généraux de bourses qui permettent à des étudiants et à des stagiaires de venir suivre une formation à court terme au Canada.

L'ACDI appuie aussi les six centres d'excellence qui relèvent de la Direction générale du partenariat. Vous avez peut-être visité certains de ces centres lors de vos voyages d'un bout à l'autre du pays. Il y a le centre PARADI à l'Université Laval. Ce centre met l'accent sur l'analyse et la recherche économiques axées sur les pays en développement. Le centre sur les villes et le développement, auquel collabore l'Université du Québec à Montréal, l'Université McGill et la ville de Montréal, examine les questions urbaines dans les pays en développement. Le centre international pour l'avancement de la réadaptation communautaire est situé à l'Université Queen's. Il y a aussi un centre pour l'étude des questions liées aux réfugiés à l'Université York. Le centre sur le développement participatif est à l'Université de Calgary, et le centre international pour les établissements humains est à Vancouver.

Les directions générales bilatérales qui gèrent les programmes d'aide de gouvernement à gouvernement retiennent aussi les services des universités et collèges pour la réalisation de certains de leurs projets. Les universités et collèges participent aux activités dans les six grands secteurs prioritaires que j'ai mentionnés plus tôt, certains plus que d'autres, évidemment. Les secteurs dans lesquels ils oeuvrent couvrent pratiquement toute la gamme des services qu'ils peuvent offrir. Leur participation est très étendue. Ils oeuvrent dans tous les principaux pays où l'ACDI est présente.

Je veux dire quelques mots sur l'ampleur de cette participation. C'est toujours difficile à évaluer parce que les chiffres changent constamment. C'est une cible mobile, mais il serait utile que vous ayez une idée de ce que cela représente.

J'ai tiré des données d'une publication de l'ACDI intitulée «Services et lignes de crédit». Ce document est accessible au public et fournit des renseignements sur tous les marchés de services et toutes les lignes de crédit actuellement en vigueur à l'ACDI. Ces données concernent les programmes d'aide de gouvernement à gouvernement et non les programmes de partenariat.

Ce document montre les marchés de plus de 100 000 $ où moins de 75 p. 100 des fonds ont été dépensés. Comme il y a toujours des projets qui viennent s'ajouter à la liste et d'autres qui disparaissent, nous avons dû établir des lignes directrices. Cette publication comprend les projets où les déboursés représentent moins de 75 p. 100 du budget. Dans certains cas, il se peut qu'on n'ait dépensé que 4 p. 100 des fonds. Il faut donc regarder ces chiffres dans leur contexte. C'est une cible mobile.

C'est environ 203 millions de dollars que nous fournissons actuellement aux universités et collèges pour le travail à l'étranger dans le cadre des programmes d'aide de gouvernement à gouvernement. Cela comprend 34 projets sur les trois continents et dans les cinq régions du Canada. Il y a un projet dans le secteur agricole, quatre dans le secteur de la gestion et du soutien institutionnels et deux dans le secteur du développement des ressources humaines. En éducation, il y en a 19, ce qui n'est pas surprenant. Il y en a un dans le secteur de l'énergie, un dans le secteur de l'industrie et un dans le secteur des populations et des établissements humains. Dans le secteur de la santé et de la nutrition, il y en a trois. Enfin, il y en a deux dans le secteur du soutien économique et financier. Comme vous le voyez, ces projets touchent un vaste éventail de secteurs.

J'ai mentionné la Direction générale du partenariat, qui permet aux institutions canadiennes de prendre l'initiative, d'élaborer leurs propres projets et de les présenter ensuite à l'ACDI pour obtenir de l'aide financière. Pour 1996-1997, nous avons approuvé environ 23 millions de dollars pour les universités et collèges et environ 8 millions de dollars pour les centres d'excellence, les projets d'établissement de liens institutionnels et l'Institut international du développement durable. Pour ce qui est du nombre d'étudiants et de stagiaires qui reçoivent de l'aide de la Direction générale du partenariat pour la formation et l'enseignement tertiaire, en 1995, le Canada a accueilli 1 266 étudiants ainsi que 9 505 stagiaires en affectation à court terme.

Comme on l'a mentionné, je suis un des spécialistes en éducation de l'ACDI et j'aimerais vous donner un aperçu de certaines des tendances qui se dégagent pour l'avenir.

L'ACDI a fait certaines expériences dans le domaine de l'enseignement tertiaire au cours des dernières années, dont beaucoup en Asie. Je dois admettre que c'est le continent que je connais le mieux et que je ne suis peut-être pas au courant de tout ce qui se fait en Afrique, dans les Amériques et peut-être aussi en Europe centrale et en Europe de l'Est. Beaucoup de ces expériences se font en Asie parce que certains des pays asiatiques sont plus riches et qu'il y a donc plus de possibilités d'échanges entre les établissements d'enseignement de ces pays et les nôtres.

Il y a plusieurs projets d'établissement de liens institutionnels, mécanisme que nous utilisons beaucoup. L'Université de Calgary est liée à l'Université Chulalongkorn, en Thaïlande, dans un domaine particulier. Il y a de plus en plus de réciprocité dans le contrôle et le financement de ces projets à mesure que les universités thaïlandaises sont capables d'assumer une plus grande partie des coûts. Cela devient plus avantageux pour les deux parties. De plus, les universitaires canadiens s'intéressent de plus en plus à ces échanges parce que les chercheurs thaïlandais peuvent faire des choses fort intéressantes.

