Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 22 - Témoignages pour le mardi 18 mars 1997
OTTAWA, le mardi 18 mars 1997
Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel est renvoyé le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l'importation et l'étiquetage des produits du tabac, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour en faire l'étude.
Le sénateur Mabel M. DeWare (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous sommes ici ce matin pour étudier le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l'importation et l'étiquetage des produits du tabac.
Nous avons avec nous aujourd'hui Dennis Nolan, directeur de l'enseignement. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Veuillez présenter les étudiants qui vous accompagnent après quoi vous pourrez présenter votre exposé.
Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire ce matin sur ce projet de loi.
M. Dennis Nolan, directeur de l'enseignement, Conseil des écoles séparées catholiques d'Ottawa: Je suis très heureux d'être des vôtres ce matin et d'avoir l'occasion de participer à vos délibérations sur ce projet de loi.
J'aimerais vous parler des trois personnes qui feront la présentation. Je suis accompagné aujourd'hui des principaux chefs de file étudiants de notre système scolaire. Nous avons trois écoles secondaires dans notre système. Les 2 500 ou 2600 étudiants qui en font partie élisent, dans chaque école, un gouvernement étudiant dont les membres forment un conseil étudiant mixte qui est unique dans le système scolaire catholique en Ontario et peut-être même au Canada.
Je suis accompagné aujourd'hui d'Elder Marques, représentant étudiant au conseil d'administration du Conseil des écoles séparées catholiques d'Ottawa; de Jennifer Hopkins, vice-présidente du Conseil étudiant mixte et de Julian Ovens qui est le premier conseiller scolaire étudiant du système scolaire catholique en Ontario. M. Ovens est maintenant président du Conseil étudiant mixte. Nous avons donc avec nous aujourd'hui trois importants chefs de file de notre système scolaire.
L'invitation que vous nous avez transmise de faire connaître nos vues sur ce projet de loi tombe à point nommé car à notre dernière réunion du Conseil étudiant mixte, les étudiants ont discuté de certains problèmes concernant le contrôle des produits du tabac dans les écoles. Nous sommes donc heureux d'avoir l'occasion de le faire.
Nos trois étudiants ont préparé le mémoire qui est devant vous. Ils vont vous le présenter.
Je vais maintenant me taire, ce que M. Ovens et M. Marques apprécient aux réunions du conseil lorsqu'ils peuvent voter et moi pas.
M. Julian Ovens, président, Conseil étudiant mixte: Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.
Nous sommes ici pour représenter les jeunes et parler des répercussions particulières du projet de loi S-5 sur les jeunes Canadiens. Le tabagisme continue d'être un problème grave chez les jeunes au Canada, ce que corroborent d'ailleurs les statistiques de Santé Canada. Selon ces statistiques, le tabagisme chez les adolescents a augmenté de 25 p. 100 depuis 1991. Nous sommes très heureux de constater que le projet de loi S-5 propose des mesures fermes pour remédier à cette situation. La diminution des taxes sur les cigarettes en 1992 a eu des conséquences alarmantes puisqu'elle a entraîné une hausse de l'usage du tabac chez les jeunes et qu'on ne constate aucun signe de diminution.
En réglementant la teneur des produits du tabac, le gouvernement transmettrait un puissant message au public sur les dangers du tabac. En veillant à ce que les seules cigarettes disponibles sur le marché soient celles ayant une faible teneur en nicotine, le gouvernement s'assurerait également que moins de jeunes Canadiens développent une accoutumance à la cigarette. Pour ceux qui fument, l'usage du tabac leur serait moins nocif puisque les cigarettes contiendraient moins de substances cancérigènes. Selon Santé Canada, environ 85 p. 100 des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 16 ans. Le gouvernement aurait donc intérêt à cibler les jeunes dans la campagne qu'il lance pour réduire le tabagisme dans la population générale.
L'image que l'on associe à la cigarette, son prix et sa disponibilité sont autant de facteurs qui influent sur le tabagisme chez les jeunes. Bien des jeunes considèrent que fumer est une activité socialement acceptable et souvent souhaitable. C'est surtout à cause de l'influence des amis que les jeunes commencent à fumer et c'est sans doute durant l'adolescence que l'influence des pairs est la plus marquée. Malgré l'importance de ces facteurs sociaux, nous avons constaté que les adolescents ne sont pas prêts à franchir certaines limites pour avoir accès à des cigarettes abordables.
Au plus fort de la contrebande en 1993-1994, nous avons constaté que ce n'étaient en général pas les jeunes de notre milieu qui achetaient les cigarettes de contrebande, vendues meilleur marché. Cela ne veut pas dire que les jeunes Canadiens hésitent à profiter de la contrebande de cigarettes -- la popularité répandue de la marijuana prouve le contraire -- mais il est important de signaler qu'en général la nature des produits du tabac fait que l'adolescent moyen n'est pas intéressé à les acheter sur le marché noir. Les cigarettes de contrebande lui seraient probablement vendues en cartouches et ce format encombrant constituerait le premier problème pour l'adolescent qui participe à la contrebande ou à la vente de cigarettes illégales.
Par ailleurs, l'existence sur le marché de cigarettes à plus faible teneur en nicotine et en goudron signifie que les jeunes n'éprouveraient pas, pour la plupart, le besoin d'acheter des cigarettes de contrebande puisqu'ils pourraient satisfaire leur besoin de fumer sans courir les risques physiques et légaux inutiles que comporte la contrebande.
Nous estimons que l'adolescent moyen qui fume pour être «cool» serait tout aussi satisfait de fumer une cigarette à teneur réduite en nicotine et en goudron, fabriquée au Canada qu'une cigarette illégale venant des États-Unis. Il y a déjà de nombreux jeunes qui fument les cigarettes légères disponibles sur le marché.
Au bout du compte, les problèmes que représente l'augmentation de la contrebande ne sont rien comparativement aux 40 000 décès annuels au Canada, causés par le tabagisme. L'adoption de ce projet de loi permettrait de réduire considérablement le nombre de décès.
