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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 10 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit à 17 h 15, et poursuit son examen du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-chômage au Canada.

Le sénateur Mabel M. DeWare (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Sénateurs, nous examinons le projet de loi C-12. Nous accueillons ce soir Rick Clarke, le président de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Clarke. Vous avez la parole.

M. Rick Clarke, président, Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse: Madame la présidente, je vais résumer notre mémoire puisqu'il s'agit essentiellement du même mémoire que nous avons déposé devant le comité permanent de la Chambre des communes.

Permettez-moi de vous remercier d'avoir modifié votre emploi du temps afin de nous permettre de comparaître. Toutefois, il est malheureux que certains autres n'auront pas cette possibilité, mais j'ai cru comprendre que le comité du Sénat ne disposait pas du même budget que le comité de la Chambre des communes. Les représentants de nombreux organismes et de nombreuses localités dans la région de l'Atlantique auraient beaucoup aimé pouvoir vous faire part de leurs préoccupations en ce qui concerne le projet de loi C-12.

J'aimerais vous faire part de quelques-unes de nos préoccupations reliées à des points particuliers du projet de loi et à l'incidence des réductions envisagées. J'aimerais aussi vous parler de la colère grandissante dont nous sommes témoins dans la province et la région et de notre crainte que le projet de loi C-12 ne fasse qu'augmenter les préoccupations et la colère dans la région et probablement dans tout le pays.

À une réunion, en septembre, du comité directeur du caucus libéral de l'Atlantique, les membres du conseil d'administration des fédérations du travail de la région de l'Atlantique ont exprimé cette même crainte. Comme dirigeant syndical et militant, lorsque j'adresse la parole à un groupe, je fais très attention à la manière dont j'aborde ces questions, car je crains vraiment la colère qui existe. Malheureusement, le comité directeur du caucus libéral de l'Atlantique a cru qu'il s'agissait d'une menace plutôt que d'une crainte légitime.

Ce projet de loi nous inquiète également parce qu'aucune étude d'impact n'a été effectuée qui nous dise ce que signifieront ces mesures pour la région, la province et la population. Le bureau du ministre du Développement des ressources humaines confirmera qu'environ 20 localités ou municipalités dans la seule province de la Nouvelle-Écosse ont écrit au ministre afin de lui faire part de leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi qui aura une incidence très négative sur l'économie et la population des municipalités.

Au départ, nous devons nous interroger sur la raison d'être de ces changements. Je sais que les représentants d'autres groupes qui ont comparu ici ont posé la même question. Je vais m'en tenir à deux points seulement à ce sujet. Tout d'abord, dans le budget de 1995, le ministre des Finances a déclaré qu'il fallait réduire de 10 p. 100 les dépenses de la caisse de l'assurance-chômage. Cet objectif a été atteint suite aux réductions faites en 1993. Si c'était là le seul objectif, inutile de donner suite aux réductions proposées dans le projet de loi C-12.

Deuxièmement, le ministre aurait déclaré à plusieurs reprises qu'il souhaitait s'en prendre à ceux qui profitent du système. Nous tenons à ce qu'il soit noté que nous ne défendons pas ceux qui profitent du système. Toutefois, à notre avis, il ne s'agit que d'un tour de passe-passe qui cache autre chose, car il n'y a qu'un faible pourcentage de prestataires qui profitent du système. Je suis persuadé que les profiteurs ne représentent que 1 ou 2 p. 100 et pourtant, ce projet de loi aura des répercussions pour des centaines de milliers de personnes.

Comme Canadien, les propos creux qui entourent la promotion de ce projet de loi m'inquiète. On joue une personne contre l'autre, une province contre l'autre. Notre région du pays est particulièrement visée. À une époque où l'on parle de la nécessité de réaliser l'unité nationale, cela ne semble pas la façon indiquée de promouvoir la fierté et la force. Au contraire, nous craignons que ces mesures démembreront notre région.

La population de la région de l'Atlantique ne conçoit pas l'assurance-chômage comme un moyen de se la couler douce et de regarder la télévision. Nous voulons travailler. Je pense que les chiffres révèlent que les Canadiens de la région de l'Atlantique quittent la région en grand nombre, comme on ne l'a pas vu depuis la fin des années 60 ou le début des années 70. Suite à l'annonce récente de la fermeture de la mine Devco par exemple, de nombreux mineurs ont déjà quitté la région pour aller travailler dans l'industrie minière en Alberta. Des milliers de personnes font la queue aux foires d'emploi pour du travail à temps partiel dans les casinos. Au Cap-Breton, on fait la queue par centaines pour des emplois à temps partiel.

La propagande utilisée pour faire la promotion de ce projet de loi, à savoir que les gens ne veulent pas travailler et préfèrent l'assurance-chômage, est tout à fait à l'opposé de la vérité. De notre point de vue, le problème réel au Canada ne se situe pas au niveau de l'assurance-chômage, mais du chômage. C'est la principale préoccupation.

Nous nous éloignons du principe fondamental de l'assurance-chômage - devenue assurance-emploi dans le projet de loi C-12; c'est-à-dire que nous nous éloignons du désir de réduire l'impact de la perte d'emploi sur la personne, sa famille et sa localité. Le projet de loi rejette complètement ce principe. En outre, le projet de loi veut nous faire croire que ce sont les travailleurs qui fixent leurs heures de travail, leur rémunération et la durée d'un emploi particulier. Or la vérité est tout autre.

J'ai participé à un débat avec quelques députés au cours duquel ceux-ci ont déclaré que les gens ne travaillaient que le temps nécessaire pour toucher l'assurance-chômage. C'est une opinion erronée; les travailleurs ne peuvent plus faire ce genre de chose car ils seraient alors complètement exclus de l'assurance-chômage.

Nous nous préoccupons notamment de l'intensité. Dans notre région, un grand nombre d'emplois sont saisonniers, dans les pêches, l'agriculture, les forêts, les commissions scolaires, la construction navale et la construction, pour ne citer que ces secteurs.

La nouvelle structure d'admissibilité nous préoccupe également à cause de la prépondérance du travail à temps partiel dans notre industrie. Il est à noter qu'en Nouvelle-Écosse actuellement, c'est le travail à temps partiel qui connaît la croissance la plus rapide. À cet égard, nous sommes passés de 75 000 travailleurs à temps partiel à 78 000 en décembre et à 84 000 en janvier de cette année. Il est malheureux que de plus en plus, nous ayons une économie à temps partiel. Et justement, voici un projet de loi qui nuira à des dizaines de milliers de travailleurs de ce secteur.

On nous dit que cette mesure favorisera un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel. En Nouvelle-Écosse, actuellement, 97 p. 100 des travailleurs à temps partiel se qualifient ou sont admissibles à l'assurance-chômage s'ils travaillent une semaine de 15 heures. Nous prévoyons que ce nombre diminuera considérablement suite aux nouvelles périodes donnant droit à l'admissibilité.

J'aimerais vous donner quelques exemples de nos préoccupations en ce qui concerne l'inclusion de la première heure travaillée dans le calcul de la période d'admissibilité. Le mouvement syndical préconise cette mesure depuis longtemps. Toutefois, nous n'avions jamais imaginé ni accepté qu'on puisse presque doubler la période d'admissibilité. C'est rassurant lorsque l'on parle vite et qu'on dit qu'il faut de 12 à 20 semaines et de 420 à 700 heures pour avoir droit à l'assurance-chômage. Toutefois, comparé aux exigences actuelles d'une semaine de 15 heures, cela signifie qu'en passant à une semaine de 35 heures, il faudra travailler de 28 à 46 semaines selon la région pour avoir droit à l'assurance-chômage. Si vous travaillez 20 heures par semaine, il vous faudra de 21 à 35 semaines. Dans notre province, nombreux sont ceux qui ne travaillent pas ce nombre d'heures. Dans le cas du travail à temps partiel, les femmes en Nouvelle-Écosse seront particulièrement touchées. Malheureusement, ce sont les femmes et les chefs de famille monoparentale qui travaillent à temps partiel. Ce sont ces travailleurs qui devront demander l'assistance sociale.

Nous nous préoccupons également des conditions requises pour recevoir des prestations lorsque l'on se joint à la population active. Ces mesures sont injustes. Tout d'abord, il faut 910 heures où que vous habitiez. Le taux officiel du chômage au Cap-Breton est de 19 p. 100. Nous avons des localités ici où le taux de chômage dépasse les 50 p. 100. Au cours d'un forum public à Port Hawkesbury, le représentant d'une des localités autochtones nous a appris que dans sa localité, le taux de chômage était de 75 p. 100. Les personnes qui deviennent ou qui redeviennent membres de la population active devront maintenant travailler 910 heures, qu'ils habitent le Cap-Breton, où le taux de chômage est de 19 p. 100, ou Hamilton, où le taux est de 7 p. 100. Quand on songe au pourcentage de travail à temps partiel et de travail saisonnier dans notre région, on comprend qu'il sera impossible de travailler 910 heures.

J'ai ici copie d'une lettre du bureau du ministre du Développement des ressources humaines. Dans cette lettre, son bureau affiche une attitude nonchalante du genre «oui, mais ce n'est que pour la première année, la deuxième, il faudra 490 heures». Je dirais qu'il sera difficile d'être admissible avec 490 heures quand on songe aux changements apportés aux conditions d'admissibilité.

À la page 7 de notre mémoire, nous abordons la valeur de l'assurance-chômage dans notre économie. Il est malheureux que nous n'ayons pas stimulé l'économie. Nous craignons que le régime proposé aux termes du projet de loi C-12 ne pénalise les travailleurs saisonniers à cause de la fréquence de leurs demandes. Par contre, les employeurs des travailleurs saisonniers ne sont pas pénalisés. Le travailleur touchera des prestations réduites; mais l'employeur qui embauche des travailleurs saisonniers et ensuite les met en disponibilité ne sera frappé d'aucune pénalité. On semble partir de l'hypothèse que les travailleurs déterminent leur propre horaire de travail. Or ce n'est pas le cas. C'est l'employeur qui les met en disponibilité, et pourtant ils sont pénalisés.

Il faut aussi se rappeler que le prestataire à répétition est également un travailleur à répétition. Il s'agit d'un travailleur qui perd son emploi et qui en cherche un autre. Si les travailleurs ont la chance d'avoir droit aux prestations, alors certaines de ces nouvelles initiatives pourraient fort bien se révéler inutiles. En effet, si nous sommes dans la période de zéro semaine, un travailleur pourrait décider que maintenant qu'il a droit aux prestations, il n'acceptera pas d'emploi pendant deux ou trois semaines parce que pendant deux semaines, la rémunération touchée ne sera pas comptée. En fait, son taux de prestation sera réduit.

Nous avons des données statistiques qui révèlent que les modifications apportées en 1993 ont retiré environ 189 millions de dollars des poches des prestataires d'assurance-chômage de la Nouvelle-Écosse. Voilà donc 189 millions de dollars perdus pour la petite entreprise, pour nos localités, une perte pour toute notre économie. Les prestataires d'assurance-chômage qui touchent 55 p. 100 de leur rémunération n'accumulent pas des économies à la banque. En général, ils touchent l'argent et ensuite le dépense. C'est là une grosse perte pour nos économies locales et municipales.

À la page 7 de notre mémoire, nous mentionnons que dans un de ses propres rapports sur l'assurance-chômage, le gouvernement reconnaît que l'assurance-chômage a un effet stabilisateur en période de crise économique, en réduisant de 11 à 14 p. 100 la perte d'emplois. Une étude semblable a constaté que le programme d'assurance-chômage a sauvegardé environ 35 000 emplois entre 1981 et 1985, et 25 000 emplois entre 1990 et 1993. Voilà pourquoi nous nous préoccupons de cette perte monétaire pour notre économie.

Dans des documents préparés par notre ministère des Services communautaires, on fait remarquer qu'en Nouvelle-Écosse, les localités perdront environ 39 millions de dollars de recettes en 1997-1998. Ce montant augmentera à 54 millions de dollars d'ici l'an 2001-2002. Seize mille habitants de la Nouvelle-Écosse seront touchés par la réduction de la durée des prestations de 50 à 45 semaines.

Le ministère des Services communautaires a effectué une étude d'impact et prévoit que ce projet de loi fera augmenter de façon considérable le nombre de demandes d'assistance sociale dans notre province parce que les travailleurs seront exclus de l'assurance-chômage.

Quelque 9 000 Néo-Écossais toucheront moins de 55 p. 100 de leur rémunération parce qu'ils auront travaillé moins de 29 semaines. D'autres toucheront 25 p. 100 de leur rémunération. Dans certaines régions, près de la moitié des prestataires toucheront moins de 35 p. 100 de leur rémunération à cause des réductions et parce qu'ils ont déjà demandé des prestations. De plus, en Nouvelle-Écosse, quelque 38 000 prestataires de l'assurance-chômage ont touché des prestations pendant moins de 20 semaines en 1993, la dernière année pour laquelle nous avons des données statistiques.

Quelqu'un de par chez nous a qualifié le budget dans lequel on annonçait ces réductions - je ne veux pas faire de la promotion publicitaire -, budget de Contact-C: son incidence s'échelonnera sur une certaine période.

En ce qui concerne la formation qui relèvera maintenant des provinces, nous nous préoccupons particulièrement de deux aspects. Récemment, des coupures de 8,6 millions de dollars ont frappé notre système scolaire, entraînant la fermeture de cinq campus, la suppression de 800 places de stagiaires et le licenciement de 100 personnes. Contrairement à la situation dans d'autres régions, il semblerait que nous éprouvons des difficultés à faire reconnaître ce fait par la commission locale de formation de la main-d'oeuvre. La commission est censée aider les provinces à mettre sur pied un programme de formation. Pour parler franchement, nous sommes quelque peu sceptique en ce qui concerne l'orientation et l'avenir de cette formation.

Selon les données les plus récentes, celles de 1993, plus de 50 000 prestataires avaient présenté une demande au cours des cinq années précédentes. Puisque 40 000 Néo-Écossais travaillent moins de 20 semaines et que 50 000 prestataires avaient présenté une demande au cours des cinq années précédentes, nous prévoyons que le taux des prestations diminuera pour atteindre entre 27 et 35 p. 100.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple de nos craintes. Environ 100 militants et syndiqués occupent un bureau au Centre d'emploi et de main-d'oeuvre, rue Goodington, dans la région métropolitaine de Halifax depuis 76 jours aujourd'hui. Ce bureau, ouvert il y a 30 ans, offre des services à une région de Halifax où le revenu moyen est le plus faible et le taux de chômage le plus élevé. On y travaille surtout avec les jeunes, les conseillant sur les programmes de formation afin de les faire passer de la rue au marché du travail. On y a beaucoup aidé la collectivité à lutter contre le racisme dans les pratiques d'embauche et la discrimination gråce à une formation en classe, si on veut. On craint la perte de ces services. Depuis 76 jours, des gens occupent ce bureau. J'y suis allé, ce n'est pas vraiment un endroit très confortable pour y passer 76 jours.

Mon dernier point vise un autre des comités du Sénat. Nous sommes inquiets de constater que rien n'est fait pour régler la crise de l'emploi. Le Cap-Breton a probablement le taux de chômage le plus élevé de la province. La région souffre beaucoup à cause de la crise dans le secteur des pêches et souffrira probablement encore plus que les autres régions de la province suite à la mise en oeuvre des règles sur l'intensité et la fréquence ainsi que les nouvelles conditions d'admissibilité aux prestations. Il y a également fermeture ou réduction considérable des activités chez un des principaux employeurs, non seulement de l'île du Cap-Breton, mais de toute la province, Devco, à une époque où nous sommes déjà en crise. Cela ne fait qu'ajouter aux difficultés et aux préoccupations des municipalités. Le moment est très mal choisi.

Je pourrais passer à d'autres parties de notre mémoire, mais je tiens à souligner que nous devons faire comprendre au gouvernement, avec l'aide de votre comité, nous l'espérons, que ce sont des personnes qui sont touchées. Le gouvernement devrait effectuer une étude d'impact sur les conséquences de ce projet de loi. Ces réductions ne sont pas du tout justifiées lorsqu'on songe que la caisse de l'assurance-chômage est excédentaire. La caisse est financée entièrement par les employeurs et les employés.

Il n'y a eu que très peu de consultations. J'en ai discuté avec presque tous les députés de la Nouvelle-Écosse. Il y a eu quelques réunions publiques sur le filet de la sécurité sociale, mais aucune consultation réelle sur les incidences du projet de loi C-12. Cela devrait suffire à faire écarter ce projet de loi. Nous ne nous opposons pas au changement, je tiens à ce que cela soit bien compris. Toutefois, il faut que le changement s'effectue après une sérieuse consultation des intéressés, c'est-à-dire les employeurs et les organismes qui représentent les employés qui sont disposés à discuter des modifications à apporter au régime de l'assurance-chômage.

Le sénateur Cohen: Monsieur Clarke, je vous remercie de votre présence ici ce soir. Vous avez certainement abordé toute une gamme de sujets. Vous nous avez sensibilisés aux craintes et frustrations que nous vivons tous au Canada. Nous savons que les Canadiens veulent travailler. Nous savons que les chômeurs ne sont pas responsables de leur chômage. En pleine crise de l'emploi, on ne saurait justifier les modifications au programme de l'assurance-emploi en termes de coûts.

J'aimerais avoir votre opinion sur un aspect que vous n'avez pas abordé. Lorsque nous avons rencontré les membres du conseil d'administration des syndicats de la construction ils se sont dit intéressés à examiner la possibilité d'accumuler des heures ou de les reporter dans le secteur de la construction. Qu'en pensez-vous? Ils pensaient que cela encouragerait les travailleurs à retourner travailler, même s'ils ne travaillaient qu'une heure, car cela s'accumulerait sur une période d'un an.

M. Clarke: J'ai mentionné que nous ne nous opposons pas à l'idée d'assurer la première heure travaillée. Nous considérons qu'il faut assurer toutes les heures travaillées. Nous nous opposons à l'idée de porter les 420 heures actuelles à 700. Si vous travaillez, cela doit vous être crédité, pendant la période de référence.

Le sénateur Cohen: Je voulais des précisions mais je ne suis pas sûre de les avoir obtenues.

M. Clarke: Nous avons réfléchi à la question. Le mouvement syndical doit jouer un rôle. Plusieurs considèrent que nous devrions repenser les horaires de travail. Parfois, les employeurs s'exclament automatiquement: «On nous réclame la semaine de 35 heures». Je n'y vois rien d'inquiétant. C'est peut-être utopique, mais peut-être le moment est-il venu d'adopter la semaine de 35 heures. Au sein du mouvement syndical, on parle de plafonner les heures supplémentaires. Il nous faut trouver des façons de faire travailler un plus grand nombre de personnes. Peut-être pourrait-on songer à limiter les heures supplémentaires et à ajouter un quart de travail supplémentaire. Ainsi, on contribuerait à la création d'emplois. Le nouveau régime forcera les travailleurs à se dépêcher pour accumuler leurs heures et nous ne réussirons jamais à réduire les heures supplémentaires.

Le sénateur Bryden: Je viens du Nouveau-Brunswick. Pendant une grande partie de ma vie professionnelle, j'ai travaillé comme avocat du droit du travail. Je gagnais très bien ma vie parce que personne d'autre ne représentait les syndicats au Nouveau-Brunswick. Je représentais donc les syndicats au Nouveau-Brunswick la plupart du temps et j'ai eu l'occasion de travailler pour le compte de prestataires de l'assurance-chômage. J'habitais également un village de pêcheurs où la plupart de mes voisins étaient soit pêcheurs, soit travailleurs dans des usines de transformation du poisson.

