Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 25 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires autochtones s'est réuni ce jour à 17 h 37 pour étudier, en vue d'en faire rapport, la fonction gouvernementale autochtone.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, M. Mel Buffalo, le président de l'Association nationale du logement autochtone, va présenter un exposé au comité. Il va aborder des sujets qui intéressent l'Association nationale du logement autochtone. Je crois comprendre, monsieur Buffalo, que vous allez traiter du problème du logement ainsi que des questions reliées au transfert de pouvoirs dans ce domaine. Le gouvernement a en effet l'intention de déléguer une partie de ses responsabilités en la matière.
M. Mel Buffalo, président, Association nationale du logement autochtone: Oui.
Le président: Je crois que vous souhaitez commencer par la projection d'une vidéo. Vous avez la parole.
M. Buffalo: Monsieur le président, le vidéo que vous allez regarder a été produit par notre groupe de Vancouver. Je représente l'organisation, de la côte Est jusque dans l'Ouest et dans le Nord. Notre organisme estime que cette vidéo décrit bien les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui. Les images et les bandes vidéo sont parfois beaucoup plus parlantes que les mots. Avec votre permission, je vais vous montrer maintenant cet enregistrement.
(Projection d'une bande vidéo)
J'ai récemment envoyé notre mémoire à tous les membres du comité. J'ai également un résumé. J'ai joint ce résumé à mon mémoire. Monsieur le président, j'aimerais avoir votre avis sur la meilleure façon de procéder. Je pourrais lire ce résumé, ce qui prendrait trois à cinq minutes, ou répondre immédiatement à vos questions.
Le président: Commencez par présenter votre mémoire puisque vous avez dit que cela ne prendrait que cinq minutes. Allez-y.
M. Buffalo: Il s'agit du résumé d'un document de l'Association nationale du logement autochtone qui a été transmis il y a quelque temps au comité sénatorial.
Ces transferts menacent le cadre de fonctionnement quotidien qui a été élaboré progressivement avec beaucoup de soins. Avec le transfert de responsabilités en matière de logement auquel le gouvernement procède actuellement les fonds destinés au counselling, les structures administratives culturellement adaptées, et la capacité d'offrir des services connexes ne sont pas protégés.
Dans le discours du budget de 1996, le ministre des Finances, Paul Martin, a annoncé que le gouvernement fédéral allait transférer aux gouvernements provinciaux ses responsabilités relatives aux programmes de logements sociaux existants, y compris le logement autochtone à l'extérieur des réserves, pour ce qui est ententes connexes et des ressources financières. Les autochtones vivant à l'extérieur des réserves considèrent que ce transfert n'est pas justifiable. Ils partent du principe que le logement est un droit ancestral et non pas une simple question sociale. Pour les responsables des services de logement destinés aux autochtones, ce transfert paraît presque incompatible avec l'obligation qu'a la Couronne de respecter la dignité des autochtones, il paraît également contraire aux partenariats établis avec ces responsables et contraire à la politique autochtone fédérale.
Par la voix de ses dirigeants politiques nationaux autochtones, l'Association nationale du logement autochtone invite le gouvernement fédéral à mettre fin à ces transferts et à déclencher immédiatement des négociations avec les organismes autochtones de logement au sujet de l'administration des programmes de logement hors réserves.
Il est essentiel pour la santé et les besoins en matière d'instruction des ménages autochtones qui vivent hors réserves que les organismes de logement urbain leur fournissent des logements satisfaisants et adaptés, à un prix raisonnable. En outre, un logement décent devrait permettre de loger tous les membres de la famille. Cet aspect est particulièrement important dans le cas des familles autochtones étendues qui comprennent bien souvent les grands-parents et de nombreux enfants, qui ne sont pas toujours les enfants naturels des chefs du ménage. Lorsqu'il y a des logements satisfaisants et adaptés, à un prix raisonnable, les anciens peuvent avoir des contacts directs et quotidiens avec les jeunes, et leur transmettre leur langue et leur culture, ce qui renforce la cohésion de la famille et le sentiment d'appartenance.
Le logement peut être considéré comme un droit fondamental de la personne reconnu par le droit international ou un droit ancestral appartenant aux autochtones du Canada. Les ententes et conventions qu'a signées le Canada reconnaissent les principes suivants. Tout d'abord, les autochtones doivent être consultés et participer aux décisions qui touchent leurs droits et qui les concernent. Deuxièmement, les autochtones ont le droit d'obtenir pour eux et leur famille un niveau de vie suffisant, notamment des aliments, des vêtements et un logement. Enfin, ces droits doivent s'exercer indépendamment de toute discrimination, notamment de la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine sociale ou nationale, la propriété, la naissance ou d'autres statuts.
Le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones énonce: «Les peuples autochtones ont le droit de contrôler, d'élaborer et de mettre en oeuvre tous les programmes de santé et de logement, et les autres programmes économiques et sociaux qui les concernent, par le truchement de leurs propres institutions, lorsque cela est possible.» (Article 23)
Au Canada, ces principes internationaux sont, pour la plupart, reconnus par le droit canadien. La Constitution canadienne reconnaît et confirme les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones du Canada. (Article 35) Les tribunaux canadiens ont déclaré que la Couronne doit toujours négocier de bonne foi et dans l'honneur et qu'elle entretient une relation fiduciaire spéciale avec les peuples autochtones. Dans l'affaire Van der Peet, la Cour suprême du Canada a déclaré: «Les droits ancestraux découlent non seulement de l'occupation antérieure du territoire, mais aussi de l'organisation sociale antérieure et des cultures distinctives des peuples autochtones habitant ce territoire.»
