Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 13 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 14 avril 1997
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour en faire l'étude.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, avec la comparution aujourd'hui de l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, nous entreprenons une série très intensive d'audiences. Le Sénat a saisi notre comité du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, jeudi dernier.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce projet de loi suscite beaucoup d'intérêt de la part du public. Mon bureau à lui seul a reçu environ 120 lettres et nous continuons à en recevoir aujourd'hui à propos du projet de loi. Je suis sûre que certains de mes collègues ont eu la même expérience.
J'espère que l'étude du projet de loi C-32 par le comité répondra aux attentes et que nous donnerons à tous les principaux intéressés la possibilité de se faire pleinement entendre au moment opportun.
[Français]
Nous allons suivre les dépositions avec un esprit ouvert. Nous sommes conscients des intérêts en jeu. Nous avons un calendrier législatif suffisamment important pour faire une étude sérieuse. Nous allons entendre les pour et les contre. Une même période de temps est allouée à chacun.
Ce sera un processus d'éducation pour chacun des membres du comité. Nous aurons beaucoup d'intérêt à écouter les témoins. Nous remercions l'excellent personnel de recherche. Nous pouvons compter sur quatre personnes hautement qualifiées pour nous aider dans ce travail que nous entreprenons aujourd'hui.
[Traduction]
C'est pourquoi, j'ai demandé au personnel du comité de préparer un calendrier des audiences, qui se trouve devant vous. Vous constaterez que nous avons prévu autant de temps pour les utilisateurs que pour les créateurs devant le comité. Si les sénateurs sont d'accord, nous ferons de notre mieux pour respecter ce calendrier.
Puis-je avoir une motion pour l'adoption du calendrier proposé des audiences, sous réserve des rajustements nécessaires?
Le sénateur Poulin: Madame la présidente, je fais une proposition en ce sens.
La présidente: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, j'aimerais faire une observation.
L'avis de la séance d'aujourd'hui n'est parvenu à mon bureau qu'à 17 h 30, vendredi après-midi. S'il n'y avait pas eu plus tôt une réunion du sous-comité de notre comité, madame la présidente, je n'aurais pas été au courant de la tenue de la présente réunion.
Peut-on considérer que 17 h 30 un vendredi après-midi est le moment approprié d'envoyer un avis au bureau de quelqu'un pour le prévenir des activités qui auront lieu ici le lundi? Réflexion faite, madame la présidente, vous conviendrez peut-être avec moi que ce n'est pas très utile.
La présidente: Sénateur Forrestall, j'avais demandé qu'on vous en informe avant cela.
Le sénateur Forrestall: L'avis provient de la Direction des comités.
La présidente: Je vais me renseigner et je vous tiendrai au courant.
[Français]
L'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine Canadien: Je vous remercie, madame la présidente, de même que le comité des transports pour avoir entrepris un travail non seulement important mais...
[Traduction]
...d'une ampleur qui manifestement nécessitera toute votre attention.
Je suis également ravie de constater la présence de deux anciens collègues de la Chambre des communes. Bien des gens pensent qu'en politique, nous sommes toujours en train de nous battre. Le fait est que le sénateur Forrestall et moi-même avons déjà partagé les services d'un adjoint parlementaire. Malheureusement, l'adjoint parlementaire, qui faisait partie des jeunes conservateurs de l'Ontario avant de venir travailler pour moi, a fini par devenir un jeune libéral et siège maintenant au Parlement du Canada.
Je suis heureuse de constater la présence du sénateur Forrestall et du sénateur Maheu avec qui j'ai travaillé pendant de si nombreuses années.
J'ai l'honneur aujourd'hui de parler d'un sujet que je considère important pour la sécurité et la santé du Canada et de notre culture. Le projet de loi C-32, qui a été adopté par la Chambre des communes il y a trois semaines, constitue une modernisation des plus nécessaires de la Loi sur le droit d'auteur. C'est un projet de loi d'une importance primordiale. J'estime que c'est l'un des projets de loi les plus importants à avoir été déposés devant le Parlement ces dernières années sur la très importante question de la culture. Il s'agit d'une modernisation de la Loi sur le droit d'auteur, rendue possible grâce au travail des nombreux ministres qui m'ont précédée.
Je n'ai pas imaginé la Loi sur le droit d'auteur en janvier dernier. En fait, c'est un ministre de la Culture d'un autre parti, l'honorable Flora MacDonald, qui a lancé la première phase de la réforme en 1988. En tant que membre de l'opposition à l'époque, je me rappelle avoir travaillé avec divers groupes pour améliorer le projet de loi. Je me souviens à quel point Mme MacDonald était réceptive aux changements qui s'imposaient pour que la version finale du projet de loi initial fonctionne.
[Français]
Peu de projets de loi fédéraux ont fait davantage appel à la contribution et à l'initiative de tous les partis politiques, ce qui en fait le plus juste et plus équilibré des projets de loi cadre que la Chambre ait présenté au Sénat en matière de droit d'auteur. Je suis contente de voir parmi les membres du comité, des gens dont les connaissances et la vaste expérience de la sphère culturelle contribueront à mettre le droit d'auteur canadien au diapason du 21e siècle.
Nous sommes heureux de pouvoir compter sur l'expérience de la présidente de votre comité, le sénateur Lise Bacon, qui a déjà été ministre des Affaires culturelles du Québec, du sénateur Poulin qui a travaillé à la SRC et qui a été directrice et fondatrice des services français du Nord de l'Ontario et du sénateur Gigantès qui a déjà été ministre de la Culture de la Grèce.
[Traduction]
On connaît bien la vaste expérience des autres ministres, tant directement qu'indirectement.
L'expérience du sénateur Johnson et sa passion pour la culture et les arts sont bien connues. Je suis également au courant de son engagement profond et de longue date envers la protection du système de distribution des livres au Canada pour nos éditeurs. Je suis ravie qu'un grand nombre de ses préoccupations soient reflétées dans le projet de loi C-32 et ses dispositions clés destinées à protéger les distributeurs canadiens.
[Français]
La communauté culturelle du Canada, nos artistes, nos interprètes, créateurs et créatrices comptent sur vous pour mener à terme un dur travail de près de 10 ans.
Le projet de loi C- 32 est une honnête tentative de concilier des droits des créateurs avec la nécessité de rendre leurs oeuvres accessibles au plus large public possible. Il offre un régime meilleur et plus juste à nos artistes et producteurs, un régime meilleur et plus juste à nos distributeurs de livres.
C'est un projet de loi qui respecte les besoins particuliers de nos institutions publiques et des Canadiens et Canadiennes qui ont des déficiences visuelles et auditives. Il affirme qu'à l'heure de la mondialisation et de la société de l'information, la réforme du droit d'auteur joue un rôle primordial pour le maintien de notre identité et l'affirmation culturelle du Canada dans le concert des nations.
[Traduction]
Pour que ce projet de loi voie le jour, il a fallu que bien des gens mettent de l'eau dans leur vin. Les sénateurs entendront certains groupes et particuliers affirmer que les dispositions prévues sont insuffisantes, et d'autres qu'elles sont excessives.
Mais ceux qui vous pressent de faire des changements doivent aussi comprendre que toute modification équivaudrait en quelque sorte à tirer un fil d'une délicate tapisserie. Le projet de loi est le fruit d'années de négociation et de compromis. Il y a des domaines où personnellement j'aurais aimé faire davantage. Mais en tant que législateurs responsables devant les artistes et l'ensemble de la culture au pays, il nous incombe d'adopter des mesures qui soient réalistes et pratiques.
C'est pourquoi j'estime que le projet de loi C-32 constitue un compromis juste et honorable avec les radiodiffuseurs et les petites stations de radio. Les deux tiers de toutes les stations de radio du Canada, dont les recettes sont inférieures à 1,25 million de dollars, paieront annuellement des droits voisins minimes de 100 $.
À la suite des présentations qui nous ont été faites à l'étape de l'examen en comité, le projet de loi prévoit aussi une exception pour les enregistrements éphémères. Cette exception répond à une importante difficulté que posait aux radiodiffuseurs la diffusion de manifestations comme les compétitions sportives ou les téléthons.
[Français]
En ce qui concerne les établissements d'enseignement, le projet de loi C-32 prévoit un autre ensemble d'exceptions qui n'ont pas existé au tout début de la première partie des droits d'auteur en 1988. Les enseignants seront maintenant autorisés à copier des émission d'actualités ou d'analyse de l'actualité pour usage en salle de classe. Les bibliothèques seront autorisées à employé la technologie numérique pour la transmission des documents à d'autres bibliothèques. Les archives pourront faire des copies de certaines oeuvres inédites.
Ce sont là des exception dont les établissements d'enseignement, les bibliothèques et les archives ne bénéficiaient pas avant le projet de loi C-32.
Je le répète, nous avons tous mis de l'eau dans notre vin pour mener à terme le projet de loi C-32. Certaines personnes diront que nous avons trop fait de concessions comme Margaret Atwood, d'ailleurs, qui ne veut pas d'exceptions. Comme auteure, il s'agit de son oeuvre.
D'autres personnes vont dire que nous avons accepté trop peu d'exceptions. Pourtant c'est là le prix d'un consensus aussi vaste que possible sur un dossier aussi complexe et très délicat.
[Traduction]
Honorables sénateurs, le projet C-32 est un dossier culturel, bien sûr, mais il a aussi des conséquences pour la croissance du pays et pour la création d'emplois, sans parler du fait qu'il porte sur les moyens qui nous permettent d'exprimer notre identité collective.
J'ai lu l'allocution du sénateur Johnson sur la capacité des gouvernements et sur le rôle qu'ils ont joué en permettant aux Canadiens de raconter leur histoire au cours des dernières décennies. Elle a tout à fait raison. Les gouvernements ont effectivement un rôle à jouer au niveau des lois et des règlements qu'ils adoptent et des structures qu'ils créent. Il ne s'agit pas toujours d'une question d'argent. Près d'un million d'emplois au Canada dépend du secteur culturel qui représente 5 p. 100 de notre produit intérieur brut.
Au cours des cinq dernières années, la croissance du secteur culturel a dépassé celle de l'économie en général. À une époque où nous cherchons comment offrir aux jeunes la possibilité de travailler dans des emplois à valeur ajoutée, regardons du côté d'un secteur qui, au cours des cinq ou dix dernières années, a connu un plus grand essor que tout autre secteur, c'est-à-dire le secteur culturel.
Cette réussite tient à quelque chose. À des talents innombrables. À des millions et des millions de Canadiens et Canadiennes qui veulent regarder, lire et écouter les oeuvres de leurs concitoyens et concitoyennes. Au soutien indéfectible accordé par le gouvernement du Canada aux artistes.
Le 21 octobre dernier, le sénateur Johnson a fait une déclaration au Sénat qui, à mon avis, établit ce qui nous démarque de nos voisins du Sud. Elle a déclaré:
Au Canada, la culture n'est pas seulement une question de commerce [...] Comme législateurs, nous devons veiller à ce que la politique fédérale tienne compte du rôle particulier de la culture dans notre société.
Nous avons la responsabilité d'aider nos artistes à présenter le fruit de leur travail à leurs concitoyens et concitoyennes et au reste du monde. La protection qu'offre le droit d'auteur -- c'est-à-dire le droit de propriété des créateurs -- est un aspect primordial de cette responsabilité. Le droit d'auteur, c'est ce qui protège les oeuvres de nos créateurs et de nos créatrices. C'est ce qui leur donne le droit d'être payé pour l'utilisation commerciale de leurs oeuvres.
Selon Statistique Canada, les musiciens et musiciennes au pays gagnent en moyenne 13 000 $ par année. Ils comptent donc parmi les citoyens et les citoyennes les plus mal payés. Nous pouvons améliorer leur situation grâce au projet de loi C-32. Nous pouvons faire en sorte que nos créateurs et créatrices soient rémunérés pour leurs oeuvres, pour leur propriété intellectuelle et pour leur apport à la société canadienne.
[Français]
Si j'ai assez d'expérience pour savoir que le projet de loi C-32 n'est pas la sorte de projet de loi qui fait ou défait un gouvernement, j'en ai suffisamment pour m'apercevoir qu'une loi comme celle-ci peut vraiment renforcer le fonctionnement de notre pays, à long terme, je ne parle pas de demain ou de la semaine prochaine, un projet de loi comme C-32 peut vraiment renforcer le fonctionnement de notre pays en créant de solides assises pour nos entreprises culturelles.
Les artistes attendent depuis presque 10 ans la deuxième phase de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Auparavant, ils avaient attendu le début d'une réforme pendant 60 ans. Par ailleurs, en décembre dernier, la communauté des nations a adopté par l'intermédiaire de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle deux importantes conventions, soit le Traité sur le droit d'auteur et le Traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.
Mais il y a une ombre au tableau: le Canada n'a pas pu ratifier ces traités, en partie, parce que notre loi habilitante est désuète, si désuète que nous n'avons même jamais signé la Convention de Rome sur les droits voisins qui remontent à 1961.
Le projet de loi va voir à tout cela. Enfin le Canada pourra se joindre à la communauté internationale, à plus de 50 pays qui ont reconnu des droits voisins en adhérant à la Convention de Rome et qui respectent donc complètement les protections issues du droit d'auteur.
[Traduction]
Les nouvelles technologies ont créé la nécessité d'une phase additionnelle. Si nous nous sommes occupés des photocopieurs et des magnétophones, à l'avenir nous devrons nous occuper de l'Internet et des CD-Rom, des questions pressantes déjà abordées dans le dossier du numérique.
Honorables sénateurs, notre culture nous définit. C'est ce qui nous rend uniques. Le projet de loi C-32 renforcera l'expression culturelle du Canada, et nous en bénéficierons tous.
Ce projet de loi est attendu depuis longtemps. Il résulte d'un processus entamé longtemps avant que notre gouvernement prenne le pouvoir. Il bénéficie de l'appui de l'opposition officielle de la Chambre des communes.
[Français]
Avec si peu de partisanerie, on peut se demander pourquoi la réforme a tellement traîné. Tous semblent en comprendre l'importance. Tous semblent convenir que nous en avons besoin dans un monde moderne. Pourtant le délicat cheminement d'un projet de loi reste là.
J'ose espérer que vous partagez mon avis. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre le fruit de presque 10 ans d'efforts. Au contraire, nous voulons saisir cette occasion d'adoper une loi cadre qui sert l'intérêt général.
Je suis réellement convaincue que le projet de loi C-32 améliorera la vie de milliers d'artistes canadiens, et j'espère que vous jugerez qu'il mérite votre approbation et votre appui.
[Traduction]
La présidente: Madame la ministre, pourriez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent?
Mme Copps: Oui. Susan Katz est directrice générale de la Culture et des Industries et a probablement fait le gros du travail sur le terrain. Mme Katz s'est occupée de cette question bien avant un grand nombre d'entre nous et je suis sûre qu'elle continuera à s'en occuper bien après nous.
Je suis également accompagnée de René Bouchard, directeur du Droit d'auteur, qui est avocat. Jeffrey Richstone est un avocat-conseil du ministère de la Justice, qui s'occupe expressément des questions relatives au droit d'auteur pour le ministère du Patrimoine. Danielle Bouvet est directrice de la Propriété intellectuelle pour le secteur des politiques d'Industrie Canada.
Immédiatement à ma gauche se trouve le sous-ministre adjoint du Développement culturel qui a supervisé l'ensemble de l'opération, Victor Rabinovitch.
[Français]
Plus de 125 modifications ont été apportées à la Chambre des communes au projet de loi C-32. Selon certains détracteurs, le projet de loi n'atteint plus le juste équilibre entre créateurs et utilisateurs. Êtes-vous d'accord avec cette critique? Quelles modifications ont donné lieu à cette critique parce qu'il y a encore de la critique.
À votre avis, la législation sur le droit d'auteur devrait-elle viser à concilier les intérêts des créateurs et des utilisateurs?
[Traduction]
Mme Copps: C'est vraiment la question qui se trouve au coeur même du débat que nous avons amorcé dans le cadre des travaux effectués par mes prédécesseurs; Michel Dupuy, avec le ministre de l'Industrie John Manley et ses prédécesseurs, jusqu'à Flora MacDonald inclusivement. Le débat comporte deux aspects, et vous venez de les soulever.
Il y a d'abord la façon dont nous avons abordé non seulement le problème des droits voisins ou des droits des artistes-interprètes et des producteurs mais aussi la difficulté de concilier le rôle de l'artiste-interprète dont la prestation est radiodiffusée et le coût pour l'industrie de la radiodiffusion. Il y a ensuite les exceptions que nous avons ajoutées à la loi de 1988 pour donner aux institutions publiques le droit de reproduire du matériel sans verser de droits d'auteur.
Nous avons tâché de trouver un terrain d'entente. Margaret Atwood a vivement dénoncé ces exceptions, et je crois comprendre que son organisation considère encore que toute exception constitue du vol. Ils considèrent que toute oeuvre qu'ils créent leur appartient et qu'ils doivent être indemnisés pour le droit de la reproduire, comme tout autre droit. À l'époque, beaucoup de bibliothèques ont dit craindre des poursuites. Depuis 1988, nous n'avons eu aucune poursuite concernant le droit d'auteur.