Comme citoyen, comme professionnel et comme député, je tiens énormément à ce que nous tentions de répartir les avantages de l'économie canadienne entre le plus grand nombre de Canadiens possibles, où qu'ils habitent. Vous avez mentionné que la colère gronde et je ne le conteste pas.

Toutefois, je m'inquiète aussi d'une colère plus grande que celle que vous et moi voyons dans nos localités. Depuis longtemps au Canada, des groupes et des politiciens très influents ont consacré des efforts très considérables dans certains cas afin de remanier de fond en comble le régime d'assurance-chômage.

À mon avis, ce remaniement aura lieu. Nombre de ceux qui s'opposent à ce projet de loi, s'y opposent non pas parce que les prestations prévues y sont insuffisantes ni parce qu'on y trouve un appui insuffisant pour les travailleurs saisonniers et les chômeurs, mais parce que les restrictions prévues dans le projet de loi sont insuffisantes.

Suite aux séances du comité de la Chambre des communes, on a apporté de nombreux amendements à ce projet de loi afin d'améliorer la situation de ceux dont le revenu tombait en deçà du seuil de 26 000 $.

Voici une considération qui n'a peut-être pas encore été exprimée: si ce projet de loi est rejeté, laissant en place le régime actuel tel qu'il est, je crois que ce sera pendant très peu de temps. La prochaine étape ne sera pas le projet de loi C-21, ni le projet de loi C-12, ni le projet de loi C-12 tel que modifié. Nous aurons probablement un projet de loi beaucoup plus dur et beaucoup plus coûteux.

Est-ce que vous et votre fédération avez songé à cet aspect des choses?

J'ai présenté la chose comme je l'ai fait, parce qu'il ne s'agit pas d'un choix entre le projet de loi C-12 tel que modifié et le paradis. Le choix doit se faire entre le projet de loi C-12 tel que modifié, et peut-être modifié à nouveau par ce comité, et quelque chose d'autre. Avez-vous réfléchi à ce que pourrait être ce «quelque chose d'autre», après les prochaines élections s'il y a coalition ou quelque chose du genre?

M. Clarke: Je dirais qu'il faut se débarrasser de ce projet de loi. Je le dis très sincèrement. Je pense que les représentants du CTC ont déjà comparu devant vous tout comme d'autres du mouvement syndical. Je ne sais pas s'ils vous l'ont proposé, mais à mon avis, il faut réunir les intéressés. La question qu'il faut se poser est la suivante: qui décide?

J'ai eu beaucoup de chance car j'ai travaillé continuellement depuis mes débuts comme journalier dans les chantiers navals de Halifax en 1969. Je n'ai pas levé la main pour dire: «Réduisez ma prime de cinq sous». Une partie se fait entendre, mais pas l'autre.

Nous vous demandons simplement de vous asseoir et de nous parler. Nous sommes disposés à examiner des modifications et des améliorations afin que le régime se conforme au nouveau milieu de travail d'aujourd'hui, mais nous nous retrouvons toujours en position réactionnaire. Un projet de loi est déposé et nous devons l'opposer. Je ne pense pas que ce soit juste.

De nombreuses personnes ne comprennent pas ce qui se passe aujourd'hui. Ceux qui prétendent que ce projet de loi ne va pas assez loin ne sont pas ceux qui sont frustrés. Comme je l'ai déjà dit, l'histoire estimera peut-être que la période actuelle plus difficile que la Crise, parce que les banques et les institutions financières, dans leur bonté, nous ont prêté beaucoup d'argent. Nous sommes endettés jusqu'ici. Les gens perdent leurs maisons. Leurs enfants perdent la possibilité de se faire instruire. On ne va pas se croiser les bras et laisser tout cela se produire.

La seule chose qui empêche les problèmes de se décupler dans notre pays, c'est son attitude humanitaire. Pourquoi s'en départir? Est-ce vraiment ce que nous voulons, réduire le financement accordé à nos universités et l'aide que nous donnons à nos voisins? Peut-être devrait-on en faire le thème d'une élection: est-ce le genre de Canada que nous souhaitons?

Au nom du mouvement syndical, je pense pouvoir dire que si on met ce projet de loi de côté, nous pourrions nous asseoir et décider du genre de régime dont nous voulons pour le Canada. Je me porterai volontaire immédiatement pour y travailler, mais il faut que les intéressés participent à cet effort.

Le sénateur Bryden: Je ne me considère pas un spécialiste, mais je crois comprendre que depuis 1994, on a fait circuler un document de discussion sur les réformes envisagées. Il y a eu soit un livre blanc soit un livre vert aux fins de la consultation. Je ne sais pas si vous avez participé ou non à celles-ci.

Le comité de la Chambre des communes a tenu des audiences. Certains députés se sont assis avec les gens dans leur cuisine, ont assisté à des réunions locales et discuté de la question avec leurs électeurs. Nombre d'entre eux sont de la région des Maritimes que ce soit le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse ou Terre- Neuve, ou de nombreuses personnes dépendent de l'assurance-chômage.

Vous avez parlé des intéressés. J'estime que les intéressés sont bien représentés par les députés, de quelque parti qu'ils soient, que les citoyens de ma province et de la vôtre ont élus. Ces députés ont rencontré et consulté leurs électeurs et ont apporté de nombreuses révisions en modifiant le projet de loi C-12 en comité.

Il y a un temps pour la consultation. Nous pouvons consulter et consulter à tout jamais. Toutefois, vient le moment où le Parlement, les membres dûment élus de la Chambre des communes et les membres du Sénat, doivent prendre les meilleures mesures possible. C'est je suppose le cas actuellement. Vous dites toutefois qu'il faut nous arrêter ou recommencer. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Clarke: Je ne peux que demander, pourquoi cette urgence aujourd'hui? Si la caisse de l'assurance-chômage était déficitaire, je contesterais probablement quand même ce genre de changements. Toutefois, si c'était la situation, le gouvernement pourrait probablement justifier plus facilement ces mesures draconiennes puisqu'il faudrait puiser à même le Trésor le déficit de la caisse.

Or ce n'est pas le cas. Nous sommes en situation excédentaire. Il n'y a pas de crise. On prévoit un excédent de 10 milliards de dollars d'ici la fin de la présente année financière. Si c'est le cas, pourquoi se presser? Pourquoi ne pas s'asseoir et parler aux gens?

Vous avez mentionné le comité de la Chambre des communes. Je peux vous dire comment cela s'est passé. Je suis plus à l'aise ici parce qu'au moins j'ai l'impression que nous cherchons le changement. J'ai comparu devant le comité de la chambre des communes en vidéo-conférence, et le ministre était là qui criait qu'il n'y aurait pas de modifications à ce projet de loi.

La population accepte mal un processus où on a l'impression de se dépenser en pure perte. J'ai été très heureux lorsque j'ai appris que votre comité recevrait des mémoires. Au moins nous avons ainsi la possibilité de nous faire entendre. Il y aura toujours ceux qui s'opposent à un projet de loi. Combien de fois avez-vous entendu «abolissons le Sénat». Il y a toujours quelqu'un qui donne son opinion.

Toutefois, il faut que les changements soient justifiés et dans ce cas-ci je n'en vois aucun. Plutôt que de créer une telle controverse partout, pourquoi ne pas s'asseoir et en parler? J'ai essayé. Il n'y a que 11 députés pour représenter la Nouvelle-Écosse. J'ai participé aux discussions sur le livre blanc. J'ai comparu devant le comité présidé par Francis LeBlanc, alors député de l'opposition, qui s'est déplacé dans tout le pays. Ce comité n'a jamais publié de rapport faisant état de ses recommandations, ni des opinions qui y ont été exprimées par la vaste majorité des intervenants.

On demande aux gens de participer à un processus qui n'est ni sincère ni légitime et qui cause beaucoup de préoccupation et de peine.

Le sénateur Bryden: Vous avez dit que le fonds était excédentaire. Savez-vous que les gens ont deux conceptions fondamentales de ce programme? Pour certains, c'est un programme d'assurance qui fonctionne de la même façon que tout autre régime d'assurance - ce qui veut dire qu'on en retire ce qu'on y a versé. D'autres estiment que c'est plus qu'un programme d'assurance, et qu'il permet une certaine répartition équitable des prestations.

Certains disent qu'on peut régler le problème de l'excédent en remboursant les primes qui ont été perçues auprès des personnes rarement ou jamais au chômage, car elles n'utilisent pas l'assurance, contrairement aux Canadiens de l'Atlantique, aux Manitobains du nord - je ne veux pas citer seulement les gens de ma région - de même que les habitants du nord de l'Ontario qui travaillent de façon saisonnière. Si leur contribution à l'assurance-chômage n'est que de 90 $ par an, c'est en fonction de ce montant qu'on doit calculer leurs prestations. Ces gens-là vous diront que nous pouvons éliminer l'excédent très rapidement en retournant simplement les primes aux personnes qui ne les utilisent jamais.

M. Clarke: J'espère que je ne vous ai pas donné à penser qu'il fallait éliminer l'excédent.

La présidente: Je me rends compte que toutes les provinces subiront des coupures à cause de la réduction des prestations d'assurance-chômage, mais le ministre nous a assurés lors de sa comparution que ces coupures seraient compensées par le montant qui serait envoyé aux provinces pour le partage d'emploi, la création d'emplois, les mesures d'aide au travail indépendant et les subventions salariales. Il a dit que cela s'équilibrerait gråce à l'argent qui serait reversé aux provinces pour créer des emplois à temps plein.

Je siège à ces comités depuis presque six ans. Quand les témoins viennent nous dire qu'un projet de loi ne leur est pas acceptable, nous apprécions les modifications qu'ils nous proposent afin de rendre le projet de loi plus intéressant et plus acceptable. Mais cela ne se produit pas très souvent. J'aimerais signaler aux fins du procès-verbal que nous sommes en mesure d'accepter ce genre de suggestion et que le comité les apprécie quand cela se produit.

Que pensez-vous de la déclaration du ministre sur l'injection de fonds dans le système?

M. Clarke: Notre ministère des services communautaires en a tenu compte et estime que la province subira toujours une perte nette. Les chiffres et la projection ne sont pas les nôtres; ce sont ceux de la province. Je crois qu'il y aura une perte nette.

Je travaille avec des gens de toutes les régions de la province, et j'ai examiné en détail les différents scénarios. À mon avis, personne ne sait encore quelle sera la gravité de ces mesures. Telle est ma préoccupation. On n'en a pas vraiment évalué les répercussions.

En ce qui concerne votre observation sur les amendements, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est dommage que nous soyons dans une situation de crise, car il fallait que nous comparaissions devant le comité sénatorial entre le 6 juin et demain. Notre bureau n'a que trois employés, y compris moi-même. Nous essayons de travailler avec les gens pour leur expliquer ce projet de loi. Bien des collectivités nous ont invités à le faire. Il nous est très difficile d'aller les rencontrer.

Cela me ramène à ce que je disais au sujet de la consultation. Je sais que nous pouvons trouver un système dans lequel les employeurs et les employés peuvent collaborer, mais il doit être légitime.

Je suis préoccupé par les primes. Je ne veux pas que les gens pensent que je préconise l'élimination de l'excédent. Nous apprenons que l'on a réduit les primes de 5 p. 100 dans le secteur privé pour promouvoir la création d'emplois. Rien ne prouve que cela se produit. Voilà la crise. Nous ne serions probablement pas ici pour vous faire part de nos préoccupations aujourd'hui si le problème du chômage n'était pas critique. De nos jours, les grandes sociétés réalisent des bénéfices scandaleux, tandis que les employés sont mis à pied. En effet, de 2 500 à 2 800 personnes ont été licenciées en 1995.

Le sénateur Murray: Tout d'abord, en ce qui concerne la réduction des prestations en Nouvelle-Écosse, le ministère du Développement des ressources humaines a publié ces statistiques sur l'incidence du projet de loi C-12, ainsi que les amendements. En Nouvelle-Écosse, les prestations diminueront de 37 millions de dollars l'année prochaine, mais cette diminution s'élèvera à 63 millions de dollars en 2001-2002. Vos chiffres étaient un peu élevés pour l'année prochaine, mais un peu faibles pour l'exercice 2001-2002, du moins par rapport aux chiffres publiés par le ministère.

En ce qui concerne la perte nette ou le gain net, c'est impossible à calculer. Le ministre a dit que sur les 2,1 milliards de dollars d'économie, 800 millions de dollars seront réinvestis dans ce qu'on appelle les mesures d'employabilité. Je ne sais pas ce que cela représentera pour la Nouvelle-Écosse, mais je dois avouer qu'au cours des deux derniers jours - et je suis sûr que vous l'avez aussi vu - j'ai lu dans le Chronicle Herald de Halifax des spéculations selon lesquelles près de 250 millions de dollars seront investis dans la création d'emplois. Toutefois, je ne sais pas si cela faisait partie des 800 millions de dollars qui étaient censés provenir du fonds de l'assurance-chômage.

L'idée que l'on investisse 800 millions de dollars à l'échelle nationale - et que la Nouvelle-Écosse obtienne sa juste part des mesures d'employabilité - vous permet-elle d'espérer que l'on s'attaquera au problème du chômage dans cette province?

Deuxièmement, vous avez dit - à l'instar de Bob White et des autres: «Nous serions disposés à collaborer si on nous l'avait demandé, et nous serions toujours disposés à collaborer dans la restructuration ou l'amélioration du régime de l'assurance-chômage dans ce pays.»

À votre avis, quels sont les problèmes qu'il faut régler?

Je vais en parler maintenant, parce que j'ai entendu notre collègue le sénateur Bryden aborder certaines de ces questions. Depuis le premier jour - c'est-à-dire le jour où le ministre est venu ici - j'essaie de comprendre la politique qui sous-tend ce projet de loi et de savoir s'il a une raison d'être, si l'on exclut la raison financière, c'est-à-dire la nécessité des compressions. C'est très difficile à dire. Je vois ce qui arrive aux travailleurs à temps partiel. Dès la première heure, pendant qu'on amène tout le monde dans le système pour payer des primes, la plupart des gens qui travaillent entre une et quinze heures par semaine auront peu de chance de profiter du système ou d'en tirer des prestations. Ceux qui travaillent entre 15 et 34 heures par semaine semblent être les perdant. Il en est de même pour les travailleurs saisonniers.

L'autre jour, j'ai attiré l'attention du comité sur un certain nombre d'études commanditées par le ministère même et portant sur la question de savoir si l'assurance-chômage empêche les gens de travailler ou de chercher du travail. Ces études semblent indiquer que l'assurance-chômage n'est pas le problème. Quel est-il? La mesure proposée ici est préjudiciable aux travailleurs saisonniers. Y a-t-il un problème de mobilité? Les représentants du secteur de la construction qui étaient ici l'autre soir ont répondu par l'affirmative. Parfois, en Ontario, le marché de l'emploi dans le secteur de la construction est très serré, alors qu'il y a un excédent au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et ailleurs. Je doute que l'assurance-chômage soit un obstacle à la mobilité dans ce cas, et je doute qu'il existe vraiment un problème de mobilité.

Lorsque nous voyageons dans ce pays, nous voyons partout des ressortissants de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

Qu'en est-il de la collusion? Il semble que les employeurs et les employés conspirent pour profiter du système en programmant les mises à pied en fonction des exigences de l'assurance-chômage. C'est peut-être le cas. Cependant, est-ce que le gouvernement s'attaque au problème de la bonne façon dans ce projet de loi? Pourquoi ne s'en prend-il pas aux employeurs? Pourquoi ne s'en prend-il qu'aux employés de cette façon?

Le sénateur Murray: Pour ce qui est des mesures d'employabilité, une partie des 800 millions de dollars ira à la Nouvelle-Écosse: 150 millions de dollars peut-être. Cela ne semble pas déraisonnable.

Puisque vous offrez de collaborer pour restructurer le régime d'assurance-chômage, quels sont les problèmes - à part ceux qui ont été cernés par le gouvernement ou les employeurs - qu'il faut régler?

M. Clarke: Le premier problème réside dans le fait que nous n'avons pas permis de comptabiliser les heures de travail de telle sorte que les travailleurs soient assurés dès la première heure.

Le deuxième point est une préoccupation importante. Même si le gouvernement a cessé de contribuer au fonds, il continue à l'utiliser pour promouvoir le développement, et cela est répréhensible.

Le sénateur Murray: En effet.

M. Clarke: Cela a largement contribué à appauvrir le fonds.

Voilà quelques domaines dans lesquels nous pourrions commencer à travailler pour nous fixer une orientation.

Par exemple, nous devrions assurer la formation. J'ai mentionné les Commissions de développement de la main-d'oeuvre, qui regroupent des représentants des entreprises, des syndicats et des groupes de défense des droits. Il s'agit de s'assurer qu'il y aura des gens prêts à occuper les emplois disponibles. Je pense que nous pouvons faire des choses merveilleuses dans ce domaine.

Toutefois, je crains que les 250 millions de dollars dont on parle ne proviennent du fonds. Cela nous ramène à ma crainte que les activités de développement soient financées à partir d'un fonds qui n'avait pas été créé à cette fin.

Le sénateur Murray: Voulez-vous qu'on retourne au concept du fonds d'assurance et qu'on élimine complètement les activités de développement?

M. Clarke: Oui, je voudrais qu'on revienne à l'ancienne formule, qui était universelle et qui visait toute la province. Si l'argent sort d'une autre façon, ne devrions-nous pas en profiter également? Le sénateur Bryden a parlé des personnes qui n'ont jamais touché l'assurance-chômage. Personnellement, cela ne me dérange pas de payer des primes pour quelqu'un qui n'a pas la chance d'avoir un emploi.

La présidente: Monsieur Clarke, je sais qu'il y a beaucoup à dire ce soir, mais nous avons dépassé le temps qui nous était imparti. Nous avons d'autres témoins qui attendent. Nous vous remercions d'avoir comparu devant le comité. Comme vous le savez, nous pourrions continuer à discuter pendant toute la soirée.

Le sénateur Murray: Nous allons le faire, mais avec d'autres témoins.

La présidente: Honorables sénateurs, nous recevons maintenant les représentants de la Chambre de commerce du Grand Moncton. Il s'agit de M. Michel Desjardins, directeur exécutif, et M. Jeff Kelly.

Vous avez la parole.

[Français]

M. Michel Desjardins, directeur exécutif, Chambre de commerce du Grand Moncton: Honorables sénateurs, je suis très heureux de voir que le Nouveau-Brunswick est très bien représenté autour de la table. M. Kelly va faire la présentation initiale de notre mémoire en anglais. Nous serons très heureux de répondre à vos questions, en français ou en anglais, par la suite.

[Traduction]

M. Jeff Kelly, entrepreneur, Chambre de commerce du Grand Moncton: Madame la présidente, honorables sénateurs, c'est un réel honneur d'être ici au nom de la Chambre de commerce du Grand Moncton. Je vous remercie beaucoup de cette occasion. Je sais que ce groupe a consacré beaucoup de temps et d'efforts à ce projet de loi très important concernant l'assurance-emploi.

En guise d'introduction, la ville de Moncton est située le long de la rivière Petitcodiac dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. De l'autre côté de la rivière se trouve la ville de Riverview et la ville de Dieppe est située tout près à l'est. Ces trois localités constituent l'agglomération de Moncton qui compte plus de 110 000 åmes.

