Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 33 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 26 avril 1999
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 08 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada (examen portant sur l'hormone de croissance bovine recombinante, STbr, et ses effets sur la santé des humains et des animaux).
Le sénateur Eugene Whelan (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: La séance est ouverte. Nous allons maintenant entendre notre premier témoin, M. William von Meyer.
M. William von Meyer, témoignage à titre personnel: Honorables sénateurs, je viens du Wisconsin. J'ai obtenu en 1964 un doctorat de l'École d'agriculture de l'université Purdue. Cette même université m'a aussi décerné un permis me permettant de manipuler les radio-isotopes et d'effectuer de la recherche métabolique et chimique.
À la fin de mes études doctorales, je suis entré au service de la société Rohm and Haas, de Philadelphie, où j'ai occupé le poste de gestionnaire du groupe chargé de mettre au point des pesticides systémiques sélectifs destinés à lutter surtout contre les champignons parasites s'attaquant aux cultures agronomiques.
J'ai travaillé pendant sept ans à mettre au point des toxines sélectives. Je suis l'inventeur des fongicides au triazole, vendus sous la marque de commerce Indar dans le cas du blé. Ces fongicides, qu'il n'est nécessaire d'épandre qu'une seule fois pendant la saison, ont remplacé les ferbames, qui, eux, devaient être épandus plusieurs fois pendant la saison.
Je suis aussi le coinventeur du biocide Kathon 893, qui a été le premier produit à remplacer le mercure dans les peintures et les chlorophénols dont on aspergeait les graines de coton. Il n'y a évidemment pas beaucoup de coton au Canada.
Après avoir passé sept années dans un laboratoire, j'ai été promu chef de la section de l'agriculture et des produits pour la santé animale à la société Rohm and Haas. J'étais responsable des activités de R-D dans le domaine agricole menées par la société dans 43 pays, dont le Canada. J'étais personnellement responsable de la recherche toxicologique portant sur les fongicides les plus vendus dans le monde, le Diathane M45 et le Maneb, ainsi que pour les études toxicologiques portant à l'époque sur 45 p. 100 de tous les fruits et légumes vendus au Canada.
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai été responsable des enquêtes menées sur les décès des personnes étant entrées en contact avec le rodenticide Vacor. Je vous prie de prendre note du fait que le Vacor agit comme un poison sur le pancréas de l'homme, mais pas sur celui du babouin, un animal qui présente cependant beaucoup de points en commun avec l'homme. Dans les 30 jours qui ont suivi sa mise en marché, ce produit a tué plus de 20 humains, dont des enfants.
Le pathologiste qui a collaboré à ce dossier avec moi et le président du conseil d'administration de la société est par la suite devenu le principal témoin dans le procès de O.J. Simpson.
J'étais aussi chargé des recherches oncologiques et génétiques portant sur l'incidence sur les résidus alimentaires de l'utilisation des fongicides de la catégorie EBDC, les fongicides alors les plus vendus dans le monde. Ces recherches visaient à établir le taux de formation du métabolite appelé ETU dans les fongicides retrouvés dans divers types d'aliments. Je n'aimerais pas devoir chiffrer l'argent que nous avons dépensé pour étudier ce résidu alimentaire, mais c'était certainement des millions de dollars.
J'ai participé pendant deux ans au programme de coopération avec l'industrie de la FAO/UN. En 1978, je suis devenu directeur de la division de la synthèse des produits chimiques organiques à la société Martin Marietta. Cette société a mené des recherches chimiques conjointes avec Shell Chemical International dans le but de produire des pesticides présentant moins de risques pour la santé. Pendant plusieurs années j'ai produit plusieurs milliers de produits chimiques dans le cadre de mes travaux en plus de ceux que j'avais produits chez Rohm and Haas.
En 1981, je suis devenu vice-président de la plus importante société de recherche génétique aux États-Unis, la société Cetus, qui a par la suite été scindée en deux ou trois sociétés lorsqu'elle a été rachetée par d'autres intérêts.
En 1983, j'ai fondé Fairview Industries, une société fondée sur l'esprit d'entreprise qui mène de la recherche dans le domaine de la chimie biologique, de la production alimentaire et de la génétique en général.
Je vais vous lire mon exposé et je remettrai ensuite au président les documents techniques qui s'y rapportent. Je compte vous convaincre des risques que présente la présence de cette hormone de croissance dans le lait. C'est dans ce but que je suis venu jusqu'ici. J'espère qu'un représentant de la société Monsanto est ici aujourd'hui et qu'il pourra répondre à mes questions ainsi qu'aux questions du président.
Les recherches que j'ai menées dans le domaine de la toxicologie au cours des 25 dernières années m'ont permis de constater que notre société commet les erreurs générales suivantes.
Premièrement, nous ne définissons pas suffisamment clairement les composés avec lesquels les humains et l'environnement entreront en contact pour comprendre quels peuvent être leurs effets toxiques. Les produits qui sont mis à l'essai sur les animaux ne sont parfois pas utilisés en laboratoire de la même façon qu'ils le sont en réalité. Les essais menés sur les toxines sont trop courts pour vraiment établir quelle sera leur incidence sur la population. Nous pensons que rien ne nous échappe, mais nous ne connaissons parfois pas le mode d'action d'un produit chimique avant d'en autoriser l'utilisation.
En présumant que l'utilisation d'un produit chimique ne cause pas d'effets secondaires ou d'effets métaboliques, nous nous convainquons qu'il ne présente aucun risque pour la santé. Nous nous fondons aussi souvent sur le rapport d'un chercheur universitaire pour présumer qu'un produit aura le même effet sur toutes les espèces animales au lieu de le mettre à l'essai sur les animaux sur lesquels on compte l'utiliser. Voilà ce qui explique que le rodenticide Vacor ait tué des gens. Les hypothèses sur lesquelles nous nous étions fondés pour approuver la mise en marché de ce produit étaient fausses.
Peu d'études comportent le profil immunologique d'un produit chimique ou biochimique ou d'un résidu de métabolite. Nous nous en remettons aux conclusions toxicologiques de la FDA et de la EPA. Nous ne voulons pas étudier l'incidence de l'utilisation d'un produit sur l'environnement parce que c'est trop coûteux. Nous évitons depuis des années de le faire, comme des gens m'évitent, moi, depuis des années à cause de cela. Je ne veux pas que les gens cherchent à m'éviter, mais c'est ce qu'ils font.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. On se souviendra que l'additif tryptophane a causé le décès d'êtres humains en raison de la formation d'un produit secondaire appelé bis-tryptophane. On a cependant essayé de dissimuler ce fait. Les représentants de la FDA sont allés au Japon pour discuter de la question avec la société Odenko, et on les a presque éconduits. Je n'en dirai pas plus.
Les essais menés sur le médicament fialuridine ont montré qu'il pouvait causer la mort. Le Vacor, le produit que j'ai étudié, a causé la mort de 20 personnes avant qu'il ne soit retiré du marché. Pendant que la société retirait le produit du marché, certains spécialistes financiers importants exerçaient des pressions sur le conseil d'administration pour qu'il continue de permettre la vente du produit. Ce genre de situation fait problème.
On s'est ensuite rendu compte que des erreurs avaient été commises dans le cadre des recherches ayant précédé la mise en marché du produit dans la mesure où le pancréas des babouins a un métabolisme différent de celui des humains. Pendant les essais sur le médicament contre le cancer interleukine menés à la société où je travaillais, la société Cetus, l'utilisation du médicament a eu des effets préjudiciables importants dans le cas de plusieurs patients, à tel point qu'on a décidé d'utiliser ce médicament dans les services d'urgence. Les médias n'en ont pas soufflé mot.
Je ne déteste pas les médias, mais je ne suis jamais parvenu à me faire comprendre d'eux. Ces renseignements n'ont jamais été divulgués au public, et les médias ont décrit ces composés comme des médicaments prometteurs.
L'utilisation du monoglutamate de sodium a été interdite dans les aliments pour bébés, soi-disant parce qu'il causait des lésions hypothalmiques. Je n'ai pas étudié cette question, mais c'est la conclusion à laquelle ont abouti des chercheurs de renom.
Le diéthylstilbestérol s'est révélé carcinogène à des doses indétectables à l'époque de six parties par milliard.
On a découvert bien après la mise en marché de l'éthylène-thio-urée que ce produit causait des malformations tératogènes ou congénitales. Ces composés sont les principaux fongicides utilisés en agriculture. Mon service a fait modifier la fréquence d'épandage de ces produits sur la plupart des cultures afin d'éviter les malformations congénitales qui pourraient être causées par les résidus agricoles.
Il semblerait cependant que chaque génération doive répéter dans une certaine mesure les erreurs commises par la génération précédente avant qu'elle ne comprenne ce qui doit être fait pour éviter les désastres environnementaux.
Je vois que bon nombre d'entre vous ont le même âge que moi ou sont plus âgés que moi, ce dont je me réjouis, parce que je sais que vous comprenez ce dont je vous parle.
Je suis venu comparaître aujourd'hui devant le comité pour essayer d'empêcher que la STbr, dont on n'a pas suffisamment étudié les effets, soit utilisée dans le lait. Je vous convaincrai aujourd'hui soit d'empêcher la vente de la STbr, soit de demander qu'on recueille à son sujet des données beaucoup plus approfondies. C'est la promesse que je vous fais.
En terminant, j'aimerais faire remarquer que mes 25 années d'expérience dans le domaine de la recherche biologique et de la recherche sur les matériaux actifs m'amènent à conclure que l'erreur la plus importante et la plus fréquente qu'on commet lorsqu'on permet la mise en marché d'un résidu ou d'un produit actif au plan biologique est de ne pas en évaluer les risques d'ordre chronique pour la santé.
Ma société a commencé à s'intéresser à la somatotrophine bovine recombinante en 1991. Elle ne devait pas se pencher sur cette question, mais elle l'a fait après que j'eus participé à une réunion pour savoir ce qui serait exigé de ma société si elle mettait au point un produit agricole créant un résidu pouvant avoir une incidence sur l'homme. Aucun fait portant sur les conséquences d'ordre chronique pour la santé ni sur l'action mutagène du produit ne nous a été donné. Nous avons dû nous procurer des articles et des rapports sur la STbr produits par la FDA et la revue Science.
Lorsque nous avons terminé notre étude de ce dossier, nous avons communiqué avec divers sénateurs et membres du Congrès pour leur demander de poser certaines questions à la FDA concernant l'utilisation de la STbr. Je me contenterai aujourd'hui de vous donner les réponses aux questions qui ont été posées par le membre du Congrès Scott Klug, du Second district du Wisconsin, qui a maintenant pris sa retraite. Je vous fournirai les références voulues, et je crois comprendre qu'il y aura ensuite une discussion de groupe. Je dis toujours qu'il s'agit de séances de barbecue, et rien ne vaut un bon barbecue.
Voici les questions que nous avons posées à la FDA:
Comment pouvez-vous établir les risques d'ordre chronique sur la santé avec un essai mené sur une période de 90 jours?
La FDA, la société Monsanto et la société Cyanamid ont-elles recueilli des données sur les conséquences d'ordre chronique sur la santé de la STbr?
Si on a cru bon de faire des essais sur le facteur de croissance semblable à l'insuline, l'autre hormone produite dans le cadre des essais biologiques, pourquoi y avez-vous mis fin après 14 jours? Il n'y a que 115 documents de ce genre dans le domaine du cancer, et nous savons que les essais oncologiques doivent être menés sur une période de 18 mois à deux ans, et parfois même trois ans. Pourquoi a-t-on mis fin à ces essais après 14 jours? Nous vous le dirons dans un moment.
Nous avons demandé pourquoi on n'avait pas discuté dans les articles parus sur la STbr des conséquences de l'utilisation de ce produit pour le foie qu'a fait ressortir l'étude Groenewegen publiée dans le Journal of Nutrition, livraison 120:514 de 1990. Où a-t-il été question des conséquences de l'utilisation de ce produit pour le foie? Ces conséquences ont été dissimulées volontairement.
Je vais vous remettre ce document aujourd'hui. M. Armitage m'a envoyé une étude du Collège des médecins et chirurgiens qui n'a nullement fait mention de la seule étude sur l'ingestion orale du lait menée dans le monde. Il s'agit d'une étude portant sur 14 jours menée par un étudiant de maîtrise à l'Université de Guelph. Peut-on croire qu'on s'est reporté à cette étude pour prendre une décision touchant toute la société? Je vous lirai à la fin de mon exposé une définition du terme «fraude» pour que vous jugiez si cette définition s'applique dans ce cas.
Je vous signale en passant que le rapport récent de l'OMS ne faisait pas mention de cette étude. Lorsque le rapport de l'OMS est paru, j'ai fait parvenir aux responsables de l'organisation une étude approfondie que j'ai rédigée à la hâte lorsque j'ai appris qu'il y aurait une réunion sur le sujet. Je pensais que je pouvais me fier à ce groupe. J'ai envoyé une longue dissertation sur le diabète dans laquelle je citais beaucoup d'ouvrages. L'OMS n'a même pas fait mention de cette étude. Je commence à m'emporter.
Vingt mois après la présentation des questions à la FDA -- et habituellement les sénateurs ou les membres du Congrès obtiennent une réponse à leurs questions dans un délai de deux à trois semaines --, nous avons fait valoir à M. Klug que la FDA ne disposait pas de données sur les effets pour la santé du lait traité à l'hormone de croissance bovine et que les seuls essais effectués sur l'utilisation de ce produit étaient ceux mentionnés dans la revue Science.
Lors de la réunion no 194 tenue dans l'État de New York, la société Monsanto a également admis que les essais en vue d'évaluer les effets sur la santé de l'utilisation de l'hormone pure n'avaient duré que 90 jours. Comme la FDA n'avait pas répondu de façon satisfaisante à nos questions, M. Klug a décidé de s'adresser lui-même à l'agence. Il a confirmé le manque total de données sur les conséquences chroniques pour la santé de l'utilisation de l'hormone.
N'étant pas lui-même un scientifique, M. Klug a demandé aux représentants de la FDA d'accepter que je leur pose moi-même des questions le 2 juillet 1998. C'est une façon tout à fait inusitée de procéder aux États-Unis. Permettez-moi de vous exposer les conclusions auxquelles nous sommes aboutis à l'issue de cet entretien.
Le Dr R. Livingston, le pathologiste de la FDA s'occupant du dossier de la STbr, a affirmé que celle-ci est un matériau zénobiotique dont la structure est tout à fait différente de celle de l'hormone naturelle. Il n'a pas chiffré le facteur d'impureté. La revue Annals Research Veterinaria, 21, 107s, a établi que le facteur d'impureté était de 5 p. 100.
Il n'a pas été question de l'incidence des métabolites sur la vache. Cela signifie que nous n'avons aucune idée de la quantité de résidus de STbr ou de zinc qui peuvent se trouver dans le lait de la vache. Que ce soit dans une vache ou dans un être humain, ces résidus iront se loger dans certains tissus soit de façon aléatoire, soit parce qu'ils ont une affinité avec ceux-ci. Lors de cette séance, les représentants de la FDA n'ont pas pu discuter de la fixation du peptide de zinc à l'ADN.
Les protéines de zinc régissent les gènes humains dans la nature. Il s'agit de complexes de zinc et de protéines. Je vous renvoie à ce sujet à tout manuel moderne de biochimie. Ce sont les composés qui régissent l'action d'un bon nombre de gènes dans notre corps.
Le Dr Livingston a admis qu'on n'avait pas évalué l'incidence sur la santé des animaux de la consommation de lait traité à la STbr. Aucun essai de ce genre n'avait été fait. On a présumé qu'on connaissait tous les métabolismes. Nous n'avons qu'à féliciter les sociétés de biotechnologie. Elles croient tout savoir. Elles ont évidemment tort.
Nous nous opposons catégoriquement au fait qu'on ait complètement omis de faire des études des effets sur la santé de l'utilisation de ce lait, compte tenu des changements possibles dans l'antigécité du lait et de l'augmentation possible du IGF-1, comme l'ont démontré certains essais menés par le chercheur Prosser et des pathologistes de Nouvelle-Zélande. Nous avons présenté au Dr Livingston les conclusions de mes travaux sur le Vacor et sur ses liens avec le diabète aigu. Nous lui avons fait part de nos préoccupations quant aux composés qui pourraient causer le diabète, comme la lacto-albumine et les 17 amino-acides qui ont été découverts chez les enfants souffrant de diabète.
Soit dit en passant, l'un des meilleurs biochimistes des États-Unis et du Canada s'appelle Hans-Michael Dosche, et il travaille à l'Hôpital pour enfants de Toronto. Il mérite une subvention gouvernementale. Aidez ce chercheur. Il est très bon. Il est aussi timide.
Des recherches menées en Finlande et en France ont également permis d'établir un lien entre les protéines du lait et le diabète chez les enfants. On a en effet trouvé des anticorps chez les enfants.
Lorsqu'on a étudié le cas de centaines d'enfants et qu'on découvre un anticorps qui semble lié au diabète, c'est une découverte qui vaut bien davantage que les rapports des pathologistes qui ne travaillent que dans les laboratoires.
Nous nous sommes demandé pourquoi le rapport paru dans Science ne faisait pas mention des toxines bactériennes, puisque la bactérie qui cause la mammite produit un antigène comme l'endotoxine. Pas un seul représentant de la FDA n'a pu discuter de cette question avec nos chercheurs. Or, la FDA dispose de centaines de rapports d'agriculteurs et de syndicats d'agriculteurs faisant état d'un accroissement de l'incidence de la mammite.
Le IGF-1 est un métabolite qu'on retrouve en quantité supérieure dans de nombreux essais sur le lait lorsqu'on utilise la BGH et la STbr. On l'a baptisé le myotrophin. Le myotrophin est un médicament permettant de régénérer les cellules nerveuses chez les humains. La société Cephalon a présenté une demande d'homologation de ce médicament à la FDA, qui a chargé un groupe de spécialistes d'étudier le myotrophin. Ces spécialistes se sont opposés à l'utilisation de ce médicament chez les humains.
Je vais maintenant vous montrer que ces spécialistes, à l'issue d'une longue série d'essais comportant l'injection chez des patients d'un placebo et du myotrophin, ont conclu que ce médicament pouvait causer la mort. D'une part la FDA disait au public que le IGF-1 ne posait aucun risque dans le cas du lait et qu'il était inactif au point du vue biologique et, d'autre part, ces spécialistes concluaient qu'il pouvait causer la mort. Nous avons demandé à obtenir les résultats de ces essais par l'intermédiaire de la Loi sur l'accès à l'information, mais notre demande a été rejetée. Ce n'est que parce que le rapport sur le myotrophin est paru dans la revue Barron's que nous en avons pris connaissance. Puisqu'il est possible que vous ne me croyiez pas sur parole, je vous transmettrai un exemplaire de ce rapport.
Parlons maintenant des effets sur le foie. Nous avons signalé au Dr Livingston que dans divers rapports on constatait des effets de la STbr sur la masse du foie. Le pathologiste de la FDA a dit qu'il ne se souvenait pas suffisamment bien de la chose pour en discuter. Rappelez-vous que le seul test sur la santé et le lait dans le monde a été effectué à Guelph, et ils ne s'en souvenaient pas.
L'apoptose est le processus naturel de mort cellulaire qui freine la progression des cellules tumorales. Il y a trois ou quatre ans, on a constaté que l'IGF-1 empêchait l'apoptose. Tout le monde voudrait bien savoir si cette substance peut l'empêcher pour les muqueuses intestinales, n'est-ce pas?
Dans toutes les discussions que j'ai eues avec des dizaines de pathologistes patentés -- je ne suis pas comme eux, je suis un scientifique moyen -- ils disent que pour étudier le cancer du côlon, il ne faut pas se servir de rats. Pourquoi? Parce que les rats n'ont pas le cancer du côlon. Il n'y a pas de cancer du côlon chez eux, à moins qu'on ne mette en contact un rat moyen avec une assez forte dose de produits cancérigènes. Pour savoir si quelque chose encourage le cancer, vous le combinez avec un cancérigène assez fort, puis vous faites un test sur un rat. En général, le rat est un mauvais animal de laboratoire pour l'étude du cancer du côlon. C'est ce qu'ont dit dans leurs études des gens célèbres. L'un d'eux a fait une étude sur les souris et a prédit qu'il faudrait examiner 142 000 souris pour trouver une tumeur du côlon.
L'IGF-1 est considéré comme favorisant le développement des tumeurs du côlon chez l'humain. C'est parce qu'il déclenche un gène, l'oncogène RAS. S'il y a mutation du gène RAS d'une cellule touchée par l'IGF-1, il y aura davantage de divisions cellulaires et, par conséquent, une tumeur. Je simplifie un peu.
Je vais vous lire les parties de la lettre qui résume l'entretien avec la FDA et le résumé des réponses du membre du Congrès américain Klug qui ont été versées au dossier du Congrès.
a. Avez-vous évalué le lait entier des vaches traitées à la STbr dans une étude de quelque sorte sur la santé?
Réponse: Non.
b. Avez-vous déterminé et soigneusement évalué les effets du lait traité grâce à l'hormone sur le diabète?
Réponse: Non.
c. Avez-vous considéré les effets à long terme des peptides de zinc dans le lait ou des traces de métabolisme du zinc de la STbr?
Réponse: Non.
d. Saviez-vous que l'IGF-1 utilisé comme médicament, le myotrophin, avait été considéré comme mortel?
Réponse: Ce serait dans une autre section, qui traite des médicaments.
C'est comme si ces gens étaient des hommes des cavernes. Si moi je le sais, et que je vis sur une ferme, à 500 milles de quoi que ce soit, on devrait s'attendre à ce que le gouvernement qui examine les questions de chimie soit au courant, n'est-ce pas? Vous, vous le saurez aujourd'hui.
On continue:
e. La STbr et ses résidus sont-ils xénobiotiques ou un corps étranger pour l'organisme humain?
Réponse: Oui.
f. On a tenu une discussion sur les produits chimiques produits par les bactéries causant les mammites.
Conclusion: On n'a fait aucune évaluation dans les troupeaux des toxines provenant de bactéries qui pouvaient avoir un effet sur le diabète ou sur la maladie d'Alzheimer.
g. Effets sur le foie. Comme le prouve cette discussion, la FDA n'était pas au courant des effets de la somatotropine sur les pertes pondérales du foie à cause des doses orales, comme l'avaient rapporté Groenewegen et al.
h. Avez-vous fait une analyse des peptides mineurs de matières étrangères dans le lait traité à la STbr au moyen d'électrophorèse sur gel ou par HPLC?
C'est la seule méthode qui permet de trouver des peptides étrangers résultant du stress chez la vache.
Réponse: Non. À part la STbr, nous n'avons analysé que l'IGF-1.
Aucune analyse n'a été faite.
La discussion a duré environ une heure et 15 minutes. M. Gold était présent, et à Washington il y avait un représentant du bureau de l'information de la FDA.
Je ne vais pas vous lire le reste de ma lettre. Je suis un citoyen américain et je m'oppose fortement à ce qui s'est passé là, et les observations que j'ai faites étaient celles d'un citoyen. Je suis convaincu qu'on vous en présente aussi de temps en temps.
Passons maintenant aux préoccupations plus précises, y compris le manque de données sur le diabète. En 1994, dans le numéro 5 du volume 94, l'American Academy of Pediatrics affirmait:
On pourrait réduire le développement et le début du diabète en évitant de donner du lait de vache à un enfant dans ses premiers mois de vie.
Et pourquoi donc? Eh bien, il y a quelque chose qui passe du lait dans l'organisme du bébé qui peut déclencher des anticorps. C'est la pathologie la plus courante. Le leader mondial en la matière travaille à l'Hôpital pour enfants de Toronto: Hans Michael Dosch. Il est l'un des leaders mondiaux, avec un médecin finlandais. Il a identifié un élément de protéine bovine appelé la lactalbumine.
Un groupe de pédiatres a tiré ses conclusions à partir d'une étude à grande échelle sur l'épidémiologie du diabète en Europe. Des données humaines comme celles-là ont un avantage sur les anecdotes des médecins et sur les tests de laboratoire à court terme. Les données portaient sur des expositions à long terme des humains au lait, avec des analyses sanguines visant à trouver des anticorps du lait. Vous trouverez en annexe des documents sur le diabète et l'environnement. Je vous ai apporté un livre sur le sujet, que je vous laisse. On y explique ces choses mieux que je ne saurais le faire.