En prévoyant dans ce projet de loi des exemptions qui n'existaient pas dans la loi de 1988, nous avons tâché d'établir les conditions dans lesquelles on peut reproduire du matériel dans l'intérêt public, sans paiement. C'est une façon de donner suite à certaines craintes et préoccupations que les institutions publiques avaient en 1988. Naturellement, depuis 1988, certaines institutions qui ont négocié avec des sociétés de gestion collective comme CANCOPY pour obtenir une licence d'utilisation ont dû payer une certaine somme. Leur argument, c'est que si vous avez un livre, vous voulez qu'il circule parmi le plus grand nombre de gens possible sans avoir à vous soucier du droit d'auteur.
Il suffit de songer à l'opinion des artistes qui considèrent que l'oeuvre qu'ils réalisent leur appartient et que si un enseignant veut la reproduire pour un examen, il est possible d'obtenir une licence d'utilisation auprès d'une société de gestion. Ils comparent cela aux travaux d'infrastructure dans une université. Lorsqu'un électricien répare le câblage, on ne s'attend pas à ce qu'il travaille gratuitement. Ils estiment qu'on ne doit pas s'attendre non plus à ce que les artistes travaillent gratuitement.
Nous n'avons pas adopté la position de l'une ou l'autre partie. Nous avons adopté une position mitoyenne en disant qu'il faudrait prévoir des exceptions. Ce projet de loi prescrit des exceptions et nous estimons avoir établi un bon équilibre.
[Français]
Le sénateur Grimard: Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je sais que le sujet que vous avez traité est délicat, un peu comme l'a été l'avortement sous les Conservateurs ou encore le projet de loi sur les armes à feu sous les Libéraux.
Vous avez mentionné le nom de plusieurs sénateurs tout à l'heure, des membres du comité. Évidemment vous ne me connaissez pas, vous n'avez pas mentionné mon nom. Je ne suis pas un «nobody» comme M. Trudeau avait dit en parlant des députés, lorsqu'ils quittent la colline parlementaire. Je suis originaire de Rouyn-Noranda.
Mme Copps: Vous parlez des députés.
Le sénateur Grimard: Cela peut s'appliquer aux sénateurs. Je veux me présenter parce que vous semblez ne pas me connaître. Je suis originaire de Rouyn-Noranda, un comté rural. J'aurais quelques questions à vous poser.
Sur les redevances sur les cassettes, mon recherchiste était au comité, on nous a dit que l'on augmenterait le prix des cassettes d'environ 35 à 37 sous. Ma première question est la suivante: sur cette augmentation, tenez-vous compte du prix d'une cassette? Trente-sept sous sur une cassette d'un dollar, cela représente 37 p. 100 et sur une cassette de trois, cinq ou six dollars, cela représente un montant beaucoup moindre. Pourquoi cet écart dans le prix?
Mme Copps: Cet écart entre le 37 sous et le coût de la cassette comme tel?
Le sénateur Grimard: On a dit au comité des Communes que l'augmentation d'une cassette vierge serait de 35 sous environ. Il y a des cassettes qui se vendent un dollar, trois dollars,cinq ou six dollar. Pourquoi?
Mme Copps: Pourquoi l'écart qui existe actuellement entre un, deux, trois ou quatre dollars.
Le sénateur Grimard: Pourquoi cela sera toujours 37 sous?
Mme Copps: La redevance comme telle va être établie par la Commission du droit d'auteur. Ce n'est pas nécessairement 35 ou 37 cents. Quand nous avons fait une analyse de tout ce qui se fait à travers le monde par des pays qui ont à peu près le même volume, cela se chiffre entre 25 et 35 cents. Cela dépend de la redevance qui sera mise de l'avant.
La raison pour laquelle le prix est le même, c'est que cela n'est pas lié à la qualité de l'enregistrement mais à la décision de poser un geste qui n'est pas légal, c'est-à-dire l'enregistrement d'une autre cassette, et de le rendre légal par la voie de cette redevance qui sera remise aux artistes. La somme de 25 à 37 cents reflète le droit de copier des artistes au lieu de la qualité technique des magnétos.
Le sénateur Grimard: Madame la ministre, je trouve injuste que l'on demande 30 cents la cassette de 1 $ et que l'on demande le même montant pour une cassette de 3 $, 4 $ ou 5 $. Pourquoi cette divergence?
Mme Copps: Normalement, si cela était une taxe sur une cassette, ce serait un prix fixe. Par exemple, si la cassette coûtait 1 $ et que c'est 8 p. 100, on paierait moins. Dans le cas devant nous, la Commission du droit d'auteur va analyser ce qui est fait dans d'autres pays pour un même projet de loi et elle va écouter aussi bien ceux qui font l'enregistrement des magnétos que les artistes. Elle va revenir avec une redevance pour les artistes. Cela n'est pas lié au coût commercial de la cassette mais lié au fait que d'après les études faites, sur 44 millions de cassettes vendues au Canada, 39 millions sont utilisées pour voler l'oeuvre de l'artiste. Nous désirons équilibrer cette situation. Finalement, cela sera légal, ce qui ne l'est pas présentement et, par la suite, les fonds seront remis aux artistes de la même façon qu'ils reçoivent des argents pour les livres. Je connais bien Rouyn-Noranda parce que mon père est originaire du Témiscamingue.
Le sénateur Grimard: Vous étiez du côté de l'Ontario et j'étais du côté du Québec. On se rejoint quand même parce que je suis fédéraliste.
Dans un autre ordre d'idée, Madame la ministre, j'aimerais vous parler des livres scolaires usagés. Un amendement a été adopté, à moins que je ne me trompe, à la toute dernière minute, à la dernière séance du comité. À mon point de vue, cela ne représente pas beaucoup d'intérêt financier puisque les étudiants peuvent perdre quelques millions pour l'achat de leurs volumes ou encore perdre quelques quatre millions pour l'achat de leurs volumes et perdraient deux millions pour les revendre.
On me dit aussi, et c'est sur quoi je veux poser ma question, on me dit que le 24 mars, il y a eu une réunion, Madame la ministre, à laquelle assistaient les étudiants, les libraires, et qu'un certain consensus a été obtenu à l'effet que si le distributeur de ces livres scolaires usagés n'augmentait pas son marché, à ce moment-là on n'appliquerait pas la loi. Ma question est la suivante: ne pensez-vous pas que pour ces distributeurs ceci constitue une épée de Damoclès parce que cela relève du bon vouloir de votre ministère? On pourrait dire: vous avez exagéré, vous êtes rendu à 7, 8 ou 10 universités alors que vous aviez auparavant 4 ou 5 collèges ou universités, vous augmentez donc votre marché et nous appliquons la loi.
Pourquoi avoir fait un tel compromis avec une telle épée de Damoclès sur la tête?
Mme Copps: D'abord tous les amendements mis de l'avant ont été remis à la dernière minutes parce que le processus du comité est le même, et nous avons entendu quelque soixante témoins et avons reçu 190 mémoires. Le comité s'est réuni pour faire des propositions et par la suite le ministère de l'Industrie et le ministère du Patrimoine canadien se sont consultés. C'est pour cela que les amendements ont été remis à la dernière minute. Cela ne veut pas dire que ce sont des amendements de dernière minute mais le processus nous permettait de les inclure quand le débat a été fini.
Lorsque j'étais étudiante, j'ai acheté une bonne partie de mes livres usagés des autres étudiants. Cela continue. Nous n'avons pas de problème avec cela. Par exemple, cela est peut-être un problème plus grave en anglais qu'en français. En français, il n'y a peut-être pas beaucoup de livres scolastiques qui viennent de la France parce qu'ils coûtent trop cher.
Par exemple, disons que Margaret Atwood signe une entente avec un distributeur et lui dit: vous êtes mon distributeur de choix. Tous ses livres sont vendus. Ensuite, disons qu'elle a un autre distributeur aux États-Unis.
[Traduction]
La restriction à l'importation parallèle de livres, que nous avons ajoutée, comporte deux aspects. Tout d'abord, supposons que le livre de Margaret Atwood ne se soit pas bien vendu aux États-Unis. Supposons qu'on en ait commandé environ 100 000 exemplaires et que malheureusement on n'en ait vendu que 10 000. Il en reste donc 90 000 exemplaires dans un entrepôt quelque part à Washington. À l'heure actuelle, rien n'empêche que ces livres soient vendus n'importe où au Canada, même si Margaret Atwood a conclu une entente commerciale avec un éditeur canadien qui réinvestirait alors évidemment une partie des fruits de la vente dans d'autres écrivains canadiens et assurerait ainsi jusqu'à un certain point le fondement culturel d'une industrie canadienne du livre.
Certains d'entre vous ont probablement lu aujourd'hui que Lester à Toronto a demandé la protection de ses créanciers. L'été dernier, Coach House Press a fait faillite. Il existe un certain nombre d'éditeurs canadiens qui se trouvent dans des situations difficiles. La distribution parallèle de livres a été au départ introduite pour faire face à la possibilité que de nouveaux livres entrent au Canada. C'est pourquoi le processus réglementaire sera déterminant pour l'application de la loi. Cela est très bien pour les nouveaux livres.
Prenons une situation similaire. Disons que Margaret Atwood figurait sur une liste de cours dans 20 universités du Canada. À la fin de l'année universitaire, les gens revendent leurs livres aux universités. Il n'y a qu'un seul distributeur en Amérique du Nord qui s'occupe des manuels de niveau postsecondaire. Ce distributeur se trouve aux États-Unis. Disons que toute une série de livres sont revendus au distributeur à la fin de l'année. Ce distributeur peut avoir une licence pour les revendre au Canada. L'exclusivité du contrat prend fin après 90 jours. À un certain moment, on peut rapporter les livres usagés au Canada. Il s'agit d'une mesure destinée à empêcher le dumping de livres.
En ce qui concerne les ouvrages universitaires usagés, ce qui nous préoccupe le plus, ce sont les ouvrages qui viennent des États-Unis, c'est-à-dire les manuels de médecine et ainsi de suite. Nous craignons que les manuels usagés deviennent un moyen détourné de faire entrer des manuels américains dans le système. C'est pourquoi nous voulons contrôler la situation. À l'avenir, l'importation parallèle de livres usagés sera traitée par voie de règlement.
Je pense qu'on a indiqué au comité que c'est une bonne chose pour les nouveaux livres, mais que le marché du livre usagé est en train de prendre de l'expansion. C'est une source de préoccupation parce qu'au Canada, nous ne sommes que 30 millions tandis qu'aux États-Unis, la population est de 300 millions. Si un ouvrage inscrit au programme d'études d'une université ou d'un collège américain est revendu, il pourrait très facilement revenir inonder le marché canadien et contourner ainsi nos lois sur l'importation parallèle de livres.
[Français]
Le sénateur Grimard: Madame la présidente, j'aurais une dernière question qui m'apparaît la plus importante. J'ai eu le privilège, Madame la ministre, de rencontrer personnellement au moins une quinzaine de représentants dans tous les domaines, que ce soit dans le milieu des artistes ou des éditeurs de livres. J'ai ressenti une chose que j'aimerais que vous me confirmiez. De façon générale -- sans vous dire que tout le monde est satisfait -- on m'a dit ceci: nous sommes en faveur que le projet de loi, tel qu'il est, soit adopté, même s'il ne nous satisfait pas, parce qu'après maintes discussions depuis de nombreuses années, nous en sommes venus à la conclusion d'avoir un consensus, au moins une base qui nous permettra de discuter de la phase III du projet de loi qui sera adoptée un jour ou l'autre. Je voudrais que vous me disiez si je me trompe dans mon interprétation.
Je trouve très important que la plupart des parties concernées, même si les 15 parties rencontrées représentent beaucoup de champs d'actions, m'aient dit ceci: ne le dites pas trop fort, mais nous sommes satisfaits. Nous sommes enfin arrivés à un consensus. Nous en parlons depuis sept ans. Avez-vous la même impression, madme la ministre? J'irais plus loin. Si vous avez cette impression, ne pensez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu que le comité suggère dans ses recommandations de la phase III, que nous tenions compte de différents sujets qui n'ont pas été réglés définitivement par la phase II du projet de loi C-32? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Mme Copps: Vous avez tout d'abord absolument raison. Vous avez comparé cela à un projet de loi sur l'avortement et sur les armes à feu. Je dirais que c'était encore plus difficile, parce qu'il ne s'agissait pas seulement d'un dossier. Il y avait tellement d'interlocuteurs et d'intérêts.
Ceux qui ont été inscrits sur la liste comptaient plus de 80 intéressés. Ceci dit, la phase II, elle-même, apporte certains amendements et certaines améliorations à la phase I. Le concept du droit d'auteur est une oeuvre toujours en création. Il est évident que dans le monde dans lequel nous vivons actuellement, avec ses nouvelles technologies, une fois que nous aurons complété la phase II, il faudra que nous commencions à voir la nouvelle phase avec l'autre technologie.
Je ne veux pas donner trop de dates précises ou autres choses. Mme MacDonald, en 1988, a voulu procéder à la phase II. Plusieurs étaient de bonne volonté, mais il y avait tellement d'intervenants et de discussions que cela a pris quasiment une décennie. Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le projet de loi comme tel. Si j'avais la liberté d'écrire mon projet de loi, il aurait été différent. Nous avons trouvé un bon équilibre. Le fait que quelqu'un crée une oeuvre et qu'elle puisse être copiée, sans compensation, je trouve que cela reflète la réalité que nous vivons.
Je suis du même avis que Margaret Atwood à l'effet que si quelqu'un crée une oeuvre, elle devrait recevoir le même traitement que tous les autres produits dans la société. De l'autre côté, il y a un équilibre. Nous voulons que les étudiants et les jeunes soient exposés à de nouvelles idées. C'est pour cela que nous avons compris la nécessité de donner un droit à la reproduction, pour les jeunes étudiants, les musées et les groupes culturels. C'est l'équilibre qu'apporte le milieu politique.
Le sénateur Grimard: En résumé, madame, nous avons, vous et moi, un terrain d'entente à l'effet que le projet de loi n'est pas parfait?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Grimard: Le projet de loi ne satisfait pas entièrement tous les intervenants, mais, pour une fois, c'est définitivement un pas en avant dû à un consensus, dû à ce que chaque partie a fait des concessions dans son domaine respectif.
Mme Copps: Vous allez m'inviter à Rouyn-Noranda bientôt?
Le sénateur Grimard: Il vous faudrait demander à vos amis!
Mme Copps: Cela dépend des activités.
[Traduction]
Le sénateur Milne: Madame la ministre, l'aspect de ce projet de loi qui me préoccupe particulièrement concerne les archivistes, les bibliothécaires et les chercheurs. Je crois comprendre que les amendements que vous avez apportés répondent à de nombreuses préoccupations de l'Association canadienne des archivistes. Quels sont les amendements précis qui ont été apportés au projet de loi?
Mme Copps: Le comité a présenté une série d'amendements pour permettre de copier gratuitement certaines oeuvres non publiées, ce qui n'était pas prévu dans la première version du projet de loi.
Par exemple, lorsque vous faites des recherches généalogiques, vous pouvez copier des certificats de baptême ou autres documents de ce genre sans vous préoccuper de la Loi sur le droit d'auteur. Les conséquences secondaires non voulues qu'entraînait la première version ont été supprimées dans la deuxième.
[Français]
M. René Bouchard, Directeur par intérim, Politique du droit d'auteur et planification économique, Patrimoine canadien: C'est très technique. En fait, deux mesures proposées dans le projet de loi C-32 viennent finalement rencontrer les exigences des archives ou bien de ceux qui font la recherche, notamment du côté du matériel non publié.
Nous allons permettre de faire une copie du matériel qui est déposé après que la loi ne vienne en vigueur et qu'elle soit sanctionnée. Les archives auront maintenant l'autorisation d'avoir une copie du matériel non publié.
La mesure parallèle ou celle qui accompagne celle-ci concerne la durée de protection des oeuvres non publiées.
Auparavant, la durée de protection s'étendait sur une période infinie. Nous avons maintenant réduit cette durée de protection et l'avons rendu similaire à celle des oeuvres publiées, c'est-à-dire la durée de la vie de l'auteur et une période de cinquante ans subséquente à la vie de l'auteur. Cela permet donc aux archivistes et aux historiens de faire des copies et d'avoir accès à du matériel pour lequel ils n'avaient pas accès précédemment. Cela facilite la recherche et la transmission d'information historique du côté du patrimoine, mais du même souffle, cela continue de protéger les créateurs, parce qu'il y a quand même une durée de protection pour ces oeuvres.
Il s'agit encore une fois d'un juste équilibre qui tient compte des besoins des utilisateurs mais qui tient compte aussi de la protection du côté des créateurs.
[Traduction]
Le sénateur Milne: Ma famille a fait don des documents de mon père aux archives de la Ville de Toronto, dans l'espoir qu'ils puissent être utilisés par le public. C'est pour cette raison qu'elle les a donnés aux archives.
J'ai moi-même utilisé certains de ces documents dans mes livres généalogiques. Les gens peuvent-ils copier mes livres sans demander la permission? Je ne veux pas qu'ils soient obligés de faire une telle demande.
Mme Copps: Vous avez le droit de faire une copie des documents de la famille pour les livres que vous avez publiés. L'exception relative à la protection des ouvrages inédits ne s'applique pas aux livres publiés. Toutefois, si vous avez publié un ouvrage et que vous n'êtes pas membre d'une société de gestion, n'importe qui peut copier vos livres sans problème.