Après avoir beaucoup dépendu de l'industrie ferroviaire pendant la plus grande partie du XXe siècle, le Grand Moncton est aujourd'hui un précurseur de la nouvelle économie. Au cours des quelques dernières années, les efforts de développement économique ont porté principalement sur les nouvelles technologies, les services aux entreprises et le commerce de détail. Le taux de chômage dans la région s'élevait à 9 p. 100 en juin 1995.

La Chambre de commerce du Grand Moncton représente près de 700 employeurs de la région qui constitue le principal porte-parole des entrepreneurs du Grand Moncton. La Chambre de commerce du Grand Moncton est heureuse d'avoir l'occasion de présenter ses opinions sur le projet de loi C-12 qui porte sur l'assurance-emploi au Canada. Dans notre mémoire, nous appuyons dans l'ensemble la loi proposée.

Bien que la Chambre de commerce du Grand Moncton n'ait pas participé activement jusqu'ici au débat sur la réforme de la sécurité sociale et sur la réforme de l'assurance-chômage, notre organisation a quand même suivi de près les interventions affiliées comme la Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique et la Chambre de commerce de Bouctouche en vue d'améliorer notre système.

Comme ses organisations soeurs, la CCGM croit qu'un bon régime d'assurance-emploi devrait intégrer plusieurs caractéristiques essentielles, notamment l'équité et l'efficacité. Le nouveau régime d'assurance-emploi devrait tenir compte des différents marchés d'emploi dans tout le Canada. La CCGM admet que la norme d'admissibilité est fondée sur le montant de la rémunération et sur les heures travaillées plutôt que sur le nombre de semaines et un revenu hebdomadaire assurable minimal et maximal est mieux adapté au régime actuel de travail. Le régime fondé sur les heures encourage le travail, motive au travail et simplifie la prestation du programme.

Un autre élément du projet de loi C-12 permet aux prestataires de toucher les prestations maximales d'assurance-emploi s'ils travaillent au moins deux semaines de plus que la norme d'admissibilité régionale minimale. Autrement dit, les prestations seront calculées en divisant la rémunération totale du prestataire au cours des 26 dernières semaines par le nombre de semaines travaillées ou le diviseur minimal, suivant le nombre le plus élevé. Cet élément devrait inciter au travail puisque les prestations hebdomadaires seront plus élevées si le prestataire travail pendant un plus grand nombre d'heures.

Pour le motiver encore plus à travailler, la Chambre de commerce de Bouctouche proposait récemment au comité permanent de la Chambre des communes sur le développement des ressources humaines que le diviseur augmente avec le nombre d'heures, mais à un rythme plus lent, jusqu'à un plafond de 1 500 heures. Comme le précisait le mémoire de la Chambre de commerce de Bouctouche, «cela inciterait les gens à travailler autant qu'ils le peuvent parce que leur rémunération assurable augmenterait à chaque heure travaillée entre les 420 heures réglementaires exigées dans les régions où le chômage est élevé et 1 500 heures.» Nous proposons l'adoption de la règle de l'augmentation du diviseur telle que proposée par la Chambre de commerce de Bouctouche.

Le projet de loi C-12 tient compte de la situation particulière de trois types de prestataires à savoir les utilisateurs fréquents, les personnes touchant un revenu élevé et les familles à faible revenu, et a adapté les prestations en conséquence. La règle de l'intensité, par exemple, qui réduit progressivement les prestations selon le nombre de semaines où une personne a touché de prestations d'assurance-emploi au cours des cinq dernières années, constitue un pas dans la bonne voie. Nous croyons toutefois que la réduction maximale de 5 p. 100 sur les prestations n'aura pas un très grand effet de dissuasion. Nous proposons que cet élément soit allié à des cotisations plus élevées pour les personnes qui touchent souvent des prestations d'assurance-emploi. Cette proposition présente l'avantage de rapprocher le programme du concept d'un régime d'assurance où les primes et les garanties varient selon le risque. Le retour à un vrai régime d'assurance plutôt qu'à un régime apparenté à un régime de revenu minimum a été préconisé par la Chambre de commerce du Canada et la Chambre de commerce des provinces Atlantiques dans leur présentation au Comité permanent de la Chambre des communes sur le développement des ressources humaines.

Le projet de loi C-12 introduit également une nouvelle règle pour les personnes touchant un revenu élevé par laquelle les prestataires qui touchent des revenus élevés et qui ont reçu des prestations au cours des cinq dernières années devront rembourser une partie des prestations par le moyen du système fiscal. La Chambre de commerce du Grand Moncton se réjouit de cette nouvelle règle puisqu'il s'agit d'une question d'équité et de justice.

Nous sommes également heureux de constater que le projet de loi C-12 prévoit des prestations supplémentaires aux personnes à faible revenu, une disposition soulignée par la Chambre de commerce du Canada dans son mémoire présenté au comité permanent de la Chambre des communes sur le développement des ressources humaines. Le mémoire précisait que cela donnera des prestations supplémentaires aux personnes qui en ont le plus besoin pour retourner sur le marché du travail.

Un bon régime d'assurance-emploi doit aussi être abordable. La Chambre de commerce du Canada et la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique ont déjà indiqué qu'elles appuient la création d'un fonds de réserve dans le compte d'assurance-emploi. Toutefois, les deux organisations ont affirmé qu'un montant de cinq milliards de dollars constituait une réserve suffisante. Tout excédent supérieur à ce montant devrait être remis aux cotisants, employeurs et employés, sous forme de réduction de cotisations. La Chambre de commerce du Grand Moncton appuie ce point de vue.

La position de la CCGM et des milieux d'affaires du Canada concernant les cotisations sociales est claire et sans équivoque: elles font obstacle à la création d'emplois. Nous avons donc accueilli favorablement la réduction des cotisations de l'employeur en 1996, qui sont passées de 4,20 $ à 4,13 $ pour chaque tranche de 100 $ de rémunération assurable de leurs employés. De même, nous accueillons favorablement les dispositions du projet de loi qui prévoient la réduction éventuelle du maximum de la rémunération assurable (MRA). Nous croyons que ces points et le plafond fixé pour le montant du fonds d'assurance-emploi permettront de réduire considérablement les cotisations sociales des employeurs et des employés. Ces mesures stimuleront la création d'emplois, augmenteront les revenus des impôts du gouvernement et favoriseront l'indépendance économique des Canadiens.

Le passage d'un régime fondé sur le nombre de semaines de travail à un régime fondé sur le nombre d'heures travaillées aura une incidence sur les petites entreprises. Celles-ci devront désormais payer des cotisations d'assurance-emploi pour toutes les heures rémunérées, même si un employé travaille moins de 15 heures par semaine. La petite entreprise est un moteur économique important dans le Grand Moncton. Nous remarquons que le projet de loi C-12 prévoit un remboursement partiel des cotisations aux entreprises de moins de 25 employés, dont les cotisations augmenteront de plus de 500 $. La CCGM croit qu'il s'agit d'une compensation modeste pour les petites entreprises. Nous proposons que le seuil de 500 $ soit supprimé et que les petites entreprises aient droit à un remboursement de cotisations pour toute augmentation par rapport aux cotisations de 1996.

La flexibilité est la dernière caractéristique qui, à notre avis, est importante dans un bon régime d'assurance-emploi. Le gouvernement s'est engagé à suivre de près l'incidence de la réforme sur les différents marchés de l'emploi au pays. Il sera particulièrement important d'évaluer les répercussions de la réforme sur les économies saisonnières et d'adapter les méthodes en conséquence. La CCGM est heureuse d'apprendre que des économies de 800 millions de dollars seront investies sous forme de prestations d'assurance-emploi d'ici à l'exercice 2001-2002 et que les fonds seront distribués de manière à compenser les effets de la réforme du régime de l'assurance-emploi. Cette disposition, destinée à égaliser l'impact de la réforme au niveau national, devrait tenir compte de la nécessité d'aider les Canadiens des provinces Atlantiques à s'adapter au nouveau régime.

Parmi les cinq avantages énumérés à la partie II du projet de loi, nous sommes particulièrement heureux de constater que des ressources seront disponibles pour des subventions salariales ciblées. Cette disposition devrait encourager les travailleurs saisonniers de la région du Grand Moncton à accepter le travail disponible pendant la période de faible activité.

En conclusion, la Chambre de commerce du Grand Moncton croit que la réforme de l'assurance-chômage est nécessaire si le Canada veut concurrencer dans l'économie mondiale. Nous sommes également d'avis qu'un bon régime d'assurance-emploi devrait être efficace, équitable, abordable et flexible. Dans l'ensemble, le projet de loi C-12 intègre ces points. Toutefois, certains aspects du projet de loi pourraient être améliorés, à savoir la nouvelle règle du dénominateur, la règle de l'intensité et la règle de remboursement des cotisations aux petites entreprises.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie de votre témoignage devant notre comité. Bienvenue aux gens du Nouveau- Brunswick! Ma question est très simple. Au bas de la page 2 de votre mémoire, vous parlez de «enhanced divider», qui est proposé par la Chambre de Commerce de Bouctouche. Je sais que dans cette région, il y a beaucoup d'employés saisonniers.

Est-ce que les dirigeants des employés saisonniers seraient d'accord avec ce que vous appelez le «enhanced divider»? Est-ce que cet énoncé les favoriserait?

M. Desjardins: Vous voulez dire les groupes syndicaux?

Le sénateur Losier-Cool: Il y a des groupes syndicaux ou des groupes qui représentent toutes les coalitions des travailleurs saisonniers. On les a entendus souvent à la télévision. Ils font des pressions vraiment sur la question de la intensity rule, et le divider. Comment réagiraient-ils à cette proposition?

M. Desjardins: Cette recommandation a été préparée par la Chambre de Commerce de Bouctouche, qui est donc un regroupement d'employeurs. Quelle a été la réaction des groupes qui représentent des employés à cette proposition?

À ma connaissance, ils n'ont peut-être pas eu la chance de réagir à cette proposition. Mais cette idée a comme objectif principal de créer des incitatifs supplémentaires au travail.

Après un certain nombre de semaines, on sera qualifié pour entrer dans le système. Plus les gens vont travailler, plus leurs prestations seront élevées. Donc, c'est un incitatif additionnel encourage le travail.

[Traduction]

Le sénateur Murray: Vous nous avez dit que le taux de chômage à Moncton est de 9 p. 100. C'est inférieur à la moyenne provinciale, n'est-ce pas?

M. Kelly: C'est exact.

Le sénateur Murray: Connaissez-vous le taux de chômage dans la région de la Miramichi, par exemple?

M. Kelly: Il est beaucoup plus élevé.

Le sénateur Murray: En effet. Et dans la péninsule acadienne?

M. Kelly: Nous sommes très sensibles à...

Le sénateur Murray: Je ne pense pas que vous soyez très sensibles. Vous dites, à la page 3 de votre mémoire, que la règle de l'intensité, qui a été contestée par tous ceux qui connaissent bien l'emploi saisonnier, surtout dans les provinces de l'Atlantique, n'est pas assez forte. Vous dites que: «La réduction maximale de 5 p. 100 sur les prestations n'aura pas un très grand effet de dissuasion».

Comme vous le dites à juste titre, la règle de l'intensité réduit progressivement les prestations reçues suivant le nombre de semaines où une personne a touché des prestations d'assurance au cours des cinq années précédentes. En vertu de ce projet de loi, une personne pourrait être sanctionnée si elle a chômé pendant longtemps il y a quatre ou cinq ans.

M. Kelly: S'ils ont touché l'assurance-chômage pendant plus de 20 semaines, la pénalité est de 1 p. 100. Cependant, nous croyons que la règle de l'intensité est plus acceptable parce qu'elle ne s'applique pas aux personnes qui ont un revenu de 26 000 $.

Le sénateur Murray: Je suis désolé de vous contredire, mais aucun témoin n'a encore exprimé cette position. L'autre jour, le premier ministre Savage de la Nouvelle-Écosse a comparu devant un autre comité et a parlé en termes très positifs des trois amendements importants qui ont été apportés à ce projet de loi à la Chambre des communes. Je pense que c'en était un. Cependant, je n'ai pas entendu une personne devant ce comité - et mes collègues peuvent me corriger si je me trompe - dire que les mesures spéciales visant les personnes qui gagnent moins de 26 000 $ par an représentent vraiment une amélioration importante en ce qui concerne la règle de l'intensité.

Je trouve tout à fait curieux que vous veniez ici nous dire que la règle de l'intensité n'est pas assez forte.

M. Kelly: Dans la mesure où la règle de l'intensité n'entrera en vigueur que dans deux ans, nous croyons qu'elle va inciter les gens à se repositionner.

Le sénateur Murray: Les travailleurs saisonniers, qu'ils oeuvrent dans le secteur forestier ou dans la transformation du poisson, travaillent pendant une période déterminée. Nous le savons. Où trouveront-ils d'autres emplois? Le fait est que, dans la plupart des régions, ils n'ont pas tellement de choix.

M. Kelly: La collectivité du Grand Moncton compte beaucoup sur ces travailleurs et sur les prestations d'assurance-chômage qu'ils investissent dans l'économie. Nous reconnaissons que l'économie est largement tributaire des emplois saisonniers.

Cependant, il y a aussi des régions où l'on compte les heures de travail, et non pas les semaines. Ces mêmes personnes peuvent peut-être trouver d'autres emplois dans d'autres régions, et on peut les inciter à aller dans ces régions pour trouver d'autres types de travail. À notre avis, cela permet de compenser les lacunes du travail saisonnier.

Le sénateur Murray: À la page 5 de votre mémoire, vous dites:

Il sera particulièrement important d'évaluer les répercussions de la réforme sur les économies saisonnières et d'adapter les méthodes en conséquence.

Je pense que le gouvernement et les parlementaires qui sont chargés de voter sur ce projet de loi devraient étudier les conséquences très probables de la réforme, non seulement pour les économies saisonnières, mais aussi pour les personnes qui font tourner ces économies saisonnières - à savoir les employés saisonniers.

Le sénateur Bryden: On a parlé de l'ancienne période de 15 heures et on a dit que l'assurabilité dès la première heure aura une incidence sur les petites entreprises. Savez-vous que l'exemption de 15 heures qui existe dans le système actuel est appelée «plafond de verre»?

M. Kelly: Non, sénateur.

Le sénateur Bryden: Ceux qui l'appellent le plafond de verre veulent dire que des employeurs embauchent des employés à temps partiel qui font 14 heures par semaine, et ensuite ils embauchent un autre employé à temps partiel pour la même période. Ils le font, du moins dans certains cas, pour éviter que ces employés ne travaillent 15 heures par semaine, car à partir de ce seuil l'employeur doit faire des retenues sur la paye. L'un des prétendus avantages de ce projet de loi réside dans le fait qu'il brise ce plafond de verre; il empêcherait les employeurs de recourir à ce stratagème.

Mon observation suivante se rapporte à la question que le sénateur Murray a posée au témoin précédent. Je sais, comme pratiquement tout le monde dans cette salle, que bon nombre de travailleurs à temps partiel travaillent pour plusieurs employeurs. J'ai un bon ami qui a élevé sa famille en travaillant à trois ou quatre endroits chaque semaine. En principe, il pourrait travailler 44 heures par semaine pour cinq employeurs différents sans être admissible dans l'ancien régime, alors que dans le nouveau système il sera admissible parce qu'il a ses 44 heures. Cela est-il juste?

M. Kelly: Sénateur, nous ne sommes pas opposés au changement. Tout ce que nous disons, c'est qu'il aura une incidence sur les petites entreprises.

Le sénateur Bryden: Le sénateur Murray a parlé du seuil de 26 000 $. Je crois savoir que cela a un effet considérable sur beaucoup de localités du Nouveau-Brunswick où le travail est faiblement rémunéré ou saisonnier et où le revenu familial, dans bien des cas, est inférieur à 26 000 $. Je n'ai pas les chiffres ici, mais je les ai vus. J'espère pouvoir les fournir au comité.

Ai-je raison de penser qu'outre les 800 millions de dollars qui seront réinvestis d'ici à l'an 2001, 300 millions de dollars de plus seront prévus pour les provinces Atlantiques?

M. Kelly: Il y a effectivement un fonds de transition de 300 millions de dollars. Je ne sais pas toutefois s'il est réservé au Canada Atlantique.

Le sénateur Phillips: On ne précise pas où iront ces fonds.

Le sénateur Bryden: Le sénateur Murray a évoqué la possibilité de collusion entre employeurs et employés. Je ne sais pas ce qu'il en est du régime existant, mais je connais le régime tel qu'il existait il y a de cela plusieurs années. Il y avait à ce moment-là de la collusion. Les employés recevaient leur chèque de paye le vendredi, l'endossaient en faveur de l'employeur, puis touchaient leur assurance-chômage. Quand ils avaient obtenu le nombre de semaines de travail voulu, ils changeaient de place avec quelqu'un d'autre, et le même scénario se reproduisait. Ce n'est plus le cas maintenant, mais c'était certainement le cas à l'époque.

Le sénateur Murray: Je n'avais pas à l'idée quelque chose d'aussi grave que cela.

Le sénateur Bryden: J'ai déjà participé à des rencontres avec des autorités gouvernementales. Je ne sais pas si l'on peut qualifier cela de «collusion», mais les intéressés profitaient certainement du régime. Certains de ceux qui sont ici aujourd'hui pourraient nous en donner de bons exemples. S'agissant, par exemple, d'une industrie saisonnière qui était durement frappée et où il n'y avait que 10 semaines de travail alors qu'il en fallait 12, on savait que les familles ne pourraient pas toucher d'assurance-chômage l'hiver suivant; elles auraient alors été obligées de dépendre de l'assistance sociale, qui relève de la compétence provinciale. C'est un fait connu que certains gouvernement embauchaient les employés touchés pendant deux semaines, les employant au service d'entretien des sous-bois ou des parcs, afin qu'ils puissent avoir droit à l'assurance-chômage.

Je ne sais pas, sénateur Murray, si c'était là de la collusion ou simplement une façon habile de profiter du régime. Je crois toutefois que bien des gens ont appris à bien se servir du régime. Je ne parle pas seulement des gouvernements, mais aussi des particuliers et des familles, parmi lesquels je compte de bons amis, qui se servent du régime depuis plus d'une génération. Il faut absolument revoir le régime pour qu'il soit utilisé à meilleur escient.

Je suis d'accord avec le sénateur Murray. Je crois que vous êtes un peu draconiens dans la façon dont vous abordez la règle de l'intensité. La plupart des gens préfèrent travailler; si on leur en donnait la possibilité, c'est ce qu'ils feraient.

Le sénateur Cohen: La semaine dernière, nous avons entendu la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représente 87 000 petites et moyennes entreprises. Bien qu'elle appuie beaucoup des propositions de l'actuelle réforme de l'assurance-chômage, la fédération a indiqué que, si l'actuelle proposition visant à passer à une formule horaire ou à la couverture dès le premier dollar n'était pas modifiée afin d'éviter d'accroître le fardeau de l'assurance-chômage pour les petites entreprises, elle s'opposerait au projet de loi.

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela? Je crois que la position de la fédération ne coïncide pas avec la vôtre.