Mlle Jennifer Hopkins, vice-présidente, Conseil étudiant mixte, Conseil des écoles séparées catholiques d'Ottawa: On connaît bien l'influence du prix sur l'usage du tabac, surtout chez les jeunes. De 1981 à 1990, l'usage du tabac chez les jeunes Canadiens a diminué, passant de 40 p. 100 à environ 20 p. 100. Les statistiques gouvernementales indiquent que, de 1985 à 1991, le prix total d'une cartouche de cigarettes a grimpé de 19,50 $ à 47,06 $. Une étude canadienne indique qu'une augmentation de 10 p. 100 du prix relatif des cigarettes a entraîné une diminution de 40 p. 100 du tabagisme chez les jeunes de 15 à 19 ans.
Comme le prix est une variable si importante du tabagisme chez les adolescents, nous estimons que ce projet de loi devrait aller plus loin. Les produits du tabac qui contiennent des taux de nicotine et de goudron juste assez faibles pour être légaux au Canada en vertu du règlement proposé, devraient être frappés d'une taxe plus élevée que les produits dont la teneur en nicotine et en goudron est nettement inférieure au seuil imposé par le gouvernement. Cela encouragerait les adolescents à fumer plutôt des cigarettes dont la teneur en nicotine et en goudron est encore plus faible et aiderait les fumeurs qui essayent ou qui ont déjà essayé de cesser de fumer.
Selon les statistiques de Santé Canada, 80 p. 100 des jeunes fumeurs ont sérieusement songé à cesser et 80 p. 100 d'entre eux ont essayé au moins une fois sérieusement de le faire. Des taxes moins élevées sur les cigarettes moins nocives et moins susceptibles d'engendrer une accoutumance inciteraient ces jeunes à modifier leurs habitudes de fumer. Pour les adolescents qui n'ont pas beaucoup d'argent, les cigarettes plus chères et à plus forte teneur en nicotine et en goudron deviennent également moins intéressantes.
Par conséquent, nous recommandons qu'en plus de réglementer les produits du tabac, le gouvernement impose des taxes plus élevées sur les produits du tabac dont la teneur en nicotine et en goudron n'est pas nettement inférieure à celle exigée par la loi.
Si le projet de loi S-5 n'est pas adopté, nous recommandons que le gouvernement adopte un système d'échelonnement des taxes en vertu des règlements actuels sur la nicotine en imposant des taxes moins élevées sur les cigarettes légères et douces que sur les cigarettes ordinaires.
M. Elder Marques, représentant étudiant au conseil d'administration, Conseil des écoles séparées catholiques d'Ottawa: Le lancement de cigarettes réglementées sur le marché canadien serait une mesure positive parce que ces produits du tabac seraient moins nocifs et moins susceptibles d'engendrer une accoutumance et seraient par conséquent plus sûrs pour le consommateur. Nous craignons toutefois que les compagnies de tabac profitent du fait que leurs produits soient désormais considérés «plus sûrs» pour modifier leur mise en marché. À moins que la publicité entourant les nouvelles cigarettes réglementées fasse l'objet de mécanismes de contrôle stricts, nous craignons que le nombre de jeunes qui commencent à fumer, surtout les pré-adolescents, augmente.
C'est pourquoi nous recommandons la création de lignes directrices rigoureuses concernant l'étiquetage des produits du tabac, particulièrement en ce qui concerne l'utilisation des adjectifs «légères», «douces» et toute variante de l'adjectif «sûres».
De plus, nous recommandons que le gouvernement continue à s'opposer vigoureusement à la publicité des cigarettes, axée sur le style de vie.
Nous estimons également que grâce à des campagnes efficaces contre le tabagisme dans l'ensemble du Canada, il est possible de répandre effectivement le message que les nouvelles cigarettes réglementées ne sont pas sûres mais simplement moins nocives. Selon Santé Canada, 91 p. 100 des jeunes croient que le tabac engendre une accoutumance, ce qui témoigne de l'efficacité de certaines campagnes de sensibilisation aux méfaits du tabac. À l'avenir, il faudrait continuer à faire des campagnes pour s'assurer que les jeunes sont conscients des méfaits du tabac réglementé.
En conclusion, nous vous exhortons à appuyer l'approche novatrice proposée par le projet de loi S-5 en ce qui concerne l'usage du tabac au Canada. Nous reconnaissons que l'un des objets du projet de loi est de protéger les jeunes Canadiens et nous louons cette stratégie de lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Nous sommes tous très conscients qu'on commence souvent à fumer très jeune. On ne peut que se réjouir de toute mesure destinée à diminuer les risques d'accoutumance à la nicotine et à réduire les méfaits du tabac.
Le tabagisme est lourd de conséquences pour la société canadienne tant sur le plan de l'argent consacré aux soins de santé que sur le plan des tragédies personnelles qu'il provoque. Nous espérons que nos commentaires vous auront été utiles et que vous étudierez sérieusement nos recommandations.
Nous vous remercions de donner à des jeunes comme nous l'occasion de contribuer au processus de prise de décision sur les questions qui nous touchent.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
La présidente: Vous avez parlé des raisons pour lesquelles les jeunes commencent à fumer. À quel niveau du système scolaire devrions-nous, à votre avis, commencer une campagne de sensibilisation aux méfaits du tabac auprès des jeunes? Si nous visons les jeunes de neuf ou dix ans, c'est-à-dire l'âge auquel nous savons qu'ils commencent à fumer, ne ferons-nous que susciter leur intérêt pour la cigarette?
M. Ovens: Les jeunes grandissent très vite de nos jours. Des campagnes accrues sur les méfaits de la cigarette ne seraient pas leur première introduction à l'existence des cigarettes. Ils regardent la télévision depuis qu'ils sont très jeunes et voient des annonces et des émissions où les gens fument. Ce ne serait pas la première fois qu'ils y seraient exposés.
Je trouve étonnant par ailleurs que les statistiques indiquent que les enfants commencent à fumer à un très jeune âge, c'est-à-dire à 11, 12 et 13 ans et même encore plus jeunes. Mon jeune frère m'a dit qu'un élève de sixième année fume. En sixième année, les élèves ont 10 ou 11 ans.
Je vous encourage à envisager sérieusement de lancer des campagnes qui s'adressent à de très jeunes enfants. Cela ne serait absolument pas traumatisant et ne peut que les aider.