Le sénateur Milne: Pouvez-vous nous expliquer cela un peu plus en détail?
Mme Copps: Par exemple, j'ai publié un livre qui est maintenant épuisé, mais qui se trouve dans les bibliothèques. Les gens peuvent l'emprunter et même le copier, car je ne suis pas membre d'une société d'auteurs. Margaret Atwood fait partie d'une telle société, et c'est elle qui négociera, par exemple, avec les gouvernements provinciaux en vue d'accorder un droit général de reproduction au public, afin d'éviter que les gens aient à négocier avec chaque collège ou université.
Si vous avez publié des livres généalogiques qui sont accessibles sur le marché, vous pouvez devenir membre de la société et celle-ci va négocier avec toutes les universités. Si elles veulent copier vos livres, elles doivent verser une petite redevance pour le droit de reproduction. Si vous ne faites pas partie d'une société, n'importe qui peut copier votre ouvrage, comme c'est le cas avec le livre que j'ai publié, parce qu'il est épuisé et qu'il ne me rapporte rien.
Le sénateur Milne: C'est la même chose pour mes livres.
Mme Copps: Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de problème. De plus, vous pouvez indiquer dans votre livre que n'importe qui peut en faire des copies à n'importe quel moment.
Le sénateur Milne: C'est ce que je vais faire à l'avenir.
Est-ce que les archivistes peuvent, en vertu de ce projet de loi, copier des ouvrages qui sont imprimés sur du papier qui contient de l'acide et qui se détériorent rapidement?
Mme Copps: Oui.
Le sénateur Milne: La plupart des ouvrages dans nos bibliothèques sont en train de se détériorer.
Mme Copps: Le projet de loi leur donne le droit de le faire, grâce aux amendements qui ont été proposés par le comité. Des préoccupations avaient été formulées au sujet non seulement des ouvrages inédits, mais aussi des ouvrages qui sont en train de se détériorer.
Le sénateur Johnson: Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je suis très heureuse de participer à cette réunion cet après-midi, puisque c'est moi qui ai piloté ce dossier au Sénat. Je siège au Sénat depuis sept ans, et c'est la première fois que nous tenons une réunion aussi importante sur la politique culturelle. Vous devriez peut-être venir nous voir plus souvent.
Je tiens à préciser que le Sénat a consacré beaucoup de temps à ce dossier. De nombreux sénateurs se sont prononcés sur la question, en termes très éloquents, et nous espérons collaborer de façon plus étroite avec le comité de la Chambre. Lorsque notre comité des communications se penchera sur le dossier de la culture, j'espère que nous pourrons faire appel à vos services.
Comme vous le savez, nous attendons ce projet de loi depuis un bon moment. Je suis personnellement très heureuse de voir que le gouvernement a pris les mesures pour faire en sorte que sa politique tienne compte du rôle particulier de la culture dans notre société. C'est un dossier qui me tient à coeur depuis longtemps. Ce projet de loi est très complexe. Je ne prétends pas en connaître tous les détails. Il a fallu attendre 60 ans avant que le gouvernement n'accepte de se pencher, en 1989, sur cette question.
Ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction et je suis heureuse de constater que le gouvernement accorde de plus en plus d'attention à la politique culturelle.
Est-ce que le gouvernement a envisagé la possibilité de créer un organisme, comme le Conseil des arts du Canada ou Téléfilm Canada, dans le domaine de l'édition? C'est une idée qui nous a été lancée par un témoin. C'est le seul domaine de la politique culturelle qui n'est pas représenté par un organisme. C'est une idée que je vous propose.
Nous avons reçu des lettres de protestation d'un groupe d'écrivains au Canada, de même qu'une lettre adressée au premier ministre et à son Cabinet, signée par plusieurs grands écrivains canadiens-français. Je compte les déposer auprès du comité aujourd'hui. Ces écrivains ont demandé deux amendements. D'abord, que l'on soustraie des exceptions les ouvrages que l'on peut obtenir sous licence d'une société de gestion; ensuite, qu'on maintienne la durée de protection plus longue dont bénéficient les oeuvres qui n'ont pas été publiées pendant le vivant de l'auteur.
Vous y avez fait allusion. Puis-je vous demander ce que vous avez dit à ces personnes, pour que nous sachions à quoi nous en tenir quand elles vont comparaître devant nous? Est-ce que ces questions vont être abordées au cours de la phase III de la réforme? Ces écrivains ont fait beaucoup de lobbying, et ils ont demandé que les amendements soient apportés avant que le projet de loi ne soit soumis au comité. Je respecte leur point de vue. Je me demande tout simplement ce que vous leur avez dit.
Mme Copps: J'espère, moi aussi, que nous pourrons travailler ensemble sur certains aspects clés de la politique culturelle. Je sais que vous avez commencé à vous pencher sur ces questions, tout comme l'a fait le comité permanent de la Chambre des communes. L'édition est un des domaines que nous aimerions examiner. J'ai eu des discussions préliminaires à ce sujet avec des éditeurs canadiens. Ils voudraient que le gouvernement mette sur pied des programmes pour leur venir en aide ou qu'il modifie les programmes de garantie de prêt qui sont actuellement offerts. Je ne crois pas que la création d'un nouvel organisme serait une bonne chose. Toutefois, nous sommes prêts à examiner toute mesure qui nous permettrait de renforcer l'industrie de l'édition. L'importation parallèle en est une.
Je connais bien la position de Margaret Atwood sur cette question. Elle l'a clairement exposée au comité. Il est très difficile d'argumenter avec quelqu'un qui dit, «Je crée une oeuvre, elle m'appartient et je devrais être payée si elle est distribuée.» Autrement dit, toute autorisation de reproduction équivaut à une violation du droit à la propriété. C'est pour cette raison, entre autres, que le comité permanent a essayé, au cours de ses discussions, de restreindre la portée de certaines exceptions. Il estimait qu'elles étaient trop vastes et qu'elles pénalisaient les créateurs. Encore une fois, c'est une question d'équité. Ils sont mécontents parce qu'ils voudraient qu'on interdise toute forme de reproduction dans toutes les institutions, qu'il s'agisse d'institutions publiques, à but non lucratif, ainsi de suite. Il est difficile de contester leur point de vue. Ils soutiennent que vous devez acheter des chaises et des pupitres pour les salles de classe, et que cela fait partie du processus d'apprentissage des enfants. Les gens ne s'attendent pas à ce que ce matériel vous soit fournit gratuitement. Vous devez payer pour ces articles. C'est la position que défendent les artistes.
Par ailleurs, l'accès aux ouvrages relève du domaine de l'intérêt public. Lorsque nous avons introduit les dispositions relatives à la production d'un exemplaire d'une oeuvre en vue d'un exercice scolaire ou autre, c'était dans l'intention de rendre le matériel accessible au public. Je crois que leurs préoccupations concernant la transmission numérique sont beaucoup plus justifiées. Il y a dix ans, il aurait fallu toute une vie pour reproduire les ouvrages de tous les auteurs. Bientôt, la technologie nous permettra de reproduire ces ouvrages presque instantanément.
Les auteurs s'inquiètent également de ce qui risque de se produire dans les années à venir si l'on permet à tout le monde de reproduire une copie d'un ouvrage. Je pense que nous sommes parvenus à un juste équilibre dans ce projet de loi. Il est évident que les collèges et les universités vont dire qu'ils devraient avoir le droit de reproduire une plus grande quantité de matériel gratuitement. Je suppose que c'est ce point qui a été au coeur du débat.
Le sénateur Johnson: Est-il juste de dire que vous avez été obligée de trancher la question?
Mme Copps: Oui. Mme Atwood a présenté des arguments très convaincants au comité de la Chambre. Le comité a proposé des exceptions plus précises en raison des préoccupations qui avaient été soulevées. Je pense que la définition originale de ce qui constituait un exercice scolaire était très vaste, car elle laissait sous-entendre que pratiquement n'importe quel ouvrage pouvait être copié. Nous avons donc prévu des exceptions plus précises. La question a été abordée avec ces groupes et des modifications ont été proposées.
Le sénateur Johnson: Merci beaucoup. J'attends avec impatience la prochaine étape de la réforme.
La présidente: Sénateur Johnson, souhaitez-vous déposer ces lettres auprès du comité?
Le sénateur Johnson: Oui.
Le sénateur Spivak: Je voudrais revenir à ce qu'a dit le sénateur Grimard au sujet des étudiants et des manuels scolaires. Mon français n'est pas trop mauvais, mais je n'ai pas tout compris.
J'ai reçu de nombreuses lettres à ce sujet. J'ai cru comprendre que cette disposition n'entrerait pas en vigueur avant un certain temps. Toutefois, il n'est pas question de l'éliminer, n'est-ce pas?
Mme Copps: Non.
Le sénateur Spivak: Vous voulez voir comment le régime sera mis en oeuvre. Pouvez-vous nous donner plus de précisions? Je comprends votre point de vue. Vous êtes inquiète au sujet du dumping qui pourrait résulter. Comment allez-vous régler ce problème? Que dois-je répondre aux gens qui m'écrivent ces lettres?
Mme Copps: On a indiqué au comité que le régime d'importation parallèle permettra d'assurer un meilleur respect des ententes commerciales signées entre les auteurs et les distributeurs canadiens. L'industrie canadienne de l'édition bénéficiera ainsi d'une plus grande stabilité et d'un plus grand soutien, ce qui lui permettra, nous l'espérons, de soutenir financièrement d'autres auteurs canadiens.
On a signalé au comité que cette disposition serait très efficace et qu'elle protégerait assez bien le marché des livres neufs. Toutefois, les manuels d'occasion constituent un marché relativement lucratif. Qu'arrive-t-il si quelqu'un décide de contourner ce marché en amassant des livres d'occasion et en les important au Canada en grandes quantités? Nous voulions prévoir un mécanisme de réglementation. Ce processus d'élaboration, qui a débuté en 1989, a pris fin en 1997.
Nous avons l'intention de suivre la situation de près. Nous avons indiqué à la Canadian Book Distributors Association, à la Canadian Booksellers Association et à d'autres intervenants que nous n'avons pas l'intention de réglementer ce secteur immédiatement, mais que nous comptons suivre la situation de près. Si l'importation de manuels d'occasion nuit au marché des livres neufs, nous réglerons le problème sans entreprendre une nouvelle révision de la Loi sur le droit d'auteur, qui pourrait s'échelonner sur plusieurs années.
Le sénateur Spivak: Autrement dit, il se peut que cette disposition ne soit jamais mise en oeuvre.
Mme Copps: C'est exact. Pour l'instant, il n'y a pas de problème. Il pourrait un jour y en avoir, mais il se peut aussi que cette disposition ne soit jamais mise en oeuvre.
Le sénateur Spivak: Je comprends.
L'autre problème, comme l'a mentionné le sénateur Johnson, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de manuels canadiens qui sont publiés. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi, mais que comptez-vous faire à ce sujet? Cette question est importante.
Mme Copps: Absolument. En fait, nous avons rencontré les ministres de la culture à Regina, en octobre dernier. Plusieurs de ces ministres sont également ministres de l'éducation. Nous avons parlé des programmes pédagogiques canadiens. Nous travaillons sur un projet de concert avec le Conseil canadien des ministres de l'éducation parce que, comme vous le savez, il n'y a pas d'homologue fédéral dans ce domaine. Nous avons proposé que le gouvernement fédéral aide les provinces à offrir plus d'ouvrages canadiens.
J'ai rencontré à Terre-Neuve un auteur canadien assez bien connu, mais qui ne publie pas un grand nombre d'ouvrages. Elle a écrit des livres très intéressants qu'elle aimerait distribuer dans les écoles. Pour y arriver, elle doit entreprendre toute une série de démarches qui finissent par être trop lourdes pour elle ou son agent. Les étudiants canadiens devraient lire ses ouvrages, mais bon nombre d'entre eux n'y ont pas accès parce que nous n'avons pas de centre pour coordonner la distribution d'ouvrages canadiens.
Le Conseil canadien des ministres de l'Éducation nous a demandé de collaborer avec lui sur ce projet. Il a d'autres idées à nous proposer.
La plupart des ordinateurs que vend la compagnie IBM sont équipés de CD-Rom d'une encyclopédie américaine. Cet outil est utilisé dans de nombreuses écoles canadiennes. Je suis certaine que cette encyclopédie contient beaucoup de renseignements, mais nous devons faire en sorte que les Canadiens aient l'occasion d'apprendre aussi l'histoire du Canada.
Le sénateur Spivak: Nous avons appris, au sein du comité et ailleurs, que les petites maisons d'édition ont contribué à promouvoir la littérature canadienne. Ce n'est pas tant la distribution qui pose problème que la production. Il est difficile pour les éditeurs de réussir sur le plan commercial. L'industrie doit être subventionnée par le gouvernement. Comment comptons-nous l'aider?
Mme Copps: C'est exactement ce que m'a dit l'auteur dont je vous ai parlé plus tôt, qui écrit pour une petite maison d'édition canadienne. Elle n'est qu'un joueur parmi d'autres, tout comme sa maison d'édition. Elle ne peut pas faire des démarches auprès de tous les ministres de l'éducation au Canada pour faire en sorte que ses ouvrages se retrouvent dans les écoles. Si elle réussit à en convaincre un ou deux, ce sera au moins ca de gagné.
Le Conseil canadien des ministres de l'éducation nous a demandé de collaborer avec lui pour voir s'il est possible de rendre le système plus accessible. Au lieu d'avoir 10 programmes différents, nous pourrions peut-être essayer d'établir un système plus uniforme.
Le sénateur Spivak: C'est une excellente idée et je vous en félicite. Toutefois, si le gouvernement fédéral -- et c'est le seul qui puisse le faire -- n'accorde pas une aide financière suffisante aux petites maisons d'édition, c'est toute l'infrastructure qui risque de s'effondrer. Voilà le problème.
Ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Je vous félicite de votre effort, mais nous devons aller plus loin.
Mme Copps: C'est pour cette raison, entre autres, que nous avons essayé de rétablir une partie du budget consacré à l'industrie de l'édition, qui avait été réduit lors de la première ronde de compressions. Nous essayons de trouver d'autres moyens de venir en aide aux éditeurs, parce que cette industrie n'est pas comme les autres. Elle a besoin de notre soutien.
Nous avons augmenté le plafond du programme du droit du prêt public pour venir en aide aux artistes. J'ai rencontré des représentants du PLRA. Une auteure canadienne-française bien connue m'a carrément dit que la seule façon pour elle de subvenir à ses besoins, c'est de donner des conférences.
Les gens disent que Céline Dion gagne beaucoup d'argent. Toutefois, les autres artistes bien connus ne peuvent vivre de leurs oeuvres aujourd'hui parce qu'elles ne leur rapportent pas beaucoup.
Le sénateur Adams: Madame la ministre, nous avons de nombreux artistes dans les Territoires et la plupart ne sont pas connus. Leur art est utilisé de différentes façons. Par exemple, il y a quelques années, la compagnie Molson a réalisé un message publicitaire à Tuktoyaktuk et a utilisé des oeuvres d'art inuit. Est-ce que, une fois que le projet de loi C-32 adopté, les compagnies qui utilisent des oeuvres d'art seront obligées de verser des redevances à l'artiste? Comment s'y prendra-t-on?
Mme Copps: Je ne sais pas ce que la compagnie Molson a fait à Tuktoyaktuk. Toutefois, une artiste comme Susan Aglukark, dont la musique est bien connue au Canada, tirera profit de ce projet de loi.
Le projet de loi prévoit des mesures de protection. Toutefois, je n'ai pas bien compris votre question.
Le sénateur Adams: Par exemple, prenons la couverture de l'annuaire téléphonique qui est distribué dans les Territoires.
Mme Copps: Je vois ce que vous voulez dire, sénateur. La société de téléphone reproduit une oeuvre d'art sans accorder de compensation financière à son auteur et sans lui en attribuer le mérite.
À cet égard, nos avocats me disent que ce projet de loi prévoit de meilleurs recours. Jeff Richstone peut citer l'article pertinent.
M. Jeffrey Richstone, avocat-conseil, Réforme du droit d'auteur, Services juridiques, Patrimoine canadien, ministère de la Justice: Les articles 34 et 35 du projet de loi prévoient de meilleures protections pour les auteurs ou les titulaires de droit d'auteur. Une nouvelle disposition simplifie les procédures. À l'heure actuelle, les procédures pour violation d'un droit d'auteur sont engagées par une action. Une nouvelle disposition stipule qu'elles peuvent être simplifiées. Cela diminuera les coûts pour les titulaires de droits qui pourront engager des procédures plus rapidement. Cela coûtera moins cher et sera plus rapide.
Nous avons emprunté aux lois américaines une nouvelle disposition intitulée dommages-intérêts préétablis. Il est parfois difficile de déterminer combien vaut une violation. Présenter des témoignages devant un tribunal pour déterminer exactement sa valeur coûte beaucoup d'argent. Cette mesure donne au tribunal un moyen d'arriver à un chiffre, tout en gardant à l'esprit les ressources des deux parties. C'est une disposition qui a eu beaucoup de succès aux États-Unis.
Dans certains cas, je pense que la question que vous soulevez pourrait être réglée par les recours prévus dans ce projet de loi.
