Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 28 - Témoignages du 4 mai 1999 (séance du matin)


OTTAWA, le mardi 4 mai 1999

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 heures, pour étudier en vue d'en faire rapport la fonction gouvernementale autochtone.

Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous poursuivons notre étude de la fonction gouvernementale autochtone. Nous accueillerons aujourd'hui, en provenance du Grand Nord des Territoires du Nord-Ouest, l'Inuvialuit Regional Corporation et le Conseil tribal des Gwich'in.

Ces deux organisations seront représentées par deux anciens dirigeants des Territoires du Nord-Ouest et nous avons donc deux témoins très expérimentés pour nous parler de la fonction gouvernementale.

Soyez les bienvenus. Vous avez la parole.

Mme Nellie J. Cournoyea, présidente-directrice générale, Inuvialuit Regional Corporation: Honorables sénateurs, j'apprécie la possibilité qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui. Simplement pour nous repencher sur le passé, disons que ce n'est pas la première fois que nous nous présentons devant le Sénat pour évoquer les enjeux et faire part de nos préoccupations concernant l'extrême-nord de l'ouest de l'Arctique, la région du delta et de la mer de Beaufort, celle des Gwich'in et des Inuvialuit. Je tiens à remercier sincèrement les sénateurs Watt, Adams et Austin pour tout ce qu'ils ont fait pour nous aider à faire modifier les limites du parc national de Tuktut Nogait. Nous étions sincèrement convaincus que cette disposition faisait partie de la convention.

Je sais que vous y avez consacré beaucoup de temps, honorables sénateurs, et nous tenons à vous remercier sincèrement de votre appui et de votre compréhension. Je peux vous dire que la population de Paulatuk et de la région d'Inuvik ont apprécié, non seulement que vous ayez pris le temps de les écouter, mais en fait de les entendre. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous avons aujourd'hui parmi nous Richard Nerysoo, l'ancien dirigeant du gouvernement. Voilà 16 ans que je travaille avec Richard à l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes tous deux retournés chez nous pour travailler sur les questions des revendications territoriales, qui revêtent une importance fondamentale aux yeux de notre population.

Je veux aussi vous présenter Bob Simpson, qui a dirigé l'énorme travail mené sur les questions d'autonomie de gouvernement, et Charles Hunter qui, comme vous pouvez le constater, fait partie de la plus jeune génération et est l'un des rares avocats inuits-inuks au Canada. Nous sommes très fiers de lui. Il consacre énormément de temps aux négociations sur l'autonomie de gouvernement mais il doit aussi s'acquitter de ses responsabilités envers l'entreprise pour laquelle il travaille à Calgary.

Toute cette procédure d'autonomie de gouvernement n'est pas nouvelle. En 1976, nous avions essayé de mettre sur pied un système de gouvernement régional. Toutefois, lorsque les Inuvialuit ont négocié leurs revendications, cela ne faisait pas partie du calendrier. Il n'y avait rien dans les revendications globales qui nous permettait de lier les deux choses.

Les Inuvialuit et les Gwich'in ont une longue expérience des négociations de l'autonomie de gouvernement ainsi que de l'application des accords de revendications territoriales et de mise en place des mécanismes correspondants. Compte tenu de cette expérience, nous évaluons et nous décrivons dans notre mémoire les problèmes liés aux mécanismes, à la structure et aux modalités portant sur l'autonomie de gouvernement et sur les négociations correspondantes, et nous proposons par ailleurs certaines améliorations.

Dans la première partie de notre étude, nous donnons des renseignements de base concernant les revendications territoriales et les organisations inuvialuit et gwich'in et en ce qui a trait à la région du delta et de la mer de Beaufort. Je crois savoir que la traduction de cette étude a déjà été demandée de sorte que vous devriez disposer de ce document en anglais et en français.

Dans la deuxième et la troisième parties, nous décrivons la procédure de négociation de l'autonomie de gouvernement et nous définissons les domaines dans lesquels les décisions doivent être prises. Il y en a de deux sortes: tout d'abord, les répercussions d'un manque de cohérence politique à l'intérieur des gouvernements et entre les différents gouvernements en ce qui a trait aux négociations de l'autonomie de gouvernement; en second lieu, la parcellisation et les conflits potentiels découlant directement du fait que le gouvernement hésite à raccorder entre eux des régimes de gouvernement et des mécanismes politiques complémentaires.

Dans la dernière partie, on définit les principes devant mener à une amélioration et à un renouvellement des procédures. Nous considérons que ces enjeux et que ces propositions de renouvellement de la procédure auront des répercussions sur nombre de Premières nations participant à des négociations d'autonomie de gouvernement.

Laissez-moi vous donner quelques précisions au sujet de l'Inuvialuit Regional Corporation. La Convention définitive des Inuvialuit, la CDI, a été signée en 1984. Elle a accordé à quelque 2 500 bénéficiaires 91 000 kilomètres carrés de territoire et 170 millions de dollars à titre de propriété des terres et de règlement en espèces. L'Inuvialuit Regional Corporation a été créée pour administrer le règlement et faire en sorte que les objectifs de la CDI soient atteints. Ces objectifs étaient les suivants: en premier lieu, préserver les valeurs et l'identité culturelle inuvialuit dans une société en pleine évolution dans le nord; en second lieu, permettre aux Inuvialuit de participer utilement et sur un pied d'égalité à la vie économique et à la société dans le nord et au plan national; enfin, en troisième lieu, protéger et préserver la faune, l'environnement et la productivité biologique de l'Arctique.

L'article 4(3) de la CDI stipule que lors de la restructuration du gouvernement public de la région de l'ouest de l'Arctique, les Inuvialuit ne doivent pas être traités moins favorablement que tout autre groupe ou personne autochtone pour ce qui est des pouvoirs et de la compétence gouvernementale qui leur est conférée.

Cet article se rapportait à la question qu'avait entrevue le gouvernement, en l'occurrence qu'il faudrait envisager à l'avenir, à un moment donné, les questions de gouvernement. Toutefois, cela ne faisait pas partie à l'époque du mandat des négociations de l'accord global.

En 1992, la Convention sur la revendication territoriale globale des Gwich'in a été signée. Cette convention accordait à 2 200 bénéficiaires 23 976 kilomètres carrés de territoire et 75 millions de dollars à titre de propriété des terres et de règlement en espèces. Le Conseil tribal des Gwich'in a été établi pour administrer le règlement et veiller à la réalisation des objectifs de la convention, qui étaient d'établir certains droits sur les terres et de verser une indemnisation; de s'assurer que les Gwich'in aient le droit de prendre part aux décisions concernant les terres, l'eau et les ressources naturelles; enfin, de promouvoir et de préserver la culture gwich'in ainsi que le développement durable dans la région faisant l'objet du règlement.

Les chefs gwich'in ont constitué un comité sur l'autonomie de gouvernement en dehors de la procédure de négociation de l'autonomie de gouvernement pour régler les questions en instance découlant du fait que les Gwich'in étaient signataires du traité 11 en 1921 ainsi que les problèmes de transition posés par la Loi sur les Indiens au sujet de la création des institutions liées à l'autonomie de gouvernement.

La Convention sur les revendications territoriales globales des Gwich'in, au chapitre 5 et à l'annexe B, fixe les questions devant être négociées dans le cadre de l'autonomie de gouvernement. Ces dispositions obligent le Canada à négocier l'autonomie de gouvernement avec le Conseil tribal des Gwich'in.

Située dans la région de la mer de Beaufort et du delta du Mackenzie, la région du delta et de la mer de Beaufort compte une population d'environ 7 000 personnes comprenant de huit localités. Cela ne comprend pas un grand nombre de bénéficiaires qui habitent dans d'autres parties des Territoires du Nord-Ouest, à l'extérieur de cette région et dans les provinces. Inuvik compte 2 296 habitants et c'est le centre régional du gouvernement.

Le président: Est-ce que cela comprend les personnes habitant à l'extérieur du territoire?

Mme Cournoyea: Ce groupe de 7 000 personnes dont nous parlons dans la mer de Beaufort, dans les huit localités, n'englobe pas les bénéficiaires qui habitent à l'extérieur de la région de l'ouest de l'Arctique. Le règlement inuvialuit, par exemple, s'étend à quelque 3 000 personnes qui habitent à l'extérieur de la région, que ce soit à Yellowknife ou en Alberta, ou encore dans d'autres régions de l'ouest de l'Arctique.

Inuvik, qui est le siège du gouvernement, comprend 40 p. 100 d'Inuvialuit, 20 p. 100 de Gwich'in et 40 p. 100 de non-autochtones. Les localités de Tuktoyaktuk, qui compte 943 habitants, de Sachs Harbour, qui en compte 135 -- et donc beaucoup plus de boeufs musqués que d'habitants puisqu'il y en a 60 000, de Paulatuk, qui compte 277 habitants et de Holman, qui en compte 423, sont avant tout composées d'Inuvialuit. Les localités de Fort McPherson, qui compte 878 habitants, et de Tsiigehtchic, qui en compte 162, abritent une majorité de Gwich'in. Aklavik, dont la population est de 727 habitants, est composée en majorité d'Inuvialuit, soit 55 p. 100, auxquels s'ajoutent 35 p. 100 de Gwich'in.

L'une des questions qui nous préoccupe au sujet de la négociation de l'autonomie de gouvernement, c'est le manque de cohérence des politiques. L'IRC, l'Inuvialuit Regional Corporation, et le CTG, le Conseil tribal des Gwich'in, ont soumis au Canada, en 1993, un projet conjoint d'autonomie de gouvernement. Ce projet, qui a par la suite été accepté par le Canada en tant que base des négociations d'autonomie de gouvernement, prévoyait que les Inuvialuit et les Gwich'in devaient étudier conjointement dans quelle mesure le droit inhérent à l'autonomie de gouvernement pouvait être exercé dans le cadre d'un régime de gouvernement public régional.

Le président: Avez-vous une copie du projet que vous avez présenté en 1993? Il serait bon qu'il soit déposé devant le comité.

Mme Cournoyea: Nous pourrons vous en fournir une copie.

Les parties à la procédure actuelle sont l'Inuvialuit Regional Corporation, le Conseil tribal des Gwich'in, le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest -- ou ce qu'il en reste après la constitution du Nunavut.

En dépit des progrès significatifs enregistrés au cours des deux dernières années, la procédure de négociation actuelle est entravée par un manque de cohésion interne des procédures et des politiques du gouvernement. De plus, cette procédure est considérée par les gouvernements comme une fin en soi -- en l'occurrence, il s'agit uniquement de négocier une convention -- contrairement à la démarche des Inuvialuit et des Gwich'in, qui veulent que les négociations servent de tremplin au développement des mécanismes et à la sensibilisation du public. Selon cette démarche, la procédure est considérée comme un outil indispensable devant amener le public à accepter l'autonomie de gouvernement et à s'y préparer pendant que la convention est négociée.

Voilà les premières questions traitées dans notre mémoire. Je vais demander à Richard Nerysoo, qui dirige le Conseil tribal des Gwich'in, de terminer notre exposé.

M. Richard Nerysoo, président, Conseil tribal des Gwich'in, Inuvialuit Regional Corporation: Comme on vient de vous le dire, nous avons entrepris conjointement de soumettre un projet et de participer aux négociations visant à constituer un pouvoir de gouvernement régional.

Il convient d'aborder plusieurs questions importantes dont dépendra le succès des négociations. Elles ne sont probablement pas différentes de celles qui concernent tous les autres groupes au Canada. L'expérience de nos propres négociations nous a révélé l'existence de problèmes importants qui doivent être réglés sans faute par les sénateurs et les autres parlementaires pour garantir de manière générale le succès des gouvernements autochtones au Canada.

Comme nous vous l'avons dit, les Inuvialuit et les Gwich'in négocient des compétences dans un grand nombre de domaines. Je signalais justement à l'attention du négociateur en chef la quantité de documents qui ne figuraient même pas dans le rapport qu'il nous a remis. Ainsi -- et je veux que vous le voyiez de vos propres yeux -- j'ai en main le document d'origine du rapport à jour des négociations d'autonomie de gouvernement. Il s'agit de la Convention définitive gwich'in. Regardez l'épaisseur des documents, c'est à peu près la même; pourtant nous n'en sommes pas encore au point où nous pouvons effectivement signer ces documents.

Vous pouvez donc voir de vos propres yeux quelle est la quantité de travail détaillé qu'il nous faut faire pour en arriver à une convention définitive, quel que soit l'endroit où nous habitons en général au Canada. Les détails demandés sont assez significatifs. Je ne veux absolument pas dire par là qu'il faut se passer d'un travail détaillé. Il s'agit que chacun se sente à l'aise et que les gouvernements soient prêts à signer une convention devant permettre aux Gwich'in et aux Inuvialuit de régler les questions au niveau communautaire ou régional; c'est le genre de garantie qu'il nous faut pouvoir donner au Canada.

Cela dit, il est nécessaire de relever un certain nombre de points importants. Il est probable que toutes les organisations autochtones qui vont comparaître devant votre comité vont aussi les signaler.

