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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 16 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit, aujourd'hui, à 18 h 09, pour étudier le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre si longtemps. Ce sont les devoirs parlementaires. Nous avons devant nous l'Association littéraire et artistique canadienne, représentée par Mme Claudette Fortier, le Canadian Copyright Institute, représenté par monsieur Ron Thomson et la Conférence canadienne des arts, représentée par Mme Mireille Gagné et monsieur Keith Kelly.

Vous avez une heure et trente pour vous exprimer et j'imagine que vous avez dû faire une entente entre vous pour le temps alloué à chaque groupe. Ensuite, les sénateurs pourront vous questionner. La parole est à vous.

Madame Claudette Fortier, représentante de l'Association littéraire et artistique canadienne: La section canadienne de l'Association littéraire et artistique internationale, j'aimerais quand même faire une correction, compte parmi ses membres des représentants des associations professionnelles de créateurs et d'artistes de toutes les disciplines, ainsi que les juristes oeuvrant dans le domaine du droit d'auteur.

Notre position a toujours été que les droits des créateurs devaient être généreusement reconnus et ce, à titre premier, et ces droits ne devaient pas connaître, sinon le moins possible, d'exceptions.

L'exercice des droits d'auteurs et des droits dits voisins du droit d'auteur, à savoir ceux des artistes interprètes et des producteurs, tant sonores qu'audiovisuels, car le secteur de l'audiovisuel aurait dû être couvert dès maintenant par le projet de loi C-32, doit relever de la libre négociation des parties et ne pas être assujetti à des exceptions et à des limitations.

Dans son mémoire présenté au comité permanent du Patrimoine, l'ALAI a fortement déploré cette avenue prise par le projet initial tout en reconnaissant, aujourd'hui, les améliorations apportées en cours de route par la Chambre des communes. Il y a place à bonification, nous en convenons, mais afin de ne pas pénaliser davantage les titulaires des droits et des redevances qui auraient dû leur être conférés ou, selon le cas, versés depuis longtemps, nous ne voulons pas retarder l'adoption et l'entrée en vigueur du projet de loi C-32.

Nous souhaitons son adoption sans aucune modification. L'usage démontrera, comme cela a été souvent le cas auparavant, que la négociation volontaire et l'octroi de licence volontaire, est de loin préférable à quelque carcan législatif ou réglementaire qui occasionne plus de problèmes qu'il n'en résout. Toute exception ou limitation fera, à coup sûr, l'objet des diverses interprétations ou différends qui desserviront tant les créateurs, les artistes et les producteurs que les utilisateurs mêmes d'oeuvres ou de choses protégées par un droit d'auteur. madame la Présidente, je tiens à vous remercier et je dois préciser que je suis la nouvelle présidente de l'ALAI Canada et que, normalement, Me Ghislain Roussel aurait dû être celui qui aurait fait la présentation au nom de l'ALAI, mais il est retenu à Québec. Vous auriez alors eu un juriste beaucoup plus prestigieux que moi.

La présidente: Il ne faut jamais se minimiser. Je vous offre mes félicitations pour votre nomination. Monsieur Thomson.

[Traduction]

M. Ron B. Thomson, président, Canadian Copyright Institute: Madame la présidente, le Canadian Copyright Institute est un groupe qui travaille à sensibiliser et à éduquer les Canadiens et les Canadiennes dans le domaine du droit d'auteur et de la recherche relative au droit d'auteur. Il est composé d'un grand nombre d'organisations, soit une ou deux douzaines d'organisations nationales, représentant surtout les créateurs, les producteurs et les distributeurs de matériel imprimé, mais nous accueillons également des gens provenant d'associations pédagogiques intéressées aux médias. Il y a aussi parmi nos membres des chercheurs particuliers, des Canadiens et des Canadiennes qui s'intéressent aux questions du droit d'auteur et qui suivent nos activités et participent à nos programmes d'encouragement des initiatives en matière de droit d'auteur.

Madame la présidente, mon propos ce soir portera sur quatre choses. Premièrement, je voudrais vous demander d'adopter le projet de loi sans amendements. La situation politique est telle que cette façon de procéder constitue le seul moyen de faire adopter le projet de loi. Celui-ci est en préparation depuis huit ans. J'ai déjà participé avec d'autres collègues à l'examen d'une série d'amendements éventuels qui ont abouti à rien.

Il ne faut pas oublier non plus que certaines des dispositions que vous étudiez sont là depuis 70 ans. Un grand nombre des modifications que prévoit ce projet de loi sont attendues depuis trop longtemps déjà. Il faut à tout prix que ce projet de loi soit adopté, car autrement les problèmes ne tarderont pas à empirer.

Deuxièmement, nous savons qu'il y a de nombreux groupes qui préconisent des amendements, même à cette date tardive. Une dizaine de grands sujets sont abordés dans ce projet de loi, et pour chacun d'entre eux, il y a à peu près trois ou quatre camps qui veulent faire valoir leurs idées. C'est ainsi que vous faites face à une multitude de groupes défendant toute une gamme de points de vue et de propositions.

Cependant, dans bon nombre des domaines que je connais bien, je constate que les groupes qui s'opposent prétendent que certaines dispositions favorisent l'autre camp. Les utilisateurs disent qu'une disposition particulière favorise le titulaire du droit d'auteur. Et ce dernier maintient que la même disposition accorde un avantage indu aux utilisateurs.

Je dirais que dans bon nombre de ces questions, il faut parvenir à un compromis politique que bien des gens à l'extérieur du Parlement n'ont pas l'habitude de faire. Pour eux, donc, il n'y a pas de milieu, c'est tout ou rien. Toutefois, à notre avis, il s'agit d'un ensemble de compromis raisonnables dans ce domaine très difficile de la réforme du droit d'auteur.

Troisièmement, bon nombre des critiques formulées à l'endroit du projet de loi sont fondées sur des scénarios hypothétiques qui, bien souvent, sont poussés trop loin. À ce sujet, il faut garder deux choses à l'esprit. Premièrement, il se peut que les scénarios hypothétiques ne se matérialisent jamais. Deuxièmement, outre les contraintes juridiques qui accompagnent l'exercice du droit d'auteur au Canada, il y a des contraintes économiques, réglementaires et administratives. Toutes les situations indésirables qui, des points de vue juridique et hypothétique, pourraient survenir dans le contexte de ce projet de loi sont, je dirais, souvent impossibles dans le vrai monde. Les gens qui pourraient sembler tirer un avantage législatif quelconque de ce projet de loi n'exploiteraient pas cet avantage à des fins purement administratives et économiques; cela n'en vaudrait pas la peine pour eux.

Dans le cas de bon nombre des nouveaux éléments de ce projet de loi, il faut attendre pour voir s'ils donneront les résultats voulus et non pas les rejeter tout de suite du revers de la main. Au Canadian Copyright Institute, nous nous réjouissons certainement de la disposition figurant à la fin du projet de loi qui prévoit le dépôt d'un rapport après une période de cinq ans dans lequel le fonctionnement du projet de loi sera passé en revue et qui donnera au Parlement l'occasion d'examiner à nouveau cette mesure.

À notre avis, au cours des prochaines années, nous allons acquérir beaucoup d'expérience au fur et à mesure que nous rodons les détails administratifs des réformes contenues dans le projet de loi C-32. Une fois cela fait, il pourrait convenir de réviser certaines de ces dispositions. Toutefois, il ne sert à rien à mon avis de vouloir prévoir toutes les ramifications dès maintenant, vu surtout la grande diversité des scénarios.

Nous vous prions instamment de tenir compte de ces faits dans votre examen des critiques formulées à l'endroit de ce projet de loi. Il s'agit en grande partie d'une mesure qu'il faudra roder sur le terrain. L'occasion se présentera dans cinq ans -- et ce pourrait même être dans deux ou trois ans -- d'apporter des modifications de forme pour corriger des passages de la loi qui vont à l'encontre des politiques que le gouvernement du Canada cherche à appliquer. Voilà une autre raison d'adopter le projet de loi dès maintenant, car ainsi on pourra voir ce qu'il donnera.

Enfin, la dernière chose que je veux faire comprendre se rapporte au premier point, en ce sens qu'il a fallu au moins huit ans pour rédiger ces modifications et, dans certains cas, 70 ans. Il s'agit de ce que l'on appelle les modifications de la phase II.

Nous qui nous occupons du droit d'auteur savons que se pointe déjà à l'horizon ce que nous appelons les modifications de la phase III, qui portent sur les aspects numériques et électroniques du droit d'auteur, pour lesquels il sera encore plus difficile de trouver des règles pratiques tenant compte des intérêts aussi bien des utilisateurs que des créateurs du matériel protégé par le droit d'auteur. À notre avis, le moment est venu de clore tout le dossier de la phase II.

J'ai passé une grande partie de ma vie à m'occuper de ces questions. Je ne tiens pas à les revivre pendant huit ans encore. Nous devons dans notre pays passer aux nouveaux dossiers pressants dans les domaines des bases de données, des droits électroniques, des droits numériques et de l'autoroute de l'information. Pour cette raison, nous demandons que ce projet de loi soit adopté sous sa forme actuelle pour qu'il puisse recevoir la sanction royale et pour que nous puissions passer à autre chose et nous occuper d'autres dossiers, et si cette mesure ne donne pas les résultats voulus pour des raisons de forme, nous aurons l'occasion plus tard de rectifier le tir.

Nous vous prions instamment, vous les membres du comité, de faire rapport du projet de loi sous sa forme actuelle. Nous espérons que vous l'accueillerez favorablement en troisième lecture au Sénat pour qu'il puisse être adopté le plus tôt possible.

Mme Mireille Gagné, présidente, Conférence canadienne des arts: Au nom de la Conférence canadienne des arts, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, de cette occasion qui nous est donnée de participer à votre étude du projet de loi C-32. La CCA est le plus ancien et le plus important des organismes de défense des arts au Canada et est composée d'organismes et de particuliers qui représentent les intérêts de plus de 250 000 artistes, créateurs et travailleurs culturels dans toutes les disciplines et tous les secteurs culturels.

[Français]

La réforme du droit d'auteur a été un élément constant dans les représentations de la CCA auprès du gouvernement, depuis les 52 années de notre existence. Pour la CCA, la Loi sur le droit d'auteur doit défendre et protéger les droits économiques et moraux des créateurs et des titulaires de droits d'auteurs, et ce point de vue a toujours été mis de l'avant lors des neuf dernières années qui se sont écoulées depuis le passage de la phase I de la réforme.

La réforme du droit d'auteur est essentielle pour la survie et la croissance de la communauté créatrice des arts et des industries culturelles.

[Traduction]

Les intérêts des créateurs et des titulaires du droit d'auteur devraient primer dans les concessions mutuelles que les décideurs doivent faire pour régler cette importante question. Il doit en être ainsi selon moi parce que les oeuvres des créateurs, à l'instar des êtres humains eux-mêmes, sont le produit d'un processus coûteux et difficile de gestation et de travail. Chaque oeuvre artistique réussie est le fruit de toute l'imagination et de tout l'effort que son auteur y a consentis, et on a souvent tendance à oublier ce fait dans la controverse actuelle entourant la révision de la Loi sur le droit d'auteur du Canada.

Au cours de l'examen parlementaire actuel du projet de loi C-32, les communautés d'intérêts qui comptent sur les oeuvres des créateurs pour leur commerce se sont élevées vivement contre la possibilité que ces modifications législatives fassent augmenter les sommes qu'elles doivent verser aux créateurs pour l'utilisation de leurs oeuvres. Elles ne cessent d'implorer les parlementaires de les soustraire à un grand nombre de ces paiements à cause du milieu financier restrictif au sein duquel elles évoluent à l'heure actuelle.

[Français]

Si les radiodiffuseurs doivent payer des droits plus élevés aux créateurs, ils ont accès à une grande variété d'options pour les aider à rencontrer ces exigences. Ils peuvent augmenter les tarifs de publicité, diminuer les coûts d'opération, recourir au CRTC pour faire amender leur permis comme augmenter leurs tarifs des droits pour la retransmission de leurs programmes. Les universités, bibliothèques et autres institutions ont accès aussi à des solutions similaires.

[Traduction]

Pourtant, qu'en est-il de la liberté d'action des créateurs? Si les droits qu'accorde la Loi sur le droit d'auteur ne permettent pas de rémunérer les créateurs pour le temps et le talent qu'ils investissent dans leurs oeuvres, ces créateurs ne peuvent avoir recours à aucun autre mécanisme pour se faire compenser pour la perte de revenus. Dix ans de compressions budgétaires ont fait en sorte que les subventions des bâilleurs de fonds publics sont moins importantes qu'auparavant et sont énormément en demande parmi un groupe grandissant d'artistes et de créateurs. Ces personnes travaillent à leur compte et, à ce titre, elles n'ont pas droit aux prestations d'assurance-chômage et elles doivent bien souvent avoir recours à un emploi secondaire pour survivre, comme faire du taxi ou servir aux tables. Combien de recteurs d'université ou de directeurs de station de radio pourrions-nous retrouver dans une situation semblable?

Certains ont affirmé que le projet de loi C-32 présente des lacunes parce qu'il fait pencher injustement la balance des intérêts au profit du créateur et du titulaire du droit d'auteur. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'agit là d'un mythe qui est absolument sans fondement. Au cours des neuf ans de discussions et de consultations qui ont abouti au présent texte, les créateurs et les titulaires du droit d'auteur ont dû endurer, et ont accepté, des demandes les enjoignant de faire d'importants compromis en ce qui concerne leurs droits économiques. La période de mise en oeuvre graduelle des droits voisins, le tarif préférentiel permanent accordé aux radiodiffuseurs, l'exemption de la première tranche de 1,25 million de dollars des recettes de la publicité dont jouissent tous les radiodiffuseurs dans le calcul des droits voisins et l'introduction d'un nombre considérable d'exemptions ont sérieusement ébranlé les intérêts économiques des créateurs et des titulaires du droit d'auteur.

En fait, les écrivains professionnels sont d'avis que la loi est ainsi rédigée qu'il s'agit plus qu'un compromis de leurs intérêts, il s'agit d'une expropriation de leurs droits économiques. S'il vous plaît n'allez pas leur dire que cette mesure fait pencher la balance en faveur des intérêts des créateurs.

C'est ce qui a motivé la CCA à recommander au comité permanent du Patrimoine canadien l'adoption d'un amendement qui aurait limité les exceptions dans le projet de loi C-32 aux secteurs où il n'y a pas de société de gestion, jusqu'à ce qu'une telle société soit constituée.

Parallèlement, nous avons exhorté la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, d'obtenir l'aval de ses collègues du Cabinet pour un tel amendement. Elle a fait de son mieux, mais ces deux tentatives ont échoué.

[Français]

La CCA est toujours d'avis qu'un tel amendement améliorerait grandement le traitement des créateurs dans cette législation. Cela affirmerait le principe d'administration des droits collectifs comme pierre angulaire de la politique canadienne du droit d'auteur et donnerait aux créateurs et titulaires du droit d'auteur le droit non partagé de négocier les termes d'utilisation de leurs oeuvres sur le marché public et ce, sans interférence extérieure.

[Traduction]

Toutefois, aujourd'hui, la CCA prie le Sénat d'adopter le projet de loi C-32 sans amendements. Le moment est venu de mettre un terme à neuf ans de débat sur cette importante mesure législative.

Nous sommes vraisemblablement aux derniers jours de la présente législature avant que la population soit appelée aux urnes et il est évident que nous devons consolider les modestes gains pour les créateurs et les titulaires du droit d'auteur. En procédant ainsi, nous sommes parfaitement conscients des pertes que doivent subir les écrivains et d'autres créateurs, et nous regrettons profondément cette situation.

Le projet de loi C-32 comprend un article précisant qu'il doit obligatoirement y avoir un examen des dispositions de cette loi avant cinq ans. Si le Sénat adopte le projet de loi C-32 sans amendement, nous le prions instamment de demander au gouvernement d'entreprendre cet examen après deux ans. En procédant ainsi, nous pourrons, il faut l'espérer, essayer encore une fois de répondre aux préoccupations des écrivains et nous pourrons, de part et d'autre, travailler à aplanir les pépins que contient la législation. Nous regrettons les difficultés qu'une telle situation impose aux écrivains -- le fardeau supplémentaire qu'ils doivent supporter pendant la période précédant l'examen --, mais il faut à tout prix mettre un terme à ce processus marathon pour que nous puissions entamer la phase III des révisions de la Loi sur le droit d'auteur.

Le droit d'auteur est le seul instrument parmi l'arsenal des politiques fédérales qui autorise les créateurs à recevoir un paiement pour l'utilisation de leurs oeuvres dans le marché. Une politique responsable sur le droit d'auteur reconnaît que le travail, le talent et la formation consentis par les créateurs ajoutent une valeur artistique et économique intrinsèque à leurs oeuvres.

Lorsque le Sénat procédera à la troisième lecture du projet de loi C-32, il aura une occasion extraordinaire de faire reconnaître la valeur économique des oeuvres de l'esprit dans notre société. Les sénateurs devront veiller à ce que les intérêts des utilisateurs n'éclipsent pas le principe fondamental selon lequel les créateurs doivent être rémunérés pour l'utilisation de leurs oeuvres, car il s'agit là d'une mesure importante par laquelle on peut assurer la santé et la vigueur de la vie culturelle au Canada.

Le sénateur Roberge: Il est évident que tous les trois vous voulez que ce projet de loi soit adopté sans amendements, même si vous estimez qu'il contient des lacunes et qu'il pourrait être amélioré. Vous avez parlé de certaines modifications qui pourraient être apportées à un moment donné dans le cadre d'un examen futur. Mme Gagné est d'avis que la période précédant l'examen devrait être écourtée pour passer de cinq ans à deux ans.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Devrait-il s'agir de deux ans ou de trois ans, et pourquoi voulez-vous que ce soit ainsi?

[Français]

Mme Fortier: S'il y a une modification à la période, je voudrais que, dès demain matin, on commence à travailler la phase III et nous connaîtrons très rapidement les contraintes créées par les nouvelles provisions de la loi. Il y a des délais aux exceptions, après un certain nombre de jours, les usagers devront soit détruire, soit licencier les oeuvres qu'ils ont reproduites, donc nous saurons rapidement ce qui ne va pas.

Il faudra également travailler à la réglementation, aussi, parce que la loi prévoit une certaine réglementation d'affichage dans les écoles, dans les bibliothèques, et cetera. Est-ce qu'il faudra travailler à cette réglementation? Est-ce que cela devra être écrit en bleu ou en rouge? Il faudra le déterminer parce que la loi n'est pas précise, mais le gouverneur en conseil a toute latitude. Je ne crois pas qu'on doive amender quoi que ce soit dans la loi mais on devrait, le plus rapidement possible, tenter de voir les conséquences de la mise en application du projet de loi C-32.

[Traduction]

M. Thomson: Selon moi, il faut attendre pour voir comment tout cela fonctionnera en milieu réel. Comme on vient de le mentionner, plusieurs règlements devront être adoptés dans certains domaines, et je pense qu'on y travaille déjà. Il y aura certainement moyen de corriger certains de ces problèmes en modifiant ces règlements plutôt qu'en changeant la loi.

La Commission du droit d'auteur a beaucoup de pain sur la planche pour établir les tarifs dans plusieurs domaines et pour voir s'ils donneront les résultats voulus, pour établir les modalités de leur perception et pour en confirmer l'équité. Le temps passe vite et tout à coup nous aurons acquis deux ou trois ans d'expérience -- il faut un an ou deux pour démêler les détails techniques de l'administration de cette mesure -- qui nous permettront de voir qu'elles sont les incidences économiques et culturelles des diverses dispositions de la loi. D'une certaine manière, une période de cinq ans est peut-être trop longue, mais il se peut qu'une période de deux ans soit trop courte. La mesure actuelle prévoit une période de cinq ans, de sorte que le ministre pourrait commencer dans deux ans. Une fois que le rapport est déposé au Parlement, le comité parlementaire compétent dispose d'une autre année pour l'étudier. Je ne crois pas qu'il convient en ce moment de fixer un délai précis.

Le sénateur Roberge: Voyez-vous un problème particulier au paragraphe 66.9(1) où il est question d'accorder au Cabinet des pouvoirs sans précédent lui permettant d'établir la politique relative aux redevances à verser à un tribunal? Quelles sont vos observations là-dessus?

Le sénateur Johnson: Cette question concerne la SOCAN.

Le sénateur Roberge: J'aimerais savoir ce qu'il en pense.

M. Thomson: Lorsque ces droits de transition ont vu le jour il y a plusieurs années, une disposition semblable existait pour permettre au Cabinet d'établir les critères sur lesquels devait se fonder la Commission du droit d'auteur. J'ai eu l'impression à l'époque que les lignes directrices qu'ils établissaient étaient assez générales. Par exemple, il faut veiller à être équitable et à ne pas nuire aux petits groupes locaux et ainsi de suite. Je ne m'y oppose nullement. En un sens, il s'agit là de décisions politiques et il devrait appartenir à l'élément politique du gouvernement de prendre ces décisions. Il ne s'agit pas de décisions du tribunal. Je ne m'y oppose aucunement.

Je doute fort que le Cabinet tienne à entrer dans tous les petits détails de l'application de la Loi sur le droit d'auteur et je serais surpris que les règlements qu'il proposerait seraient à ce point détaillés. Dans toutes les discussions que j'ai eues à propos de ce projet de loi avec plusieurs groupes différents, personne n'a jamais montré ces aspects du doigt en disant qu'il s'agissait là d'un problème.

Le sénateur Adams: L'association des enseignants a témoigné hier. On nous a dit qu'il y a eu environ 120 amendements de la part de la Chambre des communes dans le cas du projet de loi C-32, et 70 amendements ont été adoptés en trois heures. Nous n'avons pu établir qui étaient les auteurs de ces 120 amendements, s'il s'agissait de fonctionnaires ou d'autres personnes. N'empêche que les enseignants voulaient encore d'autres amendements.

Vous avez dit aujourd'hui que vous vouliez que le projet de loi soit adopté sans amendements. Vous travaillez sur ce projet de loi depuis huit ans. Il y a sans doute des observations que vous pourriez nous faire. Vous travaillez sur ce projet de loi avec les rédacteurs. Ont-ils rédigé le projet de loi sans consulter quiconque?