Le sénateur Forrestall: Je vais aborder certaines questions d'un de mes collègues qui n'est pas là aujourd'hui. Le fait de ne pas savoir que l'on viole un droit n'est-il pas une défense?
M. Richstone: Oui. Plusieurs dispositions stipulent que cette absence de connaissance écarte toute responsabilité ou ramène les dommages-intérêts à un très petit montant. En ce qui concerne l'importation parallèle, il s'agit de connaissance par interprétation, c'est-à-dire que l'on doit être au courant de certaines choses. Selon l'interprétation des tribunaux, les gens d'affaires raisonnablement informés devraient connaître certaines circonstances et donc ne pas pouvoir faire semblant de ne pas s'en apercevoir.
Dans certains cas, nous parlons de caractère raisonnable; dans d'autres, de connaissance; dans d'autres encore, l'innocence est un moyen de défense.
Mme Copps: Un article de ce projet de loi traite de violation innocente. Une telle disposition n'existait pas dans la loi de 1988. Elle a été inclue pour justement régler ce problème.
Le sénateur Forrestall: Madame la ministre, je suis heureux de vous voir parmi nous aujourd'hui. Dieu seul sait combien il a été difficile pour beaucoup de personnes d'arriver jusqu'ici.
Madame la présidente, par mégarde, j'ai induit en erreur le sénateur Kinsella. Je lui ai dit que notre comité ne se réunirait pas à ce sujet avant demain. Je lui ai dit que le comité se réunissait aujourd'hui pour débattre de la sécurité de l'aviation et des transports.
La présidente: Sénateur, le greffier a envoyé l'avis de séance au bureau de tous les sénateurs par fax, à 17 h 25 jeudi après-midi.
Le sénateur Forrestall: Madame la présidente, peu importe que ce soit jeudi ou vendredi après-midi à 17 h 25. Dans tous les cas, je me suis trompé et je dois maintenant en subir les conséquences.
Le sénateur Kinsella a quatre sujets de préoccupation qui découlent de ses antécédents universitaires et qui ont donc trait aux universités. Je vais les résumer du mieux que je peux.
Tout d'abord, il propose en général de renverser certains des amendements dans le domaine du patrimoine. Dans son intervention au sujet de ce projet de loi au Sénat, il a déclaré:
Tout d'abord, il faudrait rétablir la définition initiale de l'expression «accessible sur le marché». La modification que le Comité du patrimoine a apportée à cette définition sape et rend effectivement inopérables certaines des exceptions prévues dans le projet de loi concernant les établissements d'enseignement et les bibliothèques.
Deuxièmement, il faudrait retirer du projet de loi la nouvelle restriction sur l'importation de manuels scolaires d'occasion, dont le sénateur Grimard a parlé. Cette disposition, en effet, impose une taxe sur l'apprentissage et prive les étudiants de l'accès à du matériel d'apprentissage à prix abordable à une époque où l'endettement croissant des étudiants devient un grave sujet de préoccupation. Si l'État veut soutenir les éditeurs canadiens de manuels scolaires, il ne devrait pas le faire au détriment des étudiants canadiens.
Troisièmement, il faudrait rétablir dans sa forme initiale, telle qu'elle figurait dans le projet de loi C-32 au moment de sa présentation à l'autre endroit, la disposition qui exempte les établissements d'enseignement et les bibliothèques de toute redevance à l'égard des photocopieuses à maniement individuel installées dans leurs locaux.
Si je me souviens bien, il s'agissait d'afficher un avertissement près des photocopieuses.
Sur un quatrième point, celui des enregistrements, il faudrait aussi rétablir dans son état initial la disposition qui permet la copie de documentaires à montrer dans les classes [...]
Enfin, une partie importante du projet de loi C-32, celle qui crée le nouveau régime de dommages-intérêts préétablis, aurait dû être modifiée par le comité de l'autre endroit, mais ne l'a pas été. Sous sa forme actuelle, le projet de loi crée un régime de dommages-intérêts préétablis qui peut mener au versement d'une compensation [...]
C'est ce dont je voulais parler un peu plus tôt.
[...] même si le contrevenant ne savait pas que l'activité à laquelle il s'adonnait constituait une infraction à la loi.
En d'autres termes, s'il n'y avait pas d'intention.
Pouvez-vous donner une réponse aux questions soulevées par le sénateur Kinsella lorsqu'il a pris la parole au moment de la deuxième lecture de ce projet de loi?
Mme Copps: La question relative à l'accessibilité étendue sur le marché reprend celle posée par le sénateur Milne, à savoir si l'oeuvre peut être accessible ou protégée. Là encore, il s'agit de l'équilibre que recherchaient les artistes. Les librairies vendent des livres. Les livres sont également accessibles sur le marché par l'entremise de sociétés de gestion collective, une fois qu'ils ont fait leur temps dans les librairies, et cetera. Cela signifie qu'ils continuent d'être protégés par le droit d'auteur du point de vue de l'artiste. L'accessibilité sur le marché a été étendue pour englober les oeuvres qui sont accessibles par l'entremise de telles sociétés de gestion afin de s'assurer que si le livre de Margaret Atwood, par exemple, n'est plus disponible en librairie, mais à la société de gestion, et s'il est utilisé à des fins de reproduction, elle devrait recevoir une compensation financière à cet égard. Il s'agit du principe de reconnaissance de propriété intellectuelle.
Plusieurs exceptions importantes sont prévues, ce qui explique la raison pour laquelle votre oeuvre peut être copiée si vous n'êtes pas membre d'une société de gestion, ou la raison pour laquelle votre oeuvre peut être copiée dans certaines circonstances à des fins éducatives.
Au cours des audiences, les artistes ont indiqué que certaines réserves étaient trop étendues. Nous les avons rendues plus précises, sans toutefois les éliminer.
Au sujet des manuels scolaires, vous n'êtes pas sans savoir qu'un Américain de New York qui amènerait une cargaison de livres pourrait les vendre moins cher qu'un Canadien titulaire d'une licence pour vendre de tels livres. Cela s'applique évidemment aux livres neufs. La distribution des manuels scolaires d'occasion ne se fait qu'aux États-Unis. Il n'y a pas de distributeurs en gros de manuels scolaires d'occasion au Canada.
Supposons que l'Université de Toronto achète à ses étudiants des manuels d'occasion et les renvoie aux États-Unis. Nous ne voulions pas créer une situation où l'importation de livres d'occasion au Canada, après leur entreposage aux États-Unis, contournerait le régime des livres neufs; c'est la raison pour laquelle nous avons prévu des mesures de protection et avons indiqué que nous ne prendrons aucune mesure pour l'instant, mais que nous surveillerons la situation. Nous savons que les gens achètent et vendent des livres et nous n'avons certainement pas l'intention de nous en mêler, mais si on s'aperçoit que l'importation de livres d'occasion permet de contourner le régime d'importation parallèle, nous voulons avoir la capacité d'agir.
Les bibliothèques bénéficient d'un régime particulier. Par exemple, la bibliothèque de l'Université d'Ottawa, membre de l'AUCC, a négocié une entente collective avec CANCOPY. N'importe qui peut aller dans cette bibliothèque et faire des copies sans crainte de dommages-intérêts punitifs. Le projet de loi aborde également la question de violation innocente et bien sûr cela peut se régler dans le cadre de la common law.
En 1988, lorsque la loi initiale a été présentée, nous avons posé les mêmes genres de questions, mais dans le sens contraire. On avait dit qu'il y aurait toutes sortes de procès. Il n'y a jamais eu un seul procès au Canada pour violation d'un droit d'auteur par photocopie. Ce projet de loi rend en fait la situation plus sûre pour les établissements, et non le contraire.
Vous avez posé une question au sujet des photocopieuses à maniement individuel dans les bibliothèques. Le comité a entendu que le fait d'afficher un avis ne suffit pas on ne s'efforce absolument pas de négocier une entente collective.
Je crois que M. Richstone a déjà répondu à la question au sujet des dommages-intérêts.
Le sénateur Forrestall: La terminologie des lois me fascine depuis des années. Chaque fois que nous créons un mot et que ce mot se retrouve dans une loi, il crée des ennuis. Tout mot qui n'a pas de définition ou qui ne peut pas être compris n'a pas sa place dans la loi. Si un tel mot est utilisé, il faut en donner la définition.
Je veux parler du mot «reprographie». Je ne vais pas m'étendre sur la racine de ce mot -- et, croyez-moi, je comprends ce qu'il signifie -- mais ce n'est pas un mot qui convienne dans une loi.
M. Richstone: Le mot «reprographie» apparaît dans les lois de plusieurs pays du Commonwealth comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Nous nous sommes inspirés de tels modèles au moment de la rédaction de ce projet de loi. Il y a tout un ensemble de lois qui utilisent ce mot. Nous avons bien sûr examiné les lois du Commonwealth, puisque, pour une grande part, la législation canadienne sur le droit d'auteur s'en inspire.
Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous nous donner une définition canadienne?
M. Richstone: Autant que je sache, ce mot se rapporte à la photocopie, non pas la photocopie numérique, mais celle que nous connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire essentiellement la photocopie analogique.
Le sénateur Forrestall: J'ai demandé il y a quelques instants si nous étions prêts à nous attaquer au réseau infernal, au Web, à l'Internet, peu importe le nom qu'on veut bien lui donner. Au cours de la prochaine phase, allons-nous nous occuper de la technologie de pointe dans le contexte de la législation sur le droit d'auteur?
Mme Copps: Évidemment, toute future loi sur le droit d'auteur devra aborder certaines de ces questions. Je ne veux pas dire ce qu'elle renfermera, car nous avons l'intention de passer immédiatement à la phase deux dans certains autres domaines. Compte tenu de la quantité de travail que cela représente, cela prendra nécessairement du temps.
La nouvelle terminologie ne fait que naître. On a essayé de trouver des mots dont le sens est le même pour les juristes d'autres pays du monde, de manière que les lois concordent.
Le sénateur Forrestall: Je ne critique pas cela. C'est une bonne idée, mais je n'aime pas que les lois servent à créer la langue anglaise.
Mme Copps: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Forrestall: Nous parlons de la langue canadienne. Nous utilisons l'orthographe canadienne aujourd'hui.
Mme Copps: C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de bons manuels scolaires canadiens -- de manière à développer notre anglais canadien, au lieu d'utiliser l'anglais américain.
Le sénateur Forrestall: Je ne suis pas en désaccord. Madame la ministre, merci beaucoup.
Le sénateur Milne: Je remarque que dans le cas où il est tenu d'obtenir l'autorisation du titulaire du droit d'auteur pour faire la reproduction d'une oeuvre non publiée déposée plus tôt, le service d'archives peut, s'il ne réussit pas à trouver le titulaire du droit d'auteur, faire des reproductions en conformité avec le paragraphe (3). Dans quelle mesure le service d'archives doit-il vraiment s'efforcer de retrouver le titulaire du droit d'auteur 50 ans après son décès?
Mme Copps: De toute évidence, il doit faire un effort raisonnable à cet égard, mais qu'est-ce qu'un «effort raisonnable»? L'oeuvre fait de toute façon partie du domaine public cinquante ans après le décès du titulaire.
Si un service d'archives recherche des oeuvres non publiées de manière assez régulière, c'est peut-être parce que ces oeuvres ont une certaine valeur et qu'elles sont recherchées.
Le sénateur Milne: Vous ne répondez pas vraiment à ma question.
Mme Copps: Prenez l'exemple d'un auteur dont l'oeuvre est importante, mais qui a également des oeuvres non publiées. Vous en tirez des extraits. Les exemples que vous donnez se rapportent plutôt à la généalogie. Nous avons essayé, précisément à cause des questions posées par l'institut de généalogie, entre autres, d'améliorer le libellé de la loi initiale, car il nous paraissait trop lourd.
Nous avons intégré plusieurs mesures de protection pour permettre aux gens de poursuivre leur travail généalogique et d'archives sans courir de risques.
[Français]
Le sénateur Poulin: Madame la ministre on aimerait vous féliciter parce que ce n'est pas une tâche facile de réviser une législation qui a connu tellement de vies. J'ai l'impression que nous discutons d'un chat au lieu d'une législation. Il n'est pas facile d'établir l'équilibre entre l'auteur et l'usager. Plusieurs d'entre nous ont suivi ce que j'appelle la petite histoire de la législation depuis sa naissance. Une chose nous a frappés dans le processus de l'étude du projet de loi au comité de la Chambre des communes où certaines personnes, par exemple, les Associations des enseignants, étaient très à l'aise avec ce projet de loi. Ils trouvaient l'accès raisonnable. Il y a eu des changements apportés depuis ce temps.
On connaît quand même un nombre assez élevé de changements à ce projet de loi mais toujours dans l'intention, je pense, d'assurer cet équilibre. Je sais que certaines associations vous ont écrit ainsi qu'à votre collègue, le ministre John Manley, en date du 23 janvier. J'ai lu attentivement la lettre qui avait été portée à votre attention et à l'attention de M. John Manley et qui est cosignée par les Associations de collèges et des universités, l'AUCC, l'Association des bibliothèques, les Associations des conseils scolaires, la Fédération des professeurs, l'Association des bibliothèques de recherche et l'Association des professeurs d'universités soulevant certaines questions. Est-ce qu'il y a eu un suivi à cette lettre du 23 janvier 1997?
[Traduction]
Mme Copps: J'ai ici une copie de cette lettre. Il y est question de ce dont nous avons parlé plus tôt, c'est-à-dire de la définition de ce qui est accessible sur le marché.
Je ne sais pas si vous avez lu le témoignage de la Writers' Union qui a comparu devant le comité. Essentiellement, ses représentants ont déclaré que toute forme d'exception est du vol. Permettez-moi de replacer les faits dans leur contexte.
En 1988, le gouvernement précédent a présenté le projet de loi initial. À cette époque, on s'est beaucoup inquiété du fait que les enseignants seraient poursuivis, que trop de photocopies seraient faites, et cetera. Depuis, presque neuf ans se sont écoulés au cours desquels nous avons fait l'expérience de ce processus. C'est la raison pour laquelle des organisations comme CANCOPY et UNEQ ont décidé de signer des ententes collectives avec ces établissements.
La copie a maintenant une valeur commerciale qui n'existait pas en 1988. Cette valeur commerciale représente l'argent qui revient aux artistes. C'est pourquoi elle est prévue. D'après les chiffres, les coûts administratifs d'organisations comme CANCOPY, SODRAC et autres, sont très bas, et elles remettent essentiellement les fonds aux artistes.
Avant 1988, aucune valeur commerciale n'était rattachée à la copie. Tout le monde copiait. Le revers de la médaille, c'est que les établissements qui auparavant pouvaient faire de la copie gratuitement et qui maintenant se voient dans l'obligation de payer ce genre d'activité, voudraient que des exceptions soient prévues.
Dans l'avant-projet de loi, plusieurs éclaircissements ont été apportés précisément pour répondre aux demandes de ceux qui, au début de 1988, disaient que ces exceptions devaient être mieux précisées. Lorsque le comité a tenu ses audiences, il n'a cessé d'entendre que les exceptions avaient été trop vastes et que finalement, par suite de la phase deux, les fonds versés aux auteurs pour leurs oeuvres seraient moindres. Par conséquent, nous avons élargi la définition de «accessible sur le marché» de manière à inclure les livres qui peuvent être achetés dans les magasins, ainsi que ceux qui sont disponibles auprès des sociétés de gestion collective pour précisément nous assurer que nous ne diminuions pas la valeur commerciale rattachée au droit d'auteur telle que prévue par la loi de 1988.
Je comprends l'autre point de vue, mais il peut être poussé à l'extrême. J'ai rencontré la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants pour débattre d'une autre question, mais, par pure coïncidence, cela s'est passé presque au moment où j'ai reçu cette lettre. Dans nos discussions, je me suis rendu compte que cette fédération est une institution qui sert l'intérêt public et dont les résultats sont très positifs. Toutefois, en tant qu'enseignants, ils s'attendent à être payés pour leur travail. Sûrement, la même chose devrait s'appliquer, autant que possible, aux artistes qui créent une oeuvre. C'est justement le genre d'équilibre auquel nous sommes parvenus en élargissant la définition de «accessible sur le marché».
Effectivement, des gens vous diront que cela va coûter un peu plus cher. En fait, dans ce domaine particulier, il n'y aura pas d'augmentation importante. On a cité le chiffre de 500 000 $ qui représenterait le coût de l'octroi de licences d'utilisation. Ce n'est pas une énorme quantité d'argent, mais une partie veut pouvoir faire plus de copie gratuitement, tandis que l'autre ne veut aucune copie gratuite. Nous sommes arrivés à un compromis.
Le sénateur Forrestall: En raison de l'augmentation du coût des bandes magnétiques, on s'est inquiété de l'apparition d'un marché gris. Avez-vous des motifs de croire que cela pourrait se produire? Si oui, comment le contrôleriez-vous?
Mme Copps: Dans son exposé présenté au comité il y a trois ans, l'Association canadienne des radiodiffuseurs a suggéré que l'on pourrait parvenir à un équilibre entre l'artiste et le radiodiffuseur en imposant des frais de 1 $ par bande pour l'enregistrement à domicile. De toute évidence, nous avons rejeté cette proposition, car il n'y a aucun rapport entre ces deux questions qui sont distinctes l'une de l'autre.
Il est étonnant que le processus n'ait pas soulevé un plus grand tollé. La plupart des Canadiens reconnaissent que la grande majorité des enregistrements sont des contrefaçons. Peu voudront se faire les champions du piratage commercial. Parce que le régime à l'étude légalisera une pratique clandestine qui a cours depuis des années, l'opposition y a fait un assez bon accueil. Bien sûr, nous avons reçu quelques lettres d'importateurs et ainsi de suite, mais, dans l'ensemble, la population reconnaît, je crois, que le compromis est légitime en vue d'appuyer les artistes qui, pendant des années, se sont fait voler leurs oeuvres.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet de la taxe de vente pondérée et de la taxe de vente harmonisée.
Mme Copps: Cette question relève d'un autre comité. Il ne s'agit pas d'une redevance. La fixation du taux ne relève pas de nous. Cette tâche revient à la Commission du droit d'auteur, qui verra ce qui se fait ailleurs.
Le sénateur Forrestall: Pourtant, c'est une question d'orientation.
Mme Copps: Nous donnons effectivement des instructions à la commission.
Le sénateur Forrestall: Je suis sérieux. Vous n'avez pas l'intention d'enlever le pain de la bouche de ces pauvres artistes affamés, n'est-ce pas?
Mme Copps: Non.
Le sénateur Forrestall: La taxe de vente pondérée s'appliquera-t-elle au dollar ou aux 40 cents ajoutés au prix de la cassette vierge?
Mme Copps: Cette taxe n'est pas prélevée au niveau de la vente au détail. Il s'agit d'une recommandation de la Commission du droit d'auteur. C'est elle qui se chargera de fixer le taux, de faire la perception et d'en redistribuer le produit. C'est sans rapport avec la vente au détail.
Le sénateur Forrestall: Je vous remercie beaucoup, madame la ministre.
[Français]
Le sénateur Grimard: Madame la ministre, j'ai oublié tout à l'heure de vous poser une question. Comme on le sait, les États-Unis ne sont pas membres de la Convention de Rome. Ne pensez-vous pas que, par ce fait, les artistes canadiens peuvent être mis à l'épreuve en ce sens que les radiodiffuseurs pourraient être plus intéressés à jouer de la musique américaine au détriment des auteurs ou des musiciens canadiens, dû au fait que les postes radiodiffuseurs ne paieraient pas de droits, étant donné que les États-Unis ne sont pas membre de la Convention de Rome. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Mme Copps: L'adoption du projet de loi C-32 va faire en sorte qu'il va y avoir plus d'emplois au Canada pour les gens qui travaillent dans le domaine artistique. Au Canada, nous sommes toujours assujettis aux normes qui touchent au contenu canadien sur les ondes; il reste à dire si cela est aux heures de pointe ou autres, en français et en anglais.
D'autre part, si vous prenez les grands artistes canadiens qui vendent leurs disques à travers le monde, on a dit dernièrement, pour Céline Dion, Roch Voisine ou d'autres qui vendent beaucoup de disques en dehors du Canada, aussi bien en français qu'en anglais, qu'actuellement, c'est à leur avantage de se faire enregistrer dans un pays qui reconnaît les droits de la Convention de Rome. Pourquoi? Parce que si Céline Dion enregistre un disque en France, s'il est joué sur les ondes en France -- la France est un signataire de la Convention de Rome elle pourrait recevoir plus des royautés sur ses contrats en France.
Maintenant que nous pouvons signer une entente pour adhérer à la Convention de Rome, nous allons rejoindre 50 autres pays et ceci va donner plus de possibilités au Canada de créer plus de production, plus de disques chez nous. Ceci compte, en effet, pour une croissance assez fulgurante, depuis 10 ans que nous faisons des disques. On pourrait non seulement les enregistrer au Canada mais aussi les enregistrer pour la vente.
En ce qui concerne les postes de radio, en regard de la loi actuelle, ils sont obligés d'avoir une certaine partie de leur répertoire en français pour les chaînes francophones et un pourcentage de disques en langue anglaise.
Le sénateur Grimard: Madame la ministre, je me suis laissé dire que Céline Dion enregistrait -- on donne cela comme exemple, je ne veux pas faire son procès -- en Californie. Qu'est-ce qui arrive d'un disque de Céline Dion enregistré en Californie qui va être entendu au Canada, au point de vue du droit d'auteur?
Mme Copps: Il n'y a pas de différence, cela ne change rien.
Le sénateur Grimard: Que voulez-vous dire?
Mme Copps: Cela ne change rien pour elle, parce que si c'est un disque enregistré en Californie et que les Américains ne sont pas signataires des droits voisins, elle n'est pas payée.
Le sénateur Grimard: Elle n'est pas payée.
Mme Copps: C'est exact.
Le sénateur Grimard: Si elle enregistre à Toronto ou à Montréal, elle le sera?
Mme Copps: Suite à l'adaptation, oui, elle le sera.
La présidente: Sénateur Poulin, est-ce que vous voulez déposer au dossier les lettres que vous avez citées tout à l'heure?
Le sénateur Poulin: Oui, c'est la lettre adressée à M. Manley et à Mme Copps, le 23 janvier 1997.
La présidente: J'aimerais revenir, Madame la ministre sur la question des livres usagés. On entend beaucoup d'inquiétude de la part des étudiants sur la question des livres usagés. À l'article 28, page 61, du projet de loi on dit, et je cite:
Les articles 44. 2 et 45 de la même loi sont remplacés par ce qui suit:
On nous dit ensuite à la page 63, l'article 45.(1)e):
[...] d'importer des exemplaires de livres d'occasion produits avec le consentement du titulaire du droit d'auteur dans le pays de production, sauf s'il s'agit de livres de nature scientifique, technique ou savante qui sont importés pour servir de manuels scolaires dans un établissement d'enseignement.
Si je vous réfère à la page 96, ENTRÉE EN VIGUEUR, on revient toutefois à l'alinéa (1)e) de l'article 45 de la Loi sur le droit d'auteur visé à l'alinéa (1)d):
[...] est réputé rédigé comme suit pour la période qui commence le 30 juin 1996 et se termine soixante jours après la date de sanction de la présente loi:
Vous nous disiez tout à l'heure qu'il y avait une exemption mais si elle entre en vigueur, elle ne sera pas exemptée.
Mme Copps: Vous parlez de deux choses différentes: là on a donné une possibilité nonobstant les institutions éducatives, de faire importer des livres dont on a besoin pour l'enseignement. Ce n'est pas la même chose que de faire importer des livres pour les ventes commerciales aux étudiants.
La présidente: Mais par rapport aux livres usagés, c'est autre chose.
Mme Copps: C'est parce que si un professeur d'école donne un cours sur la microbiologie d'un professeur de l'Université du Texas, elle peut faire importer des livres; on leur donne une exemption sans pour autant avoir aucun problème de droit d'auteur ou d'importation parallèle.
Mais d'autre part, si une compagnie, et je pense qu'il y en seulement une aux États-Unis du nom de Follet veut faire une vente de livres usagés au Canada pour des étudiants en nombre suffisant ou s'ils essaient de faire ce qu'ils ne peuvent pas faire avec des livres neufs, à ce moment-là, on veut avoir la capacité de réagir par réglementation. Ce n'est pas prévu dans la Loi comme telle, parce que l'on veut voir la situation des livres usagés.
La présidente: Pourquoi l'indiquer dans la loi, si on revient avec de la réglementation, si on dit que c'est exempté?
Mme Copps: En 1988, on a procédé à l'adoption du projet de loi et par la suite, on l'a revu sur plusieurs sujets. C'est pour cela que maintenant on revient avec des exemptions. Cela a été promis en 1988. On essayait de déterminer de façon plus étroite les exceptions et aussi de donner un peu de soulagement aux professeurs qui avaient peur de se faire poursuivre pour rupture de droit d'auteur.
Au tout début, nous avons fait cela pour les nouveaux livres, point. Quand on a étudié le projet de loi en comité, ils ont dit que s'ils ne peuvent pas importer des nouveaux livres parce que l'on a des contrats commerciaux mais qu'ils prennent le même livre l'année suivante et qu'ils reviennent en masse au Canada par la voie d'une compagnie qui fait la collection de livres de toutes les institutions de l'Amérique du Nord puis les revendent par après, à ce moment-là, on va avoir des discussions pour réglementer. S'il y a réglementation, il est évident qu'il faudrait avoir des discussions, il faudrait que cela soit publié aussi dans la Gazette du Canada. On ne peut pas aller de l'avant sans pour autant que cela soit révisé ensuite. On agit suite à une crainte que nous avons trouvé légitime et qui a été soulevée par le comité: dans le contexte universitaire, beaucoup de livres ne changent pas d'une année à l'autre. Si quelqu'un voulait vraiment faire venir 100 000 livres usagés pour contourner la Loi sur l'importation des livres, on voulait avoir la possibilité de réglementer par après. On ne voulait pas attendre à la troisième phase de la Loi sur le droit d'auteur, ce qui pourrait nous prendre encore plusieurs années.
Le sénateur Bacon: Je reviens à ma question. À l'article 4.(1)e) on parle d'entrée en vigueur, et c'est 60 jours après la date de la sanction royale. Si ce n'est pas l'intention du législateur d'appliquer la provision, pourquoi l'avoir incluse dans la Loi? Vous comprendrez que cela inquiète les étudiants et les étudiantes.
[Traduction]
Mme Susan Katz, ministère du Patrimoine canadien: Je pourrais peut-être renchérir sur ce qu'a dit la ministre.
Comme vous le savez, dans les dispositions relatives à l'importation parallèle de livres, on trouve aussi une disposition que nous appelons la «disposition rétroactive». Pareilles dispositions empêchent que l'on ne stocke des livres au Canada pendant que le projet de loi franchit les étapes du processus d'examen parlementaire. En fait, au bout des 60 jours qui suivent la sanction royale, les distributeurs seraient encore capables d'agir en fonction de ces dispositions rétroactives.
Cependant, les dispositions ne s'appliquent pas du tout aux manuels d'occasion, mais bien aux manuels neufs en attendant qu'une nouvelle série de dispositions entrent en vigueur. Comme l'a mentionné la ministre plus tôt, il se peut que l'on ne prenne jamais, en fait, de règlement concernant les manuels d'occasion. Les dispositions concernant les importations parallèles ne s'appliqueront donc pas aux manuels d'occasion.
À la date de la sanction royale, le lendemain et dans les 60 jours qui suivent, il n'y aura absolument pas de changement dans la façon dont fonctionne le marché du manuel scolaire usagé.
La présidente: Le projet de loi à l'étude inclut toutefois cette disposition. Qu'avez-vous à répondre aux étudiants que cela inquiète?
Mme Copps: L'étudiant est libre, actuellement et dans un avenir prévisible, d'acheter les manuels d'occasion qu'il souhaite. Pour l'instant, la plupart des livres usagés vendus au Canada sont échangés entre étudiants. La disposition ne s'applique pas à de telles transactions.
Il existe un marché des manuels d'occasion en provenance des États-Unis. Les manuels sont achetés au Canada, expédiés aux États-Unis, puis revendus au Canada par un grand distributeur. Si, à la longue, dans un an ou deux, nous constatons tout à coup que 100 000 exemplaires d'un manuel d'occasion sont importés au Canada à des prix ridiculement bas alors que des licences conventionnelles de distribution de ce livre sont déjà octroyées au Canada, nous pouvons prendre les règlements qui s'imposent. Il s'agit d'un pouvoir conditionnel qui n'est pas exercé. Par conséquent, les achats des étudiants ne seraient pas touchés actuellement. Nous suivrons la situation et nous nous sommes engagés à effectuer tout changement ultérieur par voie de réglementation, ce qui exigerait un débat public en bonne et due forme.
Nous avons aussi communiqué avec les intervenants, entre autres la Canadian Booksellers Association, les éditeurs et les étudiants. Ils avaient l'impression que nul ne serait autorisé à acheter des livres d'occasion. Ce n'est pas vrai. La plupart des étudiants d'université, à court d'argent, souhaiteront de toute évidence profiter au maximum de leurs maigres ressources, y compris acheter des livres très bon marché. Sans vouloir les en empêcher, nous souhaitons tout de même éviter que, par exemple dans deux ans, 100 000 livres usagés importés des États-Unis soient vendus dans une région où un auteur canadien a déjà autorisé, par licence, la distribution de ses livres.
La présidente: Vous souhaitez donc que cette disposition soit maintenue dans le projet de loi.
Mme Copps: Le projet de loi nous permet de prendre des règlements au besoin. Nous pourrions le faire plus tard. Le projet de loi ne le prévoit pas pour l'instant. La période de 60 jours à laquelle faisait allusion Mme Katz est celle qui doit s'écouler après l'entrée en vigueur de la loi avant que des mesures ne puissent être prises. On pourra continuer de vendre et d'importer des manuels d'occasion dans l'avenir prévisible. À moins qu'un changement draconien ne survienne sur le marché des manuels d'occasion importés, c'est-à-dire qu'on essaie de contourner en douce les dispositions concernant les importations parallèles, nous n'interviendrons pas.
Le sénateur Johnson: Il a fallu dix ans pour réaliser la phase II de la réforme. Avez-vous une idée du temps qu'il faudra pour mener à terme la phase III? Les travaux sont-ils déjà entamés?
Mme Copps: J'ai des idées, mais je préfère attendre la fin de la phase II avant d'entamer la phase III.
Le sénateur Johnson: Toutefois, dans votre déclaration, vous avez parlé d'Internet et de CD-Rom, soit des supports contemporains, ce qui rendra encore plus facile la reproduction de matériel protégé. Si le projet de loi à l'étude est adopté par le Sénat, avez-vous un plan?
Mme Copps: Jusqu'ici, je me suis consacrée au texte que vous avez devant vous. De toute évidence, il a exigé beaucoup de travail. Je remercie non seulement les sénateurs, mais aussi les députés qui ont dû siéger à de nombreuses reprises à cet égard. Je les ai moi-même rencontrés 15 ou 20 fois probablement à ce sujet. Certaines idées circulent au sein du ministère, mais nous souhaitons travailler de concert avec les réseaux informatiques et d'autres intéressés.
Entre-temps, une certaine discipline est en train d'envahir Internet. J'ai essayé de lire The Globe and Mail l'autre jour, sur Internet. Il faut maintenant payer pour le faire.
Le sénateur Johnson: Je vous remercie. Nous attendrons avec impatience de connaître le résultat de la phase III.
Mme Copps: La loi prévoit un examen quinquennal, ce qui pourrait précipiter les événements.
Le sénateur Johnson: Il faudrait remercier la ministre et son équipe. Ils ont fait un travail formidable.
La présidente: Madame la ministre, je vous remercie. Nous pourrions avoir besoin de vous le 21 avril. Il faudrait peut-être bloquer cette date sur votre calendrier. Elle coïncide avec la dernière journée de nos audiences. Les sénateurs auront peut-être des questions à vous poser.
[Français]
Nous avons devant nous les membres de la Commission du droit d'auteur, M. Michel Hétu, le vice-président et premier dirigeant et M. Claude Majeau, le secrétaire. Vous avez une heure et trente pour votre exposé. Vous avez un autre invité avec vous monsieur Majeau?
M. Michel Hétu, vice-président et premier dirigeant, Commision du droit d'auteur: Vous avez à ma droite, M. Mario Bouchard, avocat général de la Commission.
La présidente: Vous prenez le temps que vous voulez. Cependant on veut donner du temps pour des questions. Vous faites votre exposé. Ensuite il y aura les questions des sénateurs.
M. Hétu: Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion aujourd'hui de m'entretenir aujourd'hui du projet de loi C-32. Je voudrais signaler également la présence d'un autre commissaire de la Commission, M. Andrew Fennace, qui est dans cette salle.
Je n'ai pas eu le plaisir de comparaître devant un comité du Sénat depuis mars 1988. C'était devant le comité permanent des banques et du commerce. Le comité était chargé de l'étude du projet de loi C-60 mettant en oeuvre la phase un de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. J'étais alors avocat général du ministère des Communications et j'accompagnais la ministre de l'époque, l'honorable Flora MacDonald.
En relisant récemment le compte rendu de ces séances, je me suis souvenu à quel point la phase II de la révision était présente à l'esprit de ceux qui ont participé à l'examen du projet de loi C-60.
Le projet traitait de nombreuses questions, un nouveau droit d'exposition publique des oeuvres artistiques, des droits moraux plus étendus, l'abolition de la licence obligatoire pour la fabrication d'enregistrement sonore, une protection explicite des programmes d'ordinateur, des mesures plus efficaces de répression du piratage commercial et cetera. Toutes ces mesures avaient pour but de moderniser une législation sur le droit d'auteur remontant à 1924. Mais avant tout, le projet de loi établissait un cadre visant à faciliter l'accès aux oeuvres protégées moyennant une compensation juste et raisonnable pour leur utilisation. Ce cadre s'articulait autour de deux instruments, la société de gestion collective et la Commission du droit d'auteur.
Dans ce projet de loi, un élément important avait été laissé de côté, à savoir les exceptions, un élément que l'on traitait comme relevant de la phase II. Les discussions entre les intéressés n'avaient pas encore abouti. Le gouvernement ne voulait pas retarder l'adoption des mesures qu'il considérait prêtes à être mises en place. Il faut croire que cette décision était sage puisqu'il aura fallu non pas six mois, comme on l'annonçait à l'époque, mais bien 9 ans pour mettre au point des dispositions détaillées traitant des exceptions. Cela étant dit, cette approche étapiste a soulevé des difficultés par rapport au projet de loi C-60, y compris devant le Sénat.