Je voulais remercier les honorables sénateurs d'avoir appuyé les travaux de Banting et Best, il y a déjà quelques lustres. Ce sont les Canadiens qui ont découvert la structure ou la molécule de l'insuline. On leur a donné le prix Nobel en 1927.
Des experts mondiaux sur le diabète ont montré un lien entre les antigènes et le diabète de type I et les protéines lactosériques. On pourrait croire qu'un gouvernement comme le vôtre ou le mien dirait: «Les amis, il faut être prudent. Ne mettons pas dans le lait une nouvelle protéine qui pourrait causer le diabète chez les enfants.» Pourquoi? Parce que c'est coûteux. Aux États-Unis, le diabète n'est pas une maladie rare. Pour ce qui est des dépenses thérapeutiques, 20 p. 100 de tous les frais médicaux aux États-Unis se rapportent au diabète. Il y a aux États-Unis environ 14 millions de diabétiques.
À ce sujet, la South Dakota State University a fait des tests sur la STbr, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Dairy Science en 1989. Une forte augmentation de la protéinémie était l'un des principaux résultats constatés. On aurait dû y voir un avertissement. Ce tableau montre la protéine lactosérique. Un trait représente le groupe contrôle, et l'autre représente la quantité de protéines sériques dans le lait. Personne n'a analysé cette protéine pour savoir ce qu'elle était. Provenait-elle du foie endommagé décrit dans le rapport Groenewegen? Est-ce que ce problème du foie faisait passer du sérum dans le lait? Est-ce possible? Cela justifie une prudence extrême. Nous devons être très prudents, puisqu'on n'a pas fait de tests sur le lait. Certains de ces tests n'ont été effectués que pendant 14 jours.
Il serait utile de déterminer, après un an d'utilisation de la STbr, la présence dans le lait de petits peptides, au moyen d'une analyse chimique soigneuse. Si les sabots et les os se fragilisent, par exemple, et si du sérum coule dans le lait, il faudrait certainement voir quels changements micromoléculaires se produisent dans le lait qui pourraient nuire aux humains qui le boivent.
Il faut se rappeler que le Dr Livingston, de la FDA, a déclaré qu'aucune étude sur le métabolisme et sur les résidus de petits peptides n'avait été effectuée. Souvent, de tout petits changements moléculaires peuvent causer des maladies. C'est pourquoi on consacre aujourd'hui des millions de dollars à la recherche sur les causes de la maladie d'Alzheimer et de la dystrophie musculaire. Il nous faut parfois 20 ou 30 ans pour isoler les protéines dont la présence se mesure en picogrammes, ou en trillionièmes et milliers de trillionièmes de grammes. Ce sont souvent des causes de maladie, par exposition à long terme.
Le tableau suivant porte sur les anticorps chez les enfants diabétiques. Cette ligne représente le groupe contrôle. Cette autre ligne représente les enfants diabétiques ayant des anticorps pour les protéines de lait de vache. Est-ce que cela ne crève pas les yeux?
Cela ne se trouve pas dans le rapport que m'a envoyé M. Armitage. On n'y trouve pas de graphique semblable. Le rapport Groenewegen ne contient pas de données sur le foie. Cela s'explique à mon avis par le fait que l'industrie influence indûment ces organismes.
On a constaté que les antigènes d'un certain nombre de protéines sont associés chez les humains à certains types de diabètes auto-immuns. Ces diabètes auto-immuns sont causés par l'action d'un antigène contre le corps. En fonction de certaines protéines, vous pouvez souffrir d'arthrite, de diabète, ou d'allergie.
L'analyse biochimique de ces substances dans le lait pourrait nous permettre d'éviter le désastre que constituerait une exposition chronique à du lait contenant de la STbr, un lait qui contiendrait davantage de substances antigènes. Nous avons illustré dans ces graphiques les données provenant de l'analyse du sérum des vaches. Nous avons démontré que les anticorps de ces protéines sont associés aux diabètes.
Les deux enzymes qui sont associées aux diabètes humains, avons-nous constaté, sont la décarboxylase de l'acide glutamique, ou DAG, et la carboxypeptidase H ou CH. Ces produits nous inquiètent, car ils peuvent former des anticorps chez les humains. Ils peuvent également provenir d'un nombre trop grand de bactéries de la mammite.
Si je faisais des tests, je pourrais vous fournir des résultats utilisables plutôt que des avis. Si j'analysais ce lait, mon analyse porterait sur les six ou sept points suivants, simplement pour m'en assurer. Premièrement, je vérifierais s'il contient des endotoxines lipopolysaccharidiques, de la décarboxylase de l'acide glutamique, ou DAG, du CH, de la carboxypeptidase H, des anticorps anti-îlots de Langerhans, de la protéase de cystéine et de l'interféron gamma.
Il faut prendre note de ce que de nouvelles données ont été compilées en 1977. Le American Journal of Clinical Nutrition, volume 35, a signalé qu'on a trouvé de la bêta-lactoglobuline, c'est-à-dire des protéines de lait de vache, dans le lait de toutes les femmes qui avaient consommé deux litres de lait de vache par semaine. Combien d'honorables sénateurs ont discuté avec moi de l'effet des protéines qui migrent dans le corps à partir de l'estomac?
L'un de vos fonctionnaires de la Santé a travaillé sur le dossier d'un enfant mort de botulisme. Le botulisme est provoqué par une protéine ingérée dans l'estomac et transférée dans tout le corps en quelques minutes. Le sujet atteint meurt dans les deux jours.
La toxine cholérique est une autre toxine sous forme de protéine. Si vous parlez de ces toxines à une société de biotechnologie, elle vous fermera la porte au nez. Elles ne veulent rien savoir des toxines et des protéines. C'est pourquoi il est si important que je les mentionne ici. La biotechnologie peut être sans danger si l'on fait des tests adéquats.
D'après les résultats sur les humains que j'ai mentionnés, on peut supposer que les effets d'une substance diabétogène active ne se limiteraient pas aux enfants; les adultes pourraient également en souffrir. On ne le saura pas tant qu'on n'aura pas les données nécessaires.
L'autre élément important au sujet du risque de diabète, c'est la période d'incubation. D'après les autorités mondiales dans ce domaine, la période d'incubation est en moyenne de huit à onze ans, et dans certains cas les symptômes commencent à apparaître après six ans.
Si ces périodes d'incubation sont aussi longues, c'est que l'attaque portée aux cellules par la protéine du lait ou l'antigène a un effet cumulatif et que le système immunitaire prend un certain temps à réagir, beaucoup plus que deux semaines. Cette période de huit à onze ans est de 50 à 100 p. 100 fois plus longue que celle prise en compte dans les essais.
Dans un rapport récent de l'OMS, on ne fait que mentionner brièvement les cas de diabète chez les enfants. Nous avons discuté en détail de ces antigènes avec les gens de l'OMS, mais ils ont omis cette question dans le rapport.
Je vais maintenant parler de l'IGF-1, c'est-à-dire du facteur de croissance de substances apparentées à l'insuline. On a fait des essais de cette substance sur les humains et on a constaté qu'elle est toxique. Il a toutefois été difficile d'obtenir des détails. Le seul rapport public sur ce sujet a été publié dans le magazine Barron's, que vous trouverez à l'annexe 4. On a laissé entendre que l'IGF-1 pourrait être l'une des causes du cancer de la prostate.
Mais soyons réalistes. Dans la nature, de 90 à 95 p. 100 de l'IGF-1 est lié à une autre protéine. Lorsqu'on extrait des cellules, on sépare souvent ce qui est lié de ce qui ne l'est pas, ce qui peut fausser les données.
La recherche sur l'insuline est parfois difficile parce que l'insuline se fixe sur le verre et sur le plastique. Lorsque l'insuline est transfusée aux humains dans un hôpital, la dose utilisée est généralement plus élevée que celle qui est nécessaire pour traiter le patient, en raison du fait que les premiers experts cliniques qui se sont penchés sur le produit ont constaté que de 20 à 40 p. 100 de l'insuline se fixe sur le verre et sur les tubes en moins d'une demi-heure. Comme je vous ai déjà montré les structures de l'insuline et du facteur de croissance insulinoïde, je ne reviendrai pas là-dessus, mais il me suffit de vous dire que leurs propriétés physiques sont semblables.
Passons maintenant au résumé de Monsanto sur l'accès à l'information. Nous avons photocopié le tableau 24 du document sur l'accès à l'information publié par Monsanto, qui résume le contenu protéinique du lait contenant de la STbr sur une période de 252 jours. Les résultats démontrent une augmentation statistique importante d'environ 0,1 p. 100 dans le lait.
Cela peut vous paraître peu, mais cela représente pourtant 45 grammes dans 100 livres de lait. Si vous buvez 45 grammes d'un liquide quelconque, peu importe lequel, cela aura des effets sur vous. D'après le rapport précédent sur l'augmentation du sérum dans le lait, nous soupçonnons que ce lait contient des composantes sériques d'un type ou d'un autre.
Signalons qu'aucune analyse de la protéine par électrophorèse en gel n'a été faite. C'est à cause de cela que l'on risque de créer un changement d'ordre épidémiologique dans une maladie telle que le diabète alimentaire, après des années d'exposition à des substances inconnues.
De plus, il n'est peut-être pas possible non plus de faire des tests sur un petit nombre de rats afin de définir le risque. Il faut pour cela discuter longuement pour déterminer comment on évalue le risque, car sur une population de 30 rats, il est impossible de déceler d'une façon constante l'apparition d'une maladie, ne serait-ce qu'à hauteur de 5 p. 100 des cas. Or, on n'a utilisé que 30 rats pour faire cet essai.
Laissez-moi maintenant vous donner des chiffres sur les protéines. Le tableau 92 démontre qu'après avoir injecté 600 milligrammes de STbr, la numération des globules rouges chutait de façon significative dans les trois semaines et dans tous les groupes d'animaux traités pendant trois semaines ou plus. On ne sait si la chute de l'érythrométrie et de l'hématocrite était due au fait que la STbr affectait directement la moelle osseuse ou si c'est parce que le changement métabolique dans la vache causait l'envoi d'un autre message à la moelle osseuse. Il est important de comprendre qu'on ne sait toujours pas si ce message peut être transmis ou non au lait.
Nous serions dans de beaux draps si dans 10 ans on constatait que cela nuit au développement des érythrocytes chez les humains!
Pour terminer, j'aimerais vous parler de deux questions que nous avons posées à la FDA et des réponses que nous avons reçues. En premier lieu, les études de toxicité à court terme suffisent-elles pour évaluer et pour identifier le risque d'intoxication chronique découlant de l'ingestion accrue du facteur de croissance insulinoïde-1, comme cela peut se produire dans les fermes où les enfants boivent du lait cru? Après tout, 99 p. 100 des familles agricoles consomment leur propre lait. Autrement dit, les tests à court terme suffisent-ils pour prédire la toxicité chronique de toutes les formes de STbr?
Voici ce que nous a répondu la FDA:
Les études sur l'alimentation par voie orale à court terme suffisent à prédire la toxicité chronique de la STbr et du IGF-1, étant donné que les études à court terme démontrent que ces protéines ne sont pas oralement actives.
À mon avis, c'est un cas flagrant de toxicologie menée par des voleurs. Récemment, nous avons reçu une publication de l'Academy of Sciences de New York portant sur une conférence à venir sur la toxicologie moderne dont les discussions seront présidées par Joshua Lederberg. J'ai l'impression que nous sommes à la veille d'assister à de nombreuses tentatives destinées à faire retirer l'obligation d'effectuer des études sur l'administration périodique. J'y suis fermement opposé.
Au cours des dernières journées, il semble que Monsanto ait annoncé que son analgésique, le Celebrix, avait causé des décès. Il faudrait que Monsanto nous donne des explications là-dessus également. Qu'est-ce que Monsanto aurait oublié de faire au cours de ses essais cliniques qui aurait pu entraîner le décès de 10 personnes?
J'ajoute à cela la proposition d'éliminer le lait de vache. La FDA a refusé d'admettre que toute référence au document de 1993 avait été publiée avant que l'hormone de croissance bovine ne soit distribuée.
J'ai apporté des corrections aux données numériques et aux rapports de Monsanto et du National Institute of Health des États-Unis. Dans l'article du Annals Research Veterinaria, les chiffres des tableaux ont été changés; il y a eu erreur dans les chiffres, puisqu'il y a deux séries de données pour la même série d'animaux. L'article est donc non valide dès qu'il est du domaine public, et nous sommes ici dans une séance grand public.
Dans le rapport du National Institute of Health, on a changé dans le document du Dr Elsasser les décimales représentant les résidus de IGF-1 et de STbr dans le lait. Le chiffre du résidu a été changé et est passé de 43,4 à 4,3 après avoir été chauffé. Le document est donc entaché de nullité, et les changements sont inscrits dans les documents d'accompagnement que je vous laisserai.
J'ai ici en main une lettre de la FDA à la revue Science reconnaissant que l'article -- de Annals Research Veterinaria, était incorrect. Or il s'agit là de l'article de recherche le plus important sur la STbr qu'ils aient rédigé avant la publication du document de la revue Science.
Le sénateur Spivak: À quand remonte la lettre de la FDA?
M. von Meyer: Elle remonte au 7 avril 1994. Laissez-moi vous la lire.
En réponse à votre lettre du 14 mars 1994 au sujet d'un commentaire [...] d'un certain M. von Meyer [...]
En réponse à ses questions concernant la validité de l'information publiée dans l'article de la revue Science, nous vous informons que l'information contenue dans l'article est exacte. C'est plutôt l'autre article dont vous avez fait mention (Annals Research Veterinaria) [...] qui est incorrect.
Toutefois, le fait que l'article soit inexact n'est pas encore du domaine public.
Dans son rapport du 5 décembre 1990, le NIH n'a pas changé les chiffres des résidus obtenus après chauffage du lait.
Or, quiconque lirait cela dans un dossier pourrait croire que la chaleur détruit tout, ce qui est faux.
J'inclus ici une partie d'une lettre envoyée en 1992 au sénateur Robert Kasten, dans laquelle on démontre que lorsque les données du tableau 2 de l'article de la revue Science ont été converties en un pourcentage de groupes témoins, on a constaté que le poids du foie, du coeur et des reins était plus faible que le poids des mêmes organes dans les animaux témoins, à hauteur de 8 à 10 p. 100. Or, on prétend que cette substance n'a aucun effet sur le foie! Il ne faut pas être surpris que l'on refuse de citer le rapport Groenewegen, dans lequel on démontre à deux occasions différentes que cela peut avoir un effet sur le foie.
Au troisième onglet, vous trouvez un tableau démontrant que l'on n'a pas clairement défini au cours de la période de test de développement la pureté de la STbr. Dans huit rapports clés, on ne mentionne pourtant qu'une seule fois la pureté de cette hormone. On ne trouve nulle part l'analyse de chromatographie liquide à haute performance. La seule étude sur l'administration par voie orale de lait traité à la STbr est celle qui a été effectuée au Canada pendant 14 jours.
Le vice-président: Monsieur von Meyer, vous avez mentionné plusieurs fois cette période de 14 jours. S'agit-il de l'essai effectué à Guelph?
M. von Meyer: En effet.
Le vice-président: Pouvez-vous expliquer quel traitement on a fait au lait à ce moment-là? Est-ce que l'on a comparé les effets de ce traitement à ceux de la pasteurisation?
M. von Meyer: Oui. Sauf erreur, on a trait trois vaches dont on a pasteurisé le lait pendant 30 minutes. Toutefois, sachez que la pasteurisation ne prend que quelques secondes, et non pas 30 minutes! Lorsque les vaches témoins avaient été traitées avec la STbr, le lait de ces vaches était testé avant d'être chauffé et après. Chaque fois que l'on utilisait du lait avec STbr chauffé, on constatait que le foie des rats nourris à ce lait était d'un poids statistiquement plus faible, ce qui démontre qu'il y a une certaine activité par voie orale.
Dans l'article de la revue Science, on signalait que le thymus des rats traités par voie orale était plus lourd, ce qui laisse entendre qu'il y a aussi une réaction immunologique.
Ai-je répondu à votre question?
Le vice-président: Oui.
M. von Meyer: Si après avoir testé pendant 14 jours -- ce qui est bref -- une substance censée être utilisée par les humains vous constatiez des résultats significatifs du point de vue statistique, n'iriez-vous pas voir votre patron pour lui suggérer de pousser plus loin les essais cliniques? Or, toutes ces discussions ont été supprimées. Je ne puis m'imaginer qu'un jeune technicien qui découvrirait des résultats de cette importance sur le poids des foies n'irait pas voir son patron pour lui suggérer de faire faire des essais plus poussés en raison des effets remarqués! Or, au lieu de cela, tous les essais ont été stoppés, ce qui me préoccupe énormément en tant que scientifique.
Le vice-président: Le patron en question recevait peut-être une subvention de Monsanto.
M. von Meyer: Je sais que Monsanto distribue beaucoup de bourses de recherche, mais vous en savez sans doute plus là-dessus que moi-même.
Dans les documents que je vous ai distribués, je discute du métabolisme des phospholipides. Tout ce domaine de la chimie a été omis. C'est de toute façon un domaine trop complexe pour que j'en parle aujourd'hui. J'ai déjà mentionné que l'insuline se fixait sur le verre.
J'aimerais citer un autre article de la revue Science, qui établit, entre autres choses, que pendant 70 ans les facultés de médecine ont enseigné aux étudiants que le peptide-C de la proinsuline -- qui fait partie de la molécule d'insuline avant qu'elle ne circule dans le sang -- est biologiquement actif. Il ne faudrait tout de même pas découvrir dans 50 ans que la consommation de lait traité à la STbr est une des causes principales du cancer du côlon, par exemple!
Le IGF-1 n'influe pas nécessairement sur la division des cellules intestinales. Il se peut que d'autres produits chimiques aient cet effet. J'ai ici un rapport qui a été mentionné, et j'inclus également un exemplaire non expurgé du rapport Groenewegen, pour votre gouverne.
S'il est une chose dont je voudrais vous convaincre, c'est que l'absence de toute discussion là-dessus dans le rapport de l'OMS et dans le rapport de recherche du Collège royal des médecins et chirurgiens équivaut presque à de la fraude.
Le vice-président: Pouvez-vous nous expliquer à nouveau ce qu'est le rapport Groenewegen?
M. von Meyer: Ce rapport démontre que l'ingestion par des rats de lait traité à la chaleur se traduit par une diminution de poids du foie de ces mêmes rats. J'ai ici souligné les passages qui le démontrent et que votre comité pourra consulter.
Le vice-président: L'expérience a-t-elle été faite en Allemagne?
M. von Meyer: Non, elle a été faite à Guelph, ici même, dans votre propre laboratoire. Comment se fait-il que les médias qui se penchent sur ces questions n'en aient pas dit un mot? Que nous est-il arrivé? Où nous sommes-nous trompés? Ce sont des questions auxquelles je ne puis répondre.
Laissez-moi maintenant vous lire la définition de «fraude» qui se trouve dans le Dictionnaire de droit québécois et canadien:
Acte accompli de mauvaise foi avec l'intention de porter atteinte aux droits ou aux intérêts d'autrui ou d'échapper à l'application d'une loi [...] L'acte simulé constitue souvent une fraude à la loi.
En 1965, avant l'avènement du génie génétique, on a assisté à une pénurie d'insuline. On a donc essayé de faire produire par les vaches l'hormone de croissance bovine pour déterminer si celle-ci pouvait remplacer l'insuline. Mais les tentatives ont échoué, et il a été démontré que l'hormone de croissance bovine était spécifique à l'espèce bovine. En cours d'essai, on a pulvérisé les produits chimiques et on a traité par digestion l'hormone de croissance bovine avec des enzymes pour déterminer si elle pouvait, en totalité ou en partie, agir comme l'insuline. L'un dans l'autre, on a constaté qu'elle ne pouvait remplacer l'insuline. On a toutefois constaté que plusieurs des digestats trypsiques de l'hormone de croissance aggravaient le diabète.
Le vice-président: Vous nous avez donné un point de vue différent sur divers sujets. Ce que nous avons entendu n'est pas entièrement inédit, et nous avons déjà vu certains de vos documents.
Je voudrais expliquer pourquoi je préside aujourd'hui le comité. En fait, le président en titre est chez lui, en Saskatchewan. Comme c'est un optimiste invétéré, il est occupé à semer.
Ce qui vous préoccupe, c'est que la FDA a évalué l'innocuité du lait traité à la STbr en omettant presque complètement certaines données.
Savez-vous si la FDA a entrepris d'autres études pour déterminer l'innocuité de la STbr?
M. von Meyer: Pas que je sache.
Le vice-président: Si je vous ai bien compris, vous estimez qu'il devrait y avoir d'autres études d'effectuées.
M. von Meyer: En effet.
Le vice-président: Des études portant particulièrement sur le lait donné aux enfants?
M. von Meyer: En effet. La première fois que j'ai vu des données portant sur les anticorps qui se formaient chez les rats qui avaient ingéré de la somatotrophine bovine, c'est dans le rapport publié par le Collège royal des médecins et chirurgiens. Cela me chiffonne énormément, car les humains peuvent eux aussi produire des anticorps. Leur réaction dépend de l'efficacité de leur système immunitaire, qui dépend à son tour particulièrement d'une substance chimique appelée interféron gamma, qui se trouve être dans la muqueuse intestinale. Or, l'interféron gamma est un déclencheur qui active le système immunitaire et dont la présence détermine la quantité d'anticorps que vous produisez. Dans l'étude, on a utilisé des rats ayant subi une hypophysectomie, c'est-à-dire à qui on avait enlevé l'hypophyse. Dans un document que j'ai ici, on dit qu'il est de notoriété publique que les rats qui ont correctement subi l'hypophysectomie peuvent survivre de six à huit mois après la chirurgie. Toutefois, ces animaux hypophysectomisés sont déficients à bien des égards, et notamment au point de vue de l'immunodéficience. Or, l'immunodéficience, c'est la capacité de produire des anticorps. Ici, nous mesurons les anticorps dans un rat dont l'hypophyse a été retirée. Les anticorps ont été mesurés à quatorze semaines, d'après le rapport publié par votre Collège des médecins et chirurgiens; or, d'après ce que l'on sait de la durée de vie du rat hypophysectomisé moyen, ce rat est déjà à moitié mort.
Le vice-président: Le comité consultatif d'experts sur la santé humaine n'a pas recommandé d'études à long terme. Nous savons ce que vous pensez de ces études. Vous avez déclaré que cela fait 70 ans qu'on en fait sur l'insuline?
M. von Meyer: Oui, 70 ans. Il y a eu une nouvelle découverte il y a 24 mois. Il s'agit du peptide-C. Cela fait partie de la molécule d'insuline avant qu'elle soit relâchée dans votre système sanguin.
Le vice-président: On a toujours pensé que c'était dormant ou non actif?
M. von Meyer: Oui, mais maintenant on dit que c'est actif.
Le vice-président: Sait-on ce que cela fait?
M. von Meyer: Oui. On fait des recherches là-dessus aujourd'hui. Vous avez dans mon document un texte à ce sujet.
Le sénateur Spivak: J'ai l'impression que la FDA n'a rien fait de ce qui aurait dû être fait pour faire approuver ce médicament. D'autres témoins nous en ont parlé.
Premièrement, j'aimerais savoir si vous pensez que c'est atypique. Deuxièmement, j'aimerais savoir pourquoi vous pensez que cela s'est produit. Nous avons entendu des remarques au sujet d'un chassé-croisé entre quelques entreprises et la FDA.
J'aimerais savoir aussi où en est l'appel. Je crois que certains sénateurs, membres du Congrès et groupes non gouvernementaux ont fait appel auprès de la FDA pour que l'on réexamine la STbr.
M. von Meyer: À propos d'une approbation atypique, vous avez posé trois questions: était-ce atypique? Pourquoi cela s'est produit? Où en est l'examen?
C'est en effet atypique. Des matières qui laissent des résidus font habituellement l'objet d'un examen approfondi pendant un minimum de 18 mois, qu'il s'agisse d'études ou d'observations des effets dans les aliments. On examine toujours le métabolisme des médicaments destinés à la consommation humaine. Même les médicaments modernes destinés aux animaux, tels que l'Ivermectim ou les médicaments de Pfeizer pour la lutte contre les vers ou le contrôle d'une maladie chez les animaux, font l'objet de tests chroniques.
C'est tout à fait atypique.
Y a-t-il d'autres cas? Oui. Je crois que le gène BT qui est allé dans les récoltes n'a pas été testé pour ses effets à long terme sur la faune. Je n'ai trouvé des données que sur 90 jours de tests; certains n'ont duré que 15 jours. Cela me préoccupe.
Pour le maïs, le gène ne s'exprime pas dans la semence, mais dans le feuillage qui peut être consommé par les vaches ou la faune comme ensilage. Je n'ai pas trouvé de tests prolongés sur ce que ferait ce produit. Je ne suis pas expert en la matière parce que je n'ai pas examiné cela autant que j'ai examiné la STbr.
Ce système d'approbation est influencé par l'évolution du lobby de la biotechnologie, qui est devenue de la toxicologie monétaire et expéditive afin de leur permettre de mettre leurs produits sur le marché de sorte que leurs entreprises ne fassent pas faillite. C'est un résultat du fait que ces petites entreprises de biotechnologie n'ont pas suffisamment de capital pour survivre à une longue attente occasionnée par des tests. Elles font donc continuellement pression pour que leurs produits soient approuvés rapidement.
Le sénateur Spivak: Pourquoi cela s'est-il produit? Pourquoi la FDA favorise-t-elle la rapidité plutôt que l'intérêt public?
M. von Meyer: Le sous-directeur de la FDA est M. Stephen Sundlof. J'ai envoyé mon avocat à l'une des premières audiences concernant l'hormone de croissance bovine afin de présenter un mémoire exposant mon opinion. M. Sundlof était à la réunion, mais pas en tant que représentant de la FDA. Il a été présenté comme venant de l'Université de la Floride. Il devait être là comme conseiller indépendant pour suivre l'audience comme s'il était neutre. Il n'a pas dit grand-chose à la réunion, mais il a fait un certain nombre de commentaires favorables à Monsanto. Si vous vous souvenez bien, la définition de «fraude» inclut l'omission de données essentielles à la compréhension du public.
Quelques semaines après la réunion, j'ai jeté un coup d'oeil sur une revue scientifique et constaté que M. Sundlof, le professeur de la Floride, est maintenant sous-directeur de la FDA. Je me suis reporté à mon dossier pour m'apercevoir que M. Sundlof partageait autrefois le bureau de M. Robert Collier, de Monsanto.
Voici ce que mon entreprise et d'autres que cela intéresse ont commencé à découvrir. La pathologiste qui écrit à ce sujet vient de l'université Cornell et a travaillé grâce à une subvention de Monsanto avec son professeur. M. Sundlof partageait autrefois le bureau du directeur de la recherche de Monsanto. M. Taylor, à l'époque directeur des politiques de la FDA, est l'ancien avocat de Monsanto.
Mme Margaret Miller, qui a écrit le rapport initial de l'OMS, est la pathologiste qui a omis au début les données sur les effets chroniques.
Certains se demandent à quoi se heurtent von Meyer et tous les autres qui s'intéressent à la question. On ne peut pas obtenir de réponse légitime. Ai-je répondu à votre question?
Le sénateur Spivak: Oui, merci.
Le sénateur Robichaud: Faut-il interdire la FDA ou Monsanto?
M. von Meyer: C'est le genre de choses qui se produisent. Je pourrais faire certaines observations à ce sujet, mais je ne pourrais pas tout dire en public.
J'aimerais qu'il se produise un certain nombre de choses dans ce pays. J'aimerais que le Canada devienne indépendant. Le Canada a certains des plus grands scientifiques du monde. Cela ne fait aucun doute. Je voudrais séparer le système canadien des informations qui peuvent être faussées.
Dans mon pays, un comité de citoyens doit être nommé ou élu pour examiner les questions avant qu'elles passent devant la FDA. Nous devons poser des questions du genre: est-ce nécessaire? Préférerions-nous avoir un médicament contre la leucémie chez les enfants ou du lait contenant de la STbr? Il faut un genre de comité qui fasse la distinction entre les questions. Quelqu'un a fait cette découverte, et ils ont continué pour gagner de l'argent. Ils l'ont fait sans bien comprendre quels pouvaient être les effets.
Le sénateur Robichaud: Vous avez dit qu'il y avait des études, que l'une avait duré deux semaines et l'autre 90 jours. Ensuite, vous avez dit que, après 70 ans d'étude, nous avons trouvé quelque chose dans l'insuline qui finalement n'était pas inactif. Il est certain que si nous recourions à des tests de 50 ou 70 ans, rien ne serait jamais approuvé.
M. von Meyer: Ou l'on éliminerait un certain nombre de choses.
Le sénateur Robichaud: Vous avez dit que nous avons de bons scientifiques, et je suis bien d'accord avec vous. Nous sommes ici pour examiner ce problème parce que des scientifiques de Santé Canada ont eu le courage de déclarer qu'à leur avis il n'y avait pas eu suffisamment d'études sur cette hormone et que nous n'avions pas les données voulues pour l'approuver. On a dit qu'on n'avait pas suffisamment d'éléments.
Je me préoccupe de la rentabilité de ces audiences. J'étais un jour au garage où je fais habituellement réparer ma voiture, et un gars s'est approché de moi pour dire: «Je vous ai vu à la télévision. Vous examinez ce produit qu'on donne aux vaches pour le lait. Cela m'inquiète. J'ai trois enfants. Si j'ai l'impression qu'on ne fait pas tous les tests voulus et que ce n'est pas bon pour les enfants, ils ne boiront plus de lait.» Si les enfants arrêtent de boire du lait, cela aura certainement un effet sur leur santé et leur développement.
Il faut donc que nous rassurions la population et que nous ne soyons pas trop pessimistes sur toute cette question, mais il est certain que le grand public a le droit de savoir ce qu'il consomme. Je ne pense pas que nous ayons toutes les informations nécessaires pour rassurer le public. J'ai le sentiment qu'il ne faut pas l'autoriser parce que nous n'en savons pas suffisamment.
M. von Meyer: En utilisant cela, on augmente la production de lait. Si vous avez un troupeau de 20 vaches et que vous avez besoin de 20 p. 100 de lait de plus, vous pouvez acheter quatre autres vaches. C'est la façon dont je m'y prendrais. Il est absurde de laisser utiliser cela sans avoir de données sur les effets chroniques d'une telle substance sur la santé.
Le sénateur Robichaud: Les producteurs canadiens nous ont également dit qu'il y avait d'autres moyens d'accroître la production.
M. von Meyer: En effet.
Le sénateur Robichaud: Cependant, la substance est utilisée aux États-Unis. Si nos producteurs estiment qu'ils sont désavantagés d'une façon ou d'une autre ou qu'ils pourraient produire davantage avec moins, ils seront certainement incités à en faire l'essai.
M. von Meyer: Voilà le problème. Au Minnesota, au Wisconsin et dans l'État de New York, le problème, c'est la baisse constante du prix du lait. En ce moment, les familles agricoles ont vraiment besoin d'argent pour payer les engrais, les rénovations, et toutes les autres dépenses d'exploitation, et elles sont donc disposées à faire le nécessaire pour que leur production laitière augmente de 10 p. 100.
Au Wisconsin, cependant, une loi sur l'étiquetage est en vigueur. Ceux qui n'utilisent pas la STbr vendent leur lait à une laiterie qui achète le lait sans STbr. La mention «sans STbr» figure sur l'étiquette de ce lait, et on peut l'acheter à l'épicerie.
Le sénateur Robichaud: Est-il vrai qu'aucun essai ne permet de vérifier la présence de l'hormone?
M. von Meyer: Non, c'est faux. La méthode est donnée dans l'une de mes annexes. Mais ce n'est pas tout. Le problème, c'est que l'ensemble de la composition du lait n'a pas fait l'objet d'essais. Ainsi, les effets de ce lait sur la santé sont inconnus. En mettant l'accent sur la détection d'un résidu de la STbr, on risque de passer à côté d'une substance qui pourrait être présente dans le sérum de la vache et avoir une incidence sur le diabète en passant dans le lait. On ne peut donc limiter les essais aux résidus de STbr, puisque l'on risquerait ainsi, en l'absence de données, d'approuver un lait diabétogène.
La question est délicate. Vous voudrez peut-être poser de telles questions aux représentants de Monsanto. Pour ma part, je fais état de mes inquiétudes à titre de scientifique. Je ne prétends pas que j'ai toujours raison.
Le vice-président: Il faut dire qu'il n'y a aucune pénurie de lait. Aux États-Unis, il y a eu une pénurie de matière grasse du beurre, et le prix du beurre y est encore plus élevé qu'au Canada du tiers ou de 50 p. 100.
Lorsque j'étais ministre de l'Agriculture, mon problème était celui du contrôle de la production. Il suffisait d'assurer aux agriculteurs un revenu raisonnable pour qu'ils fournissent plus de lait qu'on ne pouvait raisonnablement en utiliser. Au début de mon mandat, les entrepôts regorgeaient de poudre de lait écrémé, de fromage et de beurre. Les entrepôts frigorifiques ou autres faisaient des affaires d'or.
Nous n'avons pas besoin d'un produit qui va faire donner plus de lait aux vaches. Notre cheptel ici est inférieur du tiers à ce qu'il était il y a 15 ans, et nous avons deux fois moins de producteurs laitiers qu'à cette époque. Pourtant, la production laitière est plus élevée et le lait est de meilleure qualité. Nous n'avons pas besoin d'une substance qui risque de modifier la vie de la vache et peut-être même celle de l'être humain.
Le sénateur Chalifoux: Vous aurez peut-être de la difficulté à répondre, mais j'ai deux commentaires à faire et peut-être des questions à poser.
Devant l'ampleur des données et des rapports qui existent au sujet de la STbr, j'arrive difficilement à voir comment le département de la santé des États-Unis a pu approuver cette substance. D'après ce que je sais, certains sénateurs et membres du Congrès exigent que toute la question soit évaluée à nouveau. Êtes-vous au courant de ce qui se passe à ce sujet?
M. von Meyer: Je sais tout au moins ce que j'ai fait. J'ai transmis un résumé très détaillé, semblable à celui dont je me suis inspiré aujourd'hui, à un sénateur très puissant des États-Unis, avec des centaines de pages de renvois. J'ai recommandé, en un mot, de revoir la question. Si ce que j'ai déclaré est exact, alors certaines personnes devraient être sévèrement réprimandées, et certaines autres peut-être même congédiées. Or, ce sont des choses qui ne se font pas.
N'oublions pas que nous parlons ici de lait, à savoir du fluide biologique de la vache. C'est ce que nous buvons. Or, pouvez-vous imaginer un autre produit de consommation courante qui aurait été consommé sans qu'on dispose de données sur une longue période en matière de santé? Aucun autre produit ne me vient à l'esprit.
La FDA a reçu une pétition d'un autre groupe de militants. Envoyer une pétition à la FDA, c'est un peu comme si un dentiste vendait du bonbon à ses patients. On fait parvenir une pétition à des gens que l'on devrait soumettre à un examen.
Le sénateur Chalifoux: En tant que femme autochtone, je sais trop bien que, dans certaines de nos collectivités autochtones, le diabète prend des proportions quasi épidémiques. Son incidence est beaucoup plus forte que dans la population en général. On peut en dire autant des maladies auto-immunes, comme l'arthrite et le lupus. Or, selon les médecins, cela s'explique entre autres du fait que nous vivons dans les régions nordiques et que nous n'avons jamais été exposés à toute une gamme d'aliments non traditionnels. Êtes-vous d'accord?
M. von Meyer: En effet, c'est certainement une explication possible. Je pense au cas, par exemple, de certains aborigènes d'une île du Pacifique qui, déplacés en Australie, se sont mis à consommer du lait, ce qui a déclenché chez eux, par immunoréaction, certaines maladies. Les données à ce sujet ont été publiées.
Le sénateur Chalifoux: À l'Hôpital Royal Alexander d'Edmonton, il existe une aile spéciale pour les Autochtones atteints de diabète. Je crois qu'on y mène certaines recherches.
M. von Meyer: Une fois la question à l'étude examinée, j'ose espérer que, dans la mesure où on peut faire quelque chose pour favoriser les recherches sur le diabète, on pourra le faire à l'hôpital de Toronto où travaille le Dr Dosch, une sommité mondiale. Si son travail est reconnu à son juste mérite, je suis convaincu qu'il pourrait être considéré comme le chef de file mondial dans ce domaine. Cependant, certains de ses résultats ont été critiqués. Nous ne devrions pas critiquer les personnes qui travaillent aux limites de la connaissance, pour ainsi dire. Nous devrions plutôt leur donner un coup de main. Or, nous avons l'habitude de critiquer toute personne qui conteste le statu quo.
Le sénateur Chalifoux: Je ne suis pas scientifique, mais je suis mère, grand-mère et arrière-grand-mère. Dès que j'ai entendu parler de cette question, j'ai imaginé que nos jeunes hommes manifesteraient certains symptômes et que nos jeunes femmes, surtout celles qui donnent le sein, boiraient l'eau de puits artésiens. C'est ce qui m'est venu à l'esprit lorsque le sénateur Whelan a porté cette question à notre attention pour la première fois. Feriez-vous un commentaire à ce sujet?
M. von Meyer: Dans le cas du sélénium dont on a constaté la présence dans certains puits, des études, faites un peu partout aux États-Unis l'ont lié au cancer. En effet, on pourrait attribuer la faible incidence de certains cancers à des niveaux élevés de sélénium dans le sol de certains emplacements géographiques. Des personnes auraient été protégées par leur consommation de viande et de lait provenant de vaches qui s'étaient nourries dans les champs où il y avait un taux élevé de sélénium. Dans le cas de certains cancers, la seule présence de sélénium dans l'environnement peut avoir un effet sur l'épidémiologie.
Pour ma part, j'ai étudié de nombreux cas de mortalités industrielles. Les gens préfèrent éviter un débat sur cette question avec moi. J'espère que vous n'avez pas l'intention de participer à un débat à ce sujet avec moi.
Le sénateur Chalifoux: Pas vraiment.
M. von Meyer: Vous seriez perdante. En effet, lorsqu'on a eu à exhumer des corps et à analyser le contenu de leur tube digestif, on devient très sensible à ce qui pourrait se passer dans un cas où les données sur la toxicité sont insuffisantes.
L'eau de puits, les polluants environnementaux, le lait, les principaux aliments que consomment un grand nombre de personnes, les pommes de terre, le maïs, le lait, la viande, le beurre et le fromage doivent faire l'objet d'un contrôle plus rigoureux que les rutabagas ou d'autres graines peu répandues, comme le colza.
La graine de colza, soit dit en passant, ainsi que certaines autres graines de plantes crucifères contiennent beaucoup de goitrine, une substance qui cause le cancer de la thyroïde. La teneur peut atteindre les 1 600 parties par million. J'ai effectué certains travaux à ce sujet il y a 25 ans. J'ai bien l'impression que l'ensemble des résultats des recherches sont tout simplement classés, après quoi on passe à la prochaine subvention. Dans certains domaines, il nous faut mettre en place des mécanismes continus de contrôle et d'examen des effets sur la santé.
Le sénateur Rossiter: Ma question a rapport à la réponse que vous avez donnée au sénateur Robichaud.
Pourquoi l'État du Wisconsin a-t-il légiféré pour que le lait d'animaux non traités à la STbr soit étiqueté?
M. von Meyer: Nous avons eu toute une bataille à ce sujet à l'assemblée législative. Je m'y suis rendu à cinq reprises avec des données comme celles que je vous présente aujourd'hui.
Le sénateur Rossiter: C'est arrivé il y a quelques années.
M. von Meyer: En 1994, si je ne m'abuse. Le milieu du Wisconsin est très rural, et les gens ont bien accueilli l'étiquetage du lait, surtout lorsque je leur ai fait valoir qu'une grande partie des données n'avaient fait l'objet d'aucune évaluation des effets sur la santé durant plus de deux semaines. La disposition sur l'étiquetage a été adoptée rapidement. Cependant, le vote a été serré, et il a essentiellement suivi les lignes de parti. Quelques Républicains ont voté avec les Démocrates, à l'enseigne desquels se logent les lobbies de la santé au Wisconsin.
Le gouverneur acceptait de l'argent de Monsanto: 160 000 $ en paiements de la part de lobbyistes. L'ancien secrétaire de l'Agriculture a reçu 3 000 $ de Monsanto. Il n'est plus avec nous. Il a trouvé un emploi indépendant. Nous n'endurons pas ce genre de choses au Wisconsin. L'affaire a fait beaucoup de bruit.
D'ailleurs, même si le lait est étiqueté au Wisconsin, l'information fournie sur l'étiquette ne va pas assez loin.
Le sénateur Rossiter: Certains agriculteurs continuent-ils d'utiliser la STbr?
M. von Meyer: Oui. Il y en a dans le lait ou le fromage non étiqueté. Au Wisconsin, 85 p. 100 de la production laitière sert à produire du fromage. L'autre 15 p. 100 va à la consommation domestique, à l'exportation et à la production de crème glacée.
Aux États-Unis, les départements de la Santé des États sont le reflet des personnes qui les dirigent.
Ne perdons pas de vue que les auteurs du rapport du NIH ont modifié des données au sujet des résidus, que l'article de Science ne tenait pas compte du rapport Groenewegen, et que votre propre ministère de la Santé ne tient pas compte dans son examen des données sur le foie, étant donné que toutes ces informations ont été déposées après le dépôt du rapport initial de la FDA.
Lorsque les responsables du département de la Santé d'un État reçoivent une lettre d'un certain M. von Meyer, ils se disent que cet illustre inconnu d'un endroit perdu des plaines de l'Ouest n'est pas à la hauteur pour s'opposer à la FDA.
Il n'en reste pas moins que l'on n'a pas pris la peine de faire les essais qui s'imposaient. Il y a donc un risque.
Le sénateur Rossiter: Je suis tout à fait sidérée par l'information au sujet de la plus forte incidence du diabète. Il faut dire que mon mari était diabétique. Je suis époustouflée d'apprendre que l'on n'en a jamais discuté.
M. von Meyer: Chez les diabétiques, le décès est principalement attribuable à l'insuffisance cardiaque et, en deuxième lieu, au cancer de divers organes.
Le sénateur Spivak: À l'heure actuelle, notre Direction générale de la protection de la santé est en voie de restructuration. Les responsables se rendent compte qu'il y aura un accroissement du nombre de propositions concernant les produits de la biotechnologie.
Toutes ces énormes sociétés qui, à l'heure actuelle, abandonnent leurs produits chimiques et passent aux sciences de la vie ne le font pas pour leur santé. Elles le font parce qu'elles flairent des bénéfices très considérables.
Nos lois, ici au Canada, imposent un mandat plutôt rigoureux en matière d'évaluation des médicaments. Compte tenu de ce que vous dites -- je comprends bien qu'il faut plus de 30 jours pour évaluer la toxicité à long terme d'une substance -- il me semble que l'on ne comprend pas très bien la nature des mesures qu'il faut prendre avant de mettre de tels médicaments entre les mains du public.
D'autant plus que nous ne parlons pas ici de médicaments qui ont une valeur thérapeutique, mais bien souvent, comme c'est le cas pour le gène terminateur d'une substance dont la fonction est de protéger un investissement, ou qui est avantageuse pour des raisons d'ordre commercial.
Je suppose que la situation est la même aux États-Unis. De plus, vous devez composer avec un lobbying intense et l'infiltration d'organismes internationaux par des personnes qui n'accordent peut-être pas la même importance à la nécessité d'essais portant sur la toxicité chronique.
Selon vous, comment allons-nous composer avec un tel défi? Comment allons-nous réagir devant ces institutions bureaucratiques, et ces sociétés influentes, de manière à être en mesure de garantir au public qu'il peut avoir confiance et n'a pas à se soucier constamment de ce qu'il boit ou de ce qu'il mange.
M. von Meyer: J'ai contribué à un livre, il y a de cela 25 ans, après avoir dû composer avec la mort d'un certain nombre de personnes, avec la réalité du cancer attribuable à des sous-produits de fongicides, après m'être battu pour faire interdire deux ou trois herbicides largement utilisés, et après avoir vécu tout le stress auquel cela peut donner lieu.
J'ai préparé un profil des tests biologiques dont on devrait se servir et qui devraient être bien compris avant qu'un résidu alimentaire majeur soit autorisé.
Dans le cas de l'hormone de croissance de Monsanto, la moitié de ces tests ont été omis. Si je devais réécrire l'article que j'ai écrit dans les années 70, je prendrais en compte précisément le diabète, parce que nous savons d'après ce que nous avons pu observer dans l'ensemble de la population que 20 p. 100 des cas que nous traitons sont des cas de diabète actuellement.
Nous savons grâce au groupe d'étude génétique du sénateur Chalifoux que c'est important. Il faut accorder plus d'attention à certaines maladies qui pourraient être aggravées par des anticorps protéiques. Si je remaniais ce profil, j'y ajouterais des modèles pour le diabète et la maladie d'Alzheimer.
Aujourd'hui, c'est encore plus grave, car les hommes et les femmes vivent plus longtemps, ce qui donne une période plus longue au cours de laquelle ces maladies peuvent se manifester. Les 10 ou 15 dernières années de la vie devraient pouvoir être aussi intenses que les 15 premières.
Un profil de tests doit être mis au point pour protéger le public et sauvegarder les données colligées. Si un membre de l'équipe d'examen est corrompu, peu importe ce qui est écrit, c'est rejeté. Voilà pourquoi une forme quelconque de groupe de citoyens est essentielle en l'occurrence.
Votre gouvernement acceptera-t-il mille produits biotechnologiques différents ou concentrera-t-il ses efforts sur les choses importantes et cruciales?
Le vice-président: Vous nous avez demandé si un représentant de la société Monsanto était venu témoigner. Nous avons lancé une invitation qu'on a déclinée. La société ne sait pas encore si elle va interjeter appel de la décision prise par le ministère de la Santé. Elle s'inquiète du rapport de l'Association canadienne des vétérinaires.
Nous les avons donc invités. Nous avons invité quelques autres personnes, qui ont refusé de venir. Il se peut que nous devions procéder par assignation à comparaître. Je ne sais pas encore ce que nous ferons. Le comité prendra une décision.
Nous avons eu une longue discussion avec les gens du Codex Alimentarius. Que pensez-vous de cette organisation?
M. von Meyer: Les gens qui siègent à ce comité relevaient de moi il y a vingt ans. Très souvent, ils ne reçoivent les données qu'une fois qu'elles sont complétées. Les épisodes controversés que vivent les sociétés parfois ne sont jamais signalés aux réunions du Codex. L'EPA ou un organisme de ce genre, a colligé toutes les données, qui sont résumées lors de la réunion du Codex.
Le vice-président: Je ne me suis pas intéressé à cette organisation depuis longtemps. Est-elle composée exclusivement de scientifiques?
M. von Meyer: Je n'y ai pas regardé de plus près récemment, mais non, je ne pense pas qu'il y ait exclusivement des scientifiques. Il y a des nominations politiques. Je sais que nos discussions sont enregistrées, mais je dois dire cela, car cela me tracasse beaucoup.
Le vice-président: On a dit qu'on devrait peut-être envoyer quelques membres du comité à la prochaine réunion à Rome.
M. von Meyer: Ce n'est pas une mauvaise idée.
Le vice-président: On a dit aussi que ce ne serait peut-être pas souhaitable, car les membres du comité ne sont pas des scientifiques, et cette réunion sera très spécialisée. On nous a dit que quand il y a un vote certains délégués votent à l'encontre du désir de leur gouvernement ou de leur parlement.
M. von Meyer: Je ne pense pas qu'il soit souhaitable que cette organisation exerce un pouvoir déterminant sur un comité comme le vôtre ou un gouvernement. Elle peut publier des documents et le résultat de ses décisions. Dans mon cas, elle a fait du travail bâclé. Des renseignements ont été laissés de côté. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, elle ne pourra pas procéder ainsi parce que des gens comme vous vont demander à des gens comme moi de dire ce qu'il en est.
Le vice-président: Vous n'avez pas à répondre à cette question si vous ne le souhaitez pas. Que pensez-vous de nos scientifiques de Santé Canada qui ont crié haro?
M. von Meyer: Les chercheurs scientifiques qui ont critiqué publiquement cet examen sont des héros. L'annulation du programme d'hormone de croissance bovine chez les animaux -- c'est-à-dire les mesures que vous avez prises il y a quelques mois -- ont fait la une des journaux de Madison et du Wisconsin. En effet, les habitants du Wisconsin se battent contre cette technologie depuis déjà six ou sept ans. L'éditorialiste d'un des journaux n'a pas expliqué en détail toute la technologie, car il ne fait pas toujours très bien son travail de compte rendu, mais son éditorial a eu pour conséquence que vous êtes maintenant considérés comme des héros au Wisconsin.
Le vice-président: Santé Canada a beau avoir affirmé que l'on n'utiliserait pas la STbr au Canada, il reste néanmoins que de nombreux produits, tels que le lait provenant de vaches auxquelles on a injecté la STbr, arrivent au Canada des États-Unis. Or, d'après l'information que nous avons eue, on a injecté de la STbr à un très grand nombre de troupeaux laitiers aux États-Unis.
Vous avez parlé du diéthylstilbestrol. Lorsque j'étais ministre de l'Agriculture, nous n'admettions jamais au Canada d'animal ayant été traité au diéthylstilbestrol. Les vétérinaires devaient apposer leur signature sur un document attestant que les animaux entrant au Canada n'avaient jamais consommé ce médicament et qu'on ne le leur avait jamais injecté.
M. von Meyer: Au Wisconsin, nous avons adopté une loi permettant d'identifier les produits sans ST. Votre gouvernement n'a qu'à exiger que seuls les produits provenant des fermes n'utilisant pas de STbr soient importés au Canada. D'ailleurs, ces fermes sont déjà bien connues. Si vous voulez acheter votre lait du Wisconsin, vous pourriez aisément l'acheter auprès de fermes laitières produisant du lait sans ST.
Le vice-président: En vertu de l'ALENA, même si nous pouvons prouver qu'il y a eu importation de produits inférieurs au Canada, il nous est impossible de faire cesser cette importation, à moins d'accepter d'indemniser l'exportateur. Nous le savons, car nous avons l'expérience du MMT.
Le sénateur Spivak: Nous ne sommes pas obligés de le faire. Nous pouvons avoir recours au mécanisme de règlement des différends.
Le vice-président: C'est vrai. Je choisirais sans doute d'en appeler de la décision auprès du plus haut tribunal du pays, étant donné que l'entreprise qui fabrique le produit n'a même pas le droit de le vendre dans l'État américain où il a été fabriqué.
Nous aurions beaucoup d'autres questions à vous poser, mais nous allons passer maintenant aux autres témoins. Nous vous demandons toutefois de prendre part à la discussion qui aura lieu plus tard.
Puis-je demander au prochain groupe de témoins de s'asseoir à la table?
Docteur MacLeod, vous avez la parole.
Dr Stuart MacLeod, comité d'experts sur la sécurité de la STbr pour les humains: On m'a demandé de me joindre à vous ce matin pour répondre aux questions que vous pourriez avoir sur les aspects scientifiques de l'hormone de croissance bovine recombinante et sur les effets qu'elle peut avoir sur le lait des vaches et, indirectement, sur les humains.
Vous savez peut-être que j'ai présidé un comité du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada qui a attentivement étudié cette question pendant six ou sept mois l'an dernier et qui a déposé son rapport en janvier de cette année.
Nous pouvons nous féliciter de ce que notre rapport était bref et direct, et de ce que ses conclusions étaient clairement énoncées. De l'avis de notre comité, rien ne prouvait qu'il pouvait y avoir des risques pour la santé des humains associés à l'injection de ST aux troupeaux laitiers. Nous étions toutefois préoccupés par l'une des études déposées auprès de Santé Canada par le fabricant. C'est d'ailleurs ce que nous avons signalé dans notre rapport, et nous avons suggéré au fabricant de répéter l'étude ou d'en discuter les résultats en profondeur avec le Bureau des médicaments vétérinaires. Toutefois, en termes simples, nous n'avons rien trouvé qui prouverait de façon plausible du point de vue biologique que le lait provenant de vaches traitées à la somatotropine bovine comporte un risque particulier pour l'être humain.
Je répondrai avec plaisir aux questions que les membres du comité ou que les chercheurs de Santé Canada pourraient avoir là-dessus.
Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Michael Pollak, qui était un des membres clés du comité et qui est une sommité internationale sur le facteur de croissance IGF, qui se trouve être au centre des préoccupations eu égard aux effets que pourrait avoir ce produit sur la santé de l'être humain.
Le vice-président: Notre comité a recommandé, notamment, dans son rapport qu'aucun avis de conformité ne soit émis avant que le fabricant présente les études à plus long terme (sur la sécurité pour la santé humaine) recommandées par le groupe d'examen interne sur la STbr de Santé Canada.
Dr Michael Pollak, comité d'experts sur la sécurité de la STbr pour les humains: Je suis professeur de médecine et d'oncologie à l'université McGill de Montréal. Nous étudions déjà depuis plusieurs années dans le contexte du cancer les facteurs de croissance semblables à l'insuline. Voilà pourquoi on m'a demander de siéger au comité en question. J'aimerais aujourd'hui vous expliquer comment je perçois l'ensemble de la démarche dans laquelle nous nous trouvons.
D'abord, je conviens avec le témoin qui nous a précédés que les chercheurs scientifiques de Santé Canada qui n'ont pas approuvé les yeux fermés la demande de Monsanto peuvent être considérés comme des héros. Étant donné les questions que les résultats soulevaient dans leur esprit, ils ont eu tout à fait raison de ne pas accepter les yeux fermés la demande et d'exiger des détails supplémentaires.
Je conviens également, comme vous l'avez dit, qu'il n'y avait aucune urgence à agir, étant donné qu'il n'y avait aucune pénurie de lait au Canada. Il était donc raisonnable d'exiger que l'on reprenne l'étude, étant donné l'analyse risques-avantages. Faute d'urgence, des études supplémentaires ne nuisaient aucunement. Ce n'était pas comme si nous avions déjà autorisé des vaccins critiques qui posaient quelques dangers.
Même si cela n'a pas dû être facile pour ces chercheurs, ils ont fait ce qu'il fallait, et on devrait les en féliciter.
Cela ayant été clairement établi, nous avons regardé de plus près le dossier, comme il se devait, pour déterminer si les préoccupations au sujet de la santé étaient légitimes. Je réitère à quel point il était important que nous fassions cela. C'était la seule chose à faire. Nous étions heureux que l'on nous ait demandé des contre-vérifications, notamment dans le contexte du facteur de croissance insulinoïde, mais il s'est avéré que cet exercice de vérifications supplémentaires n'a eu que des résultats rassurants.
Laissez-moi vous décrire brièvement ce que nous avons constaté. J'ai apporté aujourd'hui un numéro récent d'une revue scientifique bien connue spécialisée sur le cancer, à savoir le Journal of the National Cancer Institute. Il se trouve que j'ai publié dans cette revue un article qui fait le lien entre les niveaux d'IGF-1 et le risque de développer un cancer du côlon. Plus ce niveau est élevé dans votre sang, plus vous êtes susceptible de développer un cancer du côlon, ce qui est préoccupant. Mais ce sont des résultats tout nouveaux, puisque cette science est toute nouvelle.
D'éminents scientifiques américains fort préoccupés par cette constatation ont d'ailleurs écrit un éditorial dans ce numéro-ci de la revue. L'éditorial est intitulé: «Le facteur de croissance insulinoïde: Un régulateur clé du risque de cancer chez l'humain?»
Comment lier les deux? J'aimerais vous expliquer la démarche. Pourquoi avons-nous estimé que ce second regard pouvait nous rassurer, même si je contribue moi-même aux recherches démontrant que les niveaux sériques d'IGF-1 sont liés au risque d'avoir le cancer?
Voici ce dont il retourne. Nous n'avons pas pu prouver que les habitudes alimentaires sont un facteur déterminant des niveaux sériques d'IGF-1. Il est vrai que le niveau d'IGF-1 chez les vaches est plus élevé si celles-ci sont traitées avec l'hormone de croissance. Il est également vrai que les enfants qui sont traités avec une hormone de croissance présentent des niveaux plus élevés d'IGF-1. Mais le chaînon manquant, qui nous empêche d'étiqueter le produit de Monsanto comme étant dangereux, c'est qu'il nous a été impossible de démontrer que la consommation de lait, traité ou non à la ST, est un facteur déterminant du niveau d'IGF-1. Voilà donc comment nous en sommes arrivés à notre conclusion pour ce qui est du risque.
La ligne de démarcation était ténue. Les données scientifiques les plus récentes paraissaient inquiétantes. Il n'y avait aucune urgence. Les employés de la Direction générale de la protection de la santé qui ont exigé des études supplémentaires ont eu raison de le faire.
Nous avons donc étudié de plus près le dossier et examiné les données. Le traitement des vaches à l'hormone de croissance entraîne une augmentation du niveau d'IGF-1. Les humains qui présentent des niveaux d'IGF-1 plus élevés dans le sang courent un risque plus élevé d'avoir le cancer, et cette hypothèse est étayée quotidiennement par un nombre croissant de données. Toutefois, le chaînon manquant vient du fait que la consommation de lait traité à la ST ne fait pas augmenter le niveau sérique d'IGF-1. Par conséquent, nous n'avons pas pu prouver le lien de cause à effet.
Si l'on considère les risques par rapport aux avantages, il faut savoir que rien dans la vraie vie n'est jamais complètement dénué de risques. Pour ma part, je ne prône pas que l'on traite à la ST les vaches destinées à la production laitière. Mais ce n'est pas parce que je peux démontrer que ce traitement risque d'induire le cancer. Toutefois, je suis d'accord avec le vice-président lorsqu'il affirme que le Canada ne fait pas face à une pénurie de lait. Voilà pourquoi j'estime que le traitement à la ST est une solution proposée à un problème qui n'existe pas.
À titre d'individu et aussi de chercheur scientifique, je sais que la biotechnologie peut servir à plusieurs fins intelligentes, comme, par exemple, pour rendre des productions végétales plus résistantes à la sécheresse. Si ces cultures résistent mieux à la sécheresse tout en pouvant être consommées sans danger, on peut parler de progrès. Mais dans ce cas-ci, toutefois, certains s'inquiètent de la sécurité. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que ce problème soit aussi grave que le pensent certains. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu non plus qu'il soit nécessaire d'opter pour l'hormone de croissance. Par conséquent, même si je ne prône pas personnellement l'utilisation de cette hormone, je ne peux tout de même pas prouver qu'elle est dangereuse.
Pour terminer, il nous faut des règles du jeu qui soient uniformes. Nous devons faire très attention à notre approvisionnement alimentaire. Nous devrions donc pêcher par excès de prudence. Par ailleurs, regardons autour de nous tout ce qui n'est pas réglementé. Regardez tous les aliments qui sont vendus dans les magasins d'aliments naturels, et qui comprennent des herbes, des suppléments et des additifs alimentaires. Nous n'avons aucune donnée sur le suivi à long terme de tous ces produits alimentaires. De plus, des produits extrêmement dangereux, tels que l'alcool, restent en vente libre. Nous permettons donc sciemment la vente de produits dangereux.
Je peux imaginer toutes sortes de choses. Je peux imaginer qu'on puisse nous accuser d'être hypocrites si nous interdisons la STbr car nous ne pouvons prouver complètement son innocuité sans avoir de données suivies sur 20 ans. Mais que dire alors de l'alcool? L'alcool nuit énormément à la santé, et pourtant nous en vendons. Comment justifier cette contradiction?
Le vice-président: Vous comparez l'alcool et le lait, alors que les deux produits sont tout à fait différents. Nous avons convaincu les mères de la nécessité d'allaiter leur enfant au sein.
Moi-même, j'ai été exposé à l'alcool quotidiennement, et pourtant je ne suis pas devenu alcoolique parce que je n'étais pas obligé d'en consommer. Je n'ai pas développé de cirrhose du foie, car je n'étais pas obligé d'en boire.
M. Shiv Chopra, évaluateur des drogues, Division de l'innocuité pour les humains, Santé Canada: Monsieur le président, je n'ai rien préparé en vue de ma comparution d'aujourd'hui, car j'ai été parachuté ici. Je n'ai donc apporté ni documents ni rapports. Toutefois, comme cela fait dix ans que je touche à ce dossier quotidiennement, je me sens apte à répondre à certaines des questions.
Ce que j'aimerais aborder en premier lieu n'a rien à voir avec la science, ou si peu. Et si je le fais, ce n'est pas parce que je serais incapable d'en parler ou parce que je me sens mal placé pour critiquer le dossier dont vous êtes saisis.
C'est plutôt que je m'interroge sérieusement sur la façon dont on a nommé les personnes qui siègent aux deux groupes d'experts externes ainsi que sur l'historique, les antécédents et la suite du dossier. Le Dr MacLeod a comparu avant que le rapport ne soit rédigé. Par conséquent, certaines des préoccupations étaient déjà du domaine public. De plus, le comité d'experts était déjà à l'oeuvre. Or, l'une des choses qu'il signale dans son rapport, c'est qu'ils n'ont pas examiné le processus d'évaluation à Santé Canada.
C'est peut-être tout à fait correct de son point de vue à lui. Toutefois, en tant que professeur émérite dans une université et de chercheur assumant une responsabilité énorme au titre de la sécurité de la population, il doit tenir compte de certaines responsabilités lorsqu'il se prononce publiquement et appose sa signature au bas d'un rapport.
Cela ressemble à ce qui m'est arrivé personnellement, car j'ai été le premier à tirer la sonnette d'alarme. Vous dites que mes collègues et moi sommes des héros. Nous n'avons pas choisi d'être des héros; mais nous ne sommes pas prêts non plus à être immolés par nos patrons sur l'autel du sacrifice. Nous faisons notre devoir, un point c'est tout. C'est d'ailleurs ce que l'on attend de nous, puisque nous avons prêté serment à notre arrivée à la fonction publique. Voilà pourquoi nous sommes ici pour témoigner à nouveau. C'est ce souci, de même que mon comportement pendant 30 ans comme fonctionnaire qui m'ont incité à expliquer à mes patrons que ce qui s'était passé les dix dernières années était très grave.
On a parlé de fraude en relation avec la FDA. La FDA a commenté le rapport sur la STbr, c'est-à-dire le rapport d'analyse des lacunes. Le secrétaire Shalala, à l'instar de la FDA, a critiqué ce rapport. On a dit que les scientifiques de Santé Canada avaient mal interprété les données ou fait une mauvaise analyse. Ce sont eux qui font l'objet d'un examen par le reste du monde, et c'est à leur sujet qu'on a parlé de fraude, tout comme le comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires et le Codex. Au sujet des gestionnaires de Santé Canada, même si on n'a pas parlé de fraude à leur égard, on a utilisé le terme de complot, ce qui revient un peu au même.
Voilà quels sont nos griefs. Voilà le contexte. Avant de nous présenter devant vous, nous avons demandé l'opinion des tribunaux. Nous comparaîtrons de nouveau ici le 3 mai et nous pourrons alors discuter de façon plus détaillée de ces préoccupations.
Permettez-moi de vous poser une question, monsieur le président, honorables sénateurs. Lorsqu'un groupe d'experts entreprend une tâche, il en connaît le contexte et sait quelles questions il doit poser. L'une de ces questions est la suivante: Votre comité d'experts sait-il que la Loi sur les aliments et drogues s'applique aux drogues à usage vétérinaire? Si oui, sait-il qu'à Santé Canada, l'innocuité des produits pour les animaux fait partie intégrante du programme d'innocuité des produits pour les humains? Ce n'est pas pour protéger les vaches que Santé Canada traite d'innocuité des produits pour animaux. Si c'était le cas, c'est Agriculture Canada ou un autre groupe qui étudierait la question, mais pas Santé Canada.
Si l'on examine cette question de la STbr, c'est pour protéger la santé des vaches, car si ce produit provoque des effets physiques ou des changements, tout médecin, toxicologue ou pharmacologue vous dira qu'il s'agit d'un effet pathologique. S'il y a une modification de l'hémoglobine de la vache, s'il y a une maladie ou une inflammation quelconque, s'il y a une augmentation de l'IGF, ces effets sont provoqués par un produit.
Le vice-président: Un instant, s'il vous plaît. Nous sommes supposés discuter du rapport du comité d'experts, mais j'ai l'impression que vous vous écartez du sujet.
M. Chopra: Je souhaitais simplement établir les paramètres dans lesquels s'inscrivent mes propos.
Le vice-président: Vous reviendrez la semaine prochaine également.
M. Chopra: Je m'arrêterai là, si vous le souhaitez. Le problème c'est encore l'IGF-1. Personne ne sait si cette substance est la cause du cancer ou son effet. Nous l'avons dit dans notre exposé précédent, et c'est ce que diront la plupart des gens également. L'IGF-1 est l'un des facteurs de croissance qu'on retrouve lorsqu'il y a croissance des cellules dans le corps. Il y a une augmentation de l'IGF-1, que ce soit en raison du cancer ou en raison d'une induction dans le lait. C'est l'indice d'un changement. C'est tout ce que l'on peut en dire. Je n'ai pas dit que l'IGF-1 pourrait provoquer le cancer, mais sa présence est un indice d'un problème chez la vache.
Le comité d'experts n'a pas parlé non plus de l'étude immunologique, si ce n'est pour mentionner une possibilité d'allergie chez les humains. Cette allergie ne se produit que chez 2 p. 100 de la population. Il s'agit de l'incidence normale ou de la prévalence de l'allergie chez les humains. Les gens peuvent être allergiques à n'importe quelle substance. Dans le cas de l'augmentation de la mammite par suite d'une résistance aux antibiotiques, tout ce qu'on a mentionné dans le rapport, c'est qu'il y avait des résidus et que ces résidus peuvent précipiter une réaction d'allergie chez les humains.
Mais ce n'est pas de cela que nous parlons. Nous disons que ce produit, administré oralement à des rats, a provoqué une production anormale d'anticorps contre la STbr.
La FDA avait déclaré que le produit est inactif du point de vue biologique. C'était un rapport frauduleux. Il n'a été ni reconnu ni mentionné où que ce soit. Il n'est pas mentionné dans les examens. Il n'est pas mentionné non plus dans les rapports de Santé Canada. On en a fait mention que dans l'analyse des lacunes. Et pourtant, nous l'avions sous les yeux au ministère.
Quand on s'en est rendu compte, tout ce qu'on a constaté c'est que quelque chose n'allait pas, et que contrairement à ce que disaient le ministère et d'autres, cette substance n'est pas inactive biologiquement. Cela n'a prouvé qu'une chose, et c'est que le produit avait traversé la membrane muqueuse du rat, par l'intestin, et produit des anticorps. Par conséquent, il fallait faire des examens plus approfondis. On disait que le produit serait digéré, mais il ne l'était pas, et produisait des anticorps.
Parlons maintenant quantités. On a dit qu'il n'y a que de faibles quantités d'IGF-1. Mais il s'agit de toxicologie et de cellules embryonnaires, pas de la quantité qui provoquera un cancer généralisé. Parmi les effets possibles, il y a la stérilité masculine, l'infertilité féminine et l'induction possible du cancer. Il s'agit de cellules embryonnaires. Nous traitons de cellules simples.
Cinquante-quatre jours après sa conception, un embryon femelle humain est parfaitement formé dans l'utérus de sa mère et contient les 300 000 oeufs qu'il pourra produire au cours de sa vie.
Le vice-président: Nous nous écartons beaucoup du sujet. Docteur MacLeod, vous voulez faire une observation?
Dr MacLeod: Oui. Vous m'avez enlevé les mots de la bouche. J'ai renoncé à présenter une déclaration liminaire. J'aurais pu vous lire le rapport de mon comité, mais j'ai renoncé à le faire. Certaines des observations du Dr Chopra sont intéressantes, mais elles s'écartent de la raison pour laquelle nous sommes venus ici aujourd'hui, c'est-à-dire pour répondre à vos questions d'ordre scientifique sur notre rapport. Je préférerais que vous écoutiez le Dr Chopra une autre fois.
Le vice-président: Le Dr MacLeod a un argument valable. Nous allons maintenant passer à M. Hansen.
M. Michael K. Hansen, Consumer Policy Institute, Consumers Union: Je suis heureux de comparaître de nouveau devant vous. On ne m'a informé de cette réunion que la semaine dernière, et c'est pourquoi je n'ai pas de mémoire écrit. Je vous fournirai des observations écrites dès que je retournerai aux États-Unis.
Le Consumer Policy Institute s'occupe de la recherche en matière de politique pour la Consumers Union des États-Unis. C'est lui qui publie le magazine Consumer Reports. Nous avons beaucoup travaillé à cette question de l'hormone de croissance bovine. J'ai également été invité à siéger en qualité d'expert technique au sein du comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires, qui s'est réuni en 1998. Je n'étais pas d'accord avec ce que faisait ce groupe, mais je vous ai expliqué certains des éléments de désaccord lorsque je suis venu vous rencontrer la dernière fois.
Permettez-moi d'abord d'expliquer mon désaccord et mes préoccupations relativement au rapport de Santé Canada sur la santé humaine. Entre parenthèses, j'ai remarqué que sur le site Web de Santé Canada, on mentionne ce rapport comme étant celui du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada sur la STbr. Et pourtant, dans une lettre rédigée par le Collège royal le 18 novembre, on dit que le comité d'experts n'est pas un comité du Collège royal et qu'il s'agit d'un groupe consultatif relevant du ministre de la Santé. Je trouve intéressant que Santé Canada indique qu'il s'agit d'un rapport du Collège royal des médecins et chirurgiens, alors que le Collège royal dit qu'il ne s'agit pas du rapport d'un de ses comités. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un rapport du Collège royal et le comité d'experts ne constitue qu'un comité consultatif.
Dans le sommaire du rapport, le comité d'experts déclare:
Toutefois, il n'existe aucun fondement plausible au plan biologique permettant de conclure que les changements associés à la STbr dans l'exposition humaine à l'IGF-1 conduiront à une réaction immunitaire, à un changement de la croissance intestinale des nouveau-nés et au risque ou au développement du cancer chez les receveurs de lait ou de produits alimentaires provenant de vaches traitées.
Je vais vous expliquer ce qui me dérange dans cet énoncé. Tout d'abord, je dois dire que je suis d'accord avec le Dr Pollak sur le fait qu'il n'existe pas de preuve concluante de ce que les habitudes alimentaires ont un effet sur les niveaux sériques d'IGF-1. Nous n'avons pas non plus de preuve déterminante de ce que l'IGF-1 ou d'autres produits puissent poser des problèmes. Certains ont fait des critiques, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas eu de recherches suffisamment approfondies. L'absence de preuve ne signifie pas qu'il y ait absence d'effet. Ce qui compte, c'est qu'il n'y a pas eu d'études à long terme. Je suis d'accord sur le fait qu'il n'existe pas de preuve suffisante de l'existence d'un problème, mais il faut néanmoins répondre aux questions.
Voyons d'abord ce qu'il en est de la réaction immunitaire. À la page 11 du rapport, le comité d'experts déclare que les propriétés pharmacologiques de la STbr ne se distinguent pas de celles de sa contrepartie bovine naturelle. À la page 19, les membres du comité se disent également inquiets de ce que la STbr, d'après certains indices, pourrait provoquer une réaction immunitaire chez le rat. Ils disent toutefois que de telles réactions sont provoquées autant par la STbr naturelle que par la STbr recombinante.
Je ne suis pas d'accord, et cela pour une raison surtout. Il n'est pas vraiment vrai de dire que la STbr ne se distingue pas de sa contrepartie naturelle. Le produit de Monsanto est légèrement différent de l'hormone produite naturellement par la glande pituitaire. À la fin de la chaîne des acides aminés, on substitue la méthionine à l'alanine. D'après un article publié en 1994 dans le Journal of Immunoassay, intitulé «Identification of Antigenic Differences of Recombinant and Pituitary Bovine Growth Hormone using Monoclonal Antibodies», l'utilisation de ces anticorps, l'utilisation de ces anticorps monoclones a permis de constater que l'hormone de croissance bovine recombinante de Monsanto a provoqué des réactions deux fois plus fortes, ce qui signifie qu'il existe une différence dans les réactions immunogènes et peut-être même allergènes.
La réaction constatée chez le rat ne sera peut-être pas identique avec la forme naturelle de l'hormone. Nous savons que ces anticorps monoclones ont réagi plus fortement à la forme recombinante qu'à la forme naturelle. On ne peut donc pas en déduire, comme on le dit dans cet énoncé, qu'elle ne se distingue pas de sa contrepartie naturelle.
Le comité d'experts a également essayé de minimiser le problème de la croissance intestinale chez le foetus. À la page 12 du rapport, on peut lire:
En ce qui concerne les effets locaux de l'IGF-1 sur les muqueuses intestinales, parce que le lait humain a une concentration d'IGF-1 supérieure à celle des vaches traitées par la STbr ou des vaches non traitées, si la légère augmentation de la concentration d'IGF-1 du lait de vaches traitées par la STbr avait un effet biologique néfaste, le lait maternel humain aurait théoriquement un effet encore plus néfaste.
C'est peut-être vrai, mais je tiens à signaler que normalement, les humains de plus de quatre ans ne boivent plus de lait. On ne peut comparer les bébés et les jeunes enfants nourris au lait humain, qui reçoivent tous les facteurs de croissance naturelle dont ils ont besoin, à des gens qui boivent du lait pendant 30, 40 ou 50 ans pour essayer ensuite de minimiser les effets de l'IGF-1 venant d'une consommation de lait à long terme. Quel humain de 30 ans boit du lait humain? Ils ne sont pas nombreux à le faire, du moins pas tous les jours.
Je tiens également à signaler que le comité scientifique des mesures vétérinaires liées à la santé publique de l'Union européenne s'est vu confier la tâche d'examiner l'utilisation de la somatotropine bovine. Ce comité a produit un rapport très détaillé sur les considérations en matière de santé humaine et en est venu à des conclusions différentes. Le comité a souligné que cette hormone pouvait poser des problèmes pathophysiologiques du système digestif et qu'il fallait faire d'autres recherches. J'en reparlerai un peu plus tard. Il y a donc une divergence à ce niveau.
Le rapport du comité d'experts du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada dit également que l'analyse du comité mixte FAO/OMS était complète et exacte. Je ne suis pas d'accord. Pour expliquer pourquoi l'IGF-1 ne pose pas de problème, le comité dit que la quantité de cette substance dans le système digestif est de moins de 1 p. 100. Il dit:
Puisque l'IGF-1 produit par les vaches a la même composition chimique que l'IGF-1 produit par les humains, on peut en conclure que la consommation à long terme de quantités supplémentaires d'IGF-1 dans le lait ne risque pas de poser de danger pour les humains. Il est difficile d'imaginer les effets locaux provoqués par l'IGF-1 dans le système gastro-intestinal compte tenu de ce que la quantité d'IGF-1 endogène introduite dans ce système équivaut tout au plus à 0,8 p. 100.
Le comité d'experts dit ensuite que dans le cas des hormones, on ne devrait envisager de test de toxicité chronique que s'il y a une augmentation de plus de 1 p. 100 de l'exposition à l'hormone.
La plupart de ces affirmations se fondent sur les niveaux d'IGF-1 du lait qui se trouvent au Tableau 3 du rapport. On mentionne également un article du magazine Science de 1990. Le problème c'est que les valeurs de ce tableau ne correspondent pas à ce que l'on trouve dans l'article de Science, non plus qu'à celles du document initial du comité mixte FAO/OMS de 1993. On dit que les concentrations dans le lait de vache sont de 1 à 9 nanogrammes par millilitre et que dans le lait de vache traitée à la STbr, ces concentrations sont de 1 à 13 nanogrammes par millilitre. Si vous consultez l'article de Science, vous verrez que d'après certaines études, le niveau dans le lait des vaches de groupes de contrôle était de 28,4 nanogrammes par millilitre. Chez les vaches traitées, il était de 35,5 nanogrammes par millilitre. Ces niveaux sont beaucoup plus élevés que le niveau de 1 à 13 nanogrammes par millilitre mentionné, et ce sont les niveaux qui ont servi à déterminer qu'il y avait une augmentation de moins de 1 p. 100 dans le système gastro-intestinal. Les concentrations mentionnées dans le tableau sont fausses. En fait, je l'ai déjà signalé dans d'autres documents que nous avons préparés pour le comité mixte FAO/OMS et lorsque nous avons présenté une critique à ce sujet à la Food and Drug Administration.
Le comité scientifique de l'Union européenne a présenté en mars un rapport dans lequel il signalait certains problèmes dans des tests utilisés pour mesurer le niveau d'IGF-1 dans le lait. Le comité a fait remarquer qu'il y avait des fluctuations. Puisque ces tests n'ont pas été normalisés, il est difficile de faire une comparaison. En outre, le comité a signalé qu'il existe en fait plusieurs formes d'IGF-1. Il existe une forme d'IGF-1 dans laquelle trois acides aminés sont tronqués à la fin de la séquence. Ces des-tripeptides IGF-1 peuvent en fait être jusqu'à dix fois plus puissants que l'IGF-1 normal, comme l'a fait remarquer le comité scientifique de l'Union européenne. Celui-ci a également indiqué que les radioimmunoessais normalement utilisés pour établir les niveaux d'IGF-1 sont beaucoup moins efficaces pour détecter cette forme tronquée.
En fait, nous ne connaissons pas avec précision les niveaux qui se trouvent dans le lait pendant toute la durée de la lactation et après que la vache a reçu l'injection. Certains d'entre nous ont essayé d'obtenir des données à ce sujet car nous croyons que les niveaux d'IGF-1 du lait augmenteront probablement au cours des premières années après que les vaches auront reçu des injections d'IGF-1. Toutefois, les données publiées par Monsanto ne portent que sur le milieu du cycle, même si les données ont été recueillies tous les jours. Le produit est injecté tous les 14 jours, mais il n'existe de données sur les valeurs en IGF-1 qu'au jour 7 et au jour 21, soit au milieu du cycle, alors que ces valeurs pourraient fluctuer. Nous devons connaître les niveaux réels d'IGF-1 et nous ne les connaissons pas.
Il y a également d'autres problèmes. Comme on le signale dans le rapport du comité scientifique de l'Union européenne, les recherches dans ce domaine sont incomplètes et devraient être plus approfondies. On dit dans ce rapport:
Il n'y a pas suffisamment de données disponibles pour évaluer l'exposition, c'est-à-dire qu'il n'y a pas suffisamment de données sur les quantités d'IGF-1, et ses formes tronquées, excrétées dans le lait après le traitement des vaches laitières à la STbr.
J'estime que c'est une considération importante. Il faut également tenir compte de ce que les niveaux normaux que l'on trouve dans le système digestif sont beaucoup plus élevés. D'après les données de documents scientifiques, dans un modèle in vitro, l'IGF-1, dans sa forme libre, a une demi-vie de moins de deux minutes. En présence de caséine, c'est-à-dire de la principale protéine du lait, cette demi-vie est de plus d'une demi-heure, soit de 17 fois supérieure. Pour évaluer les niveaux dans le système digestif, il ne faut pas seulement tenir compte des quantités totales pour dire qu'il y en a un peu dans le lait et beaucoup plus dans le système digestif. Ce qui se trouve dans le système digestif, c'est la forme libre, ce qui signifie que la substance est rapidement assimilée. Dans le lait, cette substance demeure active pendant bien plus longtemps. Cela signifie, en théorie, que la concentration est plus élevée. Ce qui nous inquiète, c'est que cette substance survit à la digestion. À l'origine, la FDA disait que ce n'était pas le cas, mais les études sur les rats nous ont démontré qu'en fait, en présence de caséine, la majeure partie de l'IGF-1 survit effectivement à la digestion. Par conséquent, ce qu'il faut se demander, c'est quel effet cette substance peut avoir sur les muqueuses du système gastro-intestinal. Je m'inquiète moins des niveaux dans le plasma que de ceux dans le système gastro-intestinal et des effets que cela peut avoir dans le cas du cancer colorectal.
J'ai apporté avec moi un document intitulé «The Growth Regulation and Co-stimulation of Human Colorectal Cancer Cell Lines by Insulin-like Growth Factor 1-2 and Transforming Growth Factor Alpha», et ils ont découvert qu'avec l'IGF-1 dans un mode in vitro, dans cinq sur huit des lignes de cellules carcinomes colorectales humaines, il y avait 50 p. 100 d'augmentation du taux de croissance dans les lignes de cellules de 1,9 à 6,5 nanogrammes par millilitre d'IGF-1. Ces niveaux sont analogues à ce qu'on peut trouver dans le lait. S'il y a phénomène de filtrage, il pourrait y avoir stimulation.
C'est important et c'est la raison pour laquelle je crois que des études supplémentaires sont nécessaires, et dire que des tests de toxicité chronique ne sont pas nécessaires est une erreur.
En fait, je trouve cette question très intéressante car j'ai en ma possession une déclaration du directeur de recherche de Monsanto. En 1986, tout juste après son entrée chez Monsanto, il y a eu un colloque sur les nouvelles perspectives dans les domaines de la pharmacologie vétérinaire et de la thérapeutique. Dans sa contribution, intitulée «Peptide Pharmaceuticals» il déclarait que même s'il est possible qu'il s'agisse d'un composé endogène, une évaluation complète de ses effets toxilogiques aigus et à long terme reste nécessaire puisque nous nous trouvons en présence de composés puissants qui peuvent avoir plus d'un effet sur les fonctions physiologiques et biochimiques.
Sur le plan de l'innocuité, un composé endogène qui n'est utilisé que pendant une brève période aura une probabilité faible de production d'effets toxiques. Cependant, l'utilisation à long terme de produits tels que la somatotropine bovine pour accroître la production de lait pendant plusieurs lactations a un plus grand potentiel d'induction de modifications subtiles au niveau des mécanismes homéostatiques physiologiques et biochimiques et ces modifications peuvent être irréversibles.
C'est un scientifique de Monsanto parlant à d'autres scientifiques en 1986.
J'aimerais aussi signaler que le comité d'experts a ignoré un document de Burton et McBride, publié dans un journal de santé animale canadien, où ils concluaient également à la nécessité de recherches supplémentaires. Je vais vous lire un extrait du résumé. Jusqu'à présent, les études évaluant l'activité d'hormones de croissance ou de facteurs de croissance de substances apparentées à l'insuline ont seulement déterminé que ces hormones n'induisent pas de croissance anatomique brute chez les rats sevrés. Bien qu'il s'agisse des deux protéines les plus évidentes dont la concentration dans le lait peut être modifiée à la suite d'un traitement à l'hormone de croissance, la possibilité demeure que les concentrations d'autres protéines bioactives du lait soient également modifiées pendant un traitement à l'hormone de croissance. Des expériences pour explorer cette possibilité restent nécessaires. De telles expériences devraient inclure: premièrement, la caractérisation complète des hormones dans les substances bioactives du lait de vaches traitées à l'hormone de croissance, y compris des composés tels que les prostaglandines, la progestérone, la prolactine, les hormones thyroïdiennes, les gonadolibérines, les thyrolibérines, les somatostatines, les peptides intestinaux basoactifs, les facteurs de croissance épidermique, les estrogènes, les plasmines, les interleukines, les facteurs de nécrose tumorale, l'insuline, les IGF-1, les IGF-1 et les hormones de croissance; deuxièmement, alimenter des primates néonataux avec du lait de vaches traitées à l'hormone de croissance pour déterminer les effets sur le développement, la capacité d'absorption et les fonctions du tube digestif; et troisièmement, les effets de la consommation de lait de vaches traitées à l'hormone de croissance sur les défenses immunitaires de l'intestin.
Un autre document scientifique réclame aussi des études toxicologiques à long terme.
La seule autre chose que je souhaiterais ajouter est que vous examiniez le rapport du comité scientifique de l'Union européenne sur les conséquences possibles pour la santé des humains. Ils énumèrent de manière systématique tous les problèmes potentiels et réclament des recherches supplémentaires puisqu'il est impossible de conclure que ce produit est totalement inoffensif.
Enfin, le comité d'experts est passé très rapidement sur la question des résidus antibiotiques. Il a dit qu'on pouvait supposer que cette augmentation de l'incidence de mammite clinique aura pour résultat une augmentation correspondante de l'utilisation d'antibiotiques. Il est fort peu vraisemblable qu'elle ait une incidence sur la question importante de santé publique d'augmentation de la résistance aux antibiotiques. Bien que la résistance antimicrobienne soit liée à l'exposition des bactéries à des antimicrobiens, la quantité d'exposition accrue suite au traitement de cet état serait marginale comparativement aux autres utilisations agricoles et humaines. Le nombre de recours aux antibiotiques pour traiter les infections des animaux est insignifiant comparativement à leur utilisation à long terme comme produits de croissance.
Je suis tout à fait d'accord. Cependant, il faudrait signaler que des études ont démontré que les résidus antibiotiques qu'on retrouve dans le lait en particules par milliard favorisent bel et bien la croissance du taux de résistance des bactéries. Il suffit de consulter les données recueillies par l'université Rutgers pour constater que lorsqu'il y a résidu d'un antibiotique de l'ordre de 10 à 100 particules par milliard, le taux de résistance des bactéries croît de 600 p. 100.
Lorsqu'il y avait des résidus de trois antibiotiques, de l'ordre jugé sans danger par la FDA de 10 à 100 particules par milliard, l'augmentation était de 2 700 p. 100.
Par conséquent, bien que je convienne que la quantité d'antibiotiques qui se trouvera dans le lait sera marginale comparativement à la surutilisation dans la médecine humaine et animale, une partie de la manière de contrôler la résistance aux antibiotiques se fait par l'intermédiaire de milliers de petites augmentations, allant des médecins qui limitent la prescription d'antibiotiques pour les problèmes respiratoires à la réduction de l'utilisation de provendes animales.
Étant donné que la STbr a pour seul objet d'augmenter la production de lait et étant donné qu'il n'y a aucune utilisation thérapeutique, nous ne pensons pas que nous devrions tolérer une augmentation quelconque de l'utilisation d'antibiotiques par le biais de ce produit. La STbr contribuera au problème de résistance aux antibiotiques quand bien même cette contribution serait minimale, et elle doit être stoppée.
En résumé, je conteste la conclusion globale du rapport qui rejette la nécessité de tests de toxicité chronique et à long terme supplémentaires. Je crois à cette nécessité. Il reste toujours des questions sans réponse. Cependant, comme je l'ai déjà dit, je reconnais que pour le moment rien ne prouve que les hormones de croissance ou les facteurs de croissance de substances apparentées à l'insuline sont réellement nocifs.
Dr Pollak: J'aimerais apporter quelques petites précisions.
Pour commencer, comme tout scientifique qui se respecte, je ne peux qu'approuver l'idée de recherches supplémentaires.
Deuxièmement, je me retrouve mêlé à cette histoire. Je ne suis pas agriculteur et je n'ai pas de connaissances particulières mais je suis un scientifique qui étude l'IGF-1. Le gouvernement canadien peut tirer une certaine fierté du fait que la recherche canadienne est longuement citée dans tous les rapports. Beaucoup de ceux qui croient que la STbr est nocive se servent de notre recherche qui a été faite en collaboration avec des scientifiques de Harvard, pour prouver sa nocivité.
Le degré de confrontation est peut-être moindre qu'on pourrait l'imaginer. J'estime, tout particulièrement pour ce qui concerne le risque potentiel posé par l'IGF-1, qu'à l'heure actuelle nous n'avons aucune preuve de danger bien que nous admettions l'existence de risques théoriques. L'absence de preuves de danger ne signifie, comme cela a été dit, qu'il n'y a pas de danger.
La question qu'il faut donc se poser est la suivante: que faire? Cette question échappe à la science. Elle devient une question de politique très intéressante. Quelle garantie sur la sécurité à long terme des crèmes corporelles à la vitamine E avons-nous? Quelle garantie sur la sécurité à long terme des aliments pour bébés avons-nous? Quelle garantie sur la sécurité à long terme avons-nous pour les carottes pulvérisées aux insecticides? La question devient problématique pour les instances de réglementation.
Est-ce que vous voulez créer un précédent en vertu duquel désormais les administrations de réglementation interdiront tout produit pour lequel nous n'avons pas de garantie d'utilisation sans danger à long terme? Quelqu'un inventera peut-être un jour un nouveau genre d'emballage en aluminium pour les bonbons. Si les consommateurs sont exposés aux résidus d'aluminium pendant 30 ans, il est possible que cela soit dangereux.
Si vous créez un tel précédent, vous fixerez la norme très haut mais c'est une décision qui vous reviendra. Vous pouvez décider de ne pas accepter de produits sans garantie de sécurité à long terme et vous pouvez le faire pour la STbr et tous les produits alimentaires, mais vous limiterez votre marge de manoeuvre pour tous les nouveaux produits qui viendront sur le marché.
Le vice-président: Ce n'est pas la même chose que boire du lait trois fois par jour. Ma petite-fille de 7 ans boit du lait trois fois par jour, mais elle ne mange certainement pas de bonbons trois fois par jour.
M. Pollak: Excusez-moi, mais votre petite-fille est bien entourée et vous pouvez lui conseiller de ne pas manger trop de bonbons. Je reconnais avec vous que le lait suscite beaucoup d'émotion parce qu'on en consomme régulièrement, mais nous n'avons pas toujours insisté sur les effets à long terme de certaines denrées alimentaires de consommation courante.
Le sénateur Spivak: Docteur Pollak, vous avez mis le doigt sur la question la plus importante, et je m'inscris en faux contre votre opinion. Vous dites que parce que les substances dangereuses sont nombreuses, il ne faudrait pas appliquer une norme plus élevée à une société qui souhaite nous imposer un produit commercial sans valeur thérapeutique. Voilà qui soulève bien des questions, qui ne sont pas toutes d'ordre social et économique. Elles sont d'ordre scientifique.
Nous devons prendre notre décision en fonction de considérations scientifiques. Est-ce aux consommateurs qu'il appartient de prouver qu'une substance est dangereuse, ou est-ce au fabricant de prouver qu'elle ne l'est pas?
Le rapport de l'Union européenne a utilisé une procédure d'évaluation du risque et en est venu à une conclusion qui diffère de celle qui figure dans votre rapport. Je crois que le procédé est tout à fait logique, en particulier pour une substance sans valeur thérapeutique. Elle n'existe que pour des motifs commerciaux. On pourrait même pousser la discussion et parler du gène de la protection de l'investissement.
Si vous proposiez une substance susceptible de prévenir le cancer, par exemple, je serais prête à accepter un facteur de risque. La gestion du risque est différente de l'évaluation du risque.
Le rapport de l'Union européenne dit que la différence entre la somatotropine bovine et l'hormone de croissance naturelle peut varier d'un à neuf acides aminés. Cessons donc de prétendre que la STbr est un composé naturel. J'espère qu'au moins, vous allez cesser de le prétendre.
J'aimerais savoir si le Dr Pollak et le Dr MacLeod, qui faisaient partie du comité d'experts, ont étudié eux-mêmes toute la documentation à ce sujet. Est-ce que vous avez dit à l'étudiant en doctorat qui a rédigé le rapport ce qu'il fallait consulter et lui avez-vous indiqué une méthode de recherche? Comment avez-vous procédé vous-mêmes pour en conclure que le produit est sans danger? Quelles méthodes avez-vous appliquées?
D'après ce que vous dites, il n'y a pas de preuve, mais vous en concluez que l'absence de preuves vous dispense de faire d'autres tests. J'aimerais savoir quelle méthode scientifique vous avez utilisée pour parvenir à cette conclusion, de façon que la profane que je suis puisse se faire une idée de ce que vous avez fait. À première vue, je comprends pourquoi on dit que la guerre est trop importante pour qu'on l'abandonne aux généraux. De la même façon, la science est trop importante pour qu'on l'abandonne aux scientifiques, car nous ne voulons pas servir de cobayes. On peut discuter autant comme autant, nous ne voulons pas qu'on nous impose la STbr s'il reste le moindre doute. En l'occurrence, vous n'appliquez pas la formule de précaution, car s'il existe une possibilité d'effet préjudiciable, le produit ne devrait pas être accepté -- à moins que l'on prouve qu'il va être bénéfique à l'humanité.
Cela étant dit, j'aimerais connaître la différence entre le lait «naturel» et le lait à la STbr. Comment avez-vous fait vos recherches et comment en êtes-vous venus à cette conclusion?
Dr Pollak: Je vais laisser au Dr MacLeod le soin de répondre à la question sur la procédure. Je vous donne l'indication suivante: il y a eu bien des caisses très lourdes à porter.
En ce qui concerne vos autres arguments, j'ai déjà donné mon point de vue personnel ce matin, à savoir que ce produit ne devrait pas être approuvé.
Le sénateur Spivak: Mais ce n'est pas votre point de vue de scientifique, cependant.
Dr Pollak: Un instant. Je ne cherche pas la confrontation parce que c'est moi qui ai montré la relation entre l'IGF-1 et le cancer. À mon avis, il s'agit de savoir s'il est prouvé que le produit est nocif. J'en reste à la conclusion qu'il n'est pas prouvé que ce produit soit nocif. Il faut renvoyer la question à la Direction générale de la protection de la santé. Il faut lui demander quelle est la teneur de la loi et quelles sont les responsabilités en jeu. On ne peut jamais prouver l'innocuité d'un produit à long terme.
Nos avis sont plus proches que vous ne le pensez. Je considère personnellement qu'il n'y a pas lieu d'approuver ce produit parce qu'il n'est pas utile. Mais si on me demande, en tant que scientifique, de prouver qu'il est nocif, qu'il cause le diabète ou le cancer, excusez-moi, mais cela m'est impossible. J'ai analysé toutes les études et je comprends la théorie, mais je ne peux pas en venir à la conclusion qu'il s'agit d'un produit semblable au diéthylstilbestrol.
Le sénateur Spivak: Votre conclusion personnelle est intéressante, mais lorsque Monsanto va contester le refus d'approbation du gouvernement devant l'OMC, elle aura des arguments scientifiques.
N'est-il pas conforme à l'esprit scientifique de considérer le principe de précaution, de tenir compte de l'évaluation du risque et de tout ce qui figure dans le rapport de l'Union européenne en matière d'évaluation du risque et d'analyse risques-avantages? Je vous consulte en tant que scientifique.
Dr Pollak: Mais bien sûr.
Le sénateur Spivak: Voyons si j'ai bien compris. Je crois qu'il s'agit là d'un point fondamental, et que nous ne sommes pas en train de nous perdre dans les détails.
En tant que scientifique, pourquoi ne dites-vous pas au gouvernement: «Votre mandat n'est pas bon car il faudrait considérer l'évaluation du risque plutôt que d'analyser les risques et les avantages ou d'essayer de prouver la nocivité du produit». Pourquoi n'avez-vous pas posé cette question d'un point de vue scientifique, indépendamment de votre opinion personnelle?
Dr Pollak: Nous avons fait ce qu'on nous a demandé de faire.
Le sénateur Spivak: C'est aussi ce qu'ont dit les responsables du projet Manhattan.
Dr MacLeod: C'est pire que la métaphore sur l'alcool.
Le sénateur Hays: Permettez-leur de répondre, sénateur Spivak.
Dr MacLeod: Nous sommes effectivement au coeur du problème, comme l'a dit le sénateur Spivak. Je viens de l'université McMaster, qui est à la fine pointe de la médecine fondée sur des preuves scientifiques. Mes collègues de McMaster sont connus pour faire la promotion d'une médecine fondée sur des preuves dans le monde entier. Nous nous fondons sur des preuves scientifiques.
Même le plus farouche zélateur de la médecine fondée sur des preuves scientifiques reconnaîtra qu'on arrive toujours à un point où les preuves se heurtent à des valeurs sociétales ou humaines. C'est précisément le cas ici. Je crois que la preuve scientifique qui existe sur la question du risque pour l'humain répond à toutes les normes ordinaires des preuves scientifiques. Il n'y a pas d'absolus en science. C'est ce que j'ai dit lors de ma dernière comparution. Il est question ici de probabilités. On a des niveaux de probabilité de 95 p. 100, 99 p. 100 et 99,9 p. 100. De l'avis des membres de notre comité, la probabilité fondée sur les connaissances actuelles, c'est que le fait de donner de la STbr aux troupeaux laitiers du Canada ne présente pas de risque pour l'humain. Cela ne veut pas dire, comme l'a dit le Dr Pollak, que nous approuvions la STbr ou que nous en préconisions l'utilisation. C'est simplement que nous ne pensons pas qu'il existe une norme scientifique permettant de rejeter ce produit à partir d'une étude scientifique.
Nous sommes tout à fait d'accord avec M. Hansen quand il dit qu'il faut poursuivre les recherches. La question du facteur de croissance de l'insuline et des hormones de croissance est importante. Les recherches à ce sujet dureront éternellement. Aucun d'entre nous ne souhaite y mettre fin. Cependant, on nous a posé une question qui concerne la Loi sur les aliments et drogues. On entend sans cesse dire que le Canada est un État de droit. C'est nous qui appliquons le droit dans ce pays en ce qui concerne les licences d'exploitation des produits. La loi prévoit que le fabricant doit prouver que son produit est de bonne qualité et qu'il est efficace. Personne n'a remis ces éléments en cause dans le cas de ce produit.
La seule question qui reste est de savoir s'il est un danger. C'est une question épineuse, car le produit est administré aux vaches, ce qui comporte des conséquences pour la santé humaine. C'est la question que nous avons traitée dans notre comité.
Le vice-président: Je ne me souviens plus de la formulation exacte de la loi, mais je crois qu'en cas de doute concernant la santé humaine, le produit ne doit pas être approuvé. Le Dr MacLeod a peut-être une interprétation différente de la mienne, mais c'est l'interprétation ordinaire du profane.
Dr MacLeod: Je ne pense pas que nous ayons de divergence d'opinion. Il existe une norme scientifique concernant le doute. En tant que scientifiques, le Dr Pollak et moi-même devons étudier les probabilités. C'est de ce point de vue que notre comité s'est placé.
Le sénateur Spivak: J'aimerais revenir plus tard à cette question.
Dr MacLeod: J'aimerais répondre brièvement à la question du sénateur concernant la procédure. Le sénateur Spivak nous a demandé qui avait fait les recherches. Nous étions six dans notre groupe. Nous sommes des individus bien différents, comme vous pouvez le voir d'après les propos du Dr Pollak et d'après les miens. Nous avons différents domaines de spécialisation. Nous lisons tous toutes sortes de documents. Santé Canada nous a donné 10 ou 11 volumes provenant de la société Monsanto. Nous n'avons pas manqué d'information. Nous avions une adjointe de recherche qui a travaillé à la demande des membres du comité. Elle a fourni des documents supplémentaires au groupe. Je mentirais en disant que nous avons tous lu tout ce qui a été écrit sur ce sujet. Rien qu'au cours des 12 derniers mois, on a publié au moins 1 000 documents sur l'IGF-1. Aucun d'entre nous n'a eu le temps de les lire tous. Nous avons fait de notre mieux dans les délais qui nous étaient impartis. La procédure de recherche n'a pas été déterminée par l'adjointe de recherche que nous avons engagée spécialement. Elle a été décidée par les membres du groupe.
Le vice-président: Docteur Pollak, vous parlez, entre autres choses, d'antibiotiques. Il y a deux ans, dans l'est de l'Ontario, une grosse citerne de lait est arrivée à une fromagerie. Elle était destinée à une laiterie. Ce lait ne pouvait pas servir à faire du fromage, parce qu'il contenait trop d'antibiotiques. Lorsqu'un agriculteur traite ses vaches à la pénicilline ou aux antibiotiques, leur lait ne peut pas être vendu avant plusieurs jours. On a retrouvé l'origine du lait en question, et l'agriculteur s'est vu imposer une forte amende. Le lait contenait des antibiotiques qui ont posé des problèmes, parce qu'ils ont empêché l'action des bactéries nécessaires à la production du fromage. Après pasteurisation, le produit se serait retrouvé sur le marché et aurait pu être consommé, notamment par des enfants.
Le sénateur Chalifoux: Nous avons entendu parler des avantages et des inconvénients mentionnés par de nombreux rapports. Dans vos délibérations, avez-vous pris connaissance de certains des rapports qui ont été soumis à notre comité?
Avez-vous pris en considération le rapport de ce comité?
Je crois que le rapport de l'Union européenne est très important pour votre étude. L'avez-vous pris en considération?
Vous avez dit également que vous avez étudié une volumineuse documentation provenant de Monsanto. Combien de volumes de documents avez-vous étudiés à cette occasion?
Dr MacLeod: Pour répondre à votre dernière question, madame le sénateur, vous m'avez peut-être mal compris. Une bonne partie de la documentation que nous avons reçue de Santé Canada ou du Bureau des médicaments vétérinaires provenait de la documentation remise à Santé Canada par Monsanto. Nous n'avons pas eu de rapport direct avec Monsanto pendant les réunions de notre comité.
Quant aux autres rapports, notre rapport a été publié en janvier 1999. Évidemment, nous n'avons pas pu prendre connaissance du rapport de votre comité ni de celui de l'Union européenne, même si nous en avons pris connaissance par la suite.
Pour en revenir à ce qu'a dit tout à l'heure M. Chopra, notre comité n'a pas été invité à se prononcer sur la procédure suivie par Santé Canada, et il aurait eu tort de le faire. Si la question nous avait été posée, nous aurions dû interviewer des responsables de Santé Canada et nous renseigner davantage sur cette procédure. Les questions qu'on nous a posées étaient des questions scientifiques très précises concernant notre opinion du risque présenté par la STbr. C'est à ces questions que nous avons répondu.
Si Santé Canada ou tout autre organisme souhaite que nous nous penchions sur la procédure suivie au Bureau des médicaments vétérinaires ou à la Direction générale de la protection de la santé, c'est toujours possible. Toutefois, cela ne faisait pas partie de nos tâches l'an dernier, et c'est pourquoi je ne puis m'excuser de n'en avoir pas parlé. C'est en effet une question très complexe qui traite de valeurs et de bien d'autres choses qui dépassent de loin les aspects scientifiques sur lesquels nous nous sommes penchés.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Vous dites qu'il n'y a pas vraiment de raisons d'utiliser cette hormone de croissance. Cependant, il y a des gens qui veulent l'utiliser. On ne veut pas dire qu'elle ne doit pas être utilisée. De tout façon cette hormone n'ajoute pas grand-chose, il existe d'autres façons de produire plus de lait. On aimerait avoir une base scientifique qui vous incite à dire qu'on n'a pas besoin de cette hormone. Votre rapport indique qu'il n'y a pas de danger pour la santé humaine à utiliser cette hormone.
Ce matin, vous nous dites tous les deux qu'on ne devrait pas l'approuver. Dans les conclusions le rapport du comité d'experts sur la sécurité de la STbr pour les humains du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, aux paragraphes a) et b) de la version française -- au paragraphe e) de la version anglaise -- vous dites qu'il est nécessaire de réaliser une étude plus approfondie pour expliquer si la réaction immunitaire observée est importante en association avec de très faibles concentrations telles qu'on peut les observer dans le lait de vache. À la recomandation c), votre comité est d'avis que la question de réaction d'hypersensibilité suite à des doses chroniques nécessite un éclaircissement. En conclusion, vous avez quatre recommandations dont deux disent qu'on a besoin de plus d'information. À ce moment, n'aurait-il pas été préférable de ne pas recommander l'utilisation de cette hormone ou de dire que ce produit peut être utilisé sans avoir des effets sur l'être humain? Je suis un peu confus. Est-ce que vous pouvez m'éclairer?
[Traduction]
Dr MacLeod: D'abord, notre comité n'avait pas pour tâche de déterminer si ce produit devait être approuvé pour des fins de commercialisation et devait recevoir un avis de conformité. On nous avait posé des questions très spécifiques sur les risques possibles pour l'être humain, questions qui avaient été soulevées par des chercheurs scientifiques de la Direction générale de la protection de la santé et du Bureau des médicaments vétérinaires. Nous avons répondu que, d'une façon générale, le type d'études suggérées dans ce que l'on a appelé l'analyse des lacunes n'était pas nécessaire. Il est difficile d'imaginer que l'on puisse exiger des études à long terme de la STbr, étant donné que cette hormone s'applique de façon spécifique aux vaches. Étant donné qu'elle ne donne des résultats que chez les vaches, on ne peut tout de même pas faire d'étude de toxicité à long terme sur un autre animal.
Il y avait également un groupe d'experts vétérinaires qui se penchait sur l'innocuité de cette substance chez les animaux. Par conséquent, du simple point de vue de l'innocuité chez les humains, il n'y avait aucune raison pour nous de recommander que l'on fasse des études à plus long terme.
Ce qui nous préoccupait, toutefois, c'était l'IGF-1, et nous répétons qu'il faudrait continuer la recherche sur ce facteur de croissance.
Il y a toutefois une chose qui est ressortie de la discussion et qui pouvait, semble-t-il, avoir une certaine importance pour les êtres humains: on avait signalé une réaction allergique ou immunitaire à la STbr chez les rats, et nous pensions que cela demandait à être précisé.
Dans son argument, la société a laissé entendre que cette réaction, qui avait été observée à faible dose, était due en fait à une erreur de laboratoire ou avait été causée par une erreur d'étiquetage d'un échantillon, par exemple. C'est peut-être vrai, mais lorsqu'elle s'en est rendu compte la première fois, elle aurait sans doute dû recommencer l'étude, ce qui aurait été raisonnable.
Nous affirmons donc que cette question doit être clarifiée avant que l'on puisse autoriser le produit.
Outre ce que je viens de vous dire, je ne vois pas où il peut y avoir confusion.
Le sénateur Robichaud: Vous avez dit que l'étude devrait être reprise avant que le produit ne soit autorisé. Or, votre comité d'experts l'a autorisé.
Dr MacLeod: Non, nous avons simplement affirmé qu'il nous fallait plus de précisions sur la réaction remarquée avant de pouvoir émettre un avis de conformité. Il est possible, en effet, que le malentendu soit corrigé. Je ne suis même pas convaincu que, pour y arriver, il soit nécessaire de prolonger encore les expériences. Il est même possible -- mais c'est peu probable -- que les chercheurs de Monsanto puissent venir rencontrer les collègues de M. Chopra, au Bureau des médicaments vétérinaires, pour leur expliquer les résultats. D'après ce que j'ai pu voir, j'ai l'impression qu'ils devront plutôt répéter l'étude, comme nous l'avions recommandé.
Nous n'avons pas jugé nécessaire d'obliger la société à effectuer d'autres études de toxicité à long terme.
M. Chopra: Merci, monsieur le vice-président. Je suis désolé de m'être aventuré trop loin sur le terrain de la science et de la politique, même si les deux sont ici liées.
À titre de chercheur scientifique, je puis affirmer qu'un comité, quel qu'il soit, doit se pencher sur les informations qui sont disponibles. M. Hansen a lu plus tôt une lettre qu'avait envoyée le Dr MacLeod au Toronto Food Policy Council, lettre dans laquelle il expliquait quelles informations il avait reçues et quelles informations son comité avait examinées. Il explique aussi qu'il a reçu la version corrigée du rapport sur l'analyse des lacunes. Vous avez vous-même reçu un rapport corrigé et vous avez demandé le rapport original. Je ne sais pas non plus à quel point le rapport sur l'analyse des lacunes donné au comité du Dr MacLeod a été corrigé.
Dr MacLeod: Puis-je intervenir?
M. Chopra: Puis-je continuer?
Dr MacLeod: Je peux corriger ce malentendu, si vous me le permettez.
Le vice-président: Voudriez-vous le laisser terminer, puisque tout est enregistré?
M. Chopra: Le problème, ce n'est pas uniquement le rapport, mais ce qui suit également. Lorsqu'il a reçu son mandat, le comité du Dr MacLeod est venu à Ottawa pour rencontrer les représentants du ministère, c'est-à-dire MM. Yong, Landry, Alexander et Paterson. Tout le monde y était, à l'exception de ceux qui avaient rédigé le rapport sur l'analyse des lacunes, ce qui peut sembler suspect à un esprit scientifique. Étant donné qu'il y a conflit d'opinions -- sans parler d'un conflit de personnalité, sans parler de la procédure suivie ni même parler du fait qu'on a demandé aux intéressés de ne pas faire de commentaires là-dessus -- n'aurait-on pas dû nous en parler? Le Dr MacLeod laisse entendre qu'il est inutile de faire d'autres études et que nous devrions essayer de résoudre nos difficultés directement avec les gens de Monsanto. Mais cela fait dix ans que nous traitons avec les gens de Monsanto et nous n'avons jamais pu résoudre nos difficultés!
Pour ce qui est du rapport immunologique, ce n'est pas la première fois que cela se produit. En effet, en 1988, on savait déjà que la STbr pouvait traverser la muqueuse des rats et, avant même que quoi que ce soit ne se produise, on avait signalé cette possibilité. Monsanto savait déjà, à ce moment-là, qu'elle devrait faire des études là-dessus. Puis, une fois les études faites, la société a confirmé que cela s'était bel et bien produit. Ce phénomène exige donc que l'on fasse une étude à long terme.
Le comité du Dr MacLeod est composé de spécialistes en médecine qui ont été mis au courant de cette résistance aux antibiotiques, qui constitue un problème très grave. Le Dr MacLeod a uniquement parlé de l'allergie, mais il confirme en même temps -- et c'est ce que j'essaye de vous faire comprendre -- que partout, dans le monde entier et même à l'OMC, on pousse des hauts cris devant le danger très grave que représente la résistance aux antibiotiques transmise des animaux aux êtres humains. À cause de cette résistance, il y a des gens qui meurent, et il faut faire très attention. Même les dernières études de contrôle qui ont été effectuées aux États-Unis et qui suivaient l'approbation du produit ont démontré qu'il y avait une augmentation d'au moins 25 p. 100 de mammites chez les vaches, mammites qu'il fallait traiter aux antibiotiques. On ne peut plus parler de résidus, avec un tel pourcentage! Il s'agit là d'un danger que pose le recours croissant aux antibiotiques.
On s'est également demandé si l'on ne devait pas faire de l'analyse de risque et de la gestion de risque, question qui est à la jonction de la science et de la politique. Mais tous ont été très clairs là-dessus: il s'agit d'une question politique que quelqu'un d'autre doit aborder. Nous, chercheurs scientifiques au ministère de la Santé du Canada, n'avons pas le droit de poser la question, alors que les scientifiques australiens et néo-zélandais en ont le droit, pour leur part. Au Canada, on nous l'interdit. En tant que fonctionnaire du ministère, j'ai rédigé un document sur l'analyse et la gestion des risques, et je l'ai envoyé au comité de gestion des risques du ministère de la Santé, puisque l'on est maintenant en période de transition. Dans ma recommandation, j'ai expliqué qu'à partir du moment où le motif d'une recherche se trouve être le profit, il faut alors gérer par compression du programme ou en prenant des précautions, ce qui peut se traduire également par des économies. Après tout, il ne s'agit plus ici de quelques personnes, ici et là, lésées dans cette procédure: il s'agit maintenant d'un problème de toxicologie dans la population. Ce ne sont plus maintenant quelques individus, ici et là, chez qui on observe des réactions négatives: c'est maintenant toute la population qui peut en souffrir, et nous ne savons pas ce qui pourra arriver dans 10, 15 ou 20 ans. Toutes ces choses ont déjà été dites. Or, si le pire survenait, verrait-on se reproduire la même chose qu'avec les cigarettes, et verrait-on les gouvernements poursuivre les compagnies contre dédommagement? Ne devrions-nous pas nous prémunir dès aujourd'hui et obliger les compagnies qui nous demandent d'assumer les risques à se munir d'une police d'assurance?
Après tout, nous assumons tous des risques dans la vie. Nous prenons l'avion et le train, mais nous avons tous une police d'assurance. Nous sommes même obligés d'avoir une police d'assurance-incendie à la maison, faute de quoi il est impossible d'obtenir un prêt hypothécaire. On pourrait faire de même avec les compagnies: si elles font beaucoup d'argent avec leurs produits et que rien n'arrive, ce sera à elles de garder tout l'argent; toutefois, si le drame survenait, ce serait aux compagnies à en assumer les frais et non pas au gouvernement.
Le vice-président: Nous savons tous que la Loi sur la santé contient une disposition au sujet des décisions -- je l'ai déjà mentionné. On y dit qu'en cas de doute, le devoir du ministère est de ne pas approuver le produit.
M. Chopra: Vous avez tout à fait raison, sénateur. Je ne connais pas le libellé exact, mais c'est ce que dit la Loi sur les aliments et drogues. Tous les renseignements seront divulgués et fournis au gouvernement pour son évaluation. Comme vous le savez, la Loi sur les aliments et drogues relève du Code criminel. Qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un fonctionnaire ou de qui que ce soit, le fait de cacher des renseignements constitue un acte criminel.
Dr MacLeod: Pour ce qui est de la version corrigée du rapport d'analyse des lacunes, c'est sans doute le terme que j'ai utilisé dans une lettre que j'ai envoyée au Metro Toronto Food Council, mais les modifications apportées au texte consistaient à biffer certains noms car il y avait des divergences d'opinions à Santé Canada. Ceux qui ont envoyé le rapport estimaient sans doute de leur devoir de protéger la vie privée des fonctionnaires de Santé Canada. Le rapport n'a pas été corrigé du point de vue scientifique.
Le vice-président: Vous avez plus de chance que nous. Une bonne partie du premier texte que nous avons reçu avait été noircie.
Dr MacLeod: Nous avons reçu des versions différentes à des moments différents, mais quand nous avons tenu notre première réunion, en juillet dernier, on nous a informés de l'existence de ce rapport et nous l'avons reçu sept à dix jours après. Je crois me rappeler que seuls les noms avaient été noircis.
Le sénateur Hays: Comme d'autres sénateurs l'ont mentionné, je ne comprends pas très bien l'aspect scientifique de la question et il s'agit davantage d'un débat que d'une enquête. J'ajouterais, en introduction à ma question, que l'utilisation ou non de ce produit qui accroît le rendement a des conséquences économiques graves. Le Canada a signé des accords internationaux et il se peut bien que la décision d'utiliser ou non ce produit nous échappe, à moins que nous ayons une bonne raison d'interdire son utilisation. Vous n'êtes pas allé jusque-là, docteur Pollack, dans vos observations. En tant que scientifique, vous avez votre opinion à vous. Pour ce qui est de ce qui arrivera, si nous n'avons pas de raison d'empêcher l'émission de cet avis de conformité, il pourrait même exister des recours commerciaux qui nous obligeraient à le faire de toute façon.
Mais il y a également d'autres conséquences car l'interdiction d'utiliser le produit au Canada pourrait nuire au commerce du lait. Dans ce cas, nous serions désavantagés comparativement aux producteurs qui utilisent le produit.
Entre parenthèses, je ne suis pas un scientifique et je n'ai pas fait d'études dans ce domaine, mais il y a une chose dont on ne parle jamais et qui m'intéresse beaucoup, en tant que profane. C'est le fait que nous consommons déjà depuis longtemps du lait produit grâce à cette substance qui augmente le rendement.
Dans d'autres cas, il y a eu des conséquences nuisibles, comme l'ont révélé les résultats d'analyse épidémiologique quant aux effets sur les humains. Dans le cas du lait et des effets de la STbr sur une longue période, il ne semble pas qu'on ait accordé beaucoup d'attention à cette question ni fait beaucoup de recherches à ce sujet.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous avez des observations là-dessus.
Ce qu'il faut vraiment déterminer, c'est comment résoudre ce problème. Lorsque nous n'aimons pas quelque chose, nous, les politiques minoritaires, nous faisons de l'obstruction ou nous essayons d'étirer les choses jusqu'à ce qu'elles meurent de leur belle mort ou disparaissent d'elles-mêmes. Parfois, les choses refusent de disparaître et il faut mettre fin à l'impasse en trouvant le moyen d'atteindre l'objectif souhaité.
Je suppose qu'à la Direction générale de la protection de la santé, des procédures sont suivies et que cette question est examinée par les groupes d'experts. Deux d'entre vous représentent aujourd'hui ces groupes d'experts. M. Chopra représente les responsables des travaux préliminaires. M. Hansen a des observations intéressantes à faire du point de vue des consommateurs.
Il s'agit de savoir comment résoudre cette question, de savoir si c'est possible dès maintenant? Est-ce que c'est la bonne manière de procéder? Est-ce la meilleure manière de résoudre des divergences d'opinion entre scientifiques, divergences inévitables, profondes et parfois -- c'est peut-être le cas -- irréconciliables?
Il arrive que ces divergences reposent sur des faits purement scientifiques. Selon au moins deux d'entre vous, il est possible que d'autres motifs soient à l'origine de ces divergences. Vous dites que lorsque des profits importants sont en jeu, il est judicieux d'associer d'autres facteurs à l'examen que les seuls facteurs scientifiques.
Comment résoudre ce problème? Est-ce la bonne procédure? Avez-vous une idée de ce que nous pourrions dire dans notre rapport qui pourrait aider la Direction générale de la protection de la santé? Fort de cette expérience intéressante, pouvons-nous proposer une procédure honnête pour tous les intéressés, pour les utilisateurs du produit, pour les fabricants, et cetera? Dans les cas où il est impossible que tout le monde soit d'accord, pouvons-nous estimer avoir fait tout notre possible pour avoir la garantie qu'une bonne décision soit prise quant à la mise ou non sur le marché du produit concerné?
Dr Pollack: Je peux comprendre l'absence de raison apparente d'approuver ce produit puisque nous produisons suffisamment de lait sans lui. Comme je l'ai déjà dit, je peux comprendre ceux qui disent ne pas avoir de raison d'approuver ce produit.
Sur le plan technique, j'estime cependant que le gouvernement du Canada ou la Direction générale de la protection de la santé pourrait éprouver quelques difficultés à démontrer que ce produit est dangereux malgré les inquiétudes qu'il suscite. En conséquence, la loi -- et je ne suis pas avocat -- vous permet d'avancer une raison politique pour désapprouver ce produit car il vous cause des inquiétudes.
En tant que membre du comité, j'aurais beaucoup aimé citer une étude épidémiologique dans laquelle, dans les différents États des États-Unis, la fréquence d'utilisation de la STbr varie. Si l'Institut du cancer colorectal avait pu nous apprendre que les taux de cancer colorectal varient également et si nous avions eu des données épidémiologiques démontrant un risque évident, il aurait été de notre responsabilité et de notre devoir, ce que je me serais empressé de faire, de dire: «Nous avons la preuve, c'est un produit dangereux, il peut être mortel, nous en avons la preuve, ne l'autorisez pas».
Nous n'avons pas eu ce genre de données. Si vous ne voulez pas de ce produit au Canada, et je peux le comprendre, il vous faut trouver le moyen de démontrer que ce produit ne sert pas les intérêts de la population plutôt que de l'interdire pour des raisons soi-disant scientifiques. Vous n'avez pas la preuve qu'il cause le cancer. Ce que vous avez, ce sont des doutes raisonnables. Si vous pensez que la loi vous incite à ne pas homologuer des produits qui vous causent des doutes, vous avez donc une solution législative à votre disposition.
C'est la situation actuelle. La preuve qui vous permettrait d'interdire ce produit pour des raisons techniques, n'existe pas. Vous avez entendu mon collègue du groupe des consommateurs des États-Unis. Nous avons des inquiétudes mais nous n'avons pas de preuve, il n'y a donc que la solution législative. Si un produit nous inquiète, la loi nous permet-elle de l'interdire? Dans l'affirmative, appliquons la loi.
Le seul problème c'est qu'il y a des compagnies avec lesquelles je n'ai aucun lien ni affinité qui pourraient dire qu'elles ont également des droits, que nous sommes dans un pays libre et qu'elles peuvent vendre ce qu'elles veulent. Elles peuvent vendre du tabac, de l'alcool ou de la STbr.
Que répondez-vous à ces gens qui disent qu'ils ont le droit de vendre ce produit, que nous ne vivons pas sous une dictature et, par conséquent, que l'on ne peut porter atteinte à leurs droits et libertés? Là est toute la question.
Le sénateur Hays: Je ne souhaite pas débattre avec quelqu'un qui en connaît beaucoup plus que moi sur la question. Cependant, si du champ scientifique vous renvoyez la balle au champ politique, nos mains sont liées par toutes sortes d'accords. L'hormone de croissance pour la production de viande bovine est l'exemple typique. Les dirigeants européens se demandent si cette hormone ne pose pas un problème. Ils ne sont pas sûrs mais préfèrent pécher par précaution, ils préfèrent ne pas autoriser ce produit.
Cela soulève d'autres questions. Est-ce que c'est une barrière commerciale non tarifaire, et cetera?
Il est possible que dans un avenir plus ou moins immédiat, même s'ils ont toujours ces doutes et cette volonté politique, le fait d'avoir signé un accord de commerce multilatéral ne leur permettra plus de prendre de décision politique de ce genre. Je vous le signale.
Dr Pollack: Je reconnais l'importance du problème.
Le sénateur Hays: Nous renvoyer la balle, ce n'est pas si simple car nous finirons par vous la renvoyer comme les Européens l'ont fait. Ils ont jusqu'au 13 mai pour déterminer, par des études, si ce produit est mauvais pour les humains et s'il y a de bonnes raisons, du point de vue de la santé ou de la science, de l'interdire.
Dr Pollack: Je reconnais que la tâche de tout le monde serait beaucoup plus simple si nous avions pu trouver des preuves, noir sur blanc, de danger pour la santé. La tâche de tout le monde en aurait été simplifiée. La décision serait facile.
Il m'a été impossible de trouver une telle preuve. Je m'excuse de la complexité de la situation, mais, homme de science, même si j'aspire à une solution simple, je ne peux en inventer une si la vérité est complexe.
Le sénateur Hays: Comment alors mettre fin à ce désaccord entre les scientifiques?
M. Chopra: Monsieur le président, si je peux me permettre de faire un commentaire non seulement en ma qualité de scientifique mais en ma qualité d'administrateur des sciences s'adressant à des législateurs, je vous dirais qu'avant 1906, il n'y avait ni aux États-Unis ni au Canada de Loi sur les aliments et les drogues. À l'époque il y avait une loi sur le frelatage. Il suffisait de démontrer que le produit était pur. À cette époque, les gens ajoutaient de la térébenthine à de l'alcool, et toutes sortes d'autres produits et les transformaient en potions qu'ils vendaient.
Lorsque des drogues plus pures sont arrivées sur le marché, le gouvernement a dit que pour être vendue une drogue devait être pure. Puis en 1938, des gens ont mélangé deux produits purs et tué une quarantaine d'Américains. Cet incident est à l'origine de la Loi sur les aliments et drogues aux États-Unis et au Canada.
Aux environs de 1946, il y a eu une révision qui a mené à notre Loi canadienne sur les aliments et drogues. Cette loi imposait avant toute mise en marché des évaluations toxicologiques et des expériences sur animaux. C'est là que cela a commencé. Il fallait que des études aient été faites sur deux espèces d'animaux, etc. et tous ces règlements ont suivi.
Nous avons continué ainsi allègrement pendant une vingtaine d'années, jusqu'à la thalidomide. Personne ne pouvait prévoir qu'en soumettant des animaux adultes à des expériences toxicologiques, on oubliait tout simplement les embryons. Nous avons constaté trop tard qu'il était nécessaire de faire aussi ce genre d'étude et en 1967 la Loi sur les aliments et drogues a été soumise à une nouvelle révision, conséquence des incidents de 1962.
Aujourd'hui nous sommes arrivés à une étape où nous ne parlons plus de toxicologie des êtres ou des embryons, mais de toxicologie des cellules. Dans notre rapport d'analyse d'écarts, lorsque nous parlions d'infertilité, de stérilité et de cancer, c'est de ces doutes dont il s'agissait. Nous n'avons pas à fournir de preuve car s'il fallait fournir des preuves au préalable, il n'y aurait pas eu de problème de thalidomide ou le problème serait resté entier.
Je répète en tant qu'agent de réglementation scientifique que c'est ce dont il est question. Toute la population est concernée. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées vont consommer ces produits et ils n'ont aucun choix. L'étiquetage ne servira à rien. Vous parlez de l'avenir. Le Dr Pollak a tout à fait raison lorsqu'il affirme que s'il disposait d'une preuve épidémiologique, nous n'aurions alors pas besoin de lui en tant qu'agent de réglementation scientifique, je dirais que nous avons une preuve.
Le sénateur Hays: Ce que vous dites est intéressant et utile. Permettez-moi d'enchaîner. Une solution consiste toujours à dire: «Laissez-moi décider, et n'écoutez pas les autres». Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Comment pouvons-nous le mieux rapprocher vos quatre opinions divergentes? Par exemple, il est maintenant pratique courante de renvoyer des questions à des groupes indépendants, qui vous donnent de l'information que vous ne pouvez pas obtenir à l'interne. Nous avons ici un dossier intéressant où il est question de la direction, de travaux de recherche concrets et de divergences d'opinions au sein de la Direction de la protection de la santé, etc.
Nous avons progressé dans ce dossier, et des tentatives ont été déployées pour résoudre le problème; cependant, il n'est toujours pas réglé, ou peut-être l'est-il. S'il a été réglé, je ne suis pas satisfait de la solution. Je me demande comment nous pouvons parvenir à concilier les opinions.
Dr Pollak: En réalité, aucun de nous quatre ne remet vraiment en question les données scientifiques. La science nous aide dans une certaine mesure, et peut-être que les scientifiques éprouvent de la difficulté parce que nous nous aventurons à l'extérieur de notre domaine. Comme d'autres l'ont dit, il n'y a pas de preuve que le produit est dangereux, mais il n'y en a pas non plus qu'il est inoffensif à long terme. C'est un rapport difficile. Je crois que nous avons un consensus. Je dirais qu'aucun de nous estime qu'il existe des preuves concrètes que ce produit est dangereux.
Ainsi, le problème n'est pas de nature scientifique ou technique. Il s'agit plutôt de déterminer comment la société devrait composer avec un risque jugé faible. Certains affirmeront qu'il faut être prudents et ne pas autoriser l'emploi de ce produit. C'est peut-être le meilleur point de vue. Cela revient à éviter le risque plutôt que d'interdire un produit toxique.
J'aimerais faire un dernier commentaire. Le dossier a pris une envergure internationale. Mon téléphone n'arrête pas de sonner. Il y a d'un côté les Européens, et de l'autre, les Américains, et les Canadiens pourraient bien avoir un rôle décisif à jouer. C'est un programme de grande envergure, et je suis désolé de dire qu'il ne se limite pas à la STbr. C'est une décision qui établira un précédent. On va continuer d'en entendre parler.
Le comité devrait peut-être envisager sérieusement la possibilité que le Canada joue un rôle de chef de file et qu'il rassemble les intervenants à l'échelle planétaire. Nous ne pouvons nous contenter d'affirmer que c'est un petit problème de STbr et qu'il nous faut rechercher une solution technique. Le problème, comme l'a dit M. Chopra, consiste à déterminer comment nous pouvons moderniser les politiques de gestion du risque régissant les aliments et drogues. Je crois que la FDA en a pris pour son rhume parce que nous avons tous mis au jour des faits qu'elle a négligés et qu'elle aurait au moins dû commenter. Le Canada pourrait peut-être rassembler les agents de réglementation ou les parties intéressées aux États-Unis et en Europe et leur dire: «Écoutez, il s'agit d'un nouveau problème. Peut-être que l'ancienne perspective simple qui nous a toujours guidés est très utile, mais il ne s'agit plus simplement de s'assurer que l'on n'ajoute pas de térébenthine à la viande. Ce n'est plus du simple frelatage à l'ancienne.»
Je crois que nous pourrions jouer un rôle prépondérant. Vous avez bien cerné le problème. Ce n'est pas comme s'il suffisait de trouver la pièce manquante d'un puzzle. En fait, votre comité reconnaît qu'il s'agit d'un nouveau genre de puzzle. Ce n'est pas un problème propre au comité, à la STbr ou au Canada; c'est un problème mondial qui a trait à la gestion des aliments.
Si nous étions en mesure de résoudre ce problème et de trouver une formule qui soit efficace, non seulement nous aurions réglé le problème réglementaire canadien de la STbr, mais nous aurions également résolu la question difficile de l'intégration de la biotechnologie et de l'agriculture à l'échelle mondiale. C'est une question beaucoup plus vaste que la question précise qui nous réunit ici.
Je recommande que nous fassions preuve d'un certain leadership.
Le sénateur Hays: Voilà une bonne suggestion.
Le vice-président: Docteur Pollak, nous de ce comité pensons que nous avons déjà fait preuve d'un certain leadership.
Dr Pollak: Allez plus loin. Je vous félicite. Je reconnais que c'est le cas.
Le sénateur Hays: Situons le CMEAA et le Codex Alimentarius dans leur contexte. Même si nous attirons un plus grand nombre d'intervenants, nous aurons toujours le même problème en ce qui concerne cette entente.
Je m'en tiens là.
Dr Pollak: Je vais laisser quelqu'un d'autre répondre.
Le vice-président: Je veux dire aux deux témoins de McGill et de McMaster qu'il y a plus d'un an, j'ai écrit à toutes les grandes universités qui à ma connaissance faisaient des recherches dans le domaine de l'agriculture. Deux d'entre elles m'ont dit de me mêler de mes oignons et ont parlé d'organisations subventionnées à 100 p. 100, etc. Cela ne m'a pas beaucoup plu. D'autres m'ont téléphoné pour me dire: «Nous ne pouvons pas vous dire combien de projets nous avons rejetés parce que nous n'aimions pas ce qui se faisait à cause des contraintes associées au projet de recherche». La recherche n'est pas indépendante comme elle doit l'être. Elle n'est plus indépendante comme elle l'était.
Nous parlons de nos bons scientifiques, comme l'a fait aussi le Dr von Meyer. Nous ne leur donnons pas la liberté d'être les bons scientifiques que nous voulons qu'ils soient. Comme il l'a dit, nous devons leur donner un financement accru. Il a parlé du Dr Dosch de Toronto qui a fait les recherches sur le diabète.
Le sénateur Hays: Deux autres témoins voulaient faire des commentaires. Si c'est possible, j'aimerais entendre ce qu'ils ont à dire.
Le vice-président: Je pensais que le président c'était moi.
Le sénateur Hays: Vous l'êtes, mais parfois, il vous faut écouter les membres de votre comité.
Le vice-président: J'ai probablement présidé à autant de comités que quiconque dans cette salle, et notamment le comité de l'agriculture qui avait 45 membres, 44 y compris le président et un président minoritaire à l'époque.
Sénateur Spivak, vous vouliez poser une question supplémentaire il y a environ 20 minutes.
Le sénateur Hays: J'en conclus que vous n'allez pas leur permettre de commenter?
Le vice-président: Vous pouvez conclure ce que vous voulez, je vais décider qui passera le premier.
Le sénateur Spivak: Je veux bien qu'ils fassent leurs commentaires avant que je pose mes questions.
Dr MacLeod: Brièvement, je pense que le Dr Pollak nous mène vers la question essentielle ici. La difficulté, c'est que nous comparons des pommes et des oranges.
Lorsqu'il est question de la Loi sur les aliments et drogues et de la réglementation des produits pharmaceutiques destinés aux animaux ou à l'homme, nous parlons de normes scientifiques reconnues à l'échelle internationale. En fait, malgré l'impression que vous pouvez tirer de la discussion, ces normes sont bien documentées et bien comprises. Il y a des normes de sécurité et il y a des normes scientifiques de probabilité qui sont générées par des méthodes bien reconnues.
Une conférence internationale sur l'harmonisation se penche sur cette question. Il n'y a pas grand désaccord entre la Communauté européenne, la FDA et les gouvernements du Japon, du Canada ou de l'Australie. S'il y a discussion toutefois, nous aurons probablement, dans un avenir rapproché, une norme internationale sur l'évaluation des drogues. Cela ne réglera pas le problème de la STbr, parce qu'en dernière analyse, l'évaluation scientifique conclura presque inévitablement qu'il n'y a aucune preuve de danger.
Cela ne signifie pas que le produit est parfaitement sûr. Cela signifie qu'avec les méthodes actuelles, il est impossible de démontrer qu'il y a danger. Il faut comparer avec toutes sortes d'autres produits, comme l'a souligné le Dr Pollak, qui sont d'utilisation commune et dont le danger est connu. Nous ne pouvons appliquer une norme injuste dans le cas de l'hormone de croissance bovine ou de tout autre produit biotechnologique semblable.
Cela dit, la question de l'analyse du risque représente un défi énorme. Je pense que vous avez commencé à aborder cette question dans le rapport que ce comité a publié le mois dernier. Vous y parlez du principe de prudence, etc. Voilà la question. C'est là que les valeurs entrent en ligne de compte. Quel niveau de risque êtes-vous disposés à accepter pour un produit qui, comme le dit le sénateur Spivak, n'a aucune valeur thérapeutique? Nous acceptons le risque à chaque fois que nous utilisons la pénicilline. Nous savons que ce médicament peut sauver la vie, mais nous savons également qu'il peut tuer. Toutefois, nous acceptons le risque à cause du bénéfice énorme. Dans le cas de l'hormone de croissance bovine, nous convenons tous que la société canadienne n'y trouve aucun avantage d'importance, sauf sur le plan économique, et certains le contesteraient. Cela modifie l'équation. Toutefois, la question porte sur les valeurs de la société et non pas, à mon avis, sur l'innocuité des drogues.
M. Hansen: Je ne partage pas tout à fait votre avis. Je reconnais qu'il n'y a aucune preuve, mais on n'a pas demandé au comité d'experts d'en fournir. On lui a demandé quels étaient les effets ou risques éventuels. Dans le résumé qui a été publié, il est dit qu'il n'y a aucun mécanisme plausible sur le plan biologique. C'est la citation que Monsanto a reprise partout. Évidemment qu'il y a un mécanisme plausible sur le plan biologique. Nous ne possédons pas suffisamment de données, voilà tout, et je ne comprends pas pourquoi le comité d'experts n'a pas tout simplement dit qu'il y a un problème potentiel. Nous ne pouvons évaluer son ampleur, parce que nous ne savons pas exactement combien de IGF-1 se retrouve dans le lait parce qu'on n'a pas répondu à ces autres questions. Il nous faut pouvoir y répondre avant de pouvoir quantifier le risque.
Les questions portent sur des potentialités. Aucun des critiques ne s'est présenté pour déclarer qu'il y avait preuve de problème. Lorsque vous n'autorisez pas un insecticide ou un autre produit, ce n'est pas parce que vous avez la preuve que c'est un agent de cancer ou d'autre chose. Si des effets se manifestent dans les animaux de laboratoire utilisés dans le processus d'évaluation réglementaire, on peut décider de ne pas autoriser le produit.
Ce rapport m'ennuie parce que Monsanto s'en sert partout et déclare que les rédacteurs du rapport ont dit qu'il n'y avait pas de mécanisme plausible sur le plan biologique, ce qui n'est tout simplement pas vrai.
Dr McLeod: Ce n'est pas cela. On y dit qu'il n'y a aucune raison plausible sur le plan biologique de craindre pour la santé des humains si on autorise la vente de la STbr au Canada.
M. Hansen: C'est ce qui est dit dans le résumé et on le cite hors contexte. Toutefois, dans vos conclusions, on constate que le comité a reconnu qu'il était très difficile de tirer des conclusions sur le potentiel de toxicité indirecte sur l'homme découlant de l'élevage généralisé d'animaux traités au IGF-1 et à la STbr. La connaissance médicale et scientifique continuera vraisemblablement à augmenter en ce qui concerne le IGF-1. Toutefois, le comité ne croit pas, dans l'état actuel des connaissances, qu'il existe une probabilité significative d'un effet toxique accru sur les humains provenant de la légère augmentation dans la concentration de IGF-1 observée dans le lait et les autres produits provenant des vaches traitées à la STbr.
On n'affirme pas qu'il n'y a pas de méthode plausible sur le plan biologique, on parle de ce que l'on sait actuellement fondé sur les concentrations observées dans le lait. Vous acceptez des données que vous n'avez pas examinées très attentivement. Regardez votre tableau des quantités de IGF-1 dans le lait. Ce ne sont pas les mêmes chiffres que dans les premiers articles.
Dr McLeod: Vous comprenez que l'on peut sortir les mots de leur contexte pour défendre les deux côtés de cet argument. Je crois que notre comité a affirmé très clairement que les données dont nous disposons aujourd'hui ne répondent pas aux critères reconnus permettant d'établir scientifiquement qu'il y a danger. Voilà ce que prévoit notre Loi sur les aliments et drogues.
M. Hansen: Ce n'est pas ce qui a été demandé.
Le sénateur Spivak: Passons au microniveau et laissons tomber le macroniveau pendant un instant.
Sur le plan scientifique, il ne peut être question ici d'états d'âme ou d'opinions politiques ou de quoi que ce soit de ce genre. Le comité de l'Union européenne a déclaré:
Les signes de risque laissent penser qu'il y a un lien entre les niveaux de IGF-1 circulant et une augmentation relative du risque du cancer du sein et de la prostate. En outre, il faut évaluer le lien possible sur la durée de vie de l'exposition à l'IGF-1 et aux protéines connexes présentes dans le lait des vaches traitées à la STbr, et la pathophisiologie de l'intestin surtout chez les bébés et les cancers de l'intestin.
Les données disponibles pour évaluer l'exposition [...] sont incomplètes.
Il s'agit de déterminer s'il faut effectuer d'autres études. On en est venu à la conclusion que oui, il le fallait, d'après le savoir scientifique et non pas l'opinion politique. Votre comité, le comité externe d'évaluation, a répondu que non, nous n'avions pas besoin de faire d'autres études.
Le sénateur Robichaud: Ils l'ont fait, dans deux recommandations.
Le sénateur Spivak: Oui, mais l'impression générale qui ressort c'est que nous n'en avons pas besoin.
Vous parlez, docteur Pollak, de gestion du risque. C'est tout à fait différent de l'évaluation du risque. Il me semble que vous avez des décisions à prendre, sur le plan scientifique et non politique, concernant les éléments qui ont une incidence sur la population et les produits chimiques qui imitent les hormones, peu importe que vous ayez recours à la gestion du risque ou à l'évaluation du risque. Voilà ce que je vous ai demandé au début. Il me semble qu'il ne convient pas d'avoir recours à la gestion du risque dans des domaines comme ceux-ci tant que vous n'avez pas fait une évaluation du risque.
Je le répète, ce n'est pas parce qu'il y a des centaines de produits chimiques dangereux sur le marché qu'il ne faut pas appliquer des normes d'évaluation du risque aux produits fabriqués à des fins commerciales. J'en parle parce que cette tendance augmente. Ce n'était pas le cas autrefois. Aujourd'hui, vous avez d'énormes entreprises qui se lancent dans les sciences de la vie et qui ciblent tous ces produits à des fins commerciales, ces produits qui sont des drogues, n'est-ce pas?
Il nous faut premièrement et avant tout examiner la chose sur le plan scientifique et non politique. Je vous demande donc, compte tenu de votre opinion scientifique sur la nécessité d'études approfondies que pensez-vous de la suggestion de l'Union européenne?
Dr Pollak: Je signale humblement que cette partie du rapport de l'Union européenne est fondée sur mon travail, sur mon travail et celui de mes collègues.
Le sénateur Spivak: La conclusion est différente de la vôtre.
Dr Pollak: L'Union européenne a également fait très attention en formulant cette déclaration. À mon avis, il est incontestable qu'il existe une relation entre le taux sérique du IGF et le risque de cancer. On ne dit pas dans le rapport qu'il y a une relation entre la somatotropine bovine et l'IGF-1 sérique.
Le sénateur Spivak: En effet. Toutefois, on y dit qu'il faut examiner la question plus avant.
Dr Pollak: Je reconnais qu'il faut en faire une étude plus approfondie.
Le sénateur Spivak: Voilà tout ce que demande le comité. Dans son rapport, notre comité n'a pas dit que la STbr représente un danger. Nous avons dit que les preuves sont suffisantes pour nous porter à croire qu'il faut examiner cette question plus avant.
Dr MacLeod: Nous partageons tous cet avis, je pense.
Le sénateur Spivak: À votre avis, est-ce la conclusion?
Dr MacLeod: Personne ne conteste la nécessité de recherches plus poussées.
Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que votre rapport, interprété correctement, favorise d'autres recherches?
Dr MacLeod: Je pense que la distinction à faire, c'est que notre rapport porte sur les obligations de Monsanto aux termes de la Loi sur les aliments et drogues. Nous avons conclu que l'information disponible actuellement répond aux normes de la loi. Le Dr Chopra peut le contester, Santé Canada peut le contester, toutefois nous avons conseillé à Santé Canada de respecter cette norme. Cela ne signifie pas que le produit répond aux normes scientifiques à tout jamais ou que nous n'aurons pas besoin d'en savoir plus long à ce sujet, au contraire.
Le sénateur Spivak: Voilà une observation intéressante. Si je comprends bien, il y a tout un ensemble de procédures courantes que Monsanto n'a jamais suivies, même si on le leur a demandé il y a déjà longtemps. Il y a quelque chose qui ne va pas; non pas du point de vue politique ou économique, mais du point de vue scientifique. L'entreprise ne s'est même pas conformée aux normes minimales.
Dr MacLeod: Le comité d'experts ne serait pas d'accord avec vous à ce sujet. Nous avons examiné le rapport d'analyse des écarts et avons décidé que la plupart des écarts étaient sans importance.
Le vice-président: Avant d'être nommé au Sénat, je faisais du lobbying contre Monsanto. J'étais probablement le seul lobbyiste à le faire, et je n'en tirais que de très maigres honoraires. Je le faisais parce que je croyais que Monsanto ne faisait pas suffisamment de recherche. Les responsables de Monsanto se sont servis de votre rapport avec ostentation, déclarant, essentiellement, que cela représentait pour eux un certificat de bonne vie et moeurs. Or, rien dans votre rapport ne justifie cette conclusion.
L'un de vos collègues a déclaré que je m'oppose à la biotechnologie. J'étais chargé au ministère de dépenser plus d'argent en recherche que toute autre entreprise au Canada. Nous avons mis au point beaucoup de bons procédés biotechnologiques.
Archer Daniels Midland déclare ne pas pouvoir expédier notre maïs ou notre soja en Europe. Ils n'acceptent que les cultures pour lesquelles nous sommes prêts à signer un affidavit affirmant qu'elles n'ont pas été génétiquement modifiées.
Dans l'ouest du Canada, nous transformons le canola en mauvaises herbes, parce que le Round-Up ne tue pas ces mauvaises herbes. Les semences tombent à terre et poussent sous forme de mauvaises herbes. Si vos voisins s'en servent et que vous n'en voulez pas dans vos plantes, vous en aurez de toute façon, parce que les abeilles les répandent.
Lorsque j'ai voulu passer au Codex, on ne m'a pas permis de le faire, parce que je ne suis pas un scientifique. J'ai été un conférencier à de nombreuses réunions scientifiques partout dans le monde.
Je ne comprends pas comment des universités qui obtiennent des fonds des grandes entreprises peuvent être indépendantes. Ce qui arrive dans ce domaine m'inquiète. Dans certaines régions, 90 p. 100 de nos cultures sont génétiquement modifiées.
M. Chopra: Le Dr MacLeod a dit qu'il n'y a pas de désaccord de ce côté de la table. Il est juste de dire qu'il n'y a absolument aucun désaccord entre le Dr Pollak et moi-même, mais il y a désaccord entre le Dr MacLeod et moi. Le Dr Pollak a dit que s'il avait l'avantage de 15 ou 20 années supplémentaires de données épidémiologiques, il pourrait dire quelle voie suivre. J'ai dit que, si nous avions ces données, nous n'aurions pas besoin du Dr Pollak. En ma qualité de responsable de la réglementation, avec ses connaissances scientifiques, je serais apte à prendre une décision.
D'une part, le Dr MacLeod dit qu'il faut plus de recherche. D'autre part, il déclare que cela n'est pas nécessaire. Je trouve très difficile de comprendre comment il peut affirmer que Monsanto a respecté la Loi sur les aliments et drogues. Je pense qu'il a tort, parce que la Loi sur les aliments et drogues établit des exigences très précises relativement aux études toxicologiques nécessaires, et ces études n'ont pas été effectuées.
Je constate des désaccords entre les deux témoins assis ici. L'un veut plus de données; l'autre dit que tout a déjà été fait. De mon point de vue de responsable de la réglementation, je trouve que deux membres du même comité d'experts m'envoient des messages différents.
Dr MacLeod: Je suis certain qu'il n'y a pas de désaccord réel entre le Dr Pollak et moi-même. Il faut faire la distinction entre la nécessité d'obtenir plus de données sur le facteur de croissance IGF -- et c'est là le fond de la question, le facteur de risque -- et la nécessité d'obtenir plus de données sur l'hormone de croissance recombinante bovine. Notre comité a simplement déclaré que, selon lui, rien ne justifiait de demander au parrain de ce produit de faire plus d'études sur la somatotropine bovine recombinante. Nous reconnaissons tous que nous aimerions être mieux renseignés au sujet de l'IGF-1, et nous le serons en temps opportun. Toutefois, il n'appartient évidemment pas à Monsanto de faire ce travail. Cette responsabilité incombe peut-être au Conseil de recherches médicales, aux instituts nationaux de la santé ou aux organismes équivalents de l'Union européenne, mais cette recherche n'est que très indirectement liée au produit en question. Je ne pense pas qu'il y ait la moindre absence de clarté dans la position adoptée par notre comité d'experts à ce sujet.
Le sénateur Spivak: Sauf que nous ne connaissons pas l'effet de la STbr sur les quantités d'IGF-1.
Dr MacLeod: Désolé de vous contredire, mais nous avons beaucoup d'informations. Nous savons que les variations du IGF-1, qu'elle provoque sont marginales, mais elles sont marginales comparativement au facteur de croissance de l'insuline endogène, que nous produisons tous. C'est ce que le comité d'experts a conclu: non pas que l'IGF-1 est sans importance, simplement que la STbr n'est pas un facteur important pour établir à quel facteur de croissance de l'insuline on risque d'être exposé.
Le sénateur Spivak: Quelle est la relation? Après tout, la STbr n'est pas la même chose que la STB naturelle.
Dr MacLeod: Il peut y avoir une différence d'un ou deux aminoacides.
Le sénateur Spivak: On dit que la différence peut aller jusqu'à neuf.
Dr MacLeod: Il y a plusieurs hormones de croissance recombinantes différentes qui ont été présentées à Santé Canada et à d'autres organismes aux fins d'homologation. La seule qui soit encore sur la table est le produit de Monsanto, mais il existe d'autres hormones de croissance. Toutefois, elles sont particulières à certaines espèces. L'hormone de croissance bovine n'a pas d'effet sur les humains, outre cette réaction allergique éventuelle qui, selon certaines personnes, prouve qu'elle n'est pas biologiquement inactive. Là encore, on coupe les cheveux en quatre. Elle est biologiquement inactive en ceci qu'elle n'a pas de récepteur avec lequel interagir.
Le sénateur Chalifoux: Comment pouvez-vous dire cela, docteur MacLeod, alors que nous recevons des rapports affirmant qu'il faut plus d'études et de recherches? Vous ne pouvez pas déclarer sans nuancer qu'il n'y a aucun problème; on sait qu'il n'y a pas suffisamment de recherches qui ont été effectuées et que les connaissances ne sont pas suffisantes.
Dr MacLeod: Je ne sais pas au juste auxquels de mes propos vous réagissez, mais l'on fait beaucoup de recherches.
Le sénateur Chalifoux: Oui, mais les recherches sont en cours; elles ne sont pas terminées. Je réagis à votre déclaration selon laquelle rien ne prouve qu'il y ait un problème. Rien ne le prouve pour la simple raison que la recherche n'est pas terminée. Il faut plus de recherches.
J'écoute tout cela depuis le début de la matinée et je suis sidérée. J'ai lu votre rapport. À un endroit, vous dites qu'on n'a besoin de rien faire de plus. À un autre endroit, vous recommandez que des éclaircissements soient apportés, pas de la recherche, des éclaircissements. Il faudrait y voir.
Nous ne parlons pas du marché mondial; nous ne parlons pas de recherches ni de normes mondiales. Nous parlons de l'effet de ces produits sur les êtres humains, et il y a insuffisance des recherches. C'est la conclusion que j'en tire, en ma qualité de profane.
Dr MacLeod: Je n'ai manifestement pas réussi à vous faire comprendre la distinction entre l'hormone de croissance bovine et l'IGF-1. Ce sont deux choses différentes.
Le sénateur Chalifoux: Toutefois, il faut que des recherches soient faites.
Dr MacLeod: Il faut que se poursuive la recherche sur l'IGF-1.
Le sénateur Spivak: À ce sujet, dans le rapport de l'UE, on dit qu'il reste à prouver que l'utilisation de la STbr modifiera le niveau de risque. C'est là la question.
Dr MacLeod: On pourrait dire cela à propos de pratiquement tous les produits dont la vente est autorisée au Canada, madame le sénateur. Cela ne distingue ce produit en rien des autres. Tous les médicaments pour lesquels un brevet autorisant la vente est octroyé sont assujettis à la même réserve au Canada.
Le sénateur Spivak: Mais vous traitez d'hormones.
Dr MacLeod: Beaucoup des drogues dont nous nous servons quotidiennement en médecine sont beaucoup plus dangereuses que celle-ci.
Le sénateur Spivak: Nous sommes donc dans de beaux draps.
Dr MacLeod: Non, nous ne sommes pas dans de beaux draps. Cela fait partie du processus scientifique. Nous étudions ces choses-là.
M. von Meyer: Je tâche de ralentir mon rythme cardiaque afin de pouvoir parler.
Le rapport du Dr MacLeod ne tient nullement compte du seul rapport biochimique au monde sur le lait entier à la somatotropine bovine donné à des rats; cette étude a été effectuée à Guelph. Elle révélait un effet statistiquement important sur le poids du foie. Lorsque, dans une série de données distinctes, on a mesuré la somatotropine bovine et l'effet de l'injection de la somatotropine bovine sur les poids fractionnés du foie et du thymus, on a réduit le poids du foie d'environ 20 p. 100. C'est donc un déclencheur. Si, dans une usine de produits chimiques, il y a un nouveau produit qui réduit le poids du foie des travailleurs, le président de la société ferait un ictus cérébral. S'il vous convoque ensuite et vous dit: «Pendant combien de temps avez-vous testé ce produit, MacLeod?» et que vous lui répondez: «Deux semaines», vous vous retrouveriez à Chicago, à chercher un emploi. Vous n'avez aucune donnée chronique et votre bon vieux rapport en minimise l'importance parce que je soupçonne que certains d'entre vous ont eu des conversations téléphoniques avec des types comme Kessler et ces autres gens là-bas dont nous essayons de nous débarrasser.
Le sénateur Robichaud: Je ne crois pas qu'il y ait lieu de faire un procès d'intention à qui que ce soit.
M. von Meyer: Veuillez m'en excuser.
Le sénateur Robichaud: Nous devons être justes.
M. von Meyer: Nous parlons depuis une heure avec le Dr Pollak du facteur de croissance de substances apparentées à l'insuline dans le sérum. Ce facteur peut être actif sur les cellules de la paroi intestinale sans circuler dans le sérum. Il lui suffit de se nicher contre une cellule épithéliale et de se fixer à sa surface. Vous le savez. Si une cellule mutante est prédisposée au cancer, le risque augmente. Comme le précisait le rapport de Science, entre le moment où l'IGF-1 passe de 0 p. 100 à 35 p. 100, le pourcentage de temps que vous avez pour atteindre la cellule qui renferme une mutation précancéreuse dans la paroi intestinale augmente de 35 p. 100.
Il y a une autre chose. Vous avez tous parlé de la fourchette de doses à l'état naturel. Quand vous ajoutez de la STb ou de l'IGF-1 dans le contexte de la production laitière, cela n'entre plus dans la fourchette. La substance s'ajoute au régime alimentaire selon la quantité contenue dans l'additif le jour où il est administré. Si une personne consomme du lait normal contenant 0 IGF-1, il y aurait une augmentation marginale normale. Ces substances ont un effet additif et c'est exactement de cette façon que nous réglementons les substances actives sur la thyroïde. Elles sont ajoutées aux substances anti-thyroïde.
Cela m'inquiète de voir qu'il existe des tests oraux statistiquement significatifs publiés par votre propre université et pourtant vos spécialistes de la santé ici n'en parlent pas. Pourquoi omettez-vous de mentionner ce document de recherche? Le voici. Voici les données. Pourquoi omettez-vous d'en parler?
Dr Pollak: Pendant que le Dr MacLeod prend connaissance du document, permettez-moi de vous dire que nous en sommes au microniveau qui est de la plus haute importance.
M. von Meyer: Celui qui explique comment on meurt.
Dr Pollak: Nous ne souhaitons pas une direction générale de la protection de la santé qui ne tienne pas tête aux grandes entreprises mal intentionnées. Toutefois, nous ne voulons pas que des cassandres viennent effrayer la population quand il n'y a rien à craindre.
Vous parliez de notre recherche. Attendez de mettre la main sur mon plus récent papier où nous démontrons que l'IGF-1 est lié au cancer colorectal. Muni de ces données, je suis le scientifique objectif.
M. von Meyer: Non.
Dr Pollak: Mes données sont utilisées par des gens qui s'opposent à Monsanto. Je veux m'assurer que ces données ne sont pas mal interprétées ou utilisées pour démontrer des choses qu'elles ne démontrent pas.
Permettez-moi d'en venir au point que vous avez soulevé. Vous dites que nous devrions contrôler très attentivement les niveaux d'IGF dans la paroi intestinale. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est très important.
C'est important parce que ces petites protéines, les IGF-1 dans la paroi intestinale, peuvent chatouiller les cellules de la paroi et provoquer leur croissance. Si elles sont précancéreuses, elles pourraient devenir cancéreuses, c'est vrai. Soyons bien clairs ici: nous ne parlons pas d'un effet de la STb mais bien des effets de l'IGF-1. Pourquoi parlons-nous de cela? Parce que le lait produit par une vache qui a reçu l'injection renferme probablement un peu plus d'IGF-1 que le lait normal. Je suis donc d'accord avec vous jusque-là. Je dois maintenant ajouter d'autres faits scientifiques qui seront fort intéressants, j'en suis certain.
M. von Meyer: Puis-je vous interrompre un instant?
Dr Pollak: Non, car je ne vous ai pas interrompu.
Voilà comment ça fonctionne. L'une des meilleures sources d'IGF-1 chez les gens normaux est le lait -- c'est-à-dire le lait non traité à la STb. La teneur d'IGF-1 dans le lait ordinaire, naturel, est assez considérable. Il pourrait s'agir de lait de vache ou de lait maternel. Le lait contient normalement de l'IGF-1. Ainsi, il ne faut pas être trop alarmiste et dire que le lait traité à la STb contient de l'IGF-1 qui pourrait interagir avec la muqueuse de la paroi intestinale et provoquer un cancer. Cela exige une réflexion poussée. Soyons rigoureux. Voyons les différences entre la teneur d'IGF-1 dans le lait traité à la STb comparé au lait régulier.
Je voudrais bien une explication scientifique du fait que certaines personnes ont encore moins d'IGF-1 dans leur paroi intestinale. Ce sont des gens qui ne consomment pas du tout de lait. Ceux qui ne consomment pas du tout de lait ont encore moins d'IGF-1 diététique. Je ne vous citerai pas de chiffres précis mais je veux que vous sachiez ceci: si vous ne buvez pas de lait, vous avez beaucoup moins d'IGF-1 dans votre alimentation. Si vous buvez du lait ordinaire, disons que votre teneur en IGF-1 atteint 100 p. 100. Si vous buvez du lait traité à la STb, alors la teneur atteint, peut-être, 110 p. 100. Je ne veux pas permettre la vente d'un produit dangereux et j'ai donc étudié des données qui tendraient à démontrer que les gens qui ne boivent pas de lait ont une faible incidence de cancer car ils ont la plus faible teneur d'IGF. Or, je n'ai pas pu trouver de telles données.
Le sénateur Spivak: Quels sont les autres facteurs?
Dr Pollak: Il y a de nombreux autres facteurs. Je vous parle tout simplement des traces dans la paroi intestinale.
Le sénateur Spivak: Cela ne veut rien dire.
Dr Pollak: La présence d'IGF-1 dans la paroi intestinale n'est pas uniquement attribuable à la STb. Cela se retrouve chez tous ceux qui boivent du lait.
M. Hansen: Mais ils ont un niveau accru. Vous venez de dire que c'est 10 p. 100; selon les données publiées dans l'article Science, que certains parmi nous contesterions, c'est 25 à 70 p. 100; et dans son mémoire à l'Union européenne, Monsanto a admis que la teneur pourrait être cinq fois plus élevée. Les premières données publiées faisaient état d'une teneur trois fois plus élevée après sept jours. C'est 300 p. 100, et pas 10 p. 100 ou encore de faibles teneurs. Voilà pourquoi vous devez connaître l'ampleur de l'augmentation. C'est ce que vous devez démontrer. Le fait est que c'est très difficile à mesurer.
Le sénateur Spivak: Nous n'avons même pas encore parlé d'antibiotiques.
M. von Meyer: J'ai écouté pendant une heure et demie sans dire un mot. Vous avez repris, presque verbatim, les arguments de la FDA aux États-Unis contre les tests de toxicité chronique. Voilà pourquoi dans mon exposé de ce matin j'ai mentionné le nombre de cas où nous nous sommes trompés pour avoir voulu faire des tests trop rapides, par exemple pour la fialuridene: cinq morts; Vacor, 20 morts. Maintenant c'est tout le secteur de la technologie qui demande qu'on omette de tels tests, et vous avez fait la même chose ici ce matin pendant une heure. Nous n'avons pas besoin de données sur la toxicité chronique, qui se trouvent dans ce rapport, tandis que les services d'épidémiologie en Belgique, en Allemagne et en Hollande disent: «Un instant. Ceux qui boivent trop de lait ont des problèmes». Le diabète a été lié à la consommation de lait. La Finlande a aussi testé des milliers d'enfants et a découvert des anticorps bovins.
Dr Pollak: Puis-je vous poser une question puisque vous m'en avez posé une?
M. von Meyer: Vous pouvez m'interrompre.
Dr Pollak: Croyez-vous, monsieur, qu'il y a une différence entre le lait traité à la STb et le lait régulier pour ce qui est des effets diabétogènes?
M. von Meyer: Je crois qu'il n'y a pas de données là-dessus. Je vais défendre le principe selon lequel on ne doit pas tester des aliments de consommation répandue quand on possède le genre de données que je vous ai fournies et qui démontrent un effet sur le foie d'un produit consommé par voie orale. Je vais combattre cela tant que je le pourrai et tant que j'en aurai les moyens. C'est tout.
Dr MacLeod: Puis-je lire pour le compte rendu la dernière phrase du sommaire de cette étude?
M. von Meyer: Le sommaire ne correspond pas aux données. Lisez les données en orange, s'il vous plaît.
Dr MacLeod: Les données oranges correspondent à la citation que vous a lue M. von Meyer. La phrase qui suit dit:
Les effets du lait provenant de vaches traitées à la STb ne différaient pas des effets du lait provenant de vaches non traitées après son ingestion par voie orale chez des rats ayant subi une hypophysectomie.
Ce sont des rats auxquels on a enlevé la glande pituitaire.
M. von Meyer: Pardon. Avez-vous lu les données?
Dr MacLeod: Je ne veux pas engager le débat sur cette question en particulier.
M. von Meyer: Je sais. Mais c'est de cela que dépend votre vie.
Dr MacLeod: Cet article est représentatif des milliers d'articles qui sont publiés à chaque année sur ce sujet. Nous en avons examiné un bon échantillon dont bon nombre comme celui-ci. Je n'ai pas souvenir de cet article en particulier. Aucun des membres de mon groupe ne nierait l'intérêt biologique exceptionnel de cette étude. Or, nous tentons de faire la distinction entre cela et ce que nous considérons pertinent à la réglementation des drogues, à savoir s'il existe des données scientifiques qui permettraient au gouvernement canadien d'interdire sans état d'âme la vente de STbr. C'est la question qu'on nous a posée. C'est la recommandation que nous avons faite.
Je suis tout à fait offusqué qu'on me dépeigne comme étant opposé à des recherches plus poussées sur cette importante question. J'ai passé ma vie entière à faire de la recherche. J'ai été doyen d'une école de médecine. Nous vivons et nous mourons en faisant de la recherche. Nous ne nous engageons pas normalement dans des débats scientifiques où nous tirons de façon sélective certaines phrases d'études scientifiques devant un groupe comme celui-ci.
M. Chopra: J'aurais un bref commentaire ou une question pour le Dr MacLeod. Sa lettre au groupe de Toronto disait que les mémoires de gens de l'extérieur, de scientifiques peut-être, avaient aussi été analysés. Qui sont ceux qui ont présenté des mémoires au groupe d'experts médicaux?
Le vice-président: Avant que vous ne répondiez à la question du Dr Chopra, j'aimerais vous poser une question. Vous avez été interviewé par de nombreux fonctionnaires de Santé Canada. Pourquoi ne vous êtes-vous pas adressé au Dr Chopra et à quelques-uns des scientifiques? Vous l'a-t-on interdit?
Dr MacLeod: Certainement pas. J'aimerais revenir au commentaire fait par le Dr Hansen. Il a cité le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada qui aurait dit que nous ne sommes pas un comité du Collège royal. Je soupçonne qu'il entendait par là que nous ne sommes pas un comité permanent. Le Collège royal est une organisation professionnelle complexe, comme vous le savez, et qui compte de nombreux comités. Nous étions un comité spécial du Collège royal créé manifestement en réponse à une requête de Santé Canada. C'est indéniable. Toutefois, nous n'étions certainement pas un comité du Collège royal.
Ainsi, nous avions les coudées franches et nous pouvions en toute indépendance faire ce que bon nous semblait. Lors de notre première réunion, nous avons examiné l'opportunité de lancer une invitation générale à d'éventuels témoins et de tenir des audiences comme celle que vous tenez ici. À tort ou à raison, nous avons décidé de procéder autrement. Nous avons lancé un appel pour la présentation de mémoires. Tout au long de cet été-là, j'ai reçu de nombreux appels de gens et de groupes intéressés dont le Metro Toronto Food Council. Je leur ai répondu à tous qu'ils pouvaient se sentir bien libres de soumettre un mémoire au comité.
M. von Meyer: Quand ont eu lieu les réunions du comité?
Dr MacLeod: Le comité s'est réuni pendant plusieurs mois à compter du mois de juillet de l'an dernier.
Le sénateur Spivak: Je ne vois pas au juste quelle est à votre avis la procédure scientifique appropriée pour l'analyse des produits biotechnologiques. Croyez-vous qu'il y a plus d'une procédure possible? Nous ne parlons pas de politique ici, sujet que je comprends bien.
Je pose la question parce qu'il me semble qu'on propose une forme de gestion du risque. Voilà ce qui me préoccupe. Je ne sais pas si c'est approprié.
Quelle est à votre avis la procédure scientifique appropriée, sans entrer trop avant dans un débat qui pourrait être épouvantable?
Dr MacLeod: Vous avez raison, je crois. La véritable question ici ce n'est pas, comme vous l'avez dit il y a quelques instants, la gestion du risque mais plutôt l'analyse ou l'évaluation du risque. On ne peut pas gérer le risque sans l'avoir d'abord cerné. L'un des problèmes que nous avons c'est que nous connaissons avec certitude la nature du risque. Toutefois, il en va de même de nombreuses autres substances autres que le facteur de croissance de substances apparentées à l'insuline.
Par conséquent, toute initiative législative au Canada devrait porter sur l'évaluation du risque et la gestion du risque. Ce serait peut-être un rôle nouveau ou élargi pour la Direction générale de la protection de la santé. Cela se trouve implicitement dans les documents qui décrivent la direction générale. Toutefois, comme vous le savez sans doute, la Direction générale de la protection de la santé n'a tout simplement pas les ressources humaines ou financières voulues pour s'acquitter d'un tel mandat.
Si vous entreprenez de faire l'analyse des risques, que cela concerne les médicaments, les tremblements de terre, les éruptions de volcans, ou quoi encore, il faut pouvoir faire appel à des ressources scientifiques.
Le véritable défi c'est que nous ne possédons pas actuellement de telles ressources scientifiques. Il ne s'agit pas que du gouvernement canadien; je ne crois pas que nous ayons dans nos universités les ressources scientifiques voulues. Il y a très peu d'institutions qui, dans le cadre de leur mandat, ont ciblé leurs efforts sur l'analyse du risque ou sur la gestion du risque. Il y a une terrible pénurie de personnels qualifiés capables d'entreprendre un tel travail. Je dis cela, étant de McMaster, université qui possède probablement plus de ressources que la plupart des autres établissements universitaires.
Le vice-président: J'aimerais vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. Je ne sais pas si je suis mieux renseigné que je ne l'étais avant. J'ai toujours de sérieuses réserves à l'endroit de ce produit. Je suis renversé et outré de voir que nous tenons un si long débat sur un produit inutile dont nous n'avons pas besoin dans notre société.
Nous allons poursuivre nos efforts pour obtenir que soient réalisés les essais et la recherche nécessaires pour dissiper certains des doutes qui persistent.
Comme l'a dit le Dr Pollak, ou l'un de nos autres témoins, dans la société moderne, on semble vouloir tout miser sur la taille et vouloir imposer des choses aux gens sans tenir compte de leur intérêt.
Le président du comité et moi-même avons reçu plus de 1 400 lettres de Canadiens des quatre coins du pays. Bon nombre d'entre eux nous ont dit qu'ils n'avaient jamais vu l'utilité du Sénat mais qu'ils tenaient à féliciter le comité de son excellent travail. Nous n'avons pas reçu une seule lettre de reproches. Vous pourriez presque nous appeler des héros. Nous ne nous voyons pas comme des héros. Nous sommes des parlementaires soucieux de faire un bon travail pour la société que nous représentons.
Dr Pollack: J'aimerais mentionner l'un des plus importants thèmes ici, si vous me permettez de compléter l'histoire de la réglementation faite par le Dr Chopra. Il a décrit les sauts qu'ont dû faire les instances de réglementation pour ne pas se laisser distancer par les progrès technologiques à l'époque de la térébenthine. Nous sommes là aujourd'hui en partie en raison du bond en avant que prend l'industrie des biotechnologies. Il serait bon que le comité insiste sur la nécessité pour les instances de réglementation d'être plus sophistiquées si elles veulent réglementer ces nouvelles activités. Nous ne pouvons pas attendre de ceux qui étaient chargés d'approuver ou d'interdire des médicaments comme la pénicilline qu'ils sachent quelle est la bonne décision à prendre pour ce nouveau genre de produit. Nous devons fournir aux instances réglementaires les outils dont elles ont besoin pour relever ces nouveaux défis.
Le vice-président: Il y a deux ans, en février, j'ai été un exemple parfait de l'utilisation des biotechnologies à bon escient. Ma vie a été sauvée à l'Hôpital universitaire de London où l'on m'a soigné pour un anévrisme disséquant de l'aorte. Je circule maintenant avec un bout de tuyau en plastique. J'ai dit au premier ministre que Dieu m'avait permis de vivre pour que je puisse lui servir de conscience et servir de conscience aux sociétés comme Monsanto.
La séance est levée.