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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 11 février 1996

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 16 h 59 pour l'examen du projet de loi C-216, modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion).

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous reprenons l'étude du projet de loi C-216. Nous recevons aujourd'hui Mme Martha Jackman. Vous avez la parole.

Mme Martha Jackman, professeure, Université d'Ottawa: Madame la présidente, j'enseigne le droit constitutionnel à l'Université d'Ottawa, où je suis spécialiste de la Charte des droits et libertés et de la question de la division des pouvoirs. C'est à ce titre que je prends la parole devant vous cet après-midi.

J'ai été priée de venir discuter avec le comité du problème des compétences fédérales dans le domaine visé, à savoir la possibilité, sur le plan constitutionnel, pour le gouvernement fédéral, d'adopter le projet de loi C-216.

J'aimerais tout d'abord me tourner vers la question des sources de la compétence fédérale dans le domaine de la radio et de la télédiffusion. Deuxièmement, je me pencherai plus particulièrement sur cette question des compétences fédérales en ce qui concerne le problème de la facturation par défaut en particulier. Troisièmement, j'aborderai rapidement la question des compétences provinciales à cet égard. Quatrièmement, j'aborderai le problème des conséquences de l'adoption du projet de loi C-216, du point de vue de la législation provinciale en vigueur.

Les compétences fédérales en matière de radiodiffusion ont été établies par le Conseil privé en 1932 dans sa décision Radio Reference. En effet, la radiodiffusion faisant son apparition au Canada, le Conseil privé avait été saisi de la question des compétences fédérales en la matière. Dans sa décision Radio Reference, le Conseil privé avait estimé que le gouvernement fédéral, à savoir le Parlement, était seul compétent pour réglementer le secteur de la radiodiffusion. La décision du Conseil privé découlait de l'analyse de pouvoir de réglementation fédéral sur les entreprises de sa juridiction, en même temps que de ses responsabilités relatives au maintien de la paix, de l'ordre et du bon fonctionnement des institutions.

Il apparaît clairement que la décision du Conseil privé répond à un désir d'uniformité à l'échelle de la nation, du pouvoir de réglementation dans tous les domaines de l'industrie et des techniques de la radiodiffusion.

Le cas de la câblodistribution a été tranché par deux décisions rendues par la Cour suprême du Canada en 1978. Il s'agit des arrêts Capital Cities Communications Inc. et le CRTC et la Régie des services publics c. Dionne.

La décision Capital Cities répond à un pourvoi de trois postes de Buffalo (État de New York), suite à une décision du CRTC permettant à Rogers Cable d'effacer les messages publicitaires du poste de Buffalo pour ensuite retransmettre les émissions à proprement parler à ses abonnés ontariens, en insérant des messages publicitaires vendus par Rogers même à des publicitaires ontariens.

Afin d'établir si le CRTC avait les compétences voulues pour autoriser Rogers, la Cour suprême du Canada devait d'abord établir que la câblodistribution relevait des compétences fédérales. Les deux décisions ont été rendues par le juge Laskin, au nom de la majorité de la Cour. Dans les deux cas, le juge a repris le raisonnement du Conseil privé dans Radio Reference pour l'appliquer à la télévision câblée. Il estima que les compétences fédérales de la radiodiffusion pouvaient être étendues à la télévision câblée: le fait que les messages télévisés fussent retransmis par câble coaxial, plutôt que sur les ondes hertziennes, n'avait aucune conséquence sur le plan juridictionnel.

Le juge en chef, M. Laskin, au nom de la majorité de la cour, estima dans les deux cas que la télévision câblée relevait, comme la radio et télédiffusion traditionnelles, de la compétence exclusive des autorités fédérales.

Les conclusions de l'arrêt Dionne sont les mêmes que celles de Capital Cities. Dans l'affaire Dionne, la tentative de la Régie des services publics de Québec de réglementer la câblodiffusion dans la province, donne lieu à contestation. La décision du juge, M. Laskin, rappelle que la télévision câblée relève exclusivement de la compétence fédérale, et que ni la province de Québec, ni la Régie des services publics ne peut réglementer ce secteur. Selon le juge M. Laskin, la télévision par câble est partie intégrante de l'ensemble national de radio et de télédiffusion et il appartient exclusivement au palier fédéral de réglementer.

Radio Reference, et ensuite Dionne et Capital Cities, montre à l'évidence que les autorités fédérales ont toute compétence pour réglementer le secteur de la télévision câblé. Le gouvernement fédéral a donc toute latitude pour adopter le projet de loi C-216. La Constitution canadienne donne effectivement au palier fédéral tout pouvoir pour réglementer les rapports entre les entreprises de câblodistribution et leurs clients, qu'il s'agisse de la fourniture du service, ou de la forme et du contenu des programmes vendus.

En résumé, il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral a toutes les compétences voulues pour réglementer la radio et télédiffusion. Sur le plan constitutionnel le projet de loi C-216 est donc bien du ressort fédéral.

La question qui se pose ensuite est celle-ci: Étant donné qu'il y a dans les provinces une législation de protection des consommateurs relative à la facturation par défaut de façon générale, est-il possible aux provinces d'étendre la portée de cette législation aux radiodiffuseurs ou aux câblodistributeurs en particulier?

La Cour suprême du Canada, dans une troisième décision de 1978, estima que la Loi québécoise de protection des consommateurs pouvait être appliquée pour interdire aux fabricants et publicitaires de diffuser une publicité visant les enfants. La Cour suprême du Canada estima que les provinces pouvaient de façon tout à fait légitime imposer une réglementation aux fabricants et publicitaires relative à la publicité radio et télédiffusée. La décision a été reprise en 1989, dans l'affaire Irwin Toy, où la Cour suprême du Canada estima que la législation québécoise de protection des consommateurs pouvait être invoquée pour interdire aux fabricants et publicitaires du Québec le recours à la publicité télévisée.

Les provinces peuvent-elles, maintenant, étendre l'application de la législation provinciale de protection des consommateurs aux radios et télédiffuseurs et notamment aux câblodistributeurs de programmes télévisés? Il est possible que les tribunaux soient peu disposés à permettre aux provinces d'appliquer aux radios et télédiffuseurs la législation de protection des consommateurs. Dans ses décisions Kellogg en 1978 et Irwin Toy en 1979, la Cour suprême du Canada a été très claire. La législation provinciale pouvait être invoquée dans la mesure où il s'agissait des pratiques commerciales des fabricants et publicitaires, et non pas des télédiffuseurs.

Il n'est pas certain que les provinces puissent appliquer la législation de protection des consommateurs à la réglementation des télédiffuseurs ou câblodistributeurs. Toutefois, si les tribunaux faisaient preuve de souplesse et confirmaient la validité de la législation provinciale, le projet de loi C-216 resterait sans effets particuliers puisque la législation provinciale en matière de facturation par défaut et le projet de loi lui-même poursuivent des fins compatibles. C'est-à-dire que les deux ensembles de mesures législatives sont conçus pour interdire aux câblodistributeurs d'utiliser la technique commerciale de la facturation par défaut.

En résumé, le projet de loi C-216 est sans aucun doute du ressort fédéral. Le gouvernement fédéral a tous les pouvoirs constitutionnels voulus pour adopter ce projet de loi. Il n'est pas pour le moment possible de dire si les provinces peuvent réglementer cette pratique dans les domaines de la radio- télédiffusion et de la câblodistribution.

Toutefois, si les tribunaux se montraient disposés à permettre que l'on applique à la câblodistribution la législation de protection des consommateurs, le projet de loi C-216 ne serait pas un obstacle, puisque ces deux ensembles de mesures législatives sont compatibles. Leur objet est le même.