Dans l'arrêt Delgamuukw, la Cour suprême a précisé la façon dont les tribunaux doivent examiner les demandes relatives aux droits ancestraux. Ils sont tenus d'examiner principalement la façon dont les terres sont occupées et utilisées selon le mode de vie traditionnel de la société autochtone. En termes concrets, cela veut dire examiner la façon dont cette société utilisait la terre pour vivre, à savoir, pour établir des villages, pour travailler, pour se rendre au travail, pour se rendre sur les terres de chasse, pour pêcher, pour se rendre dans les lieux de pêche, pour célébrer les rites religieux, par exemple. Ces utilisations sont limitées à la façon de vivre traditionnelle de la société autochtone mais elles peuvent s'exercer de façon contemporaine.
Le gouvernement libéral s'est engagé envers les peuples autochtones à travailler avec eux pour résoudre les problèmes en suspens. Lorsque le gouvernement libéral actuel est arrivé au pouvoir en 1993, il avait promis d'agir conformément à son plan d'action contenu dans le livre rouge. En particulier, le gouvernement libéral se déclarait prêt à collaborer avec les autochtones pour élaborer une politique du logement qui confie aux autorités locales la gestion des ressources et qui prévoit l'assouplissement des normes relatives à la conception et à la main-d'oeuvre. (Promesse numéro 172, page 96)
En août 1995, avant de décider de transférer aux provinces la responsabilité dans le domaine du logement social, le gouvernement fédéral a adopté une politique concernant «la mise en oeuvre et le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie», la politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Selon cette politique fédérale, le logement est un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale parce qu'elle concerne «les affaires internes du groupe, les questions faisant partie intégrante de sa culture autochtone distincte et, enfin, tous les éléments essentiels pour lui permettre de fonctionner en tant que gouvernement ou institution.» (page 5)
Dans les instructions qu'il a données à ses négociateurs, le Canada précise que le gouvernement fédéral est disposé à négocier le transfert de l'administration des programmes de la Société canadienne d'hypothèque et de logement aux gouvernements et institutions autochtones tels que prévu par la Loi nationale sur l'habitation et de celles des programmes du MAINC dans les réserves. Le gouvernement fédéral a la possibilité de négocier des ententes avec les métis et les autres groupes non autochtones vivant à l'extérieur des réserves, notamment avec des organismes autochtones urbains, ainsi qu'avec des gouvernements autochtones possédant un territoire.
Tant les gouvernements autochtones des réserves que les groupes vivant hors réserves, notamment les organismes autochtones urbains, doivent participer aux négociations concernant le contrôle du logement autochtone. Il est également évident que l'administration des programmes prévus par la Loi nationale sur l'habitation doit être susceptible de faire l'objet de négociations.
Mon dernier sujet est le suivant: «Le contrôle aux autochtones: une autre solution.» Lors de son assemblée annuelle tenue ici à Ottawa en avril 1998, les membres de l'Association nationale du logement autochtone ont adopté une résolution dans laquelle ils demandaient au gouvernement fédéral de «reconnaître la nécessité de confier aux autochtones un contrôle sur les politiques en matière de logement autochtone.» Les membres ont également décidé que les administrateurs de la NAHA devraient rechercher «[...] le transfert à la NAHA et à ses membres de la responsabilité en matière de logement autochtone.»
Le sénateur St. Germain: Vous parlez ici, monsieur Buffalo, du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et de certains autres droits. Existe-t-il une ambiguïté ou de la confusion au sujet du droit au logement dans les réserves et à l'extérieur des réserves? Pourriez-vous nous fournir quelques précisions? Je reconnais que, dans le cas des réserves, certains droits ont été reconnus, soit par la common law, soit par les précédents. Lorsqu'un autochtone vient de ma province d'origine, la Colombie-Britannique, pour s'établir à Toronto, est-ce qu'il conserve ce droit? Pourriez-vous m'expliquer davantage tout cela? Vous affirmez de façon très catégorique qu'il existe là un droit inhérent. Jusqu'où s'étend ce droit? S'étend-il uniquement au Canada? S'agit-il d'un droit extraterritorial, voilà ce que j'aimerais savoir?
M. Buffalo: Je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question. Selon nous, ces droits existent aussi bien dans les réserves qu'à l'extérieur de celles-ci. Les chefs du Canada et les organisations autochtones ont reconnu le caractère personnel de ces droits. Nous ne laissons pas nos droits à la porte de la réserve, lorsque nous la quittons. Nous croyons que nos droits nous accompagnent où que nous allons. Cela veut dire que, si nous allons dans une ville ou dans un autre pays, comme aux États-Unis, par exemple, nous conservons les droits qui nous appartiennent à titre d'autochtone. Nous conservons tous les droits que possèdent les personnes qui vivent dans une réserve.
De nos jours, l'autochtone qui quitte sa réserve est marginalisé, il est oublié. Il devient un inconnu pour les politiques gouvernementales. On lui dit que, lorsqu'il s'établit en ville, il renonce à tous les droits que lui donnait le fait de vivre dans une réserve. Nous ne pensons pas que c'est ce qui devrait se produire. Nous ne croyons pas que cette politique d'exclusion et d'apartheid devrait continuer à s'appliquer.
Le sénateur St. Germain: Cela est conforme, d'après vous, à une interprétation large de l'article 35 de la charte?
M. Buffalo: Oui.
Le sénateur St. Germain: D'où vous vient ce droit?
M. Buffalo: L'article 35 reconnaît et confirme les droits ancestraux et issus de traités. Cette disposition ne nous oblige pas à vivre dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci. Elle ne prévoit aucune restriction. Si un autochtone s'établit en ville ou dans une autre province, ces droits l'accompagnent. Ils sont inhérents au fait que cette personne est un «Indien», pour reprendre les termes utilisés dans un arrêt fameux, rendu récemment. Dans l'affaire Sparrow, le juge en chef Dickson, décédé depuis, a déclaré que les politiques doivent reconnaître et confirmer la culture et le caractère distinctif des Indiens. Nous approuvons ces principes et ce type de raisonnement.
