Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 9 - Témoignages pour la séance du matin
CALGARY, le mercredi 18 février 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures afin de poursuivre son étude des dispositions sur la régie contenues dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (anciennement le projet de loi C-2).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Comme premier témoin, nous accueillons ce matin M. Mark Milke du Bureau régional de l'Alberta de l'Association des contribuables canadiens.
Merci de votre présence ici ce matin, monsieur Milke.
M. Mark Milke, Association des contribuables canadiens: Merci de m'avoir invité.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas la Fédération des contribuables canadiens, permettez-moi de commencer par vous expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons.
La Fédération des contribuables canadiens a été créée en Saskatchewan en 1989 et a maintenant des bureaux dans cinq capitales provinciales ainsi qu'un bureau fédéral à Ottawa. Nous sommes un organisme à but non lucratif, libre de toute affiliation politique ou institutionnelle. Ni moi-même, ni les autres directeurs, ni les membres du conseil d'administration de la fédération ne peuvent appartenir à un parti politique.
La fédération tente d'informer les contribuables du rôle que le gouvernement joue dans leur bien-être économique, de promouvoir une réforme fiscale et démocratique responsable, de défendre les intérêts communs des contribuables et de mobiliser les contribuables afin qu'ils exercent leurs responsabilités démocratiques. La fédération est financée, à part entière, par les contributions de plein gré de plus de 70 000 partisans partout au pays dont environ 25 000 en Alberta.
Pour vous montrer depuis quand nous nous intéressons au Régime de pensions du Canada, permettez-moi de vous dire que la fédération a présenté au comité gouvernemental tripartite qui revoyait le Régime de pensions du Canada en 1996 une proposition dans laquelle nous évoquions la mise en place progressive d'un régime d'épargne-retraite obligatoire fondé sur le modèle chilien. En novembre 1997, nous avons publié notre étude sur l'incidence fiscale du projet de loi C-2, soulignant la différence entre les taux de cotisation de 1996 projetés de 1997 à 2003 et les taux de cotisation proposés aux termes du projet de loi C-2. Nous avons utilisé 1996 comme année de référence puisque le projet de loi proposait une augmentation rétroactive pour 1997. L'écart entre les taux de cotisation constants de 1996 et les modifications -- maintenant adoptées -- revient à 47,8 milliards de dollars sur ces six années. En novembre, nous avons publié notre option révisée proposant encore une fois un régime d'épargne-retraite obligatoire.
En décembre de l'an dernier, notre directeur fédéral, M. Walter Robinson, a comparu devant le comité plénier du Sénat, immédiatement après M. Paul Martin, expliquant pourquoi, à notre avis, il ne fallait pas adopter le projet de loi C-2.
Puisque le projet de loi C-2 a été adopté, nous respectons la décision du Parlement. Nous allons toutefois continuer à insister pour qu'on apporte des réformes systémiques au Régime de pensions du Canada. Dans l'intervalle, nous vous faisons part de nos propositions sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.
À notre avis, les questions importantes sont: le savoir-faire dans la gestion des sommes confiées à l'office, l'imputabilité, la transparence et l'impartialité. Par nos recommandations aujourd'hui, nous tentons de dépolitiser, à tous les égards, la gestion du Régime de pensions du Canada. Les contribuables doivent être convaincus que leur argent sera investi prudemment -- indépendamment des questions politiques à l'ordre du jour ou des tocades de fonctionnaires ou de membres bien placés d'un parti politique.
Nous vous exhortons à considérer nos recommandations dans cette optique. Elles maintiennent une reddition de comptes au Parlement tout en empêchant les gouvernements actuels et futurs de s'ingérer dans les décisions de l'Office d'investissement du RPC. Nos recommandations maintiennent le droit du ministre des Finances de recommander les personnes qu'il considère aptes à faire partie de l'office d'investissement, mais incluent également la participation d'autres parlementaires dans le processus. Si le caractère acceptable des membres de l'office proposés était contesté, nos recommandations donnent au ministre une autre possibilité de proposer des candidats qui seront considérés acceptables par la majorité des membres siégeant au comité de surveillance.
Nos recommandations établissent clairement l'objectif que doit viser l'office d'investissement -- un taux de rendement maximum en fonction d'un niveau de risque acceptable et clairement défini, c'est-à-dire minime.
Il faut, à notre avis, mettre en place des mesures de protection afin de préserver l'intégrité de l'office d'investissement et son indépendance face à l'ingérence politique et bureaucratique. Par ailleurs, ces mesures doivent maintenir l'imputabilité de l'office et son accès au Parlement et, en fin de compte, aux citoyens du Canada.
Ce n'est pas critiquer les députés, quels qu'ils soient, que de demander que l'on mette en place à l'avance des mesures de protection bien définies et claires. On ne sait jamais ce que nous réserve l'avenir et le régime que nous avons hérité des Britanniques reconnaît l'importance de la règle de droit pour cette même raison.
Nous recommandons donc d'abord la création d'un comité parlementaire de surveillance. Nous recommandons la création d'un comité parlementaire plénier pour surveiller l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Ce comité devrait être constitué de représentants élus uniquement, en proportion du nombre de sièges des partis à la Chambre des communes.
Nous recommandons que le comité se prononce par scrutin sur la nomination de chacun des membres de l'office d'investissement, en fonction des recommandations du gouvernement et des partis d'opposition. Nous recommandons que la candidature de chacun des membres de l'office soit approuvée par les deux tiers des membres de ce comité composé de représentants de tous les partis. Une majorité des deux tiers est préférable à un vote unanime puisque ce genre de vote en fait donne à chaque membre du comité de surveillance un droit de veto.
Une majorité des deux tiers des voix apparaît préférable à une majorité simple de 50 p. 100 des membres du comité plus un puisque la majorité simple peut entraîner des prises de position partisanes. Le parti qui détient la majorité des sièges à la Chambre des communes aurait évidemment la majorité au sein du comité de surveillance.
L'avenir du Régime de pensions du Canada et de ses investissements est trop important pour être lié à des positions publiques ou à des arguments partisans des partis en place. Une décision prise par une majorité des deux tiers des membres nous assurerait que les personnes nommées à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada ne détiennent pas seulement la confiance de la simple majorité des députés. Une telle confiance sera essentielle aux activités et fonctions de l'office.
Il se pourrait que le comité rejette plusieurs candidatures proposées ce qui ne donnerait pas le nombre minimum requis de membres à l'office. Dans une telle situation, nous proposons que le comité soit obligé de présenter une requête au gouvernement et aux partis d'opposition pour obtenir des mises en candidature supplémentaires jusqu'à ce qu'un nombre suffisant de celles-ci soit approuvé par le comité plénier.
Nous recommandons également que l'on donne le pouvoir au comité de destituer un membre de l'office d'investissement si les deux tiers des membres du comité de surveillance jugent une telle mesure nécessaire et votent en ce sens. Nous recommandons que toutes les décisions et votes du comité plénier soient rendus publics.
Notre deuxième recommandation porte sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Nous recommandons de ne nommer à l'office que des conseillers en placement expérimentés dont les qualifications sont équivalentes -- ou supérieures -- à celles exigées par les grandes sociétés de placement, les firmes de conseillers en bourse et les sociétés privées de fonds mutuels.
Nous recommandons qu'on ne nomme à l'office aucun député actuel de la Chambre des communes, d'une assemblée législative, d'un gouvernement territorial ou municipal ni de tout autre organisme public au Canada. Nous recommandons de ne nommer à l'office aucun membre actuel de quelque niveau que ce soit de la fonction publique. Nous recommandons également qu'aucun membre de l'office d'investissement n'appartienne à un parti politique pendant qu'il est à l'office.
Notre troisième recommandation porte sur les limites des investissements. À notre avis, le premier et seul objectif du gestionnaire du fonds doit être d'obtenir le taux de rendement maximum pour les deniers publics. Dans la réalisation de cet objectif, il faut tenir compte de la nécessité d'investir prudemment, puisque les fonds recueillis ne sont pas donnés volontairement au gouvernement. Il faudrait assumer le minimum de risque tout en acceptant certaines fluctuations dues à l'instabilité du marché.
Nous recommandons que les placements faits par l'office soient circonscrits étroitement en fonction d'une série de critères écrits prédéfinis qui précisent exactement ce qui constitue et ne constitue pas un risque acceptable. Il faut que de tels critères soient clairs, sans ambiguïté et évaluables de façon objective. Il serait utile, prudent et essentiel de faire une comparaison avec les normes du secteur privé et les diverses catégories de risques qui y sont utilisées.
Puisque l'objectif du fonds doit être de maximiser le rendement tout en maintenant le risque à un niveau acceptable, nous recommandons de n'imposer aucune contrainte de contenu étranger préétabli. L'objectif de maximiser le rendement du fonds tout en ne courant qu'un risque acceptable ne doit pas mettre le fonds à la merci d'une ou de plusieurs des limitations naturelles des marchés boursiers. On peut présumer que les placements serviront essentiellement à l'achat d'actions de sociétés canadiennes, mais on ne doit limiter d'aucune façon la capacité de l'office d'investir prudemment.
Exiger que l'office n'investisse qu'uniquement ou surtout dans des actions de sociétés canadiennes ou des obligations canadiennes signifie que l'on pourrait, un jour, songer à investir dans des titres qu'on ne considérerait pas autrement. Exiger que l'office ne puisse investir là où le dicterait la prudence, revient à éliminer ce qui devrait être le premier et seul objectif, a savoir maximiser le rendement tout en s'en tenant à un risque acceptable. En outre, en ce qui concerne les placements au Canada même, les mêmes critères devraient s'appliquer. Les décisions à ce sujet doivent reposer uniquement sur ce même objectif conformément à des critères clairement établis.
Dans ses choix d'investir uniquement dans une région ou une autre, cette année ou l'an prochain, en partie ou pas du tout, l'office doit se soucier de faire un placement sûr et de ne pas se fonder sur des préférences ou des griefs régionaux ou partisans. L'argent du régime de pensions à investir appartient à tous les Canadiens, et l'objectif de maximiser le rendement doit être la principale préoccupation. Les membres de l'office devraient avoir le droit d'en appeler aux membres du comité de surveillance relativement aux questions qui les touchent.
