Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 22 - Témoignages du 10 mars 1999
OTTAWA, le mercredi 10 mars 1999
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 17 h 45 pour étudier la question de l'autonomie gouvernementale autochtone et en faire rapport.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mackay, nous vous souhaitons la bienvenue ici cet après-midi. Veuillez nous présenter votre exposé.
M. Raoul Mackay, Ph.D.: C'est un honneur pour moi d'être ici. Je suis très heureux de pouvoir faire un exposé sur quelque chose qui me tient tant à coeur: l'histoire et la vie du peuple métis à l'époque contemporaine.
Pour dire le moins, dans le cadre de mes travaux et de mes études, j'en suis venu à apprécier davantage notre histoire. J'en suis venu à être davantage reconnaissant à mes ancêtres de ce qu'ils ont fait pour ce pays et pour eux-mêmes. Je vous ai fait parvenir un résumé de mon exposé, mais j'ai cru que je me permettrais de m'éloigner un peu de mon texte. Vous pouvez m'interrompre. Vous aurez beaucoup de temps à la fin de mon exposé pour poser des questions auxquelles je serai plus qu'heureux de répondre.
Je suis né à Saint-Eustache, une petite collectivité tout juste à l'ouest de Winnipeg. C'est une des plus vieilles collectivités au Canada. Je suis convaincu que mes ancêtres cris et ojibwas y ont vécu de nombreux siècles. Dans les années 1830, le père Belcourt y a établi une mission. Il n'y est pas resté très longtemps en raison de nombreuses difficultés dont je parlerai peut-être plus tard. Il s'est rendu plus tard à l'Île-du-Prince-Édouard pour y ouvrir une succursale de la Banque Nationale. La banque a été rénovée très récemment et quelqu'un m'a écrit pour me dire qu'on lui avait laissé entendre que j'étais un ancêtre du père Belcourt. Je lui ai répondu que ce n'était pas tout à fait exact, mais que mon grand-père venait également du Québec et qu'ils étaient de la même famille.
Lorsque nous examinons de près les origines du peuple métis, nous ne savons pas trop à quand remonte la prise de conscience, mais je crois que nous pouvons probablement la situer à la fin du XVIIIe siècle. Nous sommes tout à fait sûrs qu'en 1816 le peuple a exprimé son nationalisme en vainquant le gouverneur Semple lors de la Bataille des Sept-Chênes. Cet événement a marqué le début d'un long processus au cours duquel les Métis devaient essayer de protéger leur intérêt et développer des activités économiques qui leur permettraient de subvenir aux besoins de leur peuple.
L'une des principales activités économiques de l'époque était la chasse au bison. Seulement une ou deux générations me séparent de cette époque; mon grand-père chassait le bison. Mon père nous a toujours raconté des histoires au sujet de son père. Ce dont je me souviens le plus au sujet de ces histoires, c'est la façon dont les gens sont parvenus à se doter de valeurs aussi solides et à permettre à leur chef de les représenter. Cuthbert Grant a gagné la bataille des Sept-Chênes et devait devenir l'un des chefs dans sa propre communauté de Saint-François Xavier, qui se trouve à moins de 30 milles de Saint-Eustache.
La bataille avec les Métis était à ce point importante qu'en 1821, la Compagnie de la Baie d'Hudson et la Compagnie du Nord-Ouest ont décidé de se fusionner. Cette nouvelle compagnie a alors annoncé qu'elle avait le monopole des fourrures, de la traite, de la chasse au bison et ainsi de suite. Mais le peuple métis n'y serait pas associé. Ils ont eu des chefs courageux qui ont maintenu leurs droits à la chasse, à la pêche et à la traite. Cela revêt une très grande importance pour nous même aujourd'hui. La Compagnie de la Baie d'Hudson a eu tellement de mal à contenir les peuples autochtones sur les plaines dans les années 1800 qu'elle a dû établir un double prix pour les fourrures -- un pour le Nord et l'autre pour le Sud, par exemple.
Guillaume Sayer est l'autre chef qui a été important pour le peuple métis. Il a défendu pendant de nombreuses années la position du peuple métis en matière de libre-échange contre la Compagnie de la Baie d'Hudson. Sa position et celle du conseil de l'Assiniboia ont été affaiblies par la compagnie. Cependant, grâce à la force du peuple métis, lors de son procès en 1849, le juge a statué qu'il était libre de partir et notre peuple a déclaré le libre-échange qu'il a pratiqué les quelque 25 années qui ont suivi.
Louis Riel n'est pas le seul chef du peuple métis qui, au cours du XIXe siècle, a marqué la vie de notre peuple. Je ne veux pas minimiser son rôle, mais nous devons comprendre que notre peuple en a connu d'autres. En fait, Louis Riel père a été aussi un chef très important pour nous au milieu du XIXe siècle.
Lorsque je repense aux histoires qu'on nous a racontées, j'y vois certains traits qui caractérisent encore notre peuple. Je crois que nous sommes un peuple fier malgré les nombreux livres et les enseignements de professeurs tant anglophones que francophones qui l'ont discrédité. On nous a toujours dit d'être fiers de notre nation. Lorsque nous revenions de l'école et que nos instituteurs nous avaient dit de ne pas utiliser certains mots français, on ne tardait pas à nous dire quels mots nous devions utiliser. Je pense entre autres au mot «manteau». Les religieuses nous avaient dit qu'il fallait dire «manteau» plutôt que «capot». Ce n'est que 30 ans plus tard, dans les annales de l'histoire, que j'ai découvert que le mot était largement utilisé. Il ne s'agit que d'un seul exemple.
On nous a dit que le dur labeur et l'honnêteté avaient de l'importance. Nos parents n'auraient jamais accepté de personne un sou qui ne leur appartenait pas. C'est toujours vrai aujourd'hui. Notre peuple avait une grande capacité d'invention. Avez-vous déjà vu une charrette de la rivière Rouge? Je vous défie d'en rassembler une. Je me souviens du vieux Francis Richard de Saint-Eustache qui en avait construit une et avec laquelle nous jouions. En fait, on en trouve dans certains musées de nos jours. J'ai découvert récemment que la famille de M. Richard fabriquait des charrettes depuis trois ou quatre générations. C'est important de savoir cela.
L'autre point clé -- et cela m'ennuie parfois de voir comment notre peuple agit -- c'est la question de l'indépendance. Dans les années 40, beaucoup d'entre nous refusions l'aide sociale. Mieux valait mourir que d'accepter l'aide sociale. Mais comme ils avaient une grande capacité d'invention, rappelez-vous, ils ont fait de nombreuses choses. Ils ont appris un cycle de travail des chasseurs de bisons, des transporteurs de marchandises. Ils ont mis au point un des systèmes de transport les plus élaborés qui faisant appel à la charrette et aux canots et qui a lié l'Ouest au complet à la rivière Rouge. Cette indépendance revêt de l'importance de nos jours.
Aujourd'hui, nous devons nous demander qui nous sommes. Nous devons résoudre les questions qui portent sur notre identité, notre appartenance et notre autonomie nationale. Il ne suffit pas de connaître quelque chose au sujet de Riel. Nous sommes tous fiers de Louis Riel, mais nous ne devons pousser plus loin.
En tant que peuple, nous sommes les chasseurs de bison, un peuple qui parle français, ojibway, cri et anglais, qui pourrait parler trois langues. C'est là où nous devons commencer. Il n'y aucun mal à regarder d'autres groupes qui veulent s'affilier à ce noyau. Par exemple, je sais que les Métis nés d'un père anglo-protestant et d'une mère amérindienne ont souvent joint les rangs d'organisations métisses et que de nombreux Indiens non inscrits se sont affiliés au peuple métis. De toute évidence, toutefois, une déclaration personnelle d'appartenance s'impose.
Ce n'est pas si difficile. Nous pouvons faire un recensement. Nous avions des registres paroissiaux. Nous pouvons facilement identifier nos gens. Par exemple, si je vais à Saint-Eustache, j'y vois des Canadiens français et des Métis. Je peux les compter. Nous pourrions aller plus loin que cela dans d'autres collectivités, de manière à mettre au point une formule qui, une fois pour toutes, déterminera qui nous sommes en se fondant sur notre patrimoine et sur nos liens ancestraux.
Après l'identité et l'appartenance, le prochain élément important ce sont les terres. Nous possédions des terres. Pendant un siècle, le peuple métis a protégé ses droits contre les étrangers, contre la Compagnie de la Baie d'Hudson, contre les partenaires de la Compagnie du Nord-Ouest. Ils ont protégé leurs ressources et leurs terres. Ils n'étaient pas avides. Ils ont partagé. Il est toutefois important de le savoir.
Le père Belcourt s'est retrouvé à l'Île-du-Prince-Édouard parce qu'il avait pris le parti du peuple métis dans sa lutte contre un monopole qui reposait sur un ordre écrit par la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il a rédigé ses pétitions. L'évêque, bien sûr, s'est rangé du côté de la Compagnie de la Baie d'Hudson et on a vite écarté le père Belcourt.
Nous sommes en mesure d'affirmer notre identité aux termes de la Metis Betterment Act. Il y a des problèmes réels associés à cette loi, à commencer par la façon dont elle a été administrée. Le gouvernement du Canada a persécuté notre peuple après 1870 et nous avons été expulsés de nos terres. L'évêque Taché n'a pas respecté la promesse de l'Église d'amnistier nos chefs. Cela a marqué la fin d'un grand leadership.
Je pense qu'aujourd'hui, nous pouvons commencer à bâtir à partir du passé et régler nos revendications territoriales. Le peuple canadien a une grande dette à l'endroit du peuple métis du Manitoba, ne serait-ce que sur le plan territorial. Je me souviens de deux tantes qui ont perdu leurs maris. À elles deux, elles avaient huit enfants. Elles possédaient deux lots riverains. L'Église catholique a fait valoir qu'il ne serait pas bon que les deux familles en question possèdent ces lots riverains car si ces deux femmes venaient à mourir, les enfants diviseraient la terre en petits lotissements qui ne vaudraient plus rien. L'Église a porté sa cause devant le tribunal. Le juge a donné raison à l'Église, qui a promis à la famille une poignée de dollars et quelques prières. J'espère que de là-haut, mes tantes continuent de prier pour moi. Cela constitue une atteinte aux droits de notre peuple sur son territoire. Nous devons apporter des correctifs. Nous ne quémandons pas auprès du gouvernement canadien. Nous disons tout simplement qu'il faut que cela soit fait.
Je pourrais vous raconter de nombreuses autres anecdotes. En fait, à l'heure actuelle, nous effectuons une recherche sur les titres de propriété de ces terres. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un chercheur m'appelle pour me dire qu'il a trouvé une autre terre acquise de façon frauduleuse. La preuve existe. Il faut que se développe la volonté de régler le problème.
Je veux maintenant parler du gouvernement. À cause de notre peuple et de nos terres, nous avons désespérément besoin d'un gouvernement métis au niveau local. Certaines collectivités sont métisses à 90 ou à 100 p. 100. Il n'y a pas de raison pour qu'elles ne puissent avoir leur propre gouvernement. À l'heure actuelle, un gouvernement dirigé par la province décide du sort de notre peuple. Frontier School Division est un exemple de cela.
Je crois que nous pouvons établir un gouvernement fondé sur les principes du nationalisme et de la démocratie. Il ne fait aucun doute que la chasse au bison se faisait de façon très démocratique. La communauté élisait dix capitaines et chaque jour, l'un d'eux dirigeait la marche jusqu'au territoire de chasse du bison et ensuite, la chasse elle-même. Tout notre peuple, hommes et femmes, doit être émancipé. Je tiens à le souligner.
Les femmes jouaient un rôle très important dans la chasse au bison et dans la gestion des communautés. Elles étaient chargées de la production et jouaient un rôle de premier plan dans l'économie métisse. Nous devons réinstituer cela, peut-être dans une perspective différente.
Je tiens à souligner que le peuple métis a besoin d'institutions. Depuis 30 ans, au Manitoba, on parle de créer un institut d'enseignement postsecondaire sur le modèle de celui qui existe en Saskatchewan, l'Institut Gabriel Dumont. Il y a quatre ans, un mois ou deux avant les élections, le gouvernement conservateur a décidé d'adopter une loi créant pour le peuple métis une institution d'enseignement appelée l'Institut Riel. Cependant, le gouvernement n'a investi aucun argent dans ce projet, de sorte que cela demeure un édit de papier. À mon sens, il faut aller au-delà de cela. C'était en fait, un geste plutôt cynique.
Dans le contexte de la mise sur pied de cet établissement, nous devrions nous inspirer de la répartition du travail qui existait dans nos communautés. L'homme et la femme y jouaient tous deux des rôles importants. À l'heure actuelle, le peuple métis n'est pas représenté de cette façon au niveau politique. Je pense que le moment est venu de repenser nos activités à cet égard.
Il faut que le gouvernement du Canada reconnaisse dans la Constitution le statut du peuple métis. Nous avons le même statut que les autochtones des Premières nations et les Inuits. Je sais que l'Entente de Charlottetown prévoyait un versement de 10 milliards de dollars aux Métis. Avec moins d'argent que cela, nous pourrions quand même réaliser beaucoup. Si cela pouvait être un point de départ, nous pourrions négocier à la baisse plutôt qu'à la hausse.
Permettez-moi de résumer quelques grands thèmes. Premièrement, au sujet de l'appartenance, nous devrions créer un comité neutre chargé d'établir un processus et d'élaborer une liste de critères qui permettrait d'identifier qui est Métis. Nous avons besoin d'un mécanisme non sectaire. Les membres du comité devraient être nommés par les communautés métisses. Il devrait également exister un registre permanent de nos membres, ce qui devrait être chose facile grâce aux technologies modernes.
Pour ce qui est des revendications territoriales, il faut commencer par redresser les torts causés par la Manitoba Act et sa mise en oeuvre. En outre, il convient de poursuivre, sous une forme ou une autre, les négociations amorcées pour l'Entente de Charlottetown.
En matière de gestion publique, nous devrions créer un comité métis indépendant chargé d'examiner la composition des organisations métisses existantes et d'évaluer leur capacité d'instaurer l'autonomie gouvernementale pour le peuple métis aux niveaux municipal, provincial et national. Il n'existe pas vraiment de gouvernement métis à l'heure actuelle. Sans vouloir manquer de respect envers les organisations que nous avons, il s'agit d'instances constituées aux termes de lois provinciales ou fédérales. Elles ne représentent pas l'émancipation ou la volonté du peuple métis. Je respecte certaines de leurs réalisations, mais le fait est qu'elles ne sont pas vouées à l'autonomie gouvernementale. Nous devons commencer au niveau des communautés. Il faut débuter dans chaque communauté et faire en sorte que les décisions soient prises de bas en haut plutôt que de haut en bas.
Nous devrions également établir un cadre permettant le vote. Nous devrions instaurer un système de gouvernement démocratique prévoyant le partage des pouvoirs entre les volets législatif, exécutif et judiciaire.
Je vous invite à prendre en compte les difficiles conditions dans lesquelles vit le peuple métis au Canada. Mais nous devrions mettre de côté tous ces beaux rêves et nous attacher au plus important, nos enfants. Nous devons investir dans nos enfants. Je sais que les objectifs que je viens d'énoncer prendront deux générations à se réaliser, mais pour l'heure, nous devrions vraiment nous attacher à répondre aux besoins de nos enfants. Je crois beaucoup au travail personnel. Nous devons travailler avec les communautés pour mettre sur pied un système économique qui vienne en aide aux citoyens en matière de services sociaux et d'éducation. À mes yeux, ce sont là deux domaines qui représentent la clé du succès de tout le processus.
Le président: Je vous remercie de votre exposé, monsieur Mackay. Avant d'inviter les sénateurs à vous poser des questions, il y a une chose que je vous demanderais de préciser. Vous avez dit qu'il fallait que les hommes et les femmes soient émancipés. Pourriez-vous nous expliquer cela plus en détail?
M. Mackay: À l'heure actuelle, les femmes jouent un rôle très modeste au sein du système politique. Pourtant, pour ce qui est des services sociaux, de l'éducation et de la lutte contre la pauvreté chez les enfants, elles sont en première ligne. Nous devons nous inspirer de notre histoire pour réapprendre la valeur du rôle des femmes dans tous les domaines.
Nous devons jouir d'une plus grande émancipation. Chaque citoyen, indépendamment de son sexe, devrait pouvoir certes voter, mais aussi être partie prenante au processus politique. Lorsqu'une organisation comme la nôtre est mise sur pied, et que le pouvoir émane du gouvernement fédéral, il arrive parfois qu'un groupe domine. À l'heure actuelle, il se trouve que notre organisation est dominée par des hommes.
Le sénateur Pearson: Hier, nous avons entendu un exposé de la Fédération des établissements métis de l'Alberta. Il me semble que leurs membres ont réalisé davantage de progrès dans leurs revendications.
M. Mackay: C'est très ironique. Le fait est qu'au tournant du siècle, le peuple métis du Manitoba se préoccupait de la question territoriale. Tout cela est consigné dans L'histoire de la nation métisse dans l'Ouest canadien, d'Auguste Henri de Tremandan. On s'intéressait davantage à l'aspect social qu'à l'aspect politique et économique de la vie de notre peuple. Il n'y a guère eu de progrès dans le dossier territorial, même si les gens demandaient constamment: «Et mes terres?»
En Alberta, une organisation politique solide a vu le jour très tôt et dans les années 30, ses représentants ont pu négocier avec le gouvernement provincial qui a adopté la Metis Betterment Act. Cette mesure législative a permis aux communautés de se constituer sur une assise territoriale. À ce moment-là, les Métis avaient déjà perdu toutes leurs terres au Manitoba.
J'ai donné l'exemple de mes tantes. Mon père aussi a perdu ses terres et il nous est finalement resté cinq acres. Il a servi au cours de la Première Guerre mondiale. À son retour, on lui a dit qu'il ne pouvait recevoir de terres, à titre d'ancien combattant, parce que ses parents avaient reçu le certificat des Métis. Il n'y avait pas d'allocation de terres subséquemment à l'attribution de ce certificat. Nous avons perdu 90 p. 100 de nos terres. Il a été impossible de corriger la situation au Manitoba car à la suite des pressions exercées sur nos dirigeants, ces derniers ont disparu et personne n'a eu la volonté de contester.
Avant Noël, j'ai interviewé une nièce de Louis Riel appelée Albertine Abraham. Elle m'a, elle aussi, raconté l'histoire d'une autre communauté qui avait perdu ses terres. À l'époque, les gens avaient honte d'être Métis ou de prononcer le nom de Riel. Ils avaient peur de dire qu'ils étaient des partisans de Riel.
Je pense qu'aujourd'hui les bases d'une solution satisfaisante existent, mais je ne suis pas sûr que nous, à titre de peuple métis, exercions suffisamment de pressions sur les gouvernements provinciaux et fédéraux pour qu'ils interviennent dans ce domaine.
Le sénateur Pearson: Ils nous ont parlé de huit régions d'établissement différentes.
M. Mackay: Oui.
Le sénateur Pearson: Pourriez-vous identifier un certain nombre de régions au Manitoba?
M. Mackay: On peut aisément faire le calcul. Il suffit de se rendre dans ces collectivités et de voir qui a perdu ses terres. Il y a eu énormément de recherches à ce sujet. Le gouvernement du Canada a dépensé des millions et des millions de dollars pour la recherche, mais les organisations métisses n'ont pas livré la marchandise.
Dans l'Entente de Charlottetown, Brian Mulroney avait promis 10 milliards de dollars au peuple métis du Manitoba. Je constate que le gouvernement du Canada n'a pas encore dépensé ces 10 milliards. En outre, je sais que dans leur exposé devant la Commission des peuples autochtones, ses porte-parole ont réitéré la volonté d'en arriver à une solution. Cependant, si nous avions pu tirer parti des ressources de la communauté, ces personnes auraient présenté un plaidoyer plus convaincant que celui que nous pouvons présenter maintenant.
Le sénateur Pearson: Vous avez dit manquer de leaders communautaires pour le moment.
M. Mackay: C'est exact.
Le sénateur Pearson: Par conséquent, la façon la plus pratique ou la plus efficace de faire avancer le dossier serait d'instaurer un mécanisme qui créerait un environnement propice à l'apparition d'un leadership. Est-ce exact?
M. Mackay: Tout à fait.
Le sénateur Pearson: Quels pourraient être ces mécanismes? Qu'est-ce qui serait utile?
M. Mackay: J'ai proposé, à titre d'exemple, d'instaurer un cadre qui nous donnerait les leviers de la gestion publique. Un grand nombre de communautés ont des conseils locaux qui s'occupent de questions d'éducation, des services sociaux, et cetera. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas traiter directement avec ces conseils.
Le sénateur Pearson: Il faudrait persuader quelqu'un de l'opportunité de le faire au niveau provincial. J'ai conclu de l'exposé des représentants de l'Alberta qu'il s'agit d'un arrangement tripartite.
M. Mackay: C'est juste.
Le sénateur Pearson: Qui pourrait, en fait, assumer cette tâche et se consacrer pendant deux, trois ou quatre ans à instituer ce cadre. Est-ce la voie à suivre?
M. Mackay: Oui, je le pense.
Le sénateur Pearson: En ce moment, il n'y a personne qui fasse cela?
M. Mackay: Je ne le pense pas.
Le sénateur Pearson: Pas au niveau provincial?
M. Mackay: C'est exact.
Le sénateur Pearson: Y a-t-il au Manitoba un ministère en particulier qui traite avec les responsables?
M. Mackay: Il existe un ministre des Affaires autochtones, mais il s'intéresse surtout aux peuples des Premières nations. On ne s'est pas vraiment attaché au problème métis.
Le sénateur Pearson: Où habitez-vous?
M. Mackay: À Winnipeg.
Le sénateur Pearson: Il doit y avoir de nombreux Métis à Winnipeg.
M. Mackay: Oh, oui. Il y a de nombreuses communautés métisses dans un rayon de 150 milles de Winnipeg. C'est là qu'elles se trouvent pratiquement toutes.
Le sénateur Pearson: Ce serait pratique car il n'y a pas de Métis très loin dans le Nord, n'est-ce pas?
M. Mackay: La plupart des Métis vivent dans les environs de Winnipeg. Cependant, même s'il y avait des communautés métisses dans le Nord, cela ne poserait pas de problème étant donné le degré d'avancement des communications à l'heure actuelle.
Le sénateur Pearson: Comment envisagez-vous les rapports entre les Métis qui habitaient Winnipeg et ceux qui vivent dans les petites villes et les peuplements?
M. John Mackay: Environ la moitié des Métis de la grande région de Winnipeg sont nés dans des communautés comme St-Vital et St-Boniface. L'autre moitié vient des environs de Winnipeg.
Le sénateur Pearson: Serait-il possible de les organiser du point de vue de la gestion publique?
M. John Mackay: Je le pense. La Manitoba Metis Federation n'a pas été organisée de cette façon. Elle a été organisée à partir d'en haut. À l'origine, dans les années 60, ses premiers dirigeants étaient des Indiens inscrits. Ils ont par la suite mis sur pied un comité et constitué une organisation. Il y avait à Winnipeg, à l'époque, certains problèmes sociaux et le secrétaire d'État a déclaré que l'organisation serait chargée de les régler. Et comme le gouvernement était riche à ce moment-là, il leur a donné beaucoup d'argent. Par conséquent, le coup d'envoi est venu du gouvernement et non des citoyens. Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, je considère que c'est une organisation oligarchique. Nous devons devenir démocratiques.
Le sénateur Pearson: Avez-vous été en mesure de stimuler certains de vos étudiants?
M. John Mackay: Au fil des années, j'ai influencé un certain nombre de personnes. J'ai toujours enseigné l'égalité des communautés. Je ne crois pas à l'organisation hiérarchique selon Margaret Mead. Les peuples du monde évoluent en égaux. Je vois une plaine et mon peuple est ici et votre peuple est là. Ils sont égaux. Voilà pourquoi, au fil des ans, j'ai refusé d'enseigner la culture du métissage, par exemple. Je l'ai fait une fois, en 1972, à Brandon, au Manitoba et je me suis dit que je ne répéterais jamais l'expérience car je me suis vu ici, et les autres, là. Si je pouvais devenir vraiment bon, alors ça irait.
Les plus récentes théories concernant les sociétés affirment l'égalité des sociétés. En 1990, MacEachen a parlé dans son ouvrage de la qualité de notre hygiène. Au Canada, notre peuple était sain parce qu'il utilisait des méthodes saines. Par exemple, les habitants se baignaient constamment dans le lac. En 1890, l'Angleterre a connu une terrible épidémie. Par ignorance, on avait installé les tuyaux d'adduction d'eau plus bas que les tuyaux de sortie. La population a connu toutes sortes de problèmes de santé jusqu'au moment où on a pensé à renverser l'ordre des tuyaux. Ici, nous avions un bagage de connaissances scientifiques.
Le peuple a toujours eu cette notion de progrès. Les peuples autochtones de l'Amérique du Nord étaient progressistes à leur façon. Ils ne détruisaient pas l'environnement: ils collaboraient avec lui. D'ailleurs, c'était un élément fondamental de leur démarche spirituelle face à la vie.
Dans le contexte de négociations, nous devons respecter le statut de nation du peuple. C'est ce que j'enseigne à mes élèves. Je suis convaincu que nous formons une nation. Cela ne signifie pas que nous avons une souveraineté absolue. Nous avons une souveraineté restreinte, tout comme le Canada a une souveraineté restreinte. Je ne sais trop quel rôle joue la Reine au Canada à l'heure actuelle.
Le sénateur Pearson: C'est un tout autre débat.
Le sénateur Robertson: Monsieur Mackay, je vous ai écouté attentivement. Je veux savoir si vous avez le sentiment qu'il existe parmi les organisations métisses un consensus quant à la nature de l'autonomie gouvernementale qui conviendrait au Métis. Je n'ai pas bien compris cela.
M. John Mackay: Je ne suis pas sûr. Je n'ai pas travaillé directement avec les organisations métisses depuis un certain temps. Pour dire vrai, j'ai perdu confiance en elles.
Le sénateur Robertson: En leurs membres?
M. Peter MacKay: En leurs chefs. Il n'y a pas de leadership. J'adhère à ces valeurs. L'honnêteté et l'intégrité sont extrêmement importantes à mes yeux.
Je me souviens d'une discussion que j'ai eue avec Leslie Silko, auteure indienne d'Amérique bien connue. Elle m'a raconté l'histoire de deux jeunes femmes du Nord qui avaient été violées par un commerçant. Le soir, elles sont allées le voir dans son magasin, l'ont insulté et se sont enfuies en courant vers la rivière. Elles ont sauté par-dessus le cours d'eau. L'homme les a pourchassées, est tombé dans l'eau et s'est noyé. Elles ont été accusées de meurtre. Lorsqu'elles ont comparu devant le tribunal, le juge leur a dit: «Il vous suffirait de dire que vous ne saviez pas que l'homme allait tomber dans l'eau.» Les deux femmes ont répliqué: «Nous l'avons fait tomber. Nous sommes coupables.» C'est ça, l'intégrité.
Lorsque nous avons interviewé Albertine Abraham avant Noël au sujet de Louis Riel, le journaliste lui a demandé: «Pensez-vous que Riel aurait dirigé un troisième mouvement de résistance?» Elle a répondu: «Pourquoi me posez-vous cette question? Il est mort pour le second.» C'est ça, l'intégrité.
Après avoir écouté l'histoire de cette écrivaine indienne, je lui ai dit que j'allais lui raconter l'histoire d'un grand homme du Manitoba et je lui ai parlé de Riel. Elle avait déjà entendu le nom, sans plus. C'est de ce genre d'intégrité dont nous avons besoin.
Le sénateur Robertson: Si j'ai bien compris, il n'y a pas de terrain d'entente entre les dirigeants au sujet du processus d'autonomie gouvernementale?
M. Mackay: Oui, mais ils ne représentent pas la communauté. Voilà le problème.
Le sénateur Robertson: Comment se sont-ils retrouvés à la tête des organismes, à ce moment-là?
M. Mckay: Dieu seul le sait.
Le sénateur Robertson: Ils ont dû arriver à occuper ces postes d'une façon ou d'une autre. Ils ne sont pas tombés du ciel. Comment vous dotez-vous de chefs?
M. Mckay: Je n'en sais rien. C'est un problème fondamental, et c'est pourquoi nous sommes ici. Je ne veux pas être cynique et dire que c'est une bande de brutes. Je suis sûr qu'ils ont leurs propres objectifs. Cependant, j'étudie ce sujet depuis de nombreuses années et je sais qu'au sein des organisations métisses, nous n'avons ni gouvernement ni représentation par population.
David Chartrand a fait valoir que son organisation représente 10 000 Métis au Manitoba. Ce n'est pas la majorité, je regrette de le dire.
Le sénateur Robertson: Combien y a-t-il de Métis, environ?
M. Mckay: Les chiffres varient considérablement parce qu'il n'existe pas de registre, mais selon une estimation prudente, il y en aurait 50 000.
Le sénateur Robertson: Il est curieux que ces chefs aient pu continuer à diriger. Pourquoi les gens de la base ne leur ont-ils pas dit de partir, qu'ils voulaient les remplacer?
M. Mckay: Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de faire élire des représentants à divers paliers de gouvernement. Nous pensons que si seul le vote autochtone comptait, nous gagnerions. J'ai appuyé des candidats au conseil scolaire à Winnipeg, dans les collectivités, les assemblées provinciales et au gouvernement fédéral. Il y a de nombreuses raisons qui expliquent cette situation. Avant Martin Luther King, les noirs américains faisaient face à des problèmes du même genre. Comme je l'ai dit, nous devons rebâtir notre fierté. Nous sommes tout près du but. Nous devons reconnaître notre histoire.
Malgré leur pauvreté, les gens demeurent intéressés à cette question. Parfois, j'entends dire que les pauvres ne veulent pas voter. Je n'accepte pas cela. Il y a d'autres facteurs. Nous devrions peut-être commencer par la base: bâtir à partir des communautés des comités régionaux et ensuite, nationaux. À ce moment-là, on peut parler de conception commune d'une région à l'autre.
Dans les années 70, j'étais conseiller historique auprès du Conseil national des autochtones du Canada. J'ai constaté le même problème. Il n'y avait pas de communauté de vues et, par conséquent, la situation s'est tout simplement désintégrée. Les dirigeants étaient des personnes valables; on ne peut rien leur reprocher. Cependant, les circonstances ont fait qu'ils n'ont pas pu jouer ce rôle de rassembleur.
Personnellement, je pense qu'il faut élaborer un cadre théorique et trouver ensuite des façons pratiques de le concrétiser. Par exemple, si l'on élit un comité chargé du dossier de l'éducation dont les membres militent au niveau local, il y aura des diplômés. Pourquoi existe-t-il des conseils municipaux dans le système? Ils existent principalement pour former des candidats aux niveaux provincial et fédéral. Autrement, on pourrait s'en passer. Cet argument a été avancé dans les manuels Omany.
Le sénateur Robertson: Si j'ai bien compris, l'établissement d'enseignement dont vous avez parlé tout à l'heure pourrait être un pas dans la bonne direction parce que vous auriez l'occasion de susciter ou de maintenir l'intérêt des jeunes pour leur patrimoine et leur avenir. Il vous faut désormais trouver la collaboration dont vous avez besoin pour bâtir ce centre éducatif.
M. Mackay: Oui.
Le sénateur Robertson: Je voudrais aborder plus précisément une question à laquelle le sénateur Pearson a fait allusion. Compte tenu de votre expérience auprès de votre peuple, pensez-vous que les jeunes Métis ont le même désir passionné d'appartenir à une communauté métisse que leurs parents ou leurs grands-parents? L'assimilation fait-elle son oeuvre, comme elle l'a fait dans certaines communautés américaines dont vous avez parlé?
M. Mackay: Ce n'est pas tellement l'assimilation, mais les diverses raisons qui font que nous sommes à part.
Il y a quelques années, au cours d'une émission télévisée on a demandé à Don McIver pourquoi il insistait pour être Métis et différent. Il a répondu: «Je le serai tant que vous continuerez de m'appeler Métis et de me faire sentir que je suis différent.» Il a précisé qu'il s'élevait particulièrement contre le racisme.
Les jeunes qui vivent dans la pauvreté ont très peu de choix. Ils ne sont pas encadrés. Lorsqu'on a construit le pénitencier à Stony Mountain, nous siégions à un comité ici même à Ottawa. Nous avons dit aux membres de ce comité constitué par le Premier ministre Trudeau: «Ne construisez pas le pénitencier. Construisez plutôt un collège communautaire à Prince Albert.» Ils ont construit la prison, ils l'ont remplie et ils en rempliront encore bien d'autres.
À l'heure actuelle, les bandes autochtones sont très présentes à Winnipeg. Les membres de ces bandes sont plus astucieux que la police. Ils se retrouvent à 30 ou 40 derrière les barreaux et les policiers ne savent qu'en faire. Ils n'ont pas l'argent pour engager des poursuites. Pourquoi ne pas construire une école?
Je vais vous raconter une autre histoire, le beau côté de la médaille. Je suis l'un des collecteurs de fonds pour un dîner organisé tous les ans pour la jeunesse autochtone. Il y a deux ans, j'étais assis à ma table et la cérémonie allait commencer lorsque j'ai vu un groupe de jeunes plutôt bien mis dans un coin. Je leur ai demandé pourquoi ils étaient là et ils m'ont dit qu'ils étaient placiers. Lorsque je leur ai suggéré de s'asseoir à leur table, ils m'ont répondu: «Oh! non, nous attendrons encore dix minutes parce que quelqu'un risque d'arriver et d'avoir besoin de notre aide.» Ces jeunes étaient membres de bandes ou associés à des bandes.
Ce dîner est électrisant, même pour une personne comme moi. Il permet de financer un programme destiné aux jeunes. L'année dernière, nous avons vendu 1 300 billets et il n'en restait plus deux semaines avant l'événement. C'est l'un des meilleurs dîners à Winnipeg. Voilà le genre de choses qu'il faut faire.
Ce matin, j'ai lu à la bibliothèque un article relatant comment, il y a 20 ans, le gouvernement a décidé de construire des arénas partout dans le Nord pour occuper les jeunes. En l'occurrence, nous ne réclamons pas 10 milliards de dollars. Nous voulons une certaine somme, mais l'important c'est de susciter cette fierté et de développer un engagement positif.
À l'heure actuelle, de nombreux jeunes ont un engagement négatif envers les bandes. Celles-ci se débrouillent fort bien; elles font beaucoup d'argent. Nous devons réorienter cette énergie et je pense que l'impulsion doit venir de la base.
Le président: Sénateur Robertson, vous avez posé des questions très pointues qui s'appliquent non seulement aux Métis, mais aussi aux Inuits ainsi qu'aux Indiens inscrits et non inscrits.
Pour en revenir à votre mémoire, monsieur Mackay, vous affirmez que les Métis pourraient s'inspirer, au départ, du modèle de règlement de l'Alberta ou des initiatives économiques de la Saskatchewan. Lorsque je vous ai entendu dire cela, je savais exactement ce que vous vouliez dire. Je partage votre opinion quant à l'opportunité de s'inspirer d'un modèle et de le faire progresser.
Ce modèle existe en Alberta depuis 1936. J'ai eu l'occasion de l'étudier en profondeur. Je constate énormément de similarités entre ce qui se passe en Alberta et dans le nord du Québec. Vous vous souvenez sans doute que nous nous sommes rencontrés il y a de nombreuses années. C'était dans les années 70. Peu après notre rencontre, en tant que groupe d'Inuit, nous avons engagé des poursuites car l'occasion de le faire s'était présentée. Si l'occasion ne s'était pas présentée à ce moment-là, je ne sais pas où nous en serions aujourd'hui.
Nous avons appris à évaluer ce que nous avons acquis à la suite de négociations. Au début, nous avons exercé des pressions de nature juridique sous forme de poursuites. Nous étions tout à fait capables d'amorcer des négociations avec le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. L'occasion était belle car il y avait des pressions qui s'exerçaient des deux côtés. Nous avons tiré parti de cela et nous avons pu matérialiser la structure de gouvernement applicable à cette région dans le nord du Québec.
Comme vous le savez, le même territoire avait été donné à la province de Québec par le gouvernement fédéral en 1912, sans le consentement du peuple autochtone. Par conséquent, nous avions des assises solides. Nous avons donc pu matérialiser cela.
Nous avons négocié en faisant la distinction entre le volet autochtone et les institutions publiques. Nous avons également fait valoir nos préoccupations quant à notre interaction avec une société plus vaste. Cela nous a amenés à parler de santé, d'éducation, d'environnement, de développement économique et de représentation politique. Il existe de nombreuses similarités, et cela fonctionne.
M. Mackay: Voilà pourquoi je parle de modèles. Au fil des ans, j'ai suivi l'évolution au Québec -- le développement du Nunavik, la création d'un nouvel ordre. Il n'y a pas de mal à avoir un troisième ou un quatrième ordre de gouvernement. Le fait est que nous devons être près des gens.
J'ai parlé du Manitoba en raison de l'existence de la Loi de 1870 sur le Manitoba. Nous avons un cadre autour duquel nous pouvons bâtir. Nous pouvons nous servir des modèles de l'Alberta et du nord du Québec. Au lieu de dépenser des millions et des millions pour étudier le sujet, agissons et réglons le problème. C'est ainsi que je vois les choses. Nous avons de très bons exemples dont nous pouvons nous inspirer. Qui plus est, à long terme, nous allons supprimer bon nombre de problèmes sociaux. À l'heure actuelle, le Manitoba est la capitale de la pauvreté chez les enfants au Canada. Or, le Manitoba est également le centre d'une grande activité économique.
La richesse est là. Nous devons la partager un peu. C'est important. Cela peut sembler enfantin, mais le partage fait partie de notre société, des communautés mondiales, et nous devons faire mieux à cet égard. Lorsque j'étais enfant, j'allais souper chez ma grand-mère et je devais réciter le rosaire car j'avais quatre oncles qui étaient partis à la guerre, dont deux au Japon. Mes oncles qui se sont battus au Japon ont été très déçus lorsque Brian Mulroney a indemnisé le peuple japonais mais n'a pas reconnu aux Métis le droit d'être indemnisés pour leurs souffrances.
Nous devons examiner la façon dont nous partageons la richesse. Ce n'est pas un secret que les Métis s'appellent souvent eux-mêmes le peuple oublié. Il y a une certaine vérité dans cette affirmation, mais nous ne pouvons nous apitoyer sur nous-mêmes et baisser les bras. Je constate que mon peuple a beaucoup d'énergie et d'intérêt. Le moment est venu de rouvrir le dossier de l'affrontement entre le gouvernement provincial et le peuple métis. Nous devons trouver certaines solutions. J'espère que nous sommes ici pour cela.
Le président: Monsieur Mackay, le comité a pour objectif de rassembler les divers témoignages que nous entendons et de s'y rapporter pour faire des recommandations constructives. À titre de comité, nous pouvons uniquement faire des recommandations. Bon nombre de sénateurs membres du comité sont sincères et sérieux, mais notre pouvoir se limite à faire des recommandations.
En tant qu'autochtone, j'ai participé à de nombreuses activités. J'estime que je dois faire plus qu'une simple recommandation. À mon avis, la façon dont notre recommandation sera structurée, revêt beaucoup d'importance.
Vous avez soulevé un élément crucial lorsque vous avez parlé du manque de représentation de votre peuple. D'une part, je pourrais dire que c'est à vous qu'incombe cette responsabilité, mais d'autre part, je suis sensible aux contraintes que cela signifie pour vous, personnellement.
M. Mckay: Je suis un enseignant. Quelqu'un m'a demandé quelle influence j'avais eue.
Le président: J'allais en parler. Il existe une reconnaissance suffisante du problème dans notre pays, jusqu'au niveau le plus élevé, la Constitution. Cependant, c'est à nous qu'il appartient de trouver une solution constructive. Il faut également qu'il existe, de notre part et de celle du gouvernement, la volonté politique de faire avancer le dossier.
Il vous fait également stimuler cette volonté politique parmi votre peuple au Manitoba. Vous avez également raison de dire que vous avez besoin d'un instrument. Si vous n'êtes pas satisfaits de l'instrument dont vous disposez, vous devrez peut-être obliger vos dirigeants à examiner sérieusement le problème. Je vous recommanderais de faire cela pour nous aider dans ce domaine car nous allons certainement aborder ces questions dans notre rapport.
La description que vous nous avez donnée des problèmes et des solutions a été très utile. Il n'est pas inévitable que les choses restent comme elles sont aujourd'hui. Nous pouvons améliorer la situation. En outre, cela peut s'avérer avantageux pour l'ensemble du Canada sur le plan économique. On n'a pas puisé dans la richesse que représentent les autochtones. Il faut puiser dans ces ressources à des fins économiques. En retour, nous en tirerons des avantages afin de constituer une société plus vaste. Si vous préférez appeler cela un partenariat véritable, fort bien. C'est la façon de procéder.
Le sénateur Pearson: Votre message est on ne peut plus clair. Comment les membres de votre peuple peuvent-ils contourner certains de vos dirigeants pour que nous puissions entendre leur voix?
M. Mckay: Je pense que cela s'inscrira dans l'évolution des choses car il y a de plus en plus d'intérêt pour le genre de services que les Métis souhaitent. Il y a une explosion de l'information et de la technologie dans tout le pays. Cette révolution touche nos communautés. Les Métis voient ce que d'autres obtiennent et ce qu'ils peuvent faire.
En dépit de nombreux problèmes, il y a beaucoup de jeunes qui font du bon travail. Il y a un grand nombre de Métis scolarisés, de nombreux Métis fréquentent l'université ou le collège communautaire, et j'ai toujours beaucoup de respect pour le bon vieux sens commun. Nous devons collaborer avec ces personnes. Sans vouloir oublier l'époque où la MMF et d'autres organisations se sont consacrées à la lutte et ont contribué à de nombreuses réalisations, à ce stade-ci, il convient de revenir à nos racines communautaires. C'est chose facile en raison des excellentes communications sur le plan individuel.
Le sénateur Robertson: J'ai une brève observation qui renforce votre exposé et l'intervention du sénateur Watt.
Vous avez dit que le Manitoba affiche le taux le plus élevé de pauvreté chez les enfants. J'ai lu récemment qu'il n'y avait pratiquement pas de chômage au Manitoba. La province connaît une période de prospérité. Manifestement, il existe un fossé profond qu'il faut combler. Cela n'a aucun sens.
M. Mckay: Je devrais interroger ma fille, qui est sociologue, au sujet des statistiques concernant le chômage. Elle a travaillé au Manitoba. Dans les faits, il existe encore énormément de pauvreté. Nous le savons.
Lorsque vous parlez de plein emploi, je vous rappelle que de nombreux autochtones ne sont pas inscrits. En outre, il y a le problème des emplois très peu rémunérés. La personne qui travaille chez McDonald a emploi, sur le plan statistique, mais le salaire est très faible.
Le sénateur Robertson: Il faut absolument régler le problème pour que les jeunes puissent s'éduquer. C'était une simple observation. J'ai trouvé vos propos intéressants.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé, monsieur Mackay.
La séance est levée.