La présidente: L'usage du tabac a-t-il diminué parmi le groupe dont vous faites partie?
M. Ovens: Non. J'ai constaté une augmentation depuis que le prix des cigarettes a baissé.
Mlle Hopkins: J'ai une amie qui a déménagé à Winnipeg il y a environ un an. Elle a commencé à fumer ici parce que les cigarettes étaient moins chères. À Winnipeg, elles sont beaucoup plus chères -- environ 8 $ le paquet. Le premier mois qui a suivi son arrivée, elle a été obligée de cesser tout simplement parce qu'elle n'avait plus les moyens de continuer à fumer.
J'ai fait un petit sondage auprès des élèves de la même année que moi. La majorité d'entre eux ont cessé de fumer lorsque le prix des cigarettes a augmenté et ont recommencé lorsque le prix a diminué.
M. Ovens: En ce qui concerne certaines choses, l'argent est un facteur important pour les jeunes. Comme nous l'avons dit, 80 p. 100 des adolescents ont songé à cesser de fumer et 80 p. 100 d'entre eux ont essayé de cesser. L'augmentation des taxes serait un facteur de plus qui les inciterait à cesser de fumer. C'est un facteur dont tiennent compte les jeunes.
Le sénateur Haidasz: J'aimerais féliciter les représentants du Conseil des écoles séparées catholiques d'Ottawa qui ont comparu ici ce matin. Vous savez sans doute que j'ai parrainé ce projet de loi. C'est le cinquième projet de loi que je parraine au Sénat depuis 20 ans.
J'ai été frappé d'apprendre que certains jeunes commencent à fumer dès la septième année, lorsqu'ils n'ont que 11 ans. Où se procurent-ils ces cigarettes? Comme vous le savez, on ne peut pas acheter de cigarettes à moins d'avoir 18 ans ou plus.
Mlle Hopkins: Certains volent des cigarettes de leurs parents, si leurs parents fument. Je ne crois pas que ce soit très difficile. J'ai vu des élèves de septième et de huitième années fumer à mon école, l'école secondaire Immaculata. Je ne pense pas qu'il soit si difficile que ça de se procurer des cigarettes, que ce soit d'un magasin ou d'ailleurs. Ils semblent toujours trouver le moyen de s'en procurer. Nous les voyons fumer. Ils ne volent pas tout un paquet de cigarettes à leurs parents. Ils les achètent au magasin. Lorsqu'il s'agit d'élèves de sixième année, qui sont très jeunes, je suppose que ce sont les cigarettes de leurs parents.
M. Marques: Malgré les règlements et tous les obstacles imposés, l'accès aux cigarettes est probablement le moindre de leur problème. Il ne fait aucun doute que le prix a une grande influence. Cependant, ceux qui fument au primaire et au secondaire n'ont habituellement pas tellement de difficulté à se procurer des cigarettes. Ils peuvent s'en procurer d'amis plus âgés, de fumeurs plus âgés ou de leurs parents, comme on l'a mentionné. L'accès n'est pratiquement jamais un problème.
M. Ovens: Il paraît que les élèves de huitième année qui sont grands pour leur âge peuvent acheter des cigarettes aux magasins du coin.
Dans la documentation sur le sujet, on constate que les petits paquets de cigarettes ont été interdits pendant plusieurs années. Je me souviens lorsque j'étais en septième ou en huitième année, les magasins du coin vendaient des cigarettes à la pièce aux élèves, ce qui est illégal. Combien d'activités illégales venons-nous de mentionner?
La présidente: À votre avis, le projet de loi C-71, qui prescrit qu'il faut avoir 18 ans pour acheter des cigarettes et qu'il faut présenter une carte d'identité sera-t-il efficace?
Mlle Hopkins: Certains magasins du coin refusent de vendre des cigarettes aux jeunes et demanderont la carte d'identité. Il n'est pas difficile par exemple de demander à un étudiant plus âgé qui fume d'acheter des cigarettes. Ces étudiants sont indulgents envers les plus jeunes, parce qu'ils se souviennent de l'époque où un étudiant plus âgé leur achetait des cigarettes. C'est ce qu'ils feront eux aussi en empochant un petit peu d'argent pour leur service.
M. Marques: Ce projet de loi ne peut pas causer de tort, non plus. Même s'il n'est que légèrement efficace, il pourrait faire changer les choses.
M. Nolan: Les gens de mon âge l'ignorent peut-être, mais il est très facile d'obtenir et d'utiliser de fausses cartes d'identité pour tricher sur son âge. Mon fils m'expliquait hier à quoi d'autre elles pouvaient servir. Comme il a 19 ans, il n'a plus à le faire. C'est une possibilité même si la plupart des jeunes n'y ont pas recours. Si nous arrivons à faire appliquer les meusres proposées, cela en vaudra réellement la peine.
Le sénateur Haidasz: À ce sujet, j'aimerais savoir quelle pièce d'identité peut demander le commerçant. Y a-t-il seulement une pièce d'identité à présenter, comme le certificat de naissance? Quel papier d'identité demande-t-on?
M. Ovens: Je suis sûr qu'il faut produire une carte d'identité avec photo. Pour ce qui est de demander aux jeunes de fournir une pièce d'identité, si le projet de loi C-71 est adopté -- je n'en connais pas les détails -- et s'il renferme des lignes directrices rigoureuses qui exigent que l'on demande aux jeunes de produire une pièce d'identité, alors c'est formidable. Il faudrait que ces dispositions soient rigoureusement respectées et que d'importants changements soient apportés à la façon dont on procède à l'heure actuelle.
Lorsque vous entrez dans un magasin du coin, vous voyez un gros écriteau avec le chiffre «19» barré par un «X». Parfois, on ne demande pas de pièce d'identité. À l'heure actuelle, je ne crois pas que les jeunes respectent vraiment cette interdiction parce qu'elle n'est pas souvent appliquée. Il arrive qu'elle le soit.
Mon patron qui a 27 ans et qui paraît jeune s'est déjà vu demander ses papiers d'identité. C'est un exemple de vigilance exagérée, puisque généralement, aucune question n'est posée.