Notre quatrième recommandation vise l'accès qu'aura le vérificateur général à l'office et la position de l'office à cet égard. Nous recommandons de donner au vérificateur général un accès inconditionnel au procès-verbal, aux délibérations et aux décisions du comité plénier. On doit lui donner le même accès au procès-verbal, aux délibérations et aux décisions de placement de l'office d'investissement. Tout en jouissant de cet accès absolu, le vérificateur général devra limiter ses conseils et commentaires aux activités de l'office sur le plan de la procédure, de la technique et de la comptabilité sans toucher aux questions liées aux placements. Le vérificateur général présentera ses constatations au Parlement, au moins à tous les ans. L'office d'investissement devra répondre à chaque recommandation ou critique précise du vérificateur général dans les quatre mois suivant la réception de ces recommandations par le comité plénier et le Parlement.
Notre cinquième et dernière recommandation porte sur la Loi sur l'accès à l'information. Nous recommandons que toutes les activités du comité de surveillance et de l'office d'investissement soient rendues publiques et soient également assujetties à la Loi sur l'accès à l'information.
On évalue à 150 milliards de dollars dans 15 ans le fonds de pension -- environ la même chose que le budget fédéral de cette année. Le Parlement manquerait à ses devoirs, au possible, s'il n'ordonnait pas qu'une telle somme et les décisions qui la touchent soient divulguées à l'ensemble de la population à qui des comptes sont rendus. Après tout, cet argent appartient aux contribuables canadiens et doit être considéré sous cet angle.
En résumé, nous proposons qu'un comité plénier soit mis sur pied pour surveiller la création et les activités de l'office d'investissement et que les conseillers de l'office soient des professionnels du secteur privé. De plus, le seul objectif de l'office d'investissement doit être de maximiser le rendement tout en respectant des niveaux acceptables de risque, c'est-à-dire minimes. Le vérificateur général doit avoir un accès inconditionnel à l'office et il faut que le comité plénier et l'office d'investissement soient assujettis à la Loi sur l'accès à l'information.
Honorables sénateurs, nous préconisons fortement la mise en place de mesures de protection afin de sauvegarder le régime de pensions des contribuables canadiens.
Le président: Permettez-moi de dire que nous partageons tous vos objectifs; je ne pense pas qu'il y ait le moindre litige à ce sujet. J'ai quelques questions et j'aimerais obtenir quelques précisions.
En ce qui concerne votre recommandation sur les membres, pour votre gouverne, la loi interdit déjà explicitement vos deuxième et troisième points -- tout député actuel de la Chambre des communes ou d'une assemblée législative, et cetera. La loi interdit aussi explicitement de nommer toute personne qui travaille actuellement pour un gouvernement; on respecte donc déjà vos deuxième et troisième exigences.
En ce qui concerne le premier point -- vous dites qu'il serait souhaitable de ne nommer à l'office que des personnes qui connaissent les marchés des fonds d'investissement. Nous avons discuté hier avec des représentants de deux des principaux régimes de pensions, les enseignants de l'Ontario, qui ont le plus gros régime du pays et les employés municipaux de l'Ontario, dont le régime est le quatrième ou le cinquième en importance. À leur avis, il ne faut pas que des spécialistes du placement. Il faut un mélange de talents; certains qui connaissent le monde du placement, certains qui comprennent les aspects juridiques et d'autres qui comprennent le vaste intérêt public.
Vous vous êtes limités en disant que les seules personnes admissibles devraient déjà travailler dans le secteur des placements. C'est ce que donne votre proposition. Tout conseiller expérimenté dont les qualifications sont équivalentes à celles exigées par les principales sociétés de placement travaille probablement dans une grande firme de placement ou y travaillait avant sa retraite. C'est ce que je dirais.
Tout en admettant la nécessité de posséder de l'expérience, c'est le mot «seulement» qui m'étonne. Je comprends que vous souhaitiez peut-être que la majorité ait une expérience des placements. S'il y avait à l'office un groupe dominant qui possédait cette expérience, toutefois, quelles autres qualités rechercheriez-vous chez les membres de l'office?
M. Milke: Nous voulions par cette recommandation nous assurer que lorsque viendra le moment d'investir, les responsables auront de l'expérience dans ce domaine. Évidemment, il faut des opinions juridiques; un avocat qui n'est pas nécessairement spécialisé dans telle ou telle action ferait bien l'affaire. Ce serait nécessaire, et nous l'avons présumé.
Le président: Par conséquent, bien qu'une expérience des placements soit une des principales exigences vous seriez prêts à admettre une certaine souplesse.
M. Milke: L'important, c'est que nous évitions les nominations politiques.
Le président: Cela m'amène à votre dernier point. Je comprends que vous ne souhaitiez pas que l'appartenance à un parti politique constitue le seul critère de nomination. Par ailleurs, il y a un grand nombre de personnes talentueuses au Canada qui appartiennent à un parti politique ou à un autre. À vrai dire, la plupart des intervenants dans le milieu au Canada appartiennent à un parti politique. Vous voulez les exclure?
M. Milke: Dans notre organisation, les administrateurs actuels et les membres actuels du conseil d'administration doivent abandonner leur affiliation politique pendant qu'ils occupent leurs postes.
Le président: Donc, les gens peuvent faire partie de votre organisation tout en appartenant à un parti. Lorsqu'ils se joignent à l'exécutif toutefois, ils doivent cesser d'être des membres actifs d'un parti pendant ce temps?
M. Milke: Exactement. C'est ce que nous préférerions.
Le sénateur Austin: Est-ce parce que votre fédération est à caractère charitable?
M. Milke: En fait, nous ne sommes pas un organisme à caractère charitable.
Le sénateur Austin: Ah non? Vous êtes à but non lucratif?
M. Milke: Nous sommes à but non lucratif. Nous ne sommes pas considérés comme un organisme de charité parce que nous sommes un groupe de défense des droits.
Le président: Nous ne forçons pas ceux qui administrent Centraide d'abandonner leur affiliation politique.
Le sénateur Tkachuk: Il n'y a aucune exigence.
Le président: Ce n'est pas à cause du caractère charitable. C'est que vous ne pouvez pas être une organisation politique et détenir le statut d'organisme de bienfaisance.
Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a la Charte des droits et la liberté de participer à la vie politique est l'une des libertés dont nous jouissons dans ce pays. Si le projet de loi interdisait l'appartenance à un parti politique -- je pense que le ministre de la Justice hésiterait à inclure une telle disposition.
Le président: N'oublions pas que les membres de la magistrature n'ont pas le droit d'appartenir à des partis politiques. Une fois nommés, ils doivent abandonner leur affiliation politique.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense qu'il faut faire une distinction entre le comité de placement qui sera composé de spécialistes et d'analystes financiers et l'office d'investissement. L'office va formuler la politique, donner le ton; le comité de placement va faire les analyses et placer l'argent conformément à la politique. Il nous faut faire une distinction entre les membres du conseil d'administration et ceux qui finalement sont des analystes financiers et des spécialistes.
Le sénateur Kenny: Monsieur Milke, qu'est-ce que c'est qu'un comité parlementaire plénier?
M. Milke: D'après ce que je sais du vocabulaire fédéral, il s'agit d'un comité constitué expressément pour surveiller quelque chose.
Le président: Il parle d'un comité spécial.
Le sénateur Kenny: Je pense que vous parlez soit d'un comité permanent ou d'un comité spécial. Si vous voulez un comité plénier...
Le président: Ce qui est proposé, c'est un comité composé de députés de tous les partis.
Le sénateur Kenny: Je comprends, mais si vous parlez d'un «comité parlementaire plénier», celaa n'existe pas.
M. Milke: J'ai été mal renseigné.
Le sénateur Kenny: Pourquoi particulièrement les deux tiers?
M. Milke: Dans notre proposition, le comité de surveillance se prononcerait par vote sur chaque candidature à l'office d'investissement et au comité de placement. Si le gouvernement est majoritaire à la Chambre des communes, la majorité des membres au comité de surveillance viendrait manifestement du parti ministériel. Dans ce cas, il ne sert pas à grand-chose de tenir un vote s'il suffit de 50 p. 100 des voix plus une. Le ministre des Finances actuel et les ministres futurs, je vous le fais respectueusement remarquer, jouiraient d'une influence indue. Toutefois, en exigeant les deux tiers des voix, les partis d'opposition auraient un mot à dire et il faudrait beaucoup de confiance dans le candidat. Notre objectif vise à promouvoir cette grande confiance ainsi que de nous assurer que le processus met de côté la partisanerie.
Le sénateur Kenny: Toutefois, un parti minoritaire pourrait entraver le processus. Vous créez un système où le Bloc, par exemple, ou le Parti réformiste pourraient freiner tout le processus ou le contrôler.
À mon avis, dans une démocratie, nous nous fondons sur les 50 p. 100 plus une voix. Je pense qu'on peut tenir compte de certaines circonstances spéciales; si l'on modifie la Constitution ou quelque chose de très important, on pourrait vouloir plus que 50 p. 100 plus une voix.
Mais est-ce que cette activité est si spéciale? Si vous songez à ce comité par exemple, s'il fonctionne à la majorité, comme tous les autres comités parlementaires, ce sera 50 p. 100 plus une voix. Pourquoi faire une distinction entre ces comités et les autres comités parlementaires?
M. Milke: Permettez-moi de vous faire remarquer que ce comité pourrait éventuellement gérer 150 milliards de dollars de deniers publics. À mon avis, cela le démarque considérablement.
On peut renverser ces mêmes arguments. Il ne sert à rien d'avoir un comité où les partis d'opposition proposent des candidatures si le comité est contrôlé, influencé par le parti ministériel.
Si l'on adopte la règle des deux tiers, un parti minoritaire pourrait jusqu'à un certain point entraver le travail du comité. Par contre, si l'on prend l'autre option, soit 50 p. 100 plus une voix, les députés du gouvernement pourraient tout simplement adopter à toute vitesse certaines mesures.
À notre avis, une exigence des deux tiers offre un équilibre, raison pour laquelle nous n'avons pas non plus préconisé le vote à l'unanimité qui, à toutes fins utiles, donne à chaque membre du comité un droit de veto, ce qui serait à notre avis une erreur; on se retrouverait justement alors dans la situation dont vous avez parlé. Avec les deux tiers, nous avons un équilibre.