Nous commençons aussi à développer des relations tripartites où une université canadienne et, dans ce cas, une université thaïlandaise seront liées à une université au Laos ou au Cambodge. C'est une nouvelle tendance qui continuera vraisemblablement d'évoluer.

Vous savez probablement que l'ACDI a établi des centres canadiens d'éducation dans les pays en développement en Asie pour attirer au Canada les étudiants de ces nouvelles classes moyennes. Vous savez aussi que le ministère des Affaires étrangères a établi des centres semblables dans les pays où l'ACDI ne travaille pas, comme Taïwan ou la Corée. L'ACDI établit des centres dans des pays comme la Chine, l'Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie.

J'ai participé à un projet avec l'OCEAP, dont les activités sont très variées. L'OCEAP regroupe toute la région de l'Asie-Pacifique. Elle comprend les pays côtiers du Canada jusqu'au Chili, de nombreux pays asiatiques ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande. C'est un très vaste réseau. Un projet auquel nous participons est géré par le Conference Board du Canada avec la collaboration de l'Institut Nord-Sud et de l'Association des collèges communautaires du Canada. C'est le genre de projet qui est tourné vers l'avenir.

L'ACCC a géré ce qu'elle a appelé une étude des meilleures pratiques de formation. Elle a recueilli des bonnes pratiques de formation auprès de chacune des régions. Chaque pays, que ce soit un pays en développement ou un pays avancé sur le plan économique, pouvait communiquer à l'ACCC certaines des nouvelles initiatives en cours sur le plan de la formation. Les renseignements ainsi recueillis ont été compilés dans un document et renvoyés à tous ces pays. C'est une source de renseignements intéressants pour les éducateurs et les formateurs canadiens ainsi que pour les gens des diverses régions.

Il y a beaucoup plus de réciprocité à mesure que les pays commencent à se développer dans certaines régions du monde. À mesure que ces pays cessent d'être des pays en développement pour devenir des pays nouvellement industrialisés, la réciprocité des intérêts et des avantages devient possible et souhaitable.

Nous devons dire aussi que les contacts établis par les institutions tertiaires canadiennes, dans ce cas dans la région de l'Asie, facilitent cette transition. Les universités et collèges doivent donc relever deux défis différents. J'ai parlé surtout d'un genre particulier de relations, soit celles qui sont arrivées à maturité, mais les établissements d'enseignement doivent aussi travailler dans d'autres régions du monde. Nous pouvons penser à l'Afrique subsaharienne ou à d'autres régions moins avancées où les institutions sont surtout appelées à faire du travail de développement de la capacité en matière d'éducation. Elles doivent être capables de relever les deux défis. Je crois que c'est une époque fascinante pour les institutions tertiaires en ce qui concerne les programmes de l'ACDI.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre présentation. D'abord je voudrais vous demander s'il est possible d'obtenir les différents documents que vous nous avez énumérés au début?

M. McGinnis: Certainement on pourra vous fournir l'information. Tout d'abord, je vais revoir la liste des documents. Je pourrais vous donner le document immédiatement où j'ai tous les contrats dans les régions et cetera. Je pourrais certainement vous fournir cela et relativement à l'information de l'action de partenariat, on pourra vous fournir cette information plus tard.

Le sénateur Lavoie-Roux: Quel est le budget consacré à ce travail d'éducation dans les pays sous-développés ou dans les trois autres continents? Maintenant vous êtes impliqués en Europe de l'Est. Quel est le montant dépensé à ces fins dans une année?

M. McGinnis: C'est une excellente question, des gens de l'ACDI qui ont travaillé là-dessus hier. J'ai une pile d'informations. Je les ai regardées. C'est difficile de vous répondre. Il y a des fois où le projet est compté à deux reprises. Je n'ai pas une entière confiance dans ces documents parce qu'ils ont été faits trop vite. Je vous ai donné des fonds approximatifs pour l'instant. Il y a à peu près 200 millions de déboursés d'une façon bilatérale.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce qu'il est partagé avec l'autre côté ou si c'est seulement du Canada?

M. McGinnis: Non, c'est seulement 200 millions du Canada.Il y a des partages de l'autre côté aussi. Ils ont leur propre coût. Cela dépend du pays. S'il s'agit d'un pays assez développé comme la Malaisie, il partage peut-être presque 50 p. 100. Mais pour d'autres pays, c'est presque rien. Cela dépend de la situation. Il y a aussi le partenariat où il y a presque 30 millions cette année.

[Traduction]

Ce qui m'inquiète, c'est que vous allez dans tous ces pays sous-développés. Même si je trouve que c'est bien et qu'il doit y avoir des changements au niveau de l'enseignement supérieur, 200 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent. La plupart des habitants de ces pays sont analphabètes et ne vont jamais à l'école.

[Français]

L'analphabétisme quand on en parle au Canada, en comparaison, ce n'est rien.

[Traduction]

Savez-vous combien d'argent est consacré aux échanges au niveau supérieur et combien est fourni pour aider les gens à subvenir à leurs besoins fondamentaux?

M. McGinnis: C'est une bonne question. Je dirige une étude de l'ACDI sur les programmes relatifs aux besoins humains fondamentaux. Vous avez soulevé une question importante.

J'ai des chiffres concernant le programme d'alphabétisation et d'enseignement de base. Environ 120 millions de dollars ont été consacrés à des projets dans le domaine de l'éducation entre 1989 à 1996.