Le sénateur St. Germain: Je sais que votre situation est difficile. Je comprends que si on vous a obligé à quitter vos terres, et que vous ne pouvez plus vivre sur vos terres, il faut trouver des solutions. Ce qui m'inquiète, ce sont les limites. Il est possible de se demander si l'on devrait reconnaître ces droits mais si l'on vous reconnaît le droit au logement, pourquoi ne pas vous reconnaître un droit en matière de transport? Je suis sérieux. Je vous pose cette question pour savoir exactement quelle est la position de votre organisme. J'essaie de me mettre à votre place.
M. Buffalo: Nous demandons qu'on nous accorde les droits fondamentaux qui ont été reconnus comme tels par le Canada: la nourriture, les vêtements et le logement. C'est pourquoi mon document traite de ces questions. Les autochtones doivent pouvoir exercer ces droits fondamentaux, qu'ils vivent ou non dans une réserve. Je ne pense pas que l'on devrait perdre ces droits pour la seule raison qu'on a décidé de quitter la réserve et d'habiter dans une ville.
Le sénateur Johnson: Monsieur Buffalo, je vous remercie de comparaître devant notre comité. J'aimerais avoir des précisions sur deux aspects. Dites-moi pourquoi le transfert de ces responsabilités aux provinces a de telles répercussions et à quelle étape de ce processus en sommes-nous à l'heure actuelle? Où en est le transfert du programme de logement? Pouvez-vous faire le point sur cette question?
M. Buffalo: Je crois que ce programme n'a pas été encore intégralement transféré dans quatre provinces: l'Ontario, le Québec, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Cela est fait pour les autres. Je vais essayer de décrire la nature de notre problème. Dès que ce programme est transféré aux provinces, ce sont ces dernières qui établissent les règles. Les ressources en matière de logement sont attribuées aux personnes qui en ont le plus besoin. Nous avons constaté qu'on nous a placés avec les autres et qu'habituellement, nous sommes placés en bout de ligne. En théorie, il serait possible que des organismes et des groupes de logement autochtones soient amenés à loger des personnes qui ne sont pas autochtones à cause des politiques provinciales. Le processus d'assimilation se poursuit mais les autochtones sont de plus en plus défavorisés et s'appauvrissent constamment.
Le sénateur Johnson: Vous dites essentiellement que le transfert de ces pouvoirs du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux compromet gravement la qualité de vie des autochtones.
M. Buffalo: Oui, c'est cela.
Le sénateur Johnson: Cet effet se fait-il déjà ressentir dans les provinces qui ont accepté ce transfert?
M. Buffalo: Les membres de la direction de notre organisme qui vivent dans ces provinces nous disent que c'est le cas, parce que les provinces et les territoires appliquent de nouvelles formules et utilisent de nouvelles structures.
Le sénateur Johnson: Il n'y a pas de formule générale? Est-ce qu'un délai a été accordé pour effectuer ce transfert aux quatre provinces qui n'ont encore rien fait à ce sujet?
M. Buffalo: Je crois que c'est l'administration et le ministre qui s'occupent de ces transferts mais nous n'avons pas réussi à savoir quel était le délai prévu. Le principe du transfert est énoncé dans l'Accord de Charlottetown qui prévoit que le logement social doit être transféré aux provinces. L'administration de la SCHL nous a déclaré que c'était là une des raisons à l'origine de cette décision. Le ministre a écrit aux autres députés au sujet des lettres que nous leur avons envoyées. Nous n'avons pas mentionné expressément l'accord de Charlottetown mais nous parlons de la politique du gouvernement qui consiste à transférer aux provinces ses responsabilités en matière de logement social.
Le sénateur Johnson: Les quatre provinces qui n'ont encore rien fait dans ce domaine ont-elles déclenché le processus? Vous avez parlé de l'Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta.
M. Buffalo: Il y a eu des discussions entre le gouvernement fédéral, la SCHL et le ministre du Logement.
Le sénateur Johnson: Ils sont encore en train de négocier une formule, n'est-ce pas?
M. Buffalo: Je crois qu'il demeure des problèmes de financement et de responsabilités entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je sais qu'en fin de compte, le Québec ne souhaite pas s'occuper d'un nouveau programme et être obligé de le financer intégralement. C'est également une des principales préoccupations des autres provinces, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario.
Le sénateur Johnson: Cela n'avance pas parce que les parties ne se sont pas entendues sur la façon de procéder pour ces provinces-là?
M. Buffalo: Nous en sommes réduits aux conjectures parce que nous ne participons pas aux consultations ni aux négociations. C'est ce que nous avons réussi à apprendre grâce aux contacts que nous avons avec les bureaux provinciaux et le gouvernement fédéral.
Le sénateur Johnson: Puis-je vous demander quels sont vos rapports avec les provinces? Est-ce qu'il est facile de communiquer et de dialoguer avec elles? Est-ce que leur position, notamment au sujet de leurs responsabilités, fait problème? Je sais qu'il y a eu des frictions. La situation s'est-elle améliorée?
M. Buffalo: Notre organisme entretient d'excellentes relations avec les gouvernements des quatre provinces qui n'ont pas encore signé. Nous avons pratiquement un accès direct aux ministres du Logement de ces quatre provinces. Par contre, il nous est pratiquement impossible de négocier ou de discuter avec les gouvernements des provinces qui ont signé une entente.
Le sénateur Johnson: Merci, monsieur le président. Je vais en rester là pour le moment.
Le sénateur Adams: Je suis heureux de vous voir, monsieur Buffalo. Je vais revenir un peu en arrière. J'ai constaté directement dans ma collectivité les effets des politiques de la SCHL. Le gouvernement fédéral a commencé à construire des logements dans les collectivités de l'Arctique à partir, je crois, des années 50. Il a construit ce que l'on appelait des «boîtes d'allumettes» pour tous les membres de la collectivité. Le gouvernement a dû penser que nous venions de sortir de nos igloos. Les maisons comprenaient une seule pièce mesurant à peu près 10 pieds de large par 15 pieds de long. Cela devait permettre de loger 10 à 15 personnes. Tous les habitants de la maison étaient obligés de coucher par terre. Il n'y avait pas de chambre à coucher. Voilà comment a commencé le gouvernement.
La SCHL s'est occupée des logements publics dans les territoires entre les années 60 et les années 70. On a lancé un programme d'accession à la propriété autour des années 70. La SCHL a décidé d'offrir une hypothèque sur cinq ans, pour tenir compte des frais d'entretien élevés qu'exigeaient ces maisons. Après cinq ans, l'on était propriétaire d'une maison qui valait 100 000 $. C'était une offre très intéressante. Après cinq ans, on pouvait emprunter à la banque 25 p. 100 de la valeur de la maison. La SCHL garantissait cet emprunt.
Ce programme a été à nouveau modifié il y a quelques années. On parle maintenant d'acquisition d'une maison.
Lorsque le programme d'accession à la propriété a été lancé, les participants ne pouvaient choisir la taille de leur maison. Peu importait que leur famille soit nombreuse. La SCHL fabriquait un modèle et c'est celui-là que l'on obtenait. Voilà comment fonctionnait le système de la SCHL. Personnellement, je n'aimerais pas que ma maison ressemble à toutes les autres.
Ce système ne convenait pas aux familles nombreuses, ni aux familles étendues. Le modèle offert n'était pas suffisamment spacieux pour pouvoir loger une famille nombreuse. Il fallait payer pour ajouter une autre pièce à la maison.
Le programme actuel s'intitule «l'accession à la propriété». Il est possible d'obtenir une hypothèque sur 15 ans avec des versements mensuels d'environ 500 ou 600 $. Il y a également d'autres dépenses à assumer.
Au début du programme d'accession à la propriété, le propriétaire n'avait pas à se préoccuper du coût de l'approvisionnement en eau, en électricité et en huile de chauffage. C'était un excellent système. Aujourd'hui, les gens doivent disposer d'un revenu suffisant pour pouvoir effectuer leur versement hypothécaire, comme cela se fait dans le Sud.
Le premier programme mis en place par le ministère des Affaires indiennes et du Nord était très avantageux. Les gens n'avaient qu'à faire un seul versement. S'ils n'avaient pas de revenu, ils payaient 35 $ par mois. C'était vraiment très avantageux. Tout d'un coup, ils ont été obligés de payer l'eau et l'huile de chauffage. Le programme a changé après cinq ou 10 ans.
À un moment donné, le personnel du ministère, les enseignants et les employés du gouvernement vivaient dans des logements de fonction. Le loyer représentait pour eux environ 25 p. 100 de leur traitement. Aujourd'hui, peu importe le revenu, le loyer a doublé. À une certaine époque, les employés payaient entre 500 et 600 $ par mois. Ce montant est maintenant passé à 2 000 $. Il faut en plus payer les autres services. Voilà le genre de système que la SCHL a mis en place dans les collectivités.
Je me demande si vous connaissez bien ce système. Je sais qu'à une certaine époque, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a attribué aux réserves des fonds pour la construction de maisons. Je ne sais pas si cela se fait toujours. Je me demande si ce système est le même que celui que nous avons dans le Nord. Le problème des collectivités du Nord est que les gens doivent avoir un emploi bien rémunéré parce que le coût de la vie y est très élevé.
M. Buffalo: Je souscris tout à fait à ce que vous venez de dire. J'ai travaillé pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au cours des années 70. Je connais le programme de logement hors réserves dont vous parlez et qui a été lancé par ce ministère. C'est le premier ministère fédéral à avoir fait quelque chose dans ce domaine. Lorsque ce programme lui a paru trop coûteux, il l'a transféré à la SCHL. La SCHL a à son tour démarré le programme de logement des autochtones en milieu urbain au cours des années 80. À partir de 1985, ce programme s'est développé très rapidement pendant cinq ou six ans. La SCHL y a mis fin ensuite. Cette initiative était trop lourde pour la SCHL, tant sur le plan des responsabilités et des programmes que sur celui des coûts à l'échelle du Canada.
Le sénateur Adams: Il y a maintenant un ministère que nous appelons «MACA» dans les collectivités et qui travaille avec les gens qui résident dans les petites localités.
Comme vous le savez, il y a 15 ou 20 ans, la SCHL construisait la plupart des maisons dans nos collectivités. On commençait habituellement par placer une dalle ou des pieux sur lesquels construire la maison. Cela ne coûtait pratiquement rien. Maintenant avant de commencer à construire la maison, il faut avoir 40 000 $. Cela se fait dans toutes les collectivités. Les gens qui résident dans ces collectivités n'ont pas de gros revenus. Pourquoi la SCHL demande-t-elle une telle somme?
À une époque donnée, on construisait des logements à coût modéré. Cela ne coûtait pratiquement rien aux gens de vivre dans ces maisons. La rénovation de ces logements pour qu'ils respectent les normes de la SCHL coûte près de 60 000 $; il faut isoler la maison, changer les fenêtres, par exemple. Cela augmente le prix. C'est ce qui se produit dans nos collectivités à l'heure actuelle et cela crée une situation très difficile.
Comment devrait-on changer ce système? La durée des baux est peut-être plus longue mais le coût de l'hypothèque joint à celui de l'entretien de la maison est tel que les gens ont du mal à l'assumer. On pourrait leur accorder une aide plus généreuse pour l'entretien, par exemple.
Auparavant, c'était la coopération d'habitation qui s'occupait de l'entretien. Cela ne coûtait rien aux propriétaires. Maintenant, ces maisons vous appartiennent. Lorsque le chauffage tombe en panne, il faut payer la personne qui vient le réparer. Pendant 25 ou 30 ans, le gouvernement n'avait jamais fait payer ce genre de choses. Ces politiques ont créé une situation très difficile pour nous. On dit que les gens n'ont plus les moyens de posséder une maison dans l'Arctique. Voilà ce qui me préoccupe, monsieur le président.
Le sénateur Andreychuk: Vous en avez peut-être déjà parlé au début de votre exposé mais malheureusement, j'assistais à l'audience d'un autre comité. N'hésitez donc pas à m'arrêter si vous en avez déjà parlé. Le logement est une question très grave pour les autochtones. Il est vrai que bien souvent les logements sont insuffisants et même parfois, dans un état déplorable. Nous étudions toutefois l'autonomie gouvernementale des autochtones. Les demandes que vous formulez dans votre rapport découlent-elles de votre droit à l'autonomie gouvernementale ou sont-elles basées sur le fait historique que le gouvernement a conclu des ententes en matière de logement et qu'il vous a donné des assurances qu'il n'a pas respectées?
M. Buffalo: Voilà une question difficile. Je crois que l'Association nationale du logement autochtone est en mesure de s'occuper du logement autochtone par le biais de nos institutions et de nos gouvernements. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus ici, devant votre comité, pour essayer de montrer comment le logement en milieu urbain pourrait s'intégrer dans cette structure gouvernementale. Nous pensons avoir la capacité de nous en occuper. Il existe au Canada un certain nombre d'organismes, aux moyens variables, qui s'occupent de cette question.
Le sénateur Andreychuk: Je ne mets pas en doute votre capacité à le faire. Nous étudions l'autonomie gouvernementale et la façon dont le gouvernement canadien pourrait s'attaquer à ce problème en recherchant les modèles et les exemples qui pourraient convenir aux autochtones et au reste de la société canadienne. En lisant votre mémoire, je n'ai pas très bien compris sur quoi vous vous appuyiez vos demandes. Est-ce à cause du fait que le gouvernement a conclu une entente avec la SCHL et que, pour cette raison, il devrait la respecter et assumer ses obligations? Il me semble que c'est effectivement ce qu'a fait le gouvernement canadien lorsqu'il a lancé cette initiative. Par contre, ailleurs dans votre mémoire, vous affirmez que votre droit au logement découle de l'article 35 ou des droits ancestraux qui vous appartiennent par ailleurs. Sur quoi vous basez-vous exactement?
M. Buffalo: Sur le deuxième argument. Nous soutenons que le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme de logement en milieu urbain. Nous estimons que, par l'action de nos dirigeants, nous avons obligé le gouvernement à reconnaître ses responsabilités dans ce domaine, ce qui l'a amené à adopter une politique tenant compte des préoccupations exprimées par les dirigeants autochtones au début des années 70 et auparavant, au sujet de la question du logement.
Nous avons toujours eu le droit, en tant qu'autochtone, à un logement adéquat, à un prix raisonnable. Nous voulons être en mesure d'exercer ce droit par l'intermédiaire de nos propres institutions, de nos propres membres et de nos propres gouvernements. Il n'est pas nécessaire pour cela que la NAHA s'en occupe; cela pourrait être un autre organisme. Ce pourrait être les Premières nations, les Métis ou les Inuit. L'essentiel est que ce soit les autochtones qui prennent en charge ce programme pour qu'il soit mis en oeuvre de façon efficace. Peu importe que le financement provienne d'un gouvernement fédéral, provincial ou municipal. L'essentiel est d'avoir accès à des logements à un prix raisonnable dans nos collectivités, et ces collectivités comprennent celles qui sont situées à l'extérieur des réserves.
Le sénateur Andreychuk: Si l'on se place dans l'optique de l'autonomie gouvernementale, est-ce qu'il faudrait inviter le gouvernement canadien à négocier avec les dirigeants autochtones qui parlent au nom de leur peuple ou devrait-il s'adresser directement aux autres groupes autochtones qui semblent avoir besoin d'exercer ce droit au logement? Qui parle au nom des autochtones qui vivent en milieu urbain ou qui devrait défendre leurs intérêts dans ce domaine? Devrait-on revenir aux revendications territoriales? Devrait-on revenir aux demandes initiales et mettre au point avec les dirigeants autochtones des mécanismes qui permettraient d'offrir des logements adéquats ou devons-nous travailler avec ces nouveaux organismes, comme la société d'habitation que vous représentez, et leur demander de s'occuper de fournir des logements adéquats? Quel est l'objectif recherché? Quels conseils devrions-nous présenter au gouvernement canadien?
Personne ne conteste, d'après moi, votre droit à avoir des logements adéquats. Cela dit, qui devrait être chargé de négocier avec le gouvernement fédéral les moyens à prendre pour exercer ce droit?
M. Buffalo: Nous reconnaissons le rôle qu'exercent nos dirigeants politiques dans nos collectivités. Nous travaillons à l'heure actuelle avec les cinq principales organisations qui existent au Canada. Ce sont elles qui parlent en notre nom. Si cela concerne les Inuit du Canada, nous travaillons avec leurs dirigeants. S'il s'agit de la nation métisse du Canada, nous travaillons avec leurs dirigeants. Si c'est le Congrès des peuples autochtones, nous travaillons avec eux. Si c'est l'Assemblée des premières nations ou la Native Women's Association of Canada, nous agissons par l'intermédiaire de ces organisations. Ces cinq organisations travaillent très étroitement avec l'Association nationale du logement autochtone. Nous ne sommes pas un organisme politique; ces organisations le sont. Nous leur transmettons des conseils, des recommandations sur la façon dont l'on devrait, d'après nous, aborder ces questions. Ce sont ces organisations qui décident de la façon de traiter cette question. C'est la position que nous avons toujours eue. Nous sommes très actifs sur le plan politique mais nous ne sommes pas un organisme politique qui pourrait faire avancer cette question. Nous avons nos dirigeants.
Le sénateur Andreychuk: Voilà qui me paraît utile. Vous dites en fait que nous devrions nous adresser aux dirigeants de la communauté autochtone et aborder avec eux la question du logement, à cause de son importance.
M. Buffalo: Cette question dépasse les limites qu'ont établies le gouvernement et d'autres. Lorsque nous voyons un autochtone, nous ne lui demandons pas s'il est représenté par le Congrès, les Inuit ou l'Assemblée des premières nations. Ces limites existent, nous les reconnaissons et nous en tenons compte. Nous travaillons avec cette réalité et avec toutes les personnes que cela concerne. Le logement est un sujet qui transcende ces limites.
Le sénateur Andreychuk: Dois-je comprendre que vous soulevez devant nous cette question du logement parce que la délégation aux provinces des responsabilités fédérales a eu pour effet d'exacerber un problème qui existait déjà?
M. Buffalo: Oui.
Le sénateur Andreychuk: Merci. Je comprends mieux.
Le président: Monsieur Buffalo, je crois comprendre le sens de votre intervention. Vous représentez une organisation nationale d'habitation qui a son siège social en Alberta. Cet organisme exerce des responsabilités en matière de logement dans toutes les régions du pays, y compris dans le Nord et au Labrador.
M. Buffalo: Oui.
Le président: Vous semblez avoir axé votre exposé sur le logement hors réserves, en particulier pour les personnes qui quittent les réserves et souhaitent s'intégrer à la société générale. Vous nous avez dit que le gouvernement fédéral est en train de transférer aux gouvernements provinciaux la responsabilité de fournir un logement à ces personnes. C'est là l'élément principal de votre exposé.
Ma première question concerne les autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Pensez-vous que le gouvernement du Canada se décharge trop rapidement de cette responsabilité et qu'il la confie à un organisme gouvernemental inapproprié, en particulier au moment où l'on met en oeuvre l'autonomie gouvernementale? Le gouvernement commet-il une erreur en confiant cette responsabilité à ce palier du gouvernement? Les provinces sont-elles suffisamment sensibilisées aux besoins particuliers des autochtones en matière de logement?
Je crois que vous avez mentionné que vous préféreriez que ce soit votre propre structure gouvernementale qui soit chargée de répondre aux besoins des autochtones. Est-ce bien exact?
M. Buffalo: C'est exact.
Le président: J'ai toutefois du mal à comprendre comment vous reliez le droit à recevoir certains services, le droit à un logement, le droit à des vêtements, le droit à des aliments et des choses de ce genre. Vous reliez tous ces droits à votre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Vous pensez que toutes ces questions devraient relever de vos futures institutions gouvernementales. Vous établissez un lien entre toutes ces choses et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale parce que c'est, d'après vous, la seule façon de veiller à ce que ces questions délicates soient traitées de façon appropriée.
M. Buffalo: Oui.
Le président: Ma deuxième question concerne les personnes qui vivent dans les réserves. Est-il exact que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien exerce sa responsabilité en matière de logement dans les réserves par l'intermédiaire de la Société centrale d'hypothèque et de logement?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Savez-vous que les Inuit ne font plus partie de cette catégorie?
M. Buffalo: Non, je ne le savais pas.
Le président: Le gouvernement du Canada a modifié sa politique pour qu'elle s'applique uniquement au logement dans les réserves. Le gouvernement du Canada s'était engagé juridiquement à assumer cette responsabilité mais il a adopté une politique qui consiste à se décharger de cette responsabilité sur les provinces. Le Québec s'est opposé à cette décision en disant que le gouvernement du Canada était encore juridiquement tenu de fournir ces services aux personnes qui étaient parties à l'entente initiale.
Comme vous le savez, la pénurie de logement cause de graves problèmes.
J'aimerais revenir à la question d'un logement à prix abordable. Vous semblez dire que les autochtones n'auront jamais accès à des logements à un prix abordable s'ils ne participent pas directement à la recherche de solutions à ce problème. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Pensez-vous que ce soit bien là la raison pour laquelle ce sujet devrait faire partie de l'étude globale que va effectuer le Sénat de façon à être en mesure de présenter des propositions acceptables?
M. Buffalo: Oui, et nous avons des suggestions et des modèles à vous présenter.
Le président: Vous semblez également fonder votre raisonnement sur les droits fondamentaux de la personne.
Que voulez-vous que le comité fasse exactement? Estimez-vous qu'il est urgent de faire quelque chose ou que l'on peut attendre que le comité ait terminé son rapport? Devrions-nous nous pencher immédiatement sur cette question?
M. Buffalo: Je crois personnellement que l'on peut parler de crise et que j'ai besoin de votre intervention immédiate. Le gouvernement parle de «transfert» et nous d'«abandon». Votre intervention nous paraît nécessaire, nous vous demandons d'exhorter le gouvernement à faire une pause et à examiner ce que nous disons. Nos dirigeants ont écrit au ministre. Ils ont écrit au gouvernement. Jusqu'ici, ils n'ont obtenu aucune réponse.
Nous demandons au Sénat d'étudier la possibilité de suspendre ce transfert de responsabilité, en utilisant l'entente qui existe entre votre comité et le gouvernement. Si cela n'est pas possible, nous ne devrions peut-être pas être là.
Le président: Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question pour le moment. Je peux toutefois vous dire que nous allons examiner toutes les options qui s'offrent à nous.
Dans la réponse que vous avez donnée à le sénateur Johnson, vous avez mentionné qu'il y avait quatre provinces qui n'avaient pas encore signé d'entente mais je pense que les autres provinces ont déjà commencé à fournir ces services.
M. Buffalo: La Saskatchewan est la première province à avoir conclu cette entente. Notre organisme provincial a signalé à notre instance nationale que le transfert avait causé des problèmes. Cela fait déjà un an ou à peu près que l'entente a été signée. Les provinces de l'Est, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et les autres ont signé l'entente dans le même délai. Les organismes urbains qui existent dans ces provinces sont venus nous dire, de façon indirecte et non officielle parce qu'ils ne veulent pas critiquer les institutions qui les financent, que le transfert leur causait des problèmes.
Nous ne savons pas ce qui se passe exactement au Yukon ou ailleurs dans le Nord. Ces ententes ne sont entrées en vigueur qu'au mois de mai ou de juin. Certains groupes du Yukon, la Grey Mountain Society notamment, nous ont mentionné l'existence de certains problèmes mais nous n'avons pas encore examiné en détail la situation dans cette région. Nous ne savons pas non plus quelle est la situation au Labrador ni à Terre-Neuve.
Le président: Est-ce que j'ai raison d'en déduire que peu vous importe que les fonds viennent du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial pourvu que vous participiez à la conclusion d'une entente qui soit acceptable pour les autochtones et qui respecte leurs besoins particuliers? Ai-je raison de penser que votre principal souci est de voir la question du logement réglée de façon satisfaisante?
Avant d'écouter votre réponse, j'aimerais poursuivre sur ce sujet. Seriez-vous prêt à accepter un système unifié? Supposons que l'on s'entende sur un accord en matière de transfert pour une période de, disons, cinq ans qui serait financé en partie par le gouvernement fédéral et en partie par les provinces mais qui serait mise en oeuvre et administrée comme s'il s'agissait d'un seul organisme. Il faudrait peut-être créer dans chaque province des services responsables du logement. Pourriez-vous accepter ce genre de choses si cela était intégré à l'autonomie gouvernementale?
M. Buffalo: La réponse officielle à cette question est non, cela ne serait pas acceptable.
Le président: Pourquoi?
M. Buffalo: Pour le moment, nous cherchons à mettre un terme au transfert des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Personnellement et même en tant que président, je dirais que nous pourrions accepter ce genre de choses. C'est un problème qui, je crois, peut-être réglé et c'est peut-être une solution que nous pourrions accepter plus tard.
Le président: Vous seriez tout de même prêt à négocier sur cette base pour voir ce que cela voudrait dire pour vous?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Je comprends.
Le sénateur Mahovlich: Excusez mon ignorance mais je suis un nouveau membre de ce comité. Y a-t-il un chef qui parle au nom de tous les autochtones?
M. Buffalo: Je représente tous les autochtones mais il y a également d'autres chefs.
Le sénateur Mahovlich: Il faudrait savoir si vous représentez tous les autochtones ou si ce n'est pas le cas. C'est de là que viennent tous les problèmes. Si nous nous adressons à chaque province, il est évident que certaines provinces n'accepteront pas les mêmes conditions que les autres provinces. Pour régler ce problème, il faudrait pouvoir parler à un chef qui représenterait tous les autochtones. Nous devons répondre aux besoins de tous les groupes autochtones et tous ces groupes doivent être représentés lorsque nous prenons des décisions concernant un besoin aussi fondamental que le logement.
M. Buffalo: C'est pourquoi j'essaie de présenter cette question sans faire intervenir les aspects politiques. Par exemple, si je demande à Phil Fontaine, notre chef national, de travailler sur cette question, il y a des gens qui vont dire qu'il ne représente que les personnes qui vivent dans les réserves. Si je demande à Gerald Morin des Métis de participer à ce débat, il y en a qui vont dire qu'il travaille uniquement pour le compte des Métis. Il faut dépasser ces catégories. Lorsque je viens leur parler de logement pour les autochtones, par exemple pour la Native Women's Association, peu importe que je me présente en tant que Métis ou Inuit. Je leur parle de la question du logement et cela concerne leurs membres. C'est pourquoi j'ai réussi à obtenir la collaboration de toutes ces organisations sur ce thème. Si j'avais procédé différemment, cela n'aurait pas été possible.
Les cinq principales organisations canadiennes appuient le travail que nous faisons dans le domaine du logement. Lorsqu'il faut faire quelque chose d'officiel, je suis alors obligé de négocier avec chacun de ces cinq groupes. Les gouvernements provinciaux ne peuvent être représentés par un seul premier ministre parce qu'il y en a 10. Il faut également consulter les dirigeants des territoires. Tout le monde s'entend sur le fait qu'il y a cinq chefs, 10 provinces, ainsi que des représentants des territoires.
Le sénateur Mahovlich: Si je comprends bien, on retrouve des Cris dans plusieurs régions du Canada.
M. Buffalo: Oui, dans sept provinces.
Le sénateur Mahovlich: Je ne vois pas comment une famille crie de la Saskatchewan pourrait avoir accès à un certain type de maison et une famille de l'Ontario à une maison deux fois plus petite. Il y aura toujours ce genre de problèmes si vous ne négociez pas d'une seule voix. Nous devrions pouvoir parler à quelqu'un qui a l'appui des cinq organisations. Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Une de nos collègues a examiné en détail la question du logement au Canada. Je crois qu'elle vous a déjà parlé.
M. Buffalo: Oui, par l'intermédiaire de mon personnel.
Le président: Nous nous intéressons en fait à la question de la gouvernance et non à celle du logement. C'est une autre question qui sera traitée séparément.
En tant que président du comité, je peux faire savoir à mes collègues que vous souhaitez que le gouvernement du Canada suspende ces transferts. Rien de plus. Il faut distinguer cette question de celle du logement. Vous semblez indiquer que le gouvernement du Canada procède trop rapidement et qu'il devrait attendre un peu avant de transférer cette responsabilité aux provinces.
M. Buffalo: De toute façon, les quatre provinces dont j'ai parlé représentent plus de la moitié de la population. Ce n'est pas un problème grave.
Le sénateur Adams: Y a-t-il des personnes qui vous font connaître les besoins en logement dans les collectivités, même dans les réserves? Je crois que cela se fait dans ma collectivité. Nous recevons habituellement un rapport sur le nombre d'unités que l'on construit annuellement dans la collectivité. Avez-vous déjà vu ce genre de rapport? Les collectivités vous envoient-elles un rapport annuel qui vous indique quels sont les besoins dans chacune d'entre elles?
Est-ce la répartition des fonds destinés au logement qui vous inquiète dans le cas où cette responsabilité serait transférée aux gouvernements provinciaux?
Je ne sais pas combien il y a de réserves au Manitoba, en Ontario, en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique mais dans chacune de ces provinces, il faut construire chaque année un certain nombre d'unités de logement.
Vous avez parlé de l'article 23 dans votre mémoire. Est-ce que cet article 23 fait partie d'une entente intervenue entre la SCHL et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien? Si c'est bien le cas, en quoi cela touche-t-il vos politiques en matière de logement?
M. Buffalo: Je parlais de l'article 23 de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones.
Le sénateur Adams: Cela n'a rien à voir avec le logement. Je vous ai mal compris.
Est-ce que votre organisation s'efforce de connaître le nombre des unités qui sont construites chaque année et de déterminer les besoins en logement dans les diverses collectivités?
M. Buffalo: Oui.
Le sénateur Adams: Est-ce que la SCHL répond à ces besoins ou uniquement à une partie de ceux-ci?
M. Buffalo: On ne construirait pas autant d'unités de logement en cas de transfert. Selon la formule qu'applique actuellement le gouvernement fédéral, les ententes conclues entre l'organisme qui fournit les logements et la SCHL doivent comprendre un certain nombre d'éléments. Lorsqu'il y a transfert, il faut conclure une nouvelle entente entre la province et l'autorité chargée de fournir les logements et le nombre des logements diminue. Cela veut dire que l'on en construit moins. Il est toujours difficile de passer d'une loi à une autre. Évidemment, les coûts administratifs diminueraient.
Les sommes que nous allons recevoir en vertu de la nouvelle entente vont certainement être très inférieures à celles que nous recevions aux termes de l'entente fédérale. Cela va aggraver la situation du logement, y compris les questions d'entretien. Je pourrais transmettre au comité des renseignements plus précis sur ce sujet.
Le sénateur Adams: Connaissez-vous le montant exact des sommes qui sont transférées par le gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux avant qu'elles ne vous soient versées? Avez-vous accès à cette information?
M. Buffalo: Nous avons une idée des montants concernés. Je crois qu'en théorie il nous est plus facile d'obtenir ces renseignements avec le régime actuel. Lorsque ces responsabilités seront transférées aux provinces, la situation sera complètement différente.
Le sénateur Adams: Je crains que les provinces ne soient tentées d'utiliser à d'autres fins que le logement ces paiements de transfert.
Le sénateur Johnson: Vous savez sans doute déjà que ma province du Manitoba a mis sur pied un des premiers projets de logement en milieu urbain. Je crois qu'au Manitoba, le premier projet a vu le jour en 1970.
M. Buffalo: Oui, c'était le premier.
Le président: Certains prétendent que ce processus de transfert de responsabilité s'inscrit dans le cadre plus général de la mise en place progressive de l'autonomie gouvernementale. En d'autres termes, le gouvernement fédéral se retire de certains champs de compétences qui vont progressivement relever des provinces et puis ensuite des municipalités, des collectivités et finalement des organismes comme le vôtre. Avez-vous des commentaires à faire sur ce sujet?
M. Buffalo: En théorie, l'idée est excellente. Pour nous l'essentiel est de participer à ce processus. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. Ce processus se déroule sans nous. Nous sommes réduits au rôle d'observateur et nous assistons impuissants à ce qui se passe. Vous dites que ces pouvoirs seront éventuellement transférés aux autochtones mais nous voulons participer à ce processus dès le début, de façon à pouvoir faire connaître notre point de vue et nos besoins. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle.
Le sénateur Johnson: Est-ce bien là vraiment ce qui se passe? Vous ne considérez pas que vous participez à ce processus?
M. Buffalo: Un certain nombre d'organismes du Manitoba nous ont mentionné qu'ils voulaient faire connaître leurs préoccupations à une instance, quelle qu'elle soit. Il y a des choses qui se passent au niveau fédéral et provincial mais nos groupes n'ont pas été consultés.
Le sénateur Johnson: Vous avez précisé plusieurs questions qui concernent indirectement l'autonomie gouvernement, qui est l'objet de notre étude. Avez-vous une dernière chose à nous dire avant que nous ne reprenions nos travaux l'année prochaine?
M. Buffalo: Pour conclure, j'aimerais vous dire que j'ai apprécié le fait que vous m'ayez donné la possibilité de vous présenter cet exposé et de vous montrer la vidéo qui a été produite par un de nos organismes. Cette bande vidéo est très émouvante. Je vous remercie du rôle de leader que vous jouez dans ce domaine, comme dans bien d'autres.
J'espère et je souhaite ardemment que les autochtones vont réussir à prendre en main leur destinée. Une petite partie de cette tâche consiste à contrôler les lieux où nous vivons, et cela concerne directement le logement. Nous devons nous occuper des personnes qui ont choisi de vivre en milieu urbain.
Le sénateur Johnson: Je peux vous dire que nous partageons vos préoccupations, vos rêves et vos espoirs. Nous espérons que nos travaux vous aideront à les réaliser.
Le président: On peut lire dans le résumé de votre mémoire, en bas de la deuxième page: «Le contrôle aux autochtones: une autre solution.» Vous avez parlé d'une assemblée générale qui s'est tenue à Ottawa en avril 1998. S'agissait-il de l'assemblée générale de votre organisation?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Les membres de la NAHA ont adopté une résolution. Le gouvernement a-t-il pris officiellement note de cette résolution?
M. Buffalo: Le ministre et l'administration ont reçu le texte de la résolution.
Le président: Pourriez-vous nous transmettre cette résolution? Pourriez-vous nous l'envoyer par courrier?
M. Buffalo: Oui.
Le président: Si vous recevez une réponse, j'apprécierais que vous nous la transmettiez également.
M. Buffalo: J'ai reçu de la part du gouvernement une réponse de cinq pages.
Le président: Merci beaucoup. Voilà qui termine la séance de la soirée.
La séance est levée.