Le sénateur Kenny: Je comprends, mais il y a des comités parlementaires qui adoptent, par vote, toutes les dépenses gouvernementales, et ce, à 50 p. 100 des voix plus une. Les partis d'opposition à Ottawa peuvent faire beaucoup de fracas lorsqu'ils n'aiment pas quelque chose; certains partis amènent des mariachis ou que sais-je encore, et attirent beaucoup l'attention du public. Les partis d'opposition peuvent jouer un rôle très efficace lorsqu'ils n'aiment pas la façon dont le gouvernement fait les choses.
Il me faudrait entendre un argument qui a plus de poids pour me convaincre d'appuyer l'idée d'une majorité des deux tiers. Je serais plus que disposé à entendre un tel argument, maintenant ou plus tard. Je vais maintenant passer à mon prochain point.
Au point de la recommandation 2, vous recommandez que les qualifications soient équivalentes ou supérieures à celles exigées par les grandes sociétés de placement. Je ne connais pas ces normes, et même si c'était le cas, je ne sais pas comment je pourrais les évaluer.
Afin de gagner du temps, je vais poser ma troisième question qui porte sur l'appartenance à un parti politique. Je comprends vos préoccupations, mais en demandant aux gens de renoncer à leur appartenance à un parti, on semble en faire des membres inavoués d'un parti.
Vous dites que les membres de votre conseil d'administration n'ont aucune affiliation politique. Tous vos membres toutefois ont des opinions politiques et je pense que ce serait beaucoup plus transparent et honnête de dire: «Je suis un libéral» ou «Je suis un réformiste», selon le cas. On peut alors les juger comme il se doit, par leur comportement et par leurs paroles.
Vous semblez en faveur de la transparence dans de nombreux autres domaines, mais vous manquez de suite dans les idées si vous demandez aux gens de prétendre, pendant une certaine période, ne pas avoir d'opinions politiques, ne pas être membres d'un parti politique; nous restons ainsi sur notre faim. Je préfère dire à quelqu'un: «Je suis membre en règle de tel ou tel». Je peux alors voir comment cette personne va se comporter, et me comporter en conséquence. Si vous aviez des commentaires à faire à la suite de mes remarques, j'en serais heureux.
M. Milke: Je vais commencer par la fin. Dans notre organisation, nous ne cachons pas l'appartenance politique antérieure de nos administrateurs. Dans le cas du comité en question, c'est un geste symbolique que chaque membre du conseil d'administration devrait faire. On montre ainsi que ce sont les intérêts du pays qui passent d'abord; les intérêts du régime de pensions passent avant les tendances politiques ou toute autre considération. Nous tenons respectueusement à le recommander.
Les membres du conseil d'administration auront des opinions politiques, cela va de soi, et nous ne leur demandons pas de les cacher, ni de prétendre ne pas en avoir.
Le sénateur Kenny: À l'exception éventuelle des fonctionnaires, chaque personne assise autour de cette table est membre en règle d'un parti politique. Si toutefois vous nous posiez la question, nous répondrions tous que le pays vient en premier et qu'il en est toujours ainsi, quelles que soient les exigences de nos partis.
M. Milke: Je ne le conteste pas.
Le sénateur Kenny: Franchement, si quelqu'un participe au processus politique, c'est parce que cette personne veut en général servir son pays et non le contraire.
M. Milke: Je ne le conteste pas. Encore une fois, c'est une question, très franchement, d'apparence. Voulez-vous que les médias commencent à faire le compte du nombre de personnes au conseil d'administration qui faisaient partie de tel ou tel parti politique?
Le sénateur Kenny: Ils le feront de toute manière.
M. Milke: Je pense qu'il est préférable que les administrateurs se retirent de la politique partisane pendant qu'ils siègent à l'office. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je pense que nous n'arriverons pas à nous entendre sur cette question.
Le sénateur Kenny: Qu'en est-il des qualifications?
M. Milke: Ce n'est pas parce qu'il est difficile de déterminer quelles sont les qualifications appropriées qu'il ne faut pas établir celles qui sont nécessaires. Je suis persuadé que toutes les grandes sociétés de placement et de courtage ont des critères minimums. Vu les sommes en jeu, vous voulez du personnel qualifié et compétent, pas quelqu'un qui se trouve là à cause de son affiliation politique.
Le sénateur Kenny: À la suite de votre échange avec le sénateur Kirby, je crois que l'on peut dire que vous ne tenez pas nécessairement à ce que l'office soit composé exclusivement de courtiers en valeurs mobilières et de gens provenant du milieu des placements. Diriez-vous que ce que vous souhaitez c'est un office dont la composition serait large, équilibrée et riche en compétences?
M. Milke: Je suppose que l'office d'investissement recueillerait les avis dont il aurait besoin. Nous préférerions toutefois que la majorité des membres de l'office d'investissement, surtout ceux du comité de placement, aient certaines connaissances des actions, des obligations et des fonds dont ils vont s'occuper.
Le sénateur Meighen: En dépit de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, je suppose que le comité que vous envisagez comme comité de surveillance serait un comité spécial de la Chambre des communes. Vous avez pris la peine de préciser que vous ne souhaitez pas confier ces tâches à des personnes qui ne sont pas élues. Je ne suis pas nécessairement d'accord, mais il me semble plutôt évident que je devrais renoncer à toute ambition de siéger à un tel comité, n'est-ce pas?
M. Milke: En effet.
Le sénateur Meighen: Y a-t-il une raison particulière à cela?
M. Milke: Je vous dirai franchement qu'en cas de problèmes, ceux qui peuvent être tenus de rendre des comptes devraient faire face à la musique. Or, avec tout le respect que je vous dois, les sénateurs ne peuvent être obligés de rendre des comptes. Je ne connais pas le fonctionnement du Sénat mais je suis convaincu que si vous vouliez en revoir certains aspects, vous seriez en mesure de le faire.
Le sénateur Meighen: Dans votre troisième recommandation, qui porte sur les limites des investissements, vous faites clairement valoir que vous ne favorisez aucune limite -- et certainement pas une limite de 20 p. 100 ou de 30 p. 100.
Le président: Vous ne savez peut-être pas qu'il existe au Canada une loi selon laquelle tous les fonds de pensions, et non seulement les fonds de pensions du RPC, ne peuvent investir plus de 20 p. 100 de leur actif à l'extérieur du pays. Or, au cours des cinq dernières années et même, il y a de cela trois ou quatre mois, notre comité a exhorté le gouvernement à augmenter progressivement le pourcentage -- pour permettre une plus grande diversification vers les titres étrangers. Je tenais à ce que vous compreniez quelle est la règle actuelle et à ce que vous sachiez qu'il est proposé que le RPC soit assujetti à la même règle que tous les autres fonds de pensions.
M. Milke: Je ne l'ignorais pas.
On peut opposer à la notion d'une limite préétablie l'argument selon lequel toute obligation d'investir sur les marchés intérieurs risque d'obliger les intéressés à faire des placements qu'ils n'auraient pas envisagé de faire autrement. Les gens pourraient se mettre à investir dans la culture de la banane dans les Territoires du Nord-Ouest, tout simplement parce qu'il faut placer une partie de son argent au Canada. Ce serait une erreur.
Le sénateur Meighen: Contrairement au fait d'investir dans des entreprises d'électronique au Japon?
M. Milke: En effet.
Le sénateur Meighen: Des erreurs, on peut en faire partout dans le monde, cependant.
M. Milke: Je vous l'accorde. Rappelons toutefois que le Canada ne représente que 2 p. 100 des placements boursiers de la planète et qu'une telle règle limite réellement les possibilités du fonds. On ne peut pas, du même souffle, dire que l'objectif principal consiste à placer l'argent pour obtenir un rendement maximum en prenant des risques acceptables et limiter les possibilités dès le départ en stipulant qu'un certain pourcentage doit toujours être investi au Canada. Il semble que ce sont là, pour certaines années tout au moins, des objectifs tout à fait opposés.
Le sénateur Meighen: La presse de ce matin contient un article qui donne des détails sur les questions posées par le comité à Toronto hier au sujet de la réglementation et au sujet de ce qu'on envisage pour les trois premières années de fonctionnement du fonds. D'après la réglementation, les placements du fonds viseraient une corbeille représentant des indices généraux d'activité boursière, et non pas des actions précises correspondant à des choix. Or, d'après certains articles de presse et d'après ce que m'ont dit mes collègues, les experts qui ont comparu hier n'étaient pas d'accord avec une telle idée pour un certain nombre de raisons, notamment qu'elle n'est pas applicable puisqu'on peut contourner une telle règle par des placements liés aux produits dérivés ou à d'autres mécanismes.
Si j'ai bien compris, vous souhaitez non seulement qu'il n'y ait pas de limites géographiques aux placements, mais vous souhaitez également qu'il n'y ait aucune limite de quelque nature que ce soit, même durant les trois premières années.
M. Milke: Aucune limite sur l'endroit où on peut investir. Pour ce qui est de l'aspect plus technique de la question, à savoir ce qui constitue un degré de risque acceptable, nous avons choisi de le confier aux experts, c'est-à-dire à des gens qui ont l'habitude d'effectuer des placements. Même s'il peut s'avérer difficile de définir le degré de risque acceptable, il faut tenter de le faire. Nous préférons toutefois que cela soit fait sur recommandation de personnes expérimentées en la matière.
Nous disons tout simplement qu'il faut maximiser le rendement tout en assumant un degré de risque acceptable. Nous supposons que les conseils visant à déterminer quel est ce degré ne manqueront pas.
Le sénateur Meighen: Je vous pose maintenant ma dernière question. Elle est fort difficile. Qu'est-ce qu'un risque acceptable? Quel degré de risque est acceptable? Vous avez parlé de risque minimum, de risque acceptable, et il est question dans la loi de risques de perte indus.
M. Milke: Encore ici, je vous prie de croire que je ne suis pas en train d'esquiver la question.
Le sénateur Meighen: Je ne connais pas la réponse.
