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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 22 - Témoignages du 9 mars 1999


OTTAWA, le mardi 9 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 10 h 10 pour procéder à une étude en vue de faire un rapport sur l'autonomie gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons quorum. Nous accueillons aujourd'hui, à titre personnel, M. Fred Martin.

Monsieur Martin, vous avez la parole.

M. Fred Martin, témoignage à titre personnel: Messieurs et mesdames les sénateurs, les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes. Le président du Metis Settlement General Council, le Grand Conseil des réserves métisses, qui est ici aujourd'hui, récusera sans doute certaines des choses que je dirai. J'ai dit que je répondrais aujourd'hui aux questions posées du mieux que je peux. Les réserves métisses, les settlements, n'ont nul besoin que je parle en leur nom.

J'aimerais passer en revue brièvement certains des grands points qui se trouvent dans le document que j'ai distribué. J'aimerais réserver la plus grande partie de mon temps de parole aux questions.

Je suis un avocat d'Edmonton. Mes principaux domaines sont les services publics, le pétrole et le gaz, ainsi que le travail auprès des établissements métis en ce qui a trait à l'autonomie gouvernementale.

Il y a plusieurs années, j'ai participé à une étude de la Loi sur les terres des Indiens, qui est à l'origine des questions que vous étudiez actuellement. Je ne sais pas en fait à quelle étape en sont ces travaux.

Je consacre beaucoup de temps à discuter avec les responsables des établissements métis pour discuter de questions de routine et de questions pratiques. Lorsque j'ai étudié ce qui s'est passé à la réunion d'hier, j'ai constaté que la discussion semblait aborder les choses d'un angle bien différent du mien. Je ne peux pas vraiment vous aider à cet égard.

Je travaille avec les Métis et les établissements métis depuis environ 25 ans. Les choses ont beaucoup changé pendant cette période. Ces établissements ne sont plus des colonies métisses administrées par des divisions des Métis du ministère des Affaires sociales. Il y avait des bureaux à un ou deux établissements, mais la majorité n'avaient même pas de bureau.

La première année où j'ai travaillé avec les habitants de ces collectivités, on avait, je m'en souviens, fêté la remise du diplôme du premier habitant à avoir terminé ses études secondaires. Nous avons aujourd'hui au sein du Grand Conseil des avocats qui viennent de ces établissements. Il y a également des directeurs d'école qui font partie du conseil. Si vous vous promenez et que vous étudiez ce qui a changé, vous verrez que les changements en 25 ans sont absolument incroyables.

Je m'adresse à vous aujourd'hui pour discuter de la mise en oeuvre de politiques sur l'autonomie gouvernementale au sein des établissements métis. Les choses ne sont pas toutes réglées, mais notre expérience peut quand même inspirer les responsables de la politique plus générale de l'autonomie gouvernementale.

En fait, je dois signaler que ce n'est pas le meilleur moment choisi pour me poser des questions. Si vous m'aviez posé des questions il y a 20 ans, j'aurais pu donner toutes les réponses nécessaires. Cependant, ce n'est plus le cas maintenant. Plus je vieillis, moins je suis sûr de mes propres opinions. Je suis convaincu que certains diraient que ce n'est pas une mauvaise chose.

Bref, m'inspirant de notre expérience avec les établissements métis, j'aimerais signaler qu'il y a trois grandes choses qui sont nécessaires au succès. Une bonne base, des chefs de qualité et des liens positifs.

Quand je parle d'une bonne base, j'entends par là qu'il doit y avoir suffisamment de ressources, de territoire, de pouvoir et d'argent pour assurer une autonomie gouvernementale viable. J'espère que vous me pardonnerez mon franc parler: au moment des discussions avec les établissements lors d'une négociation, il était très très clair que ce qui comptait c'était le territoire, le pouvoir et l'argent; une fois que tout cela était disponible, on jugeait pouvoir s'occuper de son sort.

Le deuxième élément très important est un leadership de qualité, les traits de caractère nécessaires pour profiter de cette occasion qui est offerte. Vous pouvez avoir tout le territoire, tout le pouvoir et tout l'argent du monde, mais si vous n'avez pas les bons leaders qui pourront vous permettre de profiter de cette occasion, vous ne réussirez pas. C'est en partie grâce aux traits de caractère nécessaires, la probité, la dignité et l'intégrité, que les établissements ont réussi.

Ceux qui connaissaient les personnes un peu plus âgées qui ont mis sur pied cette organisation -- les premières personnes avec qui j'ai travaillé en 1975 -- diront qu'elles étaient des exemples de probité, de dignité et d'intégrité; c'était là la principale caractéristique. Nous avons essayé de maintenir ce modèle depuis. Je crois que la réussite des établissements est en grande partie attribuable à ces qualités de base que l'on retrouve toujours chez nos leaders aujourd'hui.

Le troisième élément fondamental à mon avis est les rapports positifs qu'on peut créer avec d'autres intervenants compétents. Qu'il s'agisse de gouvernements, de collectivités voisines ou d'intervenants de l'industrie, vous devez trouver quelqu'un qui veut atteindre le même objectif et vous établissez des rapports de travail avec ces personnes. C'est remarquable ce que vous pouvez accomplir. Les rapports avec la province de l'Alberta n'ont pas toujours été parfaits, mais dans l'ensemble ils ont été fort positifs. Il importe de créer ces rapports avec des intervenants compétents et de définir avec eux des objectifs communs avant de passer au travail.

Je ne veux pas parler trop longuement des établissements. Vous les connaissez d'ailleurs déjà assez bien maintenant. Ils comptent aujourd'hui 6 000 habitants répartis sur huit réserves ou établissements d'une superficie de 1,25 million d'acres. Ces terres ont été réservées pour les Métis en 1939 aux termes de lois provinciales.

Dans les années 30, les Métis et les leaders provinciaux ont travaillé ensemble afin de trouver une solution au problème des Métis sans abri et sans terre. Après l'entrée en vigueur de la loi, en 1939, soit pendant 50 ans, les établissements étaient administrés par la direction des Métis. En 1989, il s'est produit d'importants changements car c'est à cette époque que l'entente est intervenue avec la province. Cela a permis de régler un des plus graves problèmes auxquels étaient confrontés les Métis, soit la protection du territoire. En fait, les discussions avec les provinces ont été entamées parce que les Métis craignaient de perdre leurs terres. Certains établissements ont simplement disparu; c'est le programme qui visait à «éliminer les frontières» qui a poussé les intervenants à chercher une solution. Ainsi, la réalisation la plus importante associée à l'entente est la protection constitutionnelle des terres; de cette façon, elles ne seront pas perdues.

L'accord a permis la création d'un nouveau cadre pour l'autonomie gouvernementale. J'utilise «autonomie gouvernementale» comme terme générique. Je sais que la plupart de ceux qui participent au processus actuel n'utiliseraient pas ce terme pour décrire les établissements, mais il s'agit quand même, dans le cas des établissements, de représentants élus à l'échelle locale chargés de prendre des décisions et disposant de pouvoirs assez importants. On pourrait peut-être utiliser, aux fins de notre discussion, le terme «autonomie gouvernementale relative». De toute façon, c'est ce que j'entends quand j'utilise le terme «autonomie gouvernementale».