Nous avons mené récemment une étude qui a révélé qu'environ 37,5 p. 100 de notre financement de base est consacré aux besoins humains fondamentaux comme les soins de santé primaires, l'enseignement de base, la nutrition et ainsi de suite. Une bonne partie de cet argent va aux programmes d'aide alimentaire, d'aide internationale et d'aide humanitaire, qui sont importants en tant que mesures provisoires. Le développement des soins de santé primaires et de l'enseignement de base représente environ 18 ou 19 p. 100 de notre budget global.

Le sénateur Lavoie-Roux: Relativement aux 200 millions de dollars, depuis combien d'années ces programmes existent-ils?

M. McGinnis: Ces programmes existent depuis la naissance de l'ACDI. Nous avons toujours eu beaucoup d'activités à l'ACDI dans le domaine de l'éducation. Les programmes dont je parle maintenant s'étendent sur une période de cinq ans. Certains ne font que commencer et d'autres sont sur le point de prendre fin. Le cycle normal d'un projet à l'ACDI est d'environ cinq ans.

Le sénateur Lavoie-Roux: Faites-vous une évaluation des résultats?

M. McGinnis: Je travaille à la section de l'évaluation dans le moment. Notre examen porte sur les besoins humains de base. Nous évaluerons divers projets. Dans tous les projets bilatéraux, il y a un petit montant, 50 000 $ ou 60 000 $ peut-être, qui est consacré à l'évaluation du projet une fois celui-ci terminé. La Direction générale du partenariat fait une évaluation de ses partenaires et du travail qu'ils font à l'étranger.

Le sénateur Lavoie-Roux: Rien n'a encore été publié officiellement?

M. McGinnis: Comme il y a beaucoup de façons d'examiner les diverses questions, la majeure partie de nos évaluations officielles porteront sur les secteurs prioritaires. Nous examinerons donc la question des besoins humains fondamentaux, secteur dans lequel je travaille actuellement, ce qui comprend l'enseignement primaire et l'enseignement de base.

Lorsque nous examinerons l'environnement, qui est une autre de nos priorités, nous examinerons le rôle de l'éducation par rapport à l'environnement. Je ne sais pas si nous aurons l'occasion de faire un examen global du secteur de l'éducation comme tel. Nous examinerons ce secteur par le biais des six priorités qui ont été établies.

Le sénateur Forest: Dans combien de pays l'ACDI travaille-t-elle actuellement?

M. McGinnis: Dans les 36 pays de concentration de l'ACDI.

Le sénateur Forest: Ces pays sont situés aux quatre coins du monde?

M. McGinnis: Oui. Quand je parle des «pays de concentration», cela veut dire que nous y exerçons toute la gamme de nos activités, soit l'aide bilatérale, l'aide de gouvernement à gouvernement et ainsi de suite. Il y a de nombreux autres pays où oeuvrent des organisations non gouvernementales ou encore des universités ou collèges avec la participation financière de l'ACDI, mais ce ne sont pas ce que nous appelons des pays de concentration.

Nous sommes présents dans plus de 100 pays. Si on regarde la situation du point de vue multilatéral -- nous fournissons de l'argent à l'UNICEF et au PNUD -- on peut essentiellement dire que l'ACDI est partout.

Le sénateur Forest: Dans quel contexte employez-vous le terme «tertiaire»?

M. McGinnis: Je l'emploie pour dire «postsecondaire». Dans le contexte canadien, je pense principalement aux collègues communautaires, aux cégeps et aux universités.

Le sénateur Forest: Je n'ai pas compris non plus ce que vous vouliez dire en parlant des populations et des établissements humains.

M. McGinnis: Cela veut dire qu'on examine les questions liées aux établissements urbains et aux populations. C'est un vaste secteur qui nous permet d'aider au niveau de la planification.

Il y a des changements énormes qui se produisent. Par exemple, les populations se déplacent de plus en plus vers les centres urbains. Cela devient un secteur critique. C'est le genre d'activités auxquelles nous participons.

Le sénateur Forest: Faites-vous de la planification aux endroits où ces changements se produisent?

M. McGinnis: Oui, ou encore nous essayons d'aider certains groupes à faire des changements ou à améliorer une situation.

Le sénateur Andreychuk: Notre étude sur l'enseignement postsecondaire vise à examiner l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada. J'espère que vous avez pu prendre connaissance de notre mandat afin d'avoir une idée des secteurs que nous examinons.

Tout au long des audiences, nous avons entendu dire que les universités et collèges étaient en train de changer. Ces institutions élargissent leurs horizons pour deux raisons. L'une de ces raisons, c'est qu'elles veulent s'assurer leur part du marché. D'autres universités partout dans le monde se tournent vers les marchés mondiaux. Autrement dit, les universités européennes établissent des succursales dans d'autres pays du monde qui présentent un intérêt particulier, et vice versa. Non seulement cela crée une infrastructure d'éducation et de technologie commune dont nous pourrons tous bénéficier, mais c'est aussi une source d'emploi et d'expansion pour le secteur de l'éducation et de la technologie au Canada.

Avez-vous étudié la question pour voir si c'est une bonne chose pour les universités canadiennes et si, par conséquent, c'est un secteur auquel l'ACDI pourrait affecter des fonds? Avez-vous fait une étude systématique de cette notion de mondialisation de l'éducation?

M. McGinnis: L'étude qui se rapproche le plus de la question que vous avez soulevée est celle à laquelle j'ai participé concernant la Chine. Il y avait un vaste programme d'établissement de liens institutionnels avec la Chine. C'était notre plus important programme à l'époque. Marcel Masse, ancien président de l'ACDI, s'était rendu en Chine et avait dit que nous devrions ouvrir nos contacts avec ce pays. Cela semblait être une bonne idée à ce moment-là.