M. Milke: À première vue, je vous dirai tout simplement que nous souhaiterions nous fier aux recommandations de personnes qui ont l'habitude de faire des placements. Ce serait des conseillers qui pourraient proposer des placements prudents, qui seraient en mesure d'évaluer les choix de placements et de recommander les possibilités les moins risquées. Nous aurions tendance à privilégier les placements à faible risque. Selon nous, il faudrait gérer les fonds de façon très conservatrice, si vous me permettez l'expression. Nous ne voudrions pas que des cotisations de retraite -- non volontaires -- soient exposées à des risques, quels qu'ils soient. Certains placements ne sont tout simplement pas opportuns par les temps qui courent -- je pense par exemple aux actions minières en Indonésie.
Le président: Vers la fin du premier point qui suit votre troisième recommandation, vous dites qu'il faudrait assumer le minimum de risques, tout en acceptant certaines fluctuations dues à l'instabilité du marché. J'en retiens que vous voulez dire par là qu'il faut éviter les valeurs volatiles. Par contre, cela veut dire également que vous reconnaissez que l'on ne peut faire de placements sans accepter que certains titres vont être à la baisse et donc sans risquer certaines pertes.
M. Milke: D'accord.
Le président: On nous a signalé hier que, malheureusement, le grand public peut avoir de la difficulté à comprendre une telle réalité. Si 99 des placements d'un fonds sont à la hausse, c'est certainement le seul placement à la baisse qui va attirer l'attention. Ainsi, si j'ai bien compris, tout en acceptant la possibilité de certaines pertes, vous souhaitez très nettement un plus grand nombre de gains que de pertes.
M. Milke: Exactement.
Le sénateur St. Germain: Monsieur Milke, je tiens à féliciter votre organisation de son travail. Je suis étonné que le public n'ait pas réagi davantage à une telle exaction fiscale. Il s'agit là véritablement d'une taxe sur la masse salariale. Voilà qui va rogner les bénéfices d'un grand nombre de sociétés, surtout les organisations à forte intensité de main-d'oeuvre.
Je connais un grand nombre de personnes de la région que je représente en Colombie-Britannique et je représente cette région-ci également. Je crois que vous vous interrogez sur la participation du Sénat du fait que nous soyons sous-représentés. Nous ne sommes pas en quantité suffisante, mais telle n'est pas la question. Cela relève du domaine constitutionnel.
Le sénateur Kenny: Vous avez la qualité.
Le sénateur St. Germain: La qualité, en effet. Pour revenir au fait que vous souhaitez la formule des deux tiers, je crois que le gouvernement s'en inquiète, du fait que cela voudrait dire l'abandon de la méthode partisane de nominations par le gouverneur en conseil qui s'applique à l'heure actuelle. Cela m'inquiète beaucoup, quel que soit le parti au pouvoir.
Hier, Claude Lamoureux, le président et chef de la direction du Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, qui m'a fort impressionné par ailleurs, a déclaré que les premiers membres nommés à l'office d'investissement seront déterminants pour la solidité et les rendements du fonds. Il se peut que l'enjeu soit beaucoup trop important pour que nous nous fiions à des nominations du gouverneur en conseil. Comme vous le savez, en Alberta et en Colombie-Britannique, nos provinces d'origine, tous se scandalisent des nominations faites par esprit de parti. Or, à moins que votre comité ne recommande des changements et que le ministre, dans sa sagesse, n'y donne suite, le processus sera entièrement de nature partisane.
J'estime que votre formule des deux tiers pourrait fonctionner. J'ai été moi-même un député élu de la Chambre des communes et j'ai pu constater qu'il existe un climat d'affrontement dans la plupart des comités de la Chambre. Je suis d'accord avec le sénateur Kenny pour dire que votre processus aboutirait vraisemblablement à l'impasse. Par contre, je ne suis certainement pas d'accord avec ceux qui estiment qu'il faut faire appel à des orchestres de mariachis pour manifester son désaccord et pour abolir ce qui ne semble pas acceptable aux Canadiens.
J'ai été informé de la formule plutôt étonnante qu'on applique au Régime de retraite des enseignants de l'Ontario. Le ministère de l'Éducation de l'Ontario, soit le gouvernement, nomme la moitié des membres du conseil, l'autre moitié étant nommée par la Fédération des enseignants. Ensemble, les membres du conseil choisissent ensuite un président neutre. Voilà qui me semble être une excellente idée, étant donné que je ne crois pas que les gouvernements veulent renoncer à la possibilité de nommer leurs amis compétents.
Je proposerais donc que l'on rende le processus plus transparent en faisant en sorte que le gouvernement fédéral choisisse la moitié des membres et que les provinces choisissent l'autre moitié. Ensemble, ils se choisiraient un président neutre. Il me semble plutôt amusant de constater que le gouvernement actuel, qui dénonçait les nominations par le gouverneur en conseil de ses prédécesseurs, tente aujourd'hui de nous faire croire que, pour sa part, il n'agirait jamais par esprit de parti ou par politicaillerie. Comment réagissez-vous à une telle proposition?
M. Milke: Je ne suis pas certain du résultat. Les nominations continueraient d'être entièrement du ressort du gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial. Il semble que cela continuerait de favoriser l'esprit de parti, tout en ouvrant peut-être également la porte à des querelles entre régions et entre provinces. Je suis toujours disposé à accueillir de nouvelles idées, mais je ne suis pas en mesure de parler au nom de l'organisation. Nous estimons que la formule des deux tiers est plus avantageuse puisqu'elle oblige les membres du comité à prendre une décision, du fait qu'aucun membre de l'office d'investissement ne sera choisi à moins que les deux tiers des membres du comité permanent ne se mettent d'accord. De la sorte, ils devront bien finir par se concerter.
Pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt, si l'on retient la formule du 50 p. 100 plus un, comme cela est proposé à l'heure actuelle, aussi bien fournir au ministre des Finances actuel -- et à ses successeurs -- une feuille qu'il lui suffira de remplir.
Le sénateur Tkachuk: C'est ce qui se fait à l'heure actuelle.
M. Milke: D'après nous, on donnerait ainsi beaucoup trop de pouvoir à une seule personne. Il est question de dizaines de milliards de dollars et, éventuellement, de centaines de milliards de dollars. Nous voulons bien croire que le ministre des Finances a fait de l'excellente besogne en réduisant à zéro le déficit annuel. Ses compétences en matière financière sont évidentes. Cependant, c'est là beaucoup trop de pouvoir pour un seul homme. Je ne vois pas pourquoi une seule personne voudrait assumer une telle responsabilité, sentir sur ses épaules le poids de centaines de milliards de dollars.
Le sénateur Austin: Il me semble que votre exposé ne tient pas compte du rôle des provinces.
Le président: Permettez-moi d'ajouter que le sénateur Austin vient de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Austin: Nous ne sommes pas en train d'inventer le Régime de pensions du Canada. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Les changements dont il est question sont fondés sur des arrangements historiques qui remontent, si j'ai bonne mémoire, à 1966. En cette matière, les compétences politiques et constitutionnelles sont partagées. La création du régime a été fondée sur l'accord des provinces. À l'époque du gouvernement Pearson, vous vous en souviendrez, le Québec a exercé son droit de retrait. Il administre son propre régime. Les neuf autres provinces ont participé et, selon l'une des conditions de participation énoncées au départ, les sommes prélevées aux fins du régime devaient être reprêtées aux provinces, en proportion des montants prélevés dans chacune d'entre elles. C'est ce qui s'est passé durant un certain temps, le taux d'emprunt se situant en deçà du taux du marché.
Le résultat de cette entente, une entente fédérale-provinciale, devait créer le problème que ce projet de loi, le projet de loi C-2, cherche à résoudre. En fait, c'était un problème de sous-financement. Le projet de loi C-2 prévoit, aux termes d'une entente fédérale-provinciale, un niveau de financement qui, selon les actuaires, répondra aux exigences du régime de prestation actuel. On aurait donc tort de discuter de l'administration de l'office sans savoir que les provinces ont un rôle très important à jouer.
Les recommandations en faveur d'un comité de la Chambre ou du Sénat devraient être approuvées par les provinces. Après avoir consacré plusieurs années aux relations fédérales-provinciales, je crois que les provinces n'accorderaient jamais ce pouvoir au Parlement fédéral.
En fait, on a établi un comité de mises en candidature auquel chaque province et le gouvernement fédéral ont nommé une personne. J'ai la liste des membres de ce comité. L'Alberta, par exemple, est représentée par M. Brian McNeil, président-directeur général de IPL Energy, de Calgary. Il a été nommé par le gouvernement provincial. Ce sont ces personnes qui ont dressé une liste de 40 candidats. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui les a choisis, mais le comité qui a choisi 40 noms acceptables pour le gouvernement fédéral et les provinces. Comme vous le savez, divers partis politiques sont représentés au niveau provincial.
Le ministre des Finances choisira les 12 membres de l'office parmi ces 40 candidats. Son choix sera entièrement assujetti à l'approbation du gouvernement fédéral et des provinces. Les provinces ne seraient pas d'accord pour qu'il y ait un comité de surveillance de la Chambre des communes. Elles conserveront un droit de regard sur la liste de candidats parmi lesquels le gouvernement fédéral pourra faire son choix. Si vous avez des commentaires à ce sujet, j'aimerais les entendre.
J'ai une autre question à vous poser concernant la rémunération. Votre fédération estime-t-elle que les administrateurs et dirigeants de l'office devraient être rémunérés aux taux du marché ou, étant donné qu'ils gèrent des fonds dits publics, qu'ils devraient être payés aux taux de la fonction publique? Telles sont mes deux questions.
Le sénateur Tkachuk: Avant que vous ne répondiez à cette question, je vais essayer de vous donner un autre aperçu de l'historique du RPC. Il est vrai qu'il y a eu un transfert de pouvoirs en faveur du gouvernement fédéral pour la mise en place d'un régime de pension, lequel relève en fait des provinces. Il ne fait aucun doute qu'un taux en dessous du taux du marché a permis au gouvernement fédéral de se servir des vastes sommes versées par les gens de ma génération et d'accorder des prestations.
Le sénateur Austin: J'ai contribué plus longtemps que vous.
Le sénateur Tkachuk: Le sénateur Austin a demandé à M. Milke de répondre à une question sur certains faits qu'il a présentés. À l'avenir, le ministre des Finances ne sera pas obligé de choisir parmi les candidats inscrits sur une liste. Il se contentera de faire des nominations; il en a le pouvoir.