Sur la question du financement, quels sont les meilleurs moyens de garantir le succès de ces gouvernements autochtones? Dans notre cas particulier, nous nous demandons s'il est possible de mesurer avec certitude la réussite d'un gouvernement public. Nous devons nous assurer que des ressources financières sont mises à notre disposition.

Nous nous sommes efforcés d'aborder le problème sous divers angles. Avons-nous tout d'abord les ressources nous permettant de mettre en place de nouveaux gouvernements et des capacités d'administration? En second lieu, la question de l'administration a-t-elle été bien posée et a-t-on les moyens de réussir dans le cadre des mécanismes de décision et des structures gouvernementales? Troisièmement, ces institutions sont-elles en mesure d'assumer leur compétence et leur capacité législatives? Pourront-elles adopter comme il se doit des politiques régissant la fourniture des programmes et des services?

Après avoir soulevé ces différentes questions, nous constatons que les ressources devant permettre de financer ces initiatives sont actuellement aux mains du gouvernement fédéral et de celui du territoire.

La création du Nunavut peut servir d'exemple. Nous n'avons peut-être pas la même importance que le gouvernement territorial du Nunavut, mais nous n'en traitons pas moins de l'établissement des pouvoirs publics devant administrer notre région, dont la taille est loin d'être négligeable, même si les chiffres paraissent moins importants.

Nous reconnaissons par ailleurs qu'il y aura un gouvernement fort dans l'ouest. Nous le reconnaissons. Nous ne remettons pas la chose en question. Toutefois, nous savons aussi par expérience que si nous voulons réussir, il faut que la question des ressources soit réglée.

Dans le cas du Nunavut, le gouvernement du Canada a compris la nécessité d'intervenir et de fournir des ressources supplémentaires pour garantir le succès de l'opération, ce qu'il a fait. Nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada fasse de même pour les gouvernements autochtones qui sont proposés.

Je ne sais pas ce que cela implique de manière générale. La première question est celle du coût. Si l'on ne règle pas immédiatement cette question, quels seront les échecs qui s'ensuivront? Le règlement de cette question précise est déterminant pour le succès des gouvernements autochtones en général. On ne peut pas s'en désintéresser.

Le sénateur Austin: Vos observations, et celles de Mme Cournoyea tout à l'heure, soulèvent la question de la rétrocession des pouvoirs par le gouvernement de Yellowknife aux gouvernements régionaux constitués de la manière que vous avez décrite. Si ces pouvoirs sont rétrocédés, les crédits le seront aussi. Est-ce que vous vous référez aux transferts de crédits en provenance de Yellowknife et d'Ottawa ou est-ce que vous mettez uniquement l'accent ici sur le programme de financement d'Ottawa?

M. Nerysoo: Monsieur le président, nous parlons de l'ensemble. Les parties à la table des négociations sont le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ainsi que le gouvernement du Canada. Il y a toute une série de questions qui sont encore en cours de négociations dans d'autres instances, l'une d'entre elles étant la rétrocession des pouvoirs. Il y a aussi la question de la compétence dans des domaines comme les ressources naturelles.

Nous faisons certaines propositions pour ce qui est de vos compétences et de vos responsabilités dans la région. Ces questions restent à négocier. Nous n'exigeons rien et nous n'excluons rien. Nous disons en fait que tout est à négocier. Nous verrons ce qu'il en résultera.

On ne se présente pas à la table des négociations en partant du principe que les ressources nécessaires sont uniquement déterminées par les considérations présentes. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il nous faut tenir compte des ressources financières indispensables pour garantir le succès de l'opération. Cela doit se faire au moyen d'un transfert des ressources disponibles ou par l'apport de ressources supplémentaires.

Nous avons terminé la période de révision de cinq ans de la Convention définitive des Gwich'in. Nombre de questions n'ont pas été abordées lors des premières phases d'application. Au jour de la signature de la convention d'application, nous ne connaissons pas les enjeux et les problèmes susceptibles de se poser.

C'est la même situation. Si vous ne réglez pas la question dès le départ ou si vous ne permettez pas à l'institution du gouvernement de percevoir ses propres recettes, vous vous fourvoierez totalement. Nous espérons là encore que les gouvernements sauront discuter ouvertement de ces questions.

Le sénateur Austin: Le modèle que vous envisagez, si je comprends bien vos observations, est celui d'une mini-confédération. Vous aurez un gouvernement public dans les Territoires du Nord-Ouest et au-dessous des gouvernements ayant une compétence dans certains domaines sur leur territoire. Est-ce le modèle d'organisation que vous décrivez?

Mme Cournoyea: C'est comme pour les municipalités de Toronto.

Le sénateur Austin: Si vous voulez parler de la communauté urbaine de Toronto, je ne pense pas que ce soit la même chose.

M. Nerysoo: Vous avez exposé notre mécanisme dans ses grandes lignes.

Le sénateur Austin: C'est une sorte de mini-confédération?

M. Nerysoo: Je ne veux pas que les gens pensent que nous n'appuyons pas un gouvernement territorial fort. Ce serait une erreur. D'un autre côté, nous ne pouvons pas nous désintéresser des problèmes régionaux qui nous touchent en permanence. Les besoins de notre propre population, du point de vue des programmes et des services, sont bien particuliers. Il est important que nous envisagions la possibilité pour nos institutions gouvernementales de percevoir leurs propres recettes. Il n'y a rien là d'étonnant. Ces questions doivent être prises en compte dans tout le pays lorsqu'on parle d'autonomie de gouvernement autochtone, des Gwich'in jusqu'aux Inuvialuit. Ce sont des questions fondamentales.

Le sénateur Austin: Merci de nous avoir donné cette précision.

M. Nerysoo: Les nouveaux accords financiers doivent aussi tenir compte des compétences des gouvernements du delta et de la mer de Beaufort. Nous devons prévoir un partage des recettes et la possibilité de percevoir ces recettes pour qu'ils puissent exercer pleinement leurs compétences. Le problème va se poser un jour. Nous devons définir les nouvelles recettes du territoire de l'ouest et organiser leur partage pour financer tous les gouvernements. Nous devons transférer les crédits territoriaux et fédéraux pour donner un maximum de marge de manoeuvre aux gouvernements du delta et de la mer de Beaufort afin qu'ils puissent établir leurs propres priorités et administrer la fourniture des programmes et des services. Il ne s'agit pas de considérer les ressources telles qu'elles se présentent à l'heure actuelle. On s'est prononcé de manière générale sur la marge de manoeuvre, et on peut toujours se demander s'il y aura des normes. Nous considérons qu'il s'agit là d'une considération importante.

Il y a une autre question importante dont il faut tenir compte, c'est l'absence de manière générale d'une politique financière concernant le financement des nouveaux gouvernements à l'échelle du pays. C'est une source de difficultés, et nous sommes obligés de négocier des compétences sans savoir bien clairement si nous aurons des ressources suffisantes pour mettre en application notre accord. C'est une question dont le Sénat doit se préoccuper, et il lui faut l'aborder quelles que soient les solutions envisagées.

Il y a aussi le manque de cohérence entre les politiques du gouvernement et les mandats de négociations. Il semble qu'il y ait une trop grande incohérence en ce qui a trait à l'application en général des politiques. Dans certains cas, vous nous dites que certaines politiques qui s'appliquent au plan national à la population autochtone ne s'appliquent pas au nord du 60e parallèle, ou encore vous modifiez une politique et vous laissez entendre que certaines questions de politiques ne peuvent être prises en compte dans le cadre du mandat que vous conférez aux négociateurs au nord du 60e parallèle, contrairement à ce qui se passe au sud.

Nous avons besoin d'une cohérence générale pour savoir où nous en sommes. Je ne veux pas dire par là qu'il faut que cette cohérence empêche une région donnée de négocier sa propre politique et sa propre version de l'autonomie de gouvernement. Lorsque nous sommes à la table des négociations, les approches sont différentes. En lisant un document concernant d'autres négociations, éventuellement en Colombie-Britannique ou en Alberta, sur les questions mêmes que nous cherchons à régler, nous constatons que ces questions ne sont pas traitées dans le cadre de nos négociations et nous nous demandons pourquoi il en est ainsi et pourquoi cela ne s'applique pas à notre cas particulier. Il est important de faire preuve d'une certaine cohérence.

Les cadres politiques varient selon les ministères et même à l'intérieur d'un même ministère. Lorsqu'on nous laisse entendre que le gouvernement appuie la négociation d'ententes sur l'autonomie de gouvernement et qu'une fois arrivés à la table des négociations nous constatons que les politiques varient selon les ministères, nous nous demandons jusqu'à quel point le gouvernement fait preuve de sérieux dans l'application de la politique en général. En tant que membre des pouvoirs publics au Canada, il est important que nous sachions quelles sont ces politiques.

Il est important de comprendre la nature de l'orientation autochtone et des politiques et programmes fédéraux, y compris en ce qui a trait à la rétrocession des pouvoirs au gouvernement territorial et la mesure dans laquelle le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pourra exercer son pouvoir dans le cadre de ses compétences. Même au niveau du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les politiques et les projets sont fonctions des priorités établies par les ministères; les politiques adoptées en matière d'autonomie de gouvernement sont d'origine ministérielle et la cohérence globale ainsi que l'orientation stratégique font défaut. Qu'il s'agisse de nos négociateurs ou de Nellie et moi-même, nous comprenons que la question qui se pose à nous est la suivante: quel est le projet du gouvernement? Est-ce que ce projet ne doit pas être en fait défini à la fois par la politique du gouvernement et par les orientations adoptées lors des négociations?

Par ailleurs, les principes s'appliquant au projet de gouvernement global dans l'ouest sont si vagues qu'ils sont interprétés différemment selon les ministères, les commissions et les organismes. Cela ressort à l'évidence du manque de cohérence des politiques adoptées par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest lui-même.

Vous pouvez voir que nous prenons au sérieux la question du projet politique et de la responsabilité de l'établissement des politiques qui, à notre avis, incombent aux gouvernements.

Par ailleurs, les politiques ne tiennent pas toujours compte de la réalité. C'est le cas, par exemple, de la négociation des services de police en vertu de l'autonomie de gouvernement. À la table des négociations, nous avons le sentiment que le gouvernement fédéral et celui du territoire nous disent: «Nos politiques ne tiennent pas compte de votre réalité; par conséquent nous ne traiterons pas de votre réalité. Nous ne traiterons que des réalités que visent nos politiques. Si vous vous retrouvez le bec dans l'eau, c'est votre problème.»

C'est ce qui s'est passé lorsque nous avons demandé au gouvernement fédéral comment il allait garantir que les Inuvialuit et les Gwich'in qui résident en dehors des Territoires du Nord-Ouest continuent à pouvoir prétendre bénéficier des programmes autochtones une fois réalisée l'autonomie de gouvernement. C'est aussi le cas des services de police. Les lois et la politique fédérale et territoriale en matière de police empêchent la région du delta et de la mer de Beaufort de négocier des compétences dans certains domaines de la police et empêchent la région du delta et de la mer de Beaufort ainsi que les Inuvialuit et les Gwich'in de tirer parti de la politique des Premières nations en matière de police. Depuis août 1997, les parties aux négociations échangent des observations et se penchent sur leurs intérêts en matière de police. Trois avant-projets d'accords sur l'administration de la justice ont été déposés, y compris en matière de police. L'administration de la justice n'a pas été évoquée au cours des négociations depuis décembre 1998. En dehors des négociations sur l'autonomie de gouvernement, le transfert des pouvoirs de police aux Premières nations est régi par la politique des Premières nations en matière de police. La région du delta et de la mer de Beaufort ne peut prétendre à bénéficier de la politique des Premières nations en matière de police étant donné sa nature publique. On nous dit que la politique des Premières nations en matière de police ne s'applique que sur les réserves. Par conséquent, toute entente passée avec la région du delta et de la mer de Beaufort en matière de police ne pourra reprendre l'intégralité des éléments de la politique des Premières nations s'appliquant à la police.

Vu sous cet angle, on se demande ici quelles sont les politiques importantes qui président aux orientations que nous voulons prendre.

Je vais maintenant aborder la question du développement de l'organisation politique. Comme pour le Nunavut, il n'est ni réaliste ni rationnel de s'attendre à ce qu'un nouveau régime de gouvernement puisse fonctionner sans préparation suffisante. Les négociations de l'autonomie de gouvernement déboucheront sur l'établissement d'un gouvernement régional et la reconfiguration des relations entre les institutions existantes et celles qui seront nouvellement créées. Nous aurons besoin d'un organisme régional provisoire facilitant la mise en place d'un nouveau régime de gouvernement avant la mise en application de la convention d'autonomie de gouvernement.

Les Inuvialuit et les Gwich'in doivent opérer dans le cadre de différents projets fédéraux et territoriaux pour mettre en pratique leurs aspirations politiques. Les mécanismes visent à donner des garanties de gouvernement aux Inuvialuit et aux Gwich'in à une échelle territoriale. Voici quels sont les différents mécanismes prévus: le mécanisme prévu par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour que les collectivités se prennent en charge, ce qui consiste à transférer les responsabilités du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aux municipalités; Gathering Strength, une initiative fédérale visant à aider les Premières nations à se doter de meilleures capacités et à assumer un meilleur contrôle sur leur communauté; le Sommet autochtone, qui regroupe des représentants du gouvernement autochtone des Territoires du Nord-Ouest et dont je suis membre avec Nellie, qui élabore des solutions communes en matière de gouvernement dans le nouveau territoire de l'Ouest; le Groupe de travail sur l'évolution constitutionnelle, un groupe mixte comprenant des représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et du groupe de travail du Sommet autochtone, chargé d'élaborer de nouveaux modèles de gouvernement. Plus récemment, il y a eu la rétrocession de terres et de ressources au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, avant tout sous la forme d'un transfert de recettes perçues actuellement par le gouvernement fédéral, et l'on a fixé les circonscriptions électorales pour les besoins des élections à l'assemblée législative territoriale. Les décisions judiciaires récentes ont clairement établi que la délimitation des circonscriptions devait se faire uniquement en fonction de la population. Il en est résulté une évolution de la représentation, qui nous a fait passer des circonscriptions rurales à prédominance autochtone aux circonscriptions urbaines non autochtones, ce qui affaiblit ce que nous considérons comme étant la participation autochtone au gouvernement territorial.

Le fait d'exiger que les Inuvialuit et les Gwich'in prennent part à une multitude de projets et de mécanismes de développement politiques limite les ressources qu'ils peuvent consacrer à la mise en application de leurs conventions sur les revendications territoriales ainsi qu'à la réalisation de leurs objectifs d'autonomie de gouvernement par la négociation ou par d'autres moyens.

Lors d'une conférence des dirigeants régionaux qui a eu lieu récemment, les Inuvialuit et les Gwich'in ont proposé d'oeuvrer avec le gouvernement fédéral et celui du territoire pendant la durée de l'accord politique pour que les parties collaborent à la mise en place d'une solution commune visant à unifier l'élaboration des politiques touchant le développement politique, économique et social de la région; à instituer une relation de travail avec le gouvernement fédéral et celui du territoire; à étudier avec le gouvernement fédéral et celui du territoire des projets précis permettant d'atteindre les objectifs de gouvernement aux niveaux communautaire et régional; à mettre en place des ententes financières appropriées pour financer les gouvernements créés à la suite de la convention d'autonomie de gouvernement; enfin, à renforcer la capacité des gouvernements du delta et de la mer de Beaufort pour qu'ils puissent administrer leurs propres affaires.

Cet accord politique visait à regrouper tous les services de manière à faire en sorte que les Inuvialuit et les Gwich'in puissent avancer rapidement dans la voie des négociations et se préparer à gouverner. On pourrait ainsi coordonner l'élaboration des politiques et des programmes devant être dispensés plutôt que de s'en tenir aux solutions parcellaires qu'adoptent aujourd'hui les gouvernements.

Pour ce qui est du lien devant être fait entre les revendications territoriales et l'autonomie de gouvernement, le gouvernement fédéral a généralement insisté sur le fait qu'il ne veut pas discuter des moyens pratiques de coordonner les ententes portant sur les revendications territoriales et sur l'autonomie de gouvernement. Il insiste sur le fait qu'il n'est pas mandaté pour rouvrir la question de revendications territoriales dans le cadre des négociations d'autonomie de gouvernement. Les Inuvialuit et les Gwich'in considèrent les uns comme les autres que cela les empêche d'exercer leurs droits inhérents à l'autonomie de gouvernement, notamment à administrer leurs propres terres et les ressources qui s'y trouvent, comme c'est le cas pour les ressources relevant du patrimoine. L'article 3.1.15 de la convention sur les revendications territoriales des Gwich'in stipule:

Aucune disposition de cette convention ne pourra être interprétée de manière à remettre en cause:

a) tout droit autochtone ou issu de traité que peuvent avoir les Gwich'in en matière d'autonomie de gouvernement.

Étant donné la posture adoptée par le gouvernement, il n'est pas sûr que les gouvernements gwich'in et inuvialuit reconnus dans la convention d'autonomie de gouvernement puissent assumer des responsabilités en matière de revendications territoriales étant donné la préférence du gouvernement fédéral pour les institutions publiques. De ce fait, plusieurs institutions ayant des mandats complémentaires représenteront la même population.

Ce que nous essayons de vous dire par là, c'est que nous cherchons à regrouper les deux choses. Si les gouvernements considèrent qu'elles doivent rester distinctes, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions négocier un mécanisme d'autonomie de gouvernement qui ne tient absolument pas compte des obligations, des droits et des intérêts des Inuvialuit et des Gwich'in en vertu de leurs conventions de revendications territoriales. Cela nous paraît totalement illogique.

J'imagine que même pour vous, sénateurs, qui faites partie d'un corps constitué des pouvoirs publics, c'est une chose qui va vous paraître illogique et contraire au bon sens.

De la même manière, le gouvernement n'envisage pas de négocier dans le but d'harmoniser les régimes existants au sein de la région, telle que la gestion des terres et de la faune. L'harmonisation et l'intégration des mécanismes et des procédures permettront d'éviter une interprétation trop stricte des conventions et des conflits qui en résultent. Dans son dernier rapport, le vérificateur général a mentionné que les conventions avaient d'ores et déjà créé une situation de conflits donnant lieu à des poursuites en justice. Comme il est indiqué à la partie 14.36 du rapport:

On peut s'attendre normalement à ce que l'application se fasse de bonne foi, mais nous avons relevé que des poursuites judiciaires étaient intentées contre la Couronne en raison de prétendus défauts d'application et de conflits concernant l'interprétation des conventions. Ces revendications sont détaillées dans la section qui traite des conflits concernant l'application.

La grande difficulté, là encore, c'est la capacité pour le gouvernement de discuter ouvertement d'autres moyens de mettre en application les conventions ou d'apporter des améliorations dans le cadre des négociations de l'autonomie de gouvernement.

Nous avons un certain nombre d'autres questions que nous voulons aborder et des propositions à faire à leur sujet; toutefois, ce que nous évoquons ici figure dans la documentation qui vous a été remise.

Le président: Avant d'aller plus loin, il vous faudrait maintenant dans toute la mesure du possible préciser quelles sont vos recommandations, parce que nous avons d'autres témoins à entendre et des délais très stricts à respecter. Vous nous aideriez beaucoup en exposant vos recommandations précises, après quoi nous pourrions passer aux questions.

Vous soulevez des questions intéressantes, tout particulièrement en ce qui me concerne, étant donné que j'ai suivi ces dernières années un certain nombre de phases d'application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il semble qu'avec vos collègues vous souleviez un point fondamental lorsque vous vous demandez si le gouvernement fait vraiment preuve de sérieux et cherche à s'orienter dans une direction bien déterminée.

Cela soulève la question de savoir si le pays a encore la volonté d'essayer de remédier aux questions autochtones et s'il y aura une coexistence entre les trois sociétés au sein de notre pays, parce que les questions francophones et anglophones jouent un rôle clé dans l'administration de notre pays. Si un troisième élément doit s'y rajouter -- rajouter n'est pas le mot, puisqu'il a toujours été là -- mais s'il doit être pris en compte par le système, il faut que l'on sache bien s'il y a une volonté politique. Lorsqu'on se heurte à ce genre de problèmes dans la dernière ligne droite des négociations, cela ne fait pas avancer les choses. Si l'on veut qu'ils soient réglés dès le départ, une plus grande rigueur s'impose au sein même des groupes autochtones.

Vous avez soulevé la question du nord du 60e parallèle. Les gens qui administrent les politiques au nord du 60e parallèle n'ont pas toujours la même façon de concevoir les choses qu'au sud du 60e parallèle, même s'il ne devrait pas y avoir de différence. Il faut tenir compte de tous ces facteurs et les aborder de front.

J'aimerais discuter des principes sur cette question. Que faisons-nous en l'espèce? Que cherchons-nous à réaliser? Y a-t-il une volonté nationale en la matière? Fait-on preuve de bonne volonté? Bien des facteurs de ce genre ont déjà été évoqués et pas uniquement par votre groupe; nous avons eu une intervention du même ordre de la part de la Commission crie-naskapi. Le problème n'était pas tant les négociations que l'absence de mécanismes adéquats au moment de l'application.

Le gouvernement a tendance à formuler des politiques une fois que des conventions le lient déjà en droit avec les nations autochtones, alors que ces dernières se demandent si le gouvernement a la compétence, en plus de ce qui a déjà été convenu en droit, lui permettant de formuler de nouvelles politiques ou d'écarter les politiques existantes lorsqu'il en formule de nouvelles. Nous commençons à comprendre pourquoi le gouvernement n'a pas respecté ses promesses au fil des années.

Vous pourriez peut-être nous exposer le fond de vos recommandations, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Nerysoo: Monsieur le président, il y a un certain nombre de principes fondamentaux que le gouvernement, à notre avis, doit faire siens pour essayer d'améliorer sa politique actuelle. Il faut tout d'abord que la cohérence de l'ensemble des politiques au sein du gouvernement soit une priorité.

Il ne faut pas que les Inuvialuit et les Gwich'in soient pénalisés après s'être efforcés d'oeuvrer dans la voie de la création de ce que l'on peut appeler une institution de gouvernement public. Il convient que l'on continue à respecter notre droit inhérent à nous gouverner. Parallèlement, il ne faut pas que nous soyons traités moins favorablement que tout autre groupe autochtone au Canada pour ce qui est de l'accès aux services et aux ressources.

Il faut que le gouvernement reconnaisse les compétences des gouvernements du delta et de la mer de Beaufort et prévoit un partage des recettes. Les accords de financement doivent conférer un maximum de marge de manoeuvre aux gouvernements du delta et de la mer de Beaufort et permettre à ces derniers d'établir leurs propres priorités et de dispenser les programmes et les services appropriés à la région. Nous reconnaissons toutefois que les politiques et les normes obéiront toujours à des considérations d'ordre national et territorial.

En tant que propriétaires de la terre, les Inuvialuit doivent avoir la possibilité de décider de quelle façon et à quel moment ils veulent coordonner les revendications territoriales et les institutions d'autonomie de gouvernement. Les accords d'autonomie de gouvernement doivent reconnaître l'importance d'une harmonisation et de la coordination des revendications territoriales et des mécanismes et procédures d'autonomie de gouvernement afin d'éviter au maximum une interprétation trop stricte des accords.

Pour réduire au maximum les désaccords entre les gouvernements et les offices réglementaires de gestion dans le cadre d'un gouvernement public, il est nécessaire de reconfigurer les institutions existantes et celles qui seront nouvellement établies, et de revoir leurs relations entre elles.

Enfin, il faut qu'un protocole d'accord soit établi pour garantir une application coordonnée et cohérente des diverses initiatives entreprises par les deux gouvernements au niveau régional.

Le sénateur Adams: Vous nous dites que les Inuvialuit représentent environ 55 p. 100 de la population de la région et les Gwich'in 35 p. 100. Y a-t-il un mécanisme de partage des redevances tirées des activités pétrolières et minières en fonction de ces pourcentages?

Mme Cournoyea: La revendication inuvialuit qui porte sur la propriété des terres telles que celles qui entourent le parc de Tuktut Nogait sont propres aux Inuvialuit. Elles portent sur des terres devant faire l'objet d'un règlement avec les Inuvialuit.

Les Gwich'in eux aussi revendiquent leurs propres terres. Si des ressources se matérialisent sur les terres choisies, elles appartiendront en propre aux Gwich'in. Il y a toutefois une entente complémentaire au sujet de la revendication des Gwich'in, que Richard Nerysoo vous a exposée.

Les Inuvialuit retirent les bénéfices de leurs terres. Nous les aménageons et nous prenons les décisions. Il faut bien comprendre qu'il y a un large territoire et une grande étendue d'eau qui sont devenus ce que l'on appelle les terres de la Couronne.

Au fil des années, les Inuvialuit et les Gwich'in ont cherché à convaincre d'autres groupes autochtones qu'il nous fallait faire en sorte que le gouvernement territorial transfère ces ressources dans le cadre d'une entente de partage de nos intérêts. Étant donné que nous avons une revendication, cet intérêt est plus clair. Toutefois, les groupes autochtones de la région de Yellowknife et du sud du Mackenzie sont réticents à ce sujet. Nous avons donc quelques difficultés.

Comme dans toute revendication territoriale, il y a des zones dans lesquelles il existe des droits portant sur la surface et sur le sous-sol. La question n'est toutefois pas là. Tout dépend directement de l'organisation en cause.

Dans le cadre plus large des terres de la Couronne et des grandes étendues d'eau qui pourraient faire l'objet d'un développement au large, nous préconisons une entente politique ou un accord de rétrocession prévoyant un partage des droits avec le gouvernement du territoire et le gouvernement fédéral.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, il ne s'agit pas là d'une nouvelle discussion. On peut prévoir que chaque collectivité, selon sa composition, se réunira pour chercher les meilleurs moyens de se gouverner.

Ce projet n'est pas de nature ethnique. Il s'agit plutôt d'oeuvrer ensemble au niveau de toute la collectivité. À Aklavik, par exemple, nous n'envisageons pas de faire disparaître le conseil de bande. Ce ne sera pas le cas non plus de l'Inuvialuit Community Corporation, qui en est l'équivalent à Aklavik. Nous trouverons le moyen d'oeuvrer ensemble au sein de cette collectivité, en compagnie des non-autochtones. Le projet vient s'ajouter à la revendication; il ne lui enlève rien.

Le sénateur Adams: Vous avez indiqué qu'il y avait plus de 3 000 Inuvialuit qui habitaient en dehors des terres faisant l'objet de la convention, à Yellowknife, en Alberta ou dans d'autres régions. Comment tiendra-t-on compte de leurs intérêts? Les 45 p. 100 d'autochtones qui habitent dans les villes soulèvent de nombreuses difficultés. Ils ont éventuellement un travail en ville, mais ils ne peuvent pas retourner dans le Nord parce qu'il n'y a pas d'emploi. Dans quelle mesure le règlement territorial va aider ces gens?

Mme Cournoyea: Qu'ils habitent au Canada ou en Europe, les Inuvialuit seront traités sur le même pied. Pour pouvoir prendre des décisions, par contre, ils doivent appartenir à une société communautaire. Ainsi, cette année, nous payons un dividende. Indépendamment de l'endroit où ils habitent, tous ceux qui sont âgés de plus de 18 ans bénéficieront du même traitement.

Dans d'autres régions, il y a des programmes propres aux autochtones, tels que Pathways ou Brighter Futures. Nous éprouvons cependant quelques difficultés au sujet du gouvernement fédéral parce que nous estimons que ces crédits devraient être acheminés par l'intermédiaire de notre organisation. Les gens continuent à s'adresser à d'autres organisations lorsqu'ils ont besoin d'une aide supplémentaire en matière de crédits ou lorsqu'ils ne savent plus quoi faire. Ils savent toujours où se trouve leur organisation d'origine. Nous continuons à les aider, mais bien souvent ces crédits ne sont tout simplement pas à la disposition des Inuvialuit qui habitent en dehors du territoire.

Je pense que ce système est injuste parce que nos Inuvialuit devraient pouvoir être mobiles. Ils devraient pouvoir habiter n'importe où. Ils ont des besoins et nous devrions essayer de les aider pour qu'ils puissent réussir.

Nous ne sommes pas repliés sur nous-mêmes. Nous encourageons les gens qui gagnent leur vie dans d'autres régions du Canada ou du monde. Ces négociations se font avant tout au sein de l'organisation inuvialuit; nous reconnaissons cependant que sur la question du gouvernement, ces gens n'interviendront probablement pas du fait des enjeux relevant des pouvoirs publics.

M. Nerysoo: Nous faisons face à une grande difficulté au niveau des politiques, celle de la prise en charge des bénéficiaires, y compris les Indiens inscrits. À l'heure actuelle, le gouvernement du Canada ne nous fournit aucune ressource étant donné que ces gens ne résident pas dans notre région. Nous nous attendons par conséquent à ce que le gouvernement du Canada fasse sa part et tienne compte des besoins du programme lorsque ces personnes résident en Alberta ou à Ottawa, par exemple.

Notre problème, à l'heure actuelle, c'est que les fonctionnaires du ministère recommandent à ces gens de s'adresser à leur communauté d'origine pour bénéficier de ses programmes, alors que d'autre part le gouvernement ne fournit aucun crédit aux communautés pour qu'elles puissent le faire.

C'est un dilemme en ce qui nous concerne. C'est une question qu'il nous faudra négocier pour que le gouvernement s'ouvre à ces besoins particuliers. C'est important, parce qu'il s'agit là de bénéficiaires et, dans le cas qui nous occupe, parce que la mise à la disposition de ces programmes aux autochtones en dépend de manière générale. C'est un problème pour nous.

Le sénateur Adams: Les Gwich'in relèvent du traité 11 et l'organisme qui régit les Inuvialuit est l'Inuvialuit Community Corporation. Quelle est votre politique vis-à-vis du gouvernement fédéral?

Mme Cournoyea: L'historique, pour les Inuvialuit, remonte environ aux années 20, lorsque les parties au traité sont venues rencontrer les collectivités. De nombreux renseignements sont passés par Copper Mine dans le cadre des échanges commerciaux effectués dans les deux sens.

Certains Inuvialuit ont reçu l'ordination. Certains ministres du culte étaient assez bien informés pour savoir ce qui se passait. Lorsqu'ils ont su que le traité allait être signé, d'après leur interprétation on allait offrir 5 $ pour tout. Je crois savoir qu'à ce moment-là notre partie chargée de négocier le traité a estimé qu'il était tout à fait irresponsable d'offrir 5 $ aux Inuits, parce qu'on leur donnait 30 $ chaque fois qu'ils piégeaient un renard blanc et que les gens étaient intrigués par ce chiffre de 5 $.

Les Inuvialuit ne voyaient pas l'intérêt de signer un traité, particulièrement à l'automne lorsque la chasse était si bonne. Par conséquent, après quelque huit jours de négociations, la partie négociatrice du traité a constaté un beau matin qu'il n'y avait plus personne pour signer le traité. Voilà pourquoi les Inuvialuit n'ont jamais signé de traité. Jusqu'à maintenant, si vous êtes Inuvialuit, vous n'avez pas les mêmes difficultés que les gens qui ont signé un traité, parce que ces derniers sont aux prises avec les distinctions qui existent entre Métis, personnes visées par un traité ou Indiens inscrits ou non inscrits. Ces définitions n'existent pas chez les Inuits.

Le président: Il nous faut trouver le moyen d'examiner quant au fond les questions que vous avez soulevées. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui de le faire de manière approfondie. Nous espérons éventuellement vous revoir plus tard.

Nous étudions aussi la possibilité d'assurer le suivi des audiences que nous avons tenues depuis l'année dernière. Le temps limité qui nous est imparti aujourd'hui ne nous permet pas d'étudier en profondeur ces questions comme elles le méritent. Votre exposé et vos préoccupations portent sur la vie quotidienne de ces gens et ce sont là des questions très importantes. Nous devons trouver le moyen de traiter dès le départ de ces préoccupations.

La société autochtone doit être très préoccupée par ce qui attend les autochtones dans quelques années. Si le système continue à évoluer dans le même sens, ce n'est pas très prometteur pour l'avenir.

Nous nous retrouverons peut-être avec un gouvernement public et nous n'aurons plus à nous inquiéter de nos valeurs ethniques. Je ne crois pas que ce soit le cas de l'une quelconque des sociétés autochtones du Canada. Il faut que ces questions soient traitées d'une manière ou d'une autre, sous une forme quelconque.

J'ai quelque 20 ans d'expérience des négociations et de la prise en compte des questions ethniques dans les institutions publiques au gouvernement du Québec. On peut penser que le gouvernement du Québec comprend la nécessité de disposer d'une institution de gouvernement lorsqu'on veut se gouverner. La seule façon pour vous d'y parvenir, c'est de régler vos revendications territoriales et de faire partie de la structure de gouvernement.

La question des revendications territoriales peut servir de mécanisme de sécurité pour s'assurer que l'intérêt public ne passe pas avant l'intérêt ethnique, ce qui arrive à l'occasion.

Nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui qu'il y a 20 ans en raison de la lutte de pouvoir découlant de notre absence de territoire et de ressources susceptibles de faire avancer les choses. Sans argent, on ne peut rien faire. Avec de l'argent, tout est possible. Lorsqu'on a de l'argent, les gens écoutent. Sans argent, on ne vous écoute pas.

Voilà les difficultés auxquelles doivent faire face les autochtones qui veulent se gouverner. Si nous calquons nos institutions sur l'extérieur, en faisant appel à un organisme public, par exemple, en pensant que cela va nous débarrasser de tout souci, à bien des égards nous nous leurrons.

Les grandes questions doivent être réglées par le gouvernement central. Y a-t-il une volonté nationale de tenir compte d'un nouvel ensemble d'éléments et de valeurs devant s'appliquer pour gouverner par l'intermédiaire d'institutions gouvernementales et d'un organisme public? Si c'est le cas, il faut faire preuve d'une certaine souplesse. Parfois, je me demande si la division des pouvoirs va résoudre les problèmes. Dans certains cas, oui. Dans d'autres, non. Ce ne sont pas là des considérations secondaires. Elles sont importantes et il convient d'en tenir compte. Notre instance peut mettre en lumière certaines questions et faire des recommandations au gouvernement, mais il faut qu'au sein de la société autochtone on se montre suffisamment résolu pour se faire bien comprendre de l'opinion publique canadienne.

Nous aimerions que certains sénateurs conservateurs soient ici pour écouter ce que ces gens ont à dire.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le président, je récuse votre observation. J'ai probablement assisté à autant de séances que vous-même.

Le président: Cette observation ne s'adressait pas à vous personnellement. La vice-présidente devrait être là.

Le sénateur Andreychuk: Ce sont aux leaders de régler cette question. Je ne voudrais pas siéger au sein de ce comité si je pensais que vous puissiez faire ce genre d'observations à mon sujet.

Je vous signale aussi que nous devrions nous en tenir strictement au temps imparti. Sinon, c'est injuste pour les autres témoins et pour les membres du comité qui ont d'autres tâches à accomplir.

Le président: Nous avons retardé cette séance de 15 minutes en raison de l'absence des membres conservateurs.

Le sénateur Andreychuk: Parlez-en au leader.

Le président: Merci de votre excellent exposé.

M. Nerysoo: Monsieur le président, je tiens à remercier tous les sénateurs qui ont assisté à ces séances ainsi qu'aux autres qui ont pris à coeur la défense des intérêts en général des peuples autochtones. C'est une question délicate. Chaque fois qu'elle éveille l'intérêt des représentants des institutions publiques comme le Sénat et la Chambre des communes, c'est précieux pour nous. Nous avons besoin que des gens continuent à promouvoir les changements qui sont indispensables au succès.

Nous sommes venus ici vous faire part de notre expérience pour que vous puissiez en tenir compte. Vous nous avez demandé d'être plus précis et détaillés. Nous sommes disposés à le faire. Nous sommes déterminés à améliorer la politique publique au Canada. C'est très important pour nous.

Mme Cournoyea: Je tiens aussi à vous remercier du temps et des efforts que vous avez consacrés à la tenue de ces audiences, qui nous permettent d'être entendus.

Notre principal objectif est de mettre au point un régime de gouvernement régional respectant les revendications tout en respectant les droits des autres habitants qui n'ont aucun lien avec les revendications. Nous vivons aux côtés les uns des autres. Dans notre région du nord-ouest de l'Arctique, nous sommes en minorité. Nous ne sommes pas naïfs au point de penser qu'il sera facile de faire entendre notre voix concernant la place que nous devons occuper dans une société territoriale ou dans la société canadienne. Nous ne sommes pas la capitale du diamant ou des mines, mais nous avons des relations avec d'autres régions circumpolaires, notamment l'Alaska, le Nunavut et les Gwich'in. Nous essayons de respecter les droits et les revendications de chacun des individus tout en travaillant ensemble. Cela englobe ceux qui ne sont pas Inuvialuit.

Lorsque nous cherchons à y parvenir, on nous demande où vont se situer les autres. Nous essayons de faire en sorte que l'expérience soit positive.

Je vais vous lire un extrait de la Convention définitive des Inuvialuit, qui est très semblable à la convention s'appliquant aux Gwich'in. On y stipule:

La Loi de règlement entérinant, mettant en vigueur et déclarant valide la Convention disposera qu'en cas d'incohérence ou de conflit entre la Loi de règlement ou cette Convention et les dispositions de toute loi fédérale, territoriale, provinciale ou municipale ou encore de tout autre règlement ou arrêté, la Loi de règlement ou cette Convention auront préséance en ce qui a trait à cette incohérence ou ce conflit.

Cela couvre très largement l'éventualité que vous avancez et qui ferait que le gouvernement fédéral ou territorial pourrait adopter des lois ou des dispositions ne tenant pas compte d'une revendication. Ils ne peuvent pas le faire. Parallèlement, nous savons qu'il nous faut vivre avec les autres et nous nous proposons de le faire. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de nous écouter.

Le président: Nous allons maintenant entendre le représentant de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Vous avez la parole.

M. Perry Bellegarde, grand chef, Federation of Saskatchewan Indian Nations: Merci, monsieur le président, de nous avoir donné la possibilité d'intervenir et de présenter un exposé dans le cadre de cette étude spéciale de la fonction gouvernementale autochtone. Je présente cet exposé au nom des 72 Premières nations de la FSIN.

Honorables sénateurs, trois autres chefs de la Saskatchewan m'accompagnent ce matin: le chef Wapass de Thunderchild; le chef Tom Littlespruce de Loon Lake; enfin, le chef Miller Nawakayas, de la Première nation de Red Earth.

La FSIN se compose de 72 Premières nations qui appartiennent à cinq groupes linguistiques -- je dis toujours qu'il y en a six -- les Cris, les Saulteaux, les Denesuline et les Premières nations Dakota/Lakota/Nakota de la Saskatchewan. Il y en a en fait six. Ces Premières nations sont signataires des Traités 4, 5, 6, 8 et 10.

La FSIN existe depuis plus de 50 ans et ses objectifs sont avant tout la promotion des traités et la protection des droits issus de ces traités. Notre organisation oeuvre en collaboration avec les institutions des Premières nations qui participent aux projets éducatifs, sociaux, économiques et culturels. Nos institutions sont le Collège fédéré indien de la Saskatchewan, le Centre culturel indien de la Saskatchewan, l'Institut indien des technologies de la Saskatchewan, la Banque du Canada des Premières nations et la Régie indienne des jeux de la Saskatchewan, qui dirige et exploite quatre casinos en Saskatchewan -- ce n'est pas que nous soyons plongés dans le jeu, mais cela fait partie de nos projets.

La structure politique principale de la fédération est exposée dans la Loi conventionnelle. Nous en avons remis des copies aux sénateurs pour qu'ils puissent voir ce qu'est la convention de la FSIN. On y établit la principale structure d'administration, les chefs et l'assemblée, le Sénat, le Conseil des anciens et le Conseil exécutif.

Depuis sa création, la FSIN est le porte-parole collectif et unifié de la protection et de l'application des droits issus de traités en Saskatchewan. Dans la documentation fournie au comité sénatorial permanent, j'ai joint une copie de notre rapport annuel de 1998-1999, qui fait état elle aussi de la structure d'administration de la FSIN et de ses réalisations. C'est un autre document qu'il vous faut lire.

En Saskatchewan, les Premières nations ont passé des traités avec la Couronne. À l'époque où ces traités ont été conclus, les Premières nations se réclamaient de leurs traditions spirituelles, dont elles tiraient leur force. Conformément aux traditions et aux coutumes des Premières nations, nous avons recherché l'appui et la pleine participation de nos anciens dans les mécanismes d'administration des traités en Saskatchewan. De même que la Couronne et que les Premières nations ont conclu à l'époque des traités et s'y sont tenues après avoir échangé des promesses solennelles lors des cérémonies sacrées du calumet, nous continuerons aujourd'hui à nous acquitter de ce devoir sacré. De ce point de vue, nous considérons aujourd'hui comme hier que la procédure d'élaboration des traités a reconnu le respect mutuel et la capacité des parties à conclure des traités. On entend toujours dire chez nous que ce sont les nations qui font les traités et non pas les traités qui font les nations. J'entends dire cela depuis ma plus tendre enfance. Je l'ai entendu dire toute ma vie.

Plus d'un siècle s'est écoulé depuis la conclusion des traités en Saskatchewan. Les Premières nations de la Saskatchewan continuent à considérer les traités comme des contrats au plus haut niveau avec la Couronne. Pour nous, un contrat est sacré parce que c'est une entente avec le Créateur. Nous avons toujours insisté sur cette croyance.

La FSIN et la Couronne se sont engagées à instituer des relations spéciales aux termes des traités en instaurant une procédure bilatérale par l'intermédiaire du Bureau du commissaire aux traités et en créant une table des traités en 1996. Les parties à la table des traités étudient à l'heure actuelle sept types de droits et (ou) de compétences dans les domaines des services à l'enfance et à la famille, de l'enseignement, de la justice, de la santé, du logement, des pensions, ainsi que de la chasse, de la pêche, du trappage et de la cueillette.

Tout au long de ces discussions, le gouvernement provincial a joué un rôle d'observateur. Nous disons souvent qu'il est arrivé après les traités. La Saskatchewan est venue faire partie de la Confédération en 1905 et un certain nombre de traités ont été conclus jusqu'aux années 20. C'est une chose que nous soulignons toujours.

Récemment, la question des terres et des ressources a été rajoutée au mandat de la table des traités. J'ai précisé qu'il y avait sept questions à l'origine. Il y a un an environ, lorsque je suis devenu chef de la FSIN, j'ai déclaré: «Si l'on veut régler les différentes questions et parler d'indépendance et d'autonomie économique, il est indispensable que les autochtones aient accès aux terres et aux ressources.» Nous avons rajouté un huitième point à la table des négociations, celui des «terres» et des «ressources». Nous parlons de «questions laissées en suspens par les traités». Il ne s'agit pas tant de partager les recettes tirées des ressources que d'en partager les bénéfices en termes d'accès à l'emploi, de possibilités de travail, de possibilités de développement économique et de possibilités de suivre des études et une formation. C'est un point clé dont il faut tenir compte.

Le président: Est-ce que cela se limite uniquement aux réserves?

M. Bellegarde: À l'intérieur et à l'extérieur des réserves, les deux ensembles.

Le Bureau du commissaire aux traités facilite ces discussions des traités historiques et s'efforce de créer une image positive des traités et des relations qui en découlent grâce à une large campagne de sensibilisation du public en Saskatchewan. C'est là aussi un point clé. Si nous voulons promouvoir et protéger nos traités et les droits inhérents à ces traités, il n'y a pas de meilleur moyen que la prise de conscience et la sensibilisation du public, qui mènent à la compréhension et, peut-on l'espérer, à l'action. Voilà quel est notre rôle. Il nous faut faire connaître cette relation spéciale à nos frères et soeurs indiens et non indiens dans les programmes scolaires pour que l'on puisse procéder à une large campagne de sensibilisation du public. C'est une longue entreprise.

La première étape des discussions à la table des traités a débouché sur l'élaboration de «L'état des questions issues des traités», dont un exemplaire a été remis aux membres du comité. C'est la première étape. «L'état des questions issues des traités» reprend les discussions globales menées par la FSIN et la Couronne au sujet de la nature de la relation historique. Pour parvenir à ce résultat, les parties ont tenu compte à la fois des sources d'information orales et documentaires pour élargir leur compréhension des traités. Cette démarche met l'accent sur les principes des Premières nations ainsi que sur la compréhension et l'interprétation de notre histoire. Elle rappelle à la Couronne quel est l'esprit et l'intention des traités, ce que l'on a ignoré pendant trop longtemps.

À la suite des discussions bilatérales qui ont eu lieu sur les sept sujets portant sur les traités, les parties à la table des traités ont dégagé trois thèmes communs aux sept droits issus des traités ainsi qu'à la compétence qu'il nous fallait négocier. Ces trois thèmes sont les suivants: tout d'abord le mode de vie -- en l'occurrence, que tout le monde puisse vivre avec des droits égaux; en second lieu, le gouvernement; et enfin les relations entre frères, qui collectivement décrivent l'esprit et l'intention des traités car ils expriment les objectifs des Premières nations lorsqu'elles ont signé les traités.

Nous disons que les deux principes qui régissent la procédure des traités sont la coexistence pacifique et le respect mutuel entre les autochtones et les nouveaux arrivants à Turtle Island. Ce sont là les deux principes que nous avons toujours avancés.

Les principes relatifs aux traités décrivent la nature des relations découlant des traités et le but de leur signature. Les relations découlant des traités, qui guident nos relations futures, sont consignées dans le mémoire.

L'élaboration des traités a repris les coutumes des Premières nations et de la Couronne, a instauré des relations politiques fondamentales entre les Premières nations signataires des traités et la Couronne, et a créé des obligations et des attentes des deux côtés et non pas seulement d'un seul. Ce n'est pas dû simplement aux versements d'une rente de 5 $ ou au fait que le chef perçoit 25 $ et les chefs de famille 15 $ et des vêtements appropriés, et autres mesures de ce genre. Il y a des obligations des deux côtés. Nos frères et soeurs non indiens ont eux aussi des droits issus de traités, tel que le droit d'utilisation et d'aménagement des terres. Ils ont des droits en plus des nôtres.

L'élaboration des traités a amené l'échange de promesses solennelles fondées sur le respect des valeurs spirituelles et traditionnelles des autres. La Couronne et les Premières nations ont passé de leur plein gré des accords, considérant que c'était le meilleur moyen de défendre leurs intérêts respectifs. En passant des traités, on a reconnu l'autorité des commissaires aux traités pour ce qui est de la Couronne et des chefs et des notables pour ce qui est des Premières nations. La signature de ces accords implique la reconnaissance mutuelle du pouvoir et de la capacité des deux parties.

Le commissaire au traité est un élément clé de toutes les discussions. Nous sommes heureux que le commissaire aux traités de la Saskatchewan soit nommé par le conseil des ministres. Éventuellement, le commissaire aux traités sera nommé à un moment donné par le Parlement. Nous y pensons et nous oeuvrons en conséquence, parce qu'ils pourraient alors agir en toute indépendance. C'est une des recommandations que nous avons faites.

La procédure d'élaboration des traités a créé une relation unique et par conséquent confère un caractère solennel aux traités. On en revient encore au caractère sacré des contrats. Il est nécessaire que les parties se comportent de manière à honorer et à respecter les traités pour que l'on puisse maintenir des liens en vertu des traités. Les traités devaient garantir la paix et le maintien de l'ordre public entre les parties et parmi les Premières nations. Les traités étaient le moyen de bâtir des alliances durables et véritables favorisant le bien-être de tous à l'avenir. Les traités ont été signés pour garantir la survie, la stabilité et les avantages de chacun.

Les liens découlant des traités confèrent des avantages, des responsabilités et des obligations mutuelles aux deux parties signataires. Ces liens découlant des traités sont un moyen pour les parties d'envisager de résoudre leurs différends grâce à des discussions et à des décisions prises ensemble. La Couronne et les Premières nations s'engagent ensemble à rétablir les liens découlant des traités et à constituer un partenariat répondant aux intérêts des deux parties en faisant appel au respect et à l'entraide.

Les articles 25 et 35 de la Constitution canadienne s'appliquent aux droits issus des traités autochtones existants. Le débat se poursuit: est-ce que la boîte est pleine ou vide? Nous avons besoin de mécanismes et d'un dialogue pour qu'il y ait une entente entre les gouvernements, le fédéral et les provinces, et les Premières nations. Nous devons résoudre les problèmes plutôt que de recourir constamment à la justice. Tant que je ne verrai pas sept ou neuf juges à la peau bien foncée siéger à la Cour suprême, j'hésiterai toujours à m'y présenter.

Nous devons construire en nous appuyant sur les liens issus des traités. Les parties peuvent passer des accords permettant aux Premières nations ayant signé des traités d'exercer leur compétence et d'administrer leurs terres et leur population. Ces accords ne modifieront pas les traités mais moderniseront la mise en pratique de ce partenariat. C'est l'essentiel.

Les autochtones ont toujours eu des droits inhérents à leur condition. Nous aurons toujours des traités, tant que le soleil brillera, tant que les fleuves couleront. S'ils ne sont pas mis en application de façon utile et pragmatique, quelle sera leur utilité pour nos enfants et nos petits-enfants?

Nous devons trouver les moyens de mettre en application les traités. Nous devons nous écarter de la Loi sur les Indiens. Nous devrions peut-être nous orienter vers une loi d'application des traités. Il nous faut d'une manière ou d'une autre donner force de loi à l'esprit et à l'intention des traités. Les procédures, dans nos territoires, s'orientent dans ce sens. Si la Loi sur les Indiens venait à disparaître demain matin -- et cela pourrait se produire -- est-ce que cela signifie que nos droits disparaîtraient avec elle? Est-ce que cela signifie que les autochtones n'auraient plus de droits inhérents ou issus de traités? Je ne le crois pas.

D'où viennent nos droits? Si vous demandez à un groupe d'Indiens du Canada s'ils ont des cartes de traité, bien des mains vont se lever, mais le mot «traité» n'apparaît pas sur ces cartes. Ce n'est pas une carte de traité. C'est une carte «d'inscription» des Indiens au sens où l'entend la Loi sur les Indiens. Il y a une différence. Ce n'est là qu'un exemple de l'influence de la colonisation sur les mentalités autochtones. C'est une chose que nous devons changer. Nous devons passer de la Loi sur les Indiens à une législation nouvelle pour mettre en application les traités.

La participation du gouvernement de la Saskatchewan est nécessaire si l'on veut faire avancer la mise en place de la compétence à gouverner. Les liens issus des traités sont bénéfiques pour tous les habitants de la Saskatchewan et non pas simplement pour les ressortissants des Premières nations. Il y a trois niveaux de compétence qui se chevauchent. Nous devons définir quels sont les domaines qui relèvent du gouvernement fédéral, ceux qui relèvent de la province, ceux qui sont autochtones et ceux qui sont conjoints. On ne peut pas penser que le Canada va se débarrasser du jour au lendemain des provinces, de sorte qu'il faut qu'elles soient impliquées. Elles abandonneront certains champs de compétence lorsque les gouvernements autochtones seront prêts à assumer ces fonctions et à reprendre leur rôle dans des domaines tels que l'éducation, la justice ou les services à l'enfance et aux familles indiennes.

Nous devons rétablir l'autonomie de gouvernement en nous dotant de moyens et en apprenant à rendre des comptes. Outre les accords bilatéraux, la FSIN s'est engagée dans une action trilatérale avec les gouvernements fédéraux et provinciaux en instituant une procédure qualifiée de Table commune pour rétablir l'autonomie de gouvernement en se fondant sur les traités et les relations qui en découlent. Les parties à la Table commune ont institué deux autres forums de discussion qui s'inspirent de la table des traités et qui ont pris le nom de Table des relations financières et de Table de gouvernement.

À la Table commune siège le ministre des Affaires indiennes, moi-même en tant que grand chef de la FSIN et le représentant provincial, de préférence le premier ministre. À l'heure actuelle, c'est Berny Wiens, ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones, qui siège à cette table.

La Table des traités est la table principale, dont dépendent toutes les autres. La Table des relations financières fonctionne déjà depuis 18 mois et l'on s'efforce de mettre en place un nouveau mécanisme global de financement fondé sur les relations issues des traités, sur le total de notre population et sur nos besoins. Ces discussions exigent que l'on examine aussi les questions de gouvernement de sorte que la Table de gouvernement fonctionne elle aussi. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre. Les considérations financières et celles qui ont trait au gouvernement opèrent de concert et l'on progresse dans les deux domaines.

À la Table de gouvernement on continue à étudier les questions directement liées à la mise en place d'un gouvernement des Premières nations. On s'efforce à cette table d'aborder des questions telles que les modèles de gouvernement issus des traités que veulent les Premières nations. Il y a là de nombreux modèles. Dans le cadre de la nation crie, il y a les chefs des différentes réserves, les chefs des Premières nations, les conseils tribaux et les grands conseils, ainsi que les Premières nations indépendantes. Nous relevons de différents traités et de différents territoires faisant l'objet de traités. Certains font partie de la FSIN. Nous sommes aussi membres de l'Assemblée des Premières nations.

Nous devons préciser exactement ce que nous entendons par gouvernement. Nous nous sommes lancés dans des consultations, non seulement avec les chefs, les conseils et les gens des réserves, mais aussi avec ceux qui habite en dehors des réserves. Cinquante pour cent de notre population habitent en dehors des réserves et cette tendance s'accentue. Il s'agit d'englober tout le monde en assurant la mobilité des droits, des programmes, des services, des compétences et de la représentation.

Il existe de nombreux modèles et nous devons nous décider à un moment donné. En tant que peuple autochtone ayant des relations aux termes d'un traité avec la Couronne, les Indiens continuent à débattre de la question suivante: est-ce que les Indiens ayant signé un traité doivent continuer à voter lors des élections fédérales ou provinciales? Si effectivement nous y prenons part, quelles seront les incidences sur notre souveraineté, notre compétence, et cetera?

Nous débattons aussi des mécanismes d'élection aux termes de la Loi sur les Indiens qui s'appliquent aux Indiens qui résident normalement dans les réserves par opposition à la coutume électorale des bandes, qui prévoit que tout le monde vote pour élire le chef et le conseil quel que soit le lieu de résidence. C'est le premier ministre Diefenbaker qui au cours des années 60 nous a conféré le droit de vote en tant qu'autochtones. Les Premières nations ne l'ont jamais demandé, mais ce droit leur a été accordé. Jusqu'alors, nous n'étions pas autorisés à y prendre part. Je me demande donc si c'est à cette date que nous sommes officiellement devenus des citoyens canadiens.

J'ai demandé un jour au premier ministre Allan Blakeney quand les autochtones sont officiellement devenus des citoyens canadiens, mais je me référais à la politique d'immigration du gouvernement canadien de l'époque. La limite fixée était alors de 350, et elle est aujourd'hui de 250. Ces gens deviendront finalement des citoyens canadiens. J'ai demandé quand les autochtones deviendraient officiellement des citoyens canadiens. J'ai indiqué qu'il fallait réfléchir à la question.

À la suite de ces modèles, les discussions portent sur les différents régimes d'administration et sur la façon dont ils opéreront au sein de nos collectivités, ainsi que sur les relations intergouvernementales entre les Premières nations et les autres gouvernements et les méthodes devant permettre aux Premières nations et à leur collectivité de mettre en place des structures efficaces permettant de rendre des comptes à leurs citoyens et de répondre à leurs attentes.

Nous avons justement eu une rencontre la semaine dernière avec le vérificateur général du Canada au cours de laquelle nous avons discuté des moyens de rendre des comptes des structures que nous avons mises en place. «Responsabilité» et «transparence» sont les maîtres mots à l'ordre du jour et nous tenons à garantir le respect de ces principes dans tous les mécanismes élaborés au sein de la FSIN. Nous évoquons des questions comme celle d'un médiateur indien. Nous nous penchons sur notre propre conseil des anciens, sur notre Sénat, sur des instances permettant d'établir des liens plutôt que de devoir recourir à la justice.

La FSIN et les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan ont élaboré des principes régissant les relations intergouvernementales et sont en train d'élaborer des principes guidant les modèles de gouvernement. Les principes devant encadrer les discussions intergouvernementales sont exposés dans le cadre de ce mémoire.

La FSIN a entrepris de définir et d'élaborer des modèles préliminaires de gouvernement des Premières nations et elle continue à rechercher la participation des Premières nations. Le but global est de définir les paliers et les fonctions de gouvernement nécessaires à la mise en application des traités.

Les consultations élargies qui ont lieu avec les Premières nations sur les modèles de gouvernement dicteront la mise en place de la prochaine étape des travaux aux tables de négociations. À la suite de ces consultations, la FSIN sait ce qui se passe aux différents niveaux de sa structure politique, et nous parlons ici des conseils tribaux. Le Conseil tribal de Meadow Lake travaille depuis de nombreuses années sur différents modèles. Il y a les notions de territoire correspondant aux traités et les conseils tribaux eux-mêmes évoluent. Nous cherchons à intégrer ces modèles au programme général des travaux à la table de gouvernement.

Il ne faudrait pas considérer que les travaux de ces conseils tribaux issus des traités entrent en conflit avec ce que propose la FSIN à la table de gouvernement. Nous disons qu'au contraire l'élaboration de ces modèles est un apport utile et vient appuyer les travaux effectués à la table de gouvernement, ce qui est primordial pour ses futurs succès.

Il y a un facteur important concernant le gouvernement et les relations financières des Premières nations, qui est de s'assurer que les dirigeants des collectivités ont la capacité interne de passer de nouvelles ententes. De ce point de vue, un projet d'institut de gouvernement est en cours d'élaboration par la FSIN. L'institut de gouvernement sera un lieu de formation et d'enseignement, d'élaboration de constitutions et de lois sur la citoyenneté, de tout ce dont ont besoin les conseils et les chefs des Premières nations, qu'il s'agisse de droits inhérents, de coutumes ou de lois. Il s'agit d'un projet des Premières nations visant à dispenser une formation professionnelle aux chefs et aux administrateurs des Premières nations dans trois domaines: formation des dirigeants, des chefs et des conseils, des cadres de direction et des administrateurs des bandes; discussions et engagements communautaires pour rebâtir les gouvernements; enfin, élaboration de codes de citoyenneté modèles, de constitutions, de cadres législatifs et d'instruments de politique, ainsi que d'autres outils de gouvernement.

Le deuxième forum de discussion créé par la table trilatérale commune est la table des relations financières. Les objectifs de la FSIN et les discussions menées à la table des relations financières visent à instaurer une nouvelle relation financière de gouvernement à gouvernement qui permette aux Premières nations de s'administrer de manière durable en ayant la capacité et le souci d'améliorer la situation économique de leur population. Nous parlons d'autonomie de gouvernement, d'autodétermination et du financement correspondant. Que faut-il pour mettre en place les organes législatifs, exécutifs et judiciaires du gouvernement et est-ce que l'on disposera des ressources nécessaires? On ne peut rien planifier tant qu'on ne le sait pas. Nous visons un nouvel accord financier global, fondé cependant sur nos droits inhérents correspondants aux traités, sur le total de la population et sur les besoins de celle-ci.

Les discussions à la table des relations financières font appel à des objectifs et à des principes fondamentaux qui ont été établis dans le plan de travail et parmi lesquels figurent en bonne place les suivants: l'accord financier doit partir des relations découlant des traités passés entre la Couronne et les Premières nations, et je mentionne aussi les besoins et le total de la population. L'accord doit s'en tenir au principe de l'équité financière et les relations financières doivent encourager et faciliter la création d'un gouvernement des Premières nations en mesure de subvenir à ses propres besoins.

Plutôt que de partir de positions fixes, on s'en est tenu lors des négociations à la table des relations financières à des discussions exploratoires sans position fixe de départ. Ce faisant, nous avons appris quels étaient les objectifs et les intérêts des autres parties et nous avons découvert de nombreux points de concordance. Ainsi, le travail mené conjointement à la table des négociations sur le devoir de rendre des comptes a permis de dégager de nombreux intérêts communs et de préciser les obligations que nous avons les uns envers les autres.

Les parties s'approchent de l'étape de négociation. Elles ont défini un certain nombre de questions dont l'intérêt est fondamental si l'on veut arriver à une bonne entente financière. Parmi elles figure la parité. Pour parvenir à l'équité financière, les gouvernements doivent assurer aux Premières nations une situation comparable à celle dont bénéficie le reste de la Saskatchewan et d'ailleurs le reste de la société canadienne. Il n'est pas besoin de revenir sur notre situation socioéconomique. Vous en avez entendu parler à maintes reprises. Nous voulons combler le fossé qui existe entre notre situation actuelle et celle qui règne dans le reste de la société canadienne et améliorer les conditions de logement, d'enseignement, de formation et d'emploi. Voilà de quoi il s'agit.

Il faut pour cela s'assurer que les programmes et les services sont comparables, mais aussi tenir compte de la nécessité de procéder à un rattrapage pour améliorer la santé économique et sociale des Premières nations. Nous ne pouvons pas oublier la réalité incontournable qui fait que les Premières nations ont été soumises pendant plus de 100 ans à une colonisation systématique et à une assimilation agressive aux termes de la Loi sur les Indiens. Nous disons que nous avons été contrôlés depuis la naissance jusqu'à la mort. Ce n'est qu'aujourd'hui que nous luttons pour atteindre le niveau de prospérité et de développement social dont disposent les autres en Saskatchewan.

La Loi sur les Indiens a causé de nombreuses séquelles, tels que le manque d'instruction, le chômage chronique, un développement économique inférieur et le bridage de notre culture. Il convient d'envisager des modifications législatives et l'apport des ressources financières correspondantes.

Nous examinons à la table des relations financières la façon d'intégrer les ressources propres aux Premières nations à l'ensemble des recettes financières. Nous savons que les recettes sont insuffisantes pour répondre aux besoins et nous ne voulons pas que les pauvres au sein de nos collectivités financent eux-mêmes vos propres obligations en vertu des traités. Nous savons qu'à long terme l'autodétermination exige une autonomie financière, une indépendance économique et l'accès aux territoires et aux ressources.

Le «partage des recettes et des bénéfices tirés des ressources» est le nouveau slogan à la mode. Nous n'avons pas utilisé cette expression lorsque nous avons négocié au départ la LTRN. Les anciens nous disent que les traités ne nous conféraient pas de droits sur les ressources tirées des terres. La question des ressources n'a pas été abordée lors de la négociation des traités et pourtant, en 1930, le gouvernement fédéral a transféré les ressources de la Couronne aux provinces aux termes de la Loi concernant le transfert des ressources naturelles. Les Premières nations de la Saskatchewan veulent que l'on rectifie cette situation héritée du passé et que l'on complète les traités en procédant à de nouveaux accords de partage des ressources.

Nous estimons que la LTRN de 1930 n'a pas réglé complètement la situation née des traités. Nos anciens nous disent que le «grand» gouvernement, soit le gouvernement fédéral, n'avait pas le droit de transférer aux «petits» gouvernements, soit les gouvernements provinciaux, l'ensemble des ressources et tout ce qui s'ensuit. Ils nous disent que les traités nous confèrent tout cela et rien d'autre. Ce sont leurs enseignements. Nous avons pris acte de l'arrêt Delgamuukw et de toutes les autres décisions qui en découlent aujourd'hui.

Sur cette question, nous ne sommes pas motivés par l'appât du gain. Il s'agit de partager le bénéfice des ressources. Lorsqu'il y a des entreprises, dans l'exploitation forestière, les mines ou autres, combien y a-t-il d'employés des Premières nations qui y travaillent, dans ces grosses industries, ces grosses entreprises? Est-ce que nous bénéficions des retombées du développement économique; de tous les débouchés commerciaux qui en découlent et, bien entendu, des possibilités d'enseignement et de formation? Nous appelons cela un partage des bénéfices tirés des ressources. Là encore, il faut combler le fossé. Nous voulons en tant qu'autochtones participer à l'économie non pas comme simples consommateurs de biens et de services. Nous voulons participer à tous les rouages de l'économie d'une façon significative et être représentés au sein de la main-d'oeuvre.

Nous représentons 10 p. 100 de la population de la Saskatchewan. Que ce soit au sein de la fonction publique ou du secteur privé, le défi que nous cherchons toujours à relever, c'est d'élaborer et de préconiser des stratégies visant à assurer notre représentation au sein de la main-d'oeuvre. Au départ, il s'agit d'obtenir une représentation de 10 p. 100.

Les Indiens représentent 10 p. 100 de la population de la Saskatchewan, mais 70 à 80 p. 100 de la population des prisons est composée de ressortissants des Premières nations. C'est une autre statistique qu'il faut garder à l'esprit. Nous devons changer la situation.

Il faut que les crédits soient garantis. On ne peut pas avoir un gouvernement durable et une véritable relation financière de gouvernement à gouvernement si les crédits proviennent d'une affectation budgétaire annuelle laissée complètement à la discrétion du Parlement. Il faut qu'il y ait des moyens plus stables de nous financer qui tiennent compte de la relation découlant des traités, telle que nous la comprenons, et telle que nous la définissons conjointement à la table des traités.

Nous considérons que les traités sont là pour nous protéger. Si l'on respectait leur esprit dans leur application, nous serions dans une bonne situation, ce qui n'est pas le cas. Parfois, nous aimerions faire une vérification de l'application des traités pour voir qui en a bénéficié. Souvent, notre population ressent de la colère -- le montant de 5 $ n'a pas changé depuis 100 ans. Les jours de paie en vertu des traités étaient des jours de fête lors de notre enfance dans les réserves. Celui qui avait six enfants touchait 30 $. Nos jeunes nous disent qu'on ne peut même plus s'acheter un paquet de cigarettes pour 5 $.

Nous sommes en train de dégager sur le plan pratique tous les problèmes qui se posent et de définir des solutions pour y remédier. Toutes ces solutions possibles se fondent sur de nouvelles relations entre nos gouvernements. C'est là que votre rôle de législateur devient fondamental. J'espère que vous y verrez une chance et une façon d'honorer et d'approfondir nos relations découlant des traités en assurant un véritable partenariat et une parité entre des gens considérés comme des égaux. Ces nouvelles relations financières nous profiteront à tous à mesure que nos collectivités retrouveront leur santé et s'avanceront dans la voie de l'autodétermination et de l'autosuffisance.

À titre de conclusion, depuis des temps immémoriaux, les Premières nations qui habitent dans ce qui s'appelle aujourd'hui la Saskatchewan, se sont toujours autodéterminées et gouvernées elles-mêmes. Notre peuple a une relation sacrée avec notre Mère, la Terre, qui nous donne la vie. C'est notre Mère, la Terre, qui nous a nourris et qui a fait de nous des nations fortes et viables. Il est inconcevable que nos ancêtres aient jamais voulu renoncer à leurs responsabilités et à leurs compétences en tant que nation autonome au bénéfice de leur peuple ou de leur terre.

Nous considérons que les traités que nous avons passés avec la Couronne et que les relations qui en ont résulté visent à maintenir notre mode de vie traditionnel et à nous donner les moyens de nous réaliser dans une société en pleine évolution. Nous voyons dans le mécanisme d'élaboration des traités le moyen d'assurer l'avenir de notre peuple et d'instaurer des relations durables avec la Couronne. Les mécanismes bilatéraux et trilatéraux de la Saskatchewan visent à rétablir nos pouvoirs inhérents en tant que nations autonomes.

Ces mécanismes visent aussi à établir un cadre conceptuel nouveau au sujet de la mise en application des traités et des principes qui les sous-tendent. Nous cherchons à oeuvrer dans l'intérêt de tous comme l'avaient prévu ceux qui ont négocié les traités de 1874 à 1906. Nous sollicitons votre appui en tant que législateurs pour que ce projet devienne réalité.

Nous avons remis aux membres du comité un certain nombre de documents parmi lesquels la convention, le rapport annuel et l'état des questions relevant du traité. Il s'agit en fin de compte de s'engager à mettre en oeuvre le traité sans s'en tenir aux dispositions de la Loi sur les Indiens.

La Proclamation royale de 1763, la Loi de l'ANB de 1867, l'entrée de la Saskatchewan dans la Confédération en 1905, la LTRN de 1930 et la Loi constitutionnelle canadienne de 1982 sont toutes déjà en place. Elles n'auront cependant aucune utilité si nos droits ne sont pas respectés, honorés et mis en application. C'est pourquoi, plutôt que de recourir à la justice, nous disons qu'il nous faut apprendre à discuter de tous ces problèmes et mettre en oeuvre une loi d'application des traités. Les mécanismes que nous avons établis en Saskatchewan partent tous de cet objectif.

Le président: Nous sommes très encouragés par les recommandations que vous avez avancées. Toutefois, il y a une chose qui continue à m'intriguer, et cela depuis un certain temps, parce que je pense que la question n'a pas été réglée comme il se doit.

L'une des questions qu'il nous faut régler est celle de nos femmes. Au fil des années, j'ai entendu beaucoup parler des problèmes causés par le traitement fait aux femmes indiennes à l'intérieur comme à l'extérieur de la collectivité. Les problèmes de la population inuite sont quelque peu différents. Il faut que les hommes et les femmes s'efforcent avec sérieux de remédier à ce problème.

Jusqu'à présent, je n'ai entendu aucun témoin qui soit prêt à venir parler clairement de ce problème devant le comité. Personne ne nous a indiqué quelles sont les modifications qu'il faudrait apporter à la Loi sur les Indiens. Pourquoi n'a-t-on pas abordé le problème? Est-ce parce que l'on veut se cacher le problème? Veut-on apporter une solution? Les femmes estiment que leurs hommes font preuve de discrimination à leur égard.

Avez-vous des commentaires à apporter à ce sujet?

M. Bellegarde: La question de la discrimination contre les femmes était au coeur du projet de loi C-31 lorsqu'il a été adopté en 1985.

L'un de nos anciens que je consulte toujours me dit que nous devons respecter les femmes parce que sans elles la vie n'existerait pas. Dans nos cérémonies elles-mêmes, que ce soit les sueries ou la danse du soleil, la moitié est réservée aux femmes. Nous les respectons. C'est tout simplement conforme à ce qu'on nous apprend.

Il y a déjà eu de la discrimination envers les femmes. Le projet de loi C-31 visait justement à écarter les pratiques discriminatoires. Lorsqu'une femme indienne épousait un Blanc, elle perdait sa qualité d'Indienne. L'inverse, toutefois, n'était pas vrai. Jusqu'en 1985, lorsqu'un Indien épousait une Blanche, elle obtenait la qualité d'Indienne.

Lorsque j'étais à l'école secondaire, je fréquentais une Chinoise. Si nous nous étions mariés, elle aurait eu la qualité d'Indienne. Si nous avions eu des enfants, ils auraient été «chinindien». Aux termes de la Loi sur les Indiens, ils auraient été considérés comme des Indiens inscrits.

Toutes les nouvelles lois doivent respecter le rôle des femmes. C'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet.

Le président: Merci d'avoir abordé cette question.

Le chef Delbert Wapass, Federation of Saskatchewan Indian Nations: La FSIN a entrepris entre autres de créer un secrétariat à la condition féminine qui se penche sur ce genre de questions. Dans notre collectivité, nous élaborons ce que nous appelons des «Stratégies globales» traitant des questions qui se posent aux femmes. J'espère que nous n'en avons pas trop fait, parce qu'il n'y a que deux hommes qui travaillent au bureau de notre bande. Il n'en reste pas moins que nous nous penchons sur la question.

M. Bellegarde: Le rôle des femmes me paraît évoluer. Nous avons de nombreuses femmes chefs en Saskatchewan.

Le sénateur Perrault: Combien?

M. Bellegarde: Cinq. Nous avons un conseil tout entier, y compris la chef, entièrement composé de femmes, à la Première nation d'Ocean Man, dans le sud de la Saskatchewan. Ce sont des Nakota et des Assiniboines. La chef, Laura Big Eagle, et les membres du conseil sont toutes des femmes. C'est le premier de ce type au Canada.

Nous avons aussi la chef Marie Anne Day Walker, d'Okanese, qui est en poste depuis plus de 20 ans; et la chef Flora Natomagan, de Wollaston Lake, une Denesuline du grand nord, et la chef Maryanne Stoney, de Little Pine. J'ai dit cinq, mais il n'y en a peut-être que quatre, à moins que j'en aie oublié une.

Le sénateur Perrault: Est-ce qu'elles ont toutes été élues?

M. Bellegarde: Oui, ce sont toutes des chefs élues.

Le sénateur Andreychuk: Je veux rendre hommage à certaines choses que vous avez accomplies, l'une d'entre elles étant le niveau scolaire que vous avez atteint. Il m'apparaît qu'une grande partie de ce que vous avez réalisé en Saskatchewan résulte de l'accent que vous avez mis sur l'enseignement. Je connais bien le Collège fédéré indien de la Saskatchewan qui est l'un des meilleurs exemples de ce que vous avez fait. L'institution est contrôlée, administrée et dirigée par les Premières nations, et pourtant elle applique l'idéal d'indépendance des études scolaires tout en respectant les normes internationales d'enseignement. Vous avez réussi à concilier les deux choses, ce qui est très important.

Une grande partie de vos réalisations au cours des 20 ou 25 dernières années résulte du fait que le niveau d'instruction de vos membres progresse régulièrement, notamment au niveau postsecondaire. Je pense que le nombre de diplômés sortis de ce collège s'est élevé à environ 3 000 au cours des 20 dernières années uniquement.

Vous nous dites que vous rendez visite aux écoles et aux localités pour essayer de combler le fossé qui existe entre autochtones et non-autochtones et d'éliminer les malentendus que l'on retrouve en Saskatchewan comme ailleurs. Que faites-vous d'autre pour vous assurer que la collectivité non autochtone comprend bien l'intérêt des mécanismes que vous élaborez?

Vous insistez sur le fait que vous appartenez à la FSIN et vous parlez des personnes «dans les réserves» et «en dehors des réserves». Que proposez-vous au sujet des autochtones qui n'appartiennent pas à la FSIN, par exemple, les Métis des centres urbains? Comment faire ce rapprochement pour que tous les autochtones jouissent de leurs droits; quel rôle pensez-vous devoir jouer dans ce cadre?

M. Bellegarde: Avant de répondre aux questions, je dois vous dire que la SIFC, en tant que représentante des Indiens autochtones considère que l'instruction, c'est le bison des années 90 et du XXIe siècle qui doit permettre au peuple indien de survivre. Je le signale parce que jadis les bisons nous fournissaient tout ce dont nous avions besoin: nourriture, logement et habillement. C'est ainsi que nous avons survécu. Nous disons constamment à nos gens aujourd'hui: si vous voulez survivre en tant qu'autochtones, faites des études.

Tout autant que sur l'enseignement «blanc» -- de la maternelle à la 12e année, puis à l'université -- nous insistons sur d'autres formes d'éducation. Nous entendons par là les langues, les coutumes, les cérémonies, les traditions et tout ce qui fait qu'une personne est autochtone. Je n'ai rien contre l'ukrainien, c'est une belle langue, mais à l'école nous n'entendions parler qu'ukrainien ou français. Nous n'entendions pas parler cri, saulteux ou déné. Il faut que les deux aillent ensemble. Nous enseignons à nos enfants que notre langue est la source de notre fierté et de notre identité. Des institutions comme la SIFC, qui font appel à nos anciens et à leur enseignement, jouent un rôle clé dans cette renaissance, ce regain de fierté et d'estime.

Nous parlons à la SIFC d'une université autochtone internationale. On s'efforce aujourd'hui à la FISC de mettre ce projet en oeuvre. Je le dis parce que nous n'avons pas à réinventer la roue.

Même si des bandes comme celles de Thunderchild et Black Bear peuvent contrôler leur budget consacré à l'enseignement postsecondaire, il leur faut encore composer avec le plafonnement de ces crédits. Les étudiants augmentent en nombre, de même qu'augmentent les frais de scolarité à l'Université de la Saskatchewan, ce qui opère une ponction sur notre budget. C'est pour nous un sujet de préoccupation. Le travail qui a été fait est bon, il est positif, et cela se traduit par le nombre de diplômés qui sortent de l'enseignement postsecondaire. Nous ne voulons pas retourner en arrière en raison du plafonnement.

Vous nous demandez ce que nous avons fait d'autre en matière d'enseignement public? Nous avons organisé une table ronde SARM SUMA avec la FSIN. La SARM, c'est la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, et la SUMA, c'est la Saskatchewan Urban Municipalities Association. Toutes les municipalités de la Saskatchewan sont dotées d'une table ronde pour aborder des questions telles que la création de réserves et l'indemnisation des pertes fiscales encourues par les municipalités rurales et urbaines. Nous avons établi avec elles ce mécanisme officiel de concertation. Sinclair Harrison est le président de la SARM et Mike Badham, de la municipalité de Regina, le président de la SUMA.

Nous nous sommes réunis la semaine dernière et nous avons abordé deux ou trois questions très litigieuses dans notre région: la création de réserves, l'indemnisation des pertes fiscales et la différence entre l'indemnisation du droit aux terres en vertu des traités comparativement à celle que prévoient différentes revendications, soit en l'occurrence selon que l'on applique un ratio de 22,5 ou de cinq du point de vue de la fiscalité.

Il nous faut aussi aborder la question de la taxe de vente provinciale dans les réserves et en dehors des réserves. En Saskatchewan, il y a une politique que nous considérons comme immuable. Cette politique vise le non-paiement de la TVP par les Indiens inscrits lorsqu'ils font des achats en dehors des réserves. Il nous faut parler des quantités d'argent perdues ou perçues sur les achats d'essence ou de tabac dans les réserves. Nous devons trouver une solution à ce problème. Bien entendu, nous faisons appel à nos droits inhérents et issus de traités, mais nous essayons aussi de trouver le moyen de régler toutes ces questions.

Nous discutons aussi d'enseignement public, et j'ai parlé de la SARM et de la SUMA. Le bureau du commissaire aux traités a lancé une stratégie portant sur l'enseignement public. Je présente souvent des exposés devant les chambres de commerce, dans les écoles, lorsque j'en ai le temps, à Saskatoon et à Elbow, en Saskatchewan, là où il n'y a pas de réserves indiennes, et nous faisons donc des présentations vidéo pour que les gens puissent voir de quoi il en retourne. Nous avons présenté deux exposés aux monarchistes et au Canadian Club. Toutes ces choses se font officiellement et en permanence.

Toutefois, nous devons chercher davantage à faire évoluer les programmes, ce que nous avons commencé à faire. On devrait enseigner dans les écoles toutes ces questions de droits inhérents et issus des traités en partant de notre point de vue, en nous adressant non seulement à nos gens, mais à tous les enfants qui vont à l'école à Regina, à Saskatoon, à Prince Albert, et cetera.

Sénateur, vous avez évoqué la question de la représentation en dehors des réserves. En Saskatchewan, il y a 72 réserves. Lors de l'élection des chefs et des membres des conseils, l'élection peut se faire en fonction des dispositions de la Loi sur les Indiens, qui n'accordent que le droit de vote aux résidents de la réserve, ou en fonction de la coutume des bandes, qui accorde le droit de vote à tous. Nous voulons que toutes les Premières nations votent selon la coutume des bandes parce que ce sont des parties signataires des traités. Une quarantaine des 72 réserves suivent la coutume des bandes.

Il reste encore un certain travail à faire pour que les autres bandes votent selon leur coutume, mais une fois cela fait, nous pourrons commencer à parler de la mobilité des droits, des services et des programmes dispensés aux membres des bandes dans les réserves et en dehors ainsi que dans les centres urbains.

En Saskatchewan, nous avons des organisations appelées conseils tribaux qui administrent une zone géographique bien définie. Ils se chargent de dispenser des services aux ressortissants des Premières nations dans les grands centres urbains de la Saskatchewan. C'est par l'intermédiaire de cette organisation que seront dispensés ces services. Regina, Saskatoon et Prince Albert -- les trois grands centres urbains de la Saskatchewan -- ont chacun un conseil tribal qui dispense aux Premières nations des services d'emploi et des programmes d'enseignement et de formation. Ils assurent des services de logement en dehors des réserves.

Nous qualifions généralement notre centre de Regina de guichet unique. Il s'agit d'un centre urbain de fourniture de services aux Indiens. L'Indien qui sort de sa réserve a besoin de se loger quelque part et il peut trouver tous les services dans ce centre.

Il faut bien avouer, sénateurs, qu'il y a une différence entre les Métis et les Indiens, et il faut en tenir compte. Ils ont une histoire qui leur est propre et je ne peux pas parler en leur nom. Je peux parler toutefois au nom des ressortissants des Premières nations. Ils ont leurs propres structures qui elles aussi doivent être respectées.

Le sénateur Andreychuk: Si nous faisons des recommandations au gouvernement fédéral, la Constitution nous oblige à respecter les droits de tous les autochtones. Vous nous avez présenté un exposé bien structuré qui couvre toutes les questions touchant les Premières nations. Comment rapprocher ce mécanisme des recommandations que nous devrions faire au sujet des Métis? Nous excluons les Inuits ici. Pourtant, dans vos localités, les Métis vivent aux côtés des Premières nations et des non-autochtones.

Comment envisagez-vous votre rôle? Quelles sont les recommandations que nous pouvons faire à ce sujet au gouvernement? Nous ne voulons pas que nos recommandations aillent à l'encontre du but que vous recherchez; il faut aussi qu'elles tiennent compte des autres droits autochtones.

M. Bellegarde: C'est le dilemme. Nous nous sommes efforcés de ne pas être mis dans le même sac que les autres. Là encore, les autres droits doivent être respectés. C'est là notre message.

Tout part de nos droits inhérents et des liens découlant des traités. Je me souviens que les anciens nous disaient que le commissaire de la Reine est venu rencontrer nos chefs. Nos chefs lui ont posé la question au sujet de nos frères et soeurs métis. Le commissaire à la Couronne, Alexander Morris, leur a répondu qu'il allait passer un traité d'abord avec les chefs indiens et qu'il le ferait ensuite avec les Métis. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas traité avec eux. C'est une question qui doit être réglée, mais ce n'est pas notre problème. Nous avons notre traité. Nous avons des droits inhérents et des droits issus de traités, et nous voulons qu'on les respecte, qu'on les honore et qu'on les mette en application.

Tous les peuples autochtones sont différents. Il y a plus de 55 langues autochtones et 55 nations distinctes, séparées et uniques. Je veux dire par là qu'il ne faut pas placer tout le monde à la même enseigne. On doit faire preuve d'une certaine souplesse. Il convient de reconnaître qu'il y a des différences entre les peuples autochtones.

Je sais qu'il est plus facile pour le gouvernement d'adopter une seule politique autochtone et de l'appliquer aux trois groupes bien distincts. Je ne veux pas parler de «groupes» ou de «minorités ethniques». Nous avons toujours dit que nous étions des peuples autochtones ou des Premières nations et je veux continuer à utiliser ce vocabulaire. Nous ne sommes pas des minorités ethniques. Il convient que les gouvernements reconnaissent ce fait et le respectent.

M. Wapass: Je suis enseignant de profession. J'enseigne depuis quatre ans à l'école élémentaire et à l'école secondaire. Pour que l'on comprenne bien ce que nous faisons en tant que Premières nations, nous devons nous assurer que notre histoire est au programme de nos écoles. Il convient de concilier notre programme avec des programmes non autochtones.

Le sénateur Gill: Nous parlons depuis un certain temps d'un troisième ordre de gouvernement. Il nous faut tenir compte du fait qu'il y a eu des traités antérieurs à la Confédération ainsi que des traités postérieurs à la Confédération portant les numéros 1 à 11. Nous avons aussi la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, la convention avec les Nishgas et la Loi de gouvernement de la Bande indienne de Sechelt. Vous avez indiqué que ce sont les traités qui sont à la base de votre gouvernement. Est-ce que vous envisagez une possibilité d'entente entre tous ces groupes et les gouvernements du pays pour ce qui est de la mise en place d'un troisième ordre de gouvernement?

M. Bellegarde: Lorsque je parle de gouvernement autochtone, d'autonomie de gouvernement et d'autodétermination, j'applique ces notions à moi-même. Je suis membre de la Première nation de Little Black Bear. Nos membres élisent notre chef et son conseil, et tout le monde vote. Notre réserve abrite une population de 500 personnes sur un territoire de trois milles de large par neuf milles de long. Toutefois, lorsqu'on parle de financement, elle compte 5 000 membres.

Nous appartenons à la File Hills Agency, qui regroupe les activités de cinq réserves. Nous appartenons aussi au Conseil tribal de Touchwood File Hills Qu'Appelle, qui regroupe les activités de 16 réserves. Puis nous appartenons à la Federation of Saskatchewan Indian Nations, qui regroupe 72 réserves. Nous appartenons enfin à l'Assemblée des Premières nations, qui regroupe 633 réserves.

La réserve de Little Black Bear a signé le traité 4 en 1874. Trente-trois réserves, dont sept sont au Manitoba, ont signé le traité 4. La Première nation de Little Black Bear fait partie de la nation crie.

En appliquant ce modèle, que voulons-nous faire? On peut considérer que le point commun, ce sont les droits inhérents et issus de traités. Toutefois, on ne peut pas nécessairement appliquer ce concept au Nunavut, au peuple sechelt, aux Nishgas, aux Cris de la Baie James ou à la nation crie à l'échelle du Canada. Il y a des lois et des coutumes, mais elles ne vont pas toutes ensemble. Nous serons toujours cris, mais pas tous ensemble. Nous devons régler ce problème. À un moment donné, il nous faudra prendre une décision. Qu'entendons-nous par le troisième ordre de gouvernement dont vous parlez? D'un point de vue très pratique, il nous faut commencer au bas de l'échelle et définir ce que nous voulons. Sur notre territoire, nous nous sommes lancés dans ce processus de consultation. Envisageons-nous une fédération ou y a-t-il quelque chose d'autre à ajouter? Il nous faut trouver ce terrain commun.

Le point commun que je vois en ce qui concerne les autochtones, c'est celui des droits inhérents. La question est immense, mais c'est la seule façon dont j'envisage un troisième ordre de gouvernement. Où établir les corps législatifs, exécutifs et judiciaires dans ce que je viens de décrire? Toutes ces questions devront être abordées.

Le sénateur Perrault: Vous avez parlé de la nécessité de se faire mieux comprendre. Est-ce que l'on vous trouve sur Internet? Avez-vous un site sur Internet pour expliquer votre position en détail? Est-ce que vos documents sont consignés dans l'Internet pour que les gens puissent aller les chercher? Il est indispensable de nos jours d'utiliser ce moyen de communication.

Pour ce qui est de l'enseignement des jeunes, est-ce que vous faites partie du Réseau scolaire canadien? L'objectif est de faire accéder toutes les écoles canadiennes au Réseau scolaire canadien. C'est une façon de jeter des ponts. Avez-vous déjà fait ce genre de choses? Il semble que ce serait une bonne mesure à prendre.

M. Bellegarde: La FSIN a sa propre page sur Internet. Nous sommes en train de la parachever. Elle n'est pas terminée. Tous les documents que vous avez, nous aimerions bien qu'ils soient accessibles.

Le sénateur Perrault: S'ils l'étaient, ce serait un grand pas en avant.

M. Bellegarde: Ils ne le sont pas encore. La FSIN a une page sur Internet. Nous sommes en train de nous brancher sur le Réseau scolaire canadien. Certaines écoles sont déjà branchées, mais pas toutes. Cela me rappelle que le sénateur Andreychuk nous a demandé ce que nous faisons d'autre. J'aurais dû lui parler de cela.

Le sénateur Perrault: Il y a deux ans, j'ai assisté à une conférence à Fort St. John. On y décrivait les moyens dont on se servait pour utiliser les nouvelles techniques de communication afin d'apporter des idées et des programmes d'enseignement à des gens qui n'avaient pas pu en bénéficier pendant des années.

Au lieu que l'on envoie des gens dans les écoles résidentielles, par exemple, les élèves pouvaient rester au sein de leur propre communauté et recevoir les cours des meilleurs enseignants du Canada par satellite. Est-ce que l'on parle de choses de ce genre pour la population de votre région?

M. Bellegarde: Nous parlons d'un institut d'enseignement électronique ou à distance.

Le sénateur Perrault: On retient les services d'un enseignant qui est pratiquement un génie et ses cours sont alors distribués par Internet aux localités, rurales ou autres, de tout le Canada. C'est une solution passionnante qui est véritablement en mesure d'aider vos membres.

M. Bellegarde: C'est un grand principe qu'il convient d'appuyer. Toutefois, l'accès à l'infrastructure, c'est-à-dire au matériel et aux bandes vidéos est toujours difficile. Nous devons trouver les crédits pour le faire. C'est un bon projet et nous devons chercher à le réaliser.

Le président: Est-ce que le manque de crédits pose des problèmes?

M. Bellegarde: C'est une partie du problème.

Le sénateur Perrault: Le monde entier pourrait ainsi prendre conscience des deux points de vue.

M. Wapass: Nous essayons de nous associer à un organisme quelconque pour voir si nous pouvons avancer dans cette voie.

Le sénateur Perrault: Il devrait y avoir un bon nombre de gens prêts à vous aider. Je pourrais vous donner un ou deux noms.

M. Wapass: Je vous en serais reconnaissant.

Le président: Je vous remercie pour les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui.

Le comité lève la séance.


Haut de page