Le Chine venait tout juste de sortir de son isolement. On a délibérément établi beaucoup de liens avec des universités et des collèges. L'idée était que cela conduirait à des relations et des liens permanents entre la Chine et le Canada. Nous avons examiné la situation par la suite et observé que c'était effectivement ce qui se passait. À un certain moment, les Chinois payaient pour venir au Canada pour certaines choses parce qu'ils avaient des contacts et de l'information et qu'ils avaient entendu parler du Canada, de notre technologie et ainsi de suite. De ce point de vue, beaucoup de relations permanentes se sont développées, et c'était là le but du programme.

Si nous parlons de développement durable, c'est là une forme de durabilité.

À mesure que la Chine évoluera, elle fera sentir sa présence partout dans le monde, alors pourquoi pas au Canada. Le Canada a certaines technologies et une certaine image politique qui a été utile et bonne pour les Chinois. Dans ce sens, on peut probablement dire que nos efforts ont été couronnés de succès.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, je crois que les universités doivent relever les deux défis. Elles doivent faire du marketing, puisque cela semble être devenu une obligation dans le monde d'aujourd'hui. Cela présente évidemment certains dangers. Elles feront face aux mêmes dangers à l'étranger que lorsqu'elles font du marketing agressif au Canada. Elles devront cependant faire ce genre de marketing dans les pays qui présentent de l'intérêt et du potentiel. En même temps, elles devront se pencher sur la question du développement institutionnel dans d'autres pays où, comme je l'ai dit plus tôt, les problèmes de développement sont beaucoup plus graves. Elles devront essayer de faire les deux.

Le rôle de l'ACDI consistera à les aider à établir les premiers contacts dans les pays où elles peuvent entretenir elles-mêmes les relations créées. Ce seront donc des relations durables, ce qui est bon du point de vue du développement intellectuel, des échanges d'idées, des marchés canadiens et ainsi de suite. En même temps, l'ACDI continuera probablement d'appuyer pendant de nombreuses années encore les universités et collèges qui en ont besoin dans d'autres régions du monde.

Le sénateur Andreychuk: L'ACDI a été créée pour l'APD. Nous avons toujours eu du mal à cerner ce que cela signifie. Lorsque nous aidons d'autres pays, nous disons maintenant que nous devons leur offrir un développement durable.

Dans quelle mesure toutes ces initiatives au niveau de l'enseignement tertiaire, aussi louables qu'elles puissent être, font-elles vraiment partie de la stratégie globale de développement durable de l'ACDI? Serait-il préférable que cela relève d'un autre ministère ou organisme pour que l'ACDI puisse se concentrer davantage sur l'enseignement de base?

Je vois la menace d'une lutte qui assombrit l'avenir. La question du commerce et de l'aide au développement a toujours été une source de tension. Dans quelle mesure l'aide au développement facilite-t-elle le commerce? Dans quelle mesure devrait-elle faciliter le commerce? Quelles limites devrions-nous nous imposer à cet égard? Ce nouveau concept en matière d'éducation pourrait nous amener à nous demander dans quelle mesure c'est le rôle de l'ACDI d'aider à la mondialisation de l'éducation sous la bannière de l'APD.

M. McGinnis: C'est une excellente question, qui s'applique particulièrement à la Chine et à l'Asie du Sud-Est, où je travaillais. C'est dans cette région qu'on retrouve beaucoup de ces activités, pour des raisons évidentes.

Nous avons fini par nous rendre compte à l'ACDI que nous ne pouvons pas travailler à un seul niveau de développement. Il y a différents niveaux, soit le macro-niveau, le méso-niveau et le micro-niveau. Nous devons travailler au niveau des politiques générales, au niveau institutionnel -- qui est le méso-niveau -- et au niveau communautaire. Nous devons faire attention parce que, même si nous avons un très bon projet au niveau communautaire, il peut s'avérer inutile s'il n'est pas appuyé par les politiques pertinentes au niveau supérieur.

Sur le plan de la stratégie, nous pouvons regarder nos investissements dans les universités et collèges de la même façon. D'où viennent les penseurs qui aident les gouvernements de divers pays dans l'élaboration des politiques? Beaucoup de gouvernements font appel aux universitaires pour les aider dans l'élaboration des politiques, par exemple. Leur rôle s'étend souvent au-delà de l'université.

Il y a donc différents niveaux et, pour avoir un impact plus fort, nous devrions probablement intervenir à chacun de ces différents niveaux au moyen de différents programmes.

Toutefois, la mesure dans laquelle nous devrions aider au marketing lui-même est une source de tension et continuera de l'être. Tout dépend de notre mandat. Il est question du «secteur privé» dans notre mandat, ce qui ouvre la porte à ce genre de programmes. Il n'est peut-être pas question seulement du secteur privé canadien, mais du secteur privé en général. C'est possible. Il faudrait examiner notre mandat plus général, dont l'éducation fait partie.

Pour ce qui est des universités et collèges, c'est comme laisser éclore mille fleurs: nous ne savons jamais lesquelles seront les plus belles. C'est impossible d'avoir un plan directeur pour toutes ces choses. Au Canada, les institutions se sont développées à leur façon. Elles ont une certaine expertise qui est maintenant reconnue à l'échelle mondiale, et ce n'est pas grâce à un plan directeur.