Le sénateur Haidasz: Cela nous permet donc de conclure que les mesures d'application sont relâchées, voire même inexistantes.
Étant donné que les élèves commencent à fumer en septième année, étant donné l'effet nuisible des cigarettes qui peuvent causer de nombreuses maladies chroniques et, enfin, étant donné que si l'on fume beaucoup de cigarettes pendant 20 ans ou plus, on peut finir par mourir d'une maladie liée à la consommation du tabac, propose-t-on dans les conseils scolaires d'Ottawa des cours ou des conférences traitant expressément de la nécessité d'arrêter de fumer? Y a-t-il des cours portant sur les effets du tabac où on explique les lois actuelles et présente les statistiques du ministère de la Santé démontrant les effets nocifs du tabac? Des cours particuliers sont-ils offerts dans votre conseil scolaire?
M. Ovens: J'aimerais faire deux remarques. Premièrement, tous les élèves de l'école secondaire doivent suivre un cours d'éducation physique et de santé avant d'obtenir leur diplôme. Souvent dans ce cours -- ou en septième et huitième années, avant le niveau secondaire --, on traite de questions comme la santé sexuelle, les drogues illégales, l'usage du tabac, la consommation de l'alcool, et cetera. Ces questions abordées entre la septième et la neuvième années s'adressent donc aux élèves âgés de 11 à 15 ans environ.
Deuxièmement, des infirmières de la santé publique -- du moins à Ottawa -- sont affectées dans les écoles. Vous êtes bien sûr au courant des restrictions budgétaires des municipalités. Par conséquent, une infirmière de la santé publique est affectée dans près de 12 écoles. Son travail est donc bien éparpillé.
Nous avons eu le programme «Une vie 100 fumer», parrainé par le gouvernement fédéral, que l'infirmière a essayé d'implanter dans notre école. Je ne sais pas vraiment s'il a porté fruit. Je me souviens qu'une des activités proposées consistait à échanger des cigarettes contre la possibilité de gagner des CD et autres objets du genre. Il y a eu un concours. Des activités sont donc organisées.
M. Marques: La sensibilisation a donné d'assez bons résultats. La plupart des jeunes comprennent les risques qu'ils prennent. Pour quelque raison que ce soit -- j'imagine, des facteurs sociaux essentiellement --, ils choisissent de ne pas en tenir compte. Ils sont pourtant sensibilisés dès le niveau primaire. Par exemple, j'ai un petit frère à l'école élémentaire qui pense que fumer est quelque chose d'affreux. L'endoctrinement se fait donc dès le plus jeune âge, ce qui donne à mon avis des résultats assez positifs. C'est probablement la plus grande différence qui existe entre la situation actuelle, et celle d'il y a 10 ans ou plus. La sensibilisation a donné des résultats. Il est important d'examiner pourquoi, malgré des campagnes réussies de sensibilisation, les adolescents continuent à fumer.
M. Ovens: Des enfants de 10 ou 11 ans demandent à leur mère, à leur père ou à l'ami de leur mère pourquoi ils fument. Parfois, cette personne se met sur la défensive. Parfois cela lui rappelle qu'effectivement il y a des enfants dans la maison. Les jeunes ont parfaitement conscience du problème. Près de 91 p. 100 des adolescents savent que la cigarette crée un phénomène d'accoutumance. Toutefois, d'autres facteurs entrent en ligne de compte.
Le sénateur Haidasz: Pouvons-nous dire qu'il est interdit de fumer sur les terrains et dans les édifices de toutes les écoles d'Ottawa?
M. Nolan: Oui. En vertu d'une loi ontarienne, il est interdit de fumer à l'école, ce qui englobe autant les terrains que les édifices. Nous appliquons cette loi. Nous avons 31 écoles et j'espère que la loi y est bien appliquée.
Cela crée un problème. Comme je l'ai dit dans l'introduction, lorsque vous forcez les jeunes à sortir de l'école, vous les forcez à aller sur la propriété d'autrui. Ils se retrouvent dans la rue, en plein milieu de la circulation ou à traverser les rues. Les voisins ont du mal à le supporter. Il y a donc effectivement interdiction de fumer dans certains endroits. Certains jeunes doivent traverser ce couloir de fumée lorsqu'ils vont à l'école et cela pose un autre problème. Chacun de nos directeurs s'emploie à appliquer la loi du mieux qu'il le peut.
Le sénateur Haidasz: Merci pour vos réponses et pour votre mémoire. Merci également pour votre idée originale relative à une taxe échelonnée en fonction de la concentration en nicotine.
Le sénateur Losier-Cool: Merci d'avoir répondu à notre invitation. Je vous félicite pour votre mémoire. Ma question se rapporte à ce qu'a dit le sénateur Haidasz au sujet de programmes efficaces.
J'ai parlé hier à un groupe de 100 élèves de diverses écoles de tout le Canada qui étaient au Centre Terry Fox. Ils ont parlé du projet de loi C-71 et de la question du tabac. En général, ils ont dit qu'il faudrait proposer davantage de programmes de sensibilisation. Je leur ai dit que si nous voulons une société où personne ne fume, nous avons besoin de l'aide de la jeune génération et de celle de jeunes comme eux. D'après les statistiques, c'est à l'adolescence que les gens commencent à fumer.
Outre ce que vous avez dit au sénateur Haidasz -- et si l'on se rapporte également à la page 5 de votre mémoire -- des cigarettes sans risques, cela n'existe pas. Vous le soulignez. Les élèves semblent faire la différence entre une cigarette légère et une cigarette douce, comme vous le dites dans votre mémoire. Ils connaissent l'existence des cigarettes douces et si c'est ce qu'ils veulent, c'est ce qu'ils vont choisir. Si fumer est un acte social, une cigarette douce suffit.
Le coût des cigarettes est-il le facteur le plus dissuasif pour les jeunes? J'ai demandé hier à une jeune ce qui l'inciaterait à arrêter de fumer?» Tout en étant au courant de tout, elle ne veut tout simplement pas arrêter. Le coût est-il le facteur déterminant?
Mlle Hopkins: Je crois que le coût serait le facteur le plus déterminant. La plupart des adolescents n'ont pas beaucoup d'argent. S'ils en ont, c'est parce qu'ils reçoivent une allocation ou qu'ils ont un emploi à temps partiel. Peu importe que vous leur disiez que fumer est mauvais et que vous leur inculquiez pareille notion dès leur plus jeune âge. Même à la maternelle, les élèves savent que fumer n'est pas bon. Je connais un enfant de huit ans qui, pour Noël, voudrait que sa mère cesse de fumer. Il lui a apporté toutes sortes de brochures sur l'effet nocif du tabac.
Les adolescents qui fument savent que c'est mauvais pour eux. Je crois que le coût est ce qui les forcerait à arrêter. En effet, s'ils ne peuvent plus se payer de cigarettes, ils seront bien obligés de cesser de fumer.
Le sénateur Losier-Cool: Si nous optons pour un programme de sensibilisation, comme nous le faisons dans certains cas, pourrions-nous y ajouter d'autres éléments? D'après les statistiques, les jeunes filles fument parce qu'elles veulent imiter les garçons ou parce qu'elles veulent se donner plus d'importance. Faudrait-il mettre l'accent sur les valeurs sociales?
Mlle Hopkins: Si beaucoup de filles fument, c'est aussi parce qu'elles pensent que cela coupe l'appétit, ce qui leur permet d'être minces comme les mannequins. Il suffit de feuilleter des magazines de mode pour voir que plusieurs des mannequins les plus célèbres sont présentés une cigarette à la main. Je dirais que la majorité des filles fument pour des raisons sociales et aussi parce qu'elles pensent que cela coupe l'appétit et leur permet donc de garder la ligne.
Le sénateur Losier-Cool: Les valeurs sociales sont donc très importantes.
M. Nolan: Les jeunes gens ont parlé ici du programme «Une vie 100 fumer» et de divers autres programmes. Nous nous plaçons ici dans une perspective ontarienne, mais autant le gouvernement canadien que le gouvernement ontarien ont offert des programmes au fil des ans pour lutter contre l'usage du tabac. Les élèves ont raison. Très jeunes, les enfants disent à leurs parents qu'ils ne veulent plus les voir fumer, parce que, très tôt, l'école ou le ministère de la Santé -- ou une combinaison des deux -- avec ou sans appui provincial ou fédéral, leur présente les dangers du tabac. Ces enfants voient des exemples et des diapositives horribles.
Le problème que posent ces programmes -- et je les qualifierais de programmes favorisant de saines habitudes de vie --, c'est qu'ils sont temporaires. Personne ne semble vouloir les implanter véritablement dans les programmes d'enseignement. On peut avoir un excellent programme pendant trois ans; le conseil scolaire peut être prêt à le financer pendant quelques années et ensuite vous êtes censés continuer à l'offrir tout en faisant 50 000 mille autres choses.
Le sénateur Losier-Cool: Ce sont les premiers programmes à être touchés par les compressions.
M. Nolan: C'est exact. Il vaudrait mieux un programme bien établi qu'un programme temporaire.
M. Ovens: Nous avons montré aujourd'hui -- et il semble que nous en soyons tous conscients -- que l'usage du tabac est causé par une combinaison de facteurs. Comme l'a dit Mme Hopkins, les jeunes femmes pensent qu'il faut être mince pour être en bonne santé. Il faut donc aborder la santé de façon globale. Par exemple, il est important d'avoir le poids corporel qui convient et de ne pas fumer.
En même temps, nous pouvons revenir aux vendeurs de cigarettes. Si des règlements stipulent que les jeunes de moins de 19 ans n'ont pas le droit de fumer, que vous êtes propriétaire d'un petit magasin et que vous avez des problèmes économiques pour diverses raisons, vous allez en arriver à la conclusion suivante: «C'est une question de survie, soit je fais faillite, soit je vends des cigarettes aux jeunes.»
Le sénateur Losier-Cool: Pour résumer, vous dites que le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi S-5, représente un moyen, parmi tant d'autres, de diminuer la consommation du tabac dans le cadre d'un bon programme de lutte antitabac.
M. Marques: J'ajouterais que l'approche prise dans ce projet de loi sous-entend une intensification des campagnes de sensibilisation. Nous craignons -- et nous en avons parlé longuement -- que si l'on arrive à fabriquer une cigarette qui n'est pas sans risques, mais qui présente moins de risques, on supprime une partie de la peur qui a été inculquée chez les jeunes. Si l'on prend des mesures imposant une certaine concentration peu élevée de nicotine ou de goudron, il est clair qu'il ne s'agit pas de cigarettes sans risques et qu'elles ne représentent pas un choix de santé par opposition au fait de ne pas fumer du tout. C'est ce que nous soulignons à la fin de notre mémoire. La commercialisation des cigarettes doit être strictement réglementée de manière que toutes ne soient pas tout à coup qualifiées de «légères».
La présidente: Ou sans risques.
M. Marques: Oui.
Le sénateur Losier-Cool: C'est risqué.
Le sénateur Doyle: Merci d'avoir répondu à notre invitation. J'en reviens à la question de la publicité. N'y a-t-il pas là un attrait négatif, à savoir que ceux qui fument semblent plus audacieux, plus raffinés, ont davantage l'expérience du monde ou sont plus adultes, et cetera?
M. Ovens: Le problème découle en grande partie des pressions sociales. Pour les filles, l'un des facteurs c'est que, effectivement, elles pensent que fumer leur permet de garder la ligne, mais pour les garçons comme pour les filles, fumer est toujours quelque chose de «cool». C'est acceptable. Ce n'est pas quelque chose de sale. On ne les harcèle pas sans cesse en leur disant que c'est dangereux. Je ne sais pas si les expressions «qui ont l'expérience du monde» ou «qui sont raffinés» sont les bonnes, mais, effectivement, c'est «cool» de fumer. C'est souvent la façon dont c'est perçu.
Mlle Hopkins: Dans notre école, les élèves du CPO ou de 12e année qui fument, ont commencé à fumer en 7e, 8e ou 9e année au plus tard. Je ne connais personne qui ait commencé à fumer après la 10e année. Ceux qui ne fument pas maintenant sont très sensibilisés aux questions de santé et n'aiment pas que l'on fume autour d'eux.