Le président: Désolé.
Je vais énoncer les faits et demander ensuite au témoin de répondre à la question. Le fait est que la première liste a été dressée dans le cadre de consultations fédérales-provinciales. Deuxièmement, pour les futurs postes vacants, il faudra également des consultations fédérales-provinciales. Le processus sera donc à peu près le même pour les renouvellements et lorsqu'on soumettra de nouveaux noms. Voilà sur quoi les provinces et le gouvernement fédéral se sont entendus. Du point de vue politique, cela veut dire que ce sont des conservateurs, des néo-démocrates et des libéraux qui ont tiré ces conclusions.
Si le gouvernement fédéral et les provinces participent au processus de sélection c'est parce que, comme la supervision du RPC est un domaine relevant de la politique sociale et du ressort des provinces, on a estimé que les deux niveaux de gouvernement devaient y participer.
Le sénateur Kenny: J'invoque le Règlement.
Le président: Arrêtez, Colin. Laissez tomber votre rappel au Règlement. Laissons le témoin répondre à cette question.
Le sénateur Kenny: Vous allez entendre mon rappel au Règlement ou je vais continuer de parler.
Le président: Vous êtes enquiquinant, mais allez-y.
Le sénateur Kenny: Très bien. Je dis simplement que les autres membres du comité ou vous-même n'avez pas à interpréter la question d'un autre sénateur.
Le président: Je ne faisais aucune interprétation.
Le sénateur Kenny: Je regrette. Le sénateur Austin a posé une question dont on nous a donné une première interprétation, puis une deuxième.
Le président: Je n'interprétais rien. Je disais au témoin quels étaient les faits.
Le sénateur Kenny: Très bien. Vous en avez certainement le droit, mais si un sénateur pose une question, il a droit à une réponse. Si vous voulez ensuite faire un commentaire, aucun problème.
Le président: Je me ferai un plaisir de laisser le témoin répondre à la question. De toute évidence, ce n'est pas notre journée. Allez-y.
Le sénateur Austin: Vous souvenez-vous de la question?
M. Milke: J'allais y répondre.
Peu importe la façon dont les membres de l'office sont choisis, l'approbation finale ne devrait pas être confiée au ministre des Finances ou à qui que ce soit d'autre. Il faudrait la confier à un comité qui approuverait une candidature au comité de placement aux deux tiers des voix.
Je ne vois pas nécessairement de conflit entre la participation des provinces et l'approbation définitive. Nous faisons simplement valoir qu'en fin de compte nous aurions tort de laisser une personne approuver la liste des candidatures et faire son choix parmi cette liste. Il vaudrait mieux en charger un comité de parlementaires élus
Le sénateur Austin: Vous avez un diplôme en sciences politiques.
M. Milke: Oui.
Le sénateur Austin: Je crois comprendre qu'à la fin juin, vous en aurez peut-être deux.
M. Milke: Oui.
Le sénateur Austin: Au Parlement, nous faisons la distinction entre les fonctions exécutives et législatives. Je suis frappé de voir que vous recommandez de confier une fonction exécutive au pouvoir législatif, de permettre à un comité législatif d'exercer une fonction dévolue jusqu'ici au pouvoir exécutif.
Votre recommandation demande de modifier les pratiques parlementaires.
M. Milke: C'est peut-être un peu exagéré. Nous voulons modifier le système parlementaire, mais pour en discuter, il faudrait que j'examine les responsabilités du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
En fait, nous faisons valoir qu'il y a sans doute plus de 100 milliards de dollars en jeu et qu'il serait un peu risqué de laisser une personne avoir le dernier mot au sujet de la liste des candidats. Je ne vois pas pourquoi cette responsabilité serait confiée à une seule et même personne.
Le sénateur Austin: Que pensez-vous de la rémunération?
M. Milke: Nous n'en avons pas discuté. Je pourrais vous faire part de mon opinion personnelle, mais ce ne serait pas vraiment utile. Notre fédération n'a pas discuté de la rémunération.
Le sénateur Austin: Je serais curieux de le savoir, car votre fédération est bien connue pour ses idées au sujet des dépenses du gouvernement. Je me demandais si vous aviez une autre solution pour attirer ces personnes hautement compétentes, si vous pensiez pouvoir les attirer avec une rémunération inférieure aux taux du marché pour économiser de l'argent.
M. Milke: Pas nécessairement. En théorie, on pourrait attirer des gens qui n'ont pas les compétences requises, et se retrouver avec moins d'argent dans le fonds. Cela dit, au cours des 18 derniers mois, nous nous sommes demandés pourquoi le gouvernement ne créait pas d'organismes de ce genre. Le gouvernement fédéral aurait dû au moins examiner ce qui se fait ailleurs, et dans d'autres pays, avant de percevoir des milliards de dollars et de les investir en notre nom. Au cours des 18 derniers mois, on s'est demandé pourquoi on procédait ainsi. Nous comprenons les arguments.
Pour revenir à ce que vous disiez tantôt, nous savons quelles étaient les prévisions il y a 30, 20 ou 10 ans concernant les taux de cotisation. Les prévisions se sont révélées fausses.
Les taux de cotisation au RPC ne devaient jamais dépasser 5,25 p. 100 et cette année ils se situent à 6,4 p. 100. Nous sommes ici pour vous donner nos idées sur la composition de cet office d'investissement. Nous n'avons pas tenu compte de certaines des questions que vous avez soulevées, car nous nous sommes concentrés sur le bien-fondé de la chose. Puisque nous sommes ici, nous pouvons vous dire qu'à notre avis, il devrait y avoir des mesures de protection tant politiques qu'institutionnelles pour garantir que 150 milliards de dollars de deniers publics ne relèveront pas uniquement du ministre des Finances, si compétent soit-il.
Le sénateur Kelleher: Si vous visez un autre diplôme universitaire, vous aurez probablement droit à un crédit de cours pour avoir comparu aujourd'hui.
M. Milke: J'en parlerai à l'université.
Le sénateur Kelleher: Quant à la recommandation no 5, qui porte sur la Loi sur l'accès à l'information, j'aime bien votre suggestion que les activités devraient être publiques et assujetties à la loi. Toutefois, je trouve votre suggestion trop générale; vous risquez d'exposer les stratégies de placement de l'office. Si l'office recommande l'accumulation d'actions de compagnies forestières -- si ces renseignements étaient divulgués, Dieu sait ce qui pourrait se produire sur les marchés, étant donné le pouvoir d'achat du fonds. Dans le cas contraire, si l'office décidait de se retirer de certains domaines, cela pourrait avoir un effet marqué sur le marché. Cela m'inquiète quelque peu.
Je sais qu'en vertu de la Loi sur l'accès à l'information certains renseignements sont confidentiels. Je ne crois pas que cela s'appliquerait à toutes les activités de l'office. Je trouve que vous êtes peut-être allés un peu trop loin sur le genre de renseignements que l'office pourrait divulguer.
M. Milke: Nous ne sommes pas en désaccord avec ce que vous dites. Il existe sans doute des dispositions sur la vie privée dans la Loi provinciale sur la liberté d'accès à l'information et dans la Loi sur l'accès à l'information. Elles figurent dans ces lois. À notre avis, la Loi sur l'accès à l'information ne devrait pas s'appliquer à certaines choses, comme les exemples que vous avez donnés.
Le sénateur St. Germain: Je suis très étonné de voir qu'une association de contribuables applaudit M. Paul Martin, surtout qu'il a refilé plusieurs choses aux provinces et a maintenu les taux d'imposition et de taxes sur la masse salariale à des niveaux extrêmement élevés. Toutefois, cela dit, je vous respecte, monsieur, ainsi que votre organisme.
Pour ceux d'entre nous qui ont siégé à la Chambre des communes -- et ceux qui savent comment fonctionnent les comités -- il s'agirait d'une situation de compromis. Comme l'a si bien dit le sénateur Austin, les provinces ont un important rôle à jouer. Voilà pourquoi j'estime que ma recommandation portant sur la nomination des membres de l'office par les provinces et le gouvernement fédéral est bonne. Je ne veux pas vous forcer à appuyer mon idée, mais les provinces ne sont pas prêtes à renoncer à leur pouvoir. Vous l'avez entendu parler de l'organe exécutif du gouvernement; malheureusement, notre système fonctionne de cette façon-là.
Le président: Voulez-vous poser votre question, je vous prie?
Le sénateur St. Germain: Oui.
Le sénateur Austin: Il arrive rarement qu'il soit d'accord avec lui.
Le sénateur St. Germain: J'ai un certain temps. Nous nous entendons bien de ce côté-ci. Ah, voici un autre témoin. Veuillez m'excuser. Je présente mes excuses à l'autre témoin.
Ne voyez-vous pas les choses sous cet angle-là? En formulant votre proposition, avez-vous étudié cette question à fond? À mon avis, cela ne marchera pas.
M. Milke: Nous avons élaboré cette proposition et sommes toujours ouverts aux suggestions. Pour ma part, je pense que quelle que soit la façon dont on choisit au départ les candidats, il ne serait pas contradictoire de les choisir dans une liste de noms établie à moitié à partir des listes provinciales et à moitié à partir des listes fédérales. Selon nous, il n'y aurait rien de mal à demander des listes aux provinces, si c'est ainsi que vous voulez procéder. Si j'ai bien compris, la moitié des candidats qui seraient choisis proviendrait d'une liste provinciale.
Le sénateur St. Germain: Les provinces fourniraient la moitié des membres du conseil d'administration et se réuniraient en tant que groupe. Le gouvernement fédéral choisirait l'autre moitié et ils désigneraient ensuite ensemble un président neutre.
M. Milke: En fin de compte, je crois qu'il vaut mieux constituer un comité qui approuve les choix. Il serait plus fastidieux sur le plan administratif de prévoir un comité pour chaque candidat proposé par les provinces, un comité par province. Nous préférons l'option des deux tiers, en toute franchise, même si cela modifie toute la nature du gouvernement, comme semble le croire un sénateur.
Quant à notre confiance en Paul Martin, je le répète, nous sommes objectifs. Nous sommes conscients du travail qui a été fait. Il aurait été souhaitable que ses prédécesseurs aient pu équilibrer le budget; nous aurions aimé que cela se fasse plus tôt. Cette réalisation, toutefois, est due en partie à la délégation des responsabilités -- nous l'avons dit haut et clair -- et en partie à des augmentations d'impôts, ce que nous n'avons pas manqué de signaler également.