L'autre élément de cette entente était l'accès à des ressources de quelque 310 millions de dollars sur une période de 17 ans pour faire du rattrapage et pour être sur un pied d'égalité avec les autres collectivités. Cet élément prévoyait une période de rattrapage initiale d'environ sept ans suivie d'une période de 10 ans pendant laquelle le niveau de financement serait réduit, une période d'élimination graduelle, jusqu'à ce que les sources de revenu locales deviennent disponibles. Tout cela a permis au gouvernement, en plus de créer une structure pour assurer une meilleure administration, de régler une poursuite portant sur les revenus des ressources pétrolières et gazières trouvées dans les établissements. Cette poursuite était fondée sur une interprétation de la loi de l'époque, non pas sur des revendications fondées sur les droits des autochtones.

Cette entente a entraîné l'adoption de quatre mesures législatives qui ont permis de créer la structure qui existe actuellement, soit des conseils de réserve élus qui élisent à leur tour les membres du grand conseil. Ce dernier adopte des règlements auxquels sont assujetties les huit réserves. Il existe un tribunal d'appel qui s'occupe de la résolution des différends survenant dans les réserves et des questions de cette nature.

À bien des égards, les gouvernements des réserves métis ressemblent beaucoup aux administrations municipales. Ils s'occupent du même genre de choses. Le dégagement des routes, les services d'eau potable et d'égout et des choses de cette nature. Il existe quelques différences entre les administrations municipales et les administrations des réserves. J'aimerais vous en parler brièvement parce qu'elles rendent les administrations des réserves tout particulièrement intéressantes.

Une des différences c'est la façon dont les lois locales sont adoptées. Les deux éléments intéressants des lois et règlements locaux sont tout d'abord que la population doit approuver les lois proprement dites. Ce n'est pas comme lorsqu'un conseil municipal adopte un règlement. Dans les réserves, un conseil peut recommander un règlement, mais la population doit l'approuver lors d'une assemblée générale. Il s'agit d'un règlement public, non pas d'un règlement adopté par les représentants.

De plus, les règlements doivent être compatibles avec les politiques générales du conseil. Lorsque les 40 conseillers se sont rencontrés lors d'une assemblée officielle du grand conseil et ont adopté une loi, qu'on appelle une politique du grand conseil, il faut s'assurer que les règlements locaux sont compatibles avec cette politique; le conseil de réserve ne peut pas prendre des mesures qui ne sont pas compatibles avec cette politique, qui prime sur tous les règlements. Ainsi, c'est comme un mélange et, comme dans n'importe quel système fédéral, il y a parfois des tensions. Cependant, je crois que toute autre solution serait pire. Le Canada est un bon exemple.

Le système foncier est une autre chose qui est très différente. Nous ne pouvions pas simplement intégrer le système foncier issu du droit canadien, parce qu'il n'était pas compatible avec le système qui prévaut dans les réserves. Les habitants des réserves métisses savaient pertinemment que même s'ils n'étaient pas propriétaires fonciers, ils étaient propriétaires des améliorations. Il a été assez difficile de créer un système juridique qui stipule que même si vous n'êtes pas propriétaire des terres, vous êtes propriétaire de toutes les améliorations qui y sont apportées. La seule façon de trouver une définition pour cette notion était d'éliminer toute application de la common law et de dire que les seuls intérêts dans les terres sont ceux qui sont créés par une loi ou un règlement du grand conseil. C'est ce que nous avons d'ailleurs fait.

Ainsi, conformément au système de titres fonciers, il existe un régime s'apparentant au fief simple, détenu par le grand conseil conformément à des lettres patentes délivrées par la Couronne, auxquelles viennent s'ajouter les autres intérêts créés par les politiques du grand conseil. Donc l'intérêt sous-jacent est celui du fief simple, auquel vient s'ajouter le titre métis. Des particuliers détiennent un titre métis, qui est semblable à ce qu'on appellerait un fief simple si ce n'était sur une réserve.

Le titre métis peut être vendu ou loué. Il ne peut faire l'objet d'une hypothèque, mais il peut faire l'objet d'un échange. D'autres intérêts viennent s'y ajouter. Seul un membre d'une réserve métisse peut être détenteur d'un titre, et pour éviter que quiconque détienne trop de terres, on impose une limite d'un quart de section ou, si cette terre est exploitée, deux quarts de section par personne. Ça ne présente pas un grave problème parce que la famille typique, deux conjoints, pourrait détenir par titre métis jusqu'à quatre quarts de section.

Ces limites sur la propriété crée beaucoup de problèmes de succession. Si vous voulez céder votre quart de section à votre fille mais qu'elle détient déjà deux quarts de section, que fait-on? Les problèmes de succession et de transfert créés par ce système sont assez complexes, mais nous finirons certainement par y trouver une solution.

Le système de registre foncier est ce qu'il y a de plus moderne, et a très bien fonctionné. Nous avons adopté le système conçu par tous les registrateurs du Canada. Ils ont préparé un rapport après 10 ans d'étude décrivant un modèle de système d'enregistrement foncier pour l'ensemble du Canada. Nous connaissions ceux qui ont travaillé à ce système et nous leur avons demandé si nous pouvions le mettre en oeuvre. Ils ont accepté. Nous avons peaufiné un peu le système, mais celui que nous avons mis en oeuvre respecte dans l'ensemble la recommandation formulée par les registrateurs fonciers du Canada.

Il fonctionne bien parce que nous l'avons complètement informatisé. Nous avons créé tous les logiciels et les systèmes nécessaires. Vous pouvez vous rendre à n'importe quel bureau de réserve et trouver tous les renseignements sur n'importe quel quart de section. Ce régime est protégé par un fonds d'assurance. Le système a très bien fonctionné.

Le sénateur Austin: Est-ce que le grand conseil a le droit d'exproprier pour des projets utiles à l'ensemble de la collectivité?

M. Martin: Non, le grand conseil n'a pas ce droit, mais le conseil de réserve peut lui exproprier.

Le sénateur Austin: Le conseil de réserve peut saisir la propriété à bail, les biens mobiliers et les immobilisations, si c'est au profit de l'ensemble de la collectivité, et verser une indemnisation?

M. Martin: C'est exact. Il existe un régime pour déterminer le dédommagement et si vous ne croyez pas que cette indemnisation est appropriée, vous pouvez demander au tribunal d'appel de se pencher sur la question. Je ne sais cependant pas si le tribunal peut également se pencher sur la saisie de ces biens.

Le président: La province peut-elle également procéder à des expropriations?

M. Martin: Nous avons établi un processus visant l'acquisition des intérêts par la province, mais il est assez lourd. Si je me souviens bien, une commission du tribunal d'appel des réserves métisse peut étudier ce genre de situation.

Nous avons eu un problème semblable avec les baux d'exploitation minière et l'accès connexe; nous avons donc mis sur pied une commission spéciale du tribunal d'appel des réserves métisses composée de représentants du secteur pétrolier et d'autres parties et chargée d'étudier les questions d'accès et d'indemnisation en ce qui a trait aux baux actuels d'exploitation minière. Je crois que nous leur avons également accordé un rôle en ce qui a trait aux questions d'expropriation.

Le président: Le ministre responsable des ressources naturelles peut-il révoquer une décision?

M. Martin: Pour rejeter quoi?

Le président: Si, par exemple, le Grand Conseil prenait une décision à l'égard des titres fonciers, le ministre a-t-il le droit de révoquer cette décision? Est-ce le ministre qui a le dernier mot?

M. Martin: Je ne crois pas. Il faudrait que j'étudie la loi de plus près pour me rafraîchir la mémoire. Je ne crois pas qu'il y a une disposition en ce sens s'appliquant aux baux d'exploitation minière. Si le grand conseil décide de révoquer un bail, il doit alors offrir un dédommagement. Si je me souviens bien, il existe une entente au chapitre du partage des indemnisations en vertu de laquelle la province offre une partie de l'indemnisation et le grand conseil l'autre. Cela ne s'est cependant jamais produit. Chaque fois qu'il y a eu des problèmes, nous avons trouvé une solution.

Le président: Est-ce que cela vaudrait également pour les servitudes publiques, par exemple une voie d'accès qui traverserait un terrain?

M. Martin: Ça dépend de la raison d'être de cette voie d'accès.

Le président: Je pensais à l'accès public à des fins publiques.

M. Martin: Si l'établissement est public, son conseil peut donc prendre des mesures en ce sens, et le particulier peut alors se tourner vers le tribunal d'appel pour obtenir l'indemnisation appropriée.

L'autre différence intéressante concerne les pouvoirs de décision du grand conseil. On appelle ces décisions des politiques du grand conseil parce que dans l'élaboration de cette mesure législative, on a voulu laisser les choses telles quelles le plus possible et s'inspirer de ce que les gens acceptaient déjà. On ne cherchait pas une panacée.

Pour ce qui est des politiques du grand conseil, pendant 10 ou 15 ans, on a retenu l'idée d'une fédération et tous les établissements se réunissaient ainsi pour s'entendre sur une façon commune de procéder. On préparait une proposition puis tout le monde l'appuyait. Les gens se sont faits à cette façon de procéder, et lorsque nous sommes passés à une structure législative, nous les avons appelées les mesures des politiques du Grand Conseil. Elles sont adoptées par les huit réserves ou établissements et sont exécutoires. Elles créent ainsi un cadre et le ministre a droit de veto. C'est le compromis auquel on en est arrivé.

Certains disent qu'il ne s'agit pas vraiment là d'une d'autonomie gouvernementale. La proposition du gouvernement prévoyait un mécanisme de contrôle, par lequel on voulait approuver les règlements des établissements. Cela n'a pas été accepté. Cependant, on a convenu que le ministre aurait le droit de veto en ce qui a trait à une politique du grand conseil. Les règlements des établissements devaient évidemment être compatibles avec ces politiques.

On n'a jamais eu recours au droit de veto en ce qui a trait aux politiques du grand conseil. On a eu un problème, et nous avons simplement prolongé la période de veto et réglé le problème. Il pourrait y avoir impasse, mais cela permet également d'avoir un mécanisme assurant le règlement des différends. Nous n'avons jamais eu de problème à cet égard.

Le président: Il existe un mécanisme pour régler ce genre de problème.

M. Martin: C'est exact. Lors du dernier différend, M. Noskey a communiqué avec le ministre pour demander comment cela fonctionnerait, et nous avons convenu de prolonger la période pendant laquelle le ministre peut avoir recours à son droit de veto. En fait, d'après la loi, il dispose de 90 jours pour avoir recours à ce droit de veto. Il y a eu un problème technique avec le ministère de la Justice, et nous avons donc convenu de prolonger cette période. Nous avons trouvé une solution et nous l'avons appliquée.

Cela a été une façon utile de procéder; cela rassure en quelque sorte le gouvernement. S'il juge qu'il est nécessaire d'avoir recours au droit de veto, il peut le faire.

Le gouvernement et l'industrie se sont d'ailleurs entendus sur les politiques importantes touchant le secteur du pétrole et du gaz, la prospection et l'exploitation, et le système d'impôts fonciers. Il n'y a jamais eu de veto par le passé parce que des représentants de l'industrie ont participé aux discussions sur l'élaboration de la politique sur les impôts fonciers. Le secteur n'a eu aucun problème à cet égard, et il en va de même pour le gouvernement.

Nous avons également consulté les sociétés pétrolières pour savoir si ces propositions leur étaient convenables. Encore une fois, je crois qu'il s'agit là d'un partenariat utile car nous savons qu'il nous faut nous entendre avec les sociétés pétrolières et le gouvernement provincial. Il suffit simplement d'établir une structure et d'agir.

Le seul problème que présentent les politiques est la façon dont elles sont structurées. Le besoin d'unanimité est la pierre d'achoppement de tout organisme légiférant. Est-ce que quelqu'un ici sait ce que c'est que de travailler sur la Constitution canadienne?

L'aspect le plus intéressant du modèle est le tribunal d'appel. Il s'agit d'un organisme quasi judiciaire composé principalement de membres des réserves. Il a été mis sur pied pour réduire le nombre de différends et pour régler ces derniers, et est autorisé à avoir recours à la médiation et à utiliser diverses méthodes novatrices pour régler ces différends.

Le tribunal d'appel est responsable, aux termes de la loi, des questions relatives aux terres et à l'appartenance, et cette compétence peut également s'appliquer aux politiques du Grand Conseil, soit à la suite d'une loi adoptée par la province, ou à la suite d'une décision des parties intéressées. En pratique, cela veut dire par exemple qu'en ce qui a trait à la politique sur le bois du Grand Conseil, certaines questions peuvent être renvoyées au tribunal d'appel. Si une personne soutient que le conseil n'a pas fait preuve d'équité lors de la distribution des permis de coupe de bois --, en d'autres termes, le conseil n'a pas respecté un processus adopté dans nos règlements -- la question peut être renvoyée au tribunal d'appel. Le tribunal ne peut pas décider si ce particulier aurait dû recevoir un permis de coupe, il peut cependant déterminer si on a suivi le processus approprié. Les ententes avec les sociétés pétrolières et gazières comprennent des dispositions en vertu desquelles, s'il y a différend à cet égard, le tribunal d'appel peut être saisi de la question.

Les politiques permettent aux groupes d'élargir progressivement leurs compétences. Par exemple, nous avons constitué avec la province un groupe de travail qui se penche sur la possibilité d'élargir la compétence du tribunal d'appel pour lui permettre de régler d'autres questions. Nous nous penchons par exemple sur l'application de la justice criminelle et les questions touchant les familles.

Le tribunal d'appel existe depuis huit ans et est rodé. Il a fait du bon travail, à mon avis, et s'est mérité la confiance et le respect de la collectivité et du gouvernement. Nous voulons donc élargir ses activités. C'est d'ailleurs la façon dont les réserves ont procédé par le passé.

Le président: Le conseil a-t-il déjà formulé une mesure législative qui aurait eu un impact sur les pouvoirs du gouvernement provincial au chapitre des lois d'application?

M. Martin: Non, nous n'avons pas encore eu de problème à cet égard, en partie parce que la structure des règlements locaux est associée à la prise de décision du grand conseil, qui est caractérisée tout de même par une bonne consultation.

Les représentants du gouvernement participent toujours à l'élaboration des politiques. Le projet de politique est communiqué au ministère de l'Énergie ou au ministère de la Justice, par exemple, qui se penchera sur le document. S'il y a un problème, nous le réglons tout simplement.

Il est également possible d'inclure dans une politique du grand conseil un modèle de règlement qui s'applique comme s'il avait été adopté par les habitants de la réserve. Il a été nécessaire de procéder ainsi pour ne pas avoir de vide juridique; par exemple, nous pourrions créer une politique sur les impôts fonciers qui pourrait ne pas être mise en application simplement parce qu'il n'y a pas de règlements locaux à cet égard. Nous pouvons donc adopter une politique du grand conseil dans laquelle on retrouve un règlement modèle. Le règlement modèle entre en vigueur et a force de loi tant qu'il n'est pas modifié.

Le sénateur Austin: La structure que vous décrivez est fort intéressante, mais il y a toujours le problème de l'appartenance à une réserve. N'oubliez pas après tout que la définition de «communauté métisse» est assez vague et générale.

Dans le document que vous avez distribué, d'après le Metis Settlements Act, qui est d'ailleurs le système que vous décrivez, un Métis est une personne dont les ancêtres sont des autochtones canadiens qui s'associent au système et à la culture métis.

Est-ce que quiconque se dit Métis a le droit de devenir membre d'une réserve et de revendiquer les mêmes droits et privilèges que ceux qui vivent déjà sur des terres métisses?

Comment le Métis Settlements Act définit-il qui est inclus et qui est exclu de ce groupe?

M. Martin: La définition comporte deux volets. L'élément objectif est que vous devez être d'origine métisse. Le test subjectif est que vous devez vous identifier à la culture et à l'histoire des Métis.

Nous ne savions pas quoi faire d'autre. Nous avons eu beaucoup de difficultés à en venir à une définition. Elle n'est pas parfaite. En fait, les gens présentent une demande et le conseil de la réserve vous demande de prouver que vous n'êtes pas un Indien inscrit et que vos ancêtres sont autochtones. La plupart du temps, ce n'est pas très difficile à prouver. Cet aspect est assez facile. Je ne sais pas comment vous pourriez décider que quelqu'un n'est pas admissible parce qu'il ne s'identifie pas à l'histoire ou à la culture des Métis. Nous n'avons jamais eu ce problème.

Les demandes sont discutables lorsqu'on a de la difficulté à prouver que les ancêtres de quelqu'un sont autochtones. Dans certains cas, il y a eu des problèmes parce que quelqu'un disait simplement que ses ancêtres étaient membres de la nation Chippewan de l'Oklahoma ou qu'il était un Cherokee. Ces demandes sont plus difficiles à accepter. Cependant, nous avons eu recours au tribunal d'appel beaucoup moins souvent qu'on ne l'aurait cru.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'il existe quelque chose comme un certificat? Distribuez-vous des certificats d'appartenance?

M. Martin: Les gens reçoivent une carte qui dit qu'ils sont membres.

Le sénateur Mahovlich: Si j'ai un ami qui est Métis, à Timmins, et qu'il veut devenir membre, que doit-il faire?

M. Martin: Il doit respecter les exigences de résidence et avoir un endroit où vivre. Ça c'est le premier obstacle à surmonter parce que vous devez trouver un endroit où vivre si vous êtes dans cette région pendant un bon moment.

Le sénateur Mahovlich: Cela semble assez intéressant. Il y a des Métis de tous les coins du pays qui seront intéressés par cette possibilité.

M. Martin: Vous devez résider en Alberta pendant un bon moment.

Le sénateur Mahovlich: Essayez de dire cela à un Métis de Timmins!

Le sénateur Austin: Depuis combien de temps devez-vous avoir résidé en Alberta avant de présenter une demande?

M. Martin: Cinq ans. C'est ainsi depuis 50 ans.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'il existe un programme semblable en Ontario?

M. Martin: Non. Ce programme est unique à l'Alberta. Tout cela a commencé dans les années 30. La province a dit qu'il fallait intervenir pour régler le problème. Il y avait une convention des Nations Unies qui touchait les Métis et la province. On a essayé de convaincre le gouvernement fédéral d'intervenir. Ce dernier ne voulait rien avoir à faire avec cette question parce qu'il ne voulait pas être obligé de payer la note. Le gouvernement fédéral a suivi l'affaire, mais n'y a pas vraiment participé. Il y a eu des échanges de lettres avec l'Alberta et la Saskatchewan qui menaçaient d'intenter des poursuites contre le gouvernement fédéral pour le forcer à participer au processus. Cela n'a rien donné.

Le sénateur Austin: Combien de résidents de l'Alberta reconnaissez-vous comme Métis qui ne vivent pas dans les réserves?

M. Martin: Je n'en ai aucune idée. Les réserves ne s'occupent pas de choses de ce genre. Elles procèdent à un recensement de leur propre population pour s'assurer de savoir vraiment ce qui se passe. Le laboratoire de recherche démographique à l'Université de l'Alberta procède à ce recensement.

Le sénateur Austin: Vous avez parlé de 6 000 Métis.

M. Martin: Il s'agit du nombre de gens qui vivent là-bas, mais ils ne sont pas tous nécessairement des membres. Pour devenir membre vous devez être un adulte. Un bon nombre d'Indiens inscrits vivent dans les réserves parce qu'ils y ont toujours vécu et que personne ne veut les forcer à déménager, ou simplement parce qu'ils sont mariés à une Métisse.

Le sénateur Austin: Cela vaudrait également pour des non-autochtones: ils pourraient être mariés à une Métisse mais ils ne seraient pas membres. N'est-ce pas?

M. Martin: Ils ne sont pas membres, ce qui veut dire qu'ils ne peuvent pas détenir un titre métis et ne peuvent pas être propriétaires de terres.

Le sénateur Austin: Est-ce que ces gens obtiennent automatiquement le statut de Métis en épousant une ou un Métis?

M. Martin: Non.

Le sénateur Austin: Héritent-ils des droits de propriété?

M. Martin: Il y a quelque chose comme les droits de douaire. Ainsi, si un Métis épouse une non-Métisse et qu'il meurt, la femme hérite d'un droit viager aussi longtemps qu'elle le veut. C'est-à-dire qu'elle ne peut pas être expulsée, sous prétexte que la composante métisse du mariage aurait disparu.

Le sénateur Mahovlich: Et les enfants?

M. Martin: Ils sont Métis. Dans certaines réserves, la terre est confiée à une fiducie, et il est entendu que les enfants peuvent y vivre. Une fois adultes, l'un d'entre eux en héritera.

Le sénateur Pearson: Et en cas de divorce?

M. Martin: Nous sommes toujours en train d'y réfléchir. Il y a beaucoup de lois qui sont contradictoires. Nous sommes en train d'organiser les choses pour que le conseil de la réserve puisse parvenir à un règlement qui soit juste pour tous. Dans le cas contraire, le tribunal d'appel pourrait être saisi.

Dès que vous essayez de régler ces questions par voix législative, vous vous retrouvez dans une situation chaotique. C'est-à-dire que vous ne vous retrouvez jamais face à la question à laquelle la loi prétendait répondre, vous vous retrouvez dans une situation modifiée, différente, avec des tas de cas de figure autres.

Nous avons essayé de proposer des règles générales et des lignes directrices pour régler la question des héritages. Ces règles devraient normalement être suivies aussi strictement que possible, et si ça n'est vraiment pas gérable, on peut toujours saisir le tribunal d'appel. C'est-à-dire qu'on ne peut jamais trouver de règles universelles et absolues qui s'adaptent à toutes les situations. Petit à petit, nous y arriverons. Pour le moment, on a demandé au conseil de faire de son mieux en fonction des souhaits et désirs des uns et des autres. S'il y a contestation, le tribunal d'appel est saisi.

Normalement les enfants restent avec la mère, et il est entendu qu'ils doivent avoir un endroit où vivre. Normalement ils gardent la maison, et le père peut continuer à exploiter les terres attenantes. C'est une situation assez courante.

Je ne vous ai pas encore parlé du comité consultatif des anciens. Bien qu'il ne soit pas prévu dans la législation, c'est un organisme que l'on commence à solliciter parallèlement au tribunal d'appel, au code foncier et au cadre de la politique du Grand Conseil. Cela a donné de très bons résultats.

Un comité consultatif des anciens n'est pas quelque chose que l'on met sur pied facilement; on ne peut pas non plus le créer par la voie législative. Mais ce genre de comité permet de régler certains vieux problèmes de planification en suspens. S'ils ne sont pas élus, les membres du comité n'ont pas à respecter d'échéanciers serrés. Comme ils sont nommés, ils peuvent représenter l'ensemble de l'éventail des familles les plus caractéristiques de la collectivité, et ils ont le temps de délibérer sur de grands problèmes tels que la planification de l'utilisation des terres, la répartition des ressources, et cetera. Exactement comme les sénateurs, de mon point de vue, ces comités d'anciens ont ce grand avantage d'être nommés plutôt qu'élus.

Le sénateur Mahovlich: Et l'éducation? Est-ce que les Métis y pourvoient eux-mêmes?

M. Martin: Ce fut un point un petit peu difficile. Lorsque nous avons eu des réunions avec la collectivité, pour créer un cadre législatif, la population a demandé très clairement que trois choses soient exclues de l'autonomie: l'éducation, les services sociaux et la santé. Les gens sont assez prudents, conservateurs, et ils veulent d'abord voir comment les choses marchent. Ils ne veulent surtout pas mettre en cause des domaines ayant trait à la vie et à la mort -- les écoles des enfants, les hôpitaux et les services sociaux, et cetera. Petit à petit, ce sera intégré. Cette méthode progressive est un bon modèle: vous commencez à faire marcher le système, et lentement vous l'améliorez en l'étendant à d'autres domaines.

Pour ce qui est de la famille et des services sociaux, l'Alberta était divisée en régions, et les établissements métis en constituent une à eux seuls. Pour ces établissements, c'est la région 18 qui s'occupe des services à l'enfance. Elle est constituée des huit réserves métisses.

Dans le domaine de l'éducation, nous avons, il y a quelque temps, envisagé un conseil scolaire des établissements métis. Après discussion, nous avons décidé de reporter ça à plus tard. Mais la chose est toujours possible. Une chose qui a radicalement changé, c'est qu'il y a maintenant des écoles dans toutes les réserves jusqu'à la septième année dans la plupart des cas, et parfois au-delà. Nous réfléchissons à la possibilité d'avoir également des écoles secondaires.

Cela a bien changé les choses. Dans certaines écoles, le directeur est un membre de la collectivité. C'est bon parce que les enfants sont chez eux, au lieu d'être obligés de prendre un autobus, et vous pouvez aussi toujours associer à l'enseignement certaines questions locales.

Le sénateur Mahovlich: Est-ce que l'enseignement relève de la province?

M. Martin: Oui, il y a un contrôle provincial, mais en général ça ne semble pas poser de problème. La population veut évidemment de bonnes écoles, un produit de qualité, et s'assurer que les enfants sont fiers d'être Métis, tout en connaissant leur histoire et leur culture.

Si le modèle de la région 18 donne de bons résultats d'ici trois ou quatre ans, nous l'appliquerons au reste des collectivités métisses.

Le président: Est-ce que la langue d'enseignement dépend d'une décision ministérielle?

M. Martin: La langue d'enseignement est l'anglais. Une des réserves avait quelques francophones, mais c'est en voie de disparition. Il n'y a, si je ne me trompe, qu'une réserve où le cri est une langue véritablement parlée. Dans la plupart des réserves l'anglais est la langue dominante. À mon avis, la perte du cri est quelque chose de regrettable. Nous avons fait de notre mieux pour ralentir l'extinction, mais le problème est que les enfants regardent tous la télévision, et il faudrait des efforts héroïques pour endiguer le phénomène.

Des enseignements en langue crie sont inclus dans le programme de plusieurs écoles, mais ces quelques heures à l'école ne peuvent pas résister à 40 heures hebdomadaires de télévision. Peut-être que le nouveau canal autochtone aidera les choses, mais ça restera toujours un point sensible à l'âge des communications et techniques modernes.

Nous constatons que la nécessité de faire approuver les règlements par la population est un cadeau empoisonné. C'est presque trop démocratique, et cela peut freiner la volonté d'action. C'est démocratique, mais ça n'est pas forcément bon à 100 p. 100.

Les élections locales n'ont pas encore la place qu'elles méritent. Un des problèmes c'est que l'élection annuelle fonctionne selon un système qui politise tout. Chaque année nous procédons à l'élection de deux représentants, dont le mandat est de deux ou trois ans, pour qu'il reste toujours un minimum de gens expérimentés au sein du conseil. Nous avions estimé à l'origine que nous avions besoin de cette continuité, mais les choses n'en sont plus là. Finalement, cela crée trop de problèmes lorsqu'il faut prendre des décisions de longue portée, difficiles à prendre, ainsi qu'au moment du vote du budget.

L'autre problème, en ce qui concerne ces élections locales -- et ça n'a pas encore été complètement résolu -- tient à la difficulté de veiller à ce que tous les groupes concernés de la collectivité soient représentés. Un comité d'anciens peut assurer cette représentation équilibrée et complète, mais une famille très puissante peut toujours occuper le devant de la scène et les autres sont exclus. Nous sommes en train d'essayer de voir comment régler le problème.

La règle de l'approbation unanime, pour l'adoption des grandes lignes politiques du conseil, est une catastrophe, comme je le disais, parce qu'on ne peut pas parvenir à un consensus de façon normale. À l'époque où nous nous occupions des politiques à l'échelle de la fédération, il fallait bien accepter le principe de la négociation. Comme la majorité l'emportait, il fallait s'entendre. Alors que maintenant, chacun a un pouvoir de veto, et lorsque les gens n'ont pas ce qu'ils veulent, ils peuvent toujours claquer la porte. Cela décourage toute forme constructive de gouvernement.

Nous en sommes toujours à essayer de mettre sur pied une administration des réserves. C'est difficile, parce que nous essayons de réaliser des économies d'échelle. Il s'agit de systèmes complexes, pour lesquels on aurait besoin d'une administration de professionnels, mais on se retrouve avec une grande insécurité de l'emploi et un roulement assez impressionnant. Nous sommes toujours en train d'essayer de voir comment nous pourrions mettre en place les structures administratives dont nous avons besoin. Chaque année il y a une amélioration, mais on est encore loin du but. À l'origine il s'agissait de budgets annuels de 20 000 à 30 000 $. Aujourd'hui il n'y a pas une seule réserve qui n'ait pas un budget de plusieurs millions de dollars.

Pour ce qui est du financement à long terme, nous essayons de mettre au point des modalités de financement permettant de couvrir les besoins. Chaque collectivité a besoin de certains services de base: routes, adduction d'eau, égouts, et cetera. On peut par ailleurs percevoir des recettes. Dans les réserves on ne parle pas d'impôts, on parle de frais d'utilisation. Chacun paie des droits d'utilisation. Le régime d'impôt foncier s'appelle la politique de contributions foncières commerciales. Les entreprises sont tenues de verser cette contribution.

Ça n'est pas aussi farfelu que cela peut paraître. Lorsqu'on m'a demandé de rédiger cette politique de l'impôt, on m'a demandé de ne pas utiliser le mot «impôt». J'ai donc consulté le dictionnaire Oxford à cette rubrique. On parlait de contributions exigées, et c'est exactement ce que c'est. Il s'agit d'un régime de contributions exigibles, apparenté aux prélèvements provinciaux et au régime de base de la province. Le secteur industriel a approuvé le projet, et c'est donc le système qui a été mis en place.

Mais même avec cet argent, il reste un écart à combler. Lorsque nous avons étudié la démographie de la réserve, nous avons constaté que le taux d'imposition normal des communautés environnantes ne nous permettrait pas de combler cet écart entre les besoins et les recettes, bien que nous espérons pouvoir y parvenir un jour.

De ce fait, nous avons cet écart entre nos besoins et notre pouvoir de dépenses, et il s'agit de le pour que les besoins collectifs soient pris en charge, ce qui exige donc que l'on vienne compléter la contribution locale. Si l'écart est trop important, cette contribution locale sera découragée. En effet, lorsque l'on sait que 30 ou 50 $ par mois ne suffiront pas, un certain découragement s'en suivra. Nous avons donc essayé de fixer une contribution locale raisonnable. Nous avons donc déterminé ce besoin, et ce qu'il fallait ajouter pour combler l'écart, de telle façon que chacun ait le sentiment qu'en faisant sa part d'effort on pourra parvenir aux résultats escomptés.

Ce financement complémentaire est prélevé à trois sources. À l'origine nous avions un système de subventions de contrepartie, conçu de telle façon, dans l'accord, que pour chaque dollar perçu au niveau local, 2 $ seraient versés par le gouvernement. Cela a été prévu dans le cadre de notre planification d'investissement à haute dose pour l'infrastructure dans les sept premières années, après quoi il y aurait une période de 10 ans qui devait nous amener à l'autonomie financière. Pendant la première période de cinq ans, on avait ce système de subventions de contrepartie de deux pour un. Pour les cinq ans suivants, il devait y avoir une subvention à égalité, un dollar pour un dollar. Nous avons modifié ce système de subventions de contrepartie de deux pour un l'an dernier, c'était trop compliqué. Cela semblait pour ainsi dire impossible à appliquer. Au lieu de cela nous nous sommes maintenant engagés dans une planification du type plan d'entreprise.

Ce plan prévoit que les réserves soumettent à la province un plan de dépenses et de développement. Il y a une retenue qui est ensuite versée à la réserve si elle respecte les objectifs du plan. C'est tout à fait comparable à ce que fait la province lorsqu'elle présente un plan financier. De ce fait l'argent prévu y est inscrit.

Il faut aussi parler des financements à terme des réserves. Selon l'accord, la province déposera 5 millions de dollars dans un fonds détenu par le Grand Conseil, pour les cinq premières années c'est-à-dire qu'on ne peut pas y toucher avant 2007. Cet argent est ensuite placé de façon très classique. Le fonds a maintenant atteint les 65 millions de dollars. D'après les projections, il devrait tourner aux alentours de 110 millions de dollars d'ici l'an 2007, quand il pourra être utilisé. Le rendement du fonds permettra précisément de financer l'écart dont je parlais.

La troisième source de financement, ou de ressources, pour cet écart, c'est la Resco, société créée par les réserves pour développer leurs ressources pétrolières et gazières. Cette société fonctionne comme n'importe quelle autre. Elle peut acheter des terres, les exploiter, signer des contrats d'association avec d'autres compagnies. Elle touche des redevances et fait de l'argent en exploitant des puits de pétrole et de gaz. Ce pot est alors redistribué sous forme de dividendes, ou de placements, qui permettent d'alimenter les finances des réserves. Voilà la planification à long terme pour la provenance des recettes nécessaires, si l'on veut combler le déficit en question. Il y aura donc, d'un côté, ce que nous pourrons percevoir localement; le reste devrait suffire à faire la soudure.

En conclusion, je voudrais parler des éléments constitutifs d'un modèle porteur de succès. J'en ai nommé quatre: un gouvernement qui appartient à ses citoyens; un mécanisme rapide et équitable de règlement des différends; une administration apolitique efficace; et l'accès aux ressources dans un contexte de partenariat.

Pour ce qui est de la mainmise des citoyens sur leur gouvernement, les gens doivent avoir le sentiment que leur gouvernement leur appartient. Il se sert de leur argent pour servir leur collectivité et fait un travail raisonnablement acceptable. Les citoyens ne sont jamais heureux de leurs gouvernements, mais une bonne partie de la population doit pouvoir se dire: «Le gouvernement a pris notre argent et en a fait bon usage».

Il est également crucial d'avoir le moyen de régler rapidement et équitablement les différends. Le système mis en place peut être d'excellente qualité, cela n'empêchera pas les gens de se disputer entre eux, de se disputer avec les conseils et cela n'empêchera pas les conseils de se disputer entre eux non plus. Cela est inévitable. Il nous faut un lieu où les citoyens ordinaires, qui comprennent le fonctionnement de la collectivité, puissent régler ce genre de problèmes. Nous n'avons pas besoin d'avocats hautement rémunérés ni de techniques de droit administratif évoluées. Il nous faut un processus juste et une organisation que les gens respectent. Ils devraient pouvoir dire: «Je ne suis pas très heureux du résultat, mais j'estime avoir été équitablement traité».

Je pense que le tribunal d'appel a permis cela. Les gens peuvent s'y rendre, et ils n'ont pas besoin d'avoir beaucoup d'argent. Le processus se déroule rapidement. Si quelqu'un n'aime pas la décision, il peut recourir à la cour d'appel.

Des administrations efficaces et apolitiques sont essentielles. Les bureaux de disposition des biens doivent fonctionner de façon efficace et doivent fournir les renseignements appropriés au conseil et à la collectivité afin que les gens sachent ce qui se passe et soient assurés que le travail est fait.

Enfin, pour ce qui est de l'accès à des ressources adéquates dans un contexte de partenariat, il doit y avoir un régime de partage des recettes qui réponde à trois critères de base. Tout d'abord, il doit être relativement stable et prévisible pendant un cycle budgétaire de trois à cinq ans. Le conseil de la réserve doit connaître les recettes envisageables sur une période de planification d'une durée variant entre trois et cinq ans. Nous ne pouvons pas avoir un système où nous savons ce que nous avons cette année, mais pas les suivantes.

Deuxièmement, l'approvisionnement adéquat doit se fonder sur un partenariat fonctionnel. Cela signifie que ce n'est pas un système de subventions. Je n'ai jamais aimé les subventions. Je trouvais malsain que nous ayons à demander des subventions. Il faudrait qu'il y ait partage des recettes entre deux gouvernements de façon réaliste. Idéalement, dans le cas des établissements des Premières nations et des Métis, cela devrait être lié à un intérêt foncier reconnu par les deux gouvernements. C'est alors qu'il y a une relation d'égal à égal, et non une relation qui contraint à prouver que l'on a désespérément besoin d'une subvention. La subvention nuit au donneur et au receveur, c'est inévitable. Par conséquent, il nous faut un partenariat fonctionnel.

Nous voulons partager les taxes découlant des ressources. C'est ce qui se produit dans les établissements relativement aux redevances pétrolières et gazières. Nous pouvons négocier l'obtention de redevances dérogatoires. La province obtient ces redevances, mais il pourrait y avoir d'autres redevances, à 10 p. 100, qui peuvent représenter des millions de dollars par année. Cela est lié à un intérêt foncier. Même si nous n'avons pas pu obtenir la propriété du pétrole et du gaz dans l'accord conclu, nous pouvons quand même partager cette ressource pour en tirer un revenu.

Nous travaillons également au partage de la taxe sur le carbone. À mesure que l'on investirait de l'argent pour l'exploitation de puits de carbone, une partie des recettes serait mise à la disposition des gens qui détiennent un intérêt foncier. Nous pourrions également concevoir un partage de l'impôt sur le revenu des entreprises exploitant des richesses naturelles.

Il pourrait y avoir un partenariat permettant de partager les recettes issues de ces sources foncières. Nous nous retrouverions dans la même situation que celle qui prévaudrait si l'on avait recours à des subventions, sauf que nous saurions ce que nous devons recevoir et cela se fonderait sur le fait que l'on reconnaît que nous sommes égaux.

Cela est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Il y a des millions de problèmes, mais si l'on adopte cette perspective, on peut les résoudre.

Le troisième élément essentiel d'une vitalité adéquate, c'est de susciter l'établissement d'un gouvernement autonome. Cela rend l'espoir raisonnable. Les membres des collectivités ne sont pas bêtes. S'ils ont besoin d'un million de dollars pour gérer leur collectivité, et s'ils savent qu'en investissant chacun 100 $ ils auront 100 000 $, pourquoi prendre la peine de donner 100 $? C'est sans espoir. Il faut qu'ils aient l'espoir que leurs efforts permettront d'atteindre l'objectif.

Ce concept doit également amplifier l'effort des gens sur place. Le point de départ est le suivant: «Que voulez-vous et quels efforts êtes-vous prêts à investir pour y parvenir?» Si vous êtes prêts à faire votre part, aussi modeste soit-elle, cela amplifie l'effort. Dès lors, vous avez le sentiment que cela se produit grâce à vous et non parce que quelques personnes habiles sont allées à Ottawa et ont obtenu de l'argent. Le concept doit flatter le sentiment du citoyen d'être propriétaire. Il doit amener les gens à dire: «Ce sont mes gens, mon argent, mon gouvernement. Cela m'appartient et je donne mon appui. Si je ne donne pas mon appui, je vais obtenir quelqu'un qui le fera».

La difficulté est de passer des grands principes au fonctionnement réel. Toutefois, ce n'est pas une difficulté insurmontable. À condition de connaître les principes de fonctionnement de base, on peut s'y atteler. C'est ce que nous disons sur les réserves depuis 25 ans. C'est là qu'est la solution. Nous savons dans quelle direction nous voulons aller.

Le sénateur Chalifoux: Je me souviens que lorsque nous négociions pour la fédération, on ne permettait pas aux femmes d'entrer dans la salle de négociation à l'hôtel Mayfair. Qu'en est-il de la participation des femmes à la vie politique? Nous y participions toujours, mais on ne nous permettait jamais de nous asseoir à la table.

En outre, avez-vous organisé un service de police dans les réserves?

M. Martin: Je ne comprends pas votre première question. Lorsque la fédération a été constituée, Albina Jacknife était membre du conseil exécutif. Elle a été là dès le début et a été la présidente du Elizabeth Council. Florence Wanuch a été présidente à Paddle Prairie pendant un bon moment. Si les femmes étaient membres d'un conseil, elles étaient là, tout autant que n'importe quel autre membre du conseil.

Le sénateur Chalifoux: C'était avant cela, à l'époque où Sam Johnson et Stan Daniels étaient là.

M. Martin: Je ne sais rien de ce qui précède 1975. Depuis lors, c'est strictement ceux et celles qui sont élus.

M. Ken Noskey, président, Metis Settlements General Council: Actuellement, nous avons 11 représentants élus sur 40 membres du conseil qui siègent au Grand Conseil. Un des quatre membres exécutifs actuels est une femme. Sur les 44 représentants élus qui gouvernent nos collectivités, 12 sont des femmes. À divers moments il peut y avoir de 17 à 20 femmes, ou un nombre semblable. Les femmes de notre collectivité sont très actives dans les structures de gestion des affaires publiques.

Le sénateur Chalifoux: Je pose cette question pour souligner l'aptitude de la fédération et du Grand Conseil à progresser dans ce domaine, contrairement aux non-autochtones. On reconnaît bien le rôle des femmes.

M. Martin: Soyons honnêtes, il n'y a jamais eu de controverse. Au fil des ans, on n'a jamais considéré que cela faisait problème, puisque cela dépendait strictement de l'identité de la personne élue. Dès mes débuts dans ce milieu, les femmes se portaient candidates à l'élection au conseil et s'y faisaient élire. Elles étaient là, un point c'est tout. Bien sûr, il y a eu des difficultés dans certains établissements au sujet des droits de propriété fonciers, mais elles ont été résolues.

Pour ce qui est des services policiers, il y a eu certains efforts visant à collaborer avec des peuples des Premières nations pour l'obtention de services policiers communs. Ces efforts ont été un petit peu délaissés; toutefois, nous allons nous y remettre. Il y a également l'initiative judiciaire portant sur la collaboration avec les gouvernements fédéral et provincial pour la constitution de services policiers dans le cadre d'une relation tripartite. M. Noskey est mieux renseigné là-dessus que moi.

Le sénateur Chalifoux: Je suis membre de la réserve de Paddle Prairie. Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, vu la loi qui a été adoptée par l'Alberta pour tous les Métis, est-il nécessaire que les autres nations qui veulent obtenir l'autonomie gouvernementale établissent de bonnes relations de partenariat avec le gouvernement dominant?

M. Martin: Dès que l'on essaie de gouverner des gens, ces gens ont deux autres gouvernements, que vous le vouliez ou non. Ils ont un gouvernement fédéral et un gouvernement provincial. Si ces trois gouvernements ne travaillent pas de concert, les difficultés vont s'amonceler.

Notre approche a simplement consisté à dire que le gouvernement fédéral fait certaines choses, que le gouvernement provincial en fait d'autres et que le gouvernement de l'établissement en fait d'autres encore. Nous devons prendre des dispositions pour que cela fonctionne avec un minimum de confusion et un maximum d'efficacité. Ce sont les réalités de la vie quotidienne.

Le sénateur Pearson: Ma question porte sur l'enseignement, la planification en vue de l'avenir et sur certains des problèmes que vous avez évoqués au sujet de la nécessité, pour les conseils, d'avoir une politique adoptée à l'unanimité. Si vous finissez par avoir votre propre conseil scolaire, le conseil établira-t-il certaines des orientations futures et fera-t-il des plans à long terme dans le cadre de cette transition d'une économie axée sur la propriété foncière et l'énergie à une économie du savoir?

M. Martin: Les conseils généraux ont adopté un plan d'entreprise il y a environ quatre ans. Ils ont examiné tous les dossiers qui les intéressaient et ont décidé de mettre certaines choses en veilleuse. Nous devons nous concentrer sur le dossier qui nous amène ici -- la fonction gouvernementale -- et renvoyer toutes les questions non directement liées à celle-ci aux organismes appropriés. Actuellement, les questions sociales et d'enseignement ressortissent à l'organisme de la région 18, qui a son propre conseil d'administration et est constitué séparément. Il y a toujours huit réserves, mais elles ne sont pas gérées directement par le Grand Conseil.

De la même façon, Settlement Sooniyaw Corporation, organisme responsable du développement économique, appartient aux huit établissements et s'occupe des affaires. Cela est également vrai du pétrole et du gaz. On a établi la Resco Oil and Gas pour s'occuper de pétrole et du gaz. Ce n'est pas une activité gouvernementale: c'est une entreprise.

Dans d'autres secteurs, on a fait la même chose afin qu'il y ait des limitations des zones de responsabilité. Le gouvernement et le Grand Conseil s'occupent d'enseignement et de choses de ce genre. On veut bien aider les gens à lancer leur affaire, mais ensuite il faut les forcer à voler de leurs propres ailes.

Si nous respections les précédents, j'imagine que le système des conseils scolaires suivrait le même chemin. Autrement dit, nous travaillerions avec les gouvernements pour parvenir à un modèle acceptable. Nous le ferions démarrer et, ensuite, il poursuivrait son chemin. Ce serait un conseil scolaire, il établirait le programme scolaire et le Grand Conseil n'aurait essentiellement plus à s'en occuper.

Le sénateur Pearson: Est-il dans l'intérêt de toute la population de s'assurer que vous façonniez le capital social nécessaire pour assurer l'avenir?

M. Martin: Cela se produit en ce moment même, avec des choses telles que l'initiative stratégique de formation, même si cela fonctionne indépendamment. Les grands dossiers continuent de revenir à la table du Grand Conseil parce que c'est une table comme celle-ci, autour de laquelle siègent 44 conseillers, et parce que les grands dossiers finissent toujours par y aboutir. Même si les autres entreprises ou conseils sont théoriquement indépendants, les gens qui y travaillent sont nommés par les établissements et ils ont tendance à être fortement influencés par ce qui se passe autour de la grande table.

Le sénateur Pearson: Avez-vous un conseil des jeunes ou un conseil consultatif des jeunes?

M. Noskey: Nous avons des conférences annuelles des jeunes et, dans diverses collectivités, nous avons également des comités établis par le conseil local. Il y a une forte participation des jeunes, bien que je sois favorable à ce qu'il y en ait plus.

Vous avez parlé de l'avenir et du fait que la société s'oriente vers une économie axée sur l'information. Je voudrais en parler.

Le sénateur Pearson: Il ne s'agit pas vraiment de technologie de l'information. La force motrice de nombreuses entreprises actuelles est le savoir qui s'ajoute à l'entreprise, qu'il s'agisse de technologie ou d'autres types de savoir. Par conséquent, l'enseignement prend une très grande importance.

M. Noskey: Beaucoup de nos jeunes sont à l'université à l'heure actuelle et les conseils locaux ainsi que le Grand Conseil nous accordent des fonds à cette fin tous les ans. Nous nous intéressons donc beaucoup à l'acquisition de connaissances technologiques.

Le sénateur Mahovlich: J'ai une question simple au sujet de votre entreprise pétrolière. Travaillez-vous uniquement dans votre région ou allez-vous faire également de la recherche dans certaines autres régions du pays?

M. Martin: Actuellement, la Resco fonctionne uniquement dans les établissements métis parce que c'est là qu'elle est le mieux placée pour mieux travailler. Dans les établissements, nous avons un avantage concurrentiel et, par conséquent, il y a encore un certain potentiel. Lorsque nous avons lancé la Resco et avons élaboré son plan d'entreprise, il était évident que cela servirait de moyen d'accumuler des capitaux et de prendre de l'importance avant de sortir des établissements. L'approche la plus prometteuse pour la Resco, celle qui a été adoptée, est celle du partenariat stratégique. Elle permet d'identifier quelques personnes avec lesquelles on travaille en coentreprise. La Resco peut apporter quelque chose à la table et les autres peuvent en faire autant. La Resco a un personnel qualifié, des détenteurs de maîtrise en administration des affaires, des ingénieurs et des comptables agréés, qui comptent de 17 à 20 ans d'expérience. C'est une entreprise pétrolière crédible.

Le sénateur Gill: Vous avez déjà signé un accord avec le gouvernement provincial. J'imagine que la plupart de vos relations se nouent avec le gouvernement provincial et les entreprises albertaines. Qu'en est-il de vos relations avec le gouvernement fédéral? Si nous réussissons à obtenir des changements au niveau national, qu'aimeriez-vous avoir en temps opportun plutôt que d'avoir à traiter avec différents ministères? Si vous pouviez avoir une organisation nationale et qu'elle puisse vous servir de porte-parole, que proposeriez-vous à cet égard?

M. Martin: Nous avons participé de très près au processus de l'Accord de Charlottetown. Nous étions dans une situation difficile, parce que les établissements métis ont toujours adopté pour principe, et c'était une décision consciente prise à la fin des années 70 que c'était la compétence provinciale qui s'appliquait aux Métis et aux établissements métis de l'Alberta. Cela nous oppose aux organismes métis nationaux. C'est toutefois la décision qui a été prise. Comme vous le dites, la plupart de nos relations se sont nouées avec le gouvernement provincial.

Cela dit, de nombreux liens s'élaborent avec le gouvernement fédéral. Lors du processus menant à l'Accord de Charlottetown, nous avons dû présenter des moyens de résoudre le problème. Si la Cour suprême du Canada ou un accord constitutionnel déclarait que les Métis sont inclus au nombre des Indiens au titre de l'article 91.24, les Métis et les terres qui leur sont réservées deviendraient de compétence fédérale exclusive. Par conséquent, toutes les lois albertaines sur des Métis deviendraient caduques.

Lorsque le processus constitutionnel s'organisait et que nous avons signé l'Accord, tout cela aurait pu soudain dérailler s'il était intervenu une décision déclarant que le gouvernement provincial n'avait jamais eu compétence de toute façon. Essentiellement, nous en sommes arrivés à une solution en vertu de laquelle on disait que le gouvernement fédéral déclarerait siennes les mesures que l'Alberta avait prises, leur donnant ainsi force de loi. C'est ce qui s'est produit.

Nos efforts réels portent non pas sur les aspects ésotériques des éléments constitutionnels, mais sur la façon pratique de faire fonctionner les choses. Nous avons un processus tripartite en vertu duquel il existe certains secteurs, tels que la justice, la formation de la main-d'oeuvre et les services aux enfants, où la province fait certaines choses et le gouvernement fédéral en fait d'autres. Nous devons décider de la façon d'organiser cela en évitant les doubles emplois. Il s'agit de voir les choses sous le jour pratique, de façon à résoudre les problèmes. Qu'est-ce que chacune des parties peut apporter à la table et comment pouvons-nous organiser cela en un tout cohérent?

Le président: Merci d'être venus faire vos exposés. J'ai beaucoup de questions mais nous manquons de temps.

Si j'en juge par les témoins que nous avons entendus, il y a des similarités entre ce qui se passe dans votre région et ce qui se passe au nord du Québec relativement aux infrastructures, aux dispositions physiques, à la façon de traiter avec le gouvernement provincial, et ainsi de suite. À un moment donné, il serait peut-être bon que les deux organismes se rencontrent et se parlent de leurs expériences et des connaissances acquises. Au nombre des questions où votre échange de vues pourrait être très utile, il y a le mécanisme de règlement des différends et la question de l'appartenance au groupe. Je suis prêt à vous aider à communiquer avec les gens du Nord pour organiser des échanges de vues.

M. Noskey: Je trouve cette idée de dialogue et de partage de l'information très intéressante. J'ai parlé aux représentants des Cris du Québec qui ont fait un exposé hier. Je vous saurais gré de tout effort qui permettrait de nous mettre en communication.

La séance est levée.


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