M. Kelly: Non, elle ne coïncide pas avec la nôtre.

Le sénateur Cohen: Nous avons entendu des petits restaurateurs et des petits marchands qui se trouvent dans une situation très concurrentielle. Les stations-service leur prennent beaucoup de leur marge bénéficiaire. Par contre, ils ont des frais fixes. S'ils doivent payer ces nouvelles cotisations, ils ne pourront pas les récupérer de leurs clients, car ils devraient alors cesser leur activité.

Je voulais savoir quelle est votre position à ce sujet. Étant donné que vous représentez la Chambre de commerce, j'avais pensé que vous auriez été sensibles aux préoccupations des petites entreprises à ce sujet.

M. Kelly: Nous nous rendons compte qu'il en résultera un coût additionnel pour les petites entreprises. Nous voudrions que le projet de loi en tienne compte. Cependant, la Chambre de commerce du Grand Moncton ne s'oppose pas à cette proposition de réforme du régime d'assurance-chômage.

M. Desjardins: Notre recommandation vise à accroître la compensation prévue dans le cadre de cette réforme pour les petites entreprises. Nous parlons ici du seuil de 500 $.

Nous disons que ce seuil devrait être éliminé afin que les petites entreprises aient droit au remboursement de tout excédent de leurs cotisations par rapport aux cotisations de 1996.

Le sénateur Cohen: J'attire l'attention du comité sur un article où l'on cite la prévision de la Banque Royale du Canada selon laquelle les provinces Atlantiques seraient durement touchées par les compressions budgétaires, notamment par les réductions relatives à l'assurance-chômage. Je tenais à le signaler parce que nous essayons d'améliorer le projet de loi. Nous devons entendre les deux points de vue, et nous devons aussi tenir compte de ces autres questions.

Le sénateur Murray: Sénateur Bryden, j'ai ici le chiffre que vous cherchiez pour le Nouveau-Brunswick: il y aurait 18 000 personnes qui recevraient le supplément du revenu familial, soit 18 p. 100 de tous les prestataires. Sur ces 18 000 personnes, 14 000 auraient été touchées par la règle de l'intensité. Leurs prestations sont rétablies par le supplément du revenu familial, mais il ne faut pas supposer que ce supplément est nécessairement une amélioration par rapport à la disposition actuelle concernant les prestataires à faible revenu qui ont des personnes à charge. Les témoignages que nous avons reçus à ce sujet sont très partagés.

Le sénateur Bryden: Je comprends cela. Je me remettrai au travail.

Le sénateur Phillips: Ma question fait suite à celle du sénateur Murray concernant la règle de l'intensité.

Combien de membres de votre Chambre de commerce emploient des travailleurs saisonniers quand ils ont terminé leur saison de travail, que ce soit dans les forêts ou dans les usines de transformation du poisson? Pendant combien de temps les employez-vous, et à quel salaire?

M. Kelly: Sénateur, je ne peux pas vous donner de réponse à cette question. Comme l'a indiqué le sénateur Murray, le taux de chômage à Moncton est beaucoup moins élevé que dans les régions périphériques. Nous avons donc beaucoup moins de travailleurs saisonniers dans la région de Moncton que dans le reste de la province. Nous avons en tout cas pris note de ce que nous ont dit les sénateurs Murray et Bryden, et nous chargerons un sous-comité de la Chambre de commerce de se pencher là-dessus. Nous sommes heureux d'avoir pu venir ici vous rencontrer.

Le sénateur Phillips: Votre témoignage aurait été bien plus crédible si vous aviez dit que vous étiez prêts à embaucher un certain nombre de travailleurs mis à pied.

M. Kelly: Je crois que c'est là que nous voulons en venir quand nous parlons des subventions salariales ciblées à la dernière page de notre mémoire. Nous estimons que, parmi les nouvelles dispositions proposées, c'est celle-là qui avantagera le plus la région du Grand Moncton. Dans notre région, nous pourrions embaucher des travailleurs saisonniers gråce à ces subventions salariales ciblées. Nous croyons que nous pourrions incorporer des travailleurs saisonniers dans notre économie, car ces travailleurs sont très importants pour notre économie.

La présidente: Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus témoigner devant nous.

Les témoins suivants sont de la Conférence canadienne des arts. Nous accueillons ce soir Keith Kelly, directeur national, et Phillipa Borgal, analyste des politiques. Nous attendons avec impatience d'entendre votre témoignage. Plusieurs sénateurs ont indiqué qu'ils s'intéressent à ce que le secteur artistique a à dire au sujet du projet de loi sur l'assurance-chômage.

M. Keith Kelly, directeur national, Conférence canadienne des arts: C'est très aimable à vous d'avoir bien voulu prendre le temps de nous entendre sur cette question très importante.

La réforme de la loi sur l'assurance-chômage a essentiellement pour but, à notre avis, d'adapter le régime à l'évolution du monde du travail canadien. Ce but n'est pas entièrement réalisé selon nous.

Le secteur culturel canadien, selon Statistique Canada, emploie 670 000 personnes dans toutes les disciplines: danse, musique, théåtre, cinéma, enregistrement sonore, édition, écriture. Plus de la moitié de ces personnes sont des travailleurs indépendants. Beaucoup d'entre elles occupent en moyenne 1,6 emploi à la fois pour tåcher de gagner leur vie.

On génère ainsi des revenus, mais on crée aussi des problèmes en raison des combinaisons d'emplois auxquelles les artistes et les travailleurs du secteur culturel doivent avoir recours. Certains d'entre eux participent à une relation employeur-employé; d'autres sont des travailleurs indépendants. En tant qu'employés, ils doivent cotiser au régime d'assurance-chômage. Quand leur travail comme employés prend fin, ils ne peuvent pas présenter une demande de prestations, prestations pour lesquelles ils ont versé des cotisations en tant qu'employés, parce qu'ils sont des travailleurs indépendants.

Le problème n'est pas hypothétique. Des artistes de toutes les régions du pays tombent dans ce piège. Dans un cas, c'est un dramaturge de Vancouver qui a reçu un nouvel avis de cotisation après avoir déclaré des revenus d'un travail indépendant. On lui demandait de rembourser, je crois, 30 000 $ de prestations qu'il avait reçues au titre du programme parce qu'il avait reconnu être à la fois travailleur indépendant et employé. Pour nous, cela pose un problème bien réel.

Malgré cette forte participation au marché du travail - c'est-à-dire 1,6 emploi par personne -, les travailleurs du secteur culturel n'ont certainement pas droit à des revenus annuels imposants. Le revenu annuel des travailleurs du secteur culturel est de 27 000 $ en moyenne. Les artistes visuels gagnent environ 7 800 $ par an. Il y a des artistes et des créateurs qui, en moyenne, gagnent environ 11 500 $ par an. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas le genre de profession où le fait d'être pénalisé en payant pour des prestations qu'on ne peut pas toucher contribue à la stabilité financière du ménage.

Notre secteur a aussi ceci de particulier, et peut-être unique, que les artistes qui travaillent pour des troupes de théåtre, des troupes de danse ou des orchestres symphoniques sont employés pour une saison donnée et que la longueur de la saison varie. Elle peut aller de 24 à 32 semaines. Une fois que la saison est terminée, les artistes n'ont aucune source de revenu stable. La règle de l'intensité, telle qu'elle est proposée, aurait des conséquences très graves pour ceux qui, de par la nature de leur profession, travaillent de façon saisonnière. Ce n'est pas par choix, mais parce que la profession est ainsi faite. Nous avons formulé des recommandations sur la façon dont la règle de l'intensité pourrait toucher le secteur artistique.

Si l'on avait vraiment à coeur de concevoir un régime qui commencerait à répondre à l'évolution de la main-d'oeuvre canadienne et si nous voulions vraiment en faire un régime d'assurance-emploi, il me semble que l'on devrait permettre à ceux qui sont prêts à payer les cotisations de participer au régime. Si donc un travailleur indépendant, même s'il travaille dans un secteur autre que le secteur culturel - nous ne demandons pas un traitement de faveur -, voulait payer sa part de cotisations comme employé et celle de l'employeur et pouvait satisfaire aux autres conditions du régime, nous ne voyons pas pourquoi cette personne ne pourrait pas participer au régime.

Le nombre de travailleurs indépendants est en croissance rapide. Nous savons qu'il est déjà élevé dans le secteur culturel. Nous savons aussi que, dans les autres secteurs, c'est une forme de travail qui est de plus en plus répandue, surtout dans le contexte actuel où les entreprises et les gouvernements réduisent leurs effectifs et créent ainsi tout un nouveau bassin d'experts-conseils. Nous savons que le nombre de ces travailleurs augmente et nous devrions vraiment essayer de trouver une solution pour eux dans ce projet de loi.

Nous espérons que le régime d'assurance-emploi ne sera pas remis sous la loupe tous les deux ans, et je suis sûr que vous partagez cet espoir étant donné la tåche peu enviable que constituent ces audiences pour vous. Il est donc d'autant plus important de veiller à ce que nous établissions un régime qui réponde vraiment aux besoins changeants de la main-d'oeuvre canadienne et qui soit aussi inclusif que possible.

Nous n'hésitons aucunement à reconnaître que certains des éléments de la réforme proposée par le gouvernement faciliteront la transition au travail indépendant. Il faut toutefois se préoccuper de la survie des travailleurs indépendants au-delà de la seule période de transition et prévoir une protection pour eux.

Je dois reconnaître que le ministère des Ressources humaines collabore avec le Conseil des ressources humaines du secteur culturel afin d'assurer des services à certains artistes et travailleurs du secteur culturel qui sont des travailleurs indépendants. Nos organisations commencent vraiment à tenir compte de ces réalités. Qu'on pense par exemple au centre de ressources et de transition pour les danseurs qui a pour but d'aider les danseurs à la fin de leur carrière à se trouver une autre carrière.

Je puis vous dire que, depuis qu'il a été mis sur pied il y a dix ans, le centre a eu beaucoup de mal à former des partenariats stables et durables avec quelque ministère gouvernemental que ce soit parce que, encore là, il s'occupe surtout de travailleurs indépendants. Si donc on entend dire dans les discours qu'il existe des services à l'intention des travailleurs indépendants, c'est une réalité qui n'est pas encore pleinement intégrée à la culture gouvernementale.

L'une de nos organisations québécoises a dit ceci dans une lettre qu'elle a adressée au ministre Young:

[Français]

L'application de cette réforme provoquera dans le milieu un accroissement de la pauvreté, une aggravation des conditions socio-économiques des artistes et des travailleurs culturels, une fragilisation des organismes culturels et à terme, une perte de compétence artistique au détriment de la société.

[Traduction]

M. Kelly: Je ne crois pas que personne ne veuille que cela se produise. Aussi nous demandons à votre comité de proposer des amendements au projet de loi afin que le nouveau régime d'assurance-emploi soit aussi visionnaire, flexible et inclusif que possible, car j'ai bien peur que nous devrons nous en accommoder pendant longtemps.

La présidente: Merci beaucoup. Je vois que vous avez annexé des recommandations à votre mémoire. J'ai trouvé intéressant de lire ce que vous dites à la page 4, à savoir que les gens ne se rendent pas compte du fait qu'il y a six fois plus d'emplois dans nos industries culturelles que dans le domaine de la pêche.

M. Kelly: D'après les dernières données de Statistique Canada, qui, je crois, ont été recueillies en 1993, il y a 670 000 personnes qui gagnent leur vie dans les industries artistiques et culturelles. Selon de nouvelles données que Statistique Canada est sur le point de publier, le chiffre serait maintenant de plus d'un million. Il s'agit donc d'une proportion très importante de la main-d'oeuvre canadienne.

La présidente: Pourriez-vous me donner un exemple, nous décrire la situation d'une personne qui est à la fois employé et employeur, nous parler par exemple du temps consacré au travail, etc.?

M. Kelly: Le cas du romancier ou de l'auteur d'ouvrages documentaires qui a un contrat avec un éditeur est intéressant à cet égard. Il a un contrat comme travailleur indépendant, mais il enseigne aussi la littérature à une université. Il essaie donc de faire les deux en même temps.

À la fin de l'année universitaire en avril, cet écrivain se tourne vers l'écriture à plein temps. S'il n'a pas de projet d'écriture, s'il n'a pas de contrat, il ne peut pas profiter des crédits qu'il a accumulés dans le régime d'assurance-chômage en versant des cotisations le temps qu'il était rémunéré parce qu'il reconnaît en toute honnêteté être à la fois travailleur indépendant et employé. Ainsi, il est malheureusement difficile de tenir compte dans les limites très strictes du régime actuel de l'ingéniosité et de la débrouillardise de nos artistes canadiens.

Le sénateur Rompkey: Mon fils est acteur. Je ne sais pas où il se situe dans cette fourchette qui va de 11 000 $ à 27 000 $. Il ne gagne certainement pas 27 000 $ par an. Je tiens donc à signaler ce conflit d'intérêts. Je veux revenir à votre dernier point au sujet de l'ampleur croissante de l'industrie au Canada.

C'est un phénomène que nous constatons dans la région de l'Atlantique, entre autres, et peut-être encore plus dans cette région qu'ailleurs. Le sénateur Petten se souviendra que, l'an dernier, par exemple, il a aidé à parrainer et à promouvoir un groupe qui s'appelait Folk of the Sea (Gens de mer). Ces gens étaient tous des pêcheurs ou des travailleurs d'usines de poisson sans emploi, tout comme les Hommes de la mine (Men of the Deep) du Cap-Breton. Dans ce cas-là, il s'agit d'un groupe, mais je connais des personnes qui sont devenues chanteurs, acteurs ou autre chose. Le fait est qu'il existe des possibilités, des débouchés, et que le secteur culturel offre de véritables débouchés aux personnes qui se retrouvent sans emploi.

La question est de savoir ce qu'il convient de faire pour ces personnes. Je m'intéresse tout particulièrement à votre cinquième recommandation. Depuis des années, beaucoup d'entre nous connaissent les dispositions particulières pour les pêcheurs. Ces dispositions sont incorporées au régime d'assurance-chômage.

Avez-vous examiné la possibilité d'adopter un modèle semblable? Serait-il possible, par exemple, que le groupe, l'établissement ou l'organisme auquel l'acteur vend ses services puisse être considéré comme son employeur aux termes de la loi? Avez-vous examiné cette possibilité?

M. Kelly: Oui. C'est même une possibilité que nous examinons depuis près de 15 ans à la suite de la signature par le Canada de la recommandation de Belgrade relative à la condition de l'artiste. Il s'agit d'un document de l'UNESCO. Le groupe de travail sur la condition de l'artiste a recommandé dans son rapport que le régime soit modifié afin de donner aux artistes la même reconnaissance qu'aux agriculteurs et aux pêcheurs. C'est certainement là une des mesures que nous proposerions. Si toutefois il était impossible de leur accorder cette reconnaissance, je suppose qu'il faudrait trouver un moyen de transformer les artistes en pêcheurs pendant la morte saison, mais le régime se trouverait alors étiré jusqu'à ses limites.

Le sénateur Rompkey: Ce sont des artistes en ce sens qu'ils touchent des prestations d'assurance-chômage.

M. Kelly: C'est vrai. Je me demande si nous pourrions en convaincre les fonctionnaires de l'assurance-chômage. Nous avons demandé qu'on trouve une solution d'ensemble à ce problème. Ainsi, nous recommandons systématiquement depuis plusieurs années l'adoption de la formule de la «double occupation», de façon que les travailleurs indépendants puissent conserver leur titre de travailleur indépendant aux fins de l'impôt, mais qu'ils puissent aussi cotiser, s'ils le souhaitent, à certains des programmes du filet de sécurité sociale. Nous savons qu'ils peuvent déjà le faire dans le cas du RPC, et nous espérons que la possibilité puisse aussi être étendue à l'assurance-chômage.

Le sénateur Rompkey: Dans quelle mesure faites-vous appel aux sociétés de gestion collective? Fait-on place aux idées novatrices pour ce qui est d'aider les artistes à avoir accès au régime d'assurance-chômage? Je sais que, dans le cas par exemple du droit d'auteur, on a recours à des sociétés de gestion collective, qui donnent de bons résultats, que je sache. Y aurait-il moyen d'adopter un modèle comme celui-là pour l'assurance-chômage?

M. Kelly: Je tiens tout d'abord à dire que j'ai à l'esprit deux exemples de sociétés de gestion collective très réussies qui procurent certains avantages sociaux aux artistes. Je songe en particulier à la Société Fraternelle ACTRA. C'est une société à laquelle peuvent participer tous les membres de l'ACTRA et qui, depuis six ou sept ans, permet aussi la participation d'autres groupes, comme la Guilde des réalisateurs et toute autre organisation qui souhaite y contribuer.

La formule est la suivante: dès qu'il signe un contrat, le producteur doit obligatoirement contribuer au fonds. Le fonds est géré collectivement, et je crois qu'il se chiffre sans doute aux alentours de 140 millions de dollars. On puise à même ce fonds pour verser des prestations de retraite et rembourser les frais médicaux au-delà d'un certain minimum. On s'en sert également pour subventionner des activités de perfectionnement professionnel à l'intention des participants.

Les résultats sont donc excellents, cela ne fait aucun doute. Il y a toutefois des limites à la capacité d'un fonds comme celui-là à se maintenir et à répondre à l'accroissement phénoménal, non seulement de la main-d'oeuvre, mais aussi des besoins qui se dessinent à l'horizon. Nous avons aussi des sociétés de gestion collective, comme vous l'avez bien dit, dans le domaine du droit d'auteur. Nous avons par exemple la Société CANCOPY qui réunit écrivains, éditeurs et bibliothécaires et qui redistribue les droits de reprographie aux écrivains et aux éditeurs individuels. Les fonds qui sont versés aux artistes par ces sociétés de perception des droits d'auteur sont d'ailleurs inclus dans le revenu annuel très peu imposant de la plupart des artistes.

Je ne suis pas sûr, par conséquent, que la formule des sociétés de gestion collective serait aussi efficace pour ce qui est de régler les problèmes du chômage périodique et, disons-le franchement, très persistant dans le secteur culturel que l'application d'un régime national comme celui de l'assurance-emploi.

Le sénateur Rompkey: Sur les cinq recommandations que vous faites, laquelle considérez-vous comme la plus importante? Vaudrait-il mieux, par exemple, concentrer nos efforts sur le modèle utilisé pour les pêcheurs, ou y a-t-il une autre recommandation qui est plus importante selon vous?

M. Kelly: Si nous devions opter pour le modèle qu'on applique aux pêcheurs, je ne suis pas sûr que nous aurions des fondements vraiment solides. Chose certaine, les exceptions que le régime prévoit déjà font actuellement l'objet d'un examen très rigoureux, et le gouvernement essaie de simplifier le régime. Je préférerais de beaucoup que vous concentriez surtout vos efforts sur la deuxième recommandation, celle relative à la «double occupation». Cela permettrait, selon nous, de régler d'un seul coup bon nombre de problèmes pour ce qui est non seulement d'assurer l'accès à des programmes comme l'assurance-emploi, mais aussi de préciser les choses une fois pour toute avec Revenu Canada afin de régler les difficultés qu'on a à évaluer les déclarations d'impôt des artistes. Ainsi, quand les vérificateurs de Revenu Canada ont en main la déclaration d'un artiste qui déclare avoir touché des prestations d'assurance-emploi et qui dit être travailleur indépendant, la plupart s'imaginent que les deux situations sont incompatibles.