M. Keith Kelly, directeur national, Conférence canadienne des arts: Il convient tout d'abord de tenir compte du contexte beaucoup plus vaste dans lequel le projet de loi C-32 a été élaboré au cours de neuf ans de consultations approfondies, de débats intenses, de processus officiels au sein du ministère du Patrimoine canadien et, bien sûr, des longues audiences du comité permanent. De plus, on peut dire honnêtement que les membres du comité, de toutes allégeances, ont fait preuve de sincérité en rencontrant des représentants des deux camps à l'extérieur des réunions officielles en comité.

Lorsque les amendements ont été déposés, nous y avons vu le résultat d'une période de consultations et de délibérations assez prolongées de la part des membres du comité. Si les événements ont semblé se précipiter, il faut sans doute surtout attribuer cette situation au fait que la Chambre était sur le point de s'ajourner pour le congé de Noël plutôt qu'à une intention malveillante quelconque ou au désir de tromper quelqu'un.

D'après nous, le type d'amendements issus des travaux du comité permanent s'explique davantage par la longueur et la nature détaillée des discussions et par le sérieux de la participation des membres du comité permanent à l'étude du projet de loi C-32, que par un complot quelconque visant à contrarier les desseins du Parlement.

M. Thomson: Il y a eu un grand nombre d'amendements. Certains d'entre eux concernaient des défauts de forme qui nous ont sauté aux yeux dès la publication du projet de loi en mai dernier. Il y avait des fautes d'orthographe et il y avait des passages où le français ne correspondait pas à l'anglais, et ainsi de suite. Il y a eu quelques changements de fond, mais la quantité d'amendements s'explique également par le fait qu'il y avait un grand nombre de modifications de forme à apporter ainsi qu'un grand nombre d'erreurs ou de problèmes de rédaction. C'est un projet de loi très complexe qui aborde toute une gamme de questions.

Le sénateur Adams: Les comités de la Chambre de communes ne procèdent pas de la même façon que les comités du Sénat. Bien souvent, un témoin nous fera remarquer que dans l'autre endroit, ils mettent plus d'un an à traiter d'un projet de loi. Cela ne fait pas plus de 10 jours que nous nous occupons du projet de loi C-32. Nous faisons de notre mieux, mais le plus souvent les comités du Sénat vont plus loin que ceux de la Chambre. Lorsque nous étudions des projets de loi, nous convoquons souvent un ministre et de nombreux témoins. Par exemple, nous avons étudié le projet de loi C-68 pendant plus de 30 jours, et le comité de la justice de la Chambre des communes n'a entendu que 16 témoins dans le cas de cette importante mesure. En un mois, dans l'un de nos comités, nous avons entendu 63 témoins. Je tiens à ce que vous sachiez que lorsque nous disons que nous ferons de notre mieux, nous sommes sincères.

Ce projet de loi est truffé de questions techniques. Il est parfois très difficile à comprendre, mais j'aimerais que l'on m'explique mieux pourquoi les enseignants, votre groupe, les écrivains et d'autres encore ont des opinions différentes. Je crois que l'association des enseignants s'intéresse surtout à la photocopie. Nous n'avons pas pu savoir exactement pour quelles raisons elle s'opposait au projet de loi. Il y a un collègue d'en face qui aimerait proposer un amendement. D'autre part, je fais partie du groupe ministériel et j'aimerais que le projet de loi soit adopté.

Vous travaillez sur ce projet de loi depuis plus de huit ans et vous y avez apporté des modifications. Nous voulons être certains que ce projet de loi est bon pour le Canada et nous pourrons ensuite l'adopter.

M. Thomson: J'ai proposé il y a quelques années que le projet de loi soit déposé d'abord au Sénat. À cause de l'aspect technique du travail qu'il exigeait, je pensais qu'il était préférable que le Sénat s'en occupe. Toutefois, le gouvernement a rejeté ma proposition.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que ce projet de loi autorise des exceptions. Il n'impose pas des limites aux exceptions; il les autorise. Un enseignant n'a pas le droit de photocopier un document dans une salle de classe qui servira à l'éducation publique. Il n'y a pas de problème dans le cas de la recherche privée, mais dès qu'un enseignant se met à se servir d'un tel document dans une salle de classe, selon une modification que l'on voudrait apporter à l'actuelle Loi sur le droit d'auteur, faire cela est illégal et enfreint le droit d'auteur.

Nous assistons avec ce projet de loi non pas à une diminution des droits des utilisateurs, mais à l'étalement complet de ces droits, pour en faire des points de droit dans les situations où nous croyons que c'est justifié. Nous constatons également qu'il peut y avoir là un abus. C'est pourquoi nous avons proposé des solutions de rechange comme l'administration collective et les licences. De telles mesures permettraient de réduire au minimum les frais généraux administratifs, mais au moins nous remettrons quelque chose aux créateurs de ces documents. La situation est la même dans le cas du matériel utilisé dans les bibliothèques. Les bibliothèques jouent un rôle de service d'archives et maintenant elles s'orientent vers des services de distribution de ces documents. Elles parviennent au moins à récupérer les frais généraux. À notre avis, les créateurs de ce matériel devraient recevoir davantage.

De ce point de vue, ce projet de loi représente pour nous la légalisation de beaucoup de pratiques illégales, alors qu'il n'y aura pas ou presque pas de rémunération pour les créateurs et les producteurs de ce matériel.

Le sénateur Adams: Je suis autochtone. Je connais deux langues, l'anglais et l'inuktitut. Le projet de loi ne s'intéresse qu'à deux autres langues, l'anglais et le français.

M. Thomson: Il s'applique à tout le matériel. Le droit d'auteur s'étend à tout, quelle que soit la langue.

Le sénateur Adams: La traduction de documents imprimés entre l'anglais et le français présente-t-elle un problème quelconque? Est-il possible d'indiquer différentes langues?

J'habite dans les Territoires. Il y a là-bas beaucoup de gens qui parviennent à la célébrité assez rapidement, par exemple des écrivains et des chanteurs et ainsi de suite. Notre petite communauté n'a pas les mêmes caractéristiques que les communautés du sud. Il y a dans le nord de bons chansonniers, écrivains et ainsi de suite. Radio-Canada a enregistré des chansons autochtones et que sais-je encore.

Lorsque j'étais à Winnipeg, j'ai rencontré une chansonnière de Chesterfield Inlet. Aujourd'hui, elle habite à Winnipeg et elle fait de la sculpture. Elle m'a dit qu'elle voulait enregistrer ses chansons, mais qu'il lui était impossible de le faire parce qu'elle n'avait pas l'argent nécessaire. C'est une situation qui touche tout le monde. Autrefois, Radio-Canada ne demandait jamais à la personne comment elle allait s'y prendre pour enregistrer sa musique, alors qu'aujourd'hui, elle lui dira que si elle veut vendre son disque, elle devra mettre tout de suite de l'argent sur la table. Tout est différent aujourd'hui. On doit payer avant d'enregistrer une chanson.

Le plus souvent, il y avait quelqu'un dans la communauté qui se chargeait de l'enregistrer et qui ne demandait aucun frais. On disait simplement: «J'aimerais faire un enregistrement de votre chanson». Aujourd'hui, quelqu'un qui connaît le chanteur peut mettre la main sur cet enregistrement et, si c'est une bonne chanson, il peut la copier et en faire une fortune. Je m'inquiète de ce qu'il y en a qui pourront s'enrichir de cette façon.

M. Thomson: La loi en vigueur et la loi modifiée accordent toujours au créateur le droit de réclamer les fruits de son travail. Il y a des problèmes administratifs, des frais de justice et ainsi de suite, mais il n'y a absolument rien de différent à cet égard.

Le sénateur Anderson: Lorsque le projet de loi C-32, la Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, a été déposé le 25 avril 1996, les ministres Mme Sheila Copps et M. Manley ont publié une lettre ouverte dans laquelle il était dit que le projet de loi déposé «permettra de parvenir à un juste équilibre entre les droits de ceux qui créent les oeuvres et les besoins de ceux qui les utilisent».

Les amendements que le comité parlementaire a proposés rétablissent-ils ce juste équilibre entre les gens qui créent les oeuvres et les gens qui les utilisent?

M. Kelly: Non, pas tout à fait. C'est justement ce que nous voulons faire comprendre. Bien sûr, du point de vue du créateur et du titulaire du droit d'auteur, le meilleur des mondes possible dans le cas du droit d'auteur serait la reconnaissance complète des droits du créateur et du titulaire du droit d'auteur.

Les amendements ont-ils amélioré l'équilibre? Quelque peu, oui. C'est la raison pour laquelle nous tous ici réclamons à l'unanimité l'adoption du projet de loi sans amendements. Il s'agit surtout de consolider ce que nous estimons être le mieux que nous puissions tirer d'un processus très difficile.

Il y a toujours moyen d'améliorer un texte de loi. Le travail se poursuit sur le droit d'auteur depuis neuf ans et on dirait que le projet de loi C-32 pourrait être amélioré chaque minute et chaque fois qu'un témoin en parle. Il faut à un moment donné se dire: «C'est un processus qui a été très long. Si les créateurs sont mécontents et si les utilisateurs sont mécontents, alors il faut croire que c'est là l'équilibre des intérêts». Le gouvernement et le Sénat devraient s'en féliciter et adopter le projet de loi et trouver un bon fauteuil pour suivre la campagne électorale.

[Français]

Mme Fortier: Si je peux ajouter une remarque, je pense que les représentants des créateurs sont venus vous dire, tous et chacun que, dans le projet de loi C-32, nous avions fait énormément de compromis. Les usagers sont venus vous rencontrer, ont fait valoir leur point de vue. Je n'ai pas entendu de questions de votre part pour savoir ce qu'ils avaient obtenu. Tout ce qu'ils vous ont dit, c'est ce qu'ils n'avaient pas obtenu et, bien sûr, ils veulent plus. Dans les modifications qui ont été faites en décembre dernier, il y a eu l'introduction, entre autres, de deux nouvelles exceptions à l'application du droit d'auteur, c'est-à-dire l'enregistrement éphémère et l'autorisation de transfert de support que revendiquaient les radiodiffuseurs. Sauf que ces deux nouvelles exceptions ont été assorties d'une clause qui prévoit que lorsqu'il y a un collectif qui peut donner une licence générale pour son répertoire, l'exception ne joue pas, et je pense que le communiqué de Mme Copps et de M. Manley, lorsqu'ils ont parlé d'équilibre, référait probablement à ces deux exceptions.

[Traduction]

M. Thomson: C'est certain que l'approbation du projet de loi pourrait servir mes intérêts. Elle pourrait servir les intérêts de n'importe qui dans cette pièce.

Je vaque à plusieurs occupations. Je suis aussi bien un producteur qu'un utilisateur de matériel protégé par le droit d'auteur. Je conseille un président d'université. J'écris des livres. Je crée et je produis des documents protégés par le droit d'auteur. Je suis également enseignant et chercheur. D'une certaine manière, j'ai besoin de matériel protégé par le droit d'auteur, aussi bien pour mes travaux de recherche personnels en histoire que pour le contenu de mes cours.

En tant qu'utilisateur, je ne constate pas de limitations touchant mon travail. Je vois dans les licences des sociétés de gestion un moyen par lequel le travail que je fais rembourse les gens qui ont produit les oeuvres à partir desquelles je crée. Grâce au système des licences de société de gestion, grâce à CANCOPY et à des organismes de perception de cette nature dans d'autres domaines, mon problème administratif d'accès au droit d'auteur est presque inexistant parce qu'il y a des licences générales, des licences d'échantillonnage et ainsi de suite.

Que ce soit en ma qualité d'historien ou en ma qualité d'enseignant, je ne constate aucunement que les oeuvres de quiconque sont compromises par ce projet de loi. Les processus y sont définis. Personne n'est entravé.

Une expression qui s'applique sans doute toujours est «librement accessible», qui ne veut pas dire la même chose que «accessible gratuitement». Personne ne m'empêche de pénétrer dans un supermarché pour acheter des choses. Si quelqu'un n'aime pas mes livres et essaie de me mettre à la porte à cause de ma couleur ou de mon sexe, il y a des lois qui interdisent ces choses. J'ai librement accès. Toutefois, une fois que j'ai choisi ce que je voulais sur l'étagère, je dois payer pour ces biens parce que le commerçant, le fabricant de ces biens et le producteur là-bas dans sa ferme doivent être rémunérés.

C'est la même situation dans le cas du matériel intellectuel. On y a librement accès. Le droit d'auteur n'est pas quelque chose qui sert à empêcher l'accès. Toutefois, une fois qu'on a fait son choix, aux termes de ce projet de loi et selon les modalités des licences de société de gestion, il y a un mécanisme permettant à un moment donné au créateur et au producteur du matériel de toucher quelque chose pour ses efforts initiaux.

[Français]

Le sénateur Poulin: Je vous remercie beaucoup de votre excellente présentation. Je prends pour acquis que certains d'entre vous étaient peut-être ici hier soir. Nous avons vécu une expérience extrêmement intéressante parce que nous avons eu l'occasion d'écouter et d'échanger avec des représentants de plusieurs groupes d'usagers. À un moment donné, pendant la soirée, dans une petite chambre, il faisait très chaud, les émotions, après plusieurs heures, étaient à fleur de peau, nous avons eu l'impression, mes collègues et moi, que certains représentants des usagers pensaient qu'on ne faisait que revoir et écouter les représentants des différents groupes d'intérêts pour la formalité, et que tout ce processus était donc un «scam», et je cite ce qu'on nous a dit hier soir. J'aimerais vous dire que c'est loin d'être un «scam», mais que nous voulons absolument prendre le temps d'écouter et d'échanger avec tous les groupes qui ont des intérêts et des clients liés à cette législation extrêmement importante. Je sais que certains d'entre vous étaient impliqués dans cette législation depuis de nombreuses années.

Êtes-vous convaincus, un peu dans le sens où ma collègue le sénateur Anderson le disait, que la législation telle qu'elle est avec ses forces et ses faiblesses, est la meilleure que l'on puisse avoir au pays?

Mme Gagné: Oui, effectivement, nous revendiquons l'adoption de cette loi qui, étant donné la complexité des choses, rend tout de même des services. Il est d'autant plus urgent d'adopter cette loi que cela fait des années qu'il y a des créateurs qui attendent pour recevoir des droits et qu'il serait grand temps qu'on y voit.

En adoptant cette loi, le gouvernement enverra un message aux créateurs, en leur démontrant, en premier lieu, que leurs droits sont importans et doivent être recocnnus. Le gouvernement envoie aussi un message aux usagers. Vous savez, le droit d'auteur n'est pas un sujet dont on discute au dépanneur ou en prenant une bière. On en discute rarement.

C'est un concept, un principe qui est peu familier même pour les professeurs, les jeunes, les étudiants, pour la plupart des gens, en fait. Par conséquent, quand on parle de droit d'auteur, c'est comme si on parlait chinois. Les gens ne veulent pas payer pour des photocopies, et le principe du droit d'auteur est relégué aux oubliettes.

Je crois qu'il est important que le gouvernement montre à la population l'importance du droit d'auteur. C'est pour cela que, même si le projet de loi n'est pas parfait, on arrivera à y apporter des améliorations.

[Traduction]

M. Thomson: À moins que l'on nous impose un onzième commandement qui affirme «tel sera le droit d'auteur», il faut qu'il y ait ici un équilibre des droits, il faut préciser à un moment donné où s'arrête les droits et les utilisations qui peuvent être faites du matériel. En ce sens, la ligne de démarcation aura toujours quelque chose d'arbitraire.

Tout compte fait, nous sommes parvenus à un compromis assez raisonnable. À défaut d'un onzième commandement, même la sagesse de Salomon ne vous permettrait pas de trouver une ligne de démarcation qui améliorera les choses.

[Français]

Mme Fortier: Si la discussion sur ce projet de loi se poursuit, c'est parce que les créateurs sont préoccupés par ce qu'ils ont réussi à préserver. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Je crois que mes collègues ont dit hier qu'il fallait se réjouir que l'inondation qui s'est produite n'était pas celle du Saguenay. Nous craignons, si les discussions se poursuivent, de perdre ce que nous avons réussi à préserver. Nous voulons que le projet de loi soit adopté des maintenant.

La présidente: Vous avez d'autre commentaires à ajouter avant de nous quitter? Votre message est très clair. Je vous remercie beaucoup de votre intervention, et croyez bien que nous l'avons écoutée avec beaucoup d'intérêt. J'ai vivement apprécié votre collaboration ce soir et surtout votre grande patience.

[Traduction]

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants de la Canadian Library Association...

[Français]

...L'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, l'Association canadienne des bibliothèques de droit, le Canadian Assocation of Research Librairies, l'Association des bibliothèques de recherche du Canada. Je ne pense pas avoir oublié de groupe. Y a-t-il un autre groupe? Il y a M. Larivière, de la Special Libraries Association, l'Association des bibliothèques spécialisées.

Vous avez dû vous entendre pour savoir qui s'exprimerait le premier et, ensuite, vous avez une heure pour votre présentation et pour les questions des sénateurs. La parole est à vous.

[Traduction]

M. Jules Larivière, représentant, Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation: Bonsoir. J'aimerais tout d'abord vous présenter mes collègues, qui vous expliqueront le point de vue des bibliothécaires sur le projet de loi C-32 adopté par la Chambre des communes le 20 mars.

Je vous présente Karen Adams, directrice administrative de la Canadian Library Association; Richard Ellis, de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada; Susan Merry, de la Special Libraries Association et John Tooth, qui est président du comité du droit d'auteur de la Canadian Library Association.

[Français]

Et finalement, permettez-moi de me présenter, Jules Larivière, représentant de l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, mieux connue sous le nom de ASTED et de l'Association canadienne des bibliothèques de droit.

Au nom de mes collègues, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer nos commentaires sur les modifications qui ont été apportées au projet de loi C-32 depuis la présentation de nos mémoires au comité permanent du Patrimoine canadien, en novembre dernier.

D'entrée de jeu, nous voulons vous dire combien nous comptons sur votre sagesse pour relever l'immense défi qui vous attend, à savoir de rétablir le juste équilibre entre les droits légitimes des créateurs et ceux des utilisateurs d'oeuvres protégées, équilibre qui a, malheureusement, été brisé par le projet de loi C-32 tel qu'adopté par la Chambre des communes, le 20 mars dernier.

C'est dans ce contexte que j'aimerais, si vous me le permettez, vous lire deux extraits de textes parus récemment qui expliquent bien la très grande responsabilité dont votre comité se voit maintenant chargé en devant étudier le projet de loi C-32. Le premier texte provient du Financial Post du 29 mars dernier où il est dit que...

[Traduction]

...les sénateurs se retrouvent maintenant devant l'immense responsabilité de décider du sort du projet de loi C-32. Vont-ils l'adopter pour qu'il entre en vigueur tel quel, vont-ils l'étudier jusqu'à ce que le déclenchement des élections le fasse mourir au Feuilleton ou vont-ils essayer sincèrement de le modifier avec les compromis de dernière minute qui peuvent intervenir dans le peu de temps qui reste peut-être dans la vie de ce Parlement. Les sénateurs auront besoin de toute leur sagesse pour faire ce qui convient dans ce dossier.

[Français]

Le deuxième texte est un extrait de la Canadian Society of Copyright Consumer Newsletter d'avril 1997, où il est dit que:

[Traduction]

...si vous étiez sénateur et qu'un beau matin vous constatiez que votre comité venait de recevoir un projet de loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur et que vous deviez étudier ce projet de loi, questionner des témoins et juger du bien-fondé de la législation, que feriez-vous: acheter un livre sur le droit d'auteur, demander une mutation à un autre comité ou téléphoner pour dire que vous êtes malade?

[Français]

Sans connaître le taux d'assiduité de votre comité, madame la présidente, vous pourrez peut-être maintenant sinon approuver les absences, du moins les comprendre.

Avant de soulever certains aspects spécifiques du projet de loi C-32 que nous considérons problématiques pour les bibliothèques en général, nous aimerions profiter de cette tribune pour exprimer notre surprise, pour ne pas dire notre inquiétude, devant la façon plutôt expéditive avec laquelle on a introduit, à la dernière minute, un nombre aussi incroyable de modifications, et pour rectifier certains faits et certaines affirmations faites devant ce comité, et celui de la Chambre au sujet du monde des bibliothèques, qu'on veut présenter comme un groupe d'exploiteurs irrespectueux des droits des créateurs qui refuse de compenser les auteurs, entre autres, pour l'utilisation de leurs oeuvres. Comme on dit en bon québécois: il ne faut quand même pas charrier! Dans un premier temps, on a vu le comité de la Chambre des communes sur le Patrimoine canadien présenter, lors de la dernière journée de ses audiences, une longue série de modifications, certaines évidemment mineures et cosmétiques, mais d'autres définitivement majeures et modifiant l'esprit même du projet de loi, sans prendre le temps de débattre à fond les changements proposés et en d'analyser les conséquences, compte tenu que plusieurs de ces amendements ont été déposés à la dernière minute.

À l'appui de cette affirmation, je me permets de vous référer aux témoignages de ce comité lors de la dernière journée où, à 13 h 25, un député se plaint d'avoir reçu les amendements à 12 h 25 et demande de pouvoir au moins les étudier.

Loin de moi l'idée de mettre en doute la compétence des députés qui ont à étudier des projets de loi souvent fort complexes mais je ne pense pas, aussi compétents puissent-ils être, que l'on puisse analyser de nouveaux amendements en si peu de temps et voter sur ces amendements en pleine connaissance de cause. C'est simplement une question humaine, c'est tout simplement impossible.

Dans un deuxième temps, nous pensons qu'il est important de faire comprendre aux membres du comité que nous ne pouvons accepter des affirmations comme celles que l'on vous a faites, dans le cadre du mémoire conjoint de la Writers Union of Canada, the League of Canadian Poets, and the Playwrights Union of Canada, et je cite:

[Traduction]

Toutefois, des milliers d'enseignants et de bibliothécaires refusent de payer les titulaires d'un droit de propriété intellectuelle pour l'utilisation de leurs oeuvres.

[Français]

Rien n'est plus faux. D'abord, la documentation sous toutes ses formes qu'on retrouve dans nos bibliothèques est achetée et payée à des éditeurs qui, eux, ont d'abord dû négocier des contrats de paiement de droits d'auteurs avec les créateurs de cette documentation. Quand on utilise l'argumentation de la pauvreté de la très grande majorité des écrivains, s'en prend-on aux vrais responsables quand on accuse les bibliothèques?