Le président: J'ai une question qui fait suite aux précédentes. Est-il vrai que votre organisme, de concert avec d'autres, a proposé que diverses personnes nommées par le gouvernement fédéral -- les juges de la Cour suprême, les directeurs d'organismes fédéraux, et cetera -- fassent l'objet d'un examen de la part d'un comité parlementaire, comme cela se ferait aux États-Unis? En lisant la proposition relative au choix des candidats que vous faites dans votre mémoire, j'ai supposé que cela ne s'appliquait pas simplement à la sélection des membres de cet office. Ai-je raison?
M. Milke: N'oubliez pas que n'avons fait aucune recommandation concernant les nominations officielles.
Le président: Je sais que d'autres groupes l'ont fait.
M. Milke: En matière de reddition des comptes, nous soutenons toujours qu'on ne peut jamais pécher par excès. En l'occurrence, nous estimons que la règle des deux tiers obligera les gens à travailler ensemble, si l'on peut dire, et obligera également les responsables élus à rendre compte de leurs actes dans la plus grande mesure possible.
Le président: Merci beaucoup de votre présence.
Sénateurs, notre prochain témoin est M. Philip Heimbecker de l'ACCOVAM, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, section de l'Alberta.
M. Philip Heimbecker, président sortant, Conseil du district de l'Alberta: Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Phil Heimbecker. Je suis le président sortant du district de l'Alberta de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Je comparais ce matin au nom du conseil de district de l'Alberta.
On a discuté de la réforme du Régime de pensions du Canada et, quelles que soient nos préférences quant à son organisation future, nous sommes heureux de voir que la question est à l'étude. Le défi consistera à mettre en place un système de régie efficace et responsable pour l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, ainsi qu'une politique de placements adéquate pour ce régime.
En vertu des modifications proposées au Régime de pensions du Canada, un conseil composé de 12 membres sera chargé de créer la structure de gestion du fonds. À notre avis, un fonds d'investissement unique et centralisé ne servira pas les intérêts de tous les Canadiens. Même si les fonds très importants sont rentables grâce à des économies d'échelle, nous estimons qu'il faudrait mieux opter, dans le cas du RPC, pour des fonds multiples, gérés par des gestionnaires de placements régionaux chevronnés qui rendent des comptes à l'office. On pourrait ainsi s'assurer que le fonds, en ce qui a trait aux placements dans les petites entreprises, tienne davantage compte des possibilités régionales. Dans un pays aussi vaste que le Canada, un fonds de placement extrêmement centralisé n'est guère susceptible d'offrir des possibilités de placements au niveau régional.
Nous estimons également que la règle des 20 p. 100 visant les biens étrangers entrave inutilement le rendement du fonds, limite les mouvements de capitaux et freine la mise en valeur des capacités d'investissement des Canadiens sur les marchés internationaux. Des témoins ont présenté à votre comité des arguments et des résultats d'études empiriques qui mesurent le rendement insuffisant des fonds de pension à cause de la règle sur les biens étrangers. Il faut bien comprendre également que cette règle, sous sa forme actuelle, entrave l'évolution des capacités d'investissement des Canadiens. Le Canada est une nation commerçante. Nous devrions avoir pour politique nationale de devenir la nation commerçante la meilleure et la plus concurrentielle au monde. Notre qualité de vie dépend de notre capacité d'être concurrentiels sur les marchés internationaux. Nous ne pourrons pas y parvenir si l'on fixe de telles limites aux capitaux de placement des Canadiens.
À l'heure actuelle, bon nombre de nos caisses en gestion commune attribuent leur proportion d'investissements à l'étranger à des conseillers étrangers. Les Canadiens perdent ainsi les fonctions secondaires, comme la recherche sur les investissements étrangers et les activités connexes qui consistent à examiner les sociétés étrangères pour établir les avantages qu'elles offrent aux investisseurs, activités qui sont exécutées de façon concurrentielle pour les entreprises canadiennes. Cette perte de renseignements sur les investissements étrangers risque de nuire aux possibilités de fusion et d'acquisition des entreprises canadiennes, et d'entraver les progrès technologiques des entreprises canadiennes, ce qui nuit à notre position concurrentielle à l'échelle mondiale.
Nous sommes favorables aux modifications à la législation sur les pensions qui permettent d'appliquer les règles de la prudence élémentaire aux investissements étrangers. Ce principe est en vigueur aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. En vertu de cette approche, aucune limite n'est fixée aux investissements étrangers.
Mesdames et messieurs, le Conseil de district de l'Alberta de l'Association des courtiers en valeurs mobilières vous incite, ainsi que les membres du futur office, à envisager des fonds de placement régionaux multiples pour investir les fonds de pension des Canadiens. En outre, nous proposons de modifier la Loi sur les pensions pour permettre d'appliquer le principe de la prudence élémentaire à la partie des fonds de pension qui peut être investie à l'étranger.
Le président: À plusieurs reprises, le comité a exhorté le gouvernement à relever le plafond des 20 p. 100. Nous avons proposé une augmentation graduelle compatible avec la méthode des 2 p. 100 par an pendant cinq ans à laquelle on a eu recours il y a une dizaine d'années environ lorsque le plafond a été porté de 10 à 20 p. 100. Nous appuyons vos recommandations, pas simplement en ce qui a trait au Régime de pensions du Canada mais également aux REER et aux régimes de pension.
Le sénateur St. Germain: Merci de votre présence, monsieur, et merci de votre exposé. Il a été bref et pertinent. La première chose qui m'inquiète est la méthode prévue de nomination par le gouverneur en conseil des membres du conseil d'administration. L'un de nos collègues, le sénateur Bolduc, a travaillé à la Caisse de dépôt -- il est également ancien haut fonctionnaire du gouvernement du Québec. À deux ou trois reprises, il a parlé de la création de fonds multiples, même s'il n'a pas vraiment soulevé la question des fonds régionaux. Il a dit que des fonds multiples pourraient atténuer le risque lié aux investissements. Au lieu de mettre tous nos oeufs dans le même panier, la création de plusieurs caisses en gestion commune, le cas échéant, réduirait le risque de pertes énormes. Comme nous l'avons signalé hier, dans les années 70, le marché boursier a subi une baisse de 43 p. 100 -- en tout cas dans les années 40. Ma question est la suivante: pourquoi parlez-vous de fonds «régionaux» plutôt que simplement «multiples»? À votre avis, s'agit-il d'un instrument économique pour ces régions?
M. Heimbecker: Oui. Il semble exister déjà des possibilités, surtout compte tenu de ce que nous appelons les nouveaux marchés florissants dans ce domaine. Je pense en particulier au succès de la Bourse de l'Alberta, et à certaines activités qu'elle permet. L'ampleur de l'effet de percolateur est peut-être minime par rapport à la masse de fonds dont dispose le régime proprement dit, mais cela s'ajoute à ce que nous faisons en Alberta. Sur le plan régional, cette activité revêt une grande importance et nous en sommes très fiers.
Pour répondre à votre question précise, sénateur, oui je pense qu'il y aurait un intérêt sur le plan régional. À notre avis, le fonds profiterait de notre compétence dans ce domaine.
Le sénateur St. Germain: L'objectif unique de ce fonds est de servir les intérêts des actionnaires et d'obtenir un rendement maximum. Ne craignez-vous pas que cela l'écarte un peu de son mandat initial?
M. Heimbecker: Sénateur, il suffit de voir les taux de rendement dans nos régions pour constater que nous nous en tirons très bien.
Le sénateur St. Germain: Comment cela fonctionnerait-il, donc? Proposez-vous que chaque région où il existe une bourse se voit attribuer un fond; Vancouver en aurait un, l'Alberta aussi?
M. Heimbecker: Je ne parle pas au nom de la région de la Colombie-Britannique. Je ne parle que de ma région, de ce que nous pensons. Vous ne vous adressez pas aux représentants d'un organisme national, mais seulement aux représentants régionaux d'un organisme national.
Le sénateur St. Germain: J'essaye de vous dire qu'il nous faut prendre une décision de portée nationale. Je crains que, si l'on commence à envisager sous un angle régional une question qui en fait est d'intérêt national, nous ne prenions certains risques. Je comprends que vous défendiez la position d'un Albertain.
M. Heimbecker: Je comprends l'autre aspect du problème, sénateur.
Le président: Certains ont proposé d'investir les fonds en fonction des indices boursiers. À partir d'un ou de plusieurs indices boursiers au Canada, on pourrait établir la proportion d'actions que l'on veut acheter. Au cours de nos délibérations hier, certaines personnes ont estimé que ce serait difficile à faire -- même à la Bourse de Toronto, où les capitaux investis sont nettement plus importants que ceux à la Bourse d'Alberta ou à celle de Vancouver.
Étant donné que votre association et vous vous occupez de près des transactions à la Bourse de l'Alberta, vous pourriez peut-être nous parler des problèmes éventuels que vous entrevoyez. Si un fonds comme celui-ci décidait d'investir, disons, 3 millions de dollars dans la Bourse de l'Alberta en utilisant son indice composé, c'est-à-dire en achetant des actions proportionnellement à la part de l'indice qu'elles représentent, ce montant serait-il suffisamment important pour provoquer des distorsions dans le marché?
M. Heimbecker: Si j'ai bien lu les articles parus dans la presse, il ressort des interventions d'hier que même si l'on se fondait sur l'indice composé de la Bourse de Toronto, cela aurait des répercussions sur le marché, malgré l'incidence que cela aurait ici. Je parlais de ce qu'on appelle un effet de percolateur; les fonds qui sont investis grâce à ce moyen auront sans nul doute une incidence positive sur l'activité dans les marchés ici. Je ne parle pas de la question de savoir si le fonds devrait ou non investir directement dans, disons, le produit fini de la bourse, ou, par ailleurs, dans le secteur du capital de risque. C'est l'activité proprement dite qui aurait un effet de percolateur sur ce marché. Je parle ici des niveaux d'activité.
Le président: Cet effet de percolateur est-il positif ou s'accompagne-t-il de distorsions du marché?