Le sénateur Andreychuk: Je me souviens des années où l'ACDI a évalué beaucoup de ces projets. La création d'institutions, l'enseignement postsecondaire, la formation des enseignants, et cetera, tout cela faisait partie de son mandat. Il s'agissait maintenant d'évaluer l'effet net et le résultat net de ces projets. C'est à ce moment-là que les critiques de l'ACDI ont dit que l'agence devrait se concentrer de nouveau sur les besoins fondamentaux. La dernière étude effectuée est l'étude conjointe sur la politique étrangère, qui date d'il y a trois ans. L'une des conclusions était que l'ACDI devrait mettre l'accent sur les besoins fondamentaux. Voilà où je veux en venir.

Deuxièmement, les universités et collèges qui oeuvrent à l'étranger veulent certainement obtenir des fonds de l'ACDI. Lorsqu'il est question de marketing, de mondialisation, d'échange d'information et de toutes ces choses dont vous avez parlé, quelles sont les règles d'équité? Dans le secteur du commerce, nous établissons des programmes comme le PDME. Il y a des règles et des lignes directrices. On présente une demande et on attend de voir ce que cela donne.

Si vous financez un projet d'innovation au Collège Capilano, il n'y aura peut-être plus d'argent à donner à l'Université de Lethbridge pour qu'elle fasse de l'enseignement auprès des Autochtones au Guatemala ou quelque chose du genre. Avez-vous pensé à cette approche ou est-ce que cet htmect de la question a été un problème jusqu'à maintenant?

M. McGinnis: Pour répondre à la première partie de votre question, nous reconnaissons que nous avons beaucoup à faire sur le plan des besoins humains fondamentaux. C'est pour cette raison que nous avons établi l'objectif de 25 p. 100 et c'est aussi pour cette raison que nous faisons actuellement un examen de ce programme. Il est très clair que nous n'avons pas beaucoup travaillé au niveau de l'enseignement primaire. Nous avons très peu de programmes à évaluer dans ce secteur. Il y en a des nouveaux qui commencent, particulièrement en Afrique, mais nous ne sommes pas encore en mesure de les évaluer parce qu'ils ne font que commencer.

Nous avons fait beaucoup dans le domaine de l'enseignement de base au cours des années, ce qui comprend différents types de formation au niveau communautaire, au niveau des organisations féminines, des coopératives et ainsi de suite.

Comment faire des choix? Du côté de l'aide de gouvernement à gouvernement, les choix sont faits au niveau des programmes nationaux. Les responsables du programme de la Thaïlande décident ce qui sera fait dans ce pays d'après les négociations. Ils examinent le contexte et essaient de trouver la meilleure option. Il est juste de dire que nous n'avons pas de stratégie globale d'investissement des fonds consacrés à l'éducation. La stratégie varie d'un pays à l'autre, et il devient donc très difficile de faire des comparaisons.

Du côté des partenariats, on fait plus que cela. On analyse les problèmes de façon plus approfondie. Les projets sont de moins grande envergure, mais on peut faire de bonnes comparaisons.

Le sénateur Andreychuk: Dans quelle mesure vos objectifs ou vos pratiques reflètent-ils l'avantage additionnel que notre système bilingue donne aux Canadiens?

M. McGinnis: C'est crucial. Nous travaillons beaucoup dans ce que nous appelons l'Afrique francophone. C'est pour nous un programme très important. Nous faisons contrepoids aux autres pays qui travaillent en Afrique francophone, et notre contribution est très appréciée. C'est un avantage énorme. D'autres pays s'intéressent à cette possibilité, notamment le Vietnam, même s'il se tourne de plus en plus du côté anglais. Il y a aussi un certain intérêt à cet égard dans d'autres régions du monde.

Le sénateur DeWare: Monsieur McGinnis, hier, à une réunion de l'Association des universités et collèges du Canada, on a dit que nous devrions aller au-delà des institutions pour promouvoir l'éducation. Le recteur d'une université a déclaré que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie étaient plus avancés que le Canada pour ce qui est de promouvoir leur système d'enseignement supérieur à l'étranger et qu'ils avaient fait en sorte qu'il soit plus facile pour leurs institutions de percer les marchés étrangers. Accusons-nous un retard à cet égard? Dans l'affirmative, s'agit-il d'un retard important? Comment la coordination des efforts du gouvernement fédéral pour promouvoir l'enseignement supérieur à l'étranger se fait-elle entre les ministères?

M. McGinnis: Pour ce qui est de commercialiser l'expertise canadienne, nous accusons un certain retard sur d'autres pays comme les États-Unis. L'Australie a été très agressive dans la commercialisation de ses établissements d'enseignement au cours des dix dernières années. La part de marché qu'elle s'est assurée est plus grande que celle du Canada. Il fut un temps où les universités hésitaient à s'engager dans de telles activités de marketing, mais les choses sont en train de changer. Ce que les recteurs d'université disent est exact. Nous avons de très bonnes initiatives individuelles. Cependant, en tant que pays, nous n'avons pas de stratégie globale. Il y a évidemment des raisons historiques qui expliquent cet état de choses, l'une d'elles étant que l'éducation relève des provinces, ce qui vient compliquer la situation.

Le sénateur DeWare: Nous revenons sans cesse sur cette question.

M. McGinnis: Il est vrai que nous travaillons avec les provinces par l'intermédiaire du conseil des ministres de l'éducation et par d'autres moyens. Toutefois, il faut un peu de temps pour élaborer une stratégie nationale.

Le sénateur DeWare: L'Association des collèges communautaires s'est dite ravie du travail accompli par nos étudiants qui participent à des projets à l'étranger dans des domaines comme les nouvelles technologies, l'éducation à distance et ainsi de suite. Ce serait bien si nous pouvions percer le marché.