Au restaurant, les jeunes demandent habituellement s'ils peuvent fumer, car ils savent que d'autres ne veulent pas respirer leur fumée. Ce sont les personnes plus âgées qui allument leur cigarette sans rien demander. Les adolescents y pensent à deux fois, parce qu'ils ont conscience des problèmes de santé, puisqu'on leur en parle tous les jours. Ils commencent à fumer jeunes, car lorsque l'on a 13 ans, on veut en avoir 16 et on pense avoir l'air plus âgé si l'on fume.
M. Ovens: Il arrive aussi que des élèves laissent entendre que comme ils ont un examen, ils doivent fumer pour se calmer. Cela n'est pas dit de manière explicite.
M. Marques: Cela donne une certaine importance. Cela peut sembler ridicule, mais beaucoup d'adolescents se sentent adultes lorsqu'ils disent: «Je suis tellement stressé ce matin, j'ai besoin d'un grand café et d'une bonne cigarette.» Cela présente un certain attrait. «La vie est difficile, et j'ai besoin de fumer pour la supporter.»
C'est quelque chose qu'il n'est pas facile de contrer et de changer. Le coût est certainement un facteur dissuasif: «Si je ne peux pas me payer de cigarettes, autant m'en passer.»
Au sujet des cigarettes de contrebande, d'après notre expérience, le problème de contrebande a été exagéré.
La présidente: Il a été exagéré dans le cas des jeunes?
M. Marques: Absolument. Le coût est ce qui permettra de tout changer. On ne peut pas faire grand-chose pour les fumeurs rebelles. La sensibilisation est une chose, mais il est difficile de vraiment changer cette réalité. Le facteur coût est certainement ce qu'il y a de plus dissuasif.
Mlle Hopkins: Un autre bon élément du projet de loi, c'est qu'il force les jeunes à ne pas avoir d'autre choix que de fumer les cigarettes plus légères. S'ils veulent fumer et si les seules cigarettes vendues sont plus légères que celles qui sont vendues actuellement, ils n'auront pas d'autre choix que d'acheter celles-ci. Comprenez-vous ce que je veux dire? Même si elles sont plus coûteuses et plus légères pour respecter les normes établies, les fumeurs vont fumer, que vous le vouliez ou non.
Le sénateur Doyle: Ces dernières années, j'ai pris davantage conscience des effets nocifs du tabac pour les raisons que vous avez décrites. Dans les films présentés, 90 p. 100 du temps, les acteurs fument. Plus ils sont jeunes, plus ils fument. Il peut être interdit de fumer au cinéma, mais les modèles de comportement -- dans la mesure où les films continuent d'être très populaires auprès des jeunes -- semblent constamment être présentés avec une cigarette à la main ou à la bouche, et fumer semble être associé à toutes les situations, qu'elles soient dramatiques ou agréables.
Je ne vais pas à des concerts rock, si bien que je ne sais pas ce qui s'y passe et je n'ose pas l'imaginer. Vous êtes des missionnaires. Comment votre message est-il reçu par vos pairs?
M. Ovens: Comme l'a dit Elder Marques, il est très difficile de changer la perception relative aux cigarettes. Vous dites que cette habitude est popularisée dans les médias, au cinéma, et cetera. Il faudra bien plus que quelques projets de loi pour changer cette perception. Qui sait d'ailleurs s'il ne sera jamais possible de la changer?
Quant à nous, vous êtes les premiers à entendre notre message. Nous ne sommes pas un groupe de pression antitabac. Nous sommes un groupe de jeunes gens qui examinent pour la première fois les lois et politiques relatives à l'usage du tabac. Nous avons un conseil étudiant au conseil scolaire. À notre dernière réunion, nous avons parlé de l'un des règlements du conseil et de la province qui interdit de fumer à l'école. Nous avons eu beaucoup de mal à décider s'il fallait demander que l'on modifie la politique. Nous ne voulions pas montrer que fumer est une bonne chose, que c'est acceptable et que le conseil ou l'école ferme les yeux sur ce problème. En même temps, nous examinions des questions de sécurité -- puisque les étudiants fument dans la rue --, et des questions d'image auprès du public, puisque notre école apparaît aux nouvelles chaque fois que les journalistes ont besoin d'un arrière-plan pour parler de l'usage du tabac. Ce sont les points qui ont retenu notre attention. C'est la première fois que nous nous attaquons à la question du tabac.
M. Nolan: Nous ne pouvons pas mettre un terme à ce qui se passe au cinéma et à la télévision. Vous n'êtes pas sans savoir que la plupart de ces programmes viennent de l'étranger. Aucune loi que notre gouvernement pourrait adopter serait en mesure de régler efficacement ce problème. Vous pouvez imaginer la clameur publique si l'on essayait d'interdire l'usage du tabac dans tous les studios de cinéma.
De nos jours plus que jamais, nous essayons, dans le domaine de l'enseignement, de faire en sorte que les jeunes comprennent ce qu'ils voient véritablement lorsqu'ils vont au cinéma; la portée du film dépasse le film lui-même. On y voit des situations dramatiques, mais aussi d'autres activités. Lorsque je regarde un film aujourd'hui, je m'aperçois que les acteurs ne boivent que du Coke et je me demande combien Coke a payé pour commanditer ce film. Chaque cigarette doit être d'une marque particulière. Tout le monde connaît l'existence de ces messages insidieux.
Dans nos cours de média, nos élèves sont considérés comme des consommateurs du produit -- c'est-à-dire du film -- et nous leur apprenons à comprendre ce qu'ils voient, ainsi que les conséquences de telles images sur eux. Une telle approche ne permet pas, à elle seule, de mettre le modèle en question. S'il s'agit d'une personne merveilleuse à laquelle vous voulez ressembler, il est alors «cool» d'agir comme elle, un point c'est tout. Toutefois, des efforts sont faits à cet égard dans le domaine de l'enseignement.
Le sénateur Forest: Si c'est cette question qui vous permet de faire votre première incursion dans le domaine politique, je vous félicite. C'est une question dont les élèves devraient avoir conscience et je pense que vous l'avez très bien traitée.
Je pense que vous avez raison, lorsque vous dites que les jeunes enfants comprennent ce qu'on leur dit au sujet du tabac. Nous avons tous des histoires à raconter. Lorsque je suis revenue hier de l'aéroport, mon chauffeur s'extasiait de ne pas avoir fumé de cigarette depuis trois semaines et cela, grâce à ses enfants. C'est très important. Je vous félicite pour ce que vous faites.
Avez-vous eu l'occasion ou la possibilité d'examiner le projet de loi lui-même? Y a-t-il dans des dispositions particulières des points que vous aimeriez soulever ou votre exposé indique-t-il généralement qu'il serait bon que la concentration d'agents cancérigènes soit moins élevée et que le facteur coût entre en ligne de compte?
M. Marques: Nous avons examiné le projet de loi, lequel a servi de base à notre mémoire. Nous l'avons examiné en détail et ses dispositions nous ont encouragés. Selon nous, il s'agit certainement d'un pas dans la bonne direction. Les autres questions que nous soulevons découlent de nos discussions au sujet du projet de loi.
Après avoir tout examiné de près, nous en concluons qu'il s'agit d'un bon projet de loi. Réglementer la concentration de nicotine et de goudron dans les cigarettes est une bonne idée. Nous vous encourageons donc à appuyer le projet de loi.
Nous avons examiné les divers points à plusieurs reprises et en avons discuté à fond. Au bout du compte, nous appuyons complètement le projet de loi avec nos recommandations.
Le sénateur Forest: J'ai déjà participé à des réunions de conseil scolaire, et cetera; ces discussions se sont-elles déroulées dans le cadre d'une réunion du conseil étudiant? Dans quel forum ces points ont-ils été discutés? À l'exécutif, au conseil scolaire ou en classe?
M. Ovens: Nous avons eu un préavis d'environ deux semaines pour cet exposé, l'une des deux correspondant à notre congé du mois de mars. Malheureusement, nous n'avons pas pu réunir tous les membres des conseils étudiants.
La question de la cigarette a été abordée à notre dernière réunion et nous sommes arrivés à un consensus au sujet de vastes questions comme par exemple l'attitude à adopter au sujet de l'usage du tabac sur les terrains et dans les édifices scolaires. Toutefois, nous n'avons pas discuté du projet de loi devant le comité. Nous sommes l'exécutif. Par conséquent, nous en parlons en tant qu'exécutif.
Au sujet de votre première question, nous avons examiné le projet de loi article par article. Nous ne sommes pas spécialistes en ce qui concerne les sanctions, mais nous avons certainement examiné les articles relatifs à la publicité et à l'étiquetage, ainsi que les règlements relatifs à la nicotine et aux agents cancérogènes.
Il faudrait ajouter quelques articles au projet de loi pour qu'il soit plus précis en matière d'étiquetage. Ainsi, personne ne pourra dire que telle ou telle cigarette est légère, douce ou sans risques. Nous proposons également une taxe échelonnée.
Le sénateur Bosa: J'aimerais faire écho aux remarques de mes collègues et féliciter les élèves. Je félicite également M. Nolan, car je suis sûr que c'est en partie grâce à lui que les élèves comparaissent devant nous aujourd'hui.
L'un de vous a-t-il déjà fumé? N'ayez pas peur de le dire. J'ai déjà fumé comme une cheminée. Il n'y a rien de honteux à ce sujet. Les films que je vois ne sont sans doute pas les mêmes que ceux que voit le sénateur Doyle, car d'après moi, les jeunes acteurs n'y sont pas idéalisés uniquement parce qu'ils fument.
Lorsque j'étais adolescent, ce que je voyais au cinéma m'incitais à fumer. Par exemple, Errol Flynn et tous ces héros, tous les bons, fumaient, tandis que les belles comtesses avaient des porte-cigarettes. Tous ces personnages étaient très séduisants; les mauvais, quant à eux, chiquaient du tabac, soit dit en passant. On était ainsi encouragé à commencer à fumer.
Qu'est-ce qui motive les jeunes gens à fumer aujourd'hui, compte tenu de toute l'information relative aux effets nocifs du tabac à laquelle ils ont accès? La publicité qui passe de temps à autre à la télévision m'aurait considérablement influencé à un jeune âge. Si j'avais vu une publicité démontrant qu'embrasser une personne qui fume équivaut à embrasser un cendrier, cela m'aurait refroidi.
Ce genre de publicité n'incite-t-elle pas les adolescents à ne pas vouloir ressembler à de telles personnes?
M. Marques: Je n'ai moi-même jamais fumé, mais dans notre groupe d'amis, il y a certainement des fumeurs.
Je ne suis pas convaincu au sujet de cette notion d'idéalisation. Il ne sert à rien d'idéaliser l'usage du tabac.
En ce qui concerne l'effet de la publicité, il n'est plus aussi facile de convaincre les adolescents. Dans notre société dominée par les médias, il est courant de dire que le fait de voir des acteurs fumer incite à faire de même ou que le fait de voir des scènes de violence à la télévision pousse à la violence; la société ne fait pas assez confiance aux jeunes.
L'influence de la télévision a pris du recul, car nous avons accès à énormément de médias et voyons beaucoup de choses. Notre génération est peut-être davantage initiée aux médias que les générations précédentes ou même par rapport à il y a quelques années seulement, le mot «génération» semblant un peu trop pompeux. Mon petit frère, qui sera probablement exposé à plus d'images médiatiques, plus de publicité et plus de sites Internet que moi, sera probablement moins touché, parce qu'il aura vu énormément de choses.
Une plus grande initiation aux médias signifie que vous n'allez pas nécessairement vous mettre à fumer lorsque vous voyez quelqu'un fumer à la télévision; cela signifie aussi qu'une publicité antitabac ne va pas non plus vous inciter à cesser de fumer. Nous sommes plus intelligents que cela.
M. Ovens: Il faut dire aussi que fumer la cigarette est devenu si banal que l'on n'y fait pas vraiment attention. Ce n'est pas aussi important. Le spectateur tient pour acquis que les acteurs fument, même s'ils ne fument pas constamment.
Je le répète, 91 p. 100 des jeunes savent que la cigarette crée un phénomène d'accoutumance. Ils savent que ce n'est pas bon pour eux.
La présidente: J'allais soulever ce point, car nous n'avons pas parlé d'accoutumance. J'ai un mari qui fume, alors qu'il devrait bien savoir ce que cela représente. Il est dentiste et il a eu des problèmes de santé, mais il continue de fumer. Pourquoi? Parce qu'il est drogué. Lorsque vous dites que les enfants commencent à fumer en 8e année et qu'ils continuent de le faire en 12e année, c'est parce qu'ils sont dépendants.
M. Ovens: C'est une accoutumance physique. Les jeunes gens se rendent compte que la cigarette crée un tel phénomène et que c'est dangereux. Toutefois, beaucoup de choses présentent des risques. C'est la raison pour laquelle les jeunes semblent toujours rebelles aux yeux de la société. Par exemple, beaucoup de jeunes gens conduisent vite et ont plus d'accidents de la circulation. Ils prennent plus de risques.
Le sénateur Bosa: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que les jeunes sont influençables et qu'ils ne croient pas tout ce qu'ils voient à la télévision, sous prétexte que c'est répétitif, et cetera. Que pensent-ils de la situation actuelle? Il est interdit de fumer dans les restaurants et dans les édifices publics. N'ont-ils pas l'impression de passer pour des lépreux ou d'être mis au ban de la société, étant donné qu'ils doivent fumer à l'extérieur, même s'il fait très froid? Nous voyons ces pauvres gens -- et j'aurais pu me retrouver dans la même situation il y a 20 ans -- fumer à l'extérieur et se geler. N'est-ce pas là un message très direct et productif?
M. Ovens: L'autre jour, nous sommes allés dans l'un de nos restaurants préférés avec plusieurs de nos amis. Sur une affiche à la porte du restaurant, on pouvait lire: «Cet établissement adoptera une politique antitabac à compter du 1er avril.» Le fumeur de notre groupe s'est senti abattu, c'est le moins qu'on puisse dire, mais je ne sais pas ce qu'il a vraiment pensé. Je ne sais pas s'il s'est dit: «Cela veut dire que je suis comme un étranger, que je ne réponds plus à la norme.» Je ne crois pas qu'il ait raisonné de la sorte. Or, c'est selon moi l'objectif visé par tous ces règlements. Toutefois, je ne sais pas si cela fonctionne.
Mlle Hopkins: La majorité des adolescents qui fument ne fument pas depuis assez longtemps. Depuis un an environ, ils ne peuvent plus fumer au Centre Rideau ou dans d'autres lieux publics. Ils ne fument que depuis trois ou quatre ans, si bien que la situation n'est pas catastrophique pour eux. Ils n'ont jamais pu fumer à l'école où ils passent 80 p. 100 de leur temps, ni chez eux. La moitié du temps, ils fument à l'extérieur.
M. Ovens: Ils n'ont toujours connu que cette réalité.
Mlle Hopkins: Oui, ils ont toujours fumé à l'extérieur. Ils n'ont jamais connu l'époque où l'on pouvait fumer dans l'école ou ailleurs.
La présidente: J'aimerais également vous féliciter pour votre mémoire. Vous devriez examiner aussi le projet de loi C-71. Le comité qui s'en occupe souhaitera probablement entendre votre témoignage.
J'aimerais également que l'on parle des élèves qui font beaucoup de sport. Pensez-vous que les élèves qui aiment le sport comme le football, le base-ball, le basket-ball, et cetera. ne fument pas?
Mlle Hopkins: Je dirais que la moitié d'entre eux ont cessé de fumer l'année dernière pendant la saison. Notre chef d'équipe de basket-ball a abandonné pendant notre saison. Beaucoup abandonnent pendant la saison de manière à pouvoir courir plus rapidement, car ils savent que cela fait une différence. Lorsque nous courons autour de l'école, les fumeurs se retrouvent habituellement en queue et disent que c'est parce qu'ils fument. Ils en rient. En fait, cela leur semble comique. Je ne dirais pas que les athlètes soient moins enclins à fumer à moins qu'ils ne prennent au sérieux le sport ou l'activité de leur choix.
Le sénateur Losier-Cool: Peut-on dire que 50 p. 100 des athlètes sont des fumeurs?
Mlle Hopkins: Non.
M. Ovens: Cela dépend de leur niveau de participation.
Mlle Hopkins: Oui, et aussi de l'importance qu'ils attachent au sport qu'ils ont choisi.
M. Ovens: Nous avons un ami qui s'entraîne avec beaucoup de sérieux et de talent au niveau international. Il fait attention à sa santé et ne fume pas. Quant à moi, j'ai déjà fait partie d'une équipe de hockey, dans le cadre d'une ligue locale. On savait bien qu'on n'allait jamais jouer pour la ligue nationale de hockey. Le hockey n'est pas tout dans la vie. On peut jouer dans de telles ligues locales juste pour le plaisir.
La présidente: Certains de nos champions olympiques ou de nos élèves qui ont eu de bons résultats sportifs pourraient-ils servir de modèles de comportement dans les écoles? En d'autres termes, ils pourraient faire des campagnes-éclairs dans les écoles -- comme modèles de comportement. Pensez-vous que cela pourrait se faire?
Mlle Hopkins: Je pense que oui, surtout en ce qui concerne les athlètes. Par exemple, si Donavan Bailey leur disait qu'il ne ferait pas le même temps s'il fumait, et cetera, cela aurait certainement beaucoup plus d'impact. Le fait que l'un de leurs modèles de comportement leur parle des effets nocifs du tabac aurait beaucoup plus de poids. Cela vaudrait beaucoup mieux, je pense, que de demander aux professeurs de dire que fumer n'est pas bon.
M. Ovens: Oui, surtout lorsqu'ils ont des cigarettes dans la poche.
Le sénateur Forest: Sûrement pas!
M. Ovens: Pourtant, c'est déjà arrivé.
La présidente: Je tiens à vous remercier pour votre exposé de ce matin. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous malgré vos études.
La séance est levée.