M. Heimbecker: Je crois qu'il est très positif.
Le président: C'est ce que je pensais vous avoir entendu dire. Il va me falloir résumer les arguments présentés hier au sujet de la Bourse de Toronto. On a dit que les 30 à 50 principales actions sont assez bien capitalisées pour qu'une entreprise -- BCE, par exemple, si elle représente 10 p. 100 de l'indice TSE 300 -- ait assez de flottant pour que le RPC y investisse 10 p. 100 de ses fonds sans que cela pose de problèmes.
Deux des gestionnaires de fonds de pension ont dit que si l'on en arrive à l'action numéro 299 sur les 300, toutefois, des problèmes se posent. Toute proportion gardée, le plafond du marché est plus restreint et si le RPC achète également cette action de façon proportionnelle, cela aura une incidence sur le marché. La demande à elle seule suffira à provoquer une hausse du cours de l'action, ce qui entraînera une distorsion du marché.
Ce témoin n'était pas un courtier en valeurs mobilières et c'est pourquoi je vais vous poser cette question. Si c'est ce qui se passe lorsqu'on achète des actions au numéro 299 de l'indice 300 à la Bourse de Toronto, que se passera-t-il si l'on commence à acheter les indices de la Bourse de l'Alberta et de Vancouver?
M. Heimbecker: Je ne parle pas vraiment de cela. On parle de deux choses différentes ici: de la gestion financière et du talent des gens dans la région.
Le président: Je pose une question différente. Qu'est-ce qui va arriver?
M. Heimbecker: Je pense que ce serait formidable; les bourses d'ici, si modestes soient-elles, profiteraient rien que du fait que l'on reconnaîtrait qu'il y a des gens ici qui gèrent le fonds. J'y vois un avantage global.
Le sénateur Kenny: Je n'ai pas lu le mémoire, mais j'imagine que lorsque vous parlez de fonds multiples, vous ne parlez pas de fonds à risque ou de fonds à revenu?
M. Heimbecker: Non.
Le sénateur Kenny: Je ne faisais que vérifier. Vous parlez des fonds régionaux et vous dites qu'il faut fractionner leur gestion, mais au même moment vous réclamez l'abolition de la limite de 20 p. 100 pour être plus compétitifs à l'échelle mondiale. Cependant, plus on a un rayonnement international, plus il faut de compétences pour analyser les marchés et choisir les investissements. Ne craignez-vous pas que le fait d'avoir une série de petits fonds éparpillés au pays fasse augmenter les coûts de vos compétences? Ce que je veux savoir, c'est comment vous conciliez vos aspirations à une concurrence globale et la création de fonds régionaux plus petits. Un seul gros fonds n'aurait-il pas une meilleure capacité analytique et, par conséquent, ne serait-il pas mieux équipé pour faire concurrence à l'échelle mondiale que plusieurs petits fonds?
M. Heimbecker: Encore là, on parle de deux choses différentes. Pour ce qui est de la situation mondiale, telle que je la vois, nous sommes en train de développer une expertise canadienne à cause des limites. À l'extérieur de nos cadres professionnels, il faut faire appel à des agents agréés; nous n'avons pas ces talents chez nous. Il nous faut montrer plus de dynamisme dans la création et l'utilisation de cette expertise. Mes associés travaillent au niveau du MNA, et je me rends compte que nous n'avons pas vraiment développé les capacités qu'il faut pour dépasser cet élément. Nous aimerions cependant avoir cette possibilité.
Pour ce qui est des fonds régionaux, nous constatons qu'il y a des talents sur place auxquels il faut faire appel. Si ces talents émigrent à Bay Street et ne reviennent pas ici, on se nuit à soi-même. C'est comme avoir un expert des pétroles dans un bureau de Toronto. Ça ne correspond pas à la réalité.
Le sénateur Austin: Est-ce que vous parlez des gestionnaires ou des besoins en capitaux au niveau régional? Est-ce que vous voulez des gestionnaires locaux parce qu'ils sont plus sensibles, ou voulez-vous que l'on comble les besoins en capitaux au niveau régional?
M. Heimbecker: J'ai été surpris d'entendre, monsieur le sénateur, qu'il existait une formule -- quoique antique -- qui prévoyait que le financement devait revenir à la province. Toutes mes excuses, je n'étais pas au courant. Est-ce qu'il y a un système, ou est-ce qu'il y avait un système?
Le sénateur Austin: Il y avait un système, mais dans le cadre du nouveau système, le capital ne retournera pas aux gouvernements provinciaux.
M. Heimbecker: C'est un mécanisme de financement aux taux hors marché, comme vous dites.
Nous aimerions que le capital soit réparti sur une base proportionnelle, et nous voudrions aussi que l'on fasse appel aux compétences gestionnelles dans ces provinces.
Évidemment, je représente l'industrie de ma propre province.
Le sénateur Kenny: Si je vous comprends bien, vous dites que vous disposez d'un personnel compétent ici. Vous craignez qu'on ne s'en serve pas suffisamment si le fonds est géré entièrement à partir d'un seul endroit, et c'est pourquoi vous souhaitez la création de fonds régionaux. Vous aimeriez particulièrement en voir un ici. Si je vous comprends bien, c'est la première chose que vous dites.
M. Heimbecker: C'est exact.
Le sénateur Kenny: Si je vous comprends bien, vous dites ensuite qu'il y a des possibilités d'investissement ici en Alberta, que l'on connaît bien sur place et que l'on ne connaît pas ailleurs. Vous pensez que ces possibilités pourraient être exploitées à partir d'ici et qu'elles ne le seraient pas à partir de Toronto ou d'un autre endroit.
M. Heimbecker: Absolument. Vous avez parfaitement résumé ma pensée.
Le sénateur Kenny: C'est essentiellement ce que vous vouliez dire au comité?
M. Heimbecker: En substance, oui.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné les fonds multiples. Est-ce que vous parliez d'un seul conseil d'administration, un fonds étant géré par exemple à partir de Toronto, un autre partir de Calgary et un autre dans une autre ville?
M. Heimbecker: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Vous ne dites pas qu'il devrait y avoir trois conseils d'administration et trois organisations.
M. Heimbecker: Non, pas du tout. Nous admettons qu'il doit y avoir centralisation pour ce qui est du mandat général du régime de retraite. Au bout du compte, ce que nous voulons, c'est permettre à notre région d'apporter une contribution valable.
Le sénateur Meighen: Étant donné que nous sommes en Alberta, je dois vous demander quelles leçons vous avez apprises avec le Fonds du patrimoine de l'Alberta. À votre avis, est-ce qu'il y a des leçons que nous devrions retenir? Plus précisément, est-ce qu'il n'y a pas problème lorsqu'un certain favoritisme se mêle au courtage? Autrement dit, est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'un courtier, pour des raisons quelconques, obtienne la part du lion des transactions? Est-ce que cela s'est fait? Y a-t-il d'autres éléments que vous pourriez nous signaler?
M. Heimbecker: Je ne veux pas parler du Fonds du patrimoine parce que je ne connais pas assez bien la situation pour le faire.
Pour ce qui est de votre deuxième question, êtes-vous en train de dire qu'il y aurait traitement préférentiel chez nous, que les courtiers de chez nous pourraient être tentés de réaliser des gains ou de profiter de certains avantages dans leurs transactions avec le régime? Est-ce votre question? Est-ce bien ce que vous dites?
Le sénateur Meighen: Je ne vous demandais pas de vous prononcer sur la pratique d'investissement du Fonds du patrimoine de l'Alberta, je ne vous demandais pas non plus s'il s'était bien acquitté de sa tâche. Vous êtes d'ici; et je me demande s'il y a des leçons que l'on pourrait retenir de votre expérience, pour ce qui est des procédures qui ont été suivies, pour l'investissement des fonds?
M. Heimbecker: J'imagine que oui, mais je ne peux pas vous en parler pour le moment. Je ne connais pas ce domaine.
Le sénateur Meighen: À votre connaissance, est-ce qu'on n'a pas déploré le fait qu'un seul courtier ou deux courtiers faisaient presque tout le travail? Est-ce un problème qui devrait nous préoccuper, pour ce qui est de l'investissement des fonds du Régime de pensions du Canada?
M. Heimbecker: Il y a toujours des querelles dans ces domaines. Mes collègues et moi-même avons décidé de nous tenir à l'écart de ces situations. Je crois qu'on parle d'événements qui ont eu lieu il y a fort longtemps.
Le sénateur Meighen: Comment est-ce que ça fonctionnerait dans la pratique? Si quelqu'un avait un excellent placement à suggérer, est-ce qu'il le proposerait au comité de placement?
M. Heimbecker: J'imagine que ce ne serait pas différent de la façon dont on procède dans l'Est.
Le sénateur Meighen: Comment le comité de placement choisirait-il ses placements? Ses choix seraient-ils fondés sur ses propres informations, ou sur les informations qui lui seraient soumises par les courtiers?
M. Heimbecker: Comme vous le savez fort bien, la plupart des gens connaissent mieux ce qui se fait chez eux que ce qui se fait à 3 000 milles de là. La transmission de l'information au comité de placement, peu importe comment elle se ferait, serait améliorée par une présence dans la région.
Le sénateur Meighen: Je crains que vous n'ayez pas compris ma question. Je vous demande si vous croyez que votre firme, par exemple, selon l'expérience que vous avez de votre industrie, communiquerait avec le comité de placement pour les placements à faire. En outre, si le comité de placement devait faire siennes vos suggestions, est-ce que vous vous attendriez à ce que la plupart de ces placements, ou tous ces placements, soient effectués par votre société? Je veux seulement savoir comment ça marche.
M. Heimbecker: Très franchement, je n'ai pas réfléchi à cette question parce que je ne représente pas ma société ici. C'est toute l'industrie que je représente.
Je suppose au départ que nous voudrons participer au placement des investissements. Nous aurons donc certaines activités dans ce domaine.
Le sénateur Meighen: Si cela se passe de cette façon, ceux qui sont le plus près d'un secteur particulier pourraient être récompensés pour avoir signalé certains renseignements à l'office d'investissement. Si la norme était de confier la transaction à l'organisme qui transmet les renseignements à l'office, il y aurait donc une certaine participation régionale et, peut-on supposer, une certaine récompense?