Deuxièmement, lorsque l'utilisation le justifie, les bibliothèques achètent souvent plusieurs exemplaires des oeuvres protégées et paient le plein prix aux éditeurs.

Troisièmement, lorsqu'un ouvrage n'est plus disponible sur le marché régulier, les bibliothèques se tournent vers le marché du livre usagé avant de considérer la reproduction comme dernier recours.

Quatrièmement, comme mes collègues vont vous le démontrer de façon éloquente et avec chiffres à l'appui basés sur des études sérieuse et objectives, la reproduction systématique, sur une grande échelle, d'oeuvres protégées dans les bibliothèques est un mythe.

Cinquièmement, depuis leur création, nous avons toujours appuyé les sociétés de gestion collective et avons toujours voulu collaborer avec elles pour assurer aux auteurs une juste compensation pour l'utilisation de leurs oeuvres. On se demande souvent pourquoi certains tiennent tant à confronter auteurs et bibliothèques.

Et, finalement, tout paiement supplémentaire à des sociétés de gestion collective ne peut qu'affecter nos budgets d'acquisitions, dont une importante partie sert à acheter et à payer des droits d'auteurs pour des oeuvres canadiennes. C'est le principe de la tarte: si plus de gens pigent dedans, la portion pour chacun est plus petite.

[Traduction]

J'aimerais maintenant mettre mon chapeau de représentant de l'Association canadienne des bibliothèques de droit et vous faire part de nos observations sur le projet de loi C-32 tel qu'adopté.

L'Association canadienne des bibliothèques de droit représente toute la gamme des intérêts des bibliothèques de droit de toutes les régions du Canada. Elle offre une tribune pour l'échange de renseignements et d'idées entre les membres et pour encourager la collaboration entre les bibliothèques de droit.

L'Association canadienne des bibliothèques de droit considère que le projet de loi C-32 crée un dangereux précédent qui restreint l'accès aux documents juridiques. Pour bénéficier d'une pleine exemption, les bibliothèques doivent, de par le projet de loi C-32, signer une entente avec une société de gestion des droits des auteurs.

Ces amendements aux versions originales du projet de loi C-32 menacent l'objectif visé par le texte antérieur: établir un équilibre entre le droit des créateurs et le droit des usagers. En outre, ces changements créent un dangereux précédent pour les travaux à venir lorsqu'il sera question de modifier la Loi sur le droit d'auteur. En obligeant les parties à signer un accord de licence, le projet de loi laisse à penser que l'entente a préséance sur l'exemption législative. La restriction offre également des arguments de poids aux sociétés de gestion des droits des auteurs, dans la négociation de ces licences.

L'Association canadienne des bibliothèques de droit considère également que l'accès aux textes de lois exige une exemption pour produire des documents juridiques. Nous craignons qu'en raison du précédent établi par le projet de loi C-32, les sociétés de gestion des droits des auteurs, comme par exemple CANCOPY, tentent de contrôler la reproduction de documents juridiques par voie de licences conventionnelles. Souvent, les publications des éditeurs de documents juridiques constituent le seul outil permettant l'accès aux documents juridiques.

Ces publications reproduisent souvent le texte intégral des lois, règlements, jugements et décisions des commissions administratives.

L'accès à la loi constitue un droit que la réforme du droit d'auteur doit particulièrement protéger. La Loi sur le droit d'auteur doit explicitement permettre l'usage de documents de référence à caractère juridique, par exemple arrêts, décisions et rapports des tribunaux, lois, règlements, avis juridiques, extraits de traités et articles, dont résumés, sommaires d'arrêts, formatage et autres interprétations; cette autorisation doit expressément viser la copie de ces documents à des fins de recherches, d'études personnelles ou de présentation devant une cour de justice, un tribunal, une instance gouvernementale ou toute autre autorité publique.

Les bibliothèques étant les principaux établissements permettant aux citoyens d'avoir accès aux textes de loi, toutes les bibliothèques, qu'elles soient publiques, privées ou gouvernementales, devraient jouir de l'autorisation de photocopier, à la demande d'un usager, un texte juridique à des fins de recherches, d'études, d'examens ou de présentation à une cour de justice, à un tribunal, à une instance gouvernementale ou à toute autre autorité publique.

Il importe peu de savoir qui copie le document, il faut au contraire déterminer si l'usage qui en sera fait est équitable.

[Français]

En terminant, madame la présidente, j'aimerais préciser que la Fédération des professions juridiques du Canada appuie, sans réserve, les principes dont je viens de parler dans ce mémoire, comme l'indiquait son président, Me Donald M. Little, dans une lettre qu'il vous a fait parvenir le 9 avril dernier.

[Traduction]

M. John Tooth, président, Canadian Library Association, Comité du droit d'auteur: Honorables sénateurs, je consacre une grande partie de ma deuxième vie à travailler sur les questions du droit d'auteur dans le contexte de la loi. Dans le cas de mon autre travail auquel je reviens parfois et pour lequel je suis rémunéré, je l'accomplis à titre de bibliothécaire du ministère de l'Éducation du Manitoba.

J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la Canadian Library Association et ensuite examiner avec vous notre version de l'histoire du droit d'auteur -- depuis 10 ans seulement -- et expliquer pour quelles raisons nous nous retrouvons dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.

La Canadian Library Association a été fondée en 1946 et est chargée d'éclairer la voie des services de bibliothèque et d'information au Canada, au profit des membres de l'association, de la profession et de la société canadienne. Ses membres comprennent des personnes venant d'établissements publics comme les écoles publiques, les universités, les collèges, les organismes gouvernementaux et les bibliothèques spécialisées, ainsi que des personnes du secteur privé venant du secteur de l'information. Sa mission est d'apporter le leadership nécessaire pour la promotion, l'épanouissement et le soutien des services de bibliothèque et d'information au Canada, au profit des membres et des Canadiens. L'association compte presque 4 000 membres.

Selon la CLA, légiférer en matière de droit d'auteurs revient à établir un équilibre entre les intérêts des titulaires du droit d'auteur et les droits des utilisateurs de documents protégés par le droit d'auteur. L'association participe depuis de nombreuses années aux consultations du gouvernement dans le domaine du droit d'auteur. En 1987-1988, les membres ont déploré le fait que la phase I des réformes n'a porté que sur les intérêts des titulaires du droit d'auteur en autorisant l'établissement de sociétés de gestion -- on s'est contenté de renvoyer à la phase II, qui devait à l'époque suivre immédiatement, la définition des droits des utilisateurs. Bien sûr, les idées peuvent différer sur le sens à donner au mot «immédiatement». Nous voici aujourd'hui, dix ans plus tard, en train de nous pencher sur le projet de loi C-32.

Malgré leurs inquiétudes à cause du manque de clarté dans le cas des droits des utilisateurs, les membres de la CLA n'ont cessé de travailler activement avec la société de gestion CANCOPY pour entamer la signature de conventions de licence avec les établissements d'enseignement. La CLA a lancé également à l'intention de ses membres des programmes d'éducation en matière de droit d'auteur, qui apporteront en fin de compte les réponses nécessaires à toutes ces questions.

Les membres se sont réjouis des assurances du gouvernement selon lesquelles la phase II rétablirait l'équilibre dans cette loi et les bibliothèques seraient admissibles à des exceptions limitées qui permettraient aux personnes travaillant dans les librairies et aux usagers des librairies de faire une seule copie, d'abord que les intérêts économiques du créateur relativement à la vente de ces produits n'étaient pas compromis.

Lorsque le projet de loi C-32 a été déposé pour la première fois, nous avons trouvé rassurant le fait que les bibliothèques seraient protégées contre toute responsabilité à l'égard de ce que les usagers de la bibliothèque reproduisent au moyen de machines libre-service. Nous trouvions rassurant le fait que la reproduction d'une oeuvre en un seul exemplaire serait autorisée dans certaines circonstances, notamment dans les cas où une oeuvre n'est pas accessible sur le marché. Certes, il y avait des éléments du projet de loi C-32 que nous contestions, mais la CLA était d'avis que cette mesure était un pas dans la bonne direction pour rétablir l'équilibre entre les droits des utilisateurs et les droits des créateurs. Toutefois, les modifications radicales que le Comité permanent du Patrimoine canadien a imposées en catastrophe en décembre dernier ont détruit l'équilibre fragile. Qui pis est, ils ont anéanti le concept même d'exceptions en créant un lien entre celles-ci et les licences de société de gestion.

Une exception n'est pas une exception s'il faut l'acheter d'une société de gestion. C'est ce qui se fait déjà. Nous achetons déjà aujourd'hui des exceptions auprès de CANCOPY. Vous n'avez pas à légiférer pour nous accorder de telles exceptions; c'est une pratique qui existe déjà.

Il est évident que certains de ces changements, adoptés à la hâte, ont été mal conçus et ne tiennent pas compte des aspects de certaines situations dans les bibliothèques. À cause des défauts de ce processus, l'ASTED et la Canadian Library Association demandent respectueusement au comité sénatorial permanent des transports et des communications d'apporter les amendements nécessaires pour que le projet de loi C-32 redevienne ce qu'il était auparavant.

Les amendements précis dont il est question ici sont décrits dans notre mémoire, que vous avez déjà, si je ne m'abuse. Plusieurs témoins qui me suivront aborderont différents points, mais il y en a un en particulier dont j'aimerais vous entretenir et qui revient sans cesse depuis deux ans, mais c'est ces derniers jours qu'il a été abordé avec le plus d'éclat. Je veux parler de ceux qui veulent faire un lien entre la pauvreté chez les auteurs et les bibliothèques.

Dans un article du Globe and Mail du 13 avril, on parle d'un sondage qui affirme que les écrivains dont les oeuvres sont reproduites dans les magazines sont mal rémunérés. On affirme que le salaire d'un auteur membre de la Canadian Periodical Writers' Association est d'environ 26 000 $. Je suis sûr qu'il y a beaucoup d'écrivains canadiens qui gagnent moins de 26 000 $. Les bibliothèques canadiennes respectent les écrivains canadiens et compatissent avec eux. Nous préférerions certainement qu'ils gagnent davantage. Les bibliothèques canadiennes ont besoin des écrivains canadiens pour qu'ils produisent des livres et des périodiques, car c'est à cette créativité que nous avons constamment recours dans les bibliothèques.

Quant aux moyens par lesquels les bibliothèques versent des sommes aux auteurs, mon collègue a mentionné tout à l'heure que nous achetons des livres et que les éditeurs rémunèrent les auteurs pour ce droit. S'il y a un problème du fait que les auteurs ne touchent pas une rémunération suffisante, nous devrions nous adresser aux éditeurs, non pas aux bibliothèques.

On entend souvent parler également dans les médias d'auteurs qui entament des poursuites contre les éditeurs à cause de l'usage supplémentaire que l'on fait des droits électroniques rattachés aux oeuvres publiées. Les éditeurs ajoutent tout simplement ces documents à leur système en direct. Les gens paient pour avoir accès à ces systèmes, mais les auteurs ne touchent rien. Voilà où il faut concentrer lorsqu'il est question de pauvreté chez les auteurs.

Les bibliothèques canadiennes versent également des sommes aux créateurs par le biais des sociétés de gestion des droits d'auteur -- il s'agit essentiellement de CANCOPY -- pour l'utilisation des documents reproduits au moyen de photocopieurs. Les conventions conclues avec CANCOPY font en sorte que de grandes quantités de fonds sortent des bibliothèques, des établissements d'enseignement, du secteur public et, à l'occasion, du milieu des entreprises.

Où va tout cet argent? Il y a certains faits intéressants parmi les renseignements que CANCOPY présente aux titulaires de ses licences pour décrire ses activités. Il y a un tableau à la fin de notre mémoire qui décrit les recettes, que je vous invite à consulter. Il indique qu'en 1995-1996, CANCOPY est allée chercher 13 millions de dollars auprès des organismes sans but lucratif comme les bibliothèques et les établissements d'enseignement pour rémunérer les auteurs et les éditeurs.

Au bureau, une partie de mon travail consiste à négocier des licences au Manitoba pour les écoles. Je préside un comité d'enseignants, et une convention de licence a pu enfin être signée après des années de négociations. C'est un travail interminable. En fin de compte, nous obtenons bel et bien le droit de copier des documents moyennant le versement d'une certaine somme, et quel que soit le contenu de la Loi sur le droit d'auteur.

N'oubliez pas qu'il s'agit de 13 millions de dollars que CANCOPY va chercher auprès de différents secteurs.

Cette année au Manitoba, dans le cas des écoles seulement, il y aura 400 000 $ qui sortiront de la province pour payer CANCOPY pour le droit de reproduire des documents, surtout en plusieurs exemplaires. Cela représente 2 $ par étudiant. L'année dernière, c'était 1 $ par étudiant, ou 200 000 $.

La licence pour les écoles de l'Ontario, qui comptent deux millions d'étudiants, s'élève cette année à 4 millions de dollars. L'année dernière, le montant était de 2 millions de dollars. C'est ainsi que cette année, l'augmentation des versements à CANCOPY provenant de deux provinces pour un secteur, celui de l'enseignement, correspondra à une augmentation de financement de l'ordre de 2,2 millions de dollars.

Pourquoi voudrait-on s'inscrire auprès de CANCOPY? Si tout l'argent que perçoivent les sociétés de gestion ne fait pas en sorte qu'il y a une augmentation de votre salaire, à quoi tout cela rime-t-il? Nous versons ces sommes pour améliorer le sort des auteurs afin que nous puissions compter sur leur créativité. Toutefois, cet argent ne semble avoir aucune répercussion sur ce que les auteurs gagnent.

Karen Adams vous en dira davantage maintenant là-dessus.

Mme Karen Adams, directrice administrative, Canadian Library Association: Honorables sénateurs, j'aimerais aborder deux ou trois questions concernant les bibliothèques publiques, surtout les petites bibliothèques publiques, qui forment la majorité des bibliothèques au Canada. Je voudrais d'abord faire deux commentaires à propos de ce qui a été dit hier.

Quelqu'un a demandé hier si les écrivains et les utilisateurs étaient jamais parvenus à s'entendre sur le droit d'auteur. Quelqu'un a répondu qu'à sa connaissance, ils n'étaient jamais parvenus à s'entendre. Sachez que c'est faux. Un consensus est bel et bien intervenu en 1988 dans une salle louée par le ministère des Communications. C'était durant les premières consultations qui ont eu lieu lorsque la législation de la phase I a été adoptée, et j'étais présente.

Depuis cette époque, les bibliothèques réclament le compromis auquel nous sommes parvenus dans cette pièce. Nous, les bibliothécaires, nous négociions de bonne foi. Nous étions atterrés lorsque nous avons appris quelques mois plus tard que d'autres qui avaient participé au consensus y avaient maintenant renoncé. Oui, il y a eu un consensus à un moment donné et les gouvernements successifs se sont engagés à le respecter. La version originale du projet de loi C-32 traduisait assez fidèlement ce consensus.

Quelqu'un a laissé entendre hier que la Bibliothèque publique de North York vendait des oeuvres d'écrivains sans permission et sans rien verser aux écrivains. J'aimerais expliquer exactement ce qui se passe dans cette bibliothèque, car cela se voit couramment ailleurs.

La Bibliothèque publique de North York est abonnée à des bases de données publiées par des entreprises commerciales, dont un grand nombre sont aux États-Unis. Ces bases de données demandent des frais pour chaque consultation. Si par exemple vous cherchiez des renseignements dans la base de données sur la législation au Canada dans le domaine du droit d'auteur, l'entreprise vous demanderait un certain tarif horaire ou un certain montant pour chaque passage qu'elle obtient pour vous dans sa base de données.

Nous croyons savoir que les écrivains qui publient des oeuvres dans les périodiques ont un problème avec ces entreprises. Nous, toutefois, nous y sommes pour rien. Nous payons pour ces documents et les entreprises qui nous les vendent nous disent qu'elles ont absolument le droit de le faire.

Voici une facture de la Dynamic Information Corporation envoyée à la Bibliothèque publique de North York. Les frais de recherche pour neuf documents totalisent 121 $; les frais demandés pour le droit d'auteur s'élèvent à 20,50 $. La bibliothèque a acquitté ces frais. A l'instar de biens d'autres gens de mon milieu, je ne parviens pas à comprendre pourquoi les écrivains ne touchent rien.

Pour vous donner une idée des quantités, la bibliothèque dépense environ 31 000 $ par année pour ces services et récupère environ 12 000 $ auprès de ses usagers. La bibliothèque ne vend pas des renseignements, elle ne fait que refiler des frais qu'elle doit acquitter dans le cours normal de ses activités.

J'aimerais passer maintenant à la question des bibliothèques publiques en général et, surtout, des nombreuses petites bibliothèques au Canada.

Le projet de loi C-32, sous sa forme originale, dégageait les bibliothèques de toute responsabilité à l'égard de ce que ses usagers pouvaient reproduire au moyen d'appareils libre-service. En d'autres mots, le personnel n'était pas obligé de se tenir debout là près de l'appareil pour vérifier que les gens n'enfreignent pas la loi.

L'idée était d'afficher des panneaux bien en vue pour nos usagers. L'année dernière, CANCOPY a parrainé une étude, dont le rapport est intitulé «Photocopying in Public Libraries in Canada: Report of the 1996 survey». La Canadian Library Association a publié cette étude.

L'étude a établi que le nombre moyen de pages qu'un usager reproduit au moyen d'un photocopieur s'élève à 4,4. Vous comprendrez tout de suite que ce ne sont pas des livres entiers que l'on photocopie. Aucun préjudice notable n'est causé à l'intérêt économique du titulaire du droit d'auteur.

Voilà ce que contenait la version originale du projet de loi C-32 et, pour nous, c'était raisonnable. C'était ce que l'on nous promettait depuis 1987. Le comité permanent du Patrimoine canadien a modifié cette disposition de manière à ne dégager de la responsabilité qui quiconque possède déjà une licence négociée avec une société de gestion. Bien sûr, comme M. Tooth l'a fait remarquer, si vous possédez déjà une licence pour l'usage du photocopieur, il n'est plus question d'une exception; tout cela est prévu dans une disposition de l'accord que vous avez conclu avec CANCOPY.

C'est comme dans le cas de l'amendement visant l'expression «accessible sur le marché»; il détruit le principe des exceptions et il met les bibliothèques canadiennes et, de ce fait, les chercheurs, les étudiants et les autres citoyens du Canada, dans une situation désavantageuse si on la compare à celle qui existe dans les pays à partir desquels nous importons de l'information.

Les données de la page cinq proviennent de l'étude effectuée par CANCOPY. Je vous prie de bien examiner les chiffres indiqués. Sur 100 pages photocopiées dans une bibliothèque publique canadienne, 77 ne proviennent aucunement d'une oeuvre mise à la disposition du public; il s'agit de documents personnels, de travaux et ainsi de suite. La Loi sur le droit d'auteur ne s'applique pas à ces pages. On voit donc que sur 100 pages copiées, 23 pages concernent la Loi sur le droit d'auteur. Sur les 23 pages qui concernent la Loi sur le droit d'auteur, 11 proviennent d'oeuvres canadiennes. C'est ainsi que sur 100 pages photocopiées, 11 proviennent d'oeuvres canadiennes. Sur ces 11 pages, 4 proviennent de livres documentaires comme une encyclopédie, un livre d'histoire et d'autres oeuvres de cette nature. Une page proviendra d'un périodique ou d'un magazine. Une page et demie proviendra d'un journal. Deux pages proviendront d'un document gouvernemental.

Le droit d'auteur dans le cas de ces derniers documents diffère de celui qui s'applique dans le cas des autres titulaires de droit d'auteur. Une demi-page provient de l'oeuvre d'un écrivain canadien, par exemple Margaret Atwood, d'un roman, d'une oeuvre dramatique ou de poésie. Une demi-page proviendra d'un document de consultation comme un annuaire téléphonique ou un répertoire.

D'après ces données moyennes applicables aux bibliothèques publiques, nous constatons que moins de la moitié des documents qui sont reproduits sont des oeuvres de Canadiens. De fait, le chiffre approximatif dans le cas des collèges et des universités du Canada serait encore plus petit.

Il en résulte que lorsque les bibliothèques versent des droits pour les 100 pages de documents reproduits, 54 cents sur chaque dollar sortent du pays et 46 cents y resteront pour les titulaires canadiens du droit d'auteur. C'est là une façon très inefficace de remettre 46 cents aux titulaires canadiens du droit d'auteur. L'argent aboutira aux États-Unis. Les bibliothèques des États-Unis ne versent pas de droits pour ces activités. Nous, nous leur en verserons; elles ne s'en versent pas à elles-mêmes; elles ne nous en versent pas non plus.

Nous voudrions que cette disposition injuste soit modifiée, car elle cause un préjudice aux petites bibliothèques publiques canadiennes qui ne sont dotées que d'un seul photocopieur. En moyenne, dans les petites bibliothèques, on fait moins de photocopies d'oeuvres protégées par le droit d'auteur, compte tenu des chiffres que je viens de vous donner. Bien souvent, c'est le seul photocopieur de la région et on peut comprendre que les gens photocopieront davantage leurs propres documents et d'autres documents auxquels la Loi sur le droit d'auteur ne s'applique pas. Si les bibliothèques veulent être à l'abri des poursuites, elles doivent acheter une licence auprès d'une société de gestion, quelle que soit la quantité de documents protégés par le droit d'auteur qui sont reproduits au moyen de l'appareil.

J'ai consulté votre site web et j'ai constaté que le mandat de ce comité ne comprend pas la balance commerciale. J'espère que vous tiendrez dûment compte du fait que le Canada est un importateur d'information et de divertissements. Il n'est pas logique de verser des sommes à des titulaires américains de droits d'auteur à l'égard d'activités pour lesquelles ils ne se versent rien eux-mêmes et ils ne versent certainement rien aux créateurs canadiens.

M. Richard Ellis, Association des bibliothèques de recherche du Canada: Je tiens à remercier le comité de cette occasion de prendre la parole.