Si nous arrivions donc à faire reconnaître le principe de la «double occupation», non seulement pour les artistes, mais aussi pour tous les travailleurs indépendants, je crois que nous aurions étendu le régime au point qu'il pourrait répondre de façon plus complète aux besoins changeants de la main-d'oeuvre. Les revenus du régime pourraient aussi s'accroître du fait que ceux qui n'y participent pas à l'heure actuelle verseraient leurs cotisations en tant qu'employé et celles de l'employeur.

Le sénateur Murray: Vous vous en prenez à la règle de l'intensité, vous dites que beaucoup de ceux qui travaillent dans le secteur culturel, tant les employés que les travailleurs indépendants, sont des travailleurs saisonniers; il en est ainsi des acteurs, des musiciens et des danseurs qui sont à l'emploi de troupes ou d'orchestres dont la saison va d'octobre à mai ou qui ne dure que pendant l'été. C'est gens-là sont visés par le régime. Quand ils travaillent, ils payent sans doute des cotisations d'assurance-chômage. Si vous vous opposez à la règle de l'intensité, c'est que ceux dont vous parlez sont visés par le régime quand ils travaillent.

M. Kelly: Certains d'entre eux participent effectivement au régime; cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Murray: Aux termes de la nouvelle loi, les acteurs, musiciens et danseurs à l'emploi d'une troupe ou d'un orchestre seront visés par le régime dès leur première heure de travail, n'est-ce pas?

M. Kelly: Cela vaut pour les employés, mais pas pour les travailleurs indépendants.

Le sénateur Murray: Mais ceux dont vous parlez doivent sûrement... J'essaye de comprendre la situation.

M. Kelly: Ce n'est pas facile.

Le sénateur Murray: Ces gens-là, les acteurs, les musiciens et les danseurs qui sont employés d'octobre à mai, ou qui dans certains cas sont employés uniquement pendant l'été - nous sommes tous au courant de l'existence des festivals d'été et tout le reste -, c'est gens-là travaillent pour quelqu'un qui leur verse un salaire. Alors, si ce n'est pas maintenant, ce sera dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale, c'est gens-là devront, j'imagine, payer des cotisations dès leur première heure de travail et leurs employeurs, que ce soit l'Université Acadia ou qui que ce soit...

M. Kelly: Cela dépend en grande partie de la nature du contrat qu'ils ont. Il est possible qu'ils aient un contrat qui leur permette de conserver leur titre de travailleur indépendant pendant la période visée, et s'ils...

Le président: Vous qualifieriez cela de formation sous contrat, ou de travail sous contrat?

M. Kelly: De travail sous contrat, oui, c'est cela. Il y a certaines personnes qui, vous avez tout à fait raison, ne sont que des employés. Quand la saison prend fin, ils se cherchent du travail comme travailleurs indépendants, et c'est à ce moment-là qu'ils perdent leurs prestations.

Le sénateur Murray: C'est à ce moment-là qu'ils cessent de verser des cotisations. Aux termes de ce projet de loi, je ne crois pas qu'ils perdraient les prestations pour lesquelles ils auraient versé des cotisations pendant le nombre de semaines voulues.

M. Kelly: S'ils s'identifiaient comme tels, sénateur - s'il s'agissait par exemple d'une personne qui aurait travaillé pour une troupe de théåtre pendant 26 semaines et qui, une fois la saison terminée, obtenait un rôle dans un film pendant deux semaines, et ce comme travailleur indépendant, il suffirait qu'au moment de remplir sa demande d'assurance-chômage elle déclare le revenu tiré de ce contrat de deux semaines pour qu'elle devienne inadmissible au régime. Le régime ne reconnaît pas qu'on puisse être à la fois employé et travailleur indépendant.

Le sénateur Murray: Quels avantages fiscaux y a-t-il à être travailleur indépendant?

M. Kelly: Il y a des avantages très minimes au fait d'être travailleur indépendant. On peut déduire certains des frais engagés pour gagner sa vie; par exemple, les costumes, le maquillage théåtral et, dans le cas notamment des musiciens, les frais d'entretien et d'assurance pour leurs instruments qui coûtent très cher. Ce sont là autant de dépenses qui sont reconnues par le fisc.

Le sénateur Cohen: Je dois vous dire, monsieur Kelly, que je n'avais jamais pensé aux acteurs et aux musiciens du secteur culturel comme étant des travailleurs saisonniers. Quand nous parlons de travailleurs saisonniers, nous pensons toujours aux travailleurs de l'exploitation forestière et des pêches. Dans votre cinquième recommandation, vous nous demandez d'examiner la possibilité d'apporter au projet de loi C-12 un amendement qui reconnaîtrait la situation spéciale des artistes. Que recommanderiez-vous comme formulation?

M. Kelly: Avons-nous un libellé?

Mme Borgal: Non.

M. Kelly: Il s'agit essentiellement de tenir compte de la nature exceptionnelle de l'emploi dans le secteur culturel, de faire en sorte que les artistes professionnels aient droit au même traitement que les pêcheurs actuellement. Ce n'est pas un libellé qui conviendrait dans la loi, mais c'est ce que nous recherchons. Je pense, tout de même, que la deuxième recommandation permet d'obtenir le même résultat, non seulement pour le secteur culturel... le problème dépasse le secteur culturel et commande une solution plus globale dans le projet de loi.

La présidente: Un travailleur autonome pouvant, dans une large mesure, déterminer les conditions de son emploi, ne croyez-vous pas que le gouvernement a raison de s'inquiéter à ce sujet et n'admettez-vous pas qu'il puisse y avoir des abus - je n'aime pas beaucoup ce terme -, et que cette possibilité, entre autres, ait pu entraîner votre exclusion?

M. Kelly: C'est un argument que nous avons entendu à plusieurs reprises par le passé. Un scripteur, par exemple, qui ne parvient pas à écrire le moindre texte pendant quatre semaines est-il employé ou non? Nous disons qu'il est employé, mais qu'il n'est probablement pas dans son domaine.

La présidente: Il va à sa maison d'été pour réfléchir.

M. Kelly: Oui. Il y a quand même des critères à appliquer pour éviter les abus. Il y a des contrats, sous une forme ou une autre; il y a des lettres établissant les rapports entre les personnes. Il y a des solutions à tous les problèmes. Les solutions seront faciles à trouver une fois que nous aurons réglé le problème fondamental qui consiste à rendre le projet de loi plus ouvert.

La présidente: Je suppose qu'on pourrait également tenir compte du revenu sur un certain nombre d'années; ce pourrait être une façon de déterminer le statut de l'emploi.

M. Kelly: C'est juste.

Le sénateur Losier-Cool: Cela fait plaisir de voir ici un secteur important du monde du travail canadien. Merci de nous avoir présenté votre mémoire.

Je reviens sur la question des travailleurs autonomes. Selon vous, la deuxième recommandation est très importante. Les travailleurs autonomes pourraient ainsi être protégés par l'assurance-chômage. À votre connaissance, le sont-ils ailleurs dans le monde?

M. Kelly: Certains pays, comme l'Irlande et les Pays-Bas, accordent toute une gamme d'avantages sociaux aux artistes, le libre accès aux programmes sociaux, un revenu annuel garanti, et cetera.

Nous avons examiné certains de ces modèles. À un certain moment, nous avons proposé que le gouvernement envisage sérieusement de créer un programme de revenu annuel garanti qui englobe l'assurance-chômage, le Régime de pensions du Canada, l'assurance-invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, le programme d'aide sociale, de façon à rationaliser le système et à en faciliter l'accès. La loi nécessiterait probablement moins d'audiences.

Cependant, compte tenu du fait que le gouvernement a choisi son orientation, l'approche que nous recommandons à ce moment-ci est quelque peu différente. Il reste qu'il y a des exemples dans le monde où les gouvernements ont su mieux adapter leurs programmes aux besoins continus des artistes et des travailleurs du secteur culturel.

Le sénateur Losier-Cool: De l'artiste.

M. Kelly: Oui, de l'artiste.

Le sénateur Losier-Cool: Le système pourrait également s'étendre aux entrepreneurs autonomes dans le domaine de la construction.

M. Kelly: Il y a un grand nombre de travailleurs, les athlètes professionnels, les agents d'immeubles, qui ont les mêmes problèmes relativement à l'emploi autonome et qui pourraient bénéficier du double statut. Nous avons toujours tendance à souligner les aspects négatifs de la chose. Le système pourrait profiter de cotisations et de revenus qui lui échappent actuellement.

Je ne dis pas que la demande serait égale au montant des cotisations ainsi perçues, mais il y aurait toute une nouvelle catégorie de travailleurs qui commenceraient à contribuer au régime d'assurance-chômage.

Le sénateur Losier-Cool: Ce qui nous amène à la première recommandation, où vous dites que nous devons définir clairement les règles et examiner de près le cas de tous les travailleurs autonomes.

Le sénateur Murray: Il faudrait peut-être passer par le régime fiscal plutôt que par le régime d'assurance-chômage. Le régime fiscal, tel qu'il s'applique aux travailleurs autonomes, pourrait être un meilleur mécanisme pour ce que vous envisagez.

M. Kelly: Peut-être. Il y a cependant un réel problème de culture - non pas au sens artistique, mais au sens de mentalité collective - à Revenu Canada, qui ne permettrait pas, par exemple, le remboursement des cotisations aux personnes qui ne sont pas admissibles aux prestations. C'est une possibilité. Cependant, ce que nous essayons de faire ici, si je comprends bien le processus, c'est de rendre le régime d'assurance-chômage le plus ouvert possible plutôt que de créer d'autres mécanismes de versement de prestations au niveau fédéral.

Le sénateur Murray: L'économie change, comme vous le soulignez. Nous remarquions l'autre soir que de plus en plus de gens travaillent à temps partiel; il y a le cumul d'emplois, l'emploi autonome, et cetera. Les gouvernements font face à un certain nombre de problèmes, dont la perception des impôts, qui était jusqu'ici effectuée à la source, pour des personnes qui travaillaient 52 semaines par année à peu près, à l'intérieur d'une entreprise donnée. L'impôt a été versé de cette façon.

Le gouvernement, dans son propre intérêt, va devoir s'adapter à tous ces changements. Vous n'êtes certainement pas les seuls, chez les artistes, à voir la très grande importance des prestations sociales et de la sécurité du revenu pour beaucoup de monde, pour le nombre croissant de personnes qui se retrouvent sans protection, qui n'ont pas droit aux prestations sociales ou à la sécurité d'emploi.

M. Kelly: Qui peut prétendre avoir la sécurité d'emploi? Oh, excusez-moi, j'allais l'oublier.

Nous devons certainement trouver le moyen de répondre à ces besoins. Je ne m'inquiète pas tellement de la possibilité que le gouvernement ne puisse pas percevoir les impôts pour le nombre croissant de travailleurs autonomes. Dans le budget fédéral de 1996, une des rares augmentations substantielles avait pour but de permettre à Revenu Canada d'embaucher des vérificateurs qui scrutent les déclarations des travailleurs autonomes. Je suis bien placé pour vous le dire, parce que nous recevons constamment des appels d'artistes pour qui on a fixé une nouvelle cotisation, qui se sont vu dire que la profession d'artiste n'en était pas une, qu'il ne peut pas y avoir d'attente de profits raisonnables pour un artiste. C'est un point qui relève peut-être de la théologie, mais nous affirmons qu'il y en a une.

Nous comprenons très bien que le problème ne concerne pas que l'assurance-chômage. Cependant, le régime fiscal fonctionne très mal pour ce qui est du traitement des déclarations des travailleurs autonomes, et parmi ces travailleurs on retrouve actuellement un nombre disproportionné d'artistes et de travailleurs du secteur culturel.

Le sénateur Rompkey: Vous dites donc qu'il faut d'abord réformer Revenu Canada.

Le sénateur Murray: Je le crois.

Le sénateur Rompkey: Bonne chance! Quelle est la situation en Irlande et dans les Pays-Bas? Vous dites que ces pays octroient un taux spécial. Avez-vous plus d'informations à ce sujet?

M. Kelly: L'Irlande a essentiellement opté pour l'approche fiscale; les Pays-Bas, pour leur part, considèrent que leurs programmes sont universels et accessibles à tous les citoyens néerlandais. Il y a très peu de programmes réservés, comme tels, aux artistes. Ces programmes ont été la cible, comme ailleurs, de restrictions budgétaires de la part des gouvernements.

La présidente: Monsieur Kelly, vous pourriez essayer d'amener quelqu'un à présenter un projet de loi d'initiative parlementaire qui accorde un statut aux artistes. Avez-vous comparu devant le comité de la Chambre des communes?

M. Kelly: Non. Le Conseil des ressources humaines du secteur culturel l'a fait pour ce projet de loi. C'est l'organisme chargé d'examiner les questions reliées au marché du travail. Il est dans une période de transition actuellement. Il n'a pu venir devant le Sénat. Nous nous sommes fait un plaisir de le remplacer dans les circonstances.

La présidente: Le comité lui a-t-il laissé entendre que la question méritait d'être étudiée davantage?

M. Kelly: Le comité a certainement reconnu que les problèmes soulevés par le conseil étaient réels. Malheureusement, cela n'a pas débouché sur des modifications durables au projet de loi.

Le sénateur Bosa: Je lis ici que 76 p. 100 des personnes qui se définissent comme artistes sont actuellement protégées par l'assurance-chômage. Cette information nous vient des personnes-ressources des ministères. Quel pourcentage du groupe que vous représentez pourrait avoir droit au double statut selon la deuxième recommandation?

M. Kelly: Cinquante p. 100.

Le sénateur Bosa: Cinquante p. 100 seraient admissibles à la fois au statut de travailleur autonome et...

M. Kelly: En effet. Au bas mot, ce serait environ 335 000 personnes non admissibles actuellement qui le deviendraient.

Le sénateur Bosa: Ne serait-il pas extrêmement difficile de déterminer quand une personne a travaillé de façon autonome et quand elle a travaillé pour un employeur lorsqu'il se serait écoulé une certaine période avant la présentation de sa demande? Selon moi, il serait très difficile de le vérifier.

M. Kelly: Ce doit être assez simple, puisque Revenu Canada perçoit des impôts de tous ces gens, et ne semble pas avoir de difficulté à déterminer les périodes d'emploi et de revenu pour une année. Comme l'autre sénateur le recommandait, la période d'emploi pourrait être déterminée selon l'expérience des années antérieures; les prestations refléteraient l'expérience antérieure d'une personne.

Je ne nie pas que l'application de cette disposition pourrait être assez compliquée, mais je fais confiance à l'esprit d'initiative des fonctionnaires. Ils sont sûrement capables de concevoir un programme quelconque.

Le sénateur Bosa: Plus que moi en tout cas. Y a-t-il un salaire moyen chez les artistes?

M. Kelly: Le salaire moyen global est de 27 000 $ par année. Le revenu médian pour les artistes et les créateurs, comme les compositeurs et les écrivains, est de 11 500 $ par année; dans les arts visuels, c'est 7 800 $ par année. Les danseurs, je pense, sont à peu près à ce niveau également.

Le sénateur Bosa: Qu'en est-il des musiciens et des orchestres qui travaillent dans les bars?

M. Kelly: Un des problèmes reliés aux données est justement que les orchestres qui travaillent dans les bars ne sont pas inclus. Nous parlons donc ici de musiciens qui font partie des orchestres symphoniques ou qui font de l'accompagnement. Il serait très intéressant d'avoir des chiffres plus globaux et de voir si les niveaux de revenu changent. De façon générale, ils n'ont pas tellement varié au cours des 15 dernières années.

Le sénateur Bosa: Les gens travaillent pour le plaisir, et non pas pour l'argent?

M. Kelly: Non. Ils voudraient pouvoir marier les deux. C'est ce à quoi nous tendons. Pour l'instant, nous travaillons pour le plaisir une grande partie du temps.

La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu devant notre comité. Vous nous avez apporté une perspective nouvelle.

Nous accueillons maintenant le Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Nous demandons à ses représentants de bien vouloir présenter leur mémoire.

[Français]

Mme Anne E. Bertrand, présidente, Conseil économique du Nouveau-Brunswick Inc.: Je vous remercie, madame la présidente, de nous donner cette occasion de présenter notre mémoire. Dans son dessein de réformer la sécurité sociale au pays, le gouvernement du Canada a déposé en mars dernier le projet de loi C-12 établissant un nouveau système d'assurance-emploi. Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick appuie massivement cette initiative en reconnaissant l'aspect essentiel d'une telle réforme.

Avec près de 1 000 membres, dont la majorité sont des entreprises privées réparties dans la plupart des régions francophones du Nouveau-Brunswick, le Conseil économique se veut un intervenant clé en matière économique. Il considère important d'intervenir dans le débat entourant cette réforme en raison de son impact sur la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes. C'est particulièrement le cas au Nouveau-Brunswick en raison de l'aspect saisonnier de plusieurs industries dont celles de la pêche, du tourisme, de l'agriculture et des opérations forestières.

Voici les énoncés qui ont reçu l'appui massif des membres du Conseil économique du Nouveau-Brunswick lors d'un récent sondage au sein de l'organisme: le programme d'assurance- chômage doit être un régime d'assurance plutôt qu'un soutien au revenu; les gouvernements devraient offrir des incitatifs aux entreprises désireuses de perfectionner leur propre main-d'oeuvre; le montant de prestations reçues devrait être en fonction du revenu familial annuel du bénéficiaire; deux options pour un nouveau régime: un régime à deux paliers ou bénéfices réduits; prestations en fonction d'un véritable travail saisonnier et non l'actuel 12-42; l'existence de problèmes de main-d'oeuvre pour certaines entreprises pendant certaines périodes de l'année; la productivité diminue lorsque l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage approche. Ceci est un point très important.

Après avoir donné son appui aux récentes initiatives visant à réformer la Sécurité sociale au Canada, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick se montre très favorable au nouveau système d'assurance-emploi. Il est temps que l'assurance-chômage devienne une véritable assurance pour pallier aux aléas du marché du travail. Ce régime doit assurer la catastrophe plutôt que le malaise.

Avec des dépenses annuelles de près de 20 milliards de dollars, le régime d'assurance-chômage a longtemps été le plus important programme fédéral du filet de la sécurité sociale. Le Canada est demeuré pratiquement le seul parmi les pays industrialisés à fournir un régime d'assurance-chômage qui s'apparentait davantage à un programme de soutien au revenu qu'à un remplacement de revenu temporaire résultant d'une perte d'emploi.

S'il a permis jadis de répondre à des besoins lors de son établissement, le régime d'assurance-chômage s'est peu à peu avéré désuet avec les années, au point de créer une dépendance chronique pour bon nombre de travailleurs, voire même des régions entières. Les travailleurs du Nouveau-Brunswick comptent pour 2,7 p. 100 de la population active canadienne, mais représentent 4,3 p. 100 des bénéficiaires d'assurance-chômage. Au Nouveau-Brunswick, 18 p. 100 des bénéficiaires recevaient leurs bénéfices après avoir travaillé le minimum de semaines nécessaires pour satisfaire les normes d'admissibilité, alors que la moyenne nationale est de 5 p. 100 seulement.

Tout en reconnaissant la pertinence de mesures justes et humanitaires, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick considère important l'établissement d'un système qui encourage l'effort et décourage l'oisiveté de sorte à stimuler davantage l'activité économique. Le Conseil estime sage la restructuration des prestations visant à valoriser le travail en se fondant sur les heures accumulées au lieu des semaines.

Pour appuyer la pertinence d'une telle restructuration, nous pouvons nous référer au rapport de la Commission royale d'enquête sur le chômage et les emplois à Terre-Neuve qui a démontré, en 1986, comment le régime d'assurance-chômage a miné la valeur intrinsèque du travail, a rongé les habitudes de travail et de discipline personnelle, dévalorisé l'importance d'une bonne formation, en plus de décourager l'initiative personnelle et d'inciter des abus.

Les membres du Conseil économique du Nouveau-Brunswick estiment primordial l'établissement d'un plafond pour l'obtention de prestations. Une semaine de travail doit équivaloir à une semaine de bénéfices. On ne peut comprendre, ni accepter, qu'en combinant salaire et prestations, certains peuvent vivre parfois de façon plus que confortable, et même mieux que d'autres qui travaillent à l'année sans interruption. Cependant, si les membres du Conseil économique favorisent l'établissement d'un plafond familial de prestations, ils espèrent que son application se fasse de manière à ne pas pénaliser indûment les femmes.

Les membres du Conseil économique du Nouveau-Brunswick estiment que les ressources allouées au régime d'assurance-emploi doivent contribuer à briser le cercle vicieux dans lequel se trouvent nombre de personnes et les encourager à devenir des membres productifs du marché du travail. On s'accorde à dire qu'il est possible d'y parvenir par le biais de la formation. Valoriser le travail, c'est également valoriser la formation et le recyclage professionnel. La formation des individus doit être à la base même d'une réforme adéquate du régime d'assurance- chômage. En 1990, seulement 12 p. 100 de la population adulte du Nouveau-Brunswick se prévalait des programmes de formation comparativement à 17 p. 100 à l'échelle nationale, dont 22 p. 100 en Alberta. On parviendra à briser le cercle vicieux de l'assurance-chômage, en aidant l'individu à développer ses habiletés et à se découvrir de nouvelles possibilités.

D'ailleurs, à cet effet, les membres du Conseil économique reconnaissent que la responsabilité d'adopter un comportement pro-actif comme principe de base dans un nouveau régime de sécurité sociale, ne relève pas uniquement des bénéficiaires ou des autorités publiques. Nous croyons que le secteur privé est en mesure de s'impliquer davantage que ce soit, notamment, au niveau de la formation technique et professionnelle envers ses propres employés.

Un programme de formation directement relié au travail serait plus motivant et stimulant qu'un programme quelconque visant essentiellement à accumuler des semaines de travail. Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick revendique donc l'établissement d'incitatifs à l'intention des entreprises désireuses de perfectionner leur propre main-d'oeuvre.

Le Conseil souhaite que les changements au régime d'assurance-chômage puissent se faire graduellement, vue l'importance des prestations dans de nombreuses activités économiques des communautés rurales en particulier. On craint les effets négatifs qu'engendrerait une réforme subite. Une période d'adaptation s'impose. Il faut reconnaître que l'apport économique à court terme des prestations est crucial pour la plupart des économies régionales du Nouveau-Brunswick.

Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick applaudie la décision de créer un groupe de travail pour se pencher de façon plus particulière sur la question des travailleurs saisonniers. S'il reconnaît la particularité des travailleurs saisonniers et leur sensibilité plus importante à une réforme du régime de l'assurance-chômage, le Conseil reconnaît également l'importance de mieux définir ce qu'est un travailleur saisonnier, soit une personne qui travaille pour la durée de la saison et non pas seulement en fonction de la période minimum d'admissibilité. Il appert en effet qu'un problème parfois aigu de disponibilité de la main d'oeuvre se fait sentir en fin de saison. Ces problèmes de disponibilité de la main-d'oeuvre se répercutent directement sur la productivité des entreprises.

Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick est d'avis qu'une réforme du régime de l'assurance-chômage doit s'accompagner d'un redoublement des efforts au niveau du développement économique régional. Il est impératif que se poursuivent les efforts de diversification économique des régions à forte dépendance des industries primaires et de l'aspect saisonnier de ces mêmes industries. Les programmes de développement économique régional ont beaucoup mieux contribué à l'économie en général que l'octroi des prestations passives d'assurance- chômage. Le Conseil s'oppose à toute réforme qui puisse affecter lourdement et hypothéquer même l'essor économique des communautés rurales du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Vous avez fait allusion à une étude de Terre-Neuve de 1986. Quelle est cette étude exactement? S'agit-il du rapport de la Chambre sur l'emploi et le chômage?

Mme Bertrand: Je crois que oui, sénateur.

Le sénateur Rompkey: Du rapport de la Chambre des communes?

Mme Bertrand: Oui.

[Français]

Le sénateur Murray: Je m'étonne que vous soyez ici, avec une telle présentation, au nom des régions francophones du Nouveau-Brunswick où l'économie saisonnière est très répandue.

Vous parlez, par exemple, de la nécessité de décourager - je sais pas si je prononce bien le mot -, l'oisiveté. Je connais très bien ce que cela signifie. Mais, parler dans de tels termes me semble confirmer les préjugés qui existent déjà dans plusieurs régions du Canada, à l'endroit de votre région.

Pour ce qui est du sondage que votre organisation a fait récemment, vous prônez premièrement, et je cite votre mémoire:

Le programme d'assurance-chômage doit être un régime d'assurance plutôt qu'un soutien au revenu.

Et, votre troisième point, et je cite:

Le montant de prestations reçues devrait être en fonction du revenu familial annuel du bénéficiaire.

Comme on dit: «You can't have it both ways». Ou vous voulez un régime d'assurance plutôt qu'un soutien au revenu, ou vous voulez un système dans lequel les prestations seront en fonction du revenu familial annuel du bénéficiaire. Quel système avez-vous choisi?

Mme Bertrand: Pour nous, les deux commentaires disent la même chose, sénateur Murray. Ce que nous voulons présenter au comité, c'est en effet que l'on appuie un système qui va encourager l'effort de travailler et non pas vice versa. On a constaté parmi nos gens, et cela suite au sondage auprès de nos membres qui sont des entrepreneurs et des employeurs, que lorsqu'on utilise l'approche des semaines d'admissiblité aux prestations, on voit le déclin dans l'énergie, les efforts et l'attitude envers le travail.

C'est plutôt la philosophie de travailler envers obtenir les prestations et non pas travailler pour recevoir des prestations dans des cas où l'on en a réellement besoin, en cas d'urgence ou dans des cas d'interruption de travail.

Ce que l'on vous dit, au troisième point en fonction du revenu familial, se joint très bien à ce que le projet de loi C-12 indique.

Le sénateur Murray: Ce ne sera plus un régime d'assurance si les prestations doivent être faites en fonction du revenu familial annuel.

Mme Bertrand: Je pense que l'on parle probablement de sémantique. C'est le même message. Il va y avoir quand-même une formule rattachée au revenu de la famille. C'est certain qu'il faut analyser le revenu familial annuel lorsqu'on va décerner les prestations. Cela va de soi. Le projet de loi C-12 fait exactement mention qu'il va y avoir une analyse plus précise au niveau du maximum. Cela est toujours en fonction du revenu familial annuel, et d'aide aux familles monoparentales et les femmes qui travaillent à temps partiel. Donc, cela va dans cette voie-là, dans cette même veine. On veut des prestations qui réellement vont assurer des périodes d'interruption. Mais, non pas garantir qu'après un certain nombre de semaines au travail, on puisse obtenir l'assurance-chômage.

Le sénateur Murray: Vous dites que le conseil appuie la décision de créer un groupe de travail pour se pencher de façon plus particulière sur la question des travailleurs saisonniers.

De toute évidence, vous avez déjà sauté à la conclusion que le système actuel est celui de 4-42. Et plus tard, dans votre mémoire, vous parlez des 18 p. 100 des bénéficiaires qui reçoivent leurs bénéfices après avoir travaillé le minimum de semaines nécessaires pour satisfaire les normes d'admissibilité, alors que la moyenne nationale est de 5 p. 100 seulement.

Est-ce que ce pourcentage de 18 p. 100 vous apparaît scandaleux, étant donné la nature saisonnière de l'économie dans vos régions?

Mme Bertrand: Vous nous demandez si ce pourcentage nous saute aux yeux?

Le sénateur Murray: Vous dites que 18 p. 100 des bénéficiaires au Nouveau-Brunswick reçoivent leurs bénéfices après avoir travaillé le minimum de semaines nécessaires pour satisfaire les normes d'admissibilité, et plus tard dans votre mémoire, vous parlez de la nécessité de mieux définir ce qu'est un travailleur saisonnier, soit une personne qui travaille pour la durée de la saison et non pas seulement en fonction de la période minimum d'admissibilité.

Quelle est la durée de la saison touristique dans les régions acadiennes, par exemple?

Mme Bertrand: La distinction ici, sénateur Murray, ne se fait pas nécessairement dans le travail saisonnier. On vous indique que dans certaines régions du Nouveau-Brunswick, il y a un pourcentage plus élevé de chômeurs puisque nous n'avons pas défini ce qu'est un travailleur saisonnier. Cela peut être n'importe quel genre de travail dans lequel la personne quitte après le nombre de semaines requises pour avoir les prestations.

On ne se fie pas ici au travail dans les domaines qu'on connaît comme saisonniers comme, par exemple, la foresterie, la pêche, et cetera. Dans certaines régions, on a constaté que n'importe quel travail était saisonnier, parce que l'on arrêtait de travailler après les semaines requises qui avaient été accumulées. Nous voulons et nous recherchons une définition du travail saisonnier.

Le sénateur Murray: Madame Bertrand, si nous prenons l'emploi saisonnier, dans l'industrie du tourisme, par exemple, dans votre région du Nouveau-Brunswick, quelle est la durée de la saison touristique? Douze semaines, peut-être? Deux mois?

Mme Bertrand: Possiblement.

M. Jean-Paul Desjardins, directeur-exécutif, Conseil économique du Nouveau-Brunswick: À 75 p. 100, c'est deux mois, maximum.

Le sénateur Murray: Il n'est pas question sûrement dans la saison de tourisme, qu'il y ait des personnes qui travaillent seulement en fonction de la période minimum d'admissibilité. La saison touristique n'est pas très longue au Nouveau-Brunswick.

Mme Bertrand: On ne vise pas ceux-là. Cela, c'est acceptable. Quand une personne travaille dans un domaine de travail saisonnier, il accomplit ses semaines en conséquence. Il n'y a pas de problèmes avec cela. Ce que l'on vous dit, c'est qu'en général, il y a eu des gros problèmes de la définition des mots «travail saisonnier».

Dans le domaine du tourisme, je suis d'accord avec vous. Cependant, dans d'autres domaines qui ne s'avèrent pas nécessairement une saison, on peut travailler de septembre à octobre dans un domaine quelconque. Disons, quelqu'un qui travaille dans la plomberie, après avoir accumulé ses semaines d'admissibilité, l'emploi se termine. Donc, nous ne visons pas ici à nuire au domaine touristique, au domaine du travail saisonnier qui sont très importants au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Murray: À lire votre mémoire, ce n'est pas clair du tout. Vous connaissez mieux que moi votre région.

Mme Bertrand: Sans doute.

Le sénateur Murray: Je constate que demain à 18 h 45, nous allons recevoir comme témoin Mme Mathilda Blanchard du Syndicat acadien des travailleuses affiliées des pêches. Je n'ai aucun doute que Mme Blanchard nous fournira des perspectives tout a fait différentes que celles que nous venons d'entendre.

Mme Bertrand: J'en suis certaine parce que la perspective de Mme Blanchard différente de la nôtre.

Le sénateur Simard: Madame la présidente, M. Desjardins, Mme Bertrand, vous dire à quel point je suis déçu, après la lecture de votre mémoire, il n'y a pas de mots pour vous dire ma réaction. Si le ministre Young avait fait l'embauche d'une firme pour faire l'éloge du projet de loi C-12, je pense qu'il aurait confié ce travail au Conseil économique du Nouveau-Brunswick.

À plusieurs reprises, j'ai appuyé le Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Il faut croire que c'est une organisation, un milieu, un groupe d'individus qui peut avoir une faiblesse. Je pense que c'est une faiblesse de ma part. C'est épouvantable! Vous déplorez le projet de loi. Vous faites l'éloge du projet de loi C-12. Vous inscrivez celui-ci dans la réforme de la sécurité sociale au pays. Je peux vous dire que le projet de loi C-12 ne s'inscrit aucunement dans cette réforme de sécurité sociale.

Vous faites cette déclaration, que l'on retrouve aux premières lignes de votre mémoire, et vous reliez le projet de loi C-12 à la réforme sociale. Vous déplorez le système qui a existé trop longtemps dans le passé puis vous faites allusion à un sondage auquel vos membres ont répondu. Vous favorisez encore des programmes d'aide à l'industrie.

Vous soulevez tous les points faibles d'un programme qui existait depuis longtemps et qui va continuer à exister si les employeurs ne sont pas responsables. Vous déplorez qu'en fin de période, lorsque les employés ont l'impression d'avoir gagné suffisamment de timbres, qu'il y a une perte d'effort. Mais que pensez-vous de la responsabilité de l'employeur?

Mme Bertrand: Peut-être pour vous donner un meilleur aperçu de qui nous sommes pour vous donner ces mauvaises nouvelles...

Le sénateur Simard: Je sais qui vous êtes.

Mme Bertrand: Nous représentons un groupe ou une association des entrepreneurs francophones de la province, approximativement 1 000 membres.

Le sénateur Simard: C'est cela.

Mme Bertrand: Qui représentent à peu près 20 000 travailleurs.

Le sénateur Simard: Vous ne parlez pas pour les 20 000 employés aujourd'hui. Vous parlez pour les 1 000 employeurs.

Mme Bertrand: Justement, je vous ai donné quelques chiffres, 94 p. 100 de ces membres ont appuyé massivement la réforme.

Le sénateur Simard: Les membres-employeurs.

Mme Bertrand: Les membres-employeurs, oui.

Le sénateur Simard: Oui.

Mme Bertrand: Nous sommes ici pour représenter ce groupe. C'est pour cela que l'on veut relater leurs souhaits au comité; pour donner l'appui que nous jugeons quand même un appui sain, un appui avec réflexion.

Le sénateur Simard: Un appui massif, Mme Bertrand. C'est cela que vous dites.

Mme Bertrand: C'est cela qui est écrit.

Le sénateur Simard: Le sénateur Murray a soulevé au moins une contradiction dans votre mémoire lorsqu'il a parlé du revenu familial et des prestations en conséquence. Lorsque vous avez parlé de mesures incitatives, de création d'emplois puis d'aide à l'industrie, je n'ai rien vu dans votre mémoire où l'on parle des taux.

Est-ce que vous savez, M. Desjardins, que d'ici la fin de l'année, seulement qu'en 96, le fonds aura accumulé, sans ce projet de loi, cinq milliards de dollars en excédant sur les contributions et sur les bénéfices? Depuis deux ans, ils ont accumulé sept milliards de dollars?

Ne réalisez-vous pas que vous auriez pu plaider pour la cause de l'employeur et des employés et plaider en faveur d'une réduction de 10, ou 15 ou 20 p. 100 des cotisations?

M. Desjardins: Nous plaidons, sénateur Simard, que l'argent que l'on investit dans le revenu passif, c'est de l'argent qui est mal investi et qui pourrait être mieux investi si on l'investissait dans le développement économique. C'est cela que nous plaidons.

Le sénateur Simard: Où voyez-vous cela? Vous parlez des taux exorbitants qui devraient être réduits à 20 ou 25 p. 100, selon plusieurs économistes?

M. Desjardins: Le dernier paragraphe y fait allusion.

Le sénateur Simard: Où voyez-voux cela?

M. Desjardins: Le dernier paragraphe à la page 5.

Le sénateur Simard: Oui, mais je n'ai pas le même document.

M. Desjardins: Je cite donc:

Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick est d'avis qu'une réforme du régime d'assurance-chômage doit s'accompagner d'un redoublement des efforts au niveau du développement économique régional. Il est impératif que se poursuivent les efforts de diversification économique des régions à forte dépendance des industries primaires et de l'aspect saisonnier de ces industries. Les programmes de développement économique régional ont beaucoup mieux contribué à l'économie en général que l'octroi de prestations passives.

Le sénateur Simard: J'ai fait le plaidoyer. Je le fais à toutes les semaines. Nous sommes devant le projet de loi C-12, qui est un mauvais projet de loi. C'est une réforme inachevée ou qui va pénaliser les employeurs et les employés. Vos membres appuient cela massivement; 92 et 94 p. 100.

Serait-il temps de ne pas se perdre en généralités puis d'invoquer possiblement la venue, le maintien de mesures incitatives favorisant le développement régional comme vous l'avez fait?

Vous devriez plutôt plaider pour une baisse immédiate, plaider en faveur d'un amendement à ce projet de loi. On aurait pu réduire les coûts des employeurs de deux ou trois milliards. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus? Vous auriez pu demander que l'on réduise le fardeau des petits employés?

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter à cela? Vous dites que vous appuyez la réforme. Je suis aussi en faveur d'une réforme du filet social. Je ne suis pas en faveur de ce projet de loi. Ce projet de loi C-12 va compliquer la vie des gens que l'on veut protéger, à savoir les employeurs et les employés. C'est un mauvais projet de loi. Je pense à Mme Mathilda Blanchard et les autres...

M. Desjardins: Nous sommes ici pour parler au nom de nos membres. Nos membres ont été consultés de façon très élaborée par le biais d'un sondage. Si nos membres croient que cette réforme va améliorer leur situation, je pense que l'on se doit de refléter leur position.

Je vois mal comment vous êtes en position de critiquer un employeur qui est en faveur de cette réforme alors que lui, il est en faveur du projet de loi. Il connaît l'ancienne loi de l'assurance-chômage. Il est en faveur d'un changement.

Le sénateur Simard: Il connaît l'ancienne loi mais ce n'est pas le projet de loi C-12 qui va améliorer le problème. Le gouvernement a perdu une occasion idéale pour réduire les taux des prestations, d'abord. Vous dites, et on vous croit, que votre mémoire est appuyé par 94 p. 100 de vos membres.

En réponse à la première question, vous dites que le programme d'assurance-chômage doit être un régime d'assurance plutôt qu'un soutien au revenu.

Je veux bien un régime d'assurance. Savez-vous qu'en plus du surplus que je viens de mentionner pour la seule année 1996, cinq milliards de dollars, il restera encore de l'argent pour la formation de la main-d'oeuvre. Il y a des gens qui pensent que la formation de la main-d'oeuvre ne devrait être payée à même le fonds de l'assurance-chômage. Qu'est-ce que vous avez à dire de cela?

[Traduction]

La présidente: Si vous voulez bien leur permettre de répondre à la question, sénateur Simard. Il y aura seulement un autre sénateur qui pourra poser des questions. Le temps du comité est limité.

[Français]

Mme Bertrand: Je répondrai brièvement à votre question. Il est certain, sénateur Simard, que vous ne partagez pas l'opinion de la plupart de nos membres. C'est dommage mais c'est la réalité.

Le sénateur Simard: Je ne fais pas la lecture de la réforme de l'assurance-chômage comme vous l'avez faite, comme vous nous l'avez présentée en tout cas.

Mme Bertrand: C'est parfait, sénateur Simard, c'est votre opinion. Nos membres ont étudié la question. Nos membres appuient massivement ce projet de loi C-12. C'est eux qui vont réellement payer pour ce nouveau projet. Ils sont prêts à le faire. Ils connaissent le passé, ils veulent des réformes, ils veulent le nouveau système.

Le sénateur Simard: Ils veulent continuer à payer des taxes directes, en raison de quatre ou cinq milliards de trop par année. C'est bien.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Je voulais simplement que le témoin ait plus de temps pour répondre aux questions du sénateur Simard. Je me demandais si vous vouliez répondre à toutes ces questions. Je suis intéressé par ce que vous avez à dire, madame Bertrand.

Mme Bertrand: Je me demandais qui faisait l'exposé au juste.

La présidente: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

Honorables sénateurs, notre témoin suivant représente les Fish, Food and Allied Workers, de Terre-Neuve. Vous représentez Terre-Neuve, monsieur McCurdy?

M. Earle McCurdy, président, Fish, Food and Allied Workers: De même que le Labrador.

La présidente: Bienvenue au comité. Si vous voulez bien nous faire votre exposé.

M. McCurdy: J'apprécie cette occasion qui m'est donnée de comparaître devant votre comité. J'ai plus de chances qu'avec le comité de la Chambre des communes. Je vous décris brièvement l'organisme que nous représentons pour vous situer.

Notre syndicat a des membres dans environ 500 localités de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Il en compte à peu près 20 000, également répartis entre pêcheurs et travailleurs des usines de transformation du poisson. Le projet de loi que vous êtes en train d'étudier et les règlements qui en découleront pour la pêche côtière auront un impact énorme chez nos membres. Nous avons donc beaucoup d'intérêts en jeu dans le cadre de ces audiences.

Je suppose que demander des détails au sujet des règlements qui découleront du projet de loi revient à demander à quelqu'un qui ne croit pas en la peine capitale s'il préfère la pendaison ou la chaise électrique. Il n'a pas été établi au départ que le pays a absolument besoin de s'en prendre aux chômeurs canadiens.

Compte tenu de l'excédent de la caisse d'assurance-chômage, il est clair qu'on ne pense pas seulement à la viabilité du programme. Les gens de notre province, qui sont déjà aux prises avec un grand nombre d'autres problèmes économiques, perdront environ 105 millions de dollars en prestations d'assurance-chômage. C'est une réduction de 15 p. 100, et c'est plus que pour n'importe quelle autre région du pays. Il est bien évident que ce qu'on veut, ce n'est pas améliorer le régime d'assurance-chômage, mais rendre la vie encore plus misérable aux milliers de Canadiens qui se retrouvent au chômage. En revanche, on enrichit les entreprises en leur donnant des centaines de millions de dollars sous forme de cotisations réduites et de subventions salariales.

Je voudrais revenir brièvement sur l'argument invoqué par certains selon lequel les charges sociales font perdre des emplois et les réduire contribue à créer des emplois. D'abord, si c'était aussi simple, il suffirait de réduire les cotisations à zéro; on créerait un million et demi d'emplois et on n'aurait plus de chômeurs.

L'exemple de General Motors est éloquent. L'année dernière, General Motors a fait des profits record par rapport à n'importe quelle autre grande société au pays. Maintenant, elle s'approvisionne à l'extérieur et envoie ainsi des milliers d'emplois à l'extérieur.

Le fait de laisser plus d'argent aux mains des grandes sociétés ne crée pas nécessairement des emplois. Les grandes sociétés créent des emplois à leur guise, et non pas à cause d'un remboursement ou d'une réduction mineure de leurs cotisations à l'assurance-chômage.

Nous n'acceptons pas le bien-fondé ni la nécessité d'un système à plusieurs paliers - c'est ce que nous avons - et nous dénonçons avec véhémence le sort fait aux prestataires fréquents, qui deviennent pour ainsi dire des récidivistes. Ce qu'il y a de plus répréhensible dans ce projet de loi, c'est qu'il se fonde sur une fausse hypothèse. Il part du principe que si les gens font des efforts ils n'auront pas à se fier à l'assurance-chômage, ils ne connaîtront jamais le chômage.

Il y a deux ou trois semaines, il y avait une manchette dans notre journal qui disait: «Selon le premier ministre, il faut s'habituer à des taux de chômage élevés.» On concède de façon générale au pays que le taux de chômage national doit se situer entre 8 et 10 p. 100. On lui donne même un nom: le NAIRU... lorsque j'étais jeune, c'était le nom du premier ministre de l'Inde. C'est le taux de chômage à inflation stationnaire, le taux en deçà duquel la terrible inflation fait ses ravages. Dans le cadre de notre politique nationale, donc, politique appuyée par le ministère des Finances et la Banque du Canada, nous devons avoir un taux de chômage de 8, 9 ou 10 p. 100 au pays, ce qui, pour notre province, se traduit par un taux de 18 ou de 20 p. 100, ce que nous connaissons actuellement.

Nous établissons cette politique d'une part. D'autre part, la logique voudrait que nous soyons au moins prêts à rendre la vie supportable au million et demi de malheureux Canadiens qui se retrouvent sans emploi.

J'ai lu une lettre incroyable du ministre des Finances qui parlait de la nécessité d'éviter les malheurs que nous avons connus au cours des années 80 lorsque le taux de chômage était de moins de 8 p. 100. Dieu nous protège contre un taux de chômage de moins de 8 p. 100! Les gens qui établissent les taux d'intérêt, les gens qui décident au pays se sont fixé un objectif, une fourchette. Ils ont décidé que le contrôle de l'inflation doit primer sur tout le reste. La politique nationale consiste à maintenir un taux de chômage élevé; le seul détail à régler est de savoir s'il devrait être de 8, 8,5, 9, ou 9,25 p. 100

Au même moment, la politique publique pénalise les chômeurs. En vertu de cette politique, pour ce qui est des possibilités d'améliorer son sort, le mieux qu'il puisse arriver à un chômeur, c'est qu'il se trouve un emploi; cependant, compte tenu du fait que le taux de chômage de 8,5 ou 9 p. 100 est là pour l'avenir prévisible, tout ce qui risque de se produire, c'est que quelqu'un d'autre dans la chaîne perde son emploi.

En réalité, le projet de loi C-12 accélère le rythme que doivent maintenir tous les Canadiens pour arriver à suivre; lorsqu'ils semblent pouvoir maintenir le rythme, quelqu'un avance l'aiguille du cadran d'un cran, et ils doivent courir plus vite. On ne peut pas vraiment gagner dans cette lutte pour la survie. Les gens ne peuvent pas vraiment avancer lorsqu'ils sont à contre-courant.

Cette loi est particulièrement cruelle pour les travailleurs saisonniers. L'ancien ministre du Développement des ressources humaines a déclaré il y a quelques mois à l'autre endroit que les modifications à la loi représentaient l'élimination du système à deux paliers. C'est faux. Les Canadiens ne doivent pas s'y tromper. C'est un système à plusieurs paliers que nous avons actuellement. Nous n'en avons pas deux, mais cinq ou six. Avec le temps, les travailleurs saisonniers perdront, à cause de la règle de l'intensité, environ 9 ou 9,5 p. 100 de leurs prestations actuelles pour le même travail. C'est sans compter l'impact de la formule du dénominateur.

J'ai lu beaucoup d'analyses publiées par les organismes centraux à Ottawa à l'appui du projet de loi. Si j'étais professeur d'économique, j'aurais bien du mal à octroyer une note D aux auteurs pour ce qui est des industries saisonnières, ou des industries de façon générale. Ces analyses tentaient de déterminer quels étaient les secteurs de l'économie qui contribuaient au système et quels étaient ceux qui en profitaient de façon nette; en d'autres termes, il s'agissait de savoir quelles industries de quelles provinces versaient plus de cotisations au système qu'elles n'en retiraient de prestations, et vice versa.

Les mauvaises industries, selon ces analyses, étaient les pêches, l'agriculture, l'exploitation forestière, le piégeage et la construction. Sauf pour la construction, qui a littéralement fait ce pays, il s'agissait d'industries qui remontaient loin en arrière, d'industries qui étaient à l'origine de ce pays.

Les pêches, l'agriculture, l'exploitation forestière et le piégeage sont des industries historiques, des industries qui existent depuis le 16e et le 17e siècle. Malgré tout, elles sont considérées comme de «mauvaises industries». Les analyses indiquaient également quelles étaient les «bonnes industries». Il s'agissait des banques, du commerce, de l'éducation, de la santé et de deux ou trois autres du même genre.

Le sénateur Murray: L'industrie de l'information.

M. McCurdy: L'industrie de l'information, justement. Dans un rapport très épais et très difficile à comprendre, il n'y avait pas une seule ligne soulignant que les mauvaises industries étaient toutes - à l'exception de la construction, qui est une industrie unique; il est difficile de couler des fondations en béton au Yukon au mois de janvier - des industries primaires, des industries qui amènent des investissements au pays et qui contribuent positivement à la balance commerciale.

L'industrie que je représente, par exemple, les pêches, permet de peupler une côte qui fait face au reste du monde. Les gens qui peuvent travailler dans les bonnes industries sont là parce que d'autres sont dans une mine, dans une forêt, sur un bateau près des Grands Bancs pour y pêcher le peu de poisson qui reste, sur une ferme quelque part. Ce sont des emplois de base qui créent de l'activité économique et d'autres emplois.

Nous nous trouvons dans la situation ironique où un bûcheron est considéré comme un boulet pour le système - il faut le viser, réduire ses prestations - tandis que la personne qui travaille à longueur d'année à fabriquer des scies mécaniques à son intention est considérée comme faisant partie d'une bonne industrie et ne doit pas faire l'objet de réductions. Il me semble qu'on ne peut pas avoir de pire excuse pour faire des analyses.

Très souvent, ce sont des facteurs comme le climat, le temps et la disponibilité du produit qui décident si une personne peut travailler ou non; de façon générale, ce sont des facteurs qui échappent à tout contrôle. Il y a un mythe qui continue d'avoir cours - il aurait dû être démenti il y a longtemps -, et qui veut que notre régime d'assurance-chômage est exceptionnellement généreux.

Il se trouve que l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, classe les programmes des divers pays, dans la mesure où ils sont comparables, parce que les règles ne sont pas identiques partout et que des jugements de valeur doivent être portés. Le régime canadien, qui a déjà été classé cinquième sur 20 dans le monde, occupe maintenant la quatrième avant-dernière place. Ce classement précède la loi actuellement à l'étude, mais survient après les réductions les plus importantes jamais effectuées dans le programme d'assurance-chômage, réductions effectuées par le gouvernement actuel il y a moins de deux ans.

Il y a encore un inconnu dans le système. Ce sont les règlements qui toucheront les pêcheurs autonomes. Nous ne savons toujours pas en quoi consisteront ces règlements. Ce que nous savons, c'est qu'avec les modifications déjà apportées, les pêcheurs verront leurs prestations réduites. Même avant les nouveaux règlements, les pêcheurs ont déjà perdu 16 ou 17 p. 100 de leur protection. C'est simplement dû à l'impact de la règle de l'intensité, ainsi nommée, selon moi, à cause de l'intensité avec laquelle on entend pénaliser les travailleurs saisonniers, ainsi que de la réduction du maximum de la rémunération assurable, qui s'est révélée une mine d'or pour les employeurs, mais n'a pas permis au fonds de faire des économies. Il y a des gens qui s'en ressentiront.

La combinaison de la règle de l'intensité et de la formule du dénominateur aura un impact énorme sur les gens que nous représentons. Dans beaucoup de régions du pays, le travail est rare, et le peu de travail qui se présente est très souvent du travail saisonnier, imprévisible et temporaire. On a prétendu qu'un des aspects positifs du projet de loi, c'était qu'il permettrait de faire compter toutes les heures travaillées en vue de l'admissibilité à l'assurance-chômage. Malheureusement, les faits le démentent.

J'ai eu une expérience inhabituelle au début de ma carrière. Cela remonte à près de 20 ans. J'étais à une réunion où une femme d'un certain åge, employée d'une usine de transformation du poisson, qui devait aller travailler le lendemain, m'a demandé si elle pouvait aller travailler sans se faire payer. Vous pouvez vous imaginer que j'ai dû y regarder à deux fois, car ce n'est pas exactement une question qu'on s'attend à se faire poser; on s'attend à ce que les gens nous demandent s'ils pourraient gagner plus, ou quelque chose de ce genre.

Ce n'est pas qu'elle ne voulait pas travailler. Je lui ai parlé et j'ai découvert que si elle avait travaillé le lendemain, cela lui aurait fait deux jours de travail cette semaine-là. Le lendemain était un vendredi. Elle aurait eu alors un faible total hebdomadaire de rémunération assurable, ce qui aurait réduit sa rémunération assurable moyenne et par conséquent ses prestations. Elle aurait été payée, à cette époque, 40 $ probablement, et cela lui aurait coûté 5 $ par semaine de prestations d'assurance-chômage pendant tout l'hiver, ou à peu près. Elle aurait donc été financièrement pénalisée pour être allée travailler.

Lorsque j'ai appris que chaque heure comptera, j'ai pensé que ce problème serait résolu. Cependant, à certains égards, le phénomène est plutôt aggravé par ce projet de loi. Une semaine pendant laquelle le nombre d'heures est faible, ainsi que le salaire gagné, en particulier si c'est assez tard, c'est-à-dire dans les dernières semaines avant la présentation d'une demande de prestations, contribuera effectivement à réduire la moyenne de la rémunération assurable d'une personne. Même si cette personne a pu déjà avoir des revenus élevés, cela ne l'aidera pas du tout.

Il est difficile d'imaginer comment quelqu'un qui a essayé de bien faire a si mal réussi. Je ne sais pas exactement quelles instructions on a données aux rédacteurs du projet de loi, mais celui-ci aura manifestement pour effet de décourager les gens de travailler. De nos jours, on entend continuellement parler d'éthique du travail, du fait qu'il faut encourager les gens à travailler, mais on y a vraiment très mal réussi.

Pour ce qui est du passage du nombre de semaines au nombre d'heures, bien qu'il puisse y avoir en principe des avantages si c'est bien fait, on a fixé trop haut pour un grand nombre de Canadiens le chiffre requis. Je vois que le sénateur Rompkey est ici et je suis heureux de le voir. Je connais le district qu'il représente au Labrador. Les normes qu'on a fixées pour l'admissibilité seront très difficiles à satisfaire au Labrador, étant donné les possibilités d'emploi qui y existent.

Certains répondront en disant que la solution consiste à déménager. À London, en Ontario, les gens ont été fåchés lorsque le ministère du Développement des ressources humaines y a envoyé 15 personnes du Cap-Breton pour qu'elles essaient d'y trouver un emploi. L'affaire a déclenché une tempête de protestations. Même le maire s'en est mêlé, disant que, bien que les résidents de London n'aient rien contre les gens de l'Est, il n'y avait pas d'emplois pour eux, et que London avait ses propres problèmes de chômage.

Il n'y a pas de possibilités d'emploi au Labrador ou au Cap-Breton, ou du moins elles sont très limitées. Si l'on ne veut pas de ces gens à London, en Ontario, où le taux de chômage est l'un des plus bas de toutes les villes canadiennes, qui en voudra? Si la politique de la Banque du Canada et du ministère des Finances comprend un taux déterminé de chômage - sinon nous risquons une flambée inflationniste qui dévastera notre pauvre économie, et c'est le mantra qu'on entend depuis longtemps dans cette ville - alors qu'est-ce que les gens doivent faire? Où les veut-on dans l'économie?

Ce sont des questions très graves auxquelles les rédacteurs de ce projet de loi n'ont pas bien répondu, je pense. On a agi pour d'autres raisons, à la fois par une sorte de puritanisme punitif, ou quelle que soit l'expression que vous voulez utiliser, et parce qu'on a trouvé une cible commode pour réduire les dépenses sans merci.

Il y a quelques documents portant sur l'assurance-chômage qui contenaient des choses très positives et très valables. L'un de ces documents est l'oeuvre du groupe de travail spécial qui a parcouru le pays, à la demande de M. Axworthy, qui était alors le ministre responsable, il y a un peu plus d'un an, je pense, ou peut-être un an et demi. Ce groupe a fait un travail très poussé. Je faisais partie d'un groupe de discussion qui s'est réuni pendant trois heures ou trois heures et demie. Ce groupe de discussion a tenu des réunions semblables aux quatre coins du pays et a rédigé un excellent mémoire dans lequel on décrit et analyse la nature des industries saisonnières du pays, le rôle qu'elles jouent dans l'économie, leur impact, les emplois qu'elles créent, dont plusieurs sont des emplois à l'année dans le secteur des services, comme je l'ai dit tout à l'heure.

Il doit y avoir des gens au ministère des Finances et au ministère du Développement des ressources humaines qui ont été horrifiés à la vue du document final, car on l'a jeté à la poubelle. On ne l'a pas vu et on n'en a jamais entendu parler depuis sa publication; il en a été question pendant deux ou trois jours seulement.

Un deuxième document, qui propose un véritable plan pour modifier l'assurance-chômage des pêcheurs et qui formule aussi des suggestions pour éliminer certains des aspects dissuasifs en ce qui concerne les travailleurs des usines de transformation du poisson, c'est le rapport du Groupe d'étude sur les revenus et l'adaptation des pêches de l'Atlantique. C'était un groupe de travail fédéral. C'était il y a près de deux ans et demi maintenant, je crois, et, encore là, on laisse le rapport s'empoussiérer.

Je vous dis franchement que je suis horrifié par la façon dont les choses ont évolué. Nos ancêtres, à une époque plus difficile que celle où nous vivons aujourd'hui, ont créé des programmes dans notre pays, et il a réellement fallu une volonté nationale pour tenter d'instituer de tels programmes. Je vous dis franchement qu'à mon avis certaines de ces personnes seraient absolument horrifiées de voir ce qui se passe dans le pays à l'heure actuelle, de voir comment nous avons laissé tout cela tomber pour nous américaniser davantage.

Je pense que l'esprit de tolérance et de partage sur lequel s'est édifié notre pays est vraiment ce qui nous a distingués de nos voisins du Sud. Je ne pense pas que notre génération ait le droit de se débarrasser de ce que les générations précédentes de Canadiens se sont efforcées d'édifier à une époque beaucoup plus difficile que celle dans laquelle nous vivons présentement.

Je demande donc, je suppose, que le Sénat fasse ce que nos représentants élus n'ont pas su faire, c'est-à-dire que vous recommandiez des mesures pour réduire les difficultés excessives que le projet de loi, dans son libellé actuel, causera aux Canadiens et que vous renvoyiez à la Chambre des communes le projet de loi modifié, de manière à l'humaniser un peu, car il manque singulièrement d'humanité actuellement.

Le sénateur Rompkey: Je souhaite la bienvenue à monsieur McCurdy et je le remercie de son exposé. Je commencerai par fixer la barre assez haut, en particulier dans certains domaines.

Le sénateur Phillips a également soulevé cette question à quelques reprises: le sort de la collectivité rurale canadienne qui n'a qu'une seule industrie et qui offre très peu d'autres possibilités. Je pense que c'est un aspect que nous devons examiner. Vous avez tout à fait raison, je pense, de dire qu'il y a des collectivités qui se trouvent dans cette situation, que nous ne sommes pas certains de l'incidence qu'aura la loi sur elles, et que le ministre ainsi que le ministère devraient y porter une attention spéciale, dorénavant, afin de vérifier quelle sera cette incidence. Notre comité pourrait peut-être inviter le ministre à examiner la situation de ce genre de collectivités, où les gens ne peuvent pas trouver de solutions de rechange, sans que ce soit leur faute.

Je voulais vous poser une question au sujet de la réduction de 15 p. 100 à Terre-Neuve et au Labrador. Je suppose que c'est avant le réinvestissement des crédits. Terre-Neuve aura sa part du réinvestissement de 800 millions de dollars, de même que sa part du fonds de transition de 350 millions de dollars. Si je comprends bien, la réduction passerait ainsi de 15 p. 100 à 5 p. 100. Nous ne sommes pas certains de l'impact éventuel de cette mesure, mais vous soutenez qu'il sera négatif.

Je veux vous poser une question au sujet de ce réinvestissement, de l'argent qui doit être réinvesti sous forme de supplément de rémunération, d'aide à la formation et au travail indépendant. Je me souviens d'être allé en Allemagne il y a une quinzaine d'années et d'avoir constaté qu'on y faisait alors une telle réaffectation des fonds. N'est-ce pas une mesure positive et n'aura-t-elle pas des effets positifs?

M. McCurdy: Premièrement, la question qu'il faudrait poser est celle-ci: notre pays veut-il que le Labrador ait une population? Voulons-nous que des gens vivent et travaillent dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, au Cap-Breton et dans le Nord de l'Ontario et du Québec, c'est-à-dire dans des régions isolées, où le travail est davantage saisonnier, où les industries qui ont contribué au peuplement de ces régions sont de nature saisonnière? Le voulons-nous ou non? Si la réponse est non, au lieu de proposer un projet de loi et d'essayer de dorer la pilule, nous devrions dire que nous en avons assez d'aider les gens qui vivent dans des endroits comme la côte du Labrador.

En ce qui concerne la question de la formation, si vous commencez à vous occuper des gens lorsqu'ils sont encore jeunes et si vous leur donnez cette possibilité - je vous raconterai l'histoire d'un homme de 62 ans - ceux qui profiteront de cette instruction et de cette formation seront évidemment mieux placés que ceux qui n'en profiteront pas et auront de meilleures possibilités. Je pense que c'est évident. Il y avait un homme de 62 ans qui avait quitté les bancs de l'école à 14 ans environ, et on l'a convoqué chez un conseiller en orientation pour lui préparer un plan de carrière. Je suppose que c'était une anomalie stupide, que quelqu'un n'avait pas vraiment réfléchi.

Cependant, la discussion concernant la formation ne tient pas compte du fait - et c'est un problème fondamental dans notre pays -, que le premier ministre nous a dit dans un moment de franchise qu'il faut nous habituer au taux de chômage actuel.

Le sénateur Murray: Après les élections.

M. McCurdy: Oui, c'était après les élections. C'est donc une réalité.

Le sénateur Rompkey: Mais ne reconnaît-on pas ainsi simplement un phénomène mondial? N'est-il pas honnête de reconnaître l'existence d'un phénomène mondial?

M. McCurdy: À mon avis, même si ce n'est peut-être pas malhonnête, c'est induire gravement les gens en erreur que de leur dire que gråce à la formation le monde sera à eux. Il y a des gens qui ont suivi formation sur formation, qui possèdent 25 doctorats. Si quelqu'un au Canada avait 25 doctorats... il y a 1,5 million de Canadiens qui ont plusieurs doctorats et qui n'ont pas d'emploi parce que l'économie n'en veut pas. Le ministre des Finances a dit qu'il ne voulait pas voir de nouveau la situation tragique des années 80, où le taux de chômage avait baissé en bas de 8 p. 100. Pourvu que cela ne se reproduise pas!

Les gens s'améliorent peut-être ainsi, mais le fait d'être mieux informé et plus instruit leur fait peut-être ressentir encore plus de frustration; je ne sais pas. Le fait est qu'on ne veut pas de 1,5 million d'entre eux dans l'économie. En outre, nous avons maintenant un projet de loi qui mine considérablement la viabilité d'un autre million environ d'emplois saisonniers dans le pays.

On en arrivera à long terme au point où les usines de transformation du poisson, par exemple, où le travail est saisonnier, deviendront un endroit où les gens trouveront un emploi d'été. Les emplois de cette nature ne seront plus durables, et le contrôle de la qualité en souffrira manifestement.

Pour ce qui est du fonds pour la création d'emplois, tout ce que je peux dire - je fais peut-être erreur -, c'est que je n'ai rien vu jusqu'ici qui le différencierait du type de projets de création ponctuelle d'emplois que nous avons vus ces dernières années, sous une forme ou une autre. Je vous avoue franchement qu'à mon avis les projets de création ponctuelle d'emplois sont beaucoup mieux que pas de travail du tout. Vous ne m'entendrez pas critiquer les fonds de création d'emplois. Je pense que le programme d'infrastructure était bon, comme toute mesure qui donne du travail aux gens. Cependant, tout cela ne concorde pas avec la prémisse fondamentale selon laquelle notre pays ne peut pas tolérer un taux de chômage inférieur à 8, 8,5 ou 9 p. 100.

Le sénateur Rompkey: Le syndicat a bien profité des crédits à la formation et avait son propre programme de formation. Le père McGrath, un autre diplômé de l'Université Saint-François-Xavier, a plus d'expérience que n'importe qui d'autre à cet égard, je suppose. Pouvez-vous évaluer pour nous le succès de cette formation?

M. McCurdy: Il a été inégal. La formation donnée au sein de l'industrie - le perfectionnement, comme nous l'appelons, la professionnalisation des pêcheurs, une idée qu'a faite sienne le groupe de travail que j'ai mentionné sur les revenus et l'adaptation -, s'est révélée en réalité une manière de façonner l'assurance-chômage des pêcheurs. C'est un élément très positif. La formation visant à permettre aux gens de passer à un autre secteur que la pêche a eu ses limites, étant donné la pénurie de possibilités.

Certains ont profité de ce programme. Nous avons organisé un certain nombre de cours de formation différents, pour permettre par exemple à d'anciens pêcheurs au chalut de travailler sur des cåbliers, où ils réussissent très bien. Mais on peut compter ces succès par dizaines seulement, malheureusement, et les personnes qui cherchent du travail se comptent par milliers.

Le sénateur Phillips: Ma première question découle de votre affirmation selon laquelle il était impossible de faire interpréter le règlement concernant les pêcheurs qui perdent leur emploi. Cela me préoccupe. À l'Île-du-Prince-Édouard, la plupart des pêcheurs possèdent leur propre homardier et ont une ou deux personnes qui travaillent pour eux. La seule interprétation que j'ai pu obtenir concernait les cas où la femme du pêcheur déclarait la moitié de la prise; elle doit maintenant prouver qu'elle possède également la moitié du bateau. Pourriez-vous nous parler davantage des demandes de renseignements que vous avez présentées à cet égard?

M. McCurdy: On nous a dit que le règlement concernant les pêcheurs et leurs femmes ne sera pris qu'après l'entrée en vigueur du projet de loi. Un haut fonctionnaire du ministère du Développement des ressources humaines a écrit qu'on a l'intention de faire en sorte que le règlement pris en vertu de la loi ait à peu près la même incidence sur les pêcheurs que sur les autres travailleurs. Je peux vous dire que cette nouvelle a été loin de me rassurer.

On nous a dit que le règlement sera pris après l'adoption du projet de loi C-12. Nous savons déjà cependant que les mesures qui sont déjà dans la loi, comme la disposition relative au maximum de la rémunération assurable, ou qui ont déjà été adoptées, ont eu une incidence très négative. Nous sommes donc très préoccupés par l'incidence de cette mesure. C'est un peu comme le facteur qui était allé à la même maison le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi, et qui s'était fait mordre chaque jour par un chien. On peut difficilement s'étonner qu'il ait été un peu craintif le vendredi. J'estime que les gens qui vont rédiger le règlement s'appliquant aux pêcheurs sont essentiellement les mêmes qui ont rédigé la loi; autrement dit, c'est le même chien qui est là. Nous nous sommes souvent fait rouler et nous sommes dans la même situation que le facteur qui n'a pas vraiment håte de livrer le courrier le vendredi.

Le sénateur Phillips: Je ne pense pas que les pêcheurs, en tant que propriétaires de leur bateau, s'en sont encore rendu compte.

Ma deuxième question concerne les 26 semaines préalables à la présentation d'une demande de prestations d'assurance-chômage. Ce n'est pas la première fois que nous entendons dire qu'une personne qui travaille quelques heures par semaine voit réduire ses prestations; une telle mesure décourage les gens de travailler quelques jours de plus, au lieu de les y encourager. À la fin de la saison de la pêche au homard à l'Île-du-Prince-Édouard, on rappelle très souvent les travailleurs des usines de traitement du poisson pour trois heures par jour pendant trois jours. Les représentants syndicaux ont mentionné le même problème.

Je sais que la Chambre des communes avait de bonnes intentions lorsqu'elle a modifié la loi, mais je ne pense pas qu'elle ait résolu le problème. Pouvez-vous suggérer des amendements que nous pourrions apporter afin de nous attaquer pleinement au problème? Les représentants des syndicats de la construction ont suggéré par exemple que toute semaine de moins de 15 heures de travail ne soit pas comptée, à moins que ce ne soit nécessaire pour atteindre le nombre d'heures requises. Je me demandais ce que vous pensiez d'un amendement de cette nature.

M. McCurdy: Cela serait certainement une amélioration, par rapport à la situation actuelle. Le problème de la femme de Bay Bulls dont je vous ai parlé, la femme qui m'a demandé si elle pouvait travailler le lendemain sans se faire payer, provenait du fait que c'était la deuxième journée de la semaine qu'elle aurait travaillé, et les règles alors en vigueur la pénalisait; même si l'on est rappelé au travail pour trois heures, les prestations s'en trouvent considérablement réduites.

Ce serait une solution. Une autre solution consisterait à permettre aux gens de ne pas compter les semaines qui ne leur sont pas utiles. Si des gens sont rappelés au travail pour une journée, compte tenu du phénomène que vous avez décrit, c'est-à-dire les fins de saison où le travail est très sporadique, ils pourraient accepter de revenir au travail, et d'être rémunérés, mais ils pourraient ne pas compter cette semaine-là - ou quelque chose de ce genre. De cette manière, on ne forcerait personne à perdre de l'argent en acceptant d'aller travailler. Le projet de loi a certainement un caractère pervers en ce sens qu'il va à l'encontre de la notion fondamentale selon laquelle il faut encourager les gens à travailler et les en récompenser.

Le sénateur Phillips: Que pensez-vous de l'idée d'emmagasiner ces heures pour l'année suivante? Si quelqu'un a le nombre nécessaire de semaines pour être admissible, par exemple, et qu'il est rappelé au travail pour une journée à la fin de la saison, alors qu'il n'a pas vraiment besoin de cette journée pour être admissible, il pourrait la mettre en réserve pour l'année suivante. Serait-ce acceptable?

M. McCurdy: L'idée aurait du mérite, mais cela dépend vraiment, je suppose, de ce que l'on considère être l'objet premier de la loi. À un moment donné, la loi semblait avoir pour objet, entre autres choses, de reconnaître qu'il existe des industries saisonnières dans le pays et contribuait à assurer la durabilité des emplois et la contribution de ces personnes à l'économie.

Si l'objectif est de punir les gens qui se trouvent dans cette situation, de les considérer comme des contrevenants et de les traiter en conséquence, la perspective s'en trouve entièrement changée.

Pour autant que je puisse en juger, l'objectif de ce projet de loi est d'être très punitif... et il y a une cible spécifique: les travailleurs saisonniers.

Le sénateur Murray: Monsieur McCurdy, le régime qui s'applique aux travailleurs indépendants se livrant à la pêche est-il prévu présentement dans un règlement ou dans la loi?

M. McCurdy: Dans la loi, on dit en substance que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements établissant un régime d'assurance-chômage applicable aux pêcheurs indépendants. Il y a des aspects de la loi qui s'appliquent automatiquement à eux, c'est-à-dire qu'ils entrent dans certains tableaux par exemple, mais la plupart des règles particulières aux pêcheurs sont contenues dans des règlements, et non pas dans le corps de la loi.

Le sénateur Murray: Les pouvoirs sont donc répartis entre la loi et les règlements pris par le gouverneur en conseil. Je regarde la partie VIII du projet de loi dont nous sommes saisis. Vous étiez certain, par exemple, que la règle de l'intensité et la réduction du maximum de la rémunération assurable, pour ne nommer que deux dispositions du projet de loi, s'appliquaient automatiquement aux pêcheurs indépendants.

M. McCurdy: Je suppose qu'en théorie ils pourraient... Eh bien, j'ignore s'ils le pourraient; si j'ai bien compris, ils font partie du projet de loi dans son ensemble.

Le sénateur Murray: Je vais vous donner l'avis d'un profane à ce sujet; vous devriez voir un avocat pour obtenir un avis professionnel. On lit:

Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre les règlements... applicables aux travailleurs indépendants qui se livrent à la pêche.

Ensuite, après certains exemples montrant ce que cela peut inclure - et vous pouvez me dire si c'est également dans la loi actuelle - on dit:

Le régime établi par les règlements peut, à l'égard de toute question, être différent des dispositions de la présente loi concernant cette question.

J'essaie de vous rassurer. Je pense que vous serez libre d'intervenir même une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Vous pourrez au moins, au nom des pêcheurs indépendants que vous représentez, essayer d'obtenir un régime réglementaire qui pourra différer considérablement des autres dispositions de cette loi, y compris, je dirais, la règle de l'intensité et la disposition relative au maximum de la rémunération assurable, ou toute autre disposition, si j'ai bien compris.

M. McCurdy: Le maximum de la rémunération assurable qui s'est appliqué aux pêcheurs dans le passé a toujours été le même que celui de la loi. En ce qui concerne la règle de l'intensité, ou d'autres dispositions générales, c'est peut-être exact sur le plan technique. Néanmoins, si vous pouviez nous assurer que les rédacteurs des règlements ne seront pas les mêmes que les rédacteurs du projet de loi, je me sentirais beaucoup mieux.

Le sénateur Murray: Mais je vous dis qu'on peut y lire: «à l'égard de toute question»; cela doit vouloir dire quelque chose. C'est à vous d'explorer toutes les possibilités que cela représente. Combien de pêcheurs indépendants font partie de votre organisation?

M. McCurdy: Nous en avons environ 10 000. Cela comprend les membres d'équipage, qui ont tous des conditions différentes de partage. Quelques-uns d'entre eux reçoivent un salaire direct. La plupart d'entre eux ont conclu un accord leur octroyant un pourcentage des prises. C'est donc une combinaison de travailleurs indépendants et de pêcheurs qui travaillent sous la direction d'un propriétaire exploitant.

Le sénateur Murray: Je me demande seulement si, par exemple - je ne vous pose pas la question, je la formule seulement aux fins du compte rendu, pour que quelqu'un puisse me donner le renseignement - lorsque le ministère a fait ses calculs pour déterminer la réduction des prestations en vertu du projet de loi C-12, on a considéré que le projet de loi entier s'appliquerait aux pêcheurs indépendants de Terre-Neuve, pour arriver au chiffre en question. La réduction des prestations doit totaliser 63 millions de dollars l'an prochain, 105 millions de dollars en 2001 et en 2002. Il serait intéressant de savoir si pour obtenir ces chiffres on a calculé les réductions des prestations versées aux pêcheurs indépendants.

Le sénateur Bosa: Je tiens à remercier M. McCurdy d'avoir comparu devant le comité. Avez-vous témoigné aussi devant le comité de la Chambre des communes?

M. McCurdy: En réalité, on m'avait confirmé deux dates. L'une était avant l'ajournement de la Chambre, puis le comité a dû être reconstitué, ou je ne sais plus quoi. On m'a ensuite donné une seconde date après mars, mais cette comparution a été annulée - je devais comparaître à 9 heures le lundi matin, mais on a annulé cette comparution à 16 heures le vendredi après-midi. J'ai essayé d'obtenir une autre date, mais je n'en ai pas eu la possibilité.

Le sénateur Bosa: Dans votre exposé, monsieur McCurdy, vous dites que cette loi constitue une attaque contre les travailleurs des secteurs saisonniers. Cependant, d'après ce que j'ai cru comprendre du projet de loi et ce qu'on m'a expliqué, il semblerait qu'un plus grand nombre de travailleurs seront admissibles en vertu de cette loi et que leurs prestations dureront plus longtemps.

Elle rend admissible un nouveau groupe de personnes qui ne le sont pas en vertu de la loi actuelle. D'après les chiffres que j'ai en main, il y a 45 000 travailleurs saisonniers qui n'ont pas droit aux prestations en vertu du régime d'assurance-chômage, et quelque 270 000 travailleurs recevront des prestations pendant environ trois semaines de plus. Comment donc pouvez-vous justifier une telle déclaration?

M. McCurdy: Premièrement, je pense que les doreurs d'image ont mis beaucoup de zèle à préparer les documents promotionnels accompagnant ce projet de loi. Vous voulez parler de nouveaux prestataires. Il s'agit de gens qui travaillent dans certains secteurs de service et dont la semaine de travail est de moins de 15 heures, ce qui ne leur permettait jamais d'être admissibles. La loi leur donne soudain la chance de l'être.

Eh bien, combien de semaines de 15 heures faut-il pour atteindre 910 heures? Il faut maintenant 910 heures pour être admissible. Si le projet de loi comporte l'avantage de rendre admissibles des gens dont la semaine de travail comporte moins de 15 heures, cela semble signifier qu'il leur faudra 60 semaines environ...

Le sénateur Bosa: Mais on peut faire le calcul sur une période de deux ans.

M. McCurdy: Seulement si l'on parvient à travailler au moins 490 heures la première année, et il faut ensuite travailler au moins 420 heures la deuxième année. Il ne s'agit pas de 910 heures réparties n'importe comment sur une période de deux ans. Il faut avoir travaillé 490 heures la première année, et encore plus, ou plutôt presque autant d'heures, la deuxième année.

Je ne sais pas où se trouvent tous ces gens. Je sais qu'il y a très peu de gens dans notre partie du pays qui ont un horaire de travail semblable. Il peut y en avoir quelques-uns. Il y a des gens qui travaillent en permanence 15 heures par semaine ou moins. Si l'on travaille ainsi en permanence, je suppose, les prestations d'assurance-chômage n'ont peut-être pas alors tellement de pertinence.

Le sénateur Bosa: Je suppose que ce serait une possibilité pour des étudiants.

M. McCurdy: Certains deviendraient peut-être admissibles de cette façon, mais à mon avis leur nombre ne serait pas important. Franchement, les prévisions qui ont été présentées ne m'inspirent pas beaucoup confiance. On a nettement dépassé les prévisions faites pour les changements effectués en 1994. Cela dépend de la thèse qu'on veut défendre.

Les gens sont à la merci des bureaucrates chargés de faire ces prévisions. Le projet de loi présenté en 1994 était censé réaliser certains objectifs. Ce sont les mêmes personnes qui font les estimations. Je pense qu'il y a eu un véritable travail de relations publiques ici.

Le sénateur Bosa: Le ministère a fourni des chiffres précis. Il affirme que 45 000 travailleurs saisonniers supplémentaires seront admissibles aux prestations et que 270 000 travailleurs toucheront environ trois semaines de plus de prestations. Avec les données en leur possession ils peuvent faire des projections.

M. McCurdy: J'espère que ce n'est pas les mêmes personnes, la même direction, qui avaient fait les estimations pour le programme fiscal.

La présidente: Monsieur McCurdy, je vous remercie d'avoir fait votre exposé au comité.

La séance est levée.


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