M. Heimbecker: Il y aurait certainement une récompense. Cela va sans dire, puisqu'il ne s'agit pas ici de transport. Il s'agit des mouvements de capitaux investis, et c'est de cela que nous nous occupons.
Le sénateur Austin: Les objectifs actuels sont en train d'être coulés dans le béton, monsieur Heimbecker. Le gouvernement fédéral a signé une entente avec toutes les provinces. L'entente prévoit que l'office d'investissement doit placer son actif en vue d'un rendement maximal tout en évitant des risques de perte indus et compte tenu des facteurs pouvant avoir un effet sur le financement du Régime de pensions du Canada ainsi que sur son aptitude à s'acquitter de ses obligations financières.
M. Heimbecker: C'est un énoncé très général. Dans notre secteur, nous appliquons tous de tels objectifs.
Le sénateur Austin: On s'attend à ce que l'office d'investissement applique les mêmes méthodes que votre secteur -- il suffit de penser par exemple au CN, aux enseignants de l'Ontario et aux fonds américains. Il y a des méthodes à appliquer pour investir. Le sénateur Kirby a dit que la structure des indices était l'une de ces méthodes.
Si j'ai bien compris, c'est le conseil d'administration qui fournira la participation régionale. Ce conseil sera composé de 12 membres. Il n'est pas nécessaire qu'ils soient tous des spécialistes de l'investissement, même s'ils doivent posséder un minimum de compétence. Il y aura parmi eux des gens qui connaissent le contexte commercial de leurs régions respectives. Compte tenu de l'état de l'économie en Alberta, je suppose que le conseil comptera un représentant de cette province, qu'une personne de l'Alberta y sera nommée. Je tiens également à souligner que les provinces ont convenu de ce type de représentation régionale. Le ministre des Finances fera un choix parmi un groupe de candidats.
M. Heimbecker: Pardonnez-moi, sénateur. S'agit-il de 40 personnes ou de 12?
Le sénateur Austin: Il semble que 40 candidats aient été choisis par un comité des candidatures, et que sur ce nombre, le ministre des Finances en choisira 12 pour former le conseil d'administration. La représentation régionale fait partie des lignes directrices. Cela ne signifie pas qu'il y aura un représentant de chaque province, mais les cinq régions seront représentées au sein du conseil. Comment, dans ce cas, la division albertaine de l'ACCOVAM communiquera-t-elle avec le représentant régional, quelles démarches ferez-vous auprès de l'office d'investissement pour obtenir un profil et une part de tout le programme?
M. Heimbecker: Compte tenu de ce que c'est là la structure, nous aurions un ou deux représentants au sein de cet office.
Le sénateur Austin: Il y aura deux personnes de l'Ouest canadien, peut-être trois.
M. Heimbecker: Dans notre déclaration, nous préconisons que la région se dote d'une structure pour informer les membres de l'office -- de façon claire -- des débouchés qui existent dans notre région.
Le sénateur Austin: Ce que vous préconisez, alors, c'est que les propositions d'investissement soient présentées à l'office d'investissement par toutes sortes de groupes compétents, n'est-ce pas?
M. Heimbecker: C'est exact.
Le sénateur Austin: Et ces propositions seront évaluées en fonction des critères de l'office?
M. Heimbecker: Oui.
Le sénateur Austin: L'office d'investissement disposera d'experts dans ce domaine et ce sont eux qui seront consultés. L'office lui-même ne prendra pas de décisions en matière de placement. Il y aura un comité spécial de gestion qui prendra ces décisions, même si l'office étudiera les propositions.
M. Heimbecker: Parlons un peu de ce comité spécial de gestion.
Le sénateur Austin: L'office en choisira les membres pour administrer le régime. Il s'agira d'experts sélectionnés pour leur expérience et leurs résultats antérieurs. C'est l'office d'investissement lui-même qui désignera un président et un chef de la direction de même qu'une équipe de gestion pour gérer tous ces risques.
M. Heimbecker: Je suis ici comme porte-parole, comme messager. Nous préférerions que cette structure soit fragmentée.
Le sénateur Austin: Oui, je comprends ce que vous dites.
Le sénateur Hervieux-Payette: À la Caisse de dépôt du Québec, les sentiments étaient partagés quant à cette représentation régionale, aux entreprises à petits capitaux, aux investissements que la Caisse de dépôt pourrait faire, et cetera. Il en va bien sûr différemment des enseignants de l'Ontario ou de l'OMERS, dont les décisions se fondent strictement sur le meilleur taux de rendement.
Lorsqu'on essaie de jumeler une politique économique de développement régional à un mandat d'obtenir le meilleur rendement, il est difficile d'éviter que des politiciens ne participent à l'administration des fonds. C'est l'une des principales critiques que l'on puisse faire au sujet de la caisse; elle doit quelquefois assumer des fonctions qui entrent en conflit les unes avec les autres.
M. Lamoureux, qui semble être l'un des meilleurs gestionnaires de fonds au pays, a recommandé que nous adoptions un mandat très clair. À son avis, il ne devrait y avoir qu'un seul objectif, et c'est d'obtenir le plus possible pour ceux qui percevront des prestations du fonds.
Le sénateur Meighen: Avec le moins de risque possible.
Le sénateur Hervieux-Payette: Oui. Avec le moins de risque possible.
En essayant d'atteindre des objectifs différents, on risque d'encourir des problèmes; et c'est quelqu'un qui travaille dans ce domaine depuis bien longtemps qui le dit. C'est le conseil que donne un gestionnaire de fonds professionnel.
Je suis également membre de l'ACCOVAM, et je comprends votre inquiétude. Au Québec, nous avons un taux de chômage de 17 p. 100 dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean et de 20 p. 100 en Gaspésie. Lorsqu'on a à sa disposition un fonds de quelques milliards de dollars, il peut être tentant d'investir une partie de cet argent dans sa région, et il est très difficile pour le fonds de traiter de telles questions. Chaque fois que l'on proposait une décision qui semblait politiquement biaisée, les critiques affluaient.
Ce n'est qu'une observation, car il y a déjà eu un fonds gouvernemental géré par un office.
M. Heimbecker: Je ne demande pas que les capitaux soient investis dans la région pour résoudre certaines disparités dans les taux de chômage ou régler des problèmes de cet ordre. Nous voyons les choses sous des angles opposés et, en Alberta, nous avons eu beaucoup de chance d'avoir nos ressources. Je ne vois pas les choses sous cet angle.
Je parle surtout du développement de la profession, d'examen des débouchés propres à la province et des renseignements qu'on y trouve. J'ai parlé plus précisément de l'effet de percolateur; du point de vue professionnel, nous nous montrerons à la hauteur de la situation, ce qui permettra à tout le système de mieux performer. Il ne s'agit pas d'investir du capital-risque dans des mines douteuses des Territoires du Nord-Ouest ou d'autres choses de ce genre. Ce n'est pas de cela que je parle. Il s'agit du développement de notre secteur.
Le sénateur Tkachuk: Avant de poser ma question, le gouvernement a-t-il décidé où seront situés les bureaux de l'administration centrale du RPC?
Le président: Pas que je sache.
Le sénateur Tkachuk: On n'a donc pas décidé de loger le RPC à Toronto?
Le président: Si c'est le cas, je n'en ai pas été informé.
Le sénateur Austin: C'est l'office qui doit en décider. Lorsque ses membres seront nommés, ils décideront où seront situés les bureaux de l'office.
Le sénateur Tkachuk: Je pose la question car j'ai toujours pensé que les bureaux de gestion des fonds devraient être un peu partout et pas seulement à Toronto. Je ne crois pas que l'administration centrale du fonds devrait nécessairement être située à Toronto. Les bureaux de Warren Buffet ne sont pas à New York et ses affaires marchent très bien en Oklahoma. Aux États-Unis, on a délibérément distribué les ressources financières dans tout le pays, au lieu de les centraliser. Je vous exhorte à poursuivre votre campagne, non seulement auprès de notre comité, mais aussi par d'autres moyens. Vous pourrez peut-être influer sur cette décision du point de vue politique, par le truchement de vos députés.
M. Heimbecker: D'accord.
Le sénateur Tkachuk: C'est très important pour l'ouest du Canada, Calgary et Vancouver. Il ne faut pas tenir pour acquis que le RPC s'établira à Toronto et n'investira que là; les Canadiens de l'Ouest pourraient être outrés d'une telle supposition.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Heimbecker. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Sénateurs, nos derniers témoins avant la pause de midi sont le professeur Stanley Hamilton, doyen associé de la faculté de commerce de l'Université de la Colombie-Britannique, et le professeur Rob Heinkel, vice-président du régime de pension des professeurs à la même université. Rob enseigne également dans une école commerciale, je crois.
M. Stanley Hamilton, doyen associé, faculté de commerce, Université de la Colombie-Britannique: Merci, monsieur le président.
Pour commencer, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier, en mon nom et en celui de mon collègue, de cette occasion de venir vous rencontrer. La mesure législative que vous étudiez est à notre avis terriblement importante et constitue un grand changement dans la politique. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de plusieurs commentaires. Si vous me le permettez, j'aimerais également remercier le personnel très professionnel qui nous a aidés à venir ici.
Nous avons étudié le mandat de votre comité, monsieur le président, au regard d'un grand régime de pension du secteur privé, un régime de pension à prestations déterminées. Nous nous sommes ensuite demandé ce qui était différent dans ce cas-ci. Nous nous fondons sur quelque chose que nous connaissons déjà. Rob et moi avons tous deux été administrateurs d'un régime de pension de moyenne envergure, et nous avons donc eu l'occasion d'examiner ces questions. Tout d'abord, nous commencerons par décrire l'organisation type d'un régime de pension à prestations déterminées du secteur privé afin d'expliquer comment se prennent certaines décisions importantes à ce niveau. Puis, nous étudierons plus particulièrement les questions de régie. Cela ne devrait pas prendre trop de temps. Je demanderai à mon collègue Rob Heinkel de décrire ce qu'est à notre avis un régime de pension à prestations déterminées typique du secteur privé.
M. Rob Heinkel, vice-président, Régime de pension des professeurs, Université de la Colombie-Britannique: Merci de nous avoir invités. Prenons le tableau I. Voyons d'abord comment est organisé généralement un régime de pension à prestations déterminées. Il y a de légères différences entