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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
transports et des communications

Fascicule 3 -- Témoignages


Ottawa, le mardi 7 mai 1996

Conformément à l'ordre de renvoi, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 16 h 30, pour étudier le projet de loi C-14, Loi maintenant l'Office national des transports sous le nom d'Office des transports du Canada, codifiant et remaniant la Loi de 1987 sur les transports nationaux et la Loi sur les chemins de fer et modifiant ou abrogeant certaines lois.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous accueillons M. Ritchie, qui représente CP Rail.

Monsieur Ritchie, voulez-vous nous présenter votre collègue.

M. Rob J. Ritchie, président directeur-général du Réseau CP Rail: Honorables sénateurs, voici mon collègue David Flicker qui, à titre de vice-président des Affaires gouvernementales et publiques de CP Rail suit de près ce qui touche aux politiques et aux règlements sur les chemins de fer.

Il a fallu beaucoup de temps pour que le projet de loi C-14 en arrive à cette étape. Il y a eu de très nombreuses consultations dans tout le Canada avant qu'il ne soit rédigé, et son étude a été ralentie par l'interruption et la prorogation des travaux de la Chambre, de l'hiver dernier. Par contre, la lenteur du processus a permis à tous ceux qui étaient concernés par ce texte de loi d'avoir de nombreuses occasions de se faire entendre.

La notion d'équilibre reste ce qui préoccupe tout le monde. Il a beaucoup été question de la façon dont les expéditeurs perçoivent le projet de loi sur ce plan.

Le projet de loi C-14 est encore et toujours un texte conçu pour les expéditeurs. Il respecte, en grande partie, l'esprit de la mesure précédente, la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Cette loi répondait aux besoins des expéditeurs, et le nouveau projet de loi ne change vraiment pas grand chose à cet égard.

Les chemins de fer canadiens continueront d'être exploités dans un contexte hautement réglementé, bien plus que n'importe quel autre secteur en Amérique du Nord, et la réglementation continuera de faire jouer les forces du marché en faveur des exigences des expéditeurs.

Bon nombre des amendements qui ont découlé du processus de consultation vont à l'encontre des objectifs de l'initiative fédérale de relance du secteur ferroviaire. Si l'on veut réaliser l'objectif principal de cette relance -- la viabilité à long terme du secteur -- il faut cesser d'aller à contre-courant. Tel qu'il est actuellement, le projet de loi établit sans doute, entre les besoins des expéditeurs et ceux des chemins de fer, le seul équilibre qu'il soit possible d'envisager en restant réaliste. Quelles que soient ses lacunes, il est temps d'adopter le projet de loi et de voir ce que cela donnera au contact de la réalité.

Nous appuyons ce projet de loi, même si nous y voyons bien des lacunes qui nous portent à faire des réserves. Il est loin d'être parfait, en particulier en ce qui concerne les questions touchant la viabilité du secteur ferroviaire.

Le problème le plus pressant de CP Rail est d'essayer de maintenir le niveau des dépenses d'investissement pour répondre aux besoins des expéditeurs, alors que notre capacité à cet égard a rapidement diminué.

La LTN de 1987 a largement contribué à ce problème. Elle a encouragé les expéditeurs à croire qu'ils pourraient profiter d'une réglementation qui ferait tomber les prix au-dessous du niveau du marché. Parallèlement, la concurrence et les marchés allaient dans le sens d'une amélioration des services de transport. Malheureusement, on a accordé trop peu d'importance aux investissements qu'il aurait fallu faire dans les chemins de fer.

Le prix des services ferroviaires a certainement baissé. Malgré une tendance régulière à la hausse du prix des marchandises au Canada, les tarifs du fret diminuent depuis le milieu des années 80. Aujourd'hui, l'IPC est d'environ 30 p. 100 supérieur à ce qu'il était en 1986, ce qui montre que les marchés de bon nombre de nos expéditeurs ont connu une forte reprise au cours des dernières années. Cependant, les prix unitaires dans le secteur des chemins de fer sont d'environ 12 p. 100 inférieurs. Il y a donc un écart de 42 p. 100.

La diminution des taux de transport ferroviaire a été une des principales raisons -- et j'en mentionnerai d'autres -- qui nous ont forcés à reporter de nombreuses dépenses nécessaires. Si nous continuons ainsi, les conséquences néfastes que cela aura ne sont pas difficiles à prévoir. Nous ne pourrons tout simplement plus répondre aux besoins des expéditeurs, car il faudrait améliorer la technologie, nous doter d'équipements essentiels et investir dans l'infrastructure.

Les expéditeurs se sont réjouis de la tendance à la baisse des tarifs ferroviaires, mais bon nombre d'entre eux ne se sont pas rendu compte de ce qui se passait sur le plan des investissements. Le lien entre les investissements, d'une part, et les services et les prix, d'autre part, est fondamental. Depuis la fin des années 80, les marges sont trop minces, les coefficients d'exploitation trop élevés et les gains trop faibles. Cela a abouti à une diminution marquée des dépenses d'immobilisations, et nous sommes de moins en moins capables de maintenir le niveau de nos services.

Les chemins de fer requièrent énormément de capital. Les actifs ne sont pas bon marché. Aujourd'hui, par exemple, une locomotive coûte plus de 2 millions de dollars, et nous avons plus de 1 200 locomotives de ligne principale. C'est la flotte la plus ancienne d'Amérique du Nord -- il faut donc la remplacer, et rapidement.

Au cours d'une année type, nos investissements de base doivent être d'au moins 300 millions de dollars; or, nous n'avons pu assumer que la moitié de ces dépenses depuis 1989. Nous avons dû reporter tous les investissements sauf les plus pressants. Un régime de simple subsistance ne peut pas nous permettre de résister à long terme, et le déclin de nos activités se répercutera sur nos employés, nos actionnaires et surtout les expéditeurs canadiens.

Après 1996, il nous faudra répondre aux besoins courants en immobilisations, soit, normalement, environ 300 millions de dollars par an. Nous devons également compenser les dépenses qui ont été reportées. Ces dépenses de rattrapage sont de l'ordre de 150 millions de dollars par an jusqu'à l'an 2000 -- autrement dit, il nous faut, en moyenne, 450 millions de dollars par an, soit presque 2 milliards au total, ce qui représente environ 45 p. 100 de la valeur nette actuelle de nos biens d'investissement.

L'an dernier, nous avons pris le risque de lancer un programme d'immobilisations de plus de 500 millions de dollars, car sans cela, notre présence dans l'industrie était compromise. C'était également une façon de montrer que nous croyions à la relance du rail et à la création d'un climat plus propice aux investissements gråce au projet de loi C-14. Nous ne sommes plus tout à fait aussi convaincus.

Le projet de loi C-14 contient une série de dispositions qui ont trait à la viabilité du rail; mais, dans leur forme actuelle, les éléments du programme de relance du rail, y compris le projet de loi, sont insuffisants pour soutenir nos dépenses d'investissement essentielles. Le projet de loi C-14 reconnaît simplement les faits, c'est-à-dire que le secteur ferroviaire ne peut survivre que si on lui permet d'être commercialement viable. Il ne suffira pas pour cela de remplacer les mécanismes de réglementation des prix et des services par une prétendue «protection des expéditeurs» définie dans la LTN de 1987 et perpétuée dans le projet de loi C-14. Mais il est certain que ces mécanismes ont contribué à notre problème actuel. La LTN de 1987 était censée permettre aux forces du marché de s'exercer. En réalité, la réglementation a fini par l'emporter sur la concurrence. On a eu recours à la réglementation lorsqu'on a pensé que les expéditeurs canadiens avaient besoin d'être protégés, soi-disant parce qu'il n'y avait pas de concurrence dans le secteur des transports.

La législation actuelle part du principe que les expéditeurs sont captifs s'ils ne sont desservis que par le chemin de fer. De fait, la plupart des expéditeurs ne sont pas du tout captifs. Ils ont un choix viable et compétitif entre diverses sociétés de camionnage, entre le transport routier, le rail et le transport par eau et entre différents ports. D'autre part, la concurrence du marché et la concurrence géographique ont des incidences très réelles sur les prix.

Il est évident que les expéditeurs sont nos clients. De fortes pressions s'exercent sur leurs marchés pour faire baisser les prix et améliorer les formules de livraison et le service. Notre destin dépend du leur. Nous ne survivrons que s'ils survivent. Nous devons prendre en compte les conditions dans lesquelles opèrent nos clients et adapter nos prix, car nous luttons ensemble pour conserver nos marchés. C'est une des réalités qui définissent la relation entre le chemin de fer et ses clients. Cela ne peut pas faire l'objet d'une mesure législative.

Nous avons donc adapté nos prix pour tenir compte du fait que nos clients avaient perdu certains marchés; nous l'avons fait avant 1987, et encore plus par la suite. Nos clients ont récupéré bon nombre de ces marchés, mais nos prix n'ont pas suivi. Bien que les tarifs des chemins de fer soient inférieurs à ce qu'aurait permis un marché compétitif efficace, certains expéditeurs veulent des garanties plus solides encore que celles qui étaient prévues dans la LTN de 1987.

La plupart des divergences de vues à propos du projet de loi C-14 ont trait à l'article 27. Certains expéditeurs prétendent que cette disposition va leur enlever tout pouvoir de négociation avec les chemins de fer. Au contraire, cet article tente simplement de rétablir un certain équilibre en prévoyant -- ce que l'on avait voulu faire, sans succès, dans la LTN de 1987 -- le recours à une réglementation des prix et des services pour les expéditeurs qui en ont réellement besoin, soit ceux qui n'ont pas d'autres options de transport et qui subissent un préjudice commercial.

Le projet de loi C-14 n'est pas l'ultime outil de la réforme réglementaire. Il y a fait l'objet de compromis, comme le programme de relance du rail dont il fait partie.

Le projet de loi apporte certaines améliorations. Il reconnaît, pour la première fois, qu'assurer la viabilité économique des modes de transport est une nécessité. L'article 27 peut contribuer à contrôler les interventions de nature réglementaire sur un marché des transports hautement compétitif. La Loi sur les chemins de fer sera abrogée et cela éliminera bon nombre de règlements confus et redondants. Le processus de rationalisation des lignes de chemin de fer a été quelque peu simplifié et ne nécessitera plus la tenue d'audiences publiques longues et coûteuses. Les enquêtes d'intérêt public, peu utilisées ont disparu. En outre, les investisseurs et le financement garanti par les biens d'équipement des chemins de fer canadiens bénéficieront du même niveau de protection que leurs homologues américains en vertu du Code régissant les faillites aux États-Unis.

Mais d'autres éléments du projet de loi sont moins positifs. Les chemins de fer canadiens continueront d'être assujettis à une réglementation plus poussée et plus lourde que leurs concurrents, les sociétés de camionnage et les compagnies ferroviaires américaines. Ces dernières pourront encore tirer profit des dispositions sur l'accès concurrentiel dont le rail canadien ne peut bénéficier dans le cadre de la loi américaine sur les chemins de fer. Les compagnies ferroviaires canadiennes continueront d'être gênées par des obligations en matière de niveaux de service qui sont bien plus lourdes que celles que doivent respecter l'industrie du camionnage et le rail américain en vertu de la common law. On a accordé, sans raison valable, la possibilité de recourir à l'arbitrage -- il serait plus exact de parler de «choix de la dernière offre» -- aux compagnies de chemin de fer assurant au transport de passagers et aux administrations ferroviaires de banlieue. Le champ d'application de l'interconnexion réglementée et des prix de ligne concurrentiels a été encore élargi à l'avantage des expéditeurs, et ces mesures concernent aussi maintenant les lignes ferroviaires de compétence provinciale qui ne sont pas assujetties à toutes les obligations imposées aux transporteurs dépendant des autorités fédérales.

Comme nous l'avons vu, certains expéditeurs estiment que le projet de loi donne trop d'avantages aux chemins de fer. Nous ne sommes pas d'accord. Il ne va pas du tout assez loin. Il n'a pas réussi à établir un équilibre approprié. La nouvelle Loi sur les transports au Canada n'est ni un début ni une fin, mais s'inscrit dans le processus d'élaboration d'une politique moderne qui a été lancé il y a presque 40 ans. Elle doit être considérée par rapport à l'ensemble du programme de relance du rail qui visait essentiellement à remédier aux conditions précaires dans lesquelles se trouve aujourd'hui l'industrie ferroviaire.

J'estime, quant à moi, que la relance du rail sera un succès si l'industrie réussit à attirer des investissements. Mesurées à l'aune de ce critère, les améliorations apportées par le projet de loi C-14 ne permettront pas au RCPR de récupérer le terrain perdu à la suite du report des dépenses d'immobilisations, année après année, depuis 1988, et il est peu probable qu'elles créeront un climat d'investissement propice à l'avenir. Il reste donc un fossé à combler.

Pour ce faire, un des outils les plus importants est le volet du programme de relance du gouvernement que l'on a négligé jusqu'ici, notamment la fiscalité. Les chemins de fer canadiens paient en taxes 75 p. 100 de plus que les compagnies ferroviaires américaines et que les entreprises de camionnage canadiennes ou américaines. Les taxes sur le carburant et les impôts fonciers versés par le rail subventionnent en fait le réseau routier concurrent et ses utilisateurs, alors que les chemins de fer assument en totalité le risque associé aux investissements dans l'infrastructure qu'ils utilisent.

Les politiques d'amortissement des actifs ferroviaires qui sont bien moins favorables que celles qui s'appliquent au réseau routier américain et même à la plupart des autres industries canadiennes accentuent notre désavantage concurrentiel. Compte tenu de l'évolution de plus en plus rapide du commerce et de la technologie, les locomotives, les wagons et l'infrastructure sont déjà désuets, en tant qu'outils compétitifs, bien avant qu'ils ne soient usés. La politique fiscale américaine en tient compte et est conçue en conséquence. Ce n'est pas le cas de la politique fiscale canadienne. Des actifs ferroviaires qui, aux États-Unis seraient totalement amortis dans le cadre de leur structure de déduction à cet effet, ne le sont, au Canada, qu'à 55 p. 100. La modification des politiques fiscales fédérales et provinciales est le chaînon manquant que seuls les gouvernements peuvent mettre en place pour que la relance du rail aboutisse.

Comprenez-moi bien. La politique publique n'est pas le seul domaine où l'on doit apporter des améliorations pour réussir. Je ne consacre pas la plus grande partie de mes journées à planifier l'amélioration des règlements fiscaux. Il faut évidemment apporter d'autres correctifs pour combler le fossé et, en tant que gestionnaires, c'est de cela que nous nous occupons. Nous devons résoudre les graves problèmes structurels et organisationnels.

Au RCPR, nous travaillons très fort en ce sens. De fait, nous sommes en train de procéder à la réorganisation la plus complète de nos activités depuis plus d'un siècle. Plus de 1 700 cadres vont nous quitter cette année. C'est une réduction de plus de 25 p. 100 de notre personnel de cols blancs. Nous devons rationaliser le réseau ferroviaire du Canada. La densité du trafic assuré par nos concurrents américains est beaucoup plus élevée. En 1994, le RCPR a entretenu plus de 50 p. 100 de ses voies pour n'assurer que 5 p. 100 du trafic. Pour rester concurrentiels, nous devons concentrer notre tonnage et nos recettes sur les lignes principales ou essentielles, et éliminer les voies peu utilisées. Nous devons également améliorer la productivité. C'est aussi à cela que nous nous sommes attelés.

En 1994, le RCPR a assuré un trafic de 35 p. 100 supérieur à ce qu'il était en 1980, avec 43 p. 100 d'employés en moins. La productivité s'est donc améliorée de 80 p. 100; mais il reste encore beaucoup à faire. Nous devons établir un partenariat efficace avec les syndicats pour pouvoir exploiter la nouvelle technologie de façon sûre et efficace à l'aube du prochain siècle. Échanger les pratiques d'un autre åge une à une contre des hausses de salaire n'est pas une bonne façon d'exploiter une compagnie de chemin de fer. J'admets que c'est là le plus grand défi que nous ayons à relever. Si le RCPR veut offrir de bons emplois, des emplois satisfaisants, il doit avoir la collaboration des dirigeants syndicaux.

Au RCPR, nous continuerons de faire notre possible pour que la relance du rail devienne une réalité, mais nous ne pourrons pas le faire seuls. Il faut que nous puissions nous appuyer sur les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux dans certains secteurs. Nous ferons notre travail et nous souhaitons que vous fassiez le vôtre. Si le projet de loi C-14 a une chance de faire avancer le programme de relance du rail, il ne faut pas que ses dispositions soient affaiblies. Il est temps d'en faire une loi et d'aller de l'avant.

Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Monsieur Ritchie, je n'ai qu'une seule question à propos de votre exposé, mais je pense que tous ici aimeraient vous la poser.

Les expéditeurs nous ont beaucoup parlé des articles 27(2) et 112. Vous les mentionnez également dans votre mémoire. Pourquoi est-ce si important pour vous que le projet de loi contienne ces articles, alors qu'ils ne figuraient pas dans la loi de 1987?

M. Ritchie: Nous croyons que le projet de loi représente une amélioration parce qu'il reconnaît les lacunes de la loi de 1987. L'Office national des transports a fait beaucoup, depuis 1987, pour faire ressortir les lacunes de la loi. C'est aussi le cas de la Table de consultation de Montréal et de la Table ronde de Vancouver, puisque cela a permis d'établir qu'il était grand temps de s'attaquer au problème de la viabilité du rail. Les participants sont notamment arrivés à la conclusion qu'accéder aux mécanismes de réglementation énoncés dans la loi de 1987 ne devrait pas être donné à tous, en particulier à ceux qui n'en ont pas besoin, c'est-à-dire ceux qui disposent d'autres modes de transport concurrentiels suffisants.

Le sénateur Roberge: Les articles 27(2) et 112 contiennent des expressions qui semblent déranger les expéditeurs, notamment «préjudice commercial important» et «commercialement équitables et raisonnables». Les expéditeurs prétendent que ce sont des expressions subjectives, que l'Office les contesterait, ce qui entraînerait des litiges importants, et que, d'autre part, ils iront plus loin que l'Office, jusqu'à la Cour d'appel ou même la Cour suprême. Cela coûtera énormément d'argent et de temps. Qu'en pensez-vous?

M. Ritchie: Il s'agit d'un nouveau texte de loi, et il va évidemment faire l'objet de contestations; ce n'est pas inhabituel. Je ne pense pas que les termes utilisés soient ambigus ou confus. De fait, ils sont assez clairs, et il y a une liste d'exemples dont l'Office devrait tenir compte pour décider s'il y a préjudice commercial important.

Certes, le projet de loi sera contesté, c'est normal, mais à notre avis, cela n'obligera pas les chemins de fer ou les expéditeurs à consacrer à cela des ressources indues.

Le sénateur Roberge: J'ai demandé aux responsables du ministère des Transports ce que signifiait l'expression «valeur nette de récupération» à l'article 145, en ce qui concerne les terrains. Si je me souviens bien, ils m'ont répondu qu'il s'agissait de la valeur marchande, moins les coûts liés à la vente. Est-ce ainsi que vous l'interprétez?

M. Ritchie: C'est ainsi que je l'interprète. M. Flicker pourrait vous donner plus de précisions. Je crois savoir qu'il s'est penché sur la question, mais il s'agit certainement de la valeur commerciale à laquelle s'ajoutent les coûts que représente la vente.

M. David Flicker, vice-président, Affaires gouvernementales et publiques, Réseau CP Rail: Je suis essentiellement d'accord avec mon président.

Le sénateur Roberge: C'est normal.

M. Flicker: C'est l'interprétation logique, mais nous n'avons rien pour la soutenir. Nous avons vérifié les décisions de l'Office national des transports et celles de l'ancienne Commission canadienne des transports, et rien ne démontre que cela pourrait vouloir dire autre chose. Bien qu'à mon avis, ce soit l'interprétation logique, je ne peux pas garantir au Canadien Pacifique ni à quiconque que «valeur nette de récupération» s'applique vraiment à un usage optimal. C'est pourquoi nous proposons d'utiliser le même genre de critères que ceux qui existent actuellement dans la Loi sur l'expropriation. En vertu de cette loi, on peut saisir les actifs d'une compagnie de chemin de fer. Il serait normal que le même genre de critères s'appliquent lorsqu'une compagnie de chemin de fer a l'occasion d'acquérir des terrains ou de s'en débarrasser. Il s'agit d'une entente paritaire.

Le sénateur Spivak: Vous avez tous les deux placé le projet de loi C-14 dans le contexte de la politique des transports et des chemins de fer, et je trouve que c'est très bien. Ainsi, tout est clair.

J'ai des questions à poser sur deux points. Le premier, bien entendu, concerne ce que vous appelez la protection des expéditeurs. Vous ne parlez pas des producteurs, vous parlez de la protection des expéditeurs. Les producteurs, eux, considèrent ces mesures comme une tentative de créer de la concurrence là où il n'y en a pas. Vous avez dit tout au long de votre présentation qu'il existe d'autres modes de transport concurrentiels que les expéditeurs peuvent utiliser. Bien entendu, ce n'est pas tout à fait ni toujours vrai en ce qui concerne les producteurs de céréales.

Pour paraphraser une déclaration qui figure dans la lettre d'un avocat, chaque prix de ligne concurrentiel et chaque tarif d'interconnexion établi par l'Office pourrait faire l'objet d'une contestation. Dans ce cas, cela gênerait certainement les négociations commerciales. Pourquoi estimez-vous que ces articles sont nécessaires étant donné que les tarifs d'interconnexion sont compensatoires?

Je vais passer tout de suite à l'autre question, pour gagner du temps.

L'autre point de votre présentation qui me frappe est ce que vous dites à propos des obstacles à la relance et à l'efficacité des chemins de fer. Il me semble que ces obstacles sont moins le fait de vos clients que de la concurrence du camionnage et du rail. Nous en avons déjà parlé au sein du comité. Vous avez décrit ce qui doit être fait, selon vous, et ce que le gouvernement devrait faire en matière d'allégement fiscal. Cela me paraît tout à fait injuste pour les concurrents des chemins de fer.

J'aimerais que vous me disiez quel est le montant des subventions qui, selon vous, sont accordées au secteur routier par le biais de l'industrie du camionnage, et quelle somme cela représente dans le contexte de l'économie canadienne. J'ai entendu parler de milliards de dollars. C'était, je pense, dans une estimation des coûts réalisés par un organisme de transport quelconque, mais si vous avez d'autres chiffres, j'aimerais les connaître.

M. Ritchie: Je vais commencer par la deuxième question et demander à mon collègue de m'aider pour répondre aux deux. Premièrement, nos problèmes ne sont jamais le fait de nos clients.

Le sénateur Spivak: Vous dites que vos clients sont trop protégés.

M. Ritchie: Lorsque nous disons que nos problèmes viennent de nos concurrents des secteurs du camionnage et du rail, c'est qu'à notre avis, ils bénéficient d'avantages que nous n'avons pas, et nous aimerions que les règles du jeu soient plus équitables.

J'ai su à combien se chiffraient les avantages réels dont bénéficie le camionnage par rapport au rail, mais pas au niveau national, je ne crois pas.

M. Flicker: Nous savons que la Commission d'étude de la Loi sur les transports nationaux a déclaré que les charges des chemins de fer canadiens dépassent d'environ 225 millions de dollars par an celles des transporteurs américains. C'est un premier paramètre, qui, bien entendu, ne représente pas grand chose par rapport aux sommes beaucoup plus importantes que les autorités fédérales et provinciales consacrent aux routes.

Il n'y a pas que les routes. Il faut aussi compter la Voie maritime du Saint-Laurent, où les investissements approchent les 7 milliards de dollars, mais qui est sous-utilisée dans une très large mesure.

Je ne peux pas vous donner, comme ça, le montant de l'investissement annuel total que représente l'entretien du réseau routier, mais là n'est pas vraiment la question. Le problème, c'est que les chemins de fer canadiens paient des taxes sur le carburant aux provinces, alors qu'ils n'utilisent pas du tout les routes. De fait, c'est une subvention de facto de nos concurrents, ce qui est difficile à avaler.

M. Ritchie: Nous n'avons pas de chiffres précis, monsieur le sénateur. Je sais que la question du poids et de la distance a été étudiée de près. Mais il faut bien se rappeler que ce sont les taxes sur le carburant qui financent les routes, et que ce sont les propriétaires de voitures particulières qui en paient la majeure partie. Les camions utilisent la route à des fins commerciales et nos chiffres montrent qu'ils sont loin du compte, mais nous ne pouvons pas vous donner un chiffre à l'échelle nationale. C'est une étude qui reste à faire, sans doute.

Sur la question du grain, les expéditeurs ont d'autres garanties que celles auxquelles ils peuvent recourir en vertu de la LTN de 1987. Il y a, pour commencer, les barèmes, et aussi l'examen complet qui doit être fait en 1999. Les expéditeurs de grain ont donc un filet de sécurité.

Quant aux commentaires de l'avocat selon qui tous les prix de ligne concurrentiels et les tarifs d'interconnexion seraient contestés devant les tribunaux, je ne suis pas d'accord. Je ne vois pas en quoi cela diffère de la situation actuelle.

M. Flicker: Ce que vous dites est littéralement vrai, mais, permettez-moi de le dire, illogique.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Flicker: Il est vrai que tous les prix peuvent être contestés, mais heureusement, nous n'avons pas assez d'avocats pour cela. N'importe quel contrat peut être contesté.

Le sénateur Spivak: Pour être juste, dans le contexte qui existait en vertu de la loi de 1987, ce n'était pas un problème. Mais cela va le devenir.

M. Flicker: Avec tout le respect que je vous dois, je pense que la personne qui a fait ce commentaire se trompe, car nous ne sommes pas là pour nous battre avec nos expéditeurs. Ce sont eux qui nous font vivre. Y aura-t-il des contestations, comme avec n'importe quelle nouvelle loi? Oui, mais cela ne s'applique pas seulement dans le secteur des chemins de fer. Presque chaque nouvelle loi entraîne des litiges, jusqu'à ce que l'on comprenne bien son fonctionnement. C'est ainsi, sous notre régime démocratique. Les tribunaux sont là pour régler ces problèmes. Nous n'avons pas l'intention de contrecarrer les intentions du Parlement. Les expéditeurs feront plus de procès que les compagnies de chemin de fer.

Ce n'est ni inhabituel, ni mauvais en soi, et c'est quelque chose que les deux parties n'hésiteront pas à faire pour en arriver à une meilleure compréhension.

La promulgation de la loi de 1987, qui représentait une victoire sans précédent pour les expéditeurs, n'a pas entraîné une masse de litiges. Alors, les mesures hésitantes, modestes et, j'irais jusqu'à dire, timides qui sont prises dans ce projet de loi risquent beaucoup moins d'être sujettes à litiges.

Le sénateur Spivak: La situation des producteurs et des expéditeurs n'est pas exactement la même. Les producteurs disent que, très souvent, ils se trouvent dans la situation d'expéditeurs captifs qui ne peuvent recourir à des modes de transport concurrentiels pour expédier leur grain. C'est l'artère vitale de l'économie agricole dans l'ouest du Canada. Par conséquent, un changement dans cette direction est essentiel.

M. Flicker: C'est l'artère vitale du réseau de chemin de fer canadien. Cela représente 25 p. 100 des revenus et de la contribution aux résultats. Le réseau ferroviaire canadien n'existerait pas aujourd'hui si ce n'était pour l'industrie céréalière, tout au moins, pas sous sa forme actuelle.

M. Ritchie: Je suis d'accord avec le sénateur Spivak. La différence entre producteur et expéditeur n'est pas évidente. Il faudra du temps pour tirer cela au clair, étant donné que les compagnies céréalières deviennent des expéditeurs lorsqu'elles se chargent de regrouper la production en provenance de diverses sources pour la faire livrer.

Mais chaque kilo de grain part de la ferme dans un camion. Il est livré en camion à la compagnie de chemin de fer. Plus de 90 p. 100 des céréales produites dans l'ouest du Canada le sont dans un rayon de 50 kilomètres d'une voie ferrée concurrentielle. L'agriculteur a donc le choix entre divers concurrents.

La présidente: Nous avons entendu le témoignage des exploitants de lignes sur courtes distances. Quel genre de relations entretenez-vous avec eux au Canada?

M. Ritchie: Nos relations sont bonnes et se développent. Je pense que les sénateurs savent quels sont nos liens avec nos anciennes lignes des Maritimes, la Canadian Atlantic Railway. Nous avons vendu environ 700 kilomètres de lignes à trois compagnies ferroviaires, et nous négocions actuellement avec elles la vente d'autres lignes, au Québec et en Ontario. Nous envisageons également lancer des négociations dans la vallée de l'Outaouais. Nous sommes fiers d'avoir contribué à l'installation de la Central Western Railway sur une ligne de chemin de fer qui nous appartenait dans l'Ouest.

Je pense que les relations sont très positives. Cela requiert un partenariat. Nous ne pouvons pas concurrencer le transporteur sur la ligne secondaire et il ne peut pas faire concurrence à la ligne principale. L'un a besoin de l'autre et réciproquement. À partir du moment où l'on commence à se battre, on perd le marché en faveur du secteur du camionnage ou d'une autre compagnie de chemin de fer. Nous croyons que c'est une relation extrêmement importante que cette loi nous permettra de renforcer.

Comme je l'ai dit, le fait que le projet de loi reconnaisse certains droits à des compagnies réglementées au niveau provincial, qui ne sont pas assujetties aux mêmes exigences que nous en matière de sécurité, et cetera, nous préoccupe un peu. Cela rend les choses plus difficiles. Mais nous croyons pouvoir renforcer cette relation à l'avenir.

Le sénateur Forrestall: En ce qui concerne la mise hors service de lignes en Nouvelle-Écosse, avez-vous évalué le nombre de poids lourds qu'il a fallu utiliser pour remplacer ce service? Autrement dit, combien de poids lourds de plus avez-vous lancés sur la route?

M. Ritchie: La réponse est oui. Mais, je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites. Nous n'avons pas mis la ligne hors service. La Dominion Atlantic Railway a été vendue à Iron Horse. De fait, cette compagnie a élargi son service ferroviaire dans cette région. Pourquoi avons-nous vendu? Parce que les activités de la Dominion Atlantic dans la péninsule étaient coupées du RCPR.

Le sénateur Forrestall: L'autre jour, j'ai fait 65 kilomètres en voiture sur votre emprise. Je ne sais pas qui en est propriétaire, mais elle est hors service.

M. Ritchie: Vous parlez du segment qui va de Yarmouth à Kentville. Il a effectivement été fermé. En bout de ligne, nous devons tenir compte du nombre de camions que nous mettons sur la route. Malheureusement, il n'y en a pas assez, selon moi, et c'est la raison pour laquelle nous avons dû mettre cette ligne hors service.

Le sénateur Forrestall: Je comprends. Mais ma question était plus précise. Ce qui me préoccupe, c'est le point soulevé par le sénateur Davey, qui doit malheureusement nous quitter bientôt. Il s'agit de la sécurité routière. Je suis curieux de savoir combien de camions supplémentaires vont circuler à cause de cela? Y a-t-il une règle approximative?

M. Ritchie: On sait combien de wagons il faut par jour pour qu'une ligne de chemin de fer régionale fonctionne. Je crois que c'est environ 200.

Mais, sénateur, lorsque vous êtes sur le point d'abandonner une ligne de chemin fer, vous ne savez pas vraiment combien de camions supplémentaires vont circuler à cause de cela. Nous partageons cependant votre inquiétude au sujet de la sécurité routière; c'est pourquoi nous croyons qu'il faut un équilibre entre les divers modes de transport.

Par exemple, madame la présidente, nous avons étudié sur le réseau ferré de banlieue de Montréal, pour essayer de montrer que, dans l'ensemble, cela coûte moins cher d'amener les gens en ville par chemin de fer que de construire davantage de routes et de ponts. Je pense que si vous comparez les modes de transport qui sont imposés et ceux qui sont subventionnés, vous verrez que le chemin de fer fait l'objet d'une discrimination. Inconsciemment, nous acculons les compagnies ferroviaires à la faillite. Or, notre technologie n'est pas désuète. Nous ne sommes quand même pas des voiliers! Le chemin de fer est un moyen de transport très moderne qui s'avère utile -- comme en témoigne sa renaissance aux États-Unis. Mais si vous nous imposez à outrance, nous ne pourrons pas y arriver.

Le sénateur Forrestall: Je suis tout à fait d'accord. La question n'est pas de savoir si l'on doit construire davantage de routes ou de ponts, mais le fait est que l'on voit de plus en plus de camions sur les routes. La municipalité régionale de Halifax, avec une population de quelque 300 000 personnes, va maintenant faire transporter ses ordures à l'extérieur de la province, et les camions vont emprunter la route principale vers le nord, en direction du Nouveau-Brunswick.

Je n'ai pas de chiffres. Mais il me semble que si nous pouvions utiliser des trains plutôt que des camions, nos routes seraient beaucoup plus sûres, tout au moins jusqu'à ce que nous trouvions un lieu d'enfouissement permanent. C'est là ma préoccupation.

M. Ritchie: On constate une tendance insidieuse en Amérique du Nord à utiliser des camions de plus en plus larges, longs et lourds. Chaque fois que la taille des camions augmente, notre compétitivité baisse. La concurrence ne me fait pas peur, mais plus les camions sont gros, plus les subventions sont importantes. Les Canadiens pensent que c'est l'hiver qui détruit nos routes. C'est en partie vrai, mais les camions les plus lourds en Amérique du Nord, en dehors du Mexique -- et vous savez dans quel état sont les routes là-bas -- circulent dans l'est du Canada. C'est une autre des raisons pour lesquelles les problèmes perdurent.

M. Flicker: Il faut aussi tenir compte de l'intérêt sectoriel. Les chemins de fer vont toujours préférer vendre une ligne plutôt que de mettre fin à leurs activités et de vendre le matériel pour sa valeur de récupération. C'est dans notre intérêt d'obtenir un bon prix pour la ligne, mais également de nous assurer que le rail continue d'assurer le trafic. Une compagnie de chemin de fer préférera toujours, dans la mesure du possible, négocier la vente d'une ligne plutôt que d'en abandonner l'exploitation.

Les dispositions du projet de loi concernant l'abandon des activités régleront le problème que vous venez de mentionner, car la province aura toujours la possibilité d'acquérir une ligne pour sa valeur nette de récupération.Si la province estime qu'elle peut en tirer un avantage, l'acquisition d'une ligne peut s'avérer très économique.

C'est ce que démontre bien votre exemple, le transport des ordures ménagères. En vertu de ce nouveau texte de loi, la province peut acquérir une ligne pour sa valeur nette de récupération et régler ainsi ce genre de questions sociales et régionales.

Le sénateur Forrestall: J'aurais une dernière question. Est-ce que le Canadien Pacifique, dans l'est ou dans l'ouest du Canada, a proposé ses services ou ses conseils aux collectivités qui ont des problèmes avec leur site d'enfouissement ou leurs ordures, par exemple?

Avez-vous des gens compétents, au sein de votre entreprise, qui pourraient aider les villes, les municipalités et les provinces qui doivent régler un problème de transport à grande échelle, sept jours par semaine, 24 heures sur 24?

Avez-vous offert votre aide à Halifax, par exemple?

M. Ritchie: Nous n'avons pas offert notre aide à Halifax car nous n'étions pas en mesure de le faire, malheureusement. Nous avons essayé, vous vous en souvenez peut-être.

Il y a presque 20 ans, nous avons offert notre aide à Toronto au moment où la ville avait des difficultés à faire transporter ses ordures. Nous avons proposé de transporter les résidus urbains solides, comme on dit, en retour à charge, dans les wagons à charbon venant de Vancouver.

Nous avons une certaine compétence. De fait, nous avons eu recours au Conseil national de recherches pour mettre au point un plancher spécial -- les déchets gèlent, nous sommes au Canada -- qui s'autodécharge et n'a pas besoin d'être incliné. Cette méthode devient de plus en plus populaire.

Le sénateur Spivak: Il me semble qu'il y a eu une excellente rationalisation des différents modes de transport en Europe par exemple. Vous n'avez pas mentionné l'Europe, ni les États-Unis, qui sont beaucoup plus densément peuplés que le Canada. Peut-être est-ce la raison.

Pourquoi la politique publique de ce pays reconnaît-elle si peu les avantages des chemins de fer sur le plan de l'écologie et de la sécurité? De fait, je me rappelle certaines discussions qui ont eu lieu lorsque ce projet de loi a été proposé la première fois: certains disaient que l'abandon des voies ferrées pourrait permettre de subventionner les réseaux routiers provinciaux et de les entretenir pour faciliter la circulation des camions. On n'entend jamais ce genre d'argument en faveur des chemins de fer. Pourquoi?

M. Ritchie: Parce que nous ne savons pas faire valoir les avantages dont vous parlez. Ce n'est pas une excuse. J'aimerais pouvoir communiquer davantage. Je dirais que la faiblesse des chemins de fer, c'est le manque de gestionnaires. Nous devons fonctionner avec très peu de gestionnaires, c'est pourquoi nous ne sommes pas présents dans les collectivités locales. Nous avons donc beaucoup plus de difficultés qu'une compagnie qui participe sur le plan politique et social.

Nos quelques gestionnaires se trouvent au siège social. Leur nombre limité nous empêche de communiquer. De plus, cela fait 115 ans que nous existons. Nous avons sans doute estimé que certaines vérités étaient évidentes, alors qu'elles ne le sont pas.

Nous accordons une plus grande priorité à la communication désormais, mais nous avons des ressources très limitées. M. Flicker va nous quitter et entrer à Canadian Pacific Limited. Jusqu'ici, il était responsable des communications.

David, pourquoi a-t-on tant de difficultés en ce domaine?

M. Flicker: Je suis heureux que vous posiez la question, monsieur Ritchie. Mais trop tard, vous auriez dû le faire hier.

Trêve de plaisanterie, c'est une question importante. On commence à parler de nous. Ce n'est pas nous qui faisons notre propre réclame. Par exemple, l'hiver dernier, des représentants du gouvernement de l'Ontario sont venus nous parler de développement durable. Ils ont présenté un rapport indiquant que, par unité de masse transportée, les hydrocarbures émis par les chemins de fer représentaient environ un huitième des émissions des camions. Cette recherche n'a pas été faite par nous, mais par le gouvernement de l'Ontario.

On reconnaît de plus en plus que les chemins de fer consomment moins de carburant, et que celui qu'ils consomment est brûlé de façon plus efficace de sorte qu'il y a moins d'émissions. Nous utilisons moins d'espace et donc moins de terrains précieux. Nous pouvons transporter des marchandises de façon plus efficace, plus sûre et en causant moins d'encombrements que les camions. Ces informations commencent à être connues. Nous obtenons l'appui des associations d'automobilistes et de groupes de particuliers qui voyagent souvent. On commence à se rendre compte que la contribution du rail est très importante sur le plan de l'écologie et de la sécurité.

Le sénateur Roberge: Quelles relations entretenez-vous avec les exploitants de lignes sur courtes distances?

M. Ritchie: Nos relations sont bonnes, comme je l'ai déjà dit, mais existent essentiellement dans l'est du Canada; en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et maintenant au Québec. Nous attendons que la Loi sur les transports au Canada soit adoptée, car elle doit faciliter nos relations avec les exploitants de lignes secondaires.

Comme je l'ai mentionné, nous allons régler assez rapidement, je pense, avec ces exploitants, le cas de certaines lignes que nous estimons trop onéreuses. Il y a, par exemple, celle qui va de St-Jean-sur-Richelieu jusqu'au Vermont et celle qui longe la rivière des Outaouais au nord, jusqu'à Owen Sound.

Le sénateur Roberge: Avez-vous eu de mauvaises expériences?

M. Ritchie: Non. On peut dire que les exploitants de lignes sur courtes distances sont responsables et soucieux de la sécurité, et que ce sont des gens d'affaires compétents.

Le sénateur Roberge: Leurs entreprises sont-elles toutes rentables? Certains ont-ils fait faillite?

M. Ritchie: Au Canada, aucun exploitant n'a fait faillite, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. Le succès n'est pas garanti, mais nous avons eu beaucoup moins d'échecs au Canada, car les entreprises ont été beaucoup mieux dotées en capital.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu le témoignage de certains organismes privés qui ont repris des lignes de chemins de fer sur courtes distances. Nos témoins de la semaine dernière étaient très raisonnables: ils ont diminué de moitié le nombre des employés. Les vôtres sont-ils presque tous syndiqués?

M. Ritchie: Oui, notre industrie est l'une des plus anciennes d'Amérique du Nord. De fait, le premier syndicat a regroupé, je crois, des employés de chemin de fer.

Le sénateur Adams: La compagnie Sydney Shores a pris en charge une ligne qui employait 160 personnes. Elle exploite maintenant cette ligne de la même façon avec seulement 92 personnes. Est-ce la raison pour laquelle vous avez tant de problèmes? La compagnie privée peut faire le même travail avec la moitié du personnel. Les salaires sont-ils la source de certains des problèmes des compagnies de chemin de fer?

M. Ritchie: Tout à fait. Le RCPR est une très grande entreprise. Nous avons beaucoup de mal à expliquer à nos employés syndiqués qu'il serait préférable pour eux, dans l'ensemble, d'accepter une réduction de salaire.

D'autre part, nous sommes en concurrence, au niveau national, avec d'autres industries sur le plan de la main-d'oeuvre. Nous fonctionnons sept jours par semaine, 365 jours par an. Nous avons besoin d'un personnel de qualité, par exemple, des gens responsables pour conduire les trains, car autrement, ce serait très dangereux.

Nous devons faire concurrence à l'industrie des påtes et papiers où les salaires horaires sont plus élevés, comme dans l'industrie minière. Si nous voulons que les gens travaillent sur les trains qui transportent de la påte à papier, nous devons offrir des salaires concurrentiels.

Nous essayons de changer nos règles de travail. C'est ce dont je parlais lorsque j'ai mentionné les pratiques d'un autre åge. Certaines sont liées à la sécurité à une époque où le rail ne garantissait pas des conditions de travail sécuritaires à ses employés. Bon nombre de ces règles ont été établies pour des raisons de sécurité. Elles n'ont pas changé, alors que la technologie a évolué.

Nous avons besoin d'une stratégie novatrice pour traiter avec les syndicats. Les choses ont changé avec l'adoption des ordinateurs ainsi que l'identification et l'inspection automatiques de l'équipement. Nous devons rédiger une nouvelle convention collective qui tienne compte de cela. Nous devrions pouvoir nous débarrasser de l'ancienne sans avoir à passer par toutes ces tractations monétaires; cela devient trop onéreux et le processus est beaucoup trop lent.

La présidente: Merci, monsieur Ritchie et monsieur Flicker. Voilà un témoignage extrêmement intéressant. Il a éclairé le débat.

Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous l'honorable Andy Renaud, ministre de la Voirie et des Transports de la Saskatchewan. Je crois savoir que vous parlez également au nom de deux de vos homologues provinciaux.

Bienvenue au comité; nous serons heureux d'entendre votre témoignage.

M. Andy Renaud, ministre de la Voirie et des Transports, gouvernement de la Saskatchewan. Merci, madame la présidente. C'est pour moi un réel plaisir d'être ici aujourd'hui, devant des Canadiens aussi distingués que vous. Pour un jeune ministre, un nouveau ministre, c'est vraiment un grand plaisir. M. Bernie Churko, directeur exécutif au ministère de la Voirie de la province de la Saskatchewan, m'accompagne.

Je serais très bref. Il y aura peut-être des répétions dans ma présentation car, comme vous l'avez mentionné, madame le sénateur, je parle également au nom de mes collègues, l'honorable Glen Findlay et l'honorable Stephen West, ministres des Transports du Manitoba et de l'Alberta, qui n'étaient pas en mesure d'être présents aujourd'hui.

Les trois provinces des Prairies ont préparé un mémoire conjoint pour votre comité sur le projet de loi C-14. C'est ce mémoire qui constitue la base de ma présentation de cet après-midi. Je suis heureux d'avoir une occasion supplémentaire de faire des observations sur cet important texte de loi, à la suite de ma comparution, l'an dernier, devant le Comité permanent des transports de la Chambre des communes.

Les expéditeurs des provinces des Prairies sont de grands utilisateurs du réseau ferroviaire canadien. Environ 80 millions de tonnes de produits -- grain, potasse, charbon et soufre, sont transportées par voie ferrée vers les marchés intérieurs et étrangers. Nos provinces fournissent environ la moitié du tonnage total transporté par CN et CP Rail, ainsi qu'une proportion semblable des revenus des chemins de fer.

Le transport ferroviaire a la plus grande importance pour l'économie des Prairies. Par exemple, la valeur des expéditions ferroviaires en Saskatchewan représente plus de la moitié de son produit intérieur brut dans les secteurs primaire et manufacturier. La Saskatchewan et ses voisins, l'Alberta et le Manitoba, conviennent qu'il faut apporter des amendements au projet de loi, pour encourager la concurrence dans le secteur ferroviaire. Sans concurrence efficace, les expéditeurs des Prairies seront particulièrement désavantagés au moment de négocier les taux de fret et les niveaux de service avec CN et CP Rai.

Le coût du transport ferroviaire est critique pour les expéditeurs des Prairies, car ces frais constituent une part importante du prix de nombreux produits des Prairies -- jusqu'à 50 p. 100 dans certains cas. Toute augmentation du prix du fret peut avoir des répercussions importantes sur les bénéfices nets des expéditeurs. Il est essentiel de prendre des mesures pour favoriser la concurrence, afin de maintenir la compétitivité de nos industries axées sur les ressources, puisque presque tous les producteurs de marchandises en vrac sont captifs du rail. La forte densité et la faible valeur des produits agricoles, par exemple -- beaucoup d'entre vous le comprendrez --, et d'autres marchandises en vrac, ainsi que les longues distances à franchir, plus de 1 500 kilomètres pour bon nombre d'expéditeurs de la Saskatchewan, font du rail le seul mode de transport pratique pour les produits d'exportation.

Cela donne aux chemins de fer, par rapport aux expéditeurs des Prairies, un grand pouvoir commercial, et cela leur permet de fixer des taux de fret qui dépassent de loin leurs coûts. Pour les expéditions de la Saskatchewan, nous estimons que les taux de fret ferroviaire sont, en moyenne, de 50 p. 100 supérieurs aux coûts. Cela est nettement plus que la moyenne de 10 p. 100 qui s'applique à l'ensemble des opérations de CN et du RCPR.

La Loi de 1987 sur les transports nationaux a établi un cadre réglementaire efficace qui a permis de réduire les taux de fret imposés à de nombreux expéditeurs, tout en reconnaissant la nécessité d'avoir des chemins de fer florissants. La loi de 1987 comportait quatre nouveaux éléments clés qui assuraient l'équilibre entre les besoins des expéditeurs en matière de service ferroviaire concurrentiel, et la nécessité, pour les chemins de fer, de fonctionner dans un contexte réglementaire et commercial positif.

Il s'agit notamment de l'élimination des prix communs établis par les chemins de fer; de l'élimination de la publication obligatoire des prix; de la disposition concernant les contrats confidentiels entre les compagnies ferroviaires et les expéditeurs; et des dispositions garantissant un réel accès concurrentiel et des réparations aux expéditeurs, notamment les prix de ligne concurrentiels, l'extension de l'interconnexion, les droits d'usage de circulation commun et l'arbitrage. Les provinces des Prairies estiment que ces quatre éléments essentiels de la LTN font partie intégrante de tout régime réglementaire bien conçu.

Il est important de reconnaître que l'efficacité de la loi, pour assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts des expéditeurs et ceux des chemins de fer, découle de l'impact combiné de ces quatre éléments clés de la LTN.

Interdire aux chemins de fer d'établir des tarifs collectifs s'est révélé positif. La possibilité de négocier des contrats confidentiels est également une mesure progressiste qui a été largement utilisée. Les chemins de fer sont devenus plus efficients, et l'on peut attribuer cela en partie aux changements des conditions affectant l'établissement des prix. Par ailleurs, la baisse des coûts a été en partie répercutée sur les expéditeurs, ce qui a amélioré leur compétitivité.

Les dispositions sur l'accès concurrentiel et les réparations accordées aux expéditeurs, comme les prix de ligne concurrentiels et l'arbitrage, ont forcé les chemins de fer à se montrer concurrentiels. Ces mesures ont été largement responsables de la baisse des prix et de l'amélioration du service qui ont découlé de la LTN de 1987, et dont ont notamment bénéficié de nombreux expéditeurs captifs. En effet, sans ces dispositions, les chemins de fer auraient un pouvoir commercial très important par rapport aux expéditeurs des Prairies.

Au minimum, la nouvelle loi sur les transports ne doit pas affaiblir les dispositions sur l'accès concurrentiel et les réparations qui se trouvaient dans la LTN. Bien que rarement utilisées, elles imposent une certaine discipline aux expéditeurs et aux compagnies de chemin de fer lors de la négociation des contrats. Éliminer l'une ou l'autre de ces quatre mesures essentielles détruirait toute la structure, et remettrait les expéditeurs des Prairies dans la situation peu appréciable où ils se trouvaient avant la promulgation de la LTN de 1987.

Par exemple, si les mesures relatives aux prix de lignes concurrentiels ou à l'arbitrage étaient affaiblies, les expéditeurs auraient beaucoup plus de difficultés à négocier efficacement avec les chemins de fer. Ces dispositions doivent être encore plus accessibles et efficaces, pour que les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs puissent continuer de négocier les prix et les niveaux de service sur un pied d'égalité. Si les expéditeurs ne peuvent pas être concurrentiels, aucune compagnie de chemin de fer ne sera viable.

Nos compagnies ferroviaires nationales doivent avoir la possibilité d'être viables. Les expéditeurs doivent pouvoir utiliser deux réseaux ferroviaires concurrents d'un océan à l'autre. Lorsqu'il existe une vraie concurrence, les compagnies de chemin de fer font la preuve de leur compétitivité. Mais, sans concurrence, le prix du transport ferroviaire dépasse de loin son coût.

Il est essentiel d'encourager une réelle concurrence pour assurer la croissance durable de l'économie des Prairies, en raison du rôle essentiel des exportations dans les secteurs de l'agriculture et de l'exploitation des ressources des trois provinces.

La nouvelle loi fédérale doit faire l'équilibre entre deux choses essentielles: moins de réglementation pour les chemins de fer, et un service plus concurrentiel pour les expéditeurs. Ce projet de loi ne doit pas faire passer les intérêts des compagnies ferroviaires avant ceux des expéditeurs.

Les provinces des Prairies craignent que le projet de loi C-14 n'affaiblisse l'efficacité des dispositions sur l'accès concurrentiel et les réparations accordées aux expéditeurs, un des éléments essentiels de la LTN dont j'ai déjà parlé. Selon le projet de loi, les expéditeurs ne pourront pas demander des réparations réglementaires au nouvel Office des transports du Canada aussi facilement qu'ils le font actuellement auprès de l'Office national des transports. Limiter ce recours, c'est accroître de façon déraisonnable le pouvoir de négociation dont jouissent les chemins de fer.

Les provinces des Prairies estiment que deux articles essentiels du projet de loi -- les articles 27(2) et 112 -- créent des obstacles à la concurrence, et doivent être éliminés pour redonner aux compagnies ferroviaires et aux expéditeurs un pouvoir de négociation équilibré. Imposer des critères auxquels les expéditeurs doivent répondre pour demander réparation à l'Office des transports du Canada, les empêche de négocier des tarifs et des accords de service sur un pied d'égalité avec les chemins de fer.

L'article 27(2) est particulièrement préoccupant, car il oblige les expéditeurs à démontrer qu'ils subiraient un «préjudice commercial important», si la réparation qu'ils demandent ne leur est pas accordée. Cela amènera l'Office à s'intéresser à la rentabilité et à d'autres aspects financiers de l'entreprise de l'expéditeur plutôt qu'aux moyens de lui assurer l'accès à une compagnie de chemin de fer concurrente.

L'interprétation donnée par l'Office de ce que constitue un préjudice commercial important risque fort de ne pas être uniforme. Il sera très difficile d'établir un seuil à partir duquel on pourra dire que les différents expéditeurs subissent un préjudice. La structure et l'envergure des entreprises d'expédition varient énormément, et il sera impossible d'éviter une certaine discrimination à l'endroit de certains expéditeurs en vertu de l'article 27(2).

D'autre part, l'Office aura de la difficulté à établir une relation de cause à effet entre la viabilité financière de l'expéditeur et l'impact que peut avoir le fait de ne pas avoir accès à une compagnie ferroviaire concurrente. Beaucoup de facteurs influencent les résultats d'une entreprise et, individuellement ou collectivement, ils peuvent aussi causer un préjudice commercial important. L'incohérence des dispositions de la nouvelle loi fédérale peut être évitée en éliminant l'article 27(2).

De même, l'article 112 du projet de loi, qui exige de l'Office qu'il établisse des prix et des conditions commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties, requiert également que l'on détermine un seuil de préjudice au cas par cas. Cela aboutira à un traitement non uniforme et discriminatoire des différents expéditeurs. On ne voit pas bien pourquoi cet article est jugé nécessaire, car l'établissement des prix et des conditions de service fait déjà l'objet de règles et de règlements stricts.

Par exemple, dans d'autres articles du projet de loi, il existe des dispositions régissant les prix de ligne concurrentiels et l'interconnexion qui protègent les intérêts des chemins de fer, puisqu'il est stipulé que les prix doivent être compensatoires. D'autre part, pour que l'Office puisse déterminer ce qui est juste et raisonnable pour certains expéditeurs, il faudra qu'il analyse leur viabilité financière et même l'envergure de leurs activités. Plutôt que d'encourager les chemins de fer à être plus concurrentiels et plus efficients, l'article 112 favorisera l'inefficacité en suscitant des litiges inutiles. Dans ce contexte, les provinces des Prairies recommandent que l'on retire l'article 112 du projet de loi.

Les provinces des Prairies ont envisagé d'autres possibilités pour réduire l'incidence de ces deux articles sur les expéditeurs, et alléger les restrictions qui leur sont imposées en ce qui concerne l'accès à l'Office, sans pour autant éliminer les articles 27(2) ou 112. Mais après avoir soigneusement analysé la question et consulté les expéditeurs des Prairies, les trois provinces croient fermement qu'aucun compromis susceptible d'affaiblir les dispositions sur l'accès concurrentiel et les réparations accordées aux expéditeurs n'est acceptable. Par conséquent, nous demandons instamment à votre comité de recommander le retrait des articles 27(2) et 112 du projet de loi, afin d'assurer que l'équilibre est maintenu entre les expéditeurs, qui doivent bénéficier d'un service ferroviaire concurrentiel, et le secteur des chemins de fer, qui doit être moins réglementé.

Les provinces des Prairies doivent disposer d'un service ferroviaire bon marché et de grande qualité pour être compétitives sur un marché international en pleine évolution. Nous sommes heureux de constater que, par le biais de la déréglementation, le gouvernement fédéral s'oriente vers une politique des transports axée sur le marché. Le jeu des forces concurrentielles entre les compagnies ferroviaires continuera d'améliorer l'efficacité et l'efficience de l'industrie, dans le contexte d'un cadre réglementaire approprié.

Suite à l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, en 1995, les expéditeurs céréaliers doivent désormais négocier des prix et des niveaux de service sur la même base que les autres expéditeurs. Tous les expéditeurs des Prairies doivent bénéficier d'un service ferroviaire concurrentiel facilité par les dispositions de la LTN sur l'accès concurrentiel et la protection des expéditeurs; cela assurera leur compétitivité sur les marchés intérieurs et mondiaux.

La LTN avait établi un cadre réglementaire positif qui favorisait une plus grande harmonie commerciale entre les expéditeurs et les chemins de fer. Il est important que nous mettions à profit les points forts de la LTN pour élaborer une nouvelle loi qui maintienne l'équilibre entre le pouvoir de négociation des expéditeurs et celui des compagnies ferroviaires. Les quatre dispositions essentielles de la LTN doivent être préservées pour imposer une certaine discipline commerciale aux expéditeurs et aux chemins de fer lors de la négociation de contrats.

Les provinces des Prairies croient que les améliorations au projet de loi C-14 que j'ai mentionnées aujourd'hui contribueront à établir cet équilibre des pouvoirs de négociation. Nous demandons instamment au comité de modifier le projet de loi conformément aux recommandations des expéditeurs des Prairies, des trois provinces des Prairies et d'autres groupes, afin d'établir des prix plus concurrentiels et une industrie du transport ferroviaire plus compétitive au Canada.

Honorables sénateurs, je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Les expéditeurs nous ont parlé de pertes d'emplois possibles dans leur secteur, bien qu'ils n'aient jamais cité de chiffres, lorsque nous leur avons posé la question. On nous a dit également qu'on allait peut-être installer de nouvelles usines ailleurs, si ce projet de loi était adopté sous sa forme actuelle. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces déclarations?

M. Renaud: Je ne suis pas sûr que les usines déménageraient ou qu'elles seraient en mesure de trouver une autre solution. Je peux vous donner un exemple.

Il y a, dans le nord de la Saskatchewan, un important producteur de påte à papier, Weyerhauser, qui n'est desservi que par une compagnie ferroviaire, le CN. Il n'a accès qu'à une seule forme de transport. Il lui serait impossible de charger des camions et de livrer ses marchandises à une compagnie ferroviaire concurrente.

Certes, la concurrence est très importante pour cette industrie et d'autres, ainsi que pour les agriculteurs et d'autres expéditeurs. Dans le cadre d'une déréglementation, on aura les coudées franches, mais certains expéditeurs et certains secteurs de l'industrie de la Saskatchewan sont captifs d'une forme de transport -- il n'y a pas de voies d'eau et le transport par camion est impossible --, et cela pourrait avoir des répercussions sur la viabilité d'une compagnie ou son expansion, et par conséquent, sur les emplois.

La présidente: Convenez-vous que les chemins de fer font face à un problème financier à long terme? Dans ce cas, que doit-on faire pour les aider, selon vous?

M. Renaud: Nous appuyons le nouveau projet de loi, à part quelques dispositions dont nous avons parlé et quelques autres qui sont moins problématiques.

Je conviens que les chemins de fer doivent être viables. Je ne crois pas qu'en raison de la concurrence, ils ne peuvent pas l'être. Par exemple, j'ai une entreprise de courtage immobilier. J'aimerais demander des commissions de 8 ou 9 p. 100, mais j'ai des concurrents et par conséquent, je demande moins pour être compétitif. Je cherche ailleurs des moyens de faire le profit nécessaire pour financer l'équipement dont j'ai besoin pour exploiter mon entreprise. On peut vivre dans un monde concurrentiel et être viable.

La présidente: Cela s'applique-t-il également aux expéditeurs?

M. Renaud: Certainement. Le problème que connaissent certains expéditeurs tient au fait qu'ils sont captifs d'un mode de transport. Ils n'ont pas le choix. Vous ne pouvez pas expédier, par camion, du blé à Prince Rupert, par exemple. Vous ne pouvez pas expédier du charbon par camion. Nous n'avons pas de voies d'eau. Nous sommes au milieu des Prairies, au milieu du Canada, très très loin de la mer. Lorsqu'il y a qu'un mode de transport, la concurrence est essentielle pour assurer aux expéditeurs et aux producteurs un moyen de transport abordable.

Le sénateur Roberge: Vous avez dit que l'article 27(2) réduira considérablement les incitatifs qui poussent les compagnies de chemin de fer à se montrer compétitives et à négocier de bonne foi avec les expéditeurs.

Si les chemins de fer et les expéditeurs ne peuvent pas livrer les produits sur les marchés mondiaux au prix du marché mondial, ils y perdront tous les deux. N'êtes-vous pas d'accord que les forces du marché mondial sont également sources de concurrence?

M. Renaud: C'est exact. Aujourd'hui, il faut tenir compte des forces du marché mondial. Les expéditeurs le savent et le comprennent. Les frais de transport font partie de leurs charges et influent sur la position concurrentielle qu'ils peuvent occuper sur ce marché mondial. Le plus grave problème de l'Ouest du Canada est qu'il est captif d'un mode de transport pour livrer son produit au marché. Les expéditeurs aimeraient avoir le choix entre deux compagnies de chemin de fer concurrentes, afin d'être compétitifs sur le marché mondial.

Le sénateur Roberge: Pensez-vous que les prix du marché mondial poussent les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer à envisager des coentreprises et à accorder plus d'importance à la négociation des taux?

M. Renaud: C'est une question intéressante. Je vais passer la parole à Bernie Churko.

M. Bernie Churko, directeur exécutif, Division de la logistique, de la planification et de l'application des règlements, ministère de la Voirie et des Transports de la Saskatchewan: En ce qui concerne l'imposition, par les chemins de fer, de prix aussi élevés que le permet le marché, l'expérience a montré que pour nos principales ressources, bon nombre des avantages que les divers secteurs axés sur les ressources et l'agriculture peuvent créer au niveau interne, sont perdus au moment où il faut négocier les taux de transport, lorsqu'il n'y a pas concurrence. Même si vous tentez de couper vos coûts à l'extrême, si vous êtes captif, l'idée que l'on peut imposer des prix aussi élevés que le permet le marché tourne à l'avantage des chemins de fer, qui dominent le marché. Dans une grande partie de notre province, et dans l'ouest du Canada, en général, les expéditeurs sont souvent captifs d'abord, du rail, puisqu'ils sont loin du marché et, deuxièmement, d'un transporteur particulier.

M. Renaud: La Saskatchewan est divisée en deux, comme presque toute la région de l'ouest. CN est établi dans la partie nord de la province, et CP, dans la partie sud. Les distances sont très grandes. Les manufactures du nord ont accès à CN mais pas à CP, et c'est l'inverse au sud.

Le sénateur Roberge: Le témoin précédent nous a dit que la distance maximum est de 50 kilomètres et que, dans la plupart des régions, il est donc possible d'utiliser un mode de transport concurrent.

M. Renaud: Je pense que c'est une moyenne. Dans la région de Peace River, en Alberta, par exemple, cette distance est beaucoup plus grande.

M. Churko: Je pense que cette observation a été faite au sujet des producteurs de grain. Elle s'applique à la bande de territoire au centre de la province, mais il y a de grandes régions, en particulier dans le sud-ouest et le nord-ouest, où cela n'est pas le cas. Même s'il est à 50 kilomètres, le producteur devra payer 5 à 8 $ de plus par tonne pour avoir accès à la seconde compagnie de chemin de fer. Il reste toujours captif du rail.

Le sénateur Roberge: Cependant, on dit ici quelque part, à propos des prix de ligne concurrentiels, que si vous êtes dans un rayon de 30 kilomètres, la compagnie doit assurer le service jusqu'à la prochaine interconnexion.

M. Churko: Vous parlez des dispositions plus larges sur l'interconnexion. C'est exact, mais il y a de nombreux cas, en particulier dans le secteur céréalier, où il n'y aura pas ce rayon de 30 kilomètres. La majorité des points d'expédition, du point de vue de la compagnie ferroviaire, n'entreront pas dans ce rayon de 30 kilomètres.

Le sénateur Spivak: J'aimerais abandonner la question des articles 27(2) et 112, dont on a beaucoup parlé ici et à la Chambre des communes.

Les questions de transport ont un énorme retentissement dans l'Ouest. Cela influe sur la viabilité des petites collectivités, sur le développement rural et sur les producteurs de grain. En tant que gouvernement provincial, quelles sont vos politiques? Au Manitoba, nous construisons des routes pour desservir les usines de påtes et papiers du Nord. Avez-vous des politiques pour encourager le recours au chemin de fer plutôt qu'au réseau routier, notamment sur le plan économique, au niveau fiscal, et ainsi de suite?

Dans votre province, quelle priorité accorde-t-on à la viabilité des chemins de fer? J'ai beau être, naturellement, du côté des producteurs de grain des Prairies, je pense que l'on peut arguer que l'industrie des chemins de fer est victime d'une discrimination qui se reflète dans les politiques fiscales provinciales et dans le fait que nous nous estimons obligés de construire, à l'intention de l'industrie du camionnage, des routes qu'elle ne se prive pas d'endommager et qui nous coûtent cher à entretenir parce qu'on y fait circuler ces énormes camions. Il ne semble pas qu'au niveau provincial, ce soit plutôt les chemins de fer qui bénéficient de subventions et de mesures incitatives, même si cela a beaucoup plus de sens commun à long terme.

M. Renaud: À mon avis, c'est surtout le régime fiscal qui est en cause.

Le sénateur Spivak: Et les subventions. Je suis sûre que vous subventionnez vos usines de påtes et papiers en construisant des routes à leur intention.

M. Renaud: Nous n'appelons cependant pas cela subvention. Il y a des partenariats qui fonctionnent très bien. Je peux en mentionner un ou deux. Nous avons établi un partenariat avec les compagnies productrices de potasse, dans le cadre duquel elles versent certaines sommes au ministère de la Voirie, en échange de quoi, nous construisons une route un peu plus solide. Leur contribution s'élève à environ 600 000 $ par an. Nous avons aussi établi un partenariat avec une compagnie minière située dans le nord de la Saskatchewan, en vertu duquel nous l'autorisons à utiliser des véhicules de dimensions exceptionnelles sur la route qui dessert ces installations. La compagnie réalise ainsi certaines économies, et en verse 75 p. 100 au ministère de la Voirie pour contribuer à l'amélioration de la route en question.

Parlons un peu de fiscalité: en Saskatchewan, les taxes sur le carburant dont sont frappés les véhicules automobiles se chiffrent à environ 375 millions de dollars. Nous consacrons à peu près 170 millions de dollars au réseau routier, et il reste donc environ 200 millions de dollars qui passent au compte des recettes générales. Les taxes versées par les compagnies de chemin de fer en Saskatchewan s'élèvent à environ 30 millions de dollars par an. C'est en Saskatchewan que les compagnies de chemin de fer paient le plus de taxes; environ 15 cents par litre, soit une contribution de 30 millions de dollars au budget de la province. Cela est également versé au compte des recettes générales.

Donc, les compagnies de chemin de fer, je suis fier de le dire, font leur devoir, comme tout bon citoyen de la province de la Saskatchewan. Elles nous aident à financer les hôpitaux et le système de soins de santé, en général. Il faut savoir qu'une bonne partie de leurs revenus provient de la Saskatchewan et de l'ensemble des provinces des Prairies. Si l'on compare la contribution aux recettes générales tirée des autres taxes sur le carburant, qui se chiffre à environ 200 millions de dollars, à celle des compagnies de chemin de fer, qui s'élève à 30 millions de dollars, je pense que le rapport est raisonnable.

Les compagnies de chemin de fer disent parfois qu'elles n'ont bénéficié d'aucun avantage de la part du gouvernement, mais si je me souviens bien, on a lancé, il y a quelques années, un programme de restauration des voies de chemin de fer, auquel, je pense, le gouvernement fédéral a contribué quelque chose comme un milliard de dollars.

Le sénateur Spivak: Peut-on concilier cela avec ce qu'a déclaré M. Ritchie lorsqu'il a dit que les compagnies de chemin de fer canadiennes paient en taxes, par rapport à leur revenu, 75 p. 100 de plus que les compagnies de chemin de fer américaines ou les sociétés de transport routier canadiennes ou américaines? D'après vous, c'est le gouvernement fédéral qui exige la différence?

M. Renaud: M. Ritchie parlait sans doute de toute l'industrie du transport routier, et je n'ai pas ces chiffres-là donc, je ne sais pas. En tout cas, je n'ai pas les chiffres qui s'appliquent à d'autres provinces.

Le sénateur Spivak: Soixante-quinze pour cent, c'est un fardeau qui est lourd à assumer. Savez-vous sur quoi cela se fonde?

M. Renaud: Pouvez-vous me dire ce qu'a déclaré M. Ritchie?

Le sénateur Spivak: Il a dit que les compagnies de chemin de fer payaient en taxes, par rapport à leur revenu, 75 p. 100 de plus que les compagnies de chemin de fer américaines ou les sociétés de transport routier canadiennes ou américaines.

M. Renaud: Je pense qu'il parlait du total des taxes, y compris les taxes sur le carburant et l'impôt sur le revenu des sociétés, mais je n'en suis pas sûr.

Le sénateur Spivak: Bon. Nous pouvons clarifier cela plus tard.

Le sénateur Forrestall: Ce qui m'inquiète un peu, c'est la raison de ces amendements. Au premier coup d'oeil, il semblait bien qu'ils aient effectivement pour objet de faire prendre suffisamment de valeur au seul instrument dont les compagnies publiques doivent constamment se préoccuper, c'est-à-dire, leurs actions. Pour une raison ou une autre, il y avait quelque chose dans l'industrie ferroviaire qui inquiétait beaucoup la direction de CN et de CP, entre autres.

Nous comprenons cela, madame la présidente, mais nous savons également que le gouvernement du Canada est tout à fait conscient des difficultés auxquelles font face les compagnies de chemin de fer, notamment en ce qui a trait aux déductions pour amortissement. Ces compagnies sont aujourd'hui confrontées à de nombreux problèmes, mais il y a toute une gamme de questions fiscales qui font l'objet de discussions sérieuses et positives, même de négociations, avec le gouvernement et avec les provinces. Cela m'amène à me demander pourquoi les expéditeurs sont si contrariés et si furieux, et pourquoi les compagnies de chemin de fer sont à ce point convaincues que la situation doit rester telle qu'elle est actuellement.

Vous êtes le témoin idéal, parce que vous êtes médiateur et intervenant et que vous avez des responsabilités publiques. D'après vous, pourquoi les expéditeurs sont-ils si furieux, et comment en sommes-nous arrivés à les contrarier à ce point? Les nouvelles dispositions législatives auront-elles autant d'effet que certaines personnes semblent penser? Est-ce que cela va, tout d'un coup, ajouter 5 $ l'action à la valeur marchande de CP ou de CN? J'en doute. Avez-vous réfléchi à la raison pour laquelle ces deux articles ont été inclus?

M. Renaud: Nous ne savons pas. Nous aimerions qu'ils soient éliminés. À nos yeux, il y avait, dans la LTN de 1987, les quatre pierres angulaires dont j'ai parlé plus tôt, ce qui semblait créer un climat de concurrence là où, peut-être, il n'y avait pas vraiment de concurrence. Cela permettait aux expéditeurs d'engager des pourparlers avec les compagnies de chemin de fer et de négocier des contrats. Nous croyons que maintenant, le processus va être embrouillé, étant donné que le texte de la nouvelle loi n'est pas très clair du point de vue des expéditeurs. Cela pourrait s'avérer très coûteux.

Les parties seront-elles en mesure de s'entendre sur le prix? Que veulent dire certaines parties du texte? La position respective des expéditeurs et des compagnies de chemin de fer semblait très claire selon la LTN de 1987. Les expéditeurs avaient un petit moyen de pression, même s'ils ne l'utilisaient pas très souvent parce qu'ils négociaient de bonne foi avec les compagnies de chemin de fer. C'est ce dont nous avons besoin, à notre avis, dans une situation où la concurrence est très limitée.

Dans un environnement hautement compétitif, ce projet de loi, ou du moins un bon nombre de ses dispositions, ne nous inquiéterait pas du tout. Toutefois, bien des expéditeurs et des producteurs estiment qu'il n'y a tout simplement pas assez de concurrence.

D'après eux, les règles établies dans le cadre de la LTN du 1987 créaient au moins un peu de concurrence, leur donnaient ce petit moyen de pression qui leur permettait de négocier avec les compagnies de chemin de fer. Telle est la position des expéditeurs.

D'un autre côté, si j'exploitais une compagnie de chemin de fer, je ne voudrais pas que l'on m'accuse, sans raison valable, de ne pas fournir un service adéquat ou de demander le prix fort. Ce sont des choses qui me préoccuperaient certainement, à juste titre.

Nous essayons de trouver un terrain d'entente pour que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer puissent travailler ensemble dans un contexte concurrentiel, pour que les expéditeurs et les agriculteurs puissent obtenir les meilleurs taux possibles, et pour que les compagnies de chemin de fer puissent effectivement faire de bonnes affaires, même s'il existe plus de concurrence à cause du rétablissement de la réglementation.

Nous avons besoin de compagnies de chemin de fer solides, mais il faut aussi que le secteur de l'expédition, l'économie et, certainement, le secteur agricole soient également solides.

Le sénateur Forrestall: Mais vous ne vous attendez tout de même pas à ce que nous améliorions la situation financière des deux principales compagnies de chemin de fer d'un coup de baguette magique, n'est-ce pas?

M. Renaud: Non, mais il faut bien se mettre dans la tête que la subvention du Nid-de-Corbeau a disparu et qu'un barème, qui fera l'objet d'un examen en 1999, s'applique maintenant au transport du grain.

Nous croyons qu'il existe sûrement d'autres moyens de rendre le système plus efficient. Dans un environnement concurrentiel, comme je l'ai dit auparavant à propos de l'immobilier, vous cherchez à faire d'autres gains d'efficience pour être compétitif. Nous croyons que, là aussi, il y a des possibilités.

La présidente: Monsieur le ministre, pouvez-vous citer des cas où il a fallu renoncer à du grain ou du charbon, parce que les taux de transport ferroviaire étaient trop élevés?

M. Renaud: Non, je ne pense pas. M. Churko pourrait peut-être ajouter quelque chose à ce sujet. Nous sommes captifs; les taux sont ce qu'ils sont. L'agriculteur et l'expéditeur doivent faire avec.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que ce processus risque de nous poser des problèmes, étant donné les dispositions de l'Accord de libre-échange? Ne pousse-t-on pas les choses un peu loin avec ces diverses formes d'aide, d'assistance et de subvention?

M. Renaud: À ce que je sache, il n'y a aucun risque dans ce contexte, c'est l'opinion que l'on m'a donnée.

M. Churko: J'aurais une observation à faire à propos du grain. Nous ne savons pas comment le projet de loi C-14 affectera le secteur céréalier, parce que ces dispositions sont nouvelles. Jusqu'ici, c'était un secteur réglementé, et ces conditions sont donc tout à fait nouvelles. Je présume qu'elles n'affecteront pas la vente de la production céréalière.

Des expéditeurs m'ont informé qu'à cause des taux, certains contrats d'exportation de potasse n'ont pu être conclus. Je n'ai aucune preuve pour appuyer ces dires.

La présidente: Merci, monsieur le ministre, d'avoir présenté un exposé et accepté de répondre à nos questions.

Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Les membres du comité ont aujourd'hui beaucoup de questions à vous poser, et je vous prie donc de réserver assez de temps après votre exposé pour qu'ils puissent le faire.

L'honorable David Anderson, c.p., ministre des Transports: Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, d'avoir réservé du temps pour que je puisse participer à la discussion de ce projet de loi.

[Français]

Je regrette que des obligations outre-mer nous aient empêchés de commencer de la façon traditionnelle, selon laquelle le ministre des Transports présente un projet de loi à ce comité au début des débats.

Votre comité a entendu les mémoires d'un groupe représentatif d'intervenants sur le projet de loi C-14, la Loi sur les Transports au Canada. Le moment est donc venu de résumer et de nous tourner vers l'avenir.

[Traduction]

Pour résumer, j'estime qu'il nous faut réviser et clarifier nos buts, et la façon dont ce projet de loi servira à les réaliser et à moderniser le réseau de transport du Canada.

Dans l'intérêt de cette modernisation, nous devons concentrer nos énergies de façon à ce que nous puissions non seulement renforcer les partenariats traditionnels, mais aussi en créer de nouveaux. C'est ainsi que nous allons instaurer une économie novatrice qui débouchera sur la croissance et des emplois pour les Canadiens.

Les Canadiens de tous les milieux, et de toutes les parties du pays, ont déjà fait beaucoup, mais il reste encore beaucoup à faire.

[Français]

Les discussions, qui ont abouti à ce projet de loi, ont commencé il y a près de 2 ans.

Lorsqu'il s'est adressé à vous le 23 avril, mon collègue Stan Keyes, a fait remarquer qu'un consensus a pu être obtenu dans une large mesure.

La majeure partie de ce projet de loi jouit d'un vaste appui.

Seul un petit nombre d'articles suscitent encore des commentaires défavorables.

Vous avez entendu les avis des deux parties opposées sur ces questions. Certains disent que nous sommes allés trop loin, et que nous avons réduit les droits des expéditeurs, tandis que d'autres prétendent que nous avons été trop timides et que nous aurions dû aller au moins aussi loin que la «Staggers Act» des États-Unis.

[Traduction]

Le gouvernement a eu à coeur, à toutes les étapes, de conserver l'équilibre requis dans ses politiques, tout en apportant les correctifs nécessaires au projet de loi pour le rendre plus clair, plus simple et plus efficace, chaque fois que cela était possible.

Nous avons pris des mesures pour réduire le fardeau de la réglementation, tout en conservant les principales garanties. Je me permettrai d'ajouter que la question du fardeau de la réglementation est fréquemment évoquée par le secteur privé, qui fait de la réduction de ce fardeau un des objectifs qu'il est le plus important d'atteindre.

Nous cherchons à permettre aux parties intéressées de prendre un plus grand nombre de décisions, tout en laissant au gouvernement la possibilité de protéger l'intérêt public, au sens large du terme, et d'agir s'il se produit des perturbations extraordinaires.

[Français]

Nous demandons à l'organisme de réglementation d'accomplir un nombre réduit de fonctions, mais plus rapidement, et en même temps d'améliorer les outils pour assurer la conformité lorsqu'une réparation réglementaire a été accordée.

Le passage à un réseau de transports régi par des règles moins nombreuses, mais caractérisé par une plus grande autonomie et des partenariats plus forts, témoigne de notre conviction:

Que le secteur privé est le moteur de la création d'emplois et de la croissance;

Que la responsabilité du gouvernement est de susciter le climat propice à la création d'emplois.

Permettez-moi de préciser que nous avons absolument besoin d'un réseau de transport fort et rentable pour livrer les marchandises canadiennes sur les marchés intérieurs et étrangers, tout en maintenant le coût des marchandises livrées au niveau le plus bas.

[Traduction]

Ces conditions favorisent la croissance économique et généreront de nouveaux emplois dans notre pays.

Nous avançons dans cette direction avec confiance, parce que les Canadiens ont la volonté de tourner le dos à l'échec et de réussir. Si nous sommes tous partenaires, nous pourrons, ensemble, construire l'économie nationale, et nous assurer que la croissance économique se traduit, pour les Canadiens, par de bons emplois bien rémunérés.

[Français]

Tout en maintenant les normes de sécurité les plus élevées, nous nous dirigeons vers un réseau de transport plus efficient, répondant aux besoins actuels et prêt à répondre à ceux de demain.

La plupart des expéditeurs vous ont fait remarquer le rôle important des chemins de fer, qui les aident à obtenir un accès fiable et concurrentiel aux clients actuels et à de nouveaux clients dans les marchés internationaux.

[Traduction]

Nous partageons une vision commune du succès croissant du Canada sur les marchés internationaux.

Face à l'évolution rapide de la conjoncture mondiale, il faut que nous ayons une plus grande facilité d'adaptation, et que nous soyons en mesure de réagir plus rapidement. C'est pourquoi nous devons mettre l'accent sur les relations d'affaires de caractère commercial et réduire la réglementation. C'est aussi pourquoi nous devons envisager la rationalisation de l'industrie ferroviaire sous un autre jour.

Ce projet de loi fait tomber les obstacles à la mise en service de lignes secondaires au Canada, lesquelles peuvent offrir des services excellents et moins coûteux. C'est ce qu'a très bien démontré M. Bruce Flohr, de Rail-Tex, lorsqu'il a comparu devant le comité. L'information qu'il vous a donnée sur les deux lignes qu'il exploite -- la Cape Breton and Central Nova Scotia Line, en Nouvelle-Écosse, et la Goderich and Exeter Line, en Ontario -- tout comme les déclarations de M. Payne à propos de la Central Western Line qu'il exploite en Alberta, sont des exemples concrets qui démontrent le bien-fondé de l'orientation que, selon nous, nous devons prendre.

[Français]

Le processus actuel de la LNT encourage les chemins de fer à faible densité de trafic, de se livrer au «démarketing». Il encourage l'opposition de tout changement par les intérêts locaux. Ce qu'on veut et ce qui est prévu dans ce projet de loi est un processus qui encourage l'investissement de la part de nouveaux propriétaires dans les chemins de fer secondaires. Nous favorisons ainsi la rétention des voix ferrées utilisables, plutôt que l'abandon qui a été préconisé jusqu'ici.

Il nous faut déterminer comment les réparations seront accordées, s'il devait y avoir abus du système pour des avantages privés, lorsque les forces du marché ne parviennent pas à assurer une protection efficace.

Nous sommes persuadés que les changements proposés vont fonctionner. Les faits nous montrent que les cas où les parties réussissent à s'entendre sur les taux de transport ferroviaire sont monnaie courante et que l'échec est l'exception.

[Traduction]

Cependant, pour nous assurer que des procédures adéquates régissent la marche à suivre, au cas où les négociations échoueraient, nous avons conservé toutes les dispositions en matière d'accès concurrentiel dont les expéditeurs bénéficient depuis 1987. Dans certains cas, nous avons réduit les délais prévus pour l'application de ces procédures. Je le répète: nous avons conservé toutes les dispositions en matière d'accès concurrentiel.

Certains vous ont dit que tout allait très bien et que, s'il n'y a pas de problème, ce n'est pas la peine de changer quoi que ce soit. Mais il n'en est pas ainsi.

[Français]

En 1993, le comité d'examen de la Loi sur les transports nationaux a signalé des problèmes naissants dans le secteur ferroviaire. Nous avons suivi les événements de très près, mais notre stratégie est d'intercepter les problèmes et non pas d'attendre qu'ils deviennent trop graves pour être ignorés.

En réponse aux questions du sénateur Roberge, nous avons déposé les indices de prix, en dollars constants de 1986, montrant que les chemins de fer ont perdu 30 p. 100 de leurs revenus moyens au cours de la dernière décennie.

Le déclin des prix n'est pas produit en bonds subits, mais il s'est plutôt opéré de façon constante à raison de 3 p. 100 par année.

[Traduction]

Certains expéditeurs ont déclaré qu'eux aussi, comme les compagnies de chemin de fer, ont vu baisser leurs prix réels. Heureusement pour notre économie, ce n'est pas le cas dans tous les secteurs. Là où cela s'est produit, la plupart du temps, la baisse des prix est inférieure à la réduction de trois pour cent qu'ont dû absorber nos compagnies ferroviaires.

Pour améliorer leur viabilité économique, il faudrait s'assurer qu'elles disposent de ressources suffisantes pour acquérir le matériel roulant dont elles ont besoin et améliorer la qualité de leurs services. Il faudrait s'assurer que les investisseurs et les prêteurs considèrent l'industrie ferroviaire canadienne comme un secteur d'investissement intéressant.

[Français]

Quant aux directives que nous avons fournies à l'Office des transports du Canada, et du discernement que nous lui permettons d'exercer, qui font l'objet des articles 27 et 112 tant débattues, permettez-moi de formuler quelques observations à ce sujet.

La relation entre les expéditeurs et les transporteurs m'apparaît comme une relation de partenaire, de personnes qui comptent l'une sur l'autre pour réussir. Ils ne sont pas des concurrents, en ce sens que ce qui affaiblit l'un affaiblit aussi l'autre.

Dans un partenariat viable, il ne saurait y avoir de gagnant ni de perdant. Un partenariat viable vise à maintenir un équilibre raisonnable des avantages à l'intérieur des partenariats. Les réparations doivent produire des résultats susceptibles de durer à long terme.

[Traduction]

Il faut se montrer très prudent lorsqu'à la place d'une décision prise par accord mutuel à la suite de négociations de nature commerciale, on impose une résolution découlant d'un processus réglementaire.

Premièrement, nous ne devrions pas substituer la réglementation à des négociations de nature commerciale pour régler des différends dont l'importance ou la portée sont négligeables. Nous disons que lorsque l'Office est appelé à régler un différend dont les répercussions sont notables, il devrait accorder une réparation. Toutefois, si le problème n'a pas d'incidence significative, l'office ne devrait pas intervenir.

[Français]

Deuxièmement, lorsque la réglementation est invoquée, la perspective globale et les intérêts des deux parties devraient au moins être pris en compte, ce qui signifie que l'Office doit jouir d'une certaine mesure de discernement.

Lorsque le transporteur et l'expéditeur font tout deux face aux pressions de la diminution des prix et des recettes, la décision de l'Office peut être difficile.

C'est pourquoi nous comptons sur son impartialité et son expertise. A quoi bon disposer de toutes compétences si l'Office n'a pas à exercer de discernement?

[Traduction]

Est-il juste d'imposer une réparation réglementaire, sans laisser à l'organisme de réglementation la possibilité de faire preuve d'un discernement quelconque? Devrait-on ne tenir aucun compte des faits lorsque les affaires du demandeur marchent très bien, alors que ce n'est pas le cas du transporteur?

La loi actuelle ne permet pas de tenir compte de la viabilité du transporteur ou de l'expéditeur dans les décisions au cas par cas sur la réparation à accorder à l'expéditeur.

En vertu des articles 27 et 112, nous garantissons désormais que la viabilité de l'expéditeur et celle du transporteur seront prises en considération dans toute décision rendue par l'organisme de réglementation.

[Français]

Les notions de «préjudice commercial important» et de «commercialement équitable et raisonnable» témoignent que c'est le devoir de l'office de peser les effets immédiats et à long terme de ces décisions sur les deux parties.

Nous sommes d'avis que l'équilibre est possible lorsqu'un discernement responsable est prévu. Nous sommes d'avis que l'équilibre est compromis lorsque le préjudice n'est pas pris en compte et lorsque l'équité et le caractère raisonnable ne s'appliquent pas aux deux parties.

[Traduction]

En outre, je tiens à mentionner les mesures de contrôle que nous avons intégrées à ce projet de loi. Premièrement, il existe dans ce projet de loi cinq mécanismes d'examen. En vertu de l'article 42(2), l'Office des transports du Canada est tenu de faire rapport, chaque année, des difficultés rencontrées dans l'application de cette loi.

Deuxièmement, en vertu de l'article 49, l'office peut être chargé de faire une enquête approfondie sur tout problème qui peut se faire jour.

[Français]

Une troisième avenue d'examen consiste dans le fait que le ministre est chargé, dans ce projet de loi, de présenter un rapport annuel sur l'état du réseau des transports (Clause 52(1)) et d'entreprendre un programme de collecte de données à l'appui de chaque aspect de cette analyse.

À compter de l'an prochain, l'industrie mènera un examen non réglementaire du réseau de transport et de manutention du grain et le ministre est lui-même chargé d'effectuer en 1999 un examen réglementaire du réseau de transport et de manutention du grain (Clause 155(1)), ce qui constitue un quatrième outil d'examen.

[Traduction]

Enfin, en vertu de l'article 53, la loi impose au ministre de faire faire un examen complet de la Loi sur les transports au Canada au cours de la cinquième année qui suivra sa promulgation.

Nous nous efforçons, par le biais de ces mécanismes de contrôle, de veiller à ce que les problèmes soient repérés au fur et à mesure qu'ils apparaissent et à ce qu'ils soient réglés de façon appropriée.

[Français]

Notre vision du réseau des Transports du Canada est celle d'un réseau en cours de modernisation pour entrer dans le XXIe siècle avec un réseau de transport moderne. C'est celle d'un réseau qui nous aidera, en tant que pays, à poursuivre nos buts et aspirations les plus élevés. Un réseau qui permettra de nous rendre où nous voulons aller en toute sécurité à un prix à notre portée.

[Traduction]

Lorsque les objectifs ou les conditions sous-jacentes évoluent, les outils dont nous disposons doivent être adaptés aux nouvelles tåches à accomplir ou remplacés par ce qu'il faut pour relever le nouveau défi.

[Français]

Dans la Loi sur les transports au Canada, j'estime que nous avons les outils adaptés à la tåche qui nous attend. Nous avons créé les conditions pour que de sains partenariats puissent s'épanouir. Nous devons maintenant nous pencher sur d'autres préoccupations importantes et laisser les Canadiens et diverses entreprises s'affairer au transport.

[Traduction]

La présidente: Ma première question est la même que celle que j'ai posée au ministre de la Saskatchewan. Les expéditeurs nous ont dit que, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il se pourrait que cela fasse disparaître des emplois dans leur secteur, et que l'on installe de nouvelles usines ailleurs. Avez-vous des observations à faire à ce propos?

M. Anderson: Ce sont là des préoccupations d'ordre général que nous avons prises en considération. Il est inévitable qu'un système de transport évolue, lorsqu'on élimine en même temps les subventions dont bénéficiaient la région de l'Atlantique et l'Ouest de Canada. À notre avis, il est probable que ces changements et la commercialisation du système n'affecteront pas indûment les exploitations économiquement viables. Pour certaines entreprises, qui sont dans une situation précaire, il se peut que les modifications apportées aux mesures législatives aboutissent à ce que les subventions dont elles bénéficiaient, par l'intermédiaire des compagnies de chemin de fer et de certains de leurs autres clients, soient coupées. Toutefois, prétendre que cela s'applique de façon générale serait faux, je pense. Nous cherchons à maintenir un certain niveau de viabilité économique dans tout le système, et cela comprend les compagnies de chemin de fer.

Nous ne sommes pas habitués à avoir des compagnies ferroviaires rentables au Canada. Jusqu'ici, nous avons pu compter sur un bon réseau ferroviaire. Cependant, l'avenir m'inquiète. Si nous laissons le matériel roulant se détériorer, et si nous ne faisons rien pour moderniser le réseau, éventuellement, nous allons commencer à perdre du terrain à tous les niveaux, qu'il s'agisse de desservir les expéditeurs ou les exportateurs et même d'assurer les services de transport nationaux. Il est important de reconnaître cela. Si nous ne veillons pas à assurer la pleine et entière viabilité des chemins de fer, nous pourrions en subir les conséquences néfastes à tous les niveaux.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, j'aimerais passer à la Partie V du projet de loi, celle qui porte sur le transport des personnes ayant une déficience. Je vous renvoie notamment à l'article 169, ainsi qu'aux articles 170 et 171.

Ma première question a trait à la politique du gouvernement. Quand je lis l'énoncé de l'article 171, je me demande si la politique du gouvernement a changé en ce qui a trait à la primauté de la Loi canadienne sur les droits de la personne par rapport à d'autres dispositions législatives.

M. Anderson: La politique n'a absolument pas changé. Nous voulons nous assurer que les personnes souffrant d'un handicap physique, qui aurait quelque problème que ce soit, bénéficient effectivement des mêmes recours et de la même protection que leur assurerait la Commission canadienne des droits de la personne.

J'ajouterais que, dans le cadre de la rationalisation générale de mon ministère, qui nous a amenés à abandonner certaines activités, à nous concentrer sur la sécurité, sur les politiques et sur nos responsabilités en certains domaines, s'il en est un qui est en tête de la liste des priorités, c'est bien le transport des personnes ayant une déficience. Même si l'effectif du ministère, qui était de 19 000 personnes lorsque le gouvernement a pris le pouvoir, doit tomber à 4 500 d'ici aux prochaines élections, c'est une des responsabilités que conserve notre ministère.

Le sénateur Kinsella: Je félicite chaudement le gouvernement de faire en sorte que les moyens de transport canadiens facilitent le déplacement des personnes ayant une déficience. Cependant, l'article 171 stipule que «L'Office et la Commission canadienne des droits de la personne sont tenus...» de faire certaines choses. Il semble donc qu'en vertu des dispositions de la Loi sur les transports, on prétende donner des ordres à un tribunal quasi indépendant, en l'occurrence, la Commission canadienne des droits de la personne. Je suis curieux de savoir si le gouvernement réalise ce que sous-entend l'énoncé de cet article.

M. Anderson: Je crois savoir que cette disposition se trouvait, sous la même forme, dans la loi qui était en vigueur auparavant. Cela n'a posé aucun problème. Monsieur le sénateur, vous soulevez la question de l'équivalence des compétences de l'Office et de la Commission canadienne des droits de la personne. Personnellement, je ne pense pas que cela soit une question particulièrement épineuse. Elle touche une situation à laquelle le ministère s'intéresse de près et dont le contrôle n'a pas été complètement délégué à l'office.

Cet article assure, comme celui qui se trouvait dans l'ancienne loi, que l'Office coordonne pleinement son action avec celle de la Commission des droits de la personne. L'article 171 est un moyen de signaler à l'Office, et à tout le monde, que nous aiderons les personnes qui souffrent d'une déficience ou qui, pour une raison ou pour une autre, ont quelque difficulté à utiliser les moyens de transport existants, et que des dispositions particulières s'appliquent à leur cas. Nous ne cherchons absolument pas à rejeter cette responsabilité.

Le sénateur Kinsella: Dans ces conditions, êtes-vous d'avis que l'Office est tenu d'observer les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne plutôt que celles qui sont énoncées ici?

M. Anderson: Ce qui complique quelque peu la question, c'est que l'Office et la Commission des droits de la personne ont des champs de compétence et des secteurs d'activité différents. Nous voulons nous assurer que leur action est pleinement coordonnée. Je crois que cette disposition nous permettra d'atteindre cet objectif, comme cela a été le cas en vertu de l'ancienne loi. Personnellement, je pense que faire de ce domaine l'un des quatre dont Transports Canada reste responsable montre l'importance que nous y attachons.

Encore une fois, à ce que je sache, les dispositions qui régissent cette coordination et qui étaient énoncées, je crois, exactement de la même façon dans l'ancienne loi, n'ont soulevé jusqu'ici aucune difficulté.

La présidente: J'ai omis d'indiquer que nous recevons Mme Moya Greene, sous-ministre adjointe des Transports.

M. Anderson: Sous-ministre adjointe, responsable des politiques, mon bras droit.

Le sénateur Roberge: Monsieur le ministre, au cours des séances que nous avons tenues ces dernières semaines, il a été question du caractère subjectif des expressions «préjudice commercial important» et «commercialement équitables et raisonnables». On les juge subjectives car, d'après les expéditeurs, par exemple, cela va donner lieu à de nombreux litiges. On ne va pas s'en tenir aux décisions de l'office, on va saisir la Cour d'appel ou même la Cour suprême du Canada. Cela va entraîner des frais énormes, et il va falloir attendre longtemps avant qu'une décision soit rendue. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

M. Anderson: Il est toujours possible, lorsqu'une nouvelle loi est promulguée, que l'on cherche à la contester. Il se peut qu'une compagnie de chemin de fer ou un gros expéditeur en testent la validité auprès des tribunaux, pour voir quels avantages ils peuvent en tirer.

Cela est vrai de toute autre disposition législative. Les tribunaux détermineront rapidement comment cette loi doit être interprétée, s'il y a quelque doute à ce sujet, ce qui n'est pas le cas, à mon avis.

Dans une certaine mesure, les tribunaux s'en remettront au jugement de l'office. Il y a, dans l'article 27, des éléments qui permettent d'en donner une interprétation. Je ne prétends pas qu'il n'y aura aucun litige, mais les juristes que j'ai consultés à ce propos, et qui n'ont partie liée ni avec les compagnies de chemin de fer, ni avec les expéditeurs, ne m'ont donné aucune raison de penser que cette préoccupation est fondée.

Il est possible qu'à un moment ou à un autre, l'énoncé de cette disposition soit remis en question. Cependant, l'expression «préjudice commercial important» n'est pas tombée de la lune; c'est une expression que l'on utilise fréquemment. Elle a un sens usuel. Selon nous, même s'il est possible que l'on cherche à la remettre en question, il y a très peu de chances -- pour ne pas dire aucune -- que cela entraîne des litiges à n'en plus finir.

Le sénateur Roberge: Si cela ne pose aucun problème, je ne vois pas pourquoi on en parle dans le projet de loi. C'est la même chose en ce qui concerne l'expression «valeur nette de récupération». D'ailleurs, les parties dont on parle dans l'expression «commercialement équitables et raisonnables vis-à-vis des parties» peuvent même être des gens qui ne sont pas, de fait, directement concernés.

M. Anderson: Oui, mais il s'agit là de dispositions qui sont sujettes à interprétation. Permettez-moi de m'en remettre totalement à la sagesse des tribunaux. Je suis sûr que tous feront preuve de bon sens et de logique. Si un tribunal autorisait quelqu'un qui n'est absolument pas concerné à intervenir dans une affaire, on pourrait remettre en question la sagesse du juge.

Je pense que les juges réagiront de façon sensée. Ils se rendront compte que cette mesure est sujette à interprétation. Selon moi, ils reconnaîtront l'objectif que l'on cherche clairement à atteindre par le biais de ces dispositions -- soit assurer qu'il existe entre les parties des relations commerciales normales -- et qu'ils interpréteront ces prescriptions de cette manière.

À ce stade, alors que la loi n'est pas encore en vigueur, il y a des gens qui préféreraient que l'on prenne d'autres mesures et que l'on ne passe pas, comme nous voulons le faire, de la réglementation à la commercialisation, et c'est sans doute pourquoi ils soulèvent des problèmes qui, à mon avis, après analyse du texte législatif, se révèlent sans fondement.

Il y a des gens qui préféreraient l'ancien système. Je suis sûr que nombre d'entre eux ont fait des démarches auprès de vous, comme ils l'ont fait auprès de moi. En vérité, sur cette question de politique, nous avons pris le taureau par les cornes: nous essayons d'instaurer des relations d'ordre commercial, d'obliger les deux parties à en venir à une décision raisonnable, et de mettre en place des mesures de protection, tout en refrénant les tentatives de subornation de l'office lors d'audiences réglementaires. Voilà ce que nous essayons de réfréner. Ce sont des pratiques qui prennent beaucoup de temps et qui sont contraires à l'établissement de relations commerciales productives et intelligentes entre les compagnies de chemin de fer et leurs clients. De plus, cela ne facilite pas la mise en place d'un réseau de transport moderne.

Le sénateur Spivak: Les conseillers juridiques des expéditeurs de l'ouest du Canada font valoir deux arguments à propos de l'interprétation de l'article 27(2). Tout d'abord, ils prétendent que cet article fait double emploi, étant donné qu'il existe une mesure compensatrice.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux litiges, l'office devra faire preuve de discernement. Il s'agit donc de donner une opinion subjective; ce n'est pas une question de faits. Ces conseillers juridiques estiment qu'il y aura des litiges, car les dispositions requièrent la formulation d'une opinion fondée sur les faits et les circonstances entourant chaque cas. Ils ne pensent pas qu'il n'y a aucune chance de litige, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, parce qu'il ne s'agit pas de s'en tenir à des faits, mais de donner une opinion. D'après eux, c'est tout à fait le genre de question de droit qui prête particulièrement à la contestation.

Il y a donc deux choses. Premièrement, il existe déjà des mesures compensatrices adéquates dans la disposition à cet effet. Deuxièmement, l'opinion que doit rendre l'office, qui est un tribunal, s'appuie sur le discernement.

M. Anderson: Il y a possibilité de litiges, sans aucun doute. Je ne prétends pas qu'il n'y en aura aucun, mais il me semble que la période pendant laquelle les tribunaux pourront être saisis de la question sera relativement brève. Il serait probablement peu avisé de leur présenter certaines des analyses les plus extrêmes de ce texte législatif que nous avons tous entendues.

En ce qui a trait à la question du discernement, l'office devra en effet faire preuve de discernement, comme bien d'autres organismes de ce genre. En l'occurrence, c'est la compétence des gens qui seront nommés membres de l'office qui constitue une protection. C'est là un point important, dont nous mesurons tous la portée. Sur ces deux plans, je n'ai vraiment aucune crainte. Peut-être suis-je optimiste, mais je crois que nous pouvons établir des organismes capables de faire preuve de discernement de façon appropriée et avisée.

Je passe maintenant la parole à Mme Greene: elle va vous donner des précisions sur la question de la redondance de la disposition qui est censée reprendre une mesure que l'on trouve ailleurs dans le texte législatif.

Mme Moya Greene, sous-ministre adjointe, ministère des Transports: Je ne suis pas d'accord avec M. Foran. Comme vous le savez, sénateur, j'ai passé beaucoup de temps avec M. Foran pour qui tout le monde a le plus grand respect, dans le secteur des transports. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point.

Mon opinion, qui s'appuie surtout sur les recherches juridiques que nous avons faites pour préparer ce projet de loi, est que, mis à part le fait qu'en règle générale, le texte d'un projet de loi, quel qu'il soit, n'est pas coulé dans le bronze, et que pour tout avocat, c'est l'occasion -- une nouvelle occasion, diraient certains -- de chercher à faire valoir tel ou tel argument, on ne trouve dans ce projet de loi aucune expression qui n'ait pas déjà été utilisée dans un texte législatif. Par conséquent, pour savoir ce que les expressions veulent dire, on pourra s'appuyer sur les interprétations très judicieuses et très claires qui ont été données précédemment.

Je ne pense pas que l'expression «commercialement équitables et raisonnables» soit redondante. Cette expression décrit des conditions qui assurent à tout expéditeur la protection la plus extraordinaire qui soit, je veux parler du droit à ce que l'on appelle un prix de ligne concurrentiel. Personne -- ni aux États-Unis, ni ailleurs, d'après nos recherches -- ne jouit de ce droit. C'est un droit tout à fait extraordinaire. Cela oblige la compagnie de chemin de fer, qui dessert l'expéditeur et dont les prix ne sont pas jugés satisfaisants par l'intéressé, à laisser une compagnie concurrente assurer le service. C'est donc cette dernière qui bénéficie des profits que l'on peut tirer des expéditions long-courrier. C'est tout à fait extraordinaire. Le projet de loi maintient ce droit qui existe depuis 1987.

Le seul effet que peut avoir l'expression «commercialement équitables et raisonnables» est d'assurer que, si l'office fait jouer cette extraordinaire protection réglementaire, qui n'existe nulle part ailleurs, les prix que la compagnie de chemin de fer est tenue de demander doivent au moins être commercialement équitables et raisonnables.

L'expression «vis-à-vis des parties» a été ajoutée à la demande de certains expéditeurs en comité parlementaire, afin qu'il soit clair que toute décision devra tenir compte de la situation des deux parties intéressées.

Pour ce qui est des parties en question, par définition, le mot «parties» désigne des gens qui sont directement concernés.

L'expression «préjudice commercial important», que l'on trouve à l'article 27(2), a été adoptée par le comité parlementaire parce qu'on la retrouve dans d'autres textes législatifs. Elle revient très fréquemment et son sens est précisé par la jurisprudence.

Par ailleurs, le comité parlementaire a décidé, entre autres, pour que tout soit aussi clair que possible, d'inclure une liste des circonstances dans lesquelles on pourrait considérer qu'il peut y avoir un «préjudice commercial important».

Enfin -- et cela peut vous tranquilliser quelque peu -- même si l'énoncé de tout nouveau texte législatif est sujet à contestation, nous sommes convaincus que les dispositions interprétatives de ce projet de loi ne pourront pas être remises en question aussi facilement que vous le craignez.

L'article 31 stipule clairement qu'une décision de l'office sur une question de faits est définitive; elle n'est pas contestable. Étant donné que c'est à l'office que l'on présente tous les faits, le texte législatif précise, à l'intention de quiconque chercherait à la contester, qu'une décision rendue sur une question de faits ne peut être remise en cause.

Deuxièmement, certains précédents, dont la validité est très largement reconnue, montrent que, sur toute question d'opinion, la cour s'en remet aux décisions rendues par un tribunal. Je dirais que c'est le cas en ce qui concerne les dispositions interprétatives que l'on trouve dans les articles 27(2) et 112. Une disposition interprétative sert de guide à l'office, de sorte qu'il tient compte de certains facteurs dans ses décisions. Il s'agit bien là d'une question d'opinion.

La cour déférera à cette opinion parce qu'à ses yeux, un organisme comme l'Office est une instance spécialisée où siègent des gens à qui l'on a présenté les faits et qui sont compétents pour rendre une décision.

C'est pour toutes ces raisons, honorables sénateurs, que je ne suis pas d'accord avec M. Foran à ce propos.

Le sénateur Spivak: L'avis juridique que vous avez donné, en réponse à ma question, est exhaustif et compétent. Je ne veux pas vous chercher querelle. Je vais plutôt passer à une autre question. Permettez-moi cependant de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que lorsque vous déclarez que la mesure dont nous parlons est extraordinaire et que l'on n'en voit trace nulle part dans les textes régissant le transport ferroviaire, cela ne m'impressionne pas.

Les producteurs de grain, c'est-à-dire les gens dont les intérêts me tiennent le plus à coeur, voudraient qu'il y ait quelques signes de concurrence dans ce secteur. Dans une large mesure, la concurrence n'existe pas du point de vue des producteurs de grain. Par conséquent, il ne s'agit pas vraiment de protéger les expéditeurs; il s'agit plutôt d'éliminer un monopole. C'est envisager la situation d'un point de vue très différent que je n'aborderai pas pour le moment.

Dans son exposé, le représentant de CP a déclaré que les compagnies de chemin de fer canadiennes payaient en taxes, par rapport à leur revenu, 75 p. 100 de plus que les compagnies de chemin de fer américaines ou les sociétés de transport routier canadiennes ou américaines. On m'a dit qu'il s'agissait surtout de taxes provinciales et non fédérales, et je comprends cela. M. Ritchie a fait un exposé exhaustif sur le projet de loi C-14, et il a décrit de façon astucieuse le contexte de la politique des transports.

Étant donné qu'à mon avis, le chemin de fer est un moyen de transport plus sécuritaire et plus écologique, je suis tout à fait en faveur d'assurer la viabilité des compagnies ferroviaires. Lorsque vous avez élaboré cette politique, vous vous êtes certainement rendu compte que le problème fondamental auquel sont confrontées les compagnies de chemin de fer ne vient pas tellement de leurs clients, mais plutôt de leurs concurrents. De quels moyens disposez-vous, qu'il s'agisse de politiques fédérales ou de mesures économiques, pour faire pencher la balance en faveur des compagnies de chemin de fer plutôt que des sociétés de transport routier? À l'heure actuelle, il semble que le transport routier s'empare des contrats de service et, ce faisant, détruise nos routes et les rende de moins en moins sûres.

M. Anderson: Madame le sénateur, je comprends que la question du monopole des chemins de fer vous préoccupe. Vous et moi sommes tous deux originaires de l'Ouest. Nous savons tous deux que chez nous, on a, vis-à-vis les chemins de fer, une méfiance congénitale. C'est une question qui nous préoccupe tous beaucoup. Par le biais de ce texte législatif, nous cherchons à faire disparaître une partie de cette méfiance, car nous croyons que cela s'est avéré néfaste dans le passé.

Naturellement, nous n'avons pas l'intention de livrer le producteur de grain -- ni quelque autre producteur, d'ailleurs -- pieds et poings liés, comme cela a pu être le cas au cours de certaines décennies, à une compagnie de chemin de fer qui détient un monopole et qui est libre de fixer, sans contrainte aucune, les prix qu'elle veut.

Cela dit, je suis tout à fait d'accord avec vous, le chemin de fer est un moyen de transport plus écologique. Nous voulons encourager les gens à l'utiliser. Nous voulons conserver le maximum de lignes secondaires. Essentiellement, cela signifie pousser les principales compagnies de chemin de fer à s'en débarrasser assez rapidement pour que ces lignes puissent encore être exploitées de façon rentable.

La question est traitée dans ce projet de loi, et le principe que vous avez énoncé fait certainement partie de nos objectifs.

En ce qui a trait à la fiscalité, vous avez raison. Oui, il est vrai que les compagnies ferroviaires canadiennes paient des taxes plus élevées. Là encore, je ne cherche pas à rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre; le gouvernement fédéral les impose probablement aussi trop lourdement. Chose certaine, les taxes des instances provinciales sont beaucoup plus lourdes que celles des États américains.

Les autorités de la province de la Colombie-Britannique, que je représente, sont les seules en Amérique du Nord qui aillent jusqu'à taxer l'utilisation des ponts. Les taxes provenant du pont de chemin de fer de Second Narrows, génèrent des revenus de 800 000 $ pour Vancouver Nord, et de 1,2 million de dollars, pour Vancouver. Ce pont relie ces deux collectivités, mais elles ne fournissent aucun service.

Tout cela évolue. La Colombie-Britannique, le Manitoba et d'autres instances ont modifié leurs politiques fiscales, afin que les conditions imposées aux compagnies ferroviaires canadiennes soient un peu plus équitables.

Il y a une chose qui est très importante. Si cela coûte moins cher de faire transiter un train chargé de grain par les États-Unis et par un port américain, le trafic va nous échapper. Il n'y a encore pas très longtemps, il y avait une différence de 10 000 à 12 000 $ entre les coûts que devaient assumer les compagnies de chemin de fer canadiennes et américaines, à cause de taxes sur le gazole et le ballast, ainsi que d'impôts immobiliers et autres. La situation s'améliore, mais il reste encore beaucoup à faire. C'est un point dont je vais tenir compte, et je suis sûr que si nous n'agissons pas assez rapidement à l'avenir, vous ne manquerez pas de me rappeler à l'ordre. C'est un problème sérieux.

Je vais demander à Mme Green de répondre brièvement aux autres points que vous avez soulevés.

Mme Greene: Ce projet de loi va aider les compagnies de chemin de fer à récupérer le transport des marchandises dont elles sont le plus aptes à assurer l'expédition, comme vous le suggérez, parce qu'elles vont ainsi être en mesure de rationaliser leurs installations et de couper leurs frais. En bout de ligne, faire baisser les coûts est le meilleur moyen de demeurer concurrentiel. Voilà ce dont il s'agit -- et non de saigner à blanc les expéditeurs. Comme on l'a fait remarquer, il est probable que les taux s'appliquant à l'expédition du grain vont baisser puisque, pour la première fois, les expéditeurs pourront conclure des contrats confidentiels; c'est ce qui s'est passé dans le cas d'autres marchandises. Reste à savoir, et c'est la véritable question qui se pose, si les frais des compagnies de chemin de fer vont maintenant pouvoir baisser.

Le sénateur Forrestall: Monsieur le ministre, je ne comprends toujours pas pourquoi vous avez inclus ces deux dispositions dans le projet de loi. J'ai écouté ce que les expéditeurs avaient à dire, ainsi que vos propres explications. Les représentants de votre ministère et ceux des compagnies de chemin de fer se sont mis en quatre pour m'éclairer; je ne vois toujours pas pourquoi vous avez fait cela.

Essayez de comprendre ce qui me préoccupe et répondez-moi franchement: avez-vous réagi ainsi à la demande des compagnies de chemin de fer, notamment CN? Nous détenons un tas d'actions de cette compagnie et je crois savoir que nous voulons les remettre sur le marché. Le climat n'est pas très favorable à CN à l'heure actuelle. Est-ce là une façon de faire paraître la compagnie un peu plus solide aux yeux des éventuels actionnaires?

Pourquoi avez-vous fait cela? Si vous vouliez vraiment atteindre les objectifs qui, dites-vous, sont ceux de cette mesure, alors, vous auriez certainement choisi des dispositions législatives permettant de remplacer l'organisme de réglementation par une sorte de tribunal de la concurrence. Tôt ou tard, c'est à cela que nous devrons en venir, parce que c'est ainsi que fonctionne le marché. Plus tôt nous saisirons cet avantage, mieux nous nous en tirerons. Je pense que le gouvernement reconnaît cela.

Lorsque vous répondrez à ma question, monsieur le ministre, rappelez-vous que beaucoup d'entre nous se demandent où en sont les pourparlers engagés par le gouvernement à propos des indemnités et de la dépréciation, ainsi que d'un tas d'autres choses qui pourraient très rapidement -- beaucoup plus rapidement que cette mesure -- attirer davantage les actionnaires, si vous voulez. Je pense que vous voyez où je veux en venir. Je ne sais pas ce qui vous pousse à agir ainsi.

Voyez-vous, monsieur le ministre, je sais bien que l'on a passé énormément de temps à examiner ces articles sur toutes les coutures et à se demander s'il fallait les inclure. Auparavant, ces dispositions n'étaient pas jugées nécessaires, mais vous semblez maintenant penser qu'elles le sont, et je voudrais savoir pourquoi.

M. Anderson: Je ne vais peut-être pas être en mesure d'endormir tous vos soupçons, monsieur le sénateur, mais j'espère vous satisfaire sur un point. Nous avons, bien entendu, vendu toutes les actions de CN. Nous les avons vendues à 16,50 $, et elles ont assez rapidement monté. Par conséquent, tout impact que pourra avoir ce texte législatif sur les compagnies de chemin de fer elles-mêmes n'en aura absolument aucun sur les revenus que tire le gouvernement de la vente de ces actions. Ce n'est certainement pas l'objet de cette mesure. Nous cherchons plutôt à nous assurer que le secteur privé reconnaît que les compagnies ferroviaires canadiennes, tout comme les compagnies américaines, représentent un bon investissement, tant et si bien que nous pourrons disposer des équipements neufs et de la nouvelle technologie qui ont permis aux compagnies de chemin de fer américaines d'offrir des taux moins élevés que les nôtres.

À propos de nos compagnies ferroviaires, nous ne voulons qu'elles continuent à perdre du terrain comme elles l'ont fait jusqu'ici, parce qu'éventuellement, nous aurons un hiver particulièrement froid -- il faisait déjà assez froid cette année en janvier; je me suis trouvé à Saskatoon par une température de moins 42 degrés -- et notre réseau ferroviaire ne pourra tout simplement pas fonctionner de façon efficace, parce que notre équipement sera trop vieux et qu'il y aura des défaillances dans nos systèmes électriques, tant et si bien que nous ne serons pas en mesure de livrer notre blé sur les marchés internationaux. C'est cela qui me préoccupe au plus haut point. Et cela va arriver si nous laissons notre réseau se détériorer.

Le sénateur Forrestall: Je ne peux pas m'empêcher de faire une observation à ce propos. Lorsque vous avez fixé les caractéristiques du nouvel hélicoptère, vous avez décidé qu'il devait pouvoir être utilisé par moins 40, alors qu'on vous avait conseillé moins 50 et moins 60. Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Anderson: Il y a au moins un moyen de transport à propos duquel nous trouvons un terrain d'entente, sénateur.

Il s'agit de rendre les compagnies de chemin de fer concurrentielles par rapport aux compagnies américaines. Elles sont en concurrence, notamment pour ce qui est d'attirer des investissements.

Je ne peux pas nier que ce que nous voulons, ce sont des compagnies de chemin de fer rentables. Je ne peux pas nier, non plus, que nous voulons qu'elles remontent la pente, et je ne vous cacherai pas que nous n'avons pas l'intention de les laisser s'enliser. Ce n'est pas ce que nous voulons. Chose certaine, en ce qui a trait aux actions de CN, le gouvernement fédéral ne tire aucun profit des dispositions dont vous parlez. Nous n'avons plus aucune action.

Le sénateur Forrestall: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je n'en étais pas sûr. De fait, c'est du marché que je parlais, de ce qui se passe sur le marché.

M. Anderson: À ce point de vue, je suis d'accord avec vous; nous voulons faire en sorte que tout le monde considère que les compagnies de chemin de fer canadiennes sont aussi solides et aussi concurrentielles que les compagnies américaines, ou toute autre, et qu'elles offrent des prix aussi intéressants aux expéditeurs à cause des avantages technologiques dont elles bénéficient. Oui, nous voulons que ces compagnies soient florissantes, qu'elles soient les meilleures, et pour cela, il faut faire payer adéquatement leurs services.

Le sénateur Forrestall: Où en sont les pourparlers à propos de certains des problèmes de fiscalité les plus importants?

M. Anderson: Nous avons fait de gros progrès, sénateur. Je reconnais bien volontiers la contribution des provinces qui ont fait les ajustements nécessaires. Nous attendons encore, je crois, que la Saskatchewan se montre aussi généreuse que certaines des autres provinces de l'Ouest. Je suis sûr que ceux d'entre vous qui représentent cette province transmettront le message. Nous sommes en train d'aplanir l'écart entre les régimes fiscaux.

Pour ce qui est du gouvernement fédéral, peut-être devrais-je vous répondre par écrit; je pourrais ainsi vous fournir des chiffres plus précis, et cela vous permettra de faire une comparaison avec le niveau d'imposition aux États-Unis. Je peux cependant vous assurer, et cela n'est pas un secret, que j'examine de près, avec le ministre des Finances, les mesures qui garantiront que les compagnies de chemin de fer ne sont pas pénalisées par nos politiques fiscales.

Le sénateur Forrestall: Nous aimerions tous qu'elles parviennent à amortir leurs dépenses d'équipement en huit ou dix ans, et non en 18 ou 20 ans. Après un certain temps, l'équipement dont on dispose devient trop vétuste.

M. Anderson: C'est vrai, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Comme vous dites, on ne peut pas fonctionner avec un tel équipement. Beaucoup remarqueront qu'il n'est pas question ici des Maritimes. C'est parce qu'il n'y a pas de chemin de fer à l'est de Québec. Vous avez tout fermé.

Je suis heureux de pouvoir vous sonder pour une ou deux raisons. L'une d'entre elles est liée à la dernière question que je vais vous poser. Elle touche quelque chose de très concret. Mois après mois, nous voyons, ici et là, des groupes de municipalités confrontées au même problème: comment se débarrasser des ordures ménagères. On a recours à la mise en décharge contrôlée et à toutes sortes d'autres techniques, et la plupart du temps, cela veut dire que les ordures doivent être transportées sur de longues distances.

Je ne sais pas quelle est la situation ailleurs au Canada, mais en Nouvelle-Écosse, les ordures transitent par la transcanadienne, et l'on doit consacrer beaucoup de temps, d'effort et d'argent pour améliorer l'état de la route, l'élargir sur quatre voies, et cetera. Et nous nous apprêtons à ajouter les ordures de quelque 350 000 personnes à celles qui transitent déjà par là dans la vallée de Wentworth. On donne à ce tronçon de route bien des noms que je ne peux répéter ici, mais c'est vraiment un endroit très dangereux. Et il va maintenant falloir compter avec les camions supplémentaires dont on aura besoin pour transporter ces ordures.

Que fait le gouvernement pour encourager les compagnies de chemin de fer à s'intéresser à ce marché, et à proposer des solutions novatrices fondées sur l'utilisation de la voie ferrée? Est-ce que le gouvernement fait quoi que ce soit en ce sens?

M. Anderson: Sénateur, je répondrai par écrit à votre question sur l'enlèvement des ordures, car je n'ai pas toute l'information nécessaire.

Pour répondre à l'observation que vous venez de faire à propos de l'équipement, je suis heureux de vous dire, honorables sénateurs, que nous avons tout récemment modernisé l'équipement utilisé sur certaines lignes de VIA Rail, notamment au Québec et sur la ligne entre Edmonton et Prince Rupert. Nous faisons de gros efforts pour maintenir la qualité supérieure du service offert sur les trains de voyageurs de VIA, un autre élément très important du réseau. À l'heure où nous devons faire des coupes sombres dans notre budget, cela me pose quelques problèmes, parce que les subventions s'élèvent à plus de 200 millions de dollars par an, mais nous espérons élargir notre clientèle et ainsi réduire les coûts et continuer d'améliorer le service. Nous souhaitons donc pouvoir bénéficier d'un effet d'entraînement positif.

Il est certes important, pour les raisons que vous venez de donner, d'offrir une solution de rechange pour désengorger la transcanadienne et les autres routes. C'est ce que nous essayons de faire dans le secteur du trafic voyageur. Je répondrai plus précisément par écrit à votre question sur les nouveaux produits ou les chargements dont les chemins de fer n'assurent pas le transport à l'heure actuelle, comme les déchets et les ordures ménagères.

Le sénateur Forrestall: Cela ne sert vraiment pas à grand chose de nous allouer des sommes importantes pour refaire nos routes si, d'un autre côté, on y fait passer un beaucoup plus grand nombre de camions. En l'occurrence, cela me donne des frissons dans le dos lorsque je pense à tous ceux qui vont converger dans la «vallée de la Mort» plus tard cet été.

M. Anderson: Sénateur, je considère cela comme une doléance, et je vous remercie de m'en avoir fait part. Chose certaine, cela correspond tout à fait à mes convictions personnelles.

Le sénateur Forrestall: Et si je vous disais que j'approuverai ce projet de loi, à condition que vous soyez d'accord pour nous laisser reporter pendant six mois ces deux articles problématiques. Qu'est-ce que vous en dites?

M. Anderson: C'est un de ces marchés que je ne suis pas sûr de pouvoir me permettre d'accepter.

Le sénateur Forrestall: L'été arrive, et cela n'a guère d'importance que vous fassiez approuver le projet de loi en juin ou en septembre.

M. Anderson: Sénateur, vous savez vous montrer tout aussi convaincant au Sénat que vous l'étiez à la Chambre des communes.

La présidente: Pourriez-vous faire parvenir l'information dont vous avez parlé à tous les membres du comité?

M. Anderson: Bien sûr, comme tout autre renseignement dont je pourrai disposer entre temps.

Le sénateur Carney: Monsieur le ministre, je n'ai pas de question à vous poser, mais il y a une chose que j'aimerais vous prier de faire. C'est votre ministère qui est responsable au premier chef de la sécurité aérienne. Plusieurs membres de ce comité, notamment la présidente et les sénateurs Adams, Johnson, Spivak et Forrestall, ainsi que moi-même, ont participé à une étude sur les systèmes automatiques d'observation météorologique, les AWOS, comme on les appelle, au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous avons déposé un rapport provisoire.

Le comité continue à s'occuper de cette question. C'est la première fois que j'ai l'occasion d'attirer votre attention sur le fait que ce rapport, dans lequel des pilotes déclarent que les AWOS sont des bombes à retardement, a suscité des commentaires d'un bout à l'autre du pays -- que ce soit la municipalité d'Inuvik, les localités les plus éloignées de la Colombie-Britannique, l'île de Sable, les provinces, les premiers ministres et les maires, les autorités aéroportuaires ou les assemblées législatives -- tout le monde a déclaré que cette technologie n'était pas satisfaisante.

L'Association des pilotes des lignes aériennes Canadien, dans leurs commentaires sur la réponse que Transports Canada a fournie à notre comité, ont déclaré qu'ils étaient tombés de haut à la lecture d'un document qu'ils jugent consternant. Ils sont stupéfaits par les réflexions que l'on y trouve sur le fonctionnement et la réglementation du secteur de l'aviation.

Aujourd'hui, nous avons parlé des chemins de fer. Je tiens simplement à vous dire que les sénateurs s'intéressent toujours à cette question et que nous espérons que vous lui accorderez la priorité que les Canadiens lui ont déjà donnée. Je vous invite à prendre des dispositions pour comparaître rapidement devant un autre comité sénatorial et à nous faire part des mesures qui ont été prises pour laisser en place, comme nous l'avons recommandé, les personnes chargées de fournir ce service, jusqu'à ce que l'on ait démontré que la technologie automatique est sûre.

Je vous remercie, madame la présidente, de m'avoir autorisée à soulever cette question maintenant.

La présidente: Je ne peux pas dire «non» au sénateur Carney.

M. Anderson: J'ai appris qu'il était imprudent de dire «oui» au sénateur Carney, et cela remonte au temps où nous fréquentions l'université.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'avoir été des nôtres. Les réponses que vous avez données aujourd'hui à nos nombreuses questions sont importantes.

M. Anderson: Si vous, madame la présidente, ou tout autre membre du comité, avez des questions à un moment ou à un autre, nous tenterons certainement d'y répondre directement par écrit.

La présidente: Nous avons maintenant terminé la série d'audiences publiques que nous avions convenu de tenir à propos du projet de loi C-14. Je crois savoir qu'à ce stade du processus d'examen du projet de loi, il est d'usage que la présidence considère une motion disposant que rapport soit fait du projet de loi sans amendement, et que s'il y a des amendements, ils doivent normalement être proposés au cours de ce débat.

Comment souhaitez-vous procéder, honorables sénateurs?

Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, j'aimerais simplement que ce soir, nous en restions là, afin que j'aie la possibilité de transmettre aux membres de mon caucus les observations du ministre à propos des deux articles qui nous préoccupent, et de leur demander leur avis.

Comme je l'ai indiqué, je suis prêt à envisager trois moyens de régler la question des articles dont je parle, ces trois possibilités étant toutes liées au fait que la réponse que l'on m'a donnée n'est pas adéquate. On ne m'a toujours pas expliqué de façon satisfaisante pourquoi ces articles ont été inclus au projet de loi. Je pense que l'on a exprimé assez de réserves à ce sujet, que ce soit les trois provinces des Prairies, la coalition des expéditeurs, pratiquement tout le monde, à part le ministre et les représentants du ministère. Il me semble qu'à ce niveau, on a encore des idées un peu vagues. Les seuls qui sachent exactement ce qui se passe sont les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs. Je préfère pécher par excès de circonspection et étudier le projet de loi un peu plus longtemps. En gros, nous sommes tous favorables au projet de loi, à part ces deux dispositions.

Je demande donc respectueusement que le comité se réunisse jeudi ou un jour de la semaine prochaine, et à ce moment-là, je serai en mesure de prendre part à un examen article par article du projet de loi, ou de vous indiquer que j'ai retiré mes amendements et que nous pouvons poursuivre. Telle est maintenant ma position.

Le sénateur Petten: Avant que mon honorable collègue prenne la parole, je m'apprêtais à proposer que nous fassions rapport du projet de loi.

Le sénateur Forrestall: Vous avez le droit de le faire. Loin de moi l'idée de vous contester ce droit.

Le sénateur Poulin: Que voulez-vous dire, sénateur Forrestall.

Le sénateur Forrestall: Je dis que vous voulez faire adopter le projet de loi à toute vapeur, et c'est aussi ce que je dirais à la presse. Vous faites passer cette mesure à toute vapeur, et ce n'est pas nécessaire. Ce projet de loi n'a rien de pressant.

Le sénateur Poulin: Pourrais-je vous poser une question, sénateur Forrestall? Lors d'une réunion du comité de direction à laquelle vous et moi étions présents, ainsi que les sénateurs Bacon et Roux, nous avons convenu, je pense, de consacrer une certaine période à un certain nombre de réunions.

Le sénateur Forrestall: Nous avons tenu ces réunions.

Le sénateur Poulin: Je pensais que c'était le processus dont nous étions convenus.

Le sénateur Forrestall: Pouvons-nous prendre en considération l'information qui nous a été transmise aujourd'hui?

La présidente: Avez-vous terminé, sénateur?

Le sénateur Poulin: Non. Je pensais que nous étions tous d'accord pour suivre ce processus. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez le modifier maintenant.

Le sénateur Forrestall: J'ai fait une erreur. Je n'avais pas vu le projet de loi. Maintenant que je l'ai vu, je veux 24 heures de réflexion. Si vous ne me les donnez pas alors, faites ce que vous voulez. Vous avez la majorité. Mais je ne suis tout simplement pas d'accord, c'est tout.

La présidente: Sénateurs, accepteriez-vous d'attendre jusqu'à jeudi matin? Nous pourrions alors tenir une autre réunion et étudier le projet de loi article par article.

Le sénateur Petten: Je suis d'accord avec cela.

La présidente: Serez-vous prêt jeudi matin, sénateur Forrestall?

Le sénateur Forrestall: Oui.

Le sénateur Adams: On m'avait dit que la réunion de ce soir serait la dernière, et que nous ferions rapport du projet de loi au Sénat demain.

Le sénateur Forrestall: Je n'ai jamais dit que je serai d'accord pour déposer le projet de loi tout de suite après avoir entendu les derniers témoins. Je n'ai jamais fait cela en 30 ans de vie publique, et je n'ai pas l'intention de commencer à le faire en l'occurrence.

La présidente: Si les membres du comité sont d'accord, honorables sénateurs, nous allons repousser l'étude article par article du projet de loi jusqu'à jeudi matin, mais là, il faudra conclure.

Le sénateur Forrestall: Ne prenez pas une attitude aussi tranchée, madame la présidente. Nous espérons que l'on pourra conclure.

La présidente: J'espère pouvoir conclure, parce que nous allons être saisis du projet de loi C-20.

Le sénateur Davey: Je ne comprends pas pourquoi nous ne votons pas maintenant. L'un d'entre nous n'est pas d'accord, c'est son droit. Il me semble que nous nous perdons en considérations et je ne vois pas pourquoi. Pourquoi ne pas voter maintenant?

La présidente: C'est aux membres du comité de décider.

Le sénateur Davey: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.

La présidente: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Le sénateur Forrestall: Je proposerai mes amendements au Sénat. Vous allez peut-être trouver qu'il aurait été un peu plus facile d'attendre jusqu'à jeudi que de régler la question au Sénat. Peu importe, puisque c'est ainsi que vous préférez procéder.

Le sénateur Roberge: Il aurait été utile de pouvoir parler de cela avec nos caucus, demain. Par conséquent, je vote contre la motion.

Le sénateur Forrestall: Je suis contre, moi aussi, madame la présidente.

La présidente: S'il n'y a pas d'autres commentaires, est-il convenu que, comme l'a proposé le sénateur Davey, nous fassions rapport du projet de loi au Sénat sans amendement?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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