[Français]

Mme Jackman: Mme la présidente, jugez-vous qu'il serait utile que je répète mes propos en français si la traduction est disponible? C'est en fait ce que je voulais vous expliquer cet après-midi, évidemment il me fera plaisir de répondre à toutes les questions que vous voulez me poser sur un ou l'autre aspect de ma présentation.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Vous parlez du cas où les tribunaux donneraient aux provinces le droit de réglementer, et vous parlez au conditionnel. Une de ces législations, de Colombie- Britannique, de Nouvelle-Écosse ou d'autres provinces, et le projet de loi C-216, sont-elles anticonstitutionnelles?

Mme Jackman: J'ai expliqué que le projet de loi C-216, s'il était adopté, serait tout à fait conforme au pouvoir que la Constitution confère au gouvernement fédéral. C'est un projet de loi tout à fait constitutionnel. Il est ensuite beaucoup moins facile de dire si les tribunaux permettraient que la protection provinciale du consommateur puisse être appliquée aux télédiffuseurs et câblodistributeurs qui relèvent de la compétence fédérale, comme l'a très clairement décidé la Cour suprême.

Si donc il y a un doute, c'est bien en défaveur de la compétence provinciale.

Le sénateur MacDonald: L'Association des consommateurs comparaît-elle devant le comité en qualité de défenseur et avocat du projet de loi C-216? Devions-nous absolument l'entendre?

Mme Jackman: Il faudrait poser cette question aux représentants de l'Association des consommateurs.

La présidente: Mme Jackman est professeur de droit. Sénateur MacDonald, vous devrez poser cette question aux témoins suivants.

Mme Jackman: Je voulais aujourd'hui vous expliquer pourquoi la constitutionnalité du projet de loi C-216 était incontestable.

Le sénateur Forrestall: Maintenant je suis mis en garde. Le fait qu'il s'agisse d'un projet de loi d'initiative parlementaire, présenté par un député, confère-t-il à ce projet de loi l'autorité dont vous venez de parler? En aurait-il été autrement si le projet de loi en avait été un du gouvernement?

Mme Jackman: Sur le plan juridique, le projet de loi a été voté à la Chambre des communes. Si le Sénat l'adopte, il devient légalement loi et sa constitutionnalité est incontestable. Pour déterminer la constitutionnalité d'un projet de loi, peu importe qu'il s'agisse d'un projet de loi d'initiative parlementaire ou déposé par le gouvernement.

Le sénateur Forrestall: Cela n'a aucune incidence sur les responsabilités provinciales en matière de protection des consommateurs.

Mme Jackman: Certains députés ont donné l'impression que le Parlement ne pouvait pas adopter ce projet de loi car il existait déjà, dans certaines provinces, des lois protégeant les consommateurs contre la facturation par défaut. Je tiens à dire que s'il est vrai que la loi provinciale protégeant les consommateurs est incontestablement conforme à la loi constitutionnelle, il se peut que cette loi de protection ne s'applique pas aux diffuseurs ou aux câblodistributeurs car la Cour suprême du Canada a décrété que la radiodiffusion comme la câblodistribution étaient des questions de compétence exclusivement fédérale.

Le sénateur Forrestall: Me voilà encore perdu. Il y a quelque chose qui ne va pas et je n'arrive pas à cerner ce que c'est. Je m'inquiète du fait que le pouvoir fédéral ait à composer avec des règlements concernant la protection du consommateur qui diffèrent d'une province à l'autre alors que le gouvernement fédéral aurait la compétence exclusive car les tribunaux ont décrété qu'il s'agit d'une question de transmission.

Mme Jackman: Si la loi fédérale est adoptée, nous aurons au Canada des dispositions législatives interdisant aux câblodistributeurs d'offrir des abonnements par défaut. Dans certaines provinces, il existe des lois provinciales également qui interdisent ce genre de pratique. D'un point de vue constitutionnel, la validité de la loi fédérale est sans conteste. Dans certaines provinces, les tribunaux ont décrété que les câblodistributeurs doivent respecter également toute loi provinciale qui elle-même interdit le recours à la facturation par défaut. Il est tout à fait concevable qu'une loi fédérale et une loi provinciale interdisent la même chose.

Le sénateur Forrestall: Nous voilà dans cette zone obscure qui n'est pas du tout dans l'intérêt du consommateur.

Mme Jackman: Cela n'est vrai que si vous pensez qu'il n'est pas dans l'intérêt des consommateurs d'être protégé d'un abonnement par défaut. À l'inverse, vous pourriez dire que dans certaines provinces les consommateurs sont doublement protégés contre cette pratique.

Le sénateur Forrestall: Vous n'excluez pas la possibilité, si nous adoptons ce projet de loi, si cette loi est mise en vigueur, qu'une des provinces pourrait la contester, n'est-ce pas?

Mme Jackman: Je pense qu'il est assez peu probable qu'un gouvernement provincial essaie d'appliquer sa loi provinciale sur la protection des consommateurs à un câblodistributeur. Les procureurs généraux conseilleraient aux ministres provinciaux de la consommation de ne pas essayer d'appliquer leurs lois provinciales sur la protection des consommateurs à des câblodistributeurs étant donné qu'ils risqueraient de constater qu'une telle application, dans le cas d'une entreprise de câblodistribution de ressort fédéral, pourrait être jugée anticonstitutionnelle.

Le sénateur Roberge: Quelles sont les provinces qui ont des lois semblables pour ce qui est de l'abonnement par défaut?

[Français]

Mme Jackman: Malheureusement, je ne suis pas experte en droit de la consommation, mais les recherches que j'ai faites sur la législation fédérale me portent à croire qu'il y a une législation provinciale au Québec, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse qui interdit de façon générale l'usage de cette technique de marketing. Donc, ce serait tant de publicité par un fabricant ou une compagnie provinciale dans le domaine de n'importe quel produit provincial.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Vous dites qu'il y a trois provinces qui ont déjà adopté une loi ou qui ont prévu une procédure suivant laquelle elles peuvent protéger les consommateurs contre la facturation par défaut, n'est-ce pas? Les autres provinces n'en ont pas.

Mme Jackman: Selon moi, il serait tout à fait possible que les tribunaux déboutent toute tentative d'appliquer une loi provinciale de protection des consommateurs à une entreprise de radiodiffusion de ressort fédéral, notamment à un câblodistributeur. Du point de vue constitutionnel, une loi provinciale de protection des consommateurs aurait peu de chances de pouvoir offrir la protection nécessaire dans ce cas-ci.

[Français]

Le sénateur Poulin: Mme Jackman, je vous remercie de votre excellente présentation. Je veux être sûre d'avoir bien compris, étant donné que les câblodiffuseurs sont régis par une loi fédérale sur la radiodiffusion, il serait non constitutionnel d'y ajouter un amendement où l'on toucherait une activité de consommation parce que la consommation est du ressort provincial.

Mme Jackman: Je me suis très mal expliquée. C'est tout à fait le contraire que je voulais dire. La radiodiffusion, y compris la câblodiffusion, est une matière de compétence fédérale exclusive. La réglementation de ce genre de marketing revient exclusivement au gouvernement fédéral. Je remets en question la capacité des provinces d'appliquer la réglementation en matière de protection des consommateurs au cablôdiffuseur. Il y a un doute constitutionnel très important.

Le sénateur Poulin: Je n'avais pas très bien compris. Ce n'était pas clair.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald: Pour être absolument certain que l'abonnement par défaut sera interdit, faut-il adopter le projet de loi C-216? Si ce projet de loi n'est pas adopté, les câblodistributeurs en Alberta et en Saskatchewan auront-ils le champ libre?

Mme Jackman: Tout à fait. Si l'on veut garantir que les consommateurs canadiens seront protégés d'une telle pratique de la part des câblodistributeurs, il faut adopter une loi fédérale. Si j'affirme cela, c'est parce que les provinces, dans le cas contraire, ne pourront peut-être pas appliquer leur loi de protection des consommateurs aux radiodiffuseurs et aux câblodistributeurs étant donné que le domaine où oeuvrent ces derniers est de ressort exclusivement fédéral.

La présidente: Au niveau fédéral, une modification législative est-elle le meilleur moyen de procéder? Appartient-il au gouvernement de légiférer ou au CRTC?

Mme Jackman: Tout dépend de l'orientation que choisira votre comité. Autrement dit, du point de vue constitutionnel, un règlement adopté par le CRTC ou une modification à la Loi sur la radiodiffusion aurait le même impact. Suivant l'orientation qu'on choisira, on préférera l'un plutôt que l'autre.

[Français]

Le sénateur Poulin: Vous allez sourire. Je vais vous poser une question bien simple. On a entendu de plusieurs témoins que les mots ne veulent pas toujours dire la même chose. Quel est le sens de «negative option billing»?

Mme Jackman: D'un point de vue du droit de la consommation, dans le droit des contrats, la conception traditionnelle exige que je vous fasse une offre et que vous l'acceptiez. C'est un contrat. L'inconvénient, du point de vue du droit de la consommation avec cette forme de marketing, c'est que l'on fait une offre. Si vous ne répondez pas, on présume une acceptation. Le fardeau revient aux consommateurs d'indiquer que le produit ou le service n'est pas désiré tandis que dans l'attente traditionnelle du consommateur vis-à-vis un contrat, ce n'est qu'au moment de l'acceptation que le contrat existe. Il y a vraiment un renversement du fardeau d'acceptation. C'est ce qui crée l'objection du point de vue des attentes contractuelles traditionnelles.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Tout à l'heure, nous allons entendre des représentants de l'Association des consommateurs du Canada. Il y a des gens qui sont convaincus, selon l'association, que cette disposition législative ne réglera pas tout. Elle ne protège pas. Son libellé est trop vague pour protéger contre toutes les pratiques par défaut dans l'industrie de la radiodiffusion. Ce projet de loi n'offre pas une protection totale.

Si je ne veux pas la chaîne de jardinage, je ne la veux pas. Peu importe que je le signale à qui que ce soit, je ne la veux pas et je ne veux pas qu'on me la facture. C'est bien cela? C'est bien comme cela que vous interprétez les dispositions du projet de loi de M. Gallaway, n'est-ce pas?

Mme Jackman: C'est cela. Je conviens avec vous que le projet de loi C-216 restreint l'utilisation de certaines pratiques qu'il est convenu d'appeler abonnement par défaut par les câblodistributeurs.

Le sénateur Forrestall: Mais pas toutes les pratiques?

Mme Jackman: Non, il ne s'agit pas d'une interdiction universelle. Sont interdites ici les pratiques qui ont été considérées particulièrement douteuses lors des dernières audiences portant sur l'introduction des chaînes de télévision spécialisées.

Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, sans aller jusqu'à dire que c'est partiel, il y a quand même quelque chose qui me gêne. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'a pas repensé la loi, fait les choses correctement, une fois pour toute.

Le sénateur Poulin: Vous nous avez donné une description fort utile de l'abonnement par défaut sur le plan juridique car nous comprenons maintenant ce que c'est en théorie. Toutefois, lors de nos discussions, on nous a dit que certaines personnes pensaient que désormais les gens qui ne voulaient pas recevoir la chaîne de jardinage allaient pouvoir ne pas la recevoir. Techniquement, ce n'est pas possible actuellement car le service de câblodistribution est fourni au consommateur suivant un forfait. Il s'agit d'un forfait que l'on accepte ou que l'on rejette. Le consommateur ne peut pas choisir les chaînes particulières qu'il souhaite recevoir. Sénateur Forrestall, il est intéressant que vous souleviez cette question. J'espère ne pas me tromper, madame la présidente.

Le sénateur Forrestall: Je comprends cela. Qu'arriverait-il si on ne voulait pas recevoir le réseau anglais de Radio-Canada? Est-ce possible ou ce réseau fait-il partie du forfait?

Le sénateur Poulin: N'importe quel Canadien qui se respecte veut recevoir cette chaîne.

Le sénateur Forrestall: Sénateur, j'ai choisi cet exemple à dessein pour que vous compreniez ma préoccupation. Il y a des lacunes dans le projet de loi de sorte que certaines difficultés demeurent. Il semble que nous devions y voir. Ce que nous faisons actuellement est tout à fait instructif. Cela coûte cher mais nous négligeons peut-être d'aller jusqu'au bout.

[Français]

Le sénateur Roberge: Comment expliquez-vous, s'il y a une loi québécoise qui protège le consommateur du «negative billing», qu'il y a eu en 1995 du «negative billing» qui a existé?

Mme Jackman: La situation que vous décrivez s'explique. Certains membres de la Chambre ont prétendu qu'il y avait une législation qui s'appliquait déjà dans ce domaine au Québec. Malheureusement, pour les consommateurs, ce n'est probablement pas vrai. Le gouvernement québécois n'a pas tenté d'appliquer la législation québécoise en matière de protection des consommateurs au câblodiffuseur à cause du doute quant à la validité constitutionnelle d'une telle application. Il n'est pas vrai de dire que les consommateurs au Québec ont déjà une protection quant à cette pratique par les câblodiffuseurs.

Avec quelqu'un qui passe de porte en porte et qui vend du savon ou un aspirateur, oui, les consommateurs québécois sont bien protégés. La câblodiffusion est un service qui a été jugée de nature fédérale. Les consommateurs québécois de même que ceux des autres provinces ne sont pas protégés adéquatement par des législations provinciales. Cela exige une loi fédérale.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: Le fait que les câblodistributeurs offrent un forfait a-t-il une incidence sur la constitutionnalité du point de vue du contrat?

Mme Jackman: Non.

Le sénateur Spivak: Est-ce que cela fait une différence quelconque?

Mme Jackman: Non. Essentiellement, sur le plan constitutionnel, il s'agit de déterminer quel palier de gouvernement a le pouvoir de légiférer en la matière.

Le sénateur Spivak: Je ne songeais pas tant à la constitutionnalité mais à la définition du contrat. Je me suis trompé de terme.

Mme Jackman: Il s'agit d'une offre et de son acceptation par le consommateur à qui l'on offre une chaîne donnée ou tout un ensemble de chaînes. Je suis sûre que l'Association des consommateurs va vous en parler. Les détracteurs de cette pratique qui existe depuis longtemps dans l'industrie de la câblodistribution disent que cette dernière n'offre pas ses produits d'une façon permettant au consommateur de savoir facilement ce qu'il achète. Toute la question des volets et des ensembles de chaînes sème la confusion chez le consommateur.

Le sénateur Spivak: Il semblerait qu'il faille qu'ils procèdent ainsi.

Mme Jackman: Je pense que ce projet de loi vise à réglementer un aspect de l'offre du produit en garantissant que le consommateur accepte de payer pour ce produit.

La présidente: J'invite maintenant le représentant de l'Association des consommateurs du Canada.

[Français]

Mme Gail Lacombe, présidente, Association des consommateurs du Canada: Madame la présidente, je suis membre de l'Association des consommateurs du Canada de la section du Québec et présidente nationale de l'ACC.

Je suis accompagnée de Mme Irene Seiferling, qui est membre de notre chapitre dans la province de la Saskatchewan ainsi que présidente du conseil d'administration national. Mme Seiferling agit aussi comme représentante des consommateurs auprès du Conseil national de l'autoroute de l'information du Canada.

Avant de demander à Mme Daly Todd de vous livrer une brève présentation concernant le projet de loi C-216, nous vous remercions de nous donner la possibilité de vous rencontrer afin de discuter et de défendre notre position à ce sujet. La Chambre des communes a voté en pensant aux consommateurs canadiens lors de l'adoption de la législation. Nous espérons tous que votre comité fera de même, ainsi que le Sénat.

[Traduction]

Mme Rosalie Daly Todd, directrice générale, Association des consommateurs du Canada: Madame la présidente, je me suis reportée à mon dossier pour préparer mon bref exposé et j'y ai trouvé une citation du sénateur Whelan, au moment où il proposait la deuxième lecture de ce projet de loi, le 1er avril 1996. À mon avis, le sénateur Whelan a cerné les enjeux on ne peut mieux. Permettez-moi de citer le sénateur:

Bon nombre d'entre nous se rappellent la grande révolte des abonnées du câble, en janvier 1995. Les consommateurs se sont élevés contre l'abonnement par défaut, pratique scandaleuses des câblodistributeurs. L'élément central de la protestation était l'exigence par les consommateurs canadiens que le législateur mette un terme à cette pratique une fois pour toute.

Il n'en demeure pas moins que rien n'a changé depuis. Même après la révolte des abonnés du câble, après avoir saisi le CRTC de plaintes, après les appels et les lettres aux députés, le monopole de câblodistribution continue de commercialiser la dernière fournée de services spécialisés en ayant recours à l'abonnement par défaut. Il incombe toujours au consommateur d'annuler le nouveau service s'il ne veut pas qu'on le facture.

En septembre de cette année, le CRTC, sur les 40 demandes qu'il avait reçues, a accordé 23 nouvelles licences de chaînes spécialisées, notamment la chaîne de jardinage, la chaîne de bandes dessinées et le réseau hippique. On peut donc se demander: qui protégera les consommateurs contre de nouvelles escroqueries de la part des câblodistributeurs? La réponse est simple. Nous allons protéger les consommateurs en adoptant le projet de loi C-216, ce qui va égaliser les chances pour tous, les câblodistributeurs, l'organisme de réglementation et le consommateur.

Le fait est que le projet de loi C-216 s'applique uniquement aux services spécialisés ou de télévision payante non obligatoires. Le CRTC continuera de décider quelle chaîne sera obligatoire. Ce projet de loi ne vise pas les chaînes qui existent déjà comme RDI, CBC, CTV, TSN ou Much Music. Les petits câblodistributeurs -- qui desservent moins de 2 000 abonnés, essentiellement dans les régions rurales -- ne seront pas soumis aux dispositions du projet de loi. Le projet de loi n'empêche pas les câblodistributeurs de substituer une chaîne à une autre, dans la mesure où le prix de l'abonnement n'augmente pas...

En adoptant le projet de loi C-216, nous pouvons protéger le consommateur tout simplement en ajoutant deux mots à l'article sur les politiques de la Loi sur la radiodiffusion, ces deux mots étant «consenti expressément». Si donc ce projet de loi est adopté, le câblodistributeur ou une entreprise de distribution devra effectivement demander le consentement express de l'abonné avant de le facturer pour un nouveau service.

Je souhaiterais signaler que l'Association des consommateurs du Canada s'oppose depuis très longtemps à la commercialisation par défaut, de façon générale et en particulier dans l'industrie du câble. Avant la révolte des abonnés du câble, en janvier 1995, nous avons exprimé nos préoccupations aux audiences de mars 1993 qui portaient sur la radiodiffusion structurelle par câble.

L'association a six bureaux d'un bout à l'autre du Canada, et ce sont des bénévoles qui s'occupent de cinq d'entre eux. Quand en 1992 certains câblodistributeurs ont eu recours à des techniques de commercialisation par défaut, et il s'agissait alors de substituer aux services de base un service de base élargi, nos bureaux ont reçu beaucoup de plaintes de la part de consommateurs furieux qui ne prisaient pas du tout cette méthode, même si à ce moment-là, leur facture d'abonnement n'augmentait pas encore. L'association a écouté les consommateurs et elle s'est manifestée immédiatement, avant janvier 1995.

Après la controverse de janvier 1995, nous avons écrit au ministre du Patrimoine, lui demandant de modifier la Loi sur la radiodiffusion pour interdire cette pratique. Notre lettre, en date du 13 janvier 1995, était signée par l'ACC et le Centre pour la promotion de l'intérêt public, qui viendra témoigner au mois de mars. Je cite:

La controverse récente témoigne d'un manque flagrant de protection pour les consommateurs dans la réglementation du monopole de l'industrie du câble. Nous pensons que le gouvernement doit demander au CRTC d'apporter des modifications de fond pour garantir que les consommateurs abonnés du câble seront protégés contre toute augmentation exagérée ou peu scrupuleuse de la part des câblodistributeurs.

Permettez-moi d'ajouter quelques remarques et de citer le ministre du Patrimoine qui a dit le 25 septembre 1996, à la Chambre des communes:

Le gouvernement s'est opposé l'an dernier à l'abonnement par défaut. Il s'oppose à l'abonnement par défaut cette année. Il s'opposera à l'abonnement par défaut l'année prochaine. Tant que nous formerons le gouvernement du Canada, nous refuserons l'abonnement par défaut.

Richard Stursberg, président de l'ACTC, écrivait dans la livraison du 27 septembre 1996 du bulletin de l'association Communiqué:

Personne ne se fera dire qu'il ne peut maintenir son forfait actuel à moins d'accepter de nouveaux services à un prix plus élevé. Personne ne va forcer un abonné à payer pour un service qu'il ne veut pas. À partir de maintenant, on ne procède plus par défaut mais par choix.

L'année dernière, Keith Spicer, qui était alors président du CRTC a dit devant le comité du patrimoine de la Chambre des communes:

La commercialisation par défaut n'existe plus. Elle est morte et enterrée.

L'ACC s'inquiète énormément qu'à plusieurs reprises au cours du débat sur ce projet de loi, les faits aient été perdus de vue ou délibérément occultés. Par conséquent, bien des gens entretiennent certaines craintes, qui ne sont pas fondées. Le sénateur Whelan résume certains faits que je reprendrai, en y ajoutant quelques-uns de mon cru.

Tout d'abord, les consommateurs ruraux ne seront pas touchés par les dispositions de ce projet de loi dans la plupart des cas car les petits câblodistributeurs ayant moins de 2 000 abonnés sont exclus étant donné les problèmes particuliers de distribution des services spécialisés qu'ils rencontrent.

Deuxièmement, le projet de loi ne s'applique pas aux services existants. L'exemple de RDI a été utilisé pour susciter des inquiétudes concernant les chaînes françaises à l'extérieur du Québec. Le fait est que RDI est retransmis à l'échelle du Canada et cette chaîne ne sera pas touchée.

Troisièmement, le projet de loi ne vise pas de nouvelles chaînes que le gouvernement ou le CRTC estiment d'importance culturelle. Le CRTC peut les ajouter au service de base, en décrétant l'obligation, et cela est prévu dans la loi. Les chaînes peuvent dont être commercialisées par défaut. Ce projet de loi ne vise pas cela.

Quatrièmement, le projet de loi permet aux câblodistributeurs de substituer une chaîne à une autre, ayant ainsi recours à l'abonnement par défaut, dans la mesure où le prix de l'abonnement n'augmente pas. Autrement dit, le CRTC a accordé des licences à quatre nouvelles chaînes anglaises et à trois nouvelles chaînes françaises au mois de septembre suivant ce qu'il est convenu d'appeler un double choix modifié. Si le CRTC craint que l'un de ces nouveaux services-là ne pourrait pas survivre si les abonnés ont le choix, le Conseil a le pouvoir de modifier les modalités de l'octroi de la licence en en faisant un service obligatoire qui dès lors pourrait être commercialisé par défaut.

Cinquièmement, si les consommateurs veulent vraiment de nouveaux services, ils vont exercer leur choix. Nous en avons pour preuve l'expérience des câblodistributeurs qui ont commercialisé des volets de services facultatifs après ce que l'on a appelé la révolte des abonnés du câble de janvier 1995. Au Nouveau-Brunswick, l'abonnement par défaut étant interdit, les câblodistributeurs n'y ont pas eu recours, et dans l'ensemble, le marché a réagi de la même façon que le marché des provinces où l'on avait eu recours à la commercialisation par défaut.

Pour finir, je répéterai la question posée par le sénateur Whelan: qui protégera les consommateurs? J'espère que vous les protégerez.

Avant de conclure, il me reste deux points supplémentaires que je tiens à inclure à mon exposé. Le premier concerne Radio- Canada. Si cela n'a pas déjà été dit, la Société Radio-Canada est couverte par les règles de câblodistribution prioritaires. Il y a toute une liste de services incluant la chaîne parlementaire, la chaîne éducative provinciale, Radio-Canada, CTV et Global qui sont considérés comme étant prioritaires sur le câble. C'est-à-dire que tout service de base doit les inclure. Il n'y a que deux circonstances dans lesquelles on peut ne pas avoir Radio-Canada, c'est quand on n'a pas le câble ou quand on n'a pas de poste de télévision parce que c'est un service de télévision traditionnel. À moins de ne pas avoir de poste de télévision chez soi, on recevra toujours Radio-Canada.

Je tiens également à ajouter que cette technique de vente de produits est interdite par la loi dans presque toutes les provinces. Nous avons entendu tout à l'heure que trois provinces interdisaient aussi cette technique de vente pour les services. Il s'agit du Nouveau-Brunswick, du Québec et de la Colombie-Britannique.

Le sénateur MacDonald: Je suppose que vous-même et vos collègues n'ignorez pas que vous ne trouverez pas un seul sénateur dans toute la Chambre, encore moins dans ce comité, qui soit favorable à cette technique de facturation par défaut. Est-ce que vous le savez ou est-ce que vous êtes prête à l'admettre?

Mme Todd: Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Ce projet de loi devrait donc être adopté sans délai.

Le sénateur MacDonald: La question s'est posée parce qu'un certain nombre de sénateurs -- surtout du Québec, mais pas tous du Québec, et environ une dizaine en tout -- se demandaient si ce projet de loi ne pourrait pas avoir des conséquences inattendues qui risqueraient de menacer la survie de nouveaux services en langue française.

Je suis Néo-Écossais unilingue. Vous pourriez vous demander en quoi cela peut bien me concerner. Cela me concerne car certains de mes collègues m'ont convaincu de la réalité de certains problèmes que pourrait poser l'adoption du projet de loi C-216. J'ai tout particulièrement pris ombrage d'une lettre de votre association dans laquelle vous déclariez que le droit des consommateurs canadiens de décider quels biens et quels services ils peuvent acheter est indiscutable -- et que c'est un droit acquis. Cependant, vous ajoutiez que cette question était embrouillée par des références inopportunes et émotionnelles à la culture et aux droits de la langue française.

C'est bien votre association qui a écrit votre lettre? Qu'avez-vous à dire à la défense de ce paragraphe que je considère offensant?

Mme Todd: Monsieur le sénateur, vous ne vous référez qu'à un seul paragraphe de toute cette lettre. Permettez-moi de vous dire pour commencer que le projet de loi a été modifié précisément pour protéger les services en langue française. Par conséquent, cette lettre a été écrite après coup. Nous disions dans cette lettre vouloir nous assurer que cette question serait jugée uniquement sur ses mérites commerciaux et non pas embrouillée par d'autres considérations. C'était le but de cette lettre. Si vous lisez le paragraphe précédent vous comprendrez facilement l'enchaînement. Notre but n'était pas du tout celui que vous nous prêtez. En fait, nous voulions la certitude que cet amendement était toujours là pour que ce problème ne se pose pas. Nous avions l'impression que personne n'avait lu le projet de loi et n'avait compris ce qu'il signifiait.

Le sénateur MacDonald: Est-ce que c'est le projet de loi sous sa forme modifiée?

Mme Todd: Oui

Le sénateur MacDonald: Est-ce que vous avez une copie de l'amendement? Je n'en ai pas.

Mme Todd: J'ai le projet de loi modifié.

Le sénateur MacDonald: Pourriez-vous nous lire l'amendement qui selon vous devrait dissiper toutes nos craintes concernant la survie des chaînes françaises?

Mme Todd: Monsieur le sénateur, c'est dans le projet de loi que vous avez. C'est l'adjectif «non obligatoire» qui change tout. La Loi sur la radiodiffusion stipule que le CRTC a le pouvoir d'imposer dans le service de base tout service n'importe où au Canada qui selon lui remplit un des impératifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion. Il peut s'il le veut, imposer à l'ensemble du territoire canadien la nouvelle chaîne d'information en langue française. Ce projet de loi n'y change rien.

L'autre modification a été l'inclusion de «2 000 ou moins». Il y a de petits réseaux de câbles ruraux qui ont des problèmes de distribution spéciaux. Lorsque le gouvernement a été mis au courant de ces problèmes, le projet de loi a été modifié en conséquence.

C'est aussi le cas pour les substitutions. En fait la Chambre des communes a apporté trois modifications.

Le sénateur MacDonald: La révolte en Colombie-Britannique a été déclenchée par les actions d'un seul câblodistributeur, Rogers. Elle n'a pas résulté d'actions prises par tous les câblodistributeurs. Cependant, oublions cela pour le moment. Je voudrais que vous me donniez un exemple de décision du CRTC ayant imposé une de ces nouvelles chaînes dans l'ensemble de services de base à la place d'une autre.

Mme Todd: Le CRTC n'a pas à le faire car pour le service dans les deux langues il applique l'option double modifiée ou simplement l'option double. Il dit aux câblodistributeurs et aux chaînes: «Décidez entre vous. Voulez-vous être dans le service de base?» La chaîne est alors incluse dans le service de base. Le seul choix qui reste aux consommateurs est de garder le câble ou d'y renoncer. La plupart ne renoncent pas au câble si quelque chose y est ajouté. Ce sont les services de base. Ce n'est qu'un élément supplémentaire de protection.

Oui, si le CRTC et le gouvernement étaient convaincus de la nécessité de transmettre une chaîne particulière, ils pourraient l'imposer partout à tous les consommateurs simplement en se servant de la loi. Ils n'ont pas eu à se servir de la loi car cela se fait tout seul. Cependant, s'il y avait un problème quelconque, ils auraient toujours ce pouvoir.

Mme Irene Seiferling, présidente, conseil d'administration national, Association des consommateurs du Canada: Madame la présidente, je vis en Saskatchewan qui n'est desservie que par Shaw. Nous avons été victimes de la facturation par défaut.

Le sénateur MacDonald: Je ne suggère pas qu'il n'y a pas eu facturation par défaut dans un certain nombre de régions, mais la révolte en Colombie-Britannique a été causée par le fait que lorsqu'ils ont proposé un nouveau volet de trois services, ils n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Ils ont dit: «Si vous voulez n'importe lequel de ces nouveaux services, il faut le prendre avec CNN ou un des services très populaires». Donc, au lieu de proposer ces trois nouvelles chaînes dont personne n'avait entendu parler, ils ont rendu les deux autres obligatoires. La seule manière de les faire accepter était de les associer à CNN ou à une autre chaîne populaire. C'était la seule compagnie. Shaw n'a pas fait ça.

Mme Todd: Je crois que Shaw n'a pas procédé par facturation négative et l'impact n'a donc pas été négatif, ce que j'essayais d'illustrer en vous citant l'exemple du Nouveau-Brunswick. La même chose est arrivée avec leurs compagnies de câblodistribution et le taux d'abonnement pour ce deuxième volet de chaîne est le même que dans les provinces qui ont opté pour la facturation négative. Nous pensons, et nous ne cessons de dire, que d'une manière générale les consommateurs réclament du contenu canadien et qu'ils sont prêts à payer. Par contre, ils haïssent cette technique de vente. Ils la haïssent même lorsque des chaînes sont ajoutées et qu'ils n'ont pas de supplément à payer comme nous l'avons constaté à notre grande surprise en 1992. Si l'industrie continue à utiliser cette technique, les consommateurs finiront par se fâcher et ce sont ces chaînes qui en pâtiront ce qui est malheureux.

Le sénateur MacDonald: Je crois que nous ferions mieux d'aller droit au but. M. Gallaway a proposé un projet de loi populaire. Ayant réussi à faire remonter à la surface du tonneau son projet d'initiative parlementaire, ce dernier a été adopté par la Chambre des communes. À la dernière minute, le gouvernement a paniqué. Il s'est rendu compte qu'il y avait quelque chose dans ce projet de loi qu'il n'aimait pas. Ce quelque chose concernait les services en langue française. Aucun membre du Cabinet n'a voté en faveur de ce projet de loi. Est-ce que je me trompe?

Mme Todd: Je ne peux pas vous éclairer sur la procédure, monsieur le sénateur. Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question.

Le sénateur MacDonald: Ce n'est pas une histoire de procédure. C'est une histoire dont tous les journaux ont parlé. Mme Copps a tout essayé pour faire modifier le projet de loi à la dernière minute pendant que les députés libéraux de la Chambre qui ont la majorité et qui pouvaient de toute évidence le faire adopter disaient que c'était le moment ou jamais de montrer leur force. Ils voulaient l'adopter. Ils ont envoyé promener Mme Copps.

L'Association des consommateurs du Canada, lobby à l'efficacité et à l'utilité considérables, doit savoir qu'elle n'a dans son camp ni le ministre du Patrimoine canadien, ni aucun des autres ministres du Cabinet.

Mme Todd: Monsieur le sénateur, j'ai simplement cité les propos du ministre. J'ai aussi cité ceux de l'ancien président du CRTC et ceux du représentant des câblodistributeurs.

Je dis simplement que personne n'est à l'abri de contradictions. Il est évident que la facturation par défaut est une solution de facilité.

Le sénateur MacDonald: Tout le monde est contre la facturation par défaut.

Mme Todd: Alors où est le problème?

Le sénateur MacDonald: Il ne s'agit pas de la facturation par défaut. Il s'agit de conséquences inattendues dont vous dites que cet amendement les élimine. Le gouvernement convient-il que cela résout le problème? Jusqu'à présent le gouvernement est resté silencieux mais je suppose que nous l'entendrons bientôt. Cependant, ce n'est pas le message que j'entends et je ne suis pas un supporteur de ce gouvernement. Si je l'entends, tout le monde doit l'entendre.

Mme Todd: Je ne peux pas parler pour le gouvernement. Je vous ai simplement donné les tenants et les aboutissants de ce projet de loi. Il a été précisément modifié pour régler ce problème. C'est la raison pour laquelle nous voudrions éviter toute confusion.

Mme Lacombe: Monsieur le sénateur, j'habite au Québec et j'ai signé la lettre que vous avez citée. Je vis au Québec depuis que je suis née. Notre très grande crainte était que cette mesure soit mal comprise par ceux qui pensaient que si ce projet de loi était adopté il n'y aurait plus de services en langue française d'un bout à l'autre du Canada. Je suis Canadienne française et je vis au Québec. Par conséquent, cela me concerne au premier chef. Cependant, nous avons eu l'assurance que les modifications apportées résolvaient le problème. Si le CRTC estime nécessaire d'imposer une chaîne française n'importe où au Canada dans le service de câble de base, il a le mandat et le droit de le faire.

Le sénateur Roberge: Ne pensez-vous pas que cela risque d'empêcher la création éventuelle de nouvelles chaînes parce que la demande n'est pas suffisante?

Mme Todd: Si nous finissons par avoir un service de radiodiffusion directe par satellite, ce sera merveilleux car nous pourrons rassembler un auditoire canadien-français d'un bout à l'autre du Canada et avoir toutes les chaînes que nous voudrons si c'est ce que veulent les consommateurs. La câblodistribution n'est peut-être pas la technologie appropriée pour atteindre ce but.

Le sénateur MacDonald: C'est du câble dont nous nous occupons.

Mme Todd: Encore une fois, l'avenir est dans le numérique et l'avenir devrait être dans la RDS et dans la concurrence des compagnies de télécommunication. Les consommateurs ne manqueront pas de choix dans les deux langues.

Le sénateur MacDonald: Qui vous a dit que cet amendement résoudrait vos problèmes, madame Lacombe?

Mme Lacombe: C'est Rosalie Daly Todd, notre directrice générale et conseillère juridique.

Le sénateur MacDonald: Si le CRTC décidait qu'un programme particulier a une valeur culturelle canadienne, il pourrait exiger qu'il prenne la place d'un des services existants.

Mme Todd: Ou il pourrait l'ajouter aux services de base. Par exemple, il vient juste d'accorder une licence pour un service d'informations en français pour le Québec qui, j'en suis sûre, va être très populaire; s'il le voulait il pourrait l'imposer à l'ensemble du Canada. Ce projet ne l'en empêcherait pas.

Le sénateur MacDonald: Je me demande ce qu'il supprimerait.

Mme Todd: Il n'a rien à supprimer. Il peut tout simplement l'ajouter. Encore une fois, monsieur le sénateur, il s'agit d'une technique de commercialisation. Ce projet de loi stipule simplement qu'il faut écrire aux abonnés ou les appeler pour leur demander s'ils veulent que ces services soient ajoutés. Étant donné la technologie actuelle, comme le sénateur Poulin l'a dit, le seul choix qui m'est offert c'est de garder l'ensemble de chaînes existant ou d'y renoncer.

Le seul moyen d'offrir ces nouvelles chaînes sans complètement perturber les consommateurs est de les offrir dans un volet distinct, solution qui ne les séduit probablement pas beaucoup.

Le sénateur MacDonald: C'est ce qu'ils ont commencé à faire. Je me suis fait prendre par la facturation par défaut. J'ai accepté ce service gratuitement pendant trois mois, je n'ai pas lu ce qui était écrit en tout petit et j'ai piqué une colère quand j'ai reçu la facture à la fin du quatrième mois. Depuis j'ai reçu un appel d'une dame charmante qui m'a dit qu'ils avaient trois nouvelles chaînes à offrir et que cela coûterait tant. Elle m'a demandé si je les voulais. Je lui ai répondu que j'y réfléchirais. Je n'en ai plus entendu parler depuis.

De toute évidence, elle, ou quelqu'un qui fait le même travail doit appeler tous les abonnés. Ils doivent commencer par nous montrer les émissions sur les trois volets.

Mme Lacombe: Elle vous a demandé si vous les vouliez. Est-ce qu'elle vous a dit que si vous ne lui disiez pas ne pas les vouloir vous risquiez de les payer quand même?

Le sénateur MacDonald: Elle m'a dit: «Vous avez pu apprécier ces trois chaînes. Est-ce que vous les voulez?».

Mme Lacombe: C'est une option positive.

Le sénateur MacDonald: Exactement. C'est ce que l'Association des câblodistributeurs a déjà dit. Je conviens que la chaîne d'informations française puisse être considérée comme ayant énormément d'importance. Cette chaîne, Canal Vie, MusicMax et un programme d'animation sont les nouveaux services en français qui se sont vus accorder une licence.

Mme Todd: Encore une fois, si la compagnie de câblodistribution et la chaîne décident ensemble que la meilleure solution est de l'intégrer au service de base, c'est ce qui est fait. Le seul choix qui reste au consommateur, que la technique utilisée soit par défaut ou non, c'est d'accepter ou de renoncer au câble. Il existe donc déjà toute une série de mesures de protection même sans prendre en considération l'aspect commercial.

Le sénateur MacDonald: Je me trouve dans une situation étrange. Je n'ai jamais été mêlé de près ou de loi à la câblodistribution et je n'y connais rien. Je ne connais que ce qu'en disent certains de mes collègues et je suis impressionné par certains de leurs arguments. Je ne sais même pas comment ces choses sont commercialisées. Je ne pense pas qu'on puisse encore ne commercialiser qu'une chaîne. Ce sera possible demain quand la technologie le permettra.

Le sénateur Forrestall: L'Association des consommateurs a-t-elle demandé au gouvernement la raison pour laquelle il n'a pas lui-même proposé un projet de loi? Dans l'affirmative, quelle a été sa réponse?

Mme Todd: Il faudrait poser la question au CRTC.

Le sénateur Forrestall: Vous l'avez posée?

Mme Todd: Oui, nous lui avons écrit pour lui demander de poser la question. Comme il ne l'a pas fait, nous nous sommes fait un plaisir d'appuyer ce projet de loi.

Le sénateur Forrestall: Vous souvenez-vous à peu près quand c'était?

Mme Todd: En 1995, je crois.

Le sénateur Forrestall: Vous n'avez pas forcément reçu de réponse négative, mais vous n'avez pas non plus reçu de réponse positive.

Mme Todd: J'avais comparu devant le CRTC dans le cadre de ses audiences structurelles de mars 1993. À l'époque, nous avions dit ne pas aimer cette technique de vente. C'était avant que le public ne montre combien nous avions raison. C'est au moins depuis le mois de mars 1993 que l'ACC ne cesse de répéter que les consommateurs n'aiment pas cette technique. Nous nous fondons sur les appels que nous recevons dans nos bureaux. Même quand il n'y a pas de coûts correspondants, ils n'aiment pas cette tactique.

Le sénateur Forrestall: C'est votre relation avec le gouvernement qui m'intéresse. La question est celle-ci: pourquoi est-ce que le gouvernement n'a-t-il pas introduit un projet de loi qui avait été de toute évidence porté à son attention? Vous ne pouvez pas expliquer cela. Vous ne pouvez pas déposer la réponse du gouvernement pour nous. Si c'était un renseignement privilégié, cela serait très différent. Mais j'aimerais bien savoir ce que le gouvernement vous a dit quand vous leur avez demandé s'il avait l'intention d'introduire un projet de loi.

Mme Todd: Rien de concret.

Le sénateur Forrestall: C'était en 1995. Avez-vous encouragé M. Gallaway à faire avancer ce projet de loi?

Mme Todd: Si je ne m'abuse, ils ont vu les lettres que nous avions écrites aux ministres à l'époque. Mais vous devriez poser la question aux représentants de son bureau. D'après moi, la facturation par défaut facilite énormément les choses pour l'industrie.

Le sénateur Forrestall: Je sais, mais ce n'est pas de cela que je parle. J'essaye de voir qui a initié le processus. Est-ce que c'était le ministre? Parce qu'ils avaient reçu tant de lettres portant sur la question a-t-il décidé qu'il fallait préparer un projet de loi d'initiative parlementaire? Pensait-il que cela réglerait le problème? Ce n'est pas très important. Je veux tout simplement savoir comment le processus a été initié.

J'approuve ce projet de loi, et je trouve qu'il est nécessaire. Mais je ne suis pas d'accord avec le processus, avec tout ce qui a eu lieu entre le début et la fin.

La présidente: Pourquoi avez-vous demandé au ministre de modifier le projet de loi? Ne pensiez-vous pas que c'était le CRTC qui devait utiliser la réglementation en vigueur et ses pouvoirs en vertu de la loi pour résoudre le problème.

Mme Todd: Le CRTC n'a pas utilisé ses pouvoirs, mais il pourrait le faire.

La présidente: Mais vous n'avez jamais demandé au CRTC d'utiliser ses pouvoirs.

Mme Todd: J'ai moi-même comparu personnellement devant le CRTC en 1993. Nous avons écrit au gouvernement en 1995. La facturation par défaut a déclenché une véritable levée de boucliers et depuis lors, plus rien.

Quelques provinces ont commencé à adopter des projets de loi génériques après 1995: c'est notamment le cas de la Colombie-Britannique et, si je ne m'abuse, de la Nouvelle-Écosse. L'Ontario pensait faire la même chose, parce que le public était furieux. Mais le CRTC n'a rien fait. C'est au CRTC que vous devez demander pourquoi il n'a rien fait. Je ne peux pas parler en son nom.

Le sénateur MacDonald: Nous ne savons pas pourquoi le CRTC n'a rien fait.

Un article de journal a évoqué le manque d'enthousiasme du gouvernement. M. Guy Arsenault, secrétaire parlementaire de Mme Copps, a dit qu'il était impossible pour le gouvernement d'avaliser un projet de loi qui réduirait la marge de manoeuvre du gouvernement canadien. Un autre jour, M. Arsenault annonçait à la Chambre des communes au nom de Mme Copps que le gouvernement n'appuyait plus ce projet de loi. Dix membres du Cabinet qui ont voté en deuxième lecture étaient absents au moment de l'adoption du projet de loi. Et voilà pourquoi nous sommes curieux.

La présidente: On devrait revenir au projet de loi C-216. Ce n'est pas à nous de déterminer le degré de culpabilité de chacun.

Le sénateur Poulin: C'est la même question qui nous préoccupe tous, la protection du consommateur canadien.

Quand le sénateur MacDonald a demandé si des règlements ou une décision du CRTC pouvait éviter le risque de perdre des services francophones dans certaines régions du Canada, vous avez répondu qu'en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC avait le pouvoir de choisir quelles chaînes feraient partie du service de base. Vous avez indiqué que le CRTC n'avait jamais eu à exercer ce droit. Est-ce parce que le CRTC n'a simplement jamais eu à exercer ce droit, ou parce qu'il a décidé de ne jamais exercer ce droit?

Revenons quelques années en arrière. L'histoire nous donne toujours de très bonnes leçons.

Quand les chaînes spécialisées ont été introduites au Canada, les consommateurs se sont révoltés. Ils ne voulaient pas payer en sus des chaînes canadiennes qu'ils voulaient recevoir. Or le CRTC n'avait pas obligé les compagnies de câble à inclure dans leur service de base. En d'autres termes, les compagnies de câble à les pouvaient décider du nombre de chaînes canadiennes et américaines à inclure dans le service de base. Le CRTC n'a jamais exigé que les compagnies de câble augmentent le nombre de chaînes canadiennes dans leur service de base, parce que d'après moi, il craignait que les consommateurs ne deviennent furieux si on leur enlevait des chaînes américaines. J'aimerais savoir ce que vous répondez à notre préoccupation concernant les chaînes francophones.

Mme Todd: Je suppose que vous parlez de l'ancienne loi, parce que cette loi exige que les services canadiens prédominent.

Le sénateur Poulin: Oui, mais cela veut dire que le CRTC n'a jamais obligé une compagnie de câble à remplacer, par exemple, ABC par Bravo.

Mme Todd: J'ai l'impression qu'il pense que la vente de chaînes américaines les aide à commercialiser les chaînes canadiennes. Il ne ferait probablement donc pas cela. Mais en 1991, le CRTC a changé les règles: il ne pouvait y avoir qu'une chaîne spécialisée américaine pour chaque chaîne spécialisée canadienne. Auparavant, je crois que ce rapport était de deux contre un. Il a donc resserré les exigences, ce qui a permis de multiplier les chaînes canadiennes.

Le sénateur Poulin: En tant que représentante des intérêts du consommateur, pensez-vous que ces règlements et cette pratique favorisent le consommateur?

Mme Todd: Je ne suis pas sûre de quel règlement vous parlez.

Le sénateur Poulin: De la parité des chaînes.

Mme Todd: D'après moi, les consommateurs veulent un contenu canadien. Mais je ne crois pas qu'ils aiment qu'on les force à accepter certains groupes de chaînes. D'après nous, ils veulent un service à la carte.

Mais alors que la technologie leur permet de choisir et de payer, on continue de leur imposer des chaînes regroupées autour de leurs thèmes. C'est une question de principe -- les consommateurs n'aiment pas qu'une compagnie de câble ait le monopole, ils n'aiment pas qu'on leur dise ce qu'ils doivent acheter. Dans d'autres secteurs, cela s'appelle la vente liée. Mais si le système était plus flexible et les consommateurs avaient plus de choix, ils choisiraient sans doute les chaînes qu'on a déjà aujourd'hui. À mon avis, les Canadiens aiment bien les programmes qu'ils ont. Ils aiment les chaînes canadiennes, mais ils aiment aussi la liberté de choix, qu'ils n'ont pas.

Le sénateur MacDonald: Dans ce mystère que nous voulons élucider, on dit que le gouvernement s'est retiré parce que ce projet de loi aurait pu tuer les chaînes spécialisées francophones au Québec. Je vous ai demandé: «Comment savez-vous que cet amendement va calmer les craintes des Québécois?» Vous avez répondu: «Notre avocate nous l'a dit.» Mais pourquoi n'est-ce pas le gouvernement qui vous l'a dit? Pourquoi est-ce que cet amendement n'est pas l'amendement du gouvernement? Nous serions d'accord. Nous nous opposons tous à la facturation par défaut.

Mme Todd: Vous me perdez. Si ce projet de loi élimine la pratique de facturation par défaut, et maintient la possibilité d'avoir des chaînes dans l'intérêt culturel des consommateurs, peu importe qui a initié le processus. Je suis simplement contente qu'on soit là aujourd'hui et que vous soyez saisis de ce projet de loi.

Le sénateur MacDonald: Mais la seule personne qui dit: «Ne vous inquiétez pas de cet amendement; changez-le», c'est votre propre avocate.

Mme Seiferling: Nous essayons de comprendre ce que les membres du gouvernement pensaient au moment où ils ont décidé de ne pas soutenir ce projet de loi. Et je ne vois pas de réponse à cette question. Vous allez peut-être demander vous-mêmes une opinion et une interprétation juridiques, pour voir si des services francophones pourraient être offerts là où le contexte culturel le justifie.

Le gouvernement a pris sa décision en fonction des conseils qu'il avait reçus, mais vous devez, de votre côté, prendre votre décision en fonction des conseils juridiques que vous jugerez fiables. Je suis certain que vous avez de bons services juridiques à votre disposition.

Le sénateur MacDonald: Nous avons certainement accès aux conseils de juristes. Nous avons cependant aussi un ministère du Patrimoine canadien et une ministre chargée de ce ministère. Nous avons aussi un sous-ministre du Patrimoine canadien et toutes sortes de sous-ministres adjoints et de conseillers juridiques. Je voudrais les voir à votre place et les entendre dire: «Voici l'amendement que nous proposons. Vos craintes relativement aux services en français ne sont pas justifiées.» Dès que nous aurons entendu une telle affirmation, j'appuierai le projet de loi.

Mme Todd: Je voudrais moi aussi pouvoir leur poser la question. Vu le projet de loi, je ne comprends pas les craintes qui ont été exprimées.

Le sénateur Forrestall: Vous devez aussi comprendre que nous nous préoccupons dans une certaine mesure des moyens, alors que vous vous préoccupez de la fin. Je me préoccupe aussi de la fin, mais mes inquiétudes au sujet des moyens diffèrent des vôtres. C'est normal. Si vous avez la réponse à cette question, j'appuierai aussi volontiers le projet de loi.

Le sénateur Adams: Y a-t-il des postes qui diffusent dans des langues autres que le français ou l'anglais au Canada? Y a-t-il, par exemple, des postes italiens?

Mme Todd: Si je ne m'abuse, il existe un certain nombre de postes qui diffusent dans d'autres langues.

Le sénateur Adams: Dans quelles langues?

Mme Todd: En chinois et en italien notamment. Il y en a un assez grand nombre.

Le sénateur Adams: Si le projet de loi est adopté, les Chinois et les Italiens qui ne parlent pas anglais auraient-ils accès à ces postes 24 heures sur 24?

Mme Todd: C'est la même chose. Vous pouvez diffuser n'importe quoi parce que le CRTC protège les intérêts culturels du pays. La loi qui régit le CRTC vise des objectifs culturels. À mon avis, la loi sur le CRTC protège aussi les autres langues.

Le sénateur Adams: D'autres câblodiffuseurs pourraient-ils évaluer le nombre possible d'abonnés?

Mme Todd: Dans un milieu analogue, c'est-à-dire dans la plupart des réseaux de câblodistribution, il n'y a que six espaces disponibles environ. Quatre de ces espaces seront accordés aux entreprises qui ont reçu une licence du CRTC et le CRTC a délivré sept licences pour septembre.

Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire tant que nous ne passerons pas au système digital. Le problème vient de la technologie.

Le sénateur Adams: Sheila Copps compte affecter encore 11 millions de dollars ou plus à la SRC parce que nous sommes en train de perdre notre culture. Si le projet de loi C-216 est adopté par le Sénat, nous pourrions recevoir plus d'émissions de pays comme les États-Unis. Nous ne comprenons pas la culture dans laquelle nous évoluons maintenant. Le projet de loi C-216 créerait un marché plus libre. Si je veux capter un certain poste et pas un autre, puis-je capter seulement celui que je veux? Est-ce ainsi que les choses fonctionneront?

Mme Todd: L'avenir de la technologie digitale permettra au consommateur de choisir ce qu'il veut et de payer pour ce service, mais il y aura toujours un ensemble de services canadiens de base, peu importe les changements apportés aux autres règles.

Le sénateur Adams: Les Canadiens ont-ils suffisamment de satellites pour cela?

Mme Todd: Oui.

Le sénateur Adams: Il y a quelques années, nous travaillions à un service de transmission directe du satellite au foyer quand on nous a dit que nous n'avions pas assez de satellites. Si vous fonctionnez maintenant comme il y a deux ans, c'est-à-dire si vous devez avoir un certain contenu canadien, il faudra que vous ayez davantage de satellites pour recevoir les signaux des États-Unis.

Mme Todd: Nous n'avons pas offert le service de transmission directe au foyer aussi rapidement que nous aurions dû le faire pour diverses raisons, y compris certains problèmes techniques. Cela a entraîné la création d'un marché gris. Il faut espérer que Star Choice et Expressvu feront le nécessaire pour que nous ayons un service canadien de transmission directe au foyer.

La présidente: Je tiens à remercier les représentants de l'Association des consommateurs du Canada de leur utile contribution.

La séance est levée.


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