M. McGinnis: Certainement. Les universités et, surtout, les collèges, manifestent de plus en plus d'intérêt à cet égard. Les collèges ont davantage un penchant naturel pour ce genre d'activité. Il y a beaucoup de bonnes initiatives individuelles. Les organismes de coordination, comme l'AUCC et l'ACCC, appuient peut-être ces initiatives. Je suis d'accord pour dire que nous ne sommes pas aussi agressifs que certains autres pays. Pour ce qui est de la mesure dans laquelle nous devrions être agressifs, c'est une autre question.

J'ai déjà mentionné que l'ACDI appuie aussi l'établissement de centres d'éducation canadiens dans divers pays en Asie afin de promouvoir la formation au Canada. Le ministère des Affaires étrangères fait la même chose dans les pays qui ne reçoivent pas d'aide de l'ACDI, comme Taïwan et la Corée. Nous le faisons en Malaisie et en Thaïlande.

Le sénateur DeWare: Faites-vous venir des gens ici?

M. McGinnis: Nous donnons de l'information sur les programmes disponibles. Les parents paient pour envoyer leurs enfants ou encore les étudiants paient eux-mêmes leurs dépenses.

Le sénateur DeWare: Nous avons également eu une plainte au sujet des problèmes relatifs aux visas que les gens doivent obtenir pour venir ici. Il semble qu'il soit plus facile d'obtenir un visa pour aller étudier aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. C'est une question qui nous préoccupe. S'il faut trop de temps pour obtenir un visa, les étudiants décideront peut-être d'aller ailleurs. Nous devrions examiner la situation. Avez-vous entendu des plaintes de ce genre?

M. McGinnis: Il y a des plaintes de ce genre à l'occasion. Cela exige une bonne coordination du travail entre le ministère des Affaires étrangères, l'ACDI et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui joue le premier rôle. Parfois, on peut régler ces questions plus rapidement aux ambassades à l'étranger. Tout dépend de la situation. Je sais que, dans le cas du programme de la Chine, lorsqu'il y avait des centaines d'étudiants chinois qui devaient venir au Canada en même temps, nous devions prendre des arrangements spéciaux avec le ministère de l'Immigration pour accélérer le traitement des demandes de visa parce qu'il y avait un arriéré énorme. C'est un problème. Il serait utile que vous parliez à un représentant du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il existe des problèmes particuliers, que je ne connais pas très bien. Je sais que ce n'est pas simple.

Le sénateur DeWare: Un retard de trois mois pourrait coûter une année d'études à un étudiant.

M. McGinnis: Absolument.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez parlé des dangers du marketing en éducation. Pourriez-vous être plus explicite? Je déteste ce terme lorsqu'il est question d'éducation. À cet égard, je suis la seule dissidente au sein du groupe. Je ne sais pas si c'est culturel ou non, mais lorsque nous parlons d'éducation et que nous parlons d'aider les autres pays, nous parlons de «commercialiser» notre éducation. Je n'aime pas ce terme.

M. McGinnis: Oui, j'ai parlé de dangers. Ce mot m'a échappé.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le regrettez-vous maintenant?

M. McGinnis: Non. Les universités et collèges ont un mandat. Pour les universités, c'est l'élargissement des connaissances. Si une institution met trop l'accent sur l'htmect commercial, je crains qu'elle ne perde une partie de son mandat. Elle deviendra trop axée sur le marché. C'est un problème. Un autre problème se situe au niveau de la recherche. La recherche est très importante pour les connaissances et, en bout de ligne, pour le développement. Il ne faut pas que les fonds affectés à la recherche deviennent trop axés sur le marché. C'est un autre danger.

C'est décidément plus dangereux pour les universités. Je suis certain qu'elles se heurtent à ce problème, bien que je ne veuille pas parler pour elles. Je suis certain que beaucoup de gens dans le milieu universitaire sont conscients de ce danger.

C'est peut-être moins dangereux pour les collèges. Ils sont plus orientés vers le service à la collectivité. En fait, je dirais que c'est une bonne expertise que les collèges canadiens peuvent exporter. Lorsque je dis «exporter», je veux dire que cette expertise peut être utilisée à l'étranger pour que la formation offerte par les établissements d'enseignement réponde aux besoins du milieu des affaires et d'autres segments de la société. C'est quelque chose que nous faisons très bien partout au Canada.

Par conséquent, il est plus nécessaire pour les collèges de faire du marketing parce qu'ils doivent cerner les besoins en formation d'après les emplois disponibles et offrir des cours qui répondent à ces besoins. C'est donc plus légitime au niveau des collèges, qui ont été établis davantage pour ce genre de travail que pour la recherche fondamentale et l'élargissement des connaissances.

Le sénateur Lavoie-Roux: Si j'ai bien compris, vous êtes en faveur des échanges universitaires et des initiatives visant à aider les universités dans les pays plus pauvres, mais vous croyez que nous ne devrions pas abuser du terme «marketing». Est-ce exact? C'est probablement à cela que je réagis. Nous ne sommes pas en affaires.

M. McGinnis: Cela nous ramène à la question de le sénateur Andreychuk, qui a demandé dans quelle mesure l'ACDI devrait s'engager dans de telles activités. Il est clair que, dans certains des pays que j'ai mentionnés, en particulier en Asie du Sud-Est et de plus en plus en Chine ainsi que dans certaines régions de l'Inde et de l'Amérique du Sud, le niveau de richesse est assez important. Les universités du monde entier interagissent et se font concurrence. Je ne crois pas que nous devions éviter cela. Si les sénats des universités décident que cela fait partie de leur mandat, alors elles devraient faire ce genre de travail.

La question est de définir le rôle de l'ACDI dans tout cela. Dans les pays en développement, nous avons toujours considéré que notre rôle consistait à fournir des fonds de démarrage pour l'établissement de contacts; c'est ensuite aux universités de faire le reste. Le processus que j'ai décrit conduit à une relation empreinte d'une plus grande maturité entre les pays développés et les pays en développement. Toutefois, ce n'est pas le cas dans la plupart des pays où nous travaillons. Les institutions ont encore beaucoup de développement à faire et il faudra des années avant qu'elles atteignent le niveau opérationnel attendu. L'ACDI devrait appuyer des projets de développement institutionnel bien conçus qui font partie d'un plan global.

Nous devrions avoir deux stratégies différentes, mais notre rôle s'arrête dès que les universités décident de faire du marketing à l'étranger. C'est leur rôle à elles. Je dis qu'elles doivent être prudentes; ce genre d'activité présente un danger du point de vue de leur mandat global. C'est une décision à laquelle elles sont confrontées chaque jour.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez parlé de l'Amérique du Sud, de l'Asie et de l'Afrique et vous avez mentionné certains pays de l'Europe de l'Est. De quels pays s'agit-il exactement?

Les établissements postsecondaires devraient-ils étendre leurs activités aux pays de l'Europe de l'Est? Ne devrions-nous pas laisser le développement de l'Europe de l'Est aux pays européens plus développés et nous concentrer sur l'Amérique du Sud ou l'Afrique?

M. McGinnis: À l'origine, les programmes relatifs aux pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est relevaient du ministère des Affaires étrangères. On a ensuite décidé qu'ils devraient être transférés à l'ACDI à des fins administratives parce que l'ACDI avait plus d'expertise pour administrer ces programmes. Toutefois, je crois comprendre que l'élaboration des politiques relève encore en majeure partie du ministère des Affaires extérieures. C'est une politique gouvernementale plus générale.

Certains pays plus petits sont maintenant admissibles à l'aide à cause de leur situation économique, alors que d'autres ne le sont pas. Ce programme fonctionne dans les deux genres de pays. Au niveau de l'information fournie, l'ACDI essaie de séparer les pays jugés comme ayant besoin d'aide de ceux qui ne le sont pas. Je dois admettre que je ne connais pas bien ce programme puisque je n'y ai pas participé.

Évidemment, l'Europe a un rôle important à jouer. Une bonne partie des pressions exercées pour que le Canada intervienne en Europe centrale et en Europe de l'Est venaient de citoyens canadiens dont les familles étaient originaires de cette région. Ces gens étaient intéressés à fournir de l'aide et voulaient une certaine contribution canadienne là-bas. Ce sont donc des intérêts nationaux au Canada qui ont poussé notre pays à intervenir dans cette région.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le gouvernement doit faire des choix. Nous ne pouvons pas venir en aide à tous les pays du monde. Si nous essayons de faire cela, nous disperserons trop nos ressources. Il y a une limite à ce que nous pouvons faire. Ce que nous faisons, nous devrions le faire bien.

M. McGinnis: Vous soulevez là un point intéressant. En tant que personne qui travaille dans le domaine du développement, je suis d'accord avec vous. C'est bien de se concentrer sur certains pays cibles. Ce serait là le penchant de bien des gens à l'agence.

La réalité est qu'il y a toujours des pressions pour que nous intervenions dans beaucoup de pays. L'ACDI a donc répondu aux pressions exercées par les divers groupes au Canada et à l'étranger.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous devrions résister aux pressions.

M. McGinnis: Il y a également des pressions internes.

Le sénateur Andreychuk: La réponse à cela se trouve dans la politique étrangère. Nous ne choisissons pas de pays parce qu'il y aura inévitablement désaccord sur le choix; nous regardons plutôt les besoins fondamentaux. Nous ne pouvons plus employer le terme «tiers monde». Qu'est-ce que le tiers monde? Il y a des pays en Amérique latine et en Asie qui sont plus riches que certains pays de l'hémisphère Nord. La longévité et l'enseignement de base nous donnent de bonnes raisons de travailler dans certains pays.

Nous devons nous concentrer sur un nombre réduit de pays. Je suis heureuse d'entendre que vous travaillez maintenant dans 36 pays et non 168, qui est, je crois, le dernier chiffre fourni par les Nations Unies.

Nous accusons du retard dans le respect de nos obligations internationales en matière d'APD à cause de nos problèmes internes de dette et de déficit. Où nous situons-nous dans le moment sur le plan de l'APD par rapport à nos partenaires comparables? Si vous n'avez pas la réponse à cette question maintenant, pourriez-vous nous la fournir plus tard?

M. McGinnis: Il serait préférable que je vous fournisse la réponse plus tard. Ma réponse rapide est que tous les pays accusent du retard. Nous sommes probablement tous dans la même position.

Le sénateur Andreychuk: Il y a trois ans, nous accusions plus de retard que certains autres pays auxquels nous aimons être associés. Je me demande où nous nous situons à l'heure actuelle.

Je voudrais bien savoir aussi où nous nous situons par rapport aux pays comparables sur le plan de l'aide à l'éducation tertiaire. Dépensons-nous plus ou moins que l'Australie, la Suède, la Hollande, la France, et cetera? Si ces chiffres sont disponibles, je serais intéressée à les voir.

M. McGinnis: Je vais vous les obtenir.

Le sénateur Andreychuk: Nous avons entendu beaucoup de gens d'affaires dire, d'abord au comité des affaires étrangères et, dans une certaine mesure, au présent comité, que les étudiants de demain et les Canadiens de demain devront être plus sensibles aux différences culturelles et comprendre les différentes pratiques commerciales, sociales, et cetera. L'ACDI a-t-elle tenu compte de cela dans ses programmes? Avez-vous révisé votre façon d'initier aux différences culturelles votre personnel et celui des ONG avec qui vous formez des partenariats?

Auparavant, on se contentait de dire aux gens qu'ils devraient être sensibles à la culture du pays où ils seraient appelés à travailler. Cependant, le monde est beaucoup plus complexe qu'avant. Y a-t-il une formation spéciale à cet égard?

M. McGinnis: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Avez-vous pensé que l'ACDI était l'organisme tout indiqué pour donner ce genre de formation à tous ceux qui désirent avoir des échanges avec les pays où vous travaillez?

M. McGinnis: Lorsque j'ai commencé à l'ACDI il y a onze ans, j'étais au centre d'information sur les différences culturelles, qui n'existe plus. Le centre préparait les Canadiens qui devaient travailler à l'étranger en leur donnant une brève séance d'information sur divers sujets. Le ministère des Affaires étrangères offre encore ce service, même s'il a été réduit.

À leur retour, les gens devaient aussi participer à une séance de débreffage. C'était un exercice utile. Ils pouvaient ainsi partager les expériences qu'ils avaient vécues au cours des deux années passées à l'étranger.

Dans certains projets, particulièrement dans le programme de la Chine, parce que nous pensions que les étudiants chinois auraient beaucoup de difficulté, nous avons décidé d'offrir de la formation linguistique et culturelle au Canada et en Chine ainsi qu'un soutien continu. Nous ne faisons cependant pas cela avec tous les pays. Certains étudiants doivent se débrouiller seuls. Cela dépend de l'université ou de l'institution. C'est aléatoire. Il n'y a aucune stratégie globale à l'ACDI, pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt. Ces décisions sont prises au niveau bilatéral par les responsables des programmes nationaux. Chaque programme national a ses propres priorités.

Nous avons certainement l'expertise nécessaire. Le centre d'information était une ressource très utile. Il aurait pu aider les étudiants également. Certaines de nos universités étaient en train de développer une certaine expertise dans ce domaine. L'Université St. Mary's coordonnait cette initiative dans tout le Canada. Elle avait des centres d'un bout à l'autre du pays. Cela n'existe plus. À cet égard, je crois que nous allons dans la mauvaise direction.

Le sénateur Andreychuk: Je voulais simplement que cela soit dit clairement.

Le sénateur Forest: C'est une question qui me préoccupe aussi. Nous avons beaucoup entendu parler de l'Asie, particulièrement sur la côte ouest, et de l'importance pour les gens qui s'y rendent de comprendre la culture avant de partir plutôt que d'apprendre sur le tas.

Nos gens vont dans de nombreux pays. Combien d'étrangers viennent au Canada pour suivre de la formation par l'intermédiaire de l'ACDI?

M. McGinnis: Du côté des partenariats, environ 1 200 étudiants et 9 500 stagiaires viendront au Canada cette année. Le nombre sera plus élevé du côté de l'aide bilatérale. Au total, ce sera près de 15 000.

Le sénateur Forest: Quel est la durée de séjour moyenne?

M. McGinnis: Cela dépend de la durée du programme. Les 1 200 étudiants que j'ai mentionnés seront ici pendant plusieurs années. Par exemple, un programme de deuxième ou troisième cycle dure deux ou trois ans. Dans le cas des stagiaires, cela varie beaucoup, mais la durée de séjour moyenne est de deux ou trois mois.

Le sénateur Forest: Dans quels domaines trouve-t-on ces stagiaires?

M. McGinnis: On les trouve dans toutes sortes de domaines parce que la formation se fait dans le cadre de projets précis. Cela peut être dans le domaine de l'énergie ou encore en agriculture. Les stages touchent un vaste éventail de domaines.

Le sénateur Forest: Cela dépend de leur pays d'origine?

M. McGinnis: Oui, cela dépend du programme que l'ACDI a élaboré pour ce pays.

Le président: Merci beaucoup d'être venu témoigner ici aujourd'hui, Monsieur McGinnis. Vous pourriez peut-être laisser les brochures que vous avez mentionnées au greffier du comité afin que les sénateurs puissent en avoir une copie.

Sénateurs, le comité directeur a tenu sa première réunion hier. Nous avons décidé que nous essaierions de publier un rapport provisoire le plus tôt possible au cas où le gouvernement déclencherait des élections. Nous espérons publier un rapport final d'ici le 15 mai.

Nous avons également décidé hier de nous réunir les 13 et 20 mars. Le 10 avril, nous aurons une journée complète de témoignages de gens du Québec. Le sénateur Lavoie-Roux a accepté de présider cette séance. Le 16 avril, nous espérons entendre des témoins de l'Ontario. Nous ne nous rendrons pas à Toronto ni à Montréal.

Le sénateur Andreychuk: Entendrons-nous le témoignage du ministre de l'Éducation de la Saskatchewan?

Le président: Oui. Il sera ici le 17 avril.

Nous rédigerons notre rapport final après cela.

La séance est levée.


Haut de page