Pour moi, l'un des principaux objectif du projet de loi C-32 est donc de compléter la phase I. De fait, les exceptions occupent beaucoup de place dans le projet de loi. Cela étant dit, neuf années ont passé et le projet qui est dans vous traite d'autres questions, dont deux nouveaux régimes de droit d'auteur, les droits voisins des artistes-interprètes et producteurs d'enregistrements sonores ainsi qu'un régime de compensation pour la copie privée d'enregistrements sonores qui prévoit tous deux un rôle pour la Commission du droit d'auteur.
Aujourd'hui ce n'est pas en tant que conseiller de la ministre responsable du projet de loi que je comparais devant vous. Je parle au nom de la Commission du droit d'auteur, à qui le projet de loi confie un bon nombre de responsabilités visant à faire en sorte que le système tel que proposé fonctionne correctement et à la satisfaction tant des créateurs que des utilisateurs. Je comparais devant votre comité dans le but de répondre à vos questions. Je n'entends pas émettre d'opinions sur le mérite de tel ou tel nouveau droit ou de telle ou telle exception que comporte le projet de loi. Cela étant dit et avant de répondre à vos questions, je voudrais dire quelques mots au sujet de la gestion collective du droit d'auteur si importante dans ce projet de loi dans le but de mettre le tout dans un certain contexte.
Tout d'abord permettez-moi un bref rappel historique. Avant la phase I, la Loi traitait uniquement des sociétés de gestion du droit d'exécution public d'oeuvres musicales. Ces sociétés qui ont maintenant fusionné pour former la SOCAN doivent faire approuver régulièrement leur tarif par la Commission depuis quelque 60 ans.
Évidemment, d'autres sociétés de gestion existaient au Canada avant 1988, mais leur statut par rapport aux lois sur la concurrence était au mieux incertain. La décision a été prise durant la phase I de légitimer leurs opérations, et de façon générale, d'encourager leur croissance. Par la même occasion, on a voulu mettre à la disposition des utilisateurs un recours leur permettant de s'assurer que les redevances versées aux sociétés de gestion soit justes et équitables. C'était là l'un des objets de la nouvelle Commission du droit d'auteur, dont la compétence était étendue à toutes les sociétés de gestion opérant un système d'octroi de licence.
On continuait d'assujettir la SOCAN à l'ancien régime. Par contre, on décidait de traiter différemment les autres sociétés de gestion. La Commission interviendrait uniquement si la société et l'utilisateur, étant incapables d'en arriver à une entente sur les droits et modalités d'une licence, décidaient de référer l'affaire à la Commission pour règlement. Ce nouveau régime, qui s'apparente à l'arbitrage, favorise clairement la négociation et les ententes entre sociétés de gestion et utilisateurs. Le régime semble fonctionner de façon satisfaisante. Je fonde cette conclusion sur le fait qu'au cours des neuf années passées, les demandes dont la Commission a été saisies en vertu de ce régime se comptent sur les doigts de la main, et elles ont toutes été retirées suite à la conclusion d'ententes entre les intéressés.
La phase I mettait aussi sur pied un mécanisme permettant aux utilisateurs de s'adresser à la Commission pour obtenir une licence lorsque le titulaire du droit est introuvable. Ce régime de caractère exceptionnel confie à la Commission un rôle qui s'apparente à certains égards à celui d'une société de gestion dont les membres seraient les titulaires introuvables. Donc depuis le début, la Commission a mis à contribution les sociétés de gestion dans la gestion de ce programme. Nous les consultons non seulement pour établir le caractère suffisant des recherches effectuées pour retrouver le titulaire du droit mais aussi pour déterminer le prix de la licence. En contrepartie, nous exigeons que la redevance soit versée à la société qui gère des droits semblables.
En 1989, la Loi de mise en oeuvre de l'accord de libre échange modifiait à nouveau la Loi sur le droit d'auteur dans le but de mettre sur pied un régime de compensation pour la retransmission des signaux éloignés de radio et de télévision. En réponse à cette mesure, de nouvelles sociétés de gestion représentant les producteurs d'émission, les ligues de sport et les radiodiffuseurs ont été mises sur pied. Dans ce régime, la gestion collective est obligatoire.
Nous en arrivons au projet de loi C-32. Plusieurs organismes représentant les titulaires de droit ont critiqué la version originale du projet de loi, y voyant un recul par rapport à la phase I. Certes le projet de loi aurait pu contenir plus de mesures au soutien de la gestion collective, mais il serait erroné de dire aujourd'hui que le projet de loi tel qu'il se trouve devant vous n'est pas dans la foulée de la phase I.
Plus que jamais, la gestion collective est au centre de notre système de droit d'auteur. Si la phase I a légitimé la gestion collective et favorisé son expansion, le projet de loi C-32 en accroît la pertinence et l'importance, et par ricochet, le rôle de la Commission, à un niveau que plusieurs d'entre nous n'avons pas encore complètement saisi.
Les nouveaux droits et les exceptions qu'il contient ont dans plusieurs cas un impact direct ou indirect sur la gestion collective et ultimement sur la Commission. Arrêtons-nous à quelques-uns d'entre eux.
[Traduction]
Les principaux droits voisins qu'obtiennent les artistes-interprètes et les producteurs d'enregistrements sonores -- exécution publique et télécommunication -- sont de simples droits de rémunération qui doivent être exercés collectivement, conformément au régime de la SOCAN. Il en découle nécessairement qu'une ou plusieurs sociétés de gestion seront mises sur pied pour gérer ces nouveaux droits.
Le régime de la copie privée présuppose, lui aussi, l'existence d'une ou plusieurs sociétés de gestion représentant les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, les artistes-interprètes et les producteurs de disques. Il s'inspire du régime de la retransmission. La commission établira les redevances et les répartira entre les diverses sociétés de gestion, s'il devait y en avoir plus d'une.
Les sociétés de gestion existantes ou à venir auront aussi un rôle à jouer dans le régime des licences obligatoires relatives à l'enregistrement en direct, à des fins pédagogiques, des émissions d'actualité et d'autres émissions de télévision. Ici encore, le régime s'inspire de celui de la retransmission. Les sociétés de gestion intéressées seront appelées à déposer des projets de tarif.
Comme vous le savez, de nombreuses modifications ont été apportées au projet de loi par la Chambre des communes. Plusieurs d'entre elles concernent les sociétés de gestion.
Les diffuseurs ont enfin obtenu des exceptions permettant les «enregistrements éphémères» et les «transferts de format» qu'ils réclament depuis si longtemps. Ces exceptions ne s'appliquent toutefois pas si les diffuseurs sont en mesure d'obtenir une licence d'une société de gestion.
La non-application de certaines exceptions lorsqu'une copie matérielle de l'oeuvre était «accessible sur le marché» est étendue aux cas où une licence d'utilisation peut être obtenue d'une société de gestion. Cette nouvelle disposition vise les reproductions d'oeuvres par des enseignants pour les fins d'examen ou de contrôle et les reproductions d'oeuvres en vue de gérer et de conserver les collections permanentes des bibliothèques, musées et services d'archives.
On a aussi apporté des changements à l'exception portant sur l'utilisation de photocopieuses dans les locaux d'établissements d'enseignement, de bibliothèques, de musées ou de services d'archives; l'article 30.3 du projet de loi prévoit désormais que celle-ci s'applique uniquement si l'établissement détient une licence de la société de gestion pertinente.
Toutes ces mesures inciteront fort les titulaires de droits à se regrouper. On peut croire qu'ils le feront, bien que dans certains cas il puisse y avoir peu de motivations financières à le faire. Quoi qu'il en soit, s'ils décident d'exploiter ces marchés, la commission aura alors son rôle à jouer. À défaut d'entente sur les droits et modalités d'utilisation des oeuvres, elle pourra intervenir pour rétablir l'équilibre.
J'aimerais aussi dire un mot au sujet d'une réforme faisant partie du projet de loi C-32 qui n'a pas reçu, selon moi, l'attention qu'elle mérite et qui, tôt ou tard, pourrait modifier de fond en comble le fonctionnement des sociétés de gestion. Je fais référence au choix dont dispose maintenant les sociétés de gestion, par exemple l'UNEQ et CANCOPY, de demeurer assujetties au régime d'arbitrage ou de déposer auprès de la commission des tarifs modelés sur ceux de la SOCAN. Les sociétés de gestion qui sont confrontées, à cause du nombre élevé d'utilisateurs sur un marché, à des problèmes de perception similaires à ceux de la SOCAN pourront désormais obtenir de la commission un tarif opposable à tous les utilisateurs durant toute la période où il est en vigueur. En ce moment, ces sociétés de gestion sont tenues d'en arriver à une entente négociée avec chaque utilisateur et, en l'absence d'une entente, de demander à la commission de trancher. Cette procédure à la pièce est lourde et, parfois, coûteuse.
Les médias ont fait état récemment de certains recours collectifs intentés à Toronto et à Montréal par des pigistes pour l'utilisation de leurs écrits sur Internet et dans diverses bases de données électroniques. Je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il s'agissait-là d'un domaine où la formule tarifaire pourrait s'avérer utile. Quels que soient les titulaires de ces droits électroniques -- là n'est pas mon propos --, le projet de loi C-32 offre une autre façon d'exploiter ces marchés, c'est-à-dire le régime SOCAN.
Comme vous le savez peut-être, les auteurs, compositeurs et éditeurs d'oeuvres musicales ont déjà déposé auprès de la commission, par l'intermédiaire de leur société de gestion, c'est-à-dire de la SOCAN, un tarif pour l'utilisation de musique sur Internet (tarif 22). Si la commission réussit à adopter un tarif qui soit à la fois applicable et acceptable, cela pourrait inciter d'autres titulaires de droits, y compris dans le domaine de l'imprimé, à suivre l'exemple de la SOCAN.
Je ne voudrais pas vous donner l'impression que le projet de loi C-32 est parfait. Le projet de loi initial, déposé l'an dernier, contenait un certain nombre de dispositions, tant de fond que de forme, au sujet desquelles la commission a exprimé certaines réserves. La Chambre des communes a apporté plusieurs changements au projet, dont certains répondent dans une large mesure aux préoccupations que nous avons exprimées. Cela étant dit, on n'a pas tenu compte de toutes nos recommandations.
Comme vous le savez, il est prévu que la loi devra faire l'objet d'un examen quinquennal. Ce sera l'occasion, tant pour la commission que pour les autres intéressés, d'évaluer la situation et de demander que certaines dispositions soient revues.
Déjà, je puis vous mentionner des questions qui devraient se retrouver sur notre liste de suggestions. Entre autres, il faudrait préciser le statut juridique des ententes conclues entre les sociétés de gestion et les utilisateurs. Celles qui sont conclues par les sociétés assujetties au régime d'arbitrage ont préséance sur les tarifs de la commission; tel n'est pas le cas des sociétés assujetties au régime SOCAN, y compris les sociétés de gestion des droits voisins. Il ne semble pas y avoir de motifs valables de traiter ces dernières différemment.
Des mesures visant à assurer la transparence de la gestion collective seraient aussi bien accueillies. Elles comprendraient le dépôt des ententes auprès de la commission, dans le but d'assurer une certaine discipline du marché.
J'aimerais que l'on simplifie le régime visant l'enregistrement en direct d'émissions de télévision, de manière à permettre aux sociétés et aux établissements d'enseignement de procéder par voie d'entente plutôt que par voie tarifaire. De plus, il serait bon de modifier le régime des titulaires introuvables de manière à confier aux sociétés de gestion le pouvoir d'octroyer des licences. La commission interviendrait uniquement lorsqu'aucune société de gestion n'est en mesure de traiter la demande.
Il serait utile de réexaminer l'article 68.1 concernant le tarif spécial applicable aux stations de radio, pour l'utilisation d'enregistrements sonores.
Enfin, bien que ce point ne fasse pas partie de notre mémoire initial, on pourrait revoir certaines dispositions de la loi traitant de la responsabilité conjointe et solidaire afin de déterminer dans quelle mesure il faudrait en tenir compte dans l'établissement des tarifs.
Cela étant dit, si vous me demandiez si la commission est en mesure d'exécuter son mandat sous le régime du projet de loi-C-32 à l'étude, je vous répondrais sans hésiter par l'affirmative. J'ajouterais qu'il nous tarde d'assumer nos nouvelles responsabilités.
Voilà qui conclut mon exposé, madame la présidente. Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à expliquer le point de vue de la commission. Je serai heureux de répondre à vos questions, quelles qu'elles soient.
[Français]
La présidente: Merci de votre présentation. Avant de laisser la parole à mes collègues, j'aimerais vous poser une question. Quels sont les régimes tarifaires que gère présentement la Commission du droit d'auteur? En quoi les nouveaux régimes prévus dans le projet de loi C-32 diffèrent-ils des régimes actuels?
M. Hétu: J'ai énuméré, dans ma présentation, trois régimes. J'ai parlé du régime de la SOCAN, en vue de l'établissement des tarifs pour l'exécution publique pour la musique. J'ai parlé du régime de la retransmission pour les signaux éloignés, que retransmettent les câblodistributeurs. Je l'ai appelé le régime de la retransmission. Enfin, le troisième est le régime général d'arbitrage, qui s'applique à toutes les autres sociétés de gestion collective.
Les régimes SOCAN et retransmission fonctionnent essentiellement de la même façon; avec dépôt périodique de tarifs et examens par la Commission et certification de ses tarifs. En fait, il y a deux façons de saisir la Commission ou deux approches différentes, en vertu desquelles la Commission intervient.
Dans le régime général d'arbitrage, nous intervenons sur demande lorsque les parties ne s'entendent pas. Dans les deux autres régimes, il appartient aux sociétés de déposer les projets de tarifs et de les faire approuver, selon la procédure prévue à la loi. C'est le tarif qui fonde leur droit de collecter des redevances des usagers en cause.
Le projet de loi ne change pas fondamentalement cette approche. Le régime de rémunération prévu pour les interprètes et les compagnies de disques, de même que le régime de la copie privée vont fonctionner par voie de tarifs, comme dans le cas de la SOCAN et de la retransmission. Il en sera de même pour les enregistrements d'émissions de télévision à des fins d'enseignement, en marge des exceptions spéciales prévues aux articles 29.6 et 29.7.
Ce qui est nouveau, j'y ai fait référence dans ma présentation, c'est la faculté offerte aux sociétés -- jusqu'ici soumises au régime d'arbitrage -- d'opter pour un régime à la SOCAN avec dépôt de tarifs. Par conséquent, si elles le désirent, elles pourront procéder de cette façon plutôt que par le moyen d'ententes individuelles et ponctuelles avec les usagers. Si elles se prévalent de cette option, évidemment la charge de travail de la Commission va s'en trouver augmentée. Voilà, en gros, comment ces nouveaux régimes vont fonctionner.
Le sénateur Grimard: Monsieur Hétu, si je comprends bien, au début vous nous avez mis en garde à l'effet que vous ne vouliez pas vous prononcer sur le bien-fondé de certains amendements ou des articles de la loi; est-ce que je me trompe en disant que c'est un peu cela?
M. Hétu: Oui, effectivement.
Le sénateur Grimard: Pour mon information, je voudrais savoir qui nomme les membres de la Commission du droit d'auteur? Combien êtes-vous, pour combien de temps êtes-vous élus, et cetera?
M. Hétu: C'est le gouverneur en conseil qui nomme les membres. La Loi prévoit cinq membres au maximum. Actuellement, nous sommes trois membres. Les mandats sont de cinq ans, renouvelables une seule fois. Je suis à la Commission, personnellement depuis huit ans et demi, neuf ans bientôt; alors il me reste une année à faire.
Le sénateur Grimard: C'est renouvelable?
M. Hétu: Dans mon cas, ce n'est pas renouvelable, parce que c'est mon second terme.
Le sénateur Grimard: Monsieur Hétu, le projet de loi C-32 donne-t-il plus de pouvoir au gouverneur en conseil que ce qui existait auparavant? Je ne parle pas de l'ancienne loi, mais de la loi actuelle.
M. Hétu: Oui, effectivement. Le projet de loi C-32 a introduit, par la Loi sur le droit d'auteur, un pouvoir général, octroyé au gouverneur en conseil, au Cabinet, de donner à la Commission des instructions sur des orientations générales, pour à la fois, la fixation des tarifs et le prononcé des décisions de la Commission. Il s'agit d'un pouvoir général. À l'heure actuelle, le Cabinet a le pouvoir de donner des critères de ce genre à la Commission, mais uniquement dans le domaine de la retransmission.
Nous avons généralisé ce pouvoir dans tous les domaines qui relèvent de la juridiction de la Commission. Nous avions, lors de notre présentation à la Chambre des communes, fait des recommandations en vue de modifier légèrement cette disposition et nous avons, dans la plupart des cas, donner suite à notre critique, dans une large mesure. La nature des directives, par exemple, qui n'était pas précisée dans le texte initial du projet de loi C-32 est maintenant précisée. On y dit qu'il s'agit d'orientations générales et non pas de directives sur tout et n'importe quoi. Cela est préférable d'avoir une référence à des instructions d'orientations générales.
Nous avons aussi ajouté au paragraphe (a) de cet article, qui se référait à des directives sur la fixation des tarifs et à notre demande, on a fait le test de tarif juste et équitable. Par conséquent, cela a créé des balises à toute intervention du cabinet. Il était important de s'assurer que ces changements soient faits et cela a été fait. Par contre, le paragraphe (b) de cet article n'a pas été retranché; il concerne le prononcé des décisions de la Commission. Nous verrons à l'usage si des directives nous seront données là-dessus et si elles seront acceptables ou autrement indésirables.
Le sénateur Grimard: Peut-on aller en appel des décisions de la Commission du droit d'auteur? Si oui, quel est le processus à suivre?
M. Hétu: À l'heure actuelle, pour le régime de la retransmission, il y avait ce pouvoir de donner des instructions à la Commission. Il y avait également un pouvoir d'appel de la décision de la Commission au Cabinet. Lors de la première décision de la Commission, il y a eu une telle référence au cabinet, mais le Cabinet a refusé de modifier la décision.
Ce pouvoir de révision a été maintenu dans la Loi. Par contre, nous nous sommes attribués le droit de donner des directives avant le fait, plutôt que d'intervenir après. Cela est acceptable comme principe de contrôle ou de directives à des organismes administratifs comme le nôtre.
Pour ce qui est des appels comme tels, les seuls appels, on les appelle plutôt des requêtes en révision et elles sont présentées à la Cour fédérale, lorsque l'on juge que la Commission aurait pu excéder sa juridiction ou mal fait son travail. Cependant, ce ne sont pas des jugements de cour qui peuvent se substituer aux nôtres; on va nous renvoyer la chose éventuellement. Cela ne s'est jamais fait, bien que nos décisions aient été, à plusieurs reprises, ces dernières années, portées à la Cour fédérale, aucune d'entre elles n'a vraiment fait l'objet d'un renvoi à la Commission.
Le sénateur Grimard: À l'autre endroit, il a été question, pour les cassettes vierges, audio, que l'on établirait une taxe ou un montant qui pourrait être dans les environs de 35 sous par cassette. Il s'est vendu au Canada en 1996, à peu près 44 millions de cassettes. On nous a dit, que sur ce 44 millions, il y en avait probablement 39 millions qui auraient servi à reproduire des oeuvres musicales ou autres. Est-ce que c'est le devoir de votre commission d'établir ce coût additionnel? Sur quoi vous basez-vous? Allez-vous prendre en considération le fait qu'il y a des cassettes qui se vendent 1 $, 3 $, 5 $? Il y en a qui peuvent avoir une durée de une demi-heure, d'autres deux ou trois heures. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Forrestall: N'oubliez pas la taxe!
Le sénateur Grimard: Je n'ai pas parlé de «taxe».
Le sénateur Forrestall: Non. C'est moi qui l'ai fait.
[Français]
M. Hétu: Cette question de tarification, qui éventuellement sera faite par la Commission, autant pour les droits voisins que pour la copie privée, reste à être examinée par la Commission. Nous sommes un tribunal, nous sommes soumis à un certain processus au cours duquel les demandeurs, les sociétés de gestion font des propositions, au cours duquel également les futurs payeurs vont faire des contre-propositions. Le chiffre que vous avancez est un chiffre qui, selon ce qu'on en sait, représente simplement la moyenne des prix payés dans certaines juridictions à travers le monde. On a fait le calcul, divisé par le nombre de pays et cela donne 37 sous. Cela m'étonnerait que l'on procède de cette façon devant la Commission du droit d'auteur. C'est un chiffre, mais la Commission à ce stade de la proposition n'a aucune idée de ce que sera le prix final. Sans aucun doute, plusieurs arguments seront mis de l'avant, du genre de ceux que vous avez vous-même évoqués, pour soit justifier les taux différents selon la durée de la cassette, soit des taux différents selon le prix de la cassette. Il y aura une foule de propositions, j'en suis sûr, et il faudra examiner leur mérite respectif.
Le sénateur Grimard: Je veux faire une correction. Je n'ai pas évoqué le chiffre moi-même. Ce chiffre a été mentionné à l'autre endroit, lorsque le projet de loi a été étudié par le comité. Alors, le chiffre de 37 sous ne vient pas de moi.
M. Hétu: Je comprends.
Le sénateur Grimard: Je tenais à établir les faits. Vous parlez de quelque chose d'important, vous avez mentionné le coût additionnel des droits voisins. Nous savons qu'actuellement, seulement les auteurs de la musique et les paroliers bénéficient de droits. Avec les droits voisins, on veut ajouter les artistes-interprètes, les musiciens, les producteurs et le reste. Actuellement, corrigez-moi si me trompe, on m'a dit que pour couvrir les droits actuels, cela pourrait représenter peut-être 3 p. 100. D'après vous, comment cela coûtera-t-il additionnellement pour pouvoir donner ou accorder les droits voisins aux trois catégories? J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
M. Hétu: Mes commentaires vont ressembler étrangement à ceux que je viens de vous faire pour la copie privée. Que voulez-vous, il faut entendre l'affaire. Il faut donner aux parties l'occasion de présenter leurs propositions, leurs contre-propositions, d'apporter une preuve crédible de part et d'autre; permettre à la Commission d'examiner cette documentation et les témoignages d'experts qui seront présentés à la Commission et en bout de piste, on se prononcera sur ce qui sera jugé juste et équitable.
Vous savez que le régime de droit voisin a déjà des éléments prédéterminés dans le projet de loi, tel un tarif préférentiel ou spécial pour les stations qui ont moins de 1 250 000 $ de recettes. Ce même tarif s'applique au premier 1 250 000 $ des autres stations, des grandes stations.
Ce sont des éléments qui risquent d'avoir un impact, qui seront sûrement invoqués par les parties pour rechercher une conclusion particulière ou une autre; nous verrons.
Le sénateur Grimard: Nous savons que les radiodiffuseurs sont les plus impliqués dans cette nouvelle augmentation en ce qui concerne les droits voisins. Maintenant, pourriez-vous me dire la proportion, approximative bien entendu, que seraient obligés de payer les radiodiffuseurs et tous les autres qui utilisent les oeuvres, que ce soit les bars et les restaurants. J'aimerais connaître la proportion des radiodiffuseurs et tout le reste.
M. Hétu: Il s'agit pour moi d'une tâche impossible à remplir aujourd'hui. Vous savez que les droits voisins sont accordés, dans le projet de loi, sous la base des états membres de la Convention de Rome. Par conséquent, les répertoires, qui feront l'objet de tarification devant la Commission, vont varier selon le titre d'utilisation, tout simplement parce que si vous allez dans une discothèque, il est possible que les disques qu'on y joue, soient en grande partie et peut-être en majorité américains et ne se qualifient pas.
Le sénateur Grimard: Ils n'ont pas de droits à payer.
M. Hétu: Alors que l'<#0139>uvre musicale entraîne un paiement à l'heure actuelle. Elle relève du répertoire de la SOCAN. Vous prendriez un autre lieu public, un bar ou autre chose et cela peut être la même chose.
C'est pour cela que j'ai parlé de marchés où les sociétés n'auront pas nécessairement un intérêt financier à exploiter un tel marché. Nous n'avons pas un répertoire universel dans le cas des droits voisins, les États-Unis n'y sont pas. Cela réduit la valeur de ce répertoire. Dans le domaine des radiodiffuseurs, on sait qu'il y a des contenus canadiens, des contenus francophones et que certaines stations vont faire une consommation de disques admissibles en vertu du projet. Cela va sûrement augmenter la quantité de droits ou redevances qui vont en ressortir. Mais pour établir des proportions, cela est impossible.
[Traduction]
Le sénateur Forrestall: Revenons aux taxes. Cela ne m'embête pas d'en parler. Je ne confondais pas le mot avec une autre expression.
Si, par exemple, la taxe perçue sur une cassette de 3 $ est de 1 $, aurai-je à payer la TPS et la taxe provinciale sur ce 1 $ ou sur le prix initial de la cassette?
M. Hétu: Quand nous adopterons le système Paris, nous pourrons utiliser de nombreuses formules. Il s'agit de choisir la bonne selon l'application et de faire en sorte qu'il y ait un rapport avec la valeur du droit particulier.
Dans le cas à l'étude, les formules seraient nombreuses. Il pourrait s'agir d'un montant fixe perçu sur chaque cassette d'une certaine durée. On pourrait aussi adopter la formule du pourcentage du prix de gros. Les formules pourraient être diverses ou combinées. Le même tarif pourrait reposer sur diverses formules.
Tout dépendra des arguments invoqués par ceux qui souhaitent que ce soit un pourcentage du prix de vente. Ils soutiendront peut-être que leurs cassettes se vendent plus parce qu'elles sont de meilleure qualité et donc que la musique que vous entendrez aura un meilleur son, de sorte qu'il faudrait payer davantage. Il existe toutes sortes de variations sur ce thème.
Le sénateur Forrestall: C'est un thème. Nous apprécions tous à leur juste valeur les variations sur un thème. Au bout du comptoir, il y a une caisse. La taxe de 15 p. 100 que je paie s'appliquera à quoi?
Je puis concevoir que l'on n'ait pas réfléchi à cette question encore. Je n'essaie pas de susciter un débat sur ce qui est taxable. Je détesterais avoir à payer des taxes sur des redevances versées à quelqu'un pour le récompenser de ses efforts de production et de création. Si c'est ainsi que fonctionne notre régime fiscal, cela m'embêterait. Par contre, si l'on n'a pas réfléchi à la question, dites-le.
M. Hétu: Dans le cadre de pareils régimes, nous interviendrions avant que la cassette n'atteigne le marché.
Le sénateur Forrestall: Des millions de dollars sont en jeu. La question a de l'importance. La ministre n'a pas voulu ou ne pouvait pas répondre. De toute évidence, on n'y a pas encore réfléchi.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Hétu, j'ai beaucoup apprécié le bref historique que vous avez fait du projet de loi. En 1988-1989, j'étais enseignante dans une polyvalente du Nouveau-Brunswick et la question du droit d'auteur, la question de l'usage des photocopieuses était très pertinente et elle l'est encore aujourd'hui, même avec ce projet de loi.
Je vous réfère aux pages 7 et 8 de votre rapport, où vous mentionnez que vous avez fait des recommandations qui n'ont pas été retenues à la Chambre des communes et vous faites une liste de suggestions. Dans cette liste, je ne vois pas les propositions qui se rapportent à l'usage des photocopieuses. Il s'agit là d'une préoccupation pour les maisons d'enseignement, les archives, les musées; nous recevons beaucoup de ces commentaires. Croyez-vous que le projet de loi C-32 est suffisant et qu'il réponde à ces préoccupations?
M. Hétu: Je suis au courant des préoccupations présentées par les différents tenants, titulaires de droit d'une part, les usagers de l'autre. Dans le domaine de l'éducation, des archives, des musées et cetera; ce sont vraiment des questions de fond auxquelles le ministre avait à répondre. Je prends le projet de loi tel qu'il est et avec cela, on approuve des tarifs qui sont justes et équitables. À mon avis, le gouvernement a proposé aux deux Chambres un projet de loi. Il appartient au législateur d'établir cet équilibre recherché. L'équilibre prend toutes ces formes: les nouveaux droits d'un côté, les exceptions de l'autre; il y a la commission, des recours. Nous, nous sommes dans la section «recours», en quelque sorte. Cet équilibre législatif, c'est à vous à l'établir, ce n'est pas à moi.
La Commission intervient pour établir l'équilibre financier ou économique, des tarifs justes et équitables; c'est notre rôle et c'est à ce niveau que nous nous devons nous efforcer d'être le plus équitable possible. Les situations varient selon que vous êtes un enseignant ou une entreprise commerciale. Ce sont des considérations et des circonstances, qu'une commission comme la nôtre, qui est appelée à fixer des prix, va éventuellement prendre en compte, lorsqu'on se présente à elle pour obtenir des tarifs qui s'appliquent à des institutions d'enseignement ou des bibliothèques publiques, et cetera.
Je crois que c'est là que se fera l'ajustement final de ce que vous aurez mis dans la Loi en terme d'équilibre législatif.
Le sénateur Losier-Cool: En prenant le projet de loi tel qu'il est, sur la distribution électronique, comment le projet de loi fait-il face au défi électronique?
M. Hétu: J'ai fait allusion dans ma présentation à un tarif Internet. Je l'ai appelé tarif 22 de la SOCAN, déposé à la Commission il y a de cela un certain temps, sur lequel nous nous sommes pas prononcés. Il y a des travaux préliminaires et de nature juridique à faire d'abord, dans lesquels les partis sont impliqués. Ce tarif est basé sur la loi actuelle. Enfin la proposition de la SOCAN est basée sur la loi actuelle. Elle demande une compensation pour l'utilisation de la musique sur l'Internet.
La Commission va éventuellement se prononcer là-dessus. Cette décision pourra se retrouver peut-être en cour fédérale sur la question de savoir si vraiment ce tarif a une base légale ou suffisante.
Le projet de loi C-32 ouvre la voie maintenant à des tarifs semblables de la part des compagnies de disque.
Quand on pense à l'Internet, ce n'est pas uniquement pour les oeuvres musicales. À compter de l'adoption de ce projet de loi, les titulaires de droits sur les enregistrements sonores et les interprètes ont un droit à une rémunération pour la communication au public de leurs oeuvres, de leurs prestations et du disque par télécommunication. C'est la même base légale qu'invoque la SOCAN à l'heure actuelle au soutien de son tarif 22.
C'est le commentaire que je ferais au sujet des technologies nouvelles. Le commentaire qui a été exprimé par plusieurs à ce sujet, nous parlons de la phase III, vise -- je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter en détails -- ou fait en sorte que la prochaine loi s'adressera aux questions de distribution électronique et accordera aux titulaires de droit des droits exclusifs et non pas des droits à rémunération. Je pense que c'est autour de ce concept que se situe beaucoup la question de savoir si la distribution électronique est protégée à l'heure actuelle.
[Traduction]
Le sénateur Milne: Monsieur Hétu, la loi de 1988 confère à la Commission du droit d'auteur un certain rôle dans le cas des auteurs introuvables. De plus, aux termes du projet de loi à l'étude, ces droits seront confiés à des sociétés de gestion.
La diligence avec laquelle les bibliothèques et services d'archives seront tenus de retrouver les titulaires introuvables me préoccupe. Je commence à craindre que ces organes publics ne doivent faire beaucoup de frais pour se conformer à cette partie du projet de loi. J'entrevois déjà la possibilité d'une multitude d'auteurs introuvables. Par conséquent, limitons-nous au cas des bibliothèques. J'espère avoir tort et pouvoir me le faire confirmer. J'aimerais connaître la position de la Commission du droit d'auteur à cet égard.
M. Hétu: Actuellement, le régime des titulaires introuvables ne s'applique qu'aux oeuvres publiées. L'utilisateur incapable de retrouver le titulaire qui souhaite obtenir l'autorisation de reproduire, par exemple, une illustration de catalogue ou une oeuvre artistique, entre autres, ou d'insérer un passage de trois ou cinq minutes dans un film, peut demander à la commission de lui octroyer une licence à cet effet. Tout ce qu'exige la loi projetée, c'est que l'utilisateur prouve qu'il a déployé des efforts raisonnables en vue de retrouver le titulaire des droits.
Comme il n'y a personne pour s'opposer à la demande, pour décider s'il convient d'y acquiescer, nous communiquons avec les sociétés de gestion qui s'occupent de délivrer les licences au nom de leurs membres. Habituellement, le titulaire de droits d'auteur introuvable est membre éventuel d'une société de gestion. Par conséquent, nous demandons à une société de gestion, si la personne en fait partie, combien coûterait une licence analogue à celle qui est demandée à la Commission du droit d'auteur. Nous communiquons directement avec les sociétés de gestion et nous appliquons leurs propres taux. Les utilisateurs sont heureux d'obtenir la licence, qui leur confère le droit de faire ce qu'ils ne pourraient faire autrement. Ils sont disposés à payer ce que leur réclameraient autrement les sociétés de gestion.
Le sénateur Milne: Les sociétés de gestion sont probablement tout à fait disposées à accepter l'argent même si elles ignorent à qui il devrait aller.
M. Hétu: La loi prévoit que cet argent est tenu en réserve pendant cinq ans, au cas où l'on retrouverait le titulaire des droits. C'est ce que prévoit la loi. Comme nous recevons l'aide de ces sociétés, il est logique qu'elles participent à la décision d'émettre une licence et à la fixation du taux. Il semble aussi logique de leur confier l'argent, qu'elles gardent en réserve pour le membre introuvable, en retour des services qu'elles nous fournissent.
Le sénateur Milne: Je fais allusion particulièrement aux bibliothèques et aux services d'archives. Quel droit doivent-ils acquitter pour ce genre de chose? Je puis facilement concevoir que le prix devienne très rapidement prohibitif.
M. Hétu: Parlez-vous d'un passage particulier?
Le sénateur Milne: Je vous cite un passage de votre mémoire qui se trouve à la page 8:
[...] une modification au régime des titulaires introuvables, confiant aux sociétés de gestion le pouvoir d'émettre des licences; la commission interviendrait uniquement lorsqu'aucune société de gestion n'est en mesure de traiter de la demande [...]
Le processus pourrait facilement devenir encombrant et coûteux pour les bibliothèques et services d'archives. Le fait que des particuliers puissent demander à la commission l'autorisation d'utiliser tel ou tel passage ne me préoccupe pas. Par contre, le sort des bibliothèques et des services d'archives m'inquiète.
M. Hétu: Le régime actuel est en place depuis maintenant neuf ans. Nous n'avons jamais reçu de requête d'une bibliothèque en vue d'autoriser la reproduction d'un ouvrage ou quoi que ce soit de ce genre. Elles ne le font pas. Même si elles sont incapables de retrouver le titulaire des droits, elles ne présentent jamais de demande. Elles se fieraient à la loi en vigueur, non pas à la loi modifiée, au projet de loi C-32 ou que sais-je encore.
Plutôt que de faire nous-mêmes le travail habituellement accompli par la société de gestion, nous avons proposé que les requérants de licence s'adressent d'abord à la société de gestion. Si leur demande est rejetée, ils pourraient alors se tourner vers nous.
Le sénateur Milne: Est-ce ce qui découle, selon vous, du projet de loi C-32?
M. Hétu: Non. Pas du tout. La commission conserve son pouvoir et elle continuera d'octroyer les licences. Rien ne sera changé. Cependant, nous disons que nous pourrions réclamer cette modification, lors de la prochaine étape de réforme. Ce ne sera pas moi qui en ferai la demande, mais la prochaine fois nous tenterons probablement encore de convaincre le Parlement de modifier le régime en ce sens.
Le sénateur Milne: J'espère qu'on ne reviendra pas là-dessus.
Comment définissez-vous les «efforts raisonnables» en vue de retrouver le titulaire des droits? Que signifie pour vous le mot «raisonnables»? Il faut bien qu'il y ait des lignes directrices quelque part!
M. Hétu: Nous avons effectivement des lignes directrices s'appliquant aux demandes qui nous sont présentées, selon le genre d'oeuvres dont il s'agit. Par exemple, dans le cas d'une oeuvre littéraire, nous demandons au requérant de communiquer avec l'éditeur, s'il y a moyen. Bien souvent, on est incapable de retrouver l'éditeur. La publication date peut-être de 30, de 40 ou de 50 ans, et il a été impossible de retrouver l'éditeur après avoir fait des recherches raisonnables. À nouveau, je répète que tout dépend de l'utilisation que l'on veut en faire. Si l'on veut reproduire une oeuvre pour des élèves -- le genre d'utilisation que nous approuvons --, on ne demande pas au requérant de se lancer dans des recherches complexes, bien qu'on puisse l'exiger du producteur qui souhaite exploiter commercialement une partie de l'oeuvre dans son film. Tout dépend des circonstances. À ce jour, nous n'avons jamais eu de demande qui ait posé ce genre de problème.
Au contraire, les gens nous demandent de les rassurer, de leur dire qu'ils peuvent utiliser l'oeuvre. Avant 1988, ils pouvaient le faire sans autorisation. Ils obtiennent au moins, maintenant, l'autorisation de la commission, ce qui les dégage de toute responsabilité si le titulaire des droits venait à les accuser d'avoir utilisé son oeuvre sans autorisation. Ils peuvent rétorquer qu'ils en ont au contraire reçu l'autorisation de la commission.
Le sénateur Milne: Comme pareille situation ne s'est jamais vue, il n'existe pas de législation qui définisse l'expression «efforts raisonnables»?
M. Hétu: Effectivement.
Le sénateur Johnson: La loi à l'étude fera l'objet d'un examen dans cinq ans. Vous avez mentionné une partie de ma question, mais nous n'avons pas obtenu de réponse. Le projet de loi actuellement à l'étude ne précise pas comment le gouvernement fédéral peut réglementer la libre circulation de l'information sur Internet, la protection du courrier électronique et d'autres questions concernant la technologie actuelle et future et les réseaux de transmission. Ces questions sont censées se régler à la phase trois.
J'ai posé à la ministre des questions sur la phase trois cet après-midi, particulièrement en ce qui a trait à la copie d'oeuvres d'auteurs. Je souhaitais savoir si cette question sera réglée dans la prochaine phase. Si nous mettons dix autres années à réformer notre loi sur le droit d'auteur, ce ne seront pas que les auteurs qui seront touchés.
Pouvez-vous nous dire s'il existe un moyen de passer rapidement à la prochaine étape, si le projet de loi est adopté la semaine prochaine, et quel rôle reviendra à votre commission en ce qui concerne la phase trois? La technologie évolue extrêmement rapidement. La législation à l'étude n'en parle même pas. Le Canada accuse du retard. Comment pourrons-nous rattraper ce retard s'il faut attendre cinq ans? Que fera votre commission en tant qu'organisme gouvernemental?
M. Hétu: Je commencerai par répondre à votre dernier point. La commission réagit aux propositions qui lui sont faites par des organismes collectifs. La responsabilité de la commission est limitée. Nous n'intervenons que lorsque les titulaires de droits se regroupent et administrent leurs droits collectivement. L'existence de pareilles sociétés de gestion au Canada est notre raison d'être. Par conséquent, quand une société de gestion administre certains droits sur l'inforoute, elle est susceptible de relever de la compétence de la commission.
Je vous ai décrit il y a quelques instants la situation d'une société de gestion qui nous demande d'approuver un tarif pour l'utilisation de la musique. Toutefois, il pourrait s'agir de l'utilisation d'une autre oeuvre sur Internet ou sur l'inforoute. Cette société de gestion s'adressera à nous, et le tarif sera publié dans la Gazette du Canada. Les utilisateurs susceptibles d'être touchés par le tarif nous feront connaître leur opposition au tarif ou au fait qu'il s'applique à eux. Ils nous demanderont de les soustraire au tarif ou de les assujettir à un montant inférieur.
Il existe donc un processus, et c'est là que nous entrons en jeu. Nous ne décidons pas s'il faut modifier la loi ou pas. Nous appliquons la loi telle qu'elle est. Aux termes de la loi actuelle, en l'absence du projet de loi C-32, nous sommes saisis d'une proposition visant à fixer un tarif pour l'utilisation de la musique sur l'inforoute. Quand nous annoncerons notre décision, vous saurez si la loi protège actuellement ou non ce genre d'activité.
Quant à savoir ai la protection qu'elle offre est suffisante et convenable, c'est une autre paire de manches. La phase trois de la réforme sera extrêmement importante si nous voulons protéger ce qu'il faut protéger sur l'inforoute.
Quand vous avez dit que notre loi était désuète à cet égard, faisiez-vous une affirmation catégorique?
Le sénateur Johnson: La loi semble lente à s'adapter au nouveau millénaire.
M. Hétu: Le gouvernement, notamment le ministère de l'Industrie, a rendu public des rapports récemment au sujet des phases de réforme de la loi.
Le sénateur Johnson: Votre commission sert en réalité de voie d'acheminement. Êtes-vous en train de dire que vous réagissez à ce qui vous y est soumis?
M. Hétu: Nous avons la compétence voulue et nous l'exerçons. Nous ne jouons pas un rôle proactif.
Le sénateur Johnson: C'est le gouvernement qui joue ce rôle. La ministre ne pouvait pas nous dire, cet après-midi, quand débuterait la phase trois. Je pose donc encore une fois la question. Il faudrait peut-être que la ministre comparaisse devant nous. Elle a peut-être plus d'information à ce sujet. Je ne semble pas pouvoir obtenir de réponse.
[Français]
Le sénateur Grimard: Avec votre permission, madame la présidente, à moins que je ne me trompe, nous allons revenir sur les redevances -- n'appelons pas cela la taxe sur les cassettes -- que vous allez établir. Selon le projet de loi, cette redevance sera-t-elle imposée aux détaillants ou si elle peut être imposée aux fabricants de la cassette?
M. Hétu: Selon les termes mêmes du projet de loi, ce sont les importateurs ou les fabricants qui sont assujettis au paiement de cette redevance. Ce ne sera pas le détaillant qui devra faire des paiements de cette nature.
Le sénateur Grimard: Je suis très heureux de votre réponse, parce que j'ai reçu la visite de quelques représentants de fabricants de cassettes qui s'objectaient à cette redevance en prétendant qu'elle devrait être demandée aux fabricants plutôt qu'à la vente au détail.
M. Hétu: Ce n'est pas ma compréhension du projet de loi. Le projet de loi indique très clairement que la redevance est payable par quiconque fabrique au Canada ou y importe des supports audio vierges à des fins commerciales. Cette personne est tenue de payer à l'organisme de perception une redevance sur la vente ou toute autre sorte d'aliénation de ces supports au Canada; c'est bien cette personne qui est visée par le projet de loi.
Le sénateur Grimard: Je comprends que vous êtes obligé de suivre la loi. D'un autre côté, si nous regardons le fait que c'est le fabricant qui doit payer cette redevance, n'avez-vous pas peur qu'il y ait des cassettes qui soient vendues -- pour employer l'expression -- sur le marché noir ou sur le marché gris, pour éviter cette redevance? Lorsque vous établirez le taux de la redevance, allez-vous prendre en considération tous ces facteurs?
M. Hétu: Ces considérations, j'en suis sûr, ont dû être évaluées par les ministères lorsqu'ils ont décidé de procéder de cette façon. En choisissant les payeurs de la redevance, les importateurs et les fabricants, on limite considérablement les coûts administratifs du régime. Je ne sais pas combien il y a de producteurs de cassettes au Canada ni d'importateurs de cassettes, mais il n'y en a sûrement pas des milliers. Si vous placez cette redevance sur la tête des détaillants, vous vous retrouvez avec un régime drôlement difficile à gérer et très coûteux à gérer.
Je présume, bien que je n'aie pas eu l'occasion de leur en parler, que cela était sûrement présent dans l'esprit de ceux qui ont conçu ce régime.
Maintenant la Commission fixera le prix des cassettes vendues par ces gens-là, les importateurs et les manufacturiers et les fabricants. Nous ne serons pas là afin de nous assurer qu'il n'y a pas de marché noir, et ce n'est pas notre responsabilité.
Le sénateur Grimard: Je vous remercie, Madame la présidente.
Le sénateur Maheu: Monsieur Hétu, j'ai cru entendre deux réponses différentes. Le sénateur Forestall posait une question concernant l'argent qui serait récupéré, et le sénateur Grimard parlait de redevances et non pas d'une taxe. Parlons-nous de la même chose? Parlons-nous du même montant ou s'agit-il de deux parties d'une monnaie différente?
M. Hétu: En anglais, le projet de loi parle de «levy» et en français, de «redevances». Le mot redevance se retrouve également ailleurs, dans le projet de loi sur les droits d'auteurs. Les paiements qui sont faits, en français, nous appelons cela des «redevances». Nous avons utilisé le même mot pour la copie privée à domicile, la «redevancex payable pour compenser les auteurs et cetera. En anglais, nous utilisons l'expression «levy»; je ne sais pas pourquoi, au lieu de «royalty».
Le sénateur Maheu: Le 37 cents sur les cassettes, s'agit-il d'un prélèvement ou d'une redevance pour votre Commission?
M. Hétu: Ce n'est pas une taxe, c'est une redevance.
Le sénateur Maheu: C'est impossible que nous commencions à un moment donné à appeler cela une taxe?
M. Hétu: Non, ce n'est pas une taxe, bien non.
Le sénateur Maheu: Une redevance que nous payons, qui ne va pas dans les coffres du gouvernement?
M. Hétu: Les taxes sont fixées par le Parlement. Nous fixons des redevances.
[Traduction]
Le sénateur Forrestall: Je faisais allusion à la TPS ou à une taxe de vente pondérée. S'il ne s'agit pas d'une redevance ou d'une taxe et que, par conséquent, le montant fait partie de la valeur intrinsèque du produit, la taxe s'y applique.
Je vais vous dire ce qui me préoccupe. Si nous voulons rémunérer les créateurs canadiens et qu'à cette fin, nous prélevons un montant sur chaque cassette, par exemple, trouvons un moyen qui n'exige pas du distributeur, de l'importateur ou du détaillant, qu'il s'agisse de vente en gros ou de vente commerciale, qu'il inclut dans la valeur du produit le montant de la redevance qu'aura fixée votre commission après avoir consulté les diverses sociétés.
Le sénateur Maheu: Parlez-vous ici d'argent qui sera versé au gouvernement ou à la société qui verse des redevances aux artistes ou aux auteurs? Si vous voulez mon avis, il s'agit alors d'une taxe ou d'une redevance.
Le sénateur Forrestall: Je suis incapable de répondre à cette question, sénateur.
Si je me fie aux changements apportés récemment à la TPS, elle s'appliquerait par exemple à des cassettes vierges.
M. Hétu: Le fabricant ou l'importateur, sous ce régime, devra absorber le coût supplémentaire -- soit le paiement des droits d'auteur ajouté au produit qu'il vend à un détaillant. De toute évidence, la redevance se répercutera sur le prix qu'il exigera des détaillants.
Par conséquent, si la TPS s'applique aujourd'hui au prix, elle s'appliquera demain au nouveau prix, parce que le prix changera. Ce n'est pas mon domaine. Celui qui paie la redevance modifiera son comportement en conséquence. C'est un coût supplémentaire qui se reflétera ailleurs.
Le sénateur Forrestall: Il cherchera à récupérer son argent. Quelle assurance avons-nous que ce montant ne sera pas déduit des redevances versées à nos amis les musiciens? Le projet de loi n'en donne pas; la question n'est pas traitée. Ce n'est pas clair.
M. Hétu: C'est la Loi sur le droit d'auteur qui est à l'étude, sénateur, non pas la Loi sur la taxe d'accise.
Le sénateur Forrestall: S'il faut qu'une loi soit claire, c'est bien la Loi sur le droit d'auteur! J'étais opposé à l'idée de reprendre dans une loi canadienne des expressions qui me préoccupaient.
Si la cassette ne coûte qu'un dollar et que la redevance est également d'un dollar, il faudra alors payer la TPS sur deux dollars. Dans quelle poche ira-t-on la chercher?
S'il existe une réponse quelque part, monsieur Hétu, vous pourriez peut-être demander à votre conseiller juridique d'envoyer une note à ce sujet à notre greffier.
La présidente: Nous entendrons les témoins du ministère, la dernière journée de nos audiences, soit le 21 avril.
Le sénateur Forrestall: Cela ne me satisfait pas. C'est un peu comme si le greffier m'envoyait un avis alors que je suis déjà de retour à la maison.
La présidente: Si M. Hétu veut bien nous fournir le renseignement avant cette date, nous vous le transmettrons avec plaisir, sénateur.
Le sénateur Maheu: Monsieur Hétu, j'aimerais revenir à la question des titulaires de droits d'auteur introuvables. Existe-t-il une loi qui définit l'expression «efforts raisonnables»?
M. Hétu: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Je suis désolé.
Le sénateur Maheu: Le projet de loi précise qu'il faut faire des «efforts raisonnables» pour retrouver l'auteur ou le titulaire authentique. D'après ce que vous avez dit, je ne crois pas qu'il existe un texte de loi qui traite de cette question. Votre commission a-t-elle déjà été saisie de cas où les titulaires des droits étaient introuvables.
M. Hétu: Oui.
Le sénateur Maheu: Je croyais vous avoir entendu dire que vous n'en aviez jamais eu.
M. Hétu: J'ai mentionné que nous n'avons jamais été saisis d'un cas où une bibliothèque nous demandait de lui octroyer une licence d'utilisation parce qu'elle ne pouvait pas retrouver le titulaire des droits. Les demandes typiques nous viennent plutôt d'enseignants qui souhaitent reproduire certains passages de poèmes ou de dessins, par exemple, pour les distribuer à leurs élèves et qui sont incapables de retrouver l'auteur de l'oeuvre. La valeur économique de la copie n'est pas significative. Cependant, l'enseignant veut l'autorisation, qui ne peut être obtenue parce que le titulaire du droit est introuvable. Il faudrait débourser une fortune pour retrouver la personne. La loi prévoit un recours grâce auquel l'utilisateur peut alors demander à la commission l'autorisation. Il n'enfreint pas alors la Loi sur le droit d'auteur.
Le sénateur Maheu: Il faut bien qu'il y ait une définition du mot «raisonnables» quelque part.
M. Hétu: Oui. À nouveau, je précise qu'elle varie selon l'utilisation. Je peux vous laisser une description du régime qui s'applique au titulaire de droits d'auteur introuvable. Nous y précisons ce que doivent vérifier d'abord ceux qui souhaitent nous présenter une demande, en termes d'oeuvre et d'utilisation projetée. Nous lui demandons: l'oeuvre a-t-elle été publiée? Avez-vous l'intention de l'utiliser à l'extérieur du Canada? Les intérêts du titulaire des droits selon l'utilisation projetée sont-ils administrés par une société de gestion? Avez-vous fait tout ce que vous pouviez faire pour retrouver le titulaire des droits? Nous lui demandons ensuite de nous décrire les efforts déployés. Après examen de la demande, nous nous prononçons.
[Français]
La présidente: Si vous pouviez nous en laisser une copie, nous en ferons faire des photocopies pour les sénateurs. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Nous vous remercions beaucoup. Si d'autres questions nous venaient à l'esprit, on pourrait vous retrouver.
La séance est levée.