L'Association des bibliothèques de recherche du Canada a été établie en 1976 et comprend 27 bibliothèques universitaires, la Bibliothèque nationale du Canada et l'ICIST et le CNR. Ses membres sont des organismes et elle cherche à représenter surtout les bibliothèques des universités canadiennes qui offrent des programmes de doctorat en arts et en sciences. Les collections des bibliothèques membres constituent globalement la ressource bibliothécaire la plus importante et à bien des égards la plus complète qui soit pour les études et les travaux de recherche au Canada.

Selon nous, l'objet du projet de loi C-32 était de moderniser la loi du Canada en matière du droit d'auteur, de l'harmoniser avec les lois des autres pays développés, de renforcer la protection pour les créateurs canadiens et de parvenir à un important équilibre entre les intérêts des titulaires du droit d'auteur et des utilisateurs de l'information.

L'association était favorable au projet de loi C-32 tel qu'il a été déposé pour la première fois en avril 1996, car elle y voyait un compromis. Il a souvent été question aujourd'hui de compromis. On a pu constater que le compromis est impossible, mais l'Association des bibliothèques de recherche du Canada était d'avis que le compromis auquel on était parvenu après huit ans de négociations avec le dépôt du projet de loi C-32 était raisonnable.

Toutefois, des amendements qui ont été apportés par la suite, et on a parlé ce soir de 120 ou de 60 amendements en trois jours -- ont modifié l'équilibre en faveur des éditeurs et des sociétés de gestion et aux dépens des universitaires, des chercheurs et des étudiants.

Pour cette raison, l'ABRC demande respectueusement au comité de rétablir l'équilibre du projet de loi C-32 en supprimant toutes les restrictions imposées par la suite aux exceptions visant les établissements d'enseignement et les bibliothèques.

Il y a trois questions particulières que j'aimerais porter à l'attention du comité. Premièrement, en guise de toile de fond, j'aimerais faire remarquer qu'il y a dans le projet de loi une quantité de dispositions où la question de l'accessibilité sur le marché intervient au premier plan. Il y a un point commun qui revient dans chaque cas

La loi est utile aux bibliothèques pour leur indiquer comment se comporter lorsque les documents qu'elles désirent reproduire ne sont plus accessibles sur le marché à cause du fait que l'éditeur n'en fourni plus d'exemplaires, que l'oeuvre est épuisée, ou pour toute autre raison. Ces oeuvres se retrouvent dans une situation à part. Essentiellement, on peut dire que, dans des circonstances très particulières, la reprographie est autorisée lorsque le document n'est plus accessible sur le marché.

À la dernière minute, la définition d'accessible sur le marché a été modifiée en y ajoutant «pour lequel il est possible d'obtenir... une licence octroyée par une société de gestion».

Il y avait dans le premier cas une obligation de la part du titulaire du droit d'auteur de veiller à ce que le document soit accessible sur le marché et de faire les efforts voulus pour que les oeuvres des créateurs soient accessibles. Si l'éditeur respectait ses obligations en ce sens, les bibliothèques étaient tenues d'acheter l'oeuvre, et elles n'auraient pas voulu qu'il en soit autrement. Ce n'est que lorsque l'entreprise prenait une décision commerciale de ne plus investir ce qu'il fallait pour que l'oeuvre d'un écrivain demeure accessible que les bibliothèques ont cherché à obtenir le droit, dans des circonstances bien précises, de reproduire les oeuvres, par dérogation à la loi sur le droit d'auteur telle qu'elle était formulée en 1988.

Voilà qui semble être un équilibre raisonnable: chaque côté a des obligations; chaque côté est prêt à s'acquitter de ses obligations, mais maintenant, tout à coup, avec les amendements, l'éditeur n'a plus d'obligations. Maintenant, s'il est possible d'obtenir une licence, l'obligation revient entièrement à la bibliothèque.

Cet après-midi, on s'est attardé en particulier sur le cas des auteurs qui publient des oeuvres dans les périodiques. J'aimerais faire remarquer que les auteurs d'oeuvres publiées dans les revues, auxquels nous nous intéressons particulièrement, sont dans une situation semblable à celle des membres du groupe des écrivains canadiens d'oeuvres publiées dans les périodiques.

Premièrement, comme mon collègue l'a fait remarquer, nous sommes de nets importateurs d'information. Dans les domaines des sciences et de la technologie, la part du Canada de toutes les oeuvres produites dans le monde n'atteint sans doute pas 5 p. 100. Nous importons constamment des oeuvres d'autres pays. Nous devons payer pour cela. Et nous le payons très cher. Nous avons une liste de dossiers d'horreurs. Par exemple, le coût annuel d'une revue de physique est passé de 6 136 $ à 12 096 $ en trois ans, à une époque où le coût de la vie au Canada augmentait d'environ 2 p. 100. Les cas semblables sont nombreux.

Les sommes que nous versons dans ces circonstances ne sont pas destinées aux oeuvres d'auteurs canadiens. Nous payons essentiellement pour les oeuvres d'auteurs américains et européens qui eux-mêmes ne touchent rien ou presque rien parce qu'ils publient dans le milieu universitaire à des fins d'avancement et de titularisation ainsi que de diffusion des résultats de leurs travaux. Aucune des personnes pour lesquelles nous payons ces prix horribles ne gagne sa vie au moyen de ces revues, pourtant ce sont les publications qu'on nous demande d'appuyer par le biais de nos licences de CANCOPY. Je suppose que l'argent sort du pays; je ne sais pas où il aboutit.

Je voudrais signaler une dernière chose au sujet des écrivains canadiens. Nous achetons leurs livres, à l'instar de toutes les bibliothèques. Nous achetons les revues dans lesquelles ils publient leurs oeuvres. Bien souvent, nous achetons leurs documents et leurs manuscrits pour les verser dans nos archives et nous prenons des dispositions pour qu'après un certain nombre d'années, d'autres documents nous soient remis. Ce sont là trois moyens d'appuyer nos écrivains canadiens, mais il y en a un seul d'entre eux où je libelle bel et bien un chèque au nom de l'auteur, et c'est quand j'achète ses manuscrits. J'en tire une grande satisfaction. Dans tous les autres cas, les membres de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada et moi-même nous libellons les chèques au nom des éditeurs. Il nous est impossible de savoir si ces derniers en refilent une partie aux auteurs ni, le cas échéant, si c'est un petit ou un gros montant. On a déjà soulevé ce point et il en sera sans doute question encore.

Nous sommes heureux d'appuyer les auteurs. Ils sont indispensables. De fait, les universités jouent bien souvent un rôle de commercialisation pour leur compte. Nous offrons des cours qui portent sur ces auteurs; nous offrons des cours d'histoire qui s'inspirent d'oeuvres documentaires; nous avons des librairies sur les campus qui desservent la clientèle de ces écrivains. Nous sommes un élément essentiel de la structure d'appui de la culture canadienne. Il ne faut pas oublier que le compromis qui a pu être réalisé avec le dépôt du projet de loi C-32 devrait être reconnu et mis en oeuvre.

Mme Susan Merry, présidente du comité des relations gouvernementales, Special Libraries Association: Honorables sénateurs, je suis la personne la plus heureuse du monde aujourd'hui parce que cette question est vraiment importante pour moi. Tous, nous attendons ce texte de loi depuis longtemps.

Il y a très longtemps, j'étais bibliothécaire en chef du secrétariat d'État, puis ensuite j'ai travaillé dans le milieu universitaire et aujourd'hui, je suis dans le secteur de l'entreprise, mais en ce moment, je porte le chapeau de présidente du Comité des relations gouvernementales de la Special Libraries Association. C'est à ce titre que j'aimerais vous faire part de mes observations aujourd'hui.

Brièvement, la Special Libraries Association est un organisme international. Il représente les intérêts des spécialistes de l'information de 60 pays. Je crois que c'est la deuxième plus importante association bibliothécaire dans le monde. Les bibliothécaires spécialisés sont des spécialistes des ressources en information qui travaillent à mettre les connaissances en pratique pour permettre à leur organisme d'attache d'atteindre ses objectifs. Le plus souvent, leurs employeurs sont des sociétés, des entreprises privées, des organismes gouvernementaux, des musées, des collèges, des hôpitaux, des associations et des maisons d'experts-conseils en gestion de l'information.

La SLA représente aujourd'hui 1 400 spécialistes de l'information au Canada, et environ la moitié d'entre nous travaillent dans le secteur privé à but lucratif.

La définition de «bibliothèque» que contient le projet de loi C-32 exclut les bibliothèques du secteur à but lucratif. C'est ainsi que ce projet de loi ne vise ni ne protège tout le groupe de nos centres d'information commerciale, technique, scientifique et de recherche industrielle. C'est une situation fort étonnante pour un pays comme le nôtre. Les dispositions de ce texte de loi sont plus strictes que celles des autres régimes de droit d'auteur aux États-Unis et au Royaume-Uni, où les bibliothèques commerciales sont reconnues et ont droit à des exemptions particulières en application des principes de l'utilisation équitable et de la conduite de travaux de recherche ou d'études particulières.

Le Canada compte environ 3 000 bibliothèques, et ce projet de loi prive le quart de celles-ci des mesures dont jouissent les autres. C'est ainsi que 750 bibliothèques faisant partie du réseau d'information canadien n'ont pas droit aux mêmes exceptions que toutes les autres bibliothèques du pays. À notre avis, un bon texte de loi n'exclut pas une partie du groupe pour lequel il a été formulé. Il s'agit peut-être d'une omission car on n'a pas tenu compte du rôle important de notre secteur lorsque ce projet de loi a été rédigé.

J'aimerais vous décrire ce qu'est une bibliothèque spécialisée et quel est son rôle aujourd'hui, car il y a beaucoup de mythes entourant nos activités qui peuvent expliquer en partie pourquoi les gens ne connaissent pas les différences qui existent entre les bibliothèques.

Une bibliothèque d'entreprise n'impose pas de frais pour l'information qui est destinée à un usage interne. Elle ne tire absolument aucun profit ou gain commercial de la reproduction ou de la diffusion des renseignements qu'elle contient. Elle mettra certainement ses ressources à la disposition de chercheurs non affiliés lorsqu'il convient que ces derniers y aient accès. Elle joue un important rôle de mandataire pour le personnel de recherche de l'organisation.

D'après l'étude de 1987 concernant la reprographie qui se fait dans les bibliothèques canadiennes, la bibliothèque spécialisée joue un rôle de mandataire dans le cas de 82 p. 100 des documents qui sont photocopiés, dans la plupart des organismes. Notez bien que la moyenne pour les bibliothèques est de 59 p. 100. Le spécialiste de l'information dans le secteur privé est une personne extrêmement importante dans le processus de recherche dans le secteur privé.

J'aimerais vous parler un peu des ressources que nous utilisons. Dans 84 p. 100 de toutes les opérations, il n'y a reproduction qu'en un seul exemplaire. Seulement de 10 à 25 p. 100 des documents que nous utilisons sont canadiens. Environ 79 p. 100 des articles qui sont reproduits ont été publiés au cours de l'année révolue; la moyenne est de 65 p. 100 dans le cas des bibliothèques. Les renseignements les plus récents sont bien sûr une chose essentielle pour la recherche et l'apprentissage.

Compte tenu des ressources que nous avons, nous ne sommes pas en mesure d'appuyer le milieu des créateurs au Canada. Nous ne nous intéressons pas aux oeuvres littéraires de fiction; les documents que nous avons sont scientifiques, techniques et théoriques, ce sont des oeuvres documentaires sous la forme notamment de rapports statistiques, de rapports financiers, de rapports d'entreprise, d'études gouvernementales et universitaires, de répertoires commerciaux et d'annuaires. Le titre d'auteur de tous ces documents revient à l'entreprise dans son ensemble et non pas à une personne en particulier. Les éditeurs qui réunissent ces ressources ne le font pas dans le but de toucher des redevances pour l'utilisation des documents.

Les périodiques que nous utilisons viennent en grande partie de l'étranger, car il y a très peu de choses qui sont publiées au Canada même. Mes collègues ont déjà abordé cette question.

Le message que le projet de loi C-32 envoie aux bibliothèques d'entreprise est le suivant: «Nous n'avons pas besoin de vous. Vous êtes exclues de notre définition de bibliothèque.» Je ne saurais vous dire quel titre nous devons nous donner si ce n'est celui de bibliothèque. Nous n'avons pas droit aux exemptions que prévoit ce projet de loi sur le droit d'auteur et nous ne pouvons pas jouer le rôle de mandataire pour les chercheurs que nous sommes censés aider. Chaque opération de recherche documentaire doit désormais être payée, ce qui fera augmenter le coût de la recherche dans tout le secteur privé.

J'aimerais encore une fois vous citer un passage du mémoire que vous avez reçu ce soir.

Le projet de loi C-32 aura pour conséquence de faire augmenter le coût de la recherche dans tout le secteur privé, car il n'autorise aucune exemption, par exemple pour la reproduction en un seul exemplaire d'articles scientifiques, techniques ou théoriques provenant de revues, à des fins de recherche, que cette reproduction soit effectuée directement par le chercheur lui-même par son mandataire, c'est-à-dire le spécialiste de l'information.

Il est question de nous ici.

Une telle mesure est tout à fait injustifiée à notre avis, vu surtout l'augmentation énorme du financement privé de la recherche au Canada, financement qui, jusqu'ici, relevait du gouvernement fédéral. Le recherche économique et industrielle au Canada repose sur des expressions comme «concertation», «partenariats entre les secteurs public et privé» et «synergie université-industrie.» Maintenant que le secteur privé occupe une place de premier plan dans le financement de la recherche -- situation dont il se réjouit --, il conviendrait certainement qu'il puisse compter sur des règles uniformes pour tous et ait le même accès aux renseignements que le secteur public. Le projet de loi actuel le prive de ces avantages.

Quelle est la situation dans notre cas? Nous ne pouvons pas compter sur les dispositions relatives à l'utilisation équitable. Nous ne pouvons pas compter sur les exemptions relatives à la reproduction en un seul exemplaire. Nous devons payer pour tous les documents que nous utilisons, et les recettes sortiront du pays. Comme mes collègues l'ont fait remarquer, c'est une situation fort déplorable parce qu'aussi bien les États-Unis que le Royaume-Uni reconnaissent le rôle des bibliothèques commerciales. Les exceptions pour l'utilisation équitable et la reproduction en un seul exemplaire sont autorisées dans ces pays. Pourquoi le Canada ne parvient-il pas à appliquer des règles uniformes pour tous? Comme Mme Adams l'a fait remarquer, l'argent qui quitte le pays n'aura pas de contrepartie chez ces grands partenaires commerciaux parce que ceux-ci ne perçoivent pas les mêmes recettes qui, par une action réciproque, reviendraient au Canada.

Ce n'est pas une situation gagnant-gagnant; c'est une situation perdant-perdant. Nous devons reformuler la définition de «bibliothèque» pour quelle comprenne les bibliothèques d'entreprise de ce pays. La seule chose que nous vous demandons, c'est de nous aider à cet égard.

[Français]

M. Larivière: J'aimerais conclure en mettant mon dernier chapeau comme représentant de l'ASTED, c'est-à-dire l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation, qui est un organisme national sans but lucratif, à caractère scientifique et professionnel.

Elle regroupe des professionnels de l'information documentaire oeuvrant dans les bibliothèques et les centres de documentation, tant au niveau du monde de l'éducation universitaire, collégiale et scolaire que les organismes gouvernementaux fédéral, provinciaux, municipaux et commerciaux.

Son mandat est de favoriser la reconnaissance accrue des services de bibliothèque et de l'utilité de l'information documentaire dans notre société.

L'ASTED a toujours supporté le droit des créateurs à une compensation juste et raisonnable pour l'utilisation de leurs oeuvres. C'est dans ce contexte qu'elle a participé activement à la mise sur pied de la Commission du droit de prêt public, organisme fédéral qui compense les auteurs pour la mise en disponibilité gratuite de leur livre dans les bibliothèques canadiennes.

L'ASTED a également appuyé la création des sociétés de gestion des droits d'auteur qui allait permettre aux détenteurs de ces droits de mieux contrôler l'utilisation et l'exploitation de leurs oeuvres. Elle a également toujours encouragé ses membres par l'entremise de campagnes de sensibilisation, à respecter les droits des auteurs et à éviter la mise en place de politique non contrôlée de reproduction d'oeuvres protégées par la Loi sur le droit d'auteur.

L'ASTED a aussi très souvent organisé dans le cadre de ses congrès annuels des ateliers d'information et de formation de ses membre sur l'ensemble de la problématique du droit d'auteur dans les bibliothèques.

Dans ce dossier, l'ASTED ne défend aucun intérêt pécuniaire, son seul but étant d'assurer aux clientèles des bibliothèques l'accès à l'information documentaire sans contrainte exagérée.

Je voudrais terminer en parlant un peu de la notion d'accessibilité sur le marché commercial dont Richard a parlé tantôt.

Depuis maintenant plus de 10 ans, le gouvernement prétend que toute réforme de la législation sur le droit d'auteur se doit de respecter un juste équilibre entre les droits légitimes des créateurs et les besoins tout aussi justifiables des utilisateurs.

Nos deux associations, la Canadian Library Association et l'ASTED ont toujours souscrit à ce principe et ont ainsi soutenu que c'est par l'entremise d'exceptions justes et raisonnables que l'on peut atteindre cet objectif.

C'est dans ce contexte que l'ASTED et la Canadian Library Association ont appuyé le principe original du projet de loi C-32 à l'effet qu'une oeuvre disponible sur le marché ne pouvait faire l'objet d'une exception pour les fins de reproduction.

Mais la modification majeure adoptée à la dernière heure que le comité du Patrimoine canadien a apportée à la définition de disponibilité sur le marché vient justement créer un déséquilibre que nous ne pouvons que regretter et dénoncer.

Selon nous, en considérant comme accessibles sur le marché les oeuvres qui font partie du répertoire des sociétés de gestion collective, on ne peut plus considérer comme une exception les situations auxquelles on se réfère à l'article 30.1(1). En effet, en forçant les bibliothèques à obligatoirement négocier les licences avec ses sociétés, on détruit l'essence même de la notion d'exception en droit d'auteur.

Quand on parle d'un équilibre, quand on force les bibliothèques, au moment de la reproduction d'une oeuvre aux fins de conservation ou de mise en disponibilité à ses usagers, à payer des droits à une société de gestion collective, nous pensons que cet équilibre est brisé.

En terminant, nous espérons sincèrement que notre présentation de ce soir vous a plu autant que celle d'hier soir.

Soyez assurés que si nous nous sommes donné la peine de nous présenter ici ce soir, c'est parce que nous sommes convaincus que vous pouvez faire quelque chose.

Le sénateur Roberge: Monsieur Larivière, vous avez fait certains commentaires à propos d'une multitude d'amendements qui sont arrivés à la dernière minute à l'autre Chambre, que les députés n'ont pas eu le temps d'analyser ces amendements et de faire des améliorations à ces amendements, et que le processus n'était pas satisfaisant, si j'ai bien compris.

Nous avons un certain scénario au Sénat qui ressemble à celui de la Chambre des communes. Nous avons commencé à étudier le projet de loi C-32 le lundi 14 avril, et nous avons cinq jours pour l'étudier. Nous devons rencontrer à peu près 50 différents groupes qui ont tous, idéalement, des amendements à apporter au projet de loi, ce qui nécessiterait, possiblement, 150 amendements.

Vous êtes sans doute conscient que le processus est assez serré pour nous à cause de la possibilité que l'on déclenche des élections. Si nous apportons des amendements au projet de loi pour un groupe, nous devons en apporter pour d'autres. Si des amendements sont apportés, il n'y a aucune chance que le projet de loi C-32 puisse revenir au Sénat à temps pour être adopté avant l'appel de l'élection. Nous aurons peut-être d'autres occasions d'essayer d'accélérer le processus de révision ou de le raccourcir.

Si le projet de loi C-32 était amendé et ne pouvait pas devenir loi, quelle serait votre position?

M. Larivière: Vous voulez dire le projet de loi C-31 original?

Le sénateur Roberge: Le projet de loi tel qu'il est devant nous aujourd'hui.

M. Larivière: Nous avons énormément de difficultés avec le projet de loi tel que libellé et tel qu'il a été voté le 20 mars 1997, plus particulièrement au niveau de la définition du mot «disponibilité».

Le sénateur Roberge: Et si vous aviez le choix entre l'adoption du projet de loi tel que libellé présentement sujet à une révision dans une période de temps qui serait peut-être plus raccourcie, ou le laisser mourir au Feuilleton?

M. Larivière: Nous avons vécu si longtemps avec une révision de la Loi sur le droit d'auteur que cela nous fait peur quand on nous dit que cette loi pourrait être révisée plus tard.

Le sénateur Roberge: Dans la loi, il y a un article qui dit que cela peut se faire dans cinq ans. Est-ce que vous préférez que le projet de loi meure au Feuilleton ou que la loi puisse être adoptée et améliorée dans un laps de temps assez raccourci?

M. Larivière: Si je suis venu ici ce soir, c'est parce que je pense que le Sénat peut corriger ce qui, à notre avis, est un débalancement.

Le sénateur Roberge: Si je vous dis qu'il est impossible de faire des amendements et de revenir avant la prorogation de la Chambre et que le projet de loi mourra au Feuilleton, vous avez le choix entre le laisser mourir au Feuilleton et...

M. Larivière: Je n'ai pas à faire ce choix. Si vous décidez de laisser mourir le projet de loi au Feuilleton...

Le sénateur Roberge: Je ne vous demande pas de faire le choix, je vous demande votre opinion.

La présidente: Si nous accédions à vos amendements et que nous retournions le projet de loi à la Chambre des communes, c'est ce que dit le sénateur Roberge, il y a peut-être un risque qu'il ne soit pas retourné chez nous avant la fin de la session, et alors le projet de loi mourra au Feuilleton. Est-ce que vous préférez cela à l'adoption du projet de loi sans amendement? Quel est votre opinion?

M. Larivière: Je pense qu'on serait mieux avec l'ancienne loi plutôt que de vivre avec cette loi telle qu'elle est actuellement libellée parce qu'elle est un carcan complet pour les bibliothèques à tous les niveaux. On donne, à mon avis, aux sociétés de gestion un pouvoir qui débalance l'équilibre entre les droits des créateurs et les droits des usagers.

La présidente: M. Larivière, on nous a dit que tout le monde avait mis de l'eau dans son vin. Il y a eu des négociations, des rencontres et des consultations; je pense que personne ne boit du vin en ce moment, cela goûte plus l'eau que le vin! Malgré tout cela, on nous dit qu'il y a un certain équilibre entre l'utilisateur et les créateurs. Vous ne semblez pas du tout d'accord avec cela.

M. Larivière: C'est-à-dire qu'il y a un équilibre de base, mais ce qui nous inquiète énormément, autant l'Association canadienne des bibliothèques de droit que tous les organismes, ce sont les précédents qui ont été créés par les derniers amendements qui ont été présentés par le comité. C'est avec ces derniers que l'on a de la difficulté. Si ces amendements font partie de la loi comme étant des principes qui vont guider, diriger la Loi sur le droit d'auteur, avec tout ce qui s'en vient, avec la documentation et l'accès électronique, il va effectivement y avoir un déséquilibre et les utilisateurs vont payer le prix, ainsi que les étudiants dans les universités et les citoyens dans les bibliothèques publiques.

Je le répète, nous n'avons pas d'intérêt pécuniaire dans cet exercice. Nous avons des budgets d'acquisition, nous achetons de la documentation et quand nous commençons à fragmenter nos budgets d'acquisition, ce sont des livres en moins que nous allons acheter, c'est de la documentation en moins que nous allons acheter pour nos bibliothèques.

La présidente: Est-ce que vous craignez la troisième phase? Si le projet de loi était adopté tel quel, est-ce que vous craignez la troisième phase?

M. Larivière: Bien sûr! Si la phase III est guidée à partir des principes qu'on retrouve dans le projet de loi C-32 tel qu'amendé, il y a des choses pires dans la vie, mais je pense que cela va être un problème sérieux.

Le sénateur Roberge: Quand vous parlez de l'ancienne loi, parlez-vous du projet de loi C-32 tel que déposé initialement?

M. Larivière: Le projet de loi C-32 initial tel que présenté.

Le sénateur Roberge: Sans les amendements.

M. Larivière: Quand on parle d'eau dans notre vin, avant que le projet de loi C-32 ne soit présenté, on a également mis beaucoup d'eau dans notre vin. Le projet de loi C-32 ne nous plaisait pas mais représentait pour nous ce qui nous semblait être un compromis acceptable avec lequel nous aurions pu vivre. Mais les amendements de dernière heure et, encore une fois, les principes que les amendements ont apportés et qui vont maintenant guider la Loi sur le droit d'auteur nous inquiétaient parce qu'on donnait, encore une fois, aux sociétés de gestion collective des pouvoirs énormes. Comme John le mentionnait au niveau des sociétés de gestion collective, je pense que les revenus de ces sociétés leur prescrivent d'aider les auteurs qui, semble-t-il, se trouvent dans des difficultés financières majeures.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: Sauf tout le respect que je dois à mes collègues et pour les questions qu'ils posent, nous ne sommes pas ici à mon avis pour entériner un mauvais texte de loi, et je ne veux nullement laisser entendre qu'il s'agit ici d'un mauvais texte de loi. Vous faites valoir vos arguments et vous êtes libres de décider. Il n'est pas impossible d'apporter des amendements, mais procéder ainsi présente tout simplement des inconvénients et des risques qui n'en valent peut-être pas la peine. Nous avons affaire à autre chose ici. En d'autres mots, si nous adoptons ces amendements, que pourrait-il se produire? Il pourrait y avoir une élection; le projet de loi pourrait être déposé à nouveau, mais il n'aurait peut-être pas à franchir les premières étapes du processus. Tout ce que je veux faire comprendre, c'est que nous pourrions être obligés de répéter tout ce scénario. Je ne pense pas que vous teniez à revivre un processus qui dure depuis 10 ans.

Toutefois, c'est une décision d'une grande importance et c'est pourquoi mes collègues posent cette question. Je ne partage pas l'opinion de ceux qui prétendent que nous devrions faire un choix dans un sens ou dans l'autre, parce que le refus d'agir ainsi est selon moi déjà une décision qui nous revient.

Il y a des choses qui me dérangent ici. Essentiellement, vous dites que le noeud du problème est le fait que ces amendements ont porté atteinte au principe des exceptions ou l'ont annulé, de sorte qu'on ne saurait plus parler d'exceptions. Une exception est refusée dans votre cas.

En ce qui concerne ce problème particulier, vous dites que si l'on en finit avec l'étape deux afin de passer à l'étape trois, en acceptant le principe qu'il n'y aura pas d'exemptions ou d'exceptions lorsque le document est accessible sur le marché, il s'agit d'un handicap qui ne peut pas être redressé dans la phase III, qu'il soit question ou non dans cette phase des reproductions électroniques. Est-ce bien ce que vous dites? Ce sera un monde entièrement différent si nous ne disposons que de matériel numérique. Il ne sera plus question d'utiliser des appareils de reprographie.

M. Larivière: Le principe restera entier. Ce que nous craignons aujourd'hui même est le fait que si, d'une part, on nous dit: «Il y aura des exceptions pour vous. Vous travaillez à obtenir des exceptions. Les voici.» D'autre part, ces exceptions n'existeront plus à moins que...

Le sénateur Spivak: Ces autorisations ne peuvent pas être données à titre d'exemptions. Cela revient à dire que vous ne disposez pas vraiment d'une exemption.

M. Larivière: D'une part, on accepte le principe qu'une exception est quelque chose qui doit être autorisé dans une loi et, d'autre part, on dit que s'il y a une société de gestion, ce principe cesse de s'appliquer.

Le sénateur Spivak: Je dirais que c'est peut-être ce qui convient, d'une certaine manière. Vous demandez ceci: qu'advient-il de l'argent versé aux sociétés de gestion? S'il aboutit dans les grandes maisons d'édition, ou s'il aboutit dans des pays étrangers, alors à quoi tout cela rime-t-il? S'il aboutissait vraiment chez les auteurs, nous pourrions vous dire: «La plupart d'entre vous reçoivent des deniers publics. Donc, nous les contribuables, devons débourser encore davantage pour que les auteurs puissent toucher quelque chose». Ce que vous dites, c'est que les auteurs ne bénéficient pas des sommes versées. À quoi riment ces sociétés de gestion si les auteurs ne bénéficient pas des sommes versées? Ou la raison à cela est-elle le fait que si peu de documents sont d'origine canadienne que la plus grande partie de l'argent quitte le pays?

Avez-vous des chiffres? Pouvez-vous documenter cela? Pouvez-vous dire qu'au Canada, en 1996, les établissements d'enseignement et les bibliothèques ont versé telle ou telle somme et, de cette somme, tel ou tel pourcentage a abouti chez les auteurs et tel ou tel pourcentage a abouti dans les pays étrangers? Ce serait là des renseignements très importants.

M. Tooth: Ce sont des renseignements confidentiels. Andrew Martin de CANCOPY est la personne qui pourrait décider de communiquer ou non ces renseignements. Cette société est un organisme sans but lucratif qui administre cet argent. Elle saurait combien d'argent quitte le pays. Elle saurait quelle formule est employée pour répartir l'argent entre les auteurs.

Le sénateur Spivak: Ces renseignements ne sont pas publics?

M. Tooth: Je ne le sais pas.

M. Richard Ellis, Association des bibliothèques de recherche du Canada: La situation tient au fait qu'il y a une loi. En plus de la loi, il y a une série de contrats. Il y a des contrats entre les éditeurs et les auteurs. La société de gestion conclut elle aussi des contrats. La loi encadre ces contrats ou établit des règles uniformes, ou du moins des règles -- la question de leur uniformité prête au débat.

Les contrats sont des documents privés. Il n'incombe à personne autour de cette table ni aux associations que nous représentons de demander à un éditeur quel pourcentage il verse aux auteurs. Nous ne pouvons pas non plus demander à CANCOPY combien elle envoie aux éditeurs et combien aboutit en fin de compte chez l'auteur. Tout ce que nous savons, c'est que cet argent est versé et que les auteurs ne cessent de dire qu'ils n'en voient pas la couleur.

Le sénateur Spivak: Vous savez quel pourcentage de vos oeuvres aboutissent dans des pays étrangers. Vous pouvez obtenir ces chiffres parce que vous les connaissez. Cela est du ressort de quelqu'un d'autre.

La présidente: Nous comprenons que vous ne les avez peut-être pas avec vous ici.

Le sénateur Spivak: Je ne demande pas de les avoir immédiatement.

La présidente: Vous pourrez nous communiquer ces renseignements.

Le sénateur Spivak: Nous parlons d'équilibre. Il n'y a pas d'équilibre si les créateurs ne touchent rien. Je dirais que votre secteur pourrait verser davantage. En bout de ligne, c'est le contribuable et le secteur public qui devront débourser davantage pour appuyer ce régime. Il y a des allocations pour la prospection pétrolière. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir plus d'argent pour les livres et l'éducation?

Si vous me dites que cela n'aboutit pas chez les auteurs, alors je vous dis qu'il n'y a pas ici d'équilibre et que toutes ces belles paroles à propos d'équilibre sont fausses, si je vous comprends bien.

M. Tooth: Il importe que vous sachiez qu'il n'y a aucune nouvelle injection d'argent dans le secteur.

Le sénateur Spivak: Je le sais.

M. Tooth: Au Manitoba, cette somme de 400 000 $ que nous versons maintenant est tirée directement des subventions pour les écoles. C'est de l'argent que nous leur avons promis et maintenant nous devons le leur retirer pour payer CANCOPY. La situation est la même partout.

Tout compte fait, ce sont là des frais qui s'ajoutent à ceux que les bibliothèques et les établissements d'enseignement payent déjà pour mener leurs activités, des frais que nous acceptons tous de payer, mais pour lesquels nous ne recevons aucun financement. Chaque dollar que je dois consacrer au droit d'auteur est un dollar que je ne peux pas consacrer à l'achat d'un livre.

Le sénateur Spivak: Je comprends ce que vous dites. La solution ne consiste pas à faire en sorte que les auteurs reçoivent moins d'argent. La solution consiste à injecter davantage d'argent dans le système. Je comprends ce que vous dites. N'empêche que c'est ce que nous devons préconiser par principe. Je ne parviens pas à vous expliquer autrement ce que je veux dire. Les auteurs devraient toucher davantage, voilà tout. Ils ne gagnent pas beaucoup d'argent et ils ne reçoivent pas de deniers publics, contrairement à vous, en un sens. Je ne veux pas laisser entendre par là que votre situation et vos doléances ne m'importent guère. J'y suis sensible. J'essaie de comprendre la situation de l'équilibre.

De plus, on ne cesse de nous répéter que le projet de loi original était équilibré et que ces 150 amendements ont brisé l'équilibre. Voilà qui m'inquiète. C'est ce que nous entendons constamment, bien que certains aient laissé entendre que ce n'est pas le cas.

[Français]

M. Larivière: Il faut être très clair. Nous ne disons pas que tous les amendements ont créé un déséquilibre entre les créateurs et les utilisateurs. Ce que nous disons est que certains amendements majeurs, par exemple la définition de disponible sur le marché, ont créé ce déséquilibre. Nous sommes tout à fait d'accord que la grande majorité des modifications étaient mineures, cosmétiques, et nous n'avons aucun problème avec celles-ci. Ce sont les modifications majeures avec lesquelles nous avons de la difficulté.

Le sénateur Spivak: Il y a deux amendements majeurs. Le reste n'est pas important.

M. Larivière: Nous ne disons pas que les 120 l'étaient.

[Traduction]

Je tiens à ajouter que nous aussi, nous voudrions que les auteurs touchent davantage. Nous serons les professionnels les plus heureux au monde si les auteurs reçoivent davantage.

J'espère que dans notre exposé de ce soir, nous avons réussi à vous démontrer que nous ne sommes pas aussi méchants qu'on le dit.

[Français]

Le sénateur Grimard: M. Larivière, je vous remercie beaucoup de votre présentation et de celle de vos collègues. Mais il ne faut quand même pas trop insister quand vous parlez de société sans but lucratif. Les gens qui travaillent dans les bibliothèques sont payés. Il ne faut pas quand même penser au bien-être social et à la charité. Il ne faut pas insister sur ce mot.

Des représentations nous sont souvent faites par des sociétés qui se disent sans bu lucratif. Je ne vais pas pleurer pour cela, je vous l'avoue.

Est-ce que vous étiez présent, monsieur Larivière, lorsque les amendements ont été adoptés à la dernière réunion du comité?

M. Larivière: Non, mais j'ai lu le compte rendu sur le site Internet du Parlement, la séance du 10 et du 11 décembre, plus particulièrement celle du 11 décembre.

Le sénateur Grimard: Monsieur Larivière, vous devez savoir que ces amendements, présentés peut-être à la dernière minute, à la suite de réunions et de discussions, avaient quand même pour la grande majorité été suggérés par les autres organisations, que ce soit les créateurs ou les utilisateurs. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Larivière: J'ai deux choses à vous dire; premièrement, quand je parle de société sans but lucratif, je parle de l'Associations des sciences et techniques de documentation. Je ne prétends pas que ce soit toutes des organisations sans but lucratif.

Le sénateur Grimard: Je l'espère. Pour les bibliothèques, ce n'est pas le cas. On ne peut pas les appeler des sociétés sans but lucratif.

M. Larivière: Malgré le fait que j'aime beaucoup mon travail, le jour où on ne me paiera plus, vous pouvez être sûr que je n'y irai plus. Quant aux modifications et aux amendemements, c'est un fait qu'ils ont été suggérés soit par des organisations, soit par les fonctionnaires qui avaient reçu des représentations. Je n'ai aucun problème avec cela comme je n'ai pas de problème quant au processus. Je n'en fais pas partie et je n'ai pas à me prononcer. Ce que je constate, quand je lis le compte rendu de la séance du 11 décembre, c'est qu'il y a un député qui se plaint d'avoir reçu des amendements à 12 h 25 et qu'à 13 h 35, on lui demande de les discuter et de les voter sans qu'il ait eu la chance de les lire. Je me dis qu'il y a un problème, ou peut-être qu'il n'y en a pas. Je trouve qu'il y avait peut-être un problème.

Le sénateur Grimard: M. Larivière, nous travaillons au présent projet de loi. Lundi, nous serons appelés à suggérer des amendements. Cela va être exactement le même problème. Vous allez nous faire les mêmes reproches parce que nous sommes pressés et vous allez nous faire les mêmes reproches qu'à la Chambre des communes.

M. Larivière: Je n'ai fait aucun reproche. C'est un député qui a fait ce reproche, pas moi.

Le sénateur Grimard: C'est une salade que l'on se fait servir depuis le tout début, le grand reproche qu'on fait au présent projet de loi, c'est qu'il y a eu des amendements à la dernière minute. Vous n'êtes pas le premier à nous le dire. C'est un argument que tous les intervenants aiment nous servir. Je vous dis que l'on sera peut-être obligé de faire la même chose et vous allez nous faire le même reproche.

M. Larivière: Je n'ai jamais fait de reproches. C'est le député. Je vous ai dit que le processus nous avait semblé un peu rapide et à preuve, un député s'en est plaint. Ce n'est pas moi qui me suis plaint des amendements.

Le sénateur Grimard: Est-ce que vous vous plaignez des amendements qui ont été faits à la dernière minute à l'autre endroit?

M. Larivière: Je vous ai dit que nous n'étions pas d'accord pour la disponibilité commerciale. C'est quelque chose qui est arrivé soudainement. Cela fait 10 ans qu'on discute de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Nous avons eu une multitude de réunions avec tous les fonctionnaires, tous les ministres impliqués. Cette notion d'inclure les sociétés de gestion comme étant disponibles commercialement est arrivée soudainement. Je pense que, quand on me dit disponible sur le marché, cela signifie que lorsqu'il y a une licence disponible pour une société de gestion, c'est disponible sur le marché, et je ne peux pas être d'accord. Du strict point de vue de la définition et des conséquences.

Le sénateur Grimard: Je répète la question de mon collègue le sénateur Roberge. Seriez-vous prêts à enterrer le projet de loi si nous ne pouvions pas l'amender, même s'il vous paraît imparfait? Je comprends vos raisons. Je suis d'accord avec vous que rien n'est parfait en ce bas monde.

M. Larivière: Nous disons que nous sommes venus ici pour essayer de vous convaincre que vous devriez considérer sérieusement la possibilité de modifier le projet de loi. Si vous ne pouvez pas le faire, évidemment, ce n'est plus notre responsabilité. Ce sera la responsabilité de ceux qui ont voté ce projet de loi. On aura fait, jusqu'à la dernière minute, ce qu'on peut pour modifier la loi. Nous maintenons que le projet de loi C-32 tel qu'originalement déposé était pour nous un meilleur projet de loi.

[Traduction]

Mme Adams: Je ne supporte pas que les renseignements ne soient pas mis à la disposition du comité. Voici les délibérations qui ont eu lieu cette journée-là. J'en remettrai le compte rendu à votre greffier. Il y en a 46 pages. Jusqu'à la page 13, les travaux du comité suivent leur cours normal. Les amendements sont déposés et sont lus pour le compte rendu. Si on lit le compte rendu, on constate immédiatement que les amendements proviennent de trois sources. Deux de ces sources sont les deux ministères compétents, Industrie Canada et Patrimoine canadien. Il est évident que certains de ces amendements sont le résultat de négociations légitimes entre les deux ministères. Les amendements sont présentés et leur étude se fait selon les règles établies.

Après la page 13, les règles suivies cessent d'être claires. On a l'impression que certains des amendements proviennent des responsables du Patrimoine et non pas été avalisés par les responsables de l'Industrie. Certains d'entre eux proviennent...

La présidente: Je dois vous interrompre et invoquer Beauchesne, qui affirme que le Président doit demander aux membres de ne pas faire des déclarations concernant des personnes de l'extérieur de la Chambre et qui ne sont pas en mesure de répliquer. Il n'y a personne de la Chambre des communes pour répliquer et, je le regrette, je dois vous interrompre. J'aurais dû interrompre également d'autres groupes. Je regrette de devoir vous interrompre ce soir, mais c'est ce que j'ai trouvé dans Beauchesne.

Il a été question de la Chambre des communes. Nous répétons sans cesse que nous sommes autonomes et que nous pouvons nous occuper de ce projet de loi sans revenir sur ce qui s'est passé dans la Chambre des communes.

Le sénateur Spivak: À mon avis, il ne s'agit pas ici d'une attaque personnelle visant un député quelconque. On veut simplement nous expliquer comment les choses se sont déroulées au comité. Le ministre viendra témoigner ici à nouveau et nous pouvons convoquer à nouveau n'importe quel fonctionnaire.

La présidente: Inutile d'éplucher toutes les notes.

Le sénateur Spivak: Si vous interdisez ces renseignements, qui comptent parmi les choses les plus importantes que nous avons entendues aujourd'hui, le comité ne disposera pas de tous les renseignements nécessaires.

La présidente: Inutile de lire tous les débats de la Chambre des communes.

Le sénateur Spivak: Ce n'est l'intention de personne. Ce n'est pas ce qui nous intéresse ici, je crois.

La présidente: Ce qui nous intéresse, c'est le projet de loi dont nous sommes saisis. Si c'est ce que souhaitent les membres, je laisserai Mme Adams lire le procès-verbal. Je m'en remets à vous, mais je tiens à vous signaler que d'après Beauchesne, il ne nous appartient pas de discuter de ce qui s'est fait à la Chambre des communes. Si Beauchesne a tort, qu'on me le dise.

Le sénateur Adams: Nos témoins de ce soir ont-ils comparu devant le comité de la Chambre des communes et présenté des exposés semblables concernant le projet de loi C-32?

M. Larivière: Oui. Nous y avons bel et bien fait un exposé, mais il est intéressant de noter que nous n'avons pas abordé la définition de «accessible sur le marché» parce qu'à l'époque, nous l'acceptions.

Sans vouloir nous plaindre, nous disons que nous n'acceptons pas la nouvelle définition. Le projet de loi original convenait et nous n'avions pas d'observation à formuler à ce sujet.

[Français]

La présidente: Ce n'est pas parce que je veux vous arrêter de parler. Nous avons devant nous un projet de loi adopté par la Chambre des communes. Je sais quelle est la réaction de mes collègues lorsqu'on discute du Sénat à la Chambre des communes. C'est inacceptable, ce que l'on peut entendre quelquefois à la Chambre des communes sur le Sénat. Je pense que l'on ne peut pas rendre la pareille. Ce n'est pas faisable. Je vous cite Beauchesne.

M. Larivière: Je veux être très clair sur les commentaires que mes collègues et moi avons pu faire.

La présidente: Je parle de citer le procès-verbal. On ne va pas commencer à reprendre tous les procès-verbaux.

M. Larivière: Je suis tout à fait d'accord. Nous ne commentons pas sur ce que les gens ont dit. Nous commentons sur le processus et spécifiquement sur la façon dont des amendements ont été apportés à la dernière minute. Nous faisons un commentaire.

La présidente: Disons que c'est fait. Nous avons entendu.

M. Larivière: On m'a questionné sur cela, alors je vous ai répondu.

La présidente: Je le sais.

[Traduction]

Le sénateur Adams: Selon vous, quel sera l'effet de toute la nouvelle technologie sur les bibliothèques dans tout le pays?

M. Tooth: Nul doute que pour les bibliothèques, Internet et l'information électronique constituent un outil important dans notre arsenal d'outils nous permettant de diffuser l'information. Nous n'y voyons pas une panacée, mais ils sont certainement une nouvelle source d'information qui jusqu'ici était en grande partie limitée au milieu universitaire.

Si l'on inclut les bibliothèques scolaires, il y a environ 17 500 bibliothèques au Canada. Nous avons déjà conclu des accords avec CANCOPY. Depuis 1992, nous payons très cher le droit d'utiliser le matériel protégé par le droit d'auteur.

Nous demandons quelque chose en retour pour que nous puissions parvenir à un équilibre entre le devoir de verser des sommes aux sociétés de gestion pour l'utilisation de leur matériel et le droit des citoyens d'utiliser les bibliothèques et d'utiliser le matériel protégé par le droit d'auteur.

Le matériel protégé par le droit d'auteur n'a pas été créé à partir de rien. Il a été créé pour créer de la richesse. Nous avons déjà convenu que les bibliothèques doivent avoir un permis. Elles travaillent en collaboration avec CANCOPY. À l'heure actuelle, les bibliothèques et les établissements d'enseignement financent CANCOPY. Nous ne savons pas où va cet argent. CANCOPY vous le dira lorsque vous lui demanderez.

Pour nous, les accords conclus avec CANCOPY font partie des choses ordinaires que nous devons faire pour mener nos activités. C'est ce que vous nous avez imposé en 1988 lorsque vous avez adopté la première phase de la législation. Vous avez dit aux bibliothèques qu'elles étaient obligées de s'inscrire auprès d'une société de gestion, et c'est ce que nous avons fait.

Depuis 1992, à l'époque où nous avons commencé à payer, nous payons pour tout. J'ai aidé à négocier cette entente. Je n'en suis pas nécessairement fier, mais j'ai été obligé de négocier parce que c'était la loi. Essentiellement, celle-ci entérine le fait qu'on ne sait pas quelles sont les exceptions pour les bibliothèques. Nous convenons qu'à l'heure actuelle, personne ne le sait.

La présidente: Est-ce confidentiel ou pouvez-vous le déposer?

M. Tooth: Vous pouvez l'avoir. CANCOPY a mis au point une convention type et nous nous en inspirons à peu près tous. Nous achetons tous au moyen de celle-ci.

Il a été question d'accessibilité sur le marché. D'abord, nous devons prouver que le livre n'est pas accessible au Canada. Ensuite, nous devons nous adresser à CANCOPY pour obtenir une licence nous permettant de le copier. Nous payons déjà pour le faire. Vous n'avez pas à autoriser une exception pour nous. Nous la payons déjà. Gardez votre exception, si c'est tout ce qu'elle nous permet de faire. Nous n'en avons pas besoin.

En réalité, nous achetons déjà de CANCOPY le droit d'utiliser des appareils de reprographie libre-service. Vous ne pouvez pas nous accorder une exception nous dégageant de toute responsabilité parce que CANCOPY nous l'accorde déjà. Ils nous ont dit essentiellement qu'ils nous protégeraient ainsi que nos appareils de reprographie si quelqu'un nous intente un procès parce que nous utilisons ces appareils. Vous n'avez pas à nous accorder une exception. Nous la payons déjà.

Si vous voulez nous accorder une exception, faites en sorte que CANCOPY n'en soit pas partie, parce que c'est déjà le cas aujourd'hui. Nous obtenons déjà auprès de CANCOPY une licence nous permettant de faire toutes ces choses que vous essayez de nous autoriser à faire par le biais des exceptions, d'abord que nous nous inscrivions auprès d'une telle société de gestion. C'est ce que nous avons fait déjà.

Voilà les chinoiseries que nous essayons de vous expliquer. Ce qui était au début des exceptions raisonnables a été tripatouillé de manière à en faire quelque chose qui ne tient plus debout. Nous nous sommes déjà inscrits auprès de sociétés de gestion; nous payons déjà. Comment pouvez-vous nous donner quelque chose lorsque nous payons déjà? C'est une autorisation fictive.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé des bibliothèques scolaires. Où achètent-elles leurs livres? Les achètent-elles de vous?

M. Tooth: Les bibliothèques scolaires achètent tout leur matériel des éditeurs qui versent une partie de ces recettes à l'auteur qui s'en sert pour assurer sa subsistance. Tout le matériel des bibliothèques scolaires, publiques ou universitaires est acheté de la librairie locale, d'une entreprise de Toronto ou d'un grossiste qui vend de nombreux différents types de livres. On les achète à différents endroits.

Quel que soit le type de bibliothèque où l'on travaille, on dispose toujours d'un budget pour acheter ce qu'il faut. Ma bibliothèque a un budget de 100 000 $ pour acheter le matériel et c'est avec cela que j'achète tous les ans des livres, des périodiques et ainsi de suite. Toutefois, je dois prendre une partie de cette somme pour payer ma licence CANCOPY.

Je le fais volontiers. J'appuie les écrivains, tout comme vous. Ce serait ridicule pour les bibliothèques de ne pas appuyer les écrivains, car les écrivains créent ce que nous utilisons dans les bibliothèques. Toutefois, nous disons que les citoyens du Canada ont eux aussi des droits dans tout cela. Ils ont le droit d'aller dans une bibliothèque et de se servir d'un photocopieur sans être obligés de payer.

La valeur de l'exemption que nous demandons ici ne s'élève pas à un million, à 10 millions ou à 20 millions de dollars. Il est question ici de très peu d'argent. C'est en grande partie strictement une question de principe. Ces photocopieurs libre-service ne feront perdre pas un sou à quiconque. C'est tout simplement inacceptable sur le plan philosophique.

Lorsqu'une bibliothèque veut remplacer un livre, elle doit l'acheter localement et, si elle veut le copier, elle doit payer CANCOPY. Cinq ans plus tard, après avoir payé deux fois, il se peut que nous remplacions le livre. Cela ne tient pas debout de nous obliger à procéder ainsi.

Ce n'est pas une activité où des millions de dollars sont en cause. Ce serait ridicule de le prétendre.

[Français]

Le sénateur Poulin: Je vous remercie de votre excellente présentation et de celles de vos collègues. Le représentant du Canadian Copyright Institute a comparé plus tôt l'achat ou le privilège que nous avons au Canada d'avoir accès à des idées et à des écrits au privilège que nous avons d'entrer dans une épicerie et de choisir ce que nous allons manger. Quand on sort de l'épicerie, on passe à la caisse. Les idées, c'est moins évident que la nourriture. Cela a toujours été très accessible facilement. Je suis très heureuse d'entendre le représentant des bibliothèques dire que c'est très important de dédommager les écrivains et les penseurs de leurs écrits et de leurs pensées.

Il y a une chose que je ne comprends pas; j'étais sous l'impression que CANCOPY n'avait pas eu, dans les licences des écoles de l'Ontario, d'augmentation depuis deux ans. Vous avez dit plus tôt qu'il y avait eu une très grosse augmentation de la part des écoles et de la part des bibliothèques publiques.

Ai-je mal compris? L'information que vous nous avez donnée contredit ce que ce nous avons reçu de CANCOPY.

[Traduction]

M. Tooth: Il y a eu un hiatus d'environ un an ou un an et demi dans le cas des ententes concernant l'Ontario. Cette province a dit essentiellement: «Nous n'allons pas payer. Le montant que vous demandez est trop élevé.» Pendant cette période, CANCOPY et le ministère de l'Éducation de l'Ontario ont essayé de négocier un moyen de contourner les exigences de CANCOPY. Ils sont parvenus à s'entendre. Aujourd'hui, l'Ontario participe à nouveau au régime.

Pendant cet intervalle, c'était l'anarchie en Ontario parce que chaque conseil scolaire, chaque division, chaque groupe devaient demander une licence. Certaines écoles pouvaient faire des copies, d'autres ne le pouvaient pas. Certaines pouvaient copier un chapitre, d'autres pouvaient copier cinq pages. Il y avait un fouillis d'ententes. À un moment donné, l'Ontario et CANCOPY ont fini par s'entendre pour créer une licence.

Le sénateur Poulin: Combien la bibliothèque moyenne verse-t-elle chaque année à CANCOPY?

M. Tooth: CANCOPY organise ses activités par secteur. Par exemple, il y a le secteur des écoles, le secteur de l'éducation secondaire et le secteur des entreprises. Ils établissent des modalités pour tous ces secteurs. À un moment donné, il n'y aura plus personne à l'extérieur du régime et tout le monde paiera.

Dans le cas du secteur des écoles, on paye pour le photocopieur de la bibliothèque de l'école et aussi pour le photocopieur du bureau. Il s'agit de faire le total et c'est ce qu'il faut payer.

De nombreuses divisions scolaires au Manitoba réclament les crédits correspondants parce qu'elles prétendent qu'il s'agit d'apprentissage fondé sur le matériel didactique. Elles affirment qu'il s'agit d'une situation où un enseignant utilise toutes sortes de matériel protégé par le droit d'auteur dans sa classe pour que la matière soit plus intéressante, plus moderne et plus à jour. L'apprentissage fondé sur le matériel didactique se fait en utilisant non seulement des livres, mais aussi des périodiques. Bien souvent, un enseignant veut faire distribuer 25 exemplaires d'un article de Maclean's.

Impossible d'isoler la reproduction qui se fait de part et d'autre. On réunit celle effectuée au moyen du photocopieur de la bibliothèque et celle effectuée au moyen des photocopieurs situés dans les bureaux et on calcule la somme à verser. De nombreuses écoles et divisions scolaires vont chercher le montant total dans le compte de la bibliothèque parce qu'il s'agit selon elles simplement d'une autre forme d'acquisition pour la bibliothèque. En d'autres mots, plutôt que de payer pour 25 exemplaires de Maclean's, ce qu'aucune école ne voudrait ou ne pourrait faire, on tirera 25 copies de l'article. C'est ainsi que l'on s'entend avec CANCOPY pour reproduire l'article en 25 exemplaires.

Pour réunir tout ce qui se fait ici et là et calculer le chiffre nécessaire, il faut employer une formule fort compliquée.

Au Manitoba, nous sommes parvenus à une entente selon laquelle nous ne payons que 2 $ par étudiant. CANCOPY nous a persuadés d'accepter cet arrangement.

CANCOPY procède à des échantillonnages de la reprographie. Ils peuvent savoir combien de copies ont été tirées et quelles oeuvres ont été photocopiées. Est-ce Farley Mowat ou Margaret Laurence? Ils ont ces renseignements.

Lorsqu'ils viendront témoigner plus tard dans vos audiences, vous pourrez les interroger là-dessus.

Le sénateur Poulin: Donc il s'agit de 2 $ par étudiant par année?

M. Tooth: Oui. Au Manitoba, cela représente 400 000 $. En Ontario, cela représente 4 millions de dollars. La Saskatchewan compte environ 200 000 étudiants. C'est donc une autre somme de 400 000 $. En Alberta, le montant s'élève sans doute aux alentours de 600 000 $ parce que les étudiants sont plus nombreux.

Ce sont des sommes importantes. Elles proviennent directement des budgets scolaires. Bien souvent, cet argent est tiré du budget de la bibliothèque de l'école.

Le sénateur Poulin: Ne voyez-vous pas matière à réflexion dans le fait que le montant s'élève à 2 $ par étudiant alors qu'il s'élève à seulement un sou par auteur?

M. Tooth: Vous devez demander à CANCOPY où va l'argent. Nous n'avons pas ce renseignement. Tout ce que nous savons, c'est qu'il y a beaucoup d'argent qui est perçu et que personne ne s'enrichit.

[Français]

M. Larivière: J'aimerais ajouter quelque chose sur cette question des photocopies dans les bibliothèques scolaires et même universitaires, pour démontrer également que les bibliothécaires et les associations de bibliothèque également: lorsque nous avons négocié avec CANCOPY, nous l'avons fait de bonne foi. Je suis convaincu que 95 p. 100 de ce qui ce photocopie dans nos bibliothèques est défendable à partir de l'utilisation équitable. CANCOPY n'accepte pas cela, mais nous en sommes convaincus.

Il y a une possibilité dans la loi, selon l'utilisation équitable, qu'un individu peut, aux fins d'étude privée ou de recherche, faire des copies tout à fait personnelles. On laisse entendre que les bibliothèques font des photocopies sur une base industrielle en copies multiples, ce qui est tout à fait faux. Ce sont des individus qui prennent un document sur les rayons, vont faire des copies personnelles dans le cadre d'un devoir et conservent cette copie. Ils ne la vendent pas à des collègues. Nous ne nous sommes pas entendus avec CANCOPY à ce sujet. On est arrivé avec 2 $ par étudiant et au niveau des universités, c'est plus que cela, c'est 2 50 $. Il y a quand même de la part des bibliothèques une bonne volonté face aux sociétés de gestion.

C'est pour cela que nous réagissons un peu mal lorsque l'on veut incorporer les sociétés de gestion jusqu'au maximum.

Le sénateur Poulin: Je me rends compte, ayant été sous-ministre et ayant travaillé avec l'ancienne Loi sur le droit d'auteur quand j'étais réalisateur, il y a 25 ans, à Radio-Canada, que le problème, ce n'est pas la législation. Ce ne sont même pas les changements à la législation actuelle. C'est la réglementation qui va suivre. Ce serait peut-être une responsabilité que vous aurez à assumer dans les prochaines étapes pour simplifier le système parce que le vrai coût n'est pas en dollars, il est dans le temps-personne, dans l'application de la législation.

M. Larivière: C'est également la négociation entre les éditeurs et les auteurs, ce à quoi nous n'avons pas participé. Encore une fois, vous avez l'exemple de la Conférence canadienne des arts qui a mentionné plus tôt le sujet de l'épicerie.

J'aimerais dire que lorsque l'on va dans les librairies pour acheter des livres, on ne les vole pas. Quand on sort de l'épicerie, notre panier est plein de nourriture. Dans les librairies, il est plein de livres. Si on paie la nourriture en sortant de l'épicerie, on paie aussi nos livres en sortant de la librairie. C'est exactement la même chose pour nous.

Le sénateur Poulin: La différence entre le livre et la boîte de céréales, c'est que le livre ne se vide jamais. La boîte de céréales, elle, se vide. Il faut en acheter une autre.

M. Larivière: Remarquez bien que s'il y a des nouvelles éditions, on en achète d'autres. Quand des exemplaires disparaissent, on en achète d'autres également.

La présidente: Avez-vous des commentaires pour terminer?

M. Larivière: Non.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, on nous demande d'autoriser le budget du sous-comité des communications pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998. Le montant total s'élève à 51 700 $. Je crois qu'il y en a parmi vous qui ont pu examiner le budget

Le sénateur Poulin: Selon moi, nous avons été très raisonnables et réalistes, et nous espérons que le montant sera suffisant pour nous permettre d'entreprendre les travaux de recherche que nous jugerons utiles.

Le sénateur Forrestall: Je propose l'adoption du rapport.

La présidente: Êtes-vous d'accord, sénateurs?

Des voix: D'accord.

La présidente: Nous accueillons maintenant la Canadian Recording Media Association et l'Association des consommateurs du Canada.

[Français]

L'Association des consommateurs du Canada a une heure quinze minutes pour faire sa présentation et répondre aux questions. Vous avez tous l'habitude de ces commissions ou de ces comités. J'aimerais d'abord que vous fassiez la présentation des membres. Vous avez sûrement décidé qui prendrait la parole le premier et qui suivrait. Quelqu'un voudrait débuter?

Mme Gail Lacombe, présidente de l'Association des consommateurs du Canada: Madame la présidente, l'Association des consommateurs du Canada vous remercie de nous permettre de vous entretenir du projet de loi C-32 concernant les amendements de la Loi sur le droit d'auteur.

Je suis la présidente nationale de l'ACC à titre bénévole. Madame Marnie McCall est notre directrice en recherche sur les politiques et est directrice exécutive par intérim de l'association.

L'ACC fondée en 1947 fonctionne grâce à une organisation nationale de bénévoles répartis à l'intérieur de tout le Canada. Depuis déjà 50 ans, l'ACC veille sur les intérêts des consommateurs canadiens auprès des gouvernements, industries et commerces en plus de les informer sur leurs droits et leurs responsabilités.

Vous pourrez le voir davantage en consultant les documents que nous venons de vous distribuer. Sans plus de préambule, je demande donc à notre directrice, Mme Marnie McCall, de vous présenter un sommaire des commentaires de l'ACC à propos du projet de loi C-32.

[Traduction]

Mme Marnie McCall, directrice, Recherche en matière de politiques, Association des consommateurs du Canada: Bonsoir, mesdames et messieurs. Notre exposé aujourd'hui se limitera à la proposition visant à imposer une redevance sur la vente des supports d'enregistrement vierges.

Je tiens à dire publiquement que l'Association des consommateurs du Canada appuie les efforts déployés pour renforcer les industries culturelles du Canada, et c'est là l'un des principaux objectifs de ce projet de loi. À maintes reprises, nous avons exhorté le gouvernement fédéral d'appuyer directement les industries de la création, d'une manière transparente, et en adoptant des mesures qui ne limitent pas les choix du consommateur.

L'ACC veut aider à assurer la validité de la culture canadienne, mais elle s'oppose à cette redevance. Il s'agit selon nous d'une proposition viciée. Il faut féliciter le gouvernement des mesures qu'il prend pour renforcer les industries culturelles du Canada, et l'ACC approuve tout à fait cet objectif. Toutefois, à notre avis, on fait fausse route si on cherche à l'atteindre au moyen d'une taxe invisible échafaudée d'une manière qui pénalise aussi bien le consommateur de bandes sonores qui respecte la loi que celui qui viole le droit d'auteur, et qui fausse le marché et crée une discrimination entre les groupes d'auteurs, d'artistes et de producteurs fondée sur le support qu'ils emploient pour s'exprimer.

Nos raisons de penser ainsi sont expliquées en détail dans notre mémoire, et je vais me limiter ici à quelques observations.

Cette proposition repose en grande partie sur la supposition que la grande majorité des bandes vierges que les gens achètent servent à l'enregistrement illégal. Certains ont sans doute déjà dit au comité qu'on estime que 39 millions des 44 millions de bandes vendues dernièrement au Canada au cours d'une année ont servi à «l'enregistrement à domicile» d'oeuvres préenregistrées protégées par le droit d'auteur, et étaient donc des enregistrements illégaux.

Le bon sens nous dit qu'un tel chiffre n'est sans doute pas exact. Comme nous le signalons dans notre mémoire, les bandes magnétiques en cassette format ordinaire peuvent se prêter à toute une gamme d'utilisations parfaitement légales: collecte de nouvelles, enseignement, procédures juridiques, recherche et composition, répétitions, enregistrements professionnels, communications personnelles et, bien sûr, enregistrement de témoignages comme nous le faisons aujourd'hui. Bien souvent, vos délibérations sont enregistrées -- vous êtes vous aussi utilisateurs de bandes vierges.

Outre ces utilisations, les bandes vierges sont employées par les stations de radio pour répondre aux exigences du CRTC, par le Parlement et par les assemblées législatives -- comme je viens de le mentionner -- par les services de contrôle de la navigation aérienne, par la police et par les services d'intervention d'urgence. Les enregistrements que je viens d'énumérer peuvent à l'occasion se faire au moyen de magnétophones à bobines ou de bandes informatiques, mais les quantités de bandes magnétiques en cassette qu'utilise le système juridique à lui seul au Canada donnent à penser que les chiffres qui ont été mentionnés plus haut devraient être traités avec la plus grande prudence.

Ces faits sont importants parce que si la supposition selon laquelle presque 90 p. 100 des bandes vierges sont achetées à des fins d'enregistrement «illégal» d'oeuvres protégées s'avère inexacte -- et nous sommes persuadés que c'est le cas --, la raison d'être de cette redevance est gravement compromise. On a tort de vouloir établir une politique en mettant dans le même panier les consommateurs de bandes entièrement innocents et respectueux de la loi et les «voleurs».

J'en viens donc à l'objection suivante, qui se trouve en fait en tête de liste dans le mémoire. La redevance -- puisqu'elle s'applique à tous les consommateurs de bandes quels qu'ils soient et quel que soit l'usage qu'ils en font -- est en fait une taxe. Nous payons tous des impôts même si nous n'utilisons pas tous les services que l'argent que nous déboursons permet d'offrir. Dans le cas qui nous intéresse, quiconque achète un support d'enregistrement vierge paiera la redevance, quelle que soit l'utilisation que l'on fera du support.

Cette redevance, en plus de constituer vraiment une taxe -- c'est du moins ce que l'on peut prétendre en la voyant agir -- est une taxe invisible. Prélevée au point d'importation ou de fabrication, la redevance devient enracinée dans le prix. C'est tout comme l'ancienne taxe sur les ventes des fabricants. La TPS et la TVP seront prélevées non seulement sur le prix de la bande mais aussi sur cette redevance qui est comprise dans le prix. C'est une taxe en cascade. C'est comme payer de l'intérêt sur l'intérêt lorsque l'on n'acquitte pas tout le montant d'une carte de crédit à la fin du mois. Les sommes ne font que s'accumuler.

Que doit-on en conclure dans le cas du consommateur moyen? Une bande sonore vierge de 60 minutes coûte aujourd'hui en moyenne environ 1 $. Ce pourrait être 90 cents, selon des chiffres que j'ai vus aujourd'hui. Si la redevance s'élève à 37 cents ou 38 cents, comme certains le proposent, il faut ajouter ce montant à la TPS et à la TVP. En Ontario, cette bande sonore coûtera donc entre 1,57 $ et 1,60 $ -- en supposant que la redevance est ajoutée au niveau du détail. En réalité, la redevance est ajoutée au niveau de l'importation ou du fabricant. Plus il y a d'intermédiaires, plus la TPS et la TVP s'accumuleront en cours de route. Le consommateur qui achète la bande vierge paiera le montant total.

Il s'agit d'une augmentation d'au moins 60 p. 100 par rapport au prix de détail moyen d'une bande ordinaire. Si la bande coûte 1 $ et que vous payez une redevance de 37 cents ou de 38 cents et ensuite la TPS et la TVP sur le montant total, vous finissez par verser 1,57 $ ou 1,58 $. Il s'agit d'une augmentation d'environ 60 p. 100 au niveau du détail.

Le sénateur Roberge: La TPS est-elle calculée seulement sur les 37 cents?

Mme McCall: C'est l'exemple que je vous donne, si on ajoute les 37 cents au niveau du détail.

Le sénateur Roberge: La TPS n'est pas comprise?

Mme McCall: En effet. C'est 1 $ taxe non comprise. C'est 1 $, plus la redevance, plus la taxe. Cela fait 1,60 $, mais la redevance sera appliquée à une étape antérieure. Si la bande passe entre les mains d'un importateur, puis d'un grossiste, puis d'un distributeur et, enfin, d'un détaillant, la TPS et la TVP s'accumuleront d'un intermédiaire à l'autre.

Le sénateur Forrestall: Nous allons vous demander de nous l'expliquer plus tard.

Mme McCall: La ministre a elle-même reconnu que cette redevance coûterait aux consommateurs environ 12 millions de dollars par an, et ce, sans qu'on ait aucune espèce d'assurance que les artistes canadiens vont vraiment avoir accès à cet argent.

Vous avez déjà entendu parler -- sinon, vous allez en entendre parler -- des conséquences éventuelles de cette loi, qui s'appellent achats outre-frontière, contrebande et ventes sur le marché gris de bandes vierges permettant de se soustraire à la redevance. Nous en discutons aussi dans notre mémoire; par conséquent, je ne vais pas en parler ici, sauf pour dire qu'une augmentation de 60 p. 100 -- si vous acceptez mon chiffre -- du prix de détail d'un article est le meilleur moyen d'inciter les gens à se le procurer au rabais.

Pour ce qui est de l'impact de cette proposition sur les industries culturelles, on doit se demander pourquoi, si une redevance sur les supports d'enregistrement est considérée comme un bon moyen d'aider les Canadiens qui travaillent dans ces industries, la redevance proposée ne s'applique pas aussi aux supports d'enregistrement vidéo et, sous peu, aux supports d'enregistrement informatiques. Vous connaissez déjà quelques-unes des façons très compliquées dont cette proposition établit une distinction entre les artistes, et nous en décrivons aussi quelques-unes dans notre mémoire. Un système d'indemnisation qui se demande, non pas si vos droits sont violés, mais comment ils le sont, n'a aucun sens.

La redevance, peu importe son taux, peut aussi être préjudiciable à l'industrie de l'enregistrement elle-même. En effet, si elle fait augmenter le prix de détail de la bande vierge d'au moins 60 p. 100, elle va probablement aussi faire augmenter le prix de gros d'environ 100 p. 100 parce que vous ajoutez la redevance de 37 ou 38 cents au prix de gros de la bande.

Les studios d'enregistrement et les reproducteurs de bandes achètent en gros les bandes sur lesquelles ils enregistrent les oeuvres exécutées. Leur produit est une bande sonore préenregistrée. Comme il n'y a pas d'équivalent au crédit de taxe sur intrants de la TPS, la redevance s'appliquera encore à cette bande, même si elle deviendra un document préenregistré et ne servira pas à reproduire illégalement ce document.

Le prix plus élevé des bandes peut mettre les premiers enregistrements hors de portée des nouveaux artistes et peut aussi en fait éliminer quelques petits studios. Si cette loi a pour objectif de venir en aide au secteur culturel, ce n'est sûrement pas le meilleur moyen de l'atteindre.

En résumé, l'Association des consommateurs du Canada s'oppose à cette redevance parce qu'elle est structurée comme une taxe invisible; elle pénalise le consommateur respectueux de la loi autant que celui qui viole le droit d'auteur; elle peut provoquer une grave distorsion du marché; et, ce qui est important pour une mesure qui prétend aider les artistes canadiens, elle établit une distinction entre les groupes d'auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs en fonction de leur moyen d'expression.

Au nom de l'ACC, des consommateurs canadiens et des industries culturelles canadiennes, nous vous exhortons à ne pas adopter cette proposition. Nous vous remercions de votre attention, et nous répondrons volontiers à vos questions plus tard.

M. Paul Weber, président, Canadian Recording Media Association: Je vais abréger ma déclaration afin que vous ayez le plus de temps possible pour poser des questions. Nous vous avons remis un mémoire écrit détaillé où vous constaterez que les intérêts de notre association se limitent aux propositions du projet de loi C-32 concernant la copie pour usage privé. En termes simples, nous sommes ici dans l'espoir que ce comité, pour paraphraser sir John A. Macdonald, examinera le projet de loi C-32 en toute objectivité et indépendance d'esprit, pour en éliminer toute disposition irréfléchie.

Si les honorables sénateurs daignent faire cela, ce sera la première fois que l'on aura tenu compte ainsi des intérêts de la CRMA.

Certaines personnes vous ont dit que le projet de loi C-32 était l'aboutissement d'années de négociations et de compromis. Ce n'est pas exact, et je vous prie de tenir compte du fait que les membres de la CRMA n'ont jamais été consultés pendant ce processus, même si nos sociétés seront directement et sérieusement touchées si le projet de loi C-32 est adopté.

La ministre du Patrimoine canadien vous a dit que chaque phrase de cette loi est le résultat de négociations et de compromis. À notre connaissance il n'y a jamais eu de négociation et nous n'avons jamais eu l'occasion de faire des compromis. Je vous demande aussi de ne pas oublier qu'il n'y a eu absolument aucun débat quand les dispositions relatives à la copie pour usage privé ont été examinées à l'autre endroit, comme vous le dites.

Pour une raison inconnue, le Comité du patrimoine canadien a expédié l'examen du projet de loi avant Noël lors d'une séance qu'un député que nous connaissons bien n'a pas hésité à décrire comme étant le chaos total. C'était la première que nous assistions à la naissance d'une loi, et ce que nous avons vu n'a pas réjoui les citoyens et contribuables que nous sommes.

Les Canadiens ne sont tout simplement pas au courant des dispositions relatives à la copie pour usage privé du projet de loi C-32. Ils ne savent pas que la ministre du Patrimoine canadien les considère comme des criminels s'ils enregistrent sur une cassette leurs pièces favorites d'un disque compact.

Quand la ministre du Patrimoine canadien vous a dit qu'elle était étonnée de voir qu'il n'y avait pas eu de tollé général contre la redevance visant les bandes vierges, vous auriez pu lui demander ce qu'elle et son ministère ont fait pour l'expliquer aux Canadiens. La réponse est: rien. Après en avoir été informés, notamment grâce à notre intervention à la fin de l'année dernière, les Canadiens se sont opposés massivement au projet de redevance. À la suite de notre campagne d'information publique, qui offrait un numéro de téléphone 800, nous avons reçu plus de 700 appels en deux semaines. Nous avons enregistré ces appels où des Canadiens de toutes les régions du pays clamaient leur opposition à toutes redevances. En novembre, plus de six heures de messages enregistrés ont été remis au bureau de la ministre du Patrimoine canadien. Personne n'a le mandat de créer une redevance visant la copie pour usage privé, bien au contraire.

La copie pour usage privé n'est pas un acte illégal, et les Canadiens estiment avec raison qu'ils devraient pouvoir continuer à faire des enregistrements à la maison pour leur usage personnel, par exemple des cassettes pour leur voiture. Cette pratique est acceptée aux États-Unis et partout ailleurs dans le monde. Les Canadiens croient aussi qu'ils ne devraient pas avoir à payer de redevances quand ils reproduisent des documents qui ne sont pas protégés par le droit d'auteur, citons entres autres les étudiants qui enregistrent leur cours, les législateurs qui enregistrent leurs débats, les églises qui enregistrent des services religieux, et cetera. Comme contribuable je peux vous dire que j'ai été outré de voir que mes impôts vont servir à payer une redevance à l'achat de bandes devant servir à l'enregistrement des débats du Parlement.

Les dispositions du projet de loi C-32 concernant la copie pour usage privé, on le constatera à la lecture de notre mémoire, présentent beaucoup de lacunes. Contrairement à ce que l'on croit généralement, une redevance visant la copie pour usage privé n'apportera pas de l'argent aux artistes démunis. La grande majorité des fonds perçus grâce à la redevance iront aux vedettes et aux multinationales du monde de la musique qui obligent les artistes à céder tous leurs droits. De plus, cette redevance est conçue de manière à exclure les artistes américains, ce qui provoquera un autre conflit commercial entre les États-Unis et le Canada.

Dans son rapport annuel qu'elle a publié il y a deux ou trois semaines, la représentante commerciale des États-Unis se montre très préoccupée par les dispositions du projet de loi C-32 concernant la copie pour usage privé.

Malheureusement, les fonctionnaires de Patrimoine Canada et le lobby du secteur de l'enregistrement et de l'édition musicale ont fait abstraction du montant du droit d'auteur que les consommateurs canadiens paient déjà pour les enregistrements sonores. Même si nous ne pouvons citer que les chiffres de l'industrie de l'enregistrement, nous pouvons conclure que les consommateurs canadiens paient déjà annuellement bien plus que 168 millions de dollars en droits d'auteurs sur leurs achats d'enregistrements sonores, dont un minimum de 33 millions de dollars vont aux compagnies et artistes canadiens.

En outre, l'industrie musicale canadienne peut s'attendre à recevoir environ 10 millions de dollars de fonds fédéraux et provinciaux grâce à divers programmes financés actuellement par nos impôts. Et voilà qu'on demande maintenant aux Canadiens de payer encore davantage, peu importe qu'ils enregistrent ou non des documents protégés par le droit d'auteur, et même s'il reste à prouver que les enregistrements faits à la maison occasionnent des pertes de revenus pour les artistes et les producteurs d'oeuvres musicales. Le revenu brut annuel total de la CRMA est inférieur à 40 millions de dollars et diminue d'environ 15 p. 100 par an. Comparez ce chiffre aux ventes brutes de l'industrie canadienne de l'enregistrement sonore, qui dépasse 700 millions de dollars et sont à la hausse, industrie dont les profits atteignent plus du triple de notre revenu brut.

Beaucoup plus d'exemptions à la redevance proposée seraient nécessaires pour que le grand nombre de personnes et d'organisations qui utilisent des bandes à des fins personnelles ne soient pas assujetties à un système de paiement.

Un moyen simple de régler quelques-uns des problèmes les plus importants, ce serait de modifier la définition de «support audio» et de «support audio vierge» à l'article 79 de façon à exclure les cassettes audio analogiques vierges pour ne viser que les cassettes numériques. Cette modification permettrait de sauver les entreprises déclinantes des fabricants de cassettes audio analogiques membres de la CRMA ainsi que les emplois qu'ils assurent. Cela signifierait aussi que le projet de loi C-32 serait avant-gardiste et en mesure de répondre aux vrais problèmes que va créer la technologie numérique.

L'effet rétroactif des dispositions concernant la redevance nous inquiète tout particulièrement. En résumé, si le Sénat adopte le projet de loi la semaine prochaine, une redevance va commencer à s'appliquer à compter du 1er janvier 1998. Toutefois, le montant de cette redevance doit être établi par la Commission du droit d'auteur, qui, comme l'expérience l'a démontré, prendra jusqu'à deux ans pour approuver le nouveau tarif qui va fixer le montant de la redevance. Par conséquent, des redevances vont s'accumuler d'une façon imprévisible pendant les deux années qui vont s'écouler avant que la commission ne prenne sa décision. Les membres de la CRMA ne pourront pas transmettre la redevance à leurs clients et finalement aux consommateurs, comme le prévoit le projet de loi, pendant cette période initiale de deux ans. Le montant imprévisible des redevances à payer incitera probablement quelques-unes, sinon la totalité, de nos sociétés membres à quitter le secteur du support audio vierge au Canada. Le projet de loi doit être modifié et prévoir que la redevance ne s'appliquera qu'aux ventes faites après la décision prise par la Commission du droit d'auteur.

Nous continuons à penser que toute redevance fixée par la loi devrait s'appliquer aux ventes au détail. Ce serait le meilleur moyen de s'assurer, premièrement, que la redevance est transmise au consommateur, qui est le copieur privé présumé, deuxièmement, que des taxes sur les transactions et les ventes ne viennent pas s'ajouter à la redevance, et, troisièmement, que les activités des trafiquants du marché gris et du marché noir peuvent être réduites au minimum.

Une ébauche du texte de tous ces amendements a été remise au greffier du comité pour que vous puissiez en prendre connaissance.

Notre comparution devant votre comité est notre dernière chance de vous persuader de ne pas adopter une loi qui va être préjudiciable au consommateur et amener davantage de fabricants de supports audio vierges à fermer leurs entreprises. Ce n'est pas là une menace; c'est plutôt une prédiction fondée sur l'expérience de nos membres et un présage de ce qui va arriver. Veuillez prendre note de mes paroles: c'est ce qui va arriver si le projet de loi C-32 est adopté.

Nous répondrons volontiers à vos questions.

Le sénateur Forrestall: Des personnes habituellement dignes de confiance nous ont dit des choses qui diffèrent passablement de ce que vous venez de nous dire. Vous allez devoir nous expliquer clairement votre point de vue.

On nous a dit que probablement 90 p. 100 de 40 millions de bandes, à peu près, sont utilisées illégalement sur le marché gris ou le marché noir. Vous avez parlé des bandes utilisées par les juristes et d'autres professions. Pourriez-vous étoffer un peu vos propos? Parlons d'abord des 40 millions de bandes et disons que 10 millions d'entre elles sont utilisées de façon légitime.

Mme McCall: Je crains de ne pouvoir vous donner le nombre de bandes vierges utilisées dans les tribunaux canadiens.

Je sais par expérience qu'un tribunal peut utiliser sept ou huit bandes par jour. Si vous multipliez ce chiffre par le nombre de tribunaux au Canada, cela fait beaucoup de bandes.

Le sénateur Forrestall: Parlons plutôt du nombre total de bandes vendues.

Mme McCall: Je n'ai pas de chiffres provenant de sources indépendantes. Je veux bien accepter ce chiffre de 44 millions et l'estimation de 39 millions. La difficulté que j'ai, c'est que, peu importe le nombre total, je ne peux tout simplement pas comprendre que 90 p. 100 de ces cassettes servent à violer le droit d'auteur. Cette conclusion n'est tout simplement pas logique si l'on tient compte de tous les autres usages qu'on peut faire d'une bande vierge. Cela défie le sens commun.

Le sénateur Forrestall: Je devrais faire attention. Je ne veux pas dire que les gens les ont utilisées intentionnellement ou délibérément, mais qu'ils les ont utilisées, d'une façon ou d'une autre, pour commettre un acte ou faire quelque chose qui en fait est illégal, qu'ils l'aient fait sciemment ou non. S'il n'y en a que quatre ou cinq millions, vous allez reconnaître que les créateurs de l'article se font bien avoir.

Mme McCall: À condition d'admettre qu'une redevance sur les supports vierges est un meilleur moyen de donner de l'argent aux artistes que de le leur remettre directement.

Le sénateur Forrestall: Ah oui?

Mme McCall: C'est l'hypothèse qu'on fait ici, mais nous, nous croyons que cette hypothèse reste à prouver. Si c'est là l'objectif poursuivi, il faudrait démontrer que d'autres méthodes, comme les subventions versées directement aux artistes ou la hausse des contributions aux organismes subventionnaires, ne permettront pas de donner aux artistes autant d'argent que cette redevance. Je ne crois pas que personne ait réussi à démontrer que c'est là le meilleur des mécanismes. Il nous semble, pour diverses raisons, que c'est pratiquement impossible.

Le sénateur Forrestall: Vous avez dit que les tribunaux les utilisent.

Mme McCall: Les tribunaux les utilisent pour enregistrer les audiences et les débats. Toutes les communications des contrôleurs de la circulation aérienne sont enregistrées sur bandes. Toutes les stations de radio doivent...

Le sénateur Forrestall: Excusez-moi, je suis un peu perdu. Je pense à ces petites boîtes que nous appelons des cassettes. Les bandes que nous avons vues au centre de contrôle d'Edmonton étaient énormes, et de fait ils vont bientôt cesser d'en utiliser.

Mme McCall: Beaucoup de services, comme le 911 ou les contrôleurs de la circulation aérienne, utilisent des bobines en vrac, mais la redevance va aussi s'appliquer à ce matériel. Il s'agit toujours de supports vierges. Le service des achats du gouvernement devra payer la redevance pour toutes les bandes vierges. Elle sera incluse dans le prix qu'il paie pour les bandes, peu importe l'usage qu'on doit en faire.

Je suis avocate. Je sais que les tribunaux utilisent des cassettes pour leurs enregistrements. Certains des systèmes les plus récents utilisent des bobines, mais beaucoup d'entre eux utilisent un magnétophone, dont un greffier change les cassettes en plein tribunal. Seulement à cause de cela le chiffre de 90 p. 100 ne peut tout simplement pas à mon avis être exact.

Le sénateur Roberge: Les bandes utilisées par les avocats sont-elles jetées ou effacées et réutilisées?

Mme McCall: Les tribunaux doivent les conserver longtemps après l'expiration de tous les délais d'appel. Les bandes qu'utilisent les cabinets d'avocats, par exemple pour dicter, sont réutilisées; il y a donc là une forme d'économie. Pour ce qui est des tribunaux, le cycle est très long, si l'on peut parler de cycle.

Le sénateur Roberge: Pouvez-vous nous donner en détail les différents types de bandes et les quantités utilisées chaque année?

M. Rick Bourrier, Canadian Recording Media Association: Permettez-moi d'intervenir une seconde; même si nous présumons que 100 p. 100 des bandes vendues servent à enregistrer des documents protégés par le droit d'auteur, il y a selon nous plusieurs problèmes importants à régler.

Nous croyons que les bandes utilisées pour enregistrer des documents protégés par le droit d'auteur le sont à des fins personnelles. Je veux parler de la personne qui a acheté une oeuvre enregistrée et payé toutes les redevances et qui décide de faire une copie pour tel ou tel autre appareil dans sa maison ou pour sa voiture.

Le sénateur Roberge: Ou pour un ami.

M. Bourrier: Peut-être, mais beaucoup de gens ont un lecteur de disques compacts à la maison et un lecteur de cassettes dans la voiture. Ils n'ont peut-être pas les moyens de se payer un lecteur de disques compacts pour leur voiture, mais veulent quand même y écouter de la musique. C'est ce à quoi servent la vaste majorité des bandes vendues sur le marché. Nous estimons que la redevance a déjà été payée et que ce n'est pas une bonne chose de la faire payer une deuxième fois.

Le sénateur Forrestall: La question de la taxe me surprend un peu. Si le prix de gros est 1 $ et que nous ajoutons une redevance de 40 cents, cela fait 1,40 $. Nous ajoutons ensuite la TVP, ce qui fait grimper le prix à 1,61 $.

C'est du vol. Nous avons tous été arnaqués par les gouvernements au fil des ans. J'aimerais bien qu'ils se retiennent un peu. Je soupçonne qu'ils ont tellement d'argent enfoui dans leurs coffres qu'ils ne savent pas quoi en faire.

À qui vont ces 40 cents? Pouvez-vous me donner un numéro de boîte postale et un nom?

M. Bourrier: Pour en revenir à ce que nous disions, nous présumons que la redevance est percevable et applicable. À ce stade-ci, de la façon dont la loi est rédigée, elle ne sera pas applicable, et vous venez de dire pourquoi. Le montant de la redevance est disproportionné par rapport au prix de l'article. Si nous vendons un produit 90 cents, plus 37 cents de redevance ou de taxe, cela fait un écart énorme entre le coût de l'article et le montant de la taxe. C'est dans ce genre de situations que naissent les marchés gris ou les marchés noirs. Nous en avons eu la preuve quand la taxe sur le tabac a augmenté. Des gens faisaient le trafic des cigarettes sur le fleuve, et cetera. C'était là des activités illégales dont ces gens voulaient tirer des profits à cause de l'écart qui existait entre le prix de l'article et la taxe. Ils n'hésitaient pas à commettre des actes criminels pour pouvoir faire de l'argent.

Dans la situation actuelle, les gens pourraient le faire d'une façon tout à fait légale. Rien n'empêche qui que ce soit de rapporter de l'étranger une provision de cassettes, puis de les vendre tout en évitant de payer la redevance. Nous ne savons pas quel serait le montant de la redevance, et le marché gris occuperait toute la place pendant une période de deux ans.

Le sénateur Forrestall: Une chose à la fois. Qu'en est-il des 21 cents? Qu'arrive-t-il si le grossiste déclare qu'il va prélever ces 21 cents sur les 40?

M. Bourrier: Quels 21 cents?

Le sénateur Forrestall: Je parle des 21 cents prélevés sur la redevance. L'article a été taxé, et le vendeur doit remettre cet argent au gouvernement. Peut-être qu'il veut le ravoir. Quelle protection y a-t-il dans ce cas-là?

Pour ce qui est des 40 cents, pouvez-vous m'expliquer de quels 40c. nous parlons? La bande coûte 1 $ et la redevance est de 40 cents Cela fait donc 1,40 $. Puis le gouvernement arrive avec sa taxe de 15 p. 100, ce qui fait grimper le prix à 1,61 $.

M. Bourrier: En effet.

Le sénateur Forrestall: Combien d'argent dois-je remettre au percepteur de la redevance?

M. Bourrier: Selon la loi, les importateurs et les revendeurs de bandes vierges doivent remettre la redevance à une société de gestion, à laquelle ils doivent faire rapport.

Le sénateur Forrestall: Que se passe-t-il si je fais une grosse campagne publicitaire et si j'offre une journée sans taxe?

M. Weber: Mais vous êtes un détaillant. Vous ne percevez rien. D'après le projet de loi C-32, vous ne percevez rien des importateurs et des fabricants de ce produit. Quatre-vingt-dix ppour cent des bandes vendues au Canada le sont par nous cinq ici. Il y a cinq joueurs. Il y en a déjà eu sept. Il n'y a pas d'argent là-dedans. La société 3M s'est retirée. Le secteur de la bande analogique est sur son déclin. Il ne lui reste plus que trois ou quatre ans. Le projet de loi C-32 devrait songer à protéger les artistes canadiens et se tourner vers l'avenir. Vous dites à vos amis que personne ne va prendre une bande audio vierge pour reproduire un disque compact et l'offrir à quelqu'un pour 99 cents.

Si vous allez chez un marchand de musique, sénateur, vous verrez qu'il y a 70 p. 100 de disques compacts et 30 p. 100 de cassettes. Certaines oeuvres ne sont même pas disponibles sur cassette, et vous dites au consommateur canadien qu'il ne peut pas faire de copie. Et pourtant, il achète ce produit depuis 20 ans. Qui d'entre nous dans cette pièce n'a pas acheté un jour pour un ami, un membre de la famille ou lui-même un genre de radiocassette à deux compartiments? Il y a de moins en moins de cassettes aujourd'hui; c'est maintenant le règne du disque compact.

En tant que groupe, nous aimerions participer au processus, mais nous n'en avons jamais été informés. Nous voulons bien y réfléchir. Soyez astucieux. Soyez avant-gardistes; adoptez le numérique. La bande analogique est chose du passé.

Le sénateur Roberge: Pourquoi ne pas faire une recommandation? Je vais vous donner un exemple. Si nous présumons que 50 p. 100 des bandes dont vous parlez servent à faire des copies, les artistes qui sont copiés ne reçoivent pas un sou.

M. Weber: Les compagnies de disques leur ont versé 700 millions de dollars en 1996. Nous, nous vendons pour 40 millions de dollars de bandes.

Le sénateur Forrestall: Parlez-vous d'artistes canadiens?

Le sénateur Roberge: Vous parlez des vedettes.

M. Weber: C'est 700 millions de dollars pour les artistes. Il y a dix ans, sénateur, vous auriez eu un bon argument. Aujourd'hui, vu le peu d'années qu'il reste à la bande analogique, cela ne fait aucune différence.

Le sénateur Roberge: Pourquoi restez-vous dans ce secteur s'il doit disparaître dans trois ans?

M. Weber: Nous y restons parce qu'il y a encore une demande, mais cette demande chute. Les cinq sociétés qui occupent 90 p. 100 du marché au Canada vendent moins de 30 millions de cassettes par an. Il y a cinq ans, nous en vendions le triple. Nous en vendions des quantités phénoménales il y a 20 ans, mais nous touchions 10 $ ou 15 $ la cassette. Aujourd'hui, nous touchons 88c. Notre marge de profit par cassette audio est de 10 cents au maximum. Un cent de redevance représente 10 p. 100 de notre marge. Je peux vous assurer à tous ici présents que nous aurons fermé nos portes d'ici au 1er janvier 1998. En tant qu'entreprises, nous ne pouvons pas assumer une redevance de 37 cents.

La bande audio vierge a fait augmenter les revenus et le chiffre d'affaires des artistes, et ce, pendant au moins les dix dernières années.

Si vous êtes un amateur d'opéra et que vous enregistrez un air pour l'écouter dans votre voiture, vous pouvez vous dire: «J'aime cet air. Je pense que je vais acheter ce disque compact.» C'est ce qui fait grossir ce secteur, et non pas l'inverse.

M. Bourrier: Tout le monde accepte ce qui, au départ, était un très bon objectif. Malheureusement, le mécanisme est tel qu'au lieu d'atteindre cet objectif il ne sera profitable à personne. Le système actuel ne permet pas de percevoir de redevance. En outre, il va nous obliger à fermer nos portes d'ici au 1er janvier 1998 parce que nous ne pourrons pas absorber un montant imprévisible de redevances qui vont s'accumuler pendant deux ans. Nous n'avons plus aucune raison sur le plan commercial de continuer à vendre ce produit. C'est malheureusement la réalité devant laquelle nous place cette loi.

Nous sommes dans une impasse. Si nous haussons le prix du produit, le marché gris s'engraisse. Nous ne pouvons pas nous permettre d'assumer nous-mêmes le coût de la redevance, parce que celle-ci pourrait facilement représenter plusieurs fois notre marge brute de profit. Cette loi nous interdit absolument de rester sur le marché.

M. Weber: Sénateur, on pourra toujours acheter des cassettes au Canada. Ma compagnie ou TDK ou Maxell ou Fuji continueront à en vendre, mais il ne s'agira plus alors de sociétés canadiennes qui payent des taxes professionnelles et embauchent des Canadiens. Les cassettes vont entrer au Canada via le marché noir ou le marché gris. On pourra toujours se les procurer ici, mais elles ne seront plus importées par les cinq sociétés de qui vous voulez percevoir cet argent. Et vous ne pourrez plus percevoir de l'argent de ces sociétés. Vous allez percevoir de l'argent de sociétés à numéro qui sont là une journée, puis disparaissent le lendemain pour revenir la semaine suivante sous un autre numéro.

Le sénateur Roberge: Quel pourcentage les cassettes représentent-elles par rapport aux disques compacts?

M. Weber: Trente p. 100.

Le sénateur Roberge: Il y a 30 p. 100 de cassettes par rapport aux disques compacts?

M. Weber: Oui, et elles reculent de 15 p. 100 par an.

Nous sommes ceux à qui vous voulez demander de l'argent, ceux qui connaissent cette industrie mieux que quiconque, et pourtant nous n'avons pas participé à l'élaboration de cette loi. Nous pouvons vous dire quelle en sera l'évolution. Nous pouvons aussi vous dire comment nous pouvons aider les artistes canadiens.

Le sénateur Roberge: Vous n'avez pas été invités à comparaître devant le comité des Communes?

M. Bourrier: Oui, nous l'avons été.

Le sénateur Roberge: Vous avez comparu?

M. Weber: Oui, mais après le dépôt du projet de loi. Nous n'avons participé au processus que pendant neuf mois. Ces cinq sociétés en ont été informées après la deuxième lecture. Le processus a duré cinq ans, et aucune des cinq n'y a participé.

Mesdames et messieurs, cette industrie se meurt, et le projet de loi C-32 va l'achever en moins de deux ans.

Le sénateur Grimard: Vous avez dit dans votre exposé que le gouvernement ne vous a pas consultés. J'avais aussi l'impression que vous n'avez jamais été consultés, mais je crois que vous voulez dire avant la rédaction du projet de loi, n'est-ce pas?

M. Weber: Avant son dépôt à la Chambre.

Le sénateur Grimard: J'ai ici une lettre qui dit que vous n'avez pas été consultés du tout par le gouvernement ou ses fonctionnaires avant la rédaction du projet de loi C-32.

M. Weber: C'est juste.

Le sénateur Grimard: Il y a eu beaucoup de réunions auxquelles ont participé des fonctionnaires de Patrimoine Canada et d'Industrie Canada. Vrai ou faux? Vous avez déclaré que vous n'avez jamais été consultés, mais moi je vous dis que vous avez eu beaucoup de réunions avec Patrimoine Canada.

M. Gregory Kane, conseiller juridique, Canadian Recording Media Association: De quelle lettre parlez-vous?

Le sénateur Grimard: De la vôtre.

M. Kane: Nous disons dans cette lettre que la CRMA n'a pas été consultée avant le dépôt du projet de loi C-32 à la Chambre des communes.

Le sénateur Grimard: C'est ce qui est écrit.

M. Kane: Après le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes, et après son adoption en deuxième lecture, nous avons eu des réunions avec...

La présidente: Nous ne sommes pas devant un tribunal. Le sénateur Grimard veut seulement qu'on réponde à ses questions.

M. Kane: Sauf votre respect, c'est ce que nous essayons de faire. Je voulais simplement savoir de quelle lettre il parlait. Je crois que c'est notre droit.

Le sénateur Grimard: Vous avez donné à mon collègue, le sénateur Roberge, l'impression que vous n'avez jamais eu de réunions. En fait, ce n'est pas vrai. Vous avez discuté de votre problème. Vous avez eu l'occasion d'expliquer votre problème.

M. Kane: Sénateur, sauf le respect que je vous dois, s'il y a un malentendu, permettez-moi de le dissiper. Il n'y a eu aucune réunion avant le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes. Il y en a eu après la deuxième lecture.

Le sénateur Grimard: C'est ce que je voulais savoir.

M. Kane: À ce point-là, le gouvernement s'était engagé, le projet de loi avait été examiné et était devenu une politique, et la possibilité de le modifier était minime.

Le sénateur Grimard: Cela signifie que vous avez pu alors expliquer tout ce que vous nous dites aujourd'hui.

M. Kane: Après la deuxième lecture à la Chambre des communes, oui.

Le sénateur Grimard: C'est ce que je voulais savoir. Ce n'est pas ce que le témoin a dit. Il a dit qu'ils n'avaient jamais été invités à expliquer leur situation.

M. Weber: Sénateur, j'ai participé à ce processus pendant neuf mois. Je suis venu à Ottawa à trois ou quatre reprises pour défendre ma société et mon industrie et les employés qui y travaillent, à cause de quelque chose en quoi je ne crois pas. Je suis venu ici et j'ai pu parler à des gens, mais je peux vous assurer que nous avons expédié de nombreuses lettres pour essayer d'organiser plus de réunions et faire valoir plus vigoureusement notre position, à savoir que c'est ce qui va arriver si ce projet de loi est adopté. J'ai participé à tout cela pendant neuf mois. Notre organisation a dépensé énormément d'argent pour essayer de faire savoir au gouvernement qu'il commet une erreur pour ce qui est des bandes audio vierges.

Vous m'avez peut-être mal compris lorsque j'ai dit que je n'avais pas parlé à suffisamment de gens. Je crois que j'ai raison. Vous croyez peut-être avoir raison vous aussi, mais telle est la situation.

Le sénateur Grimard: Je vous remercie.

Le sénateur Poulin: Quand la CRMA s'est-elle mobilisée?

Mme McCall: Après le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes.

M. Bourrier: C'était en mai ou juin de l'an dernier. Nous avons appris cela comme tout le monde, par les agences de nouvelles. Nous nous sommes rendu compte de la gravité du problème. Nous avons alors mis en place une association et l'avons mandatée de s'occuper de la question.

La présidente: Pour nous, c'est difficile à comprendre, parce que ce projet de loi est en chantier depuis 10 ans. Nous avons du mal à comprendre que votre association n'ait jamais été consultée. Aucun gouvernement ne vous a consulté au cours des 10 dernières années?

M. Weber: Non, madame la présidente, personne.

Mme McCall: Si je puis me permettre, l'idée d'une redevance a fait l'objet de discussions pendant un certain nombre d'années, mais il a toujours été question d'une redevance au niveau de la vente au détail et non de l'importation, de la fabrication ou de la vente en gros.

La présidente: On a donc discuté d'une partie de la question, mais pas de tous ses aspects?

Mme McCall: C'est exact. Cependant, si la redevance était imposée au niveau de la vente au détail, ces gens n'auraient aucune raison de s'inquiéter.

Le sénateur Spivak: Pourquoi un gouvernement mettrait-il en place une redevance qui s'appliquerait uniquement aux cassettes analogiques? Tout le monde sait que la cassette analogique est appelée à disparaître. Pourquoi n'inclurait-il pas tous les genres de support d'enregistrement, y compris la cassette audionumérique, les disques compacts ou que sais-je encore? Je ne peux comprendre cela. Ça semble élémentaire.

M. Bourrier: La loi parle à l'heure actuelle de «support audio vierge» habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores. La définition est très générale. Le problème que cela nous pose en particulier, c'est que la redevance serait de toute évidence perçue sur les supports audio vierges. Le marché s'amenuise rapidement. Le prix de ces supports est assez bas et il y a une énorme différence entre le prix du produit et celui qu'il faudrait demander pour être en mesure de payer la redevance. Cela est destructeur en soit. Nos membres n'auront d'autre choix que de quitter le secteur qui se retrouvera entre les mains de gens qui ne rendraient pas de compte et ne verseraient pas de redevances.

Cela nuit à toutes les personnes en cause. La redevance ne sera pas payée.

Le sénateur Spivak: Est-ce que cela s'appliquerait aux cassettes audionumériques ou est-ce que ce marché est mort? On parle d'une nouvelle génération de disques compacts.

M. Bourrier: Il y a un certain nombre de supports numériques sur le marché à l'heure actuelle. En Amérique du Nord, aucun support n'a encore été adopté avec enthousiasme par le consommateur. Cela viendra dans les quelques prochaines années. Pour l'instant, il y a des produits assez coûteux qui pourraient supporter une certaine redevance et donner aussi du temps aux consommateurs et à l'industrie pour s'ajuster. Cependant, il serait très difficile de l'appliquer systématiquement.

Le sénateur Roberge: Fabriquez-vous les cassettes?

M. Weber: Oui.

Le sénateur Roberge: Au Canada?

M. Weber: Non.

Le sénateur Roberge: Payez-vous un droit d'importation?

M. Weber: Bien sûr.

Le sénateur Roberge: À combien s'élève-t-il?

M. Weber: Il est de 6.9 p. 100 à la frontière sur chaque cassette qui entre au pays.

M. Bourrier: Cela dépend si le produit tombe sous le coup de l'ALÉNA ou non. C'est le cas de certains produits des pays membres qui entrent en franchise. Certains produits ne tombent pas sous le coup de l'ALÉNA, selon l'entreprise membre et le lieu de fabrication du produit.

Le sénateur Roberge: Certaines cassettes tombent sous le coup de l'ALÉNA et d'autres non?

M. Bourrier: En ce qui concerne l'exonération de droits, c'est vrai.

Le sénateur Roberge: Qu'en est-il du nombre important de cassettes que vous utilisez, les plus petites?

M. Weber: Il s'agirait de cassettes analogiques.

Le sénateur Roberge: Constituent-elles la majorité?

M. Weber: Cela dépend du pays où est fabriquée la cassette. S'il est partie à l'ALÉNA, il n'y a pas de droits. S'il s'agit d'un produit fini fabriqué aux États-Unis ou au Mexique, il n'y a pas de droits.

Le sénateur Roberge: Où faites-vous fabriquer les vôtres?

M. Weber: Je les fais fabriquer en Chine.

M. Bourrier: Je crois qu'on peut dire sans se tromper que le droit est versé sur la plupart des cassettes importées au Canada par nos membres.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que vous achetez en gros ou êtes-vous associé à l'entreprise qui les fabrique?

M. Weber: L'usine nous appartient.

Le sénateur Forrestall: Mais vous êtes allé à l'extérieur.

J'aimerais revenir à la redevance qui, selon vous, sonnera le glas de votre industrie en mai.

Qu'avez-vous à proposer pour remplacer cette rentrée de fonds pour les créateurs? Quelle autre solution s'offre à nous?

M. Weber: Le comité n'a pas suffisamment de temps pour discuter des options ce soir.

Le sénateur Forrestall: Nous avons suffisamment de temps pour que vous fassiez part de vos solutions.

M. Weber: Je ne peux vous donner de réponse à cela ce soir. Je peux cependant discuter des amendements à apporter au projet de loi C-32.

Le sénateur Forrestall: Je suis sûr que vous voulez que des amendements soient apportés au projet de loi, mais avez-vous des idées?

M. Bourrier: Vous avez proposé de remplacer les rentrées de fonds. Nous ne parlons pas de remplacer les rentrées de fonds mais plutôt de les augmenter. À l'heure actuelle, ces rentrées n'existent pas.

Le sénateur Forrestall: Ne vous moquez pas de moi. Il est 10 heures du soir et je suis là depuis 7 h 30 ce matin.

M. Bourrier: Je suis désolé. Je ne voulais pas me moquer de vous. L'essentiel, c'est que peu importe ce que nous faisons, il faut que cela puisse porter fruit.

Le sénateur Forrestall: Je parle des rentrées. Par quoi proposez-vous les remplacer?

M. Weber: En rassemblant toutes les parties en cause.

Le sénateur Forrestall: C'est une idée.

M. Weber: Patrimoine Canada réussirait beaucoup mieux s'il considérait l'industrie de l'électronique dans son ensemble et consultait les gens qui savent vers où elle se dirige.

Le sénateur Forrestall: Nous n'avons pas eu de réponse. Je veux savoir si l'un des autres témoins a une réponse. Peut-être n'en ont-ils pas.

Mme McCall: L'Association des consommateurs du Canada est en faveur de la transparence. S'il est jugé souhaitable d'accroître le montant versé aux artistes canadiens, nous proposons alors que cela se fasse le plus directement possible, en augmentant par exemple le montant qui est distribué par les organismes de subventionnaires, comme le Conseil des arts du Canada. Si le système présente des lacunes, il faut les combler pour que tous les créateurs puissent demander de l'aide. Peut-être pourrions-nous accorder une déduction fiscale plus importante pour les dépenses engagées au titre de création ou accorder un stimulant fiscal direct aux créateurs.

Il y a diverses façons qui sont plus directes et qui ne feront pas appel aux services administratifs ou de distribution d'un organisme de perception mais peut-être aux sociétés d'édition ou d'enregistrement qui ont fait céder leurs droits aux artistes. Si vous voulez que l'argent soit versé à l'artiste, donnez-le-lui directement. Cela peut se faire de diverses manières.

Le sénateur Forrestall: Un des autres témoins a-t-il une réponse? Est-ce qu'il existe une solution facile?

Je n'arrive pas à comprendre comment, pendant dix ans, on ne soit pas tombé sur vous, si l'on voulait savoir quelque chose au sujet de votre industrie. Il est clair que ce fut le cas ou qu'on ne vous a pas trouvé. Il est aussi évident que si vous aviez des préoccupations vous auriez su les trouver.

M. Weber: Si nous avions eu des craintes, nous les aurions trouvés, mais nous avions l'impression que la redevance serait imposée au niveau de la vente au détail, que c'est le consommateur qui aurait à choisir.

Le sénateur Forrestall: Vous l'avez dit.

M. Weber: La taxe sur les pneus est perçue auprès du consommateur. Il en va de même pour la taxe sur les systèmes d'air climatisé. Il revient au consommateur de décider de payer ou de ne pas acheter le produit.

[Français]

La présidente: Madame McCall, j'aimerais revenir sur la redevance. Quand vous mentionnez 37 cents ou 38 cents sur un dollar, comment peut-on donner un prix ou le fixer quand c'est la Commission du droit d'auteur qui va fixer la redevance, après avoir consulté tous les gens intéressés? Je suis très surprise que vous mentionniez un chiffre comme 37 ou 38 cents pour un dollar, quand on nous a dit que cela pouvait aussi être 25 cents. Ce n'est pas nécessairement 38 cents. On nous parlait de cela presque comme le maximum. Cela fait bien lorsqu'on l'accolle à un dollar. J'aimerais savoir comment on l'accolle à un dollar.

J'aimerais savoir comment on peut déjà donner un montant de redevance quand cela doit être fait avec la Commission du droit d'auteur avec tous les intéressés. Ce n'est pas nous qui allons fixer le coût. Ce n'est pas vous non plus. C'est la commission qui va fixer le coût des redevances.

[Traduction]

Mme McCall: Je comprends qu'il est nécessaire de passer par la Commission des droits d'auteur. J'ai utilisé ce chiffre parce que c'est celui qu'a donné la ministre à l'automne. C'est le chiffre cité depuis plusieurs années maintenant.

De toute évidence, si la redevance est de 5 cents, c'est différent, et les gens ont peut-être des sentiments partagés à ce sujet. Elle pourrait tout aussi bien être de 50 cents. Nous n'avons aucune idée de ce que la Commission du droit d'auteur décidera. Nous savons seulement qu'elle a l'intention de prendre beaucoup de temps pour trancher.

La présidente: Elle la fixerait toutefois après consultation.

Mme McCall: Elle la fixerait, oui.

La présidente: Elle la fixerait après consultation.

Le sénateur Anderson: Je crois comprendre que 32 pays perçoivent une redevance semblable sur les cassettes analogiques vierges. Est-ce bien le cas?

M. Bourrier: La plupart des pays européens perçoivent une redevance sur les cassettes analogiques vierges.

Dans le cadre des audiences du comité de la Chambre des communes, un membre d'une agence européenne a présenté un mémoire où l'on décrivait essentiellement les problèmes avec lesquels nous sommes aux prises.

Un certain nombre de pays européens ont adopté une redevance et l'ont soit mise en oeuvre soit abandonnée pour les raisons que je vous ai données ici aujourd'hui. Il est très difficile d'avoir un résultat positif net.

Au Canada, la situation se complique du fait que nous avons comme voisins les Américains qui n'ont pas de redevance. Les marchandises passent en franchise à l'heure actuelle entre le Canada et les États-Unis. Il n'existe pas de règlement pour assurer une protection contre ce mouvement des biens.

C'est toujours une situation très difficile aux États-Unis; nous avons l'impression que cela rendra la situation insupportable au Canada.

[Français]

Le sénateur Roberge: Madame Lacombe, j'essaie de savoir qui vous représentez. Il y a quelques semaines, nous avons étudié le projet de loi C-216. Nous avons entendu une autre association des consommateurs du Québec qui avait une position totalement différente de la vôtre. Est-ce que votre association est strictement basée dans le reste du Canada ou si elle comprend aussi le Québec?

Mme Lacombe: Non, je suis présidente de l'Association des consommateurs du Canada, et nous avons une section locale dans la province de Québec. L'autre groupe qui s'est présenté ici est l'Association des consommateurs du Québec.

La seule raison qui me vient à l'esprit pour expliquer leur position est que nous oeuvrons sur la scène nationale alors qu'au Québec, nous sommes protégés contre la facturation par défaut sur presque tout, sauf les télécommunications parce qu'elles sont sous la juridiction du gouvernement fédéral.

Le sénateur Roberge: Vous avez combien de membres au Québec?

Mme Lacombe: Notre bureau provincial?

Le sénateur Roberge: Non. L'association canadienne a combien de membres? Je ne parle pas de l'Association des consommateurs du Québec.

Mme Lacombe: Vous parlez de l'Association des consommateurs du Canada à travers le Canada?

Le sénateur Roberge: Non, au Québec. Parce que l'autre association nous dit qu'elle ne fait pas partie de votre association.

Mme Lacombe: Non, évidemment.

Le sénateur Roberge: Avez-vous des membres au Québec?

Mme Lacombe: J'essaie de comprendre. Je représente l'Association des consommateurs du Canada, qui est le seul groupe au niveau national. Nous ne faisons pas affaire avec les groupes du Québec. Nous avons des bureaux provinciaux dans chacune des provinces, qui représentent l'organisme national qui s'appelle l'Association des consommateurs du Canada.

La présidente: Vous êtes une association nationale canadienne? Tout le monde emploie le terme «national» pour les Québécois.

Mme Lacombe: Oui, effectivement.

La présidente: Vous avez des membres partout à travers le Canada?

Mme Lacombe: Oui.

La présidente: Est-ce que ce sont des associations autonomes?

Mme Lacombe: Non, elles relèvent de notre organisme national.

La présidente: Celle du Québec n'appartient pas à votre association?

Mme Lacombe: Nous avons une association dans la province de Québec, qui s'appelle l'Association des consommateurs du Canada au Québec. Il ne s'agit pas du même groupe qui est venu ici au nom de l'Association des consommateurs du Québec, qui est un organisme uniquement provincial.

Le sénateur Roberge: Eux ont des membres. Vous, avez-vous des membres?

Mme Lacombe: Bien sûr, nous avons des membres. À travers le Canada ou au Québec?

Le sénateur Grimard: À travers le Canada.

[Traduction]

Mme McCall: Au Canada, nous avons à l'heure actuelle quelque 12 000 membres. Je crois qu'environ 2 500 d'entre eux résident au Québec.

En outre, nous avons un nombre à peu près équivalent de donateurs qui ne sont toutefois pas membres. Quelque 5 000 personnes au Québec appuient les objectifs de notre organisme.

[Français]

Le sénateur Grimard: J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi je ne suis pas membre de cette association, parce que ma femme est la plus grande consommatrice au Québec.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie de votre exposé et de vos observations. Les membres du comité les prendront en considération.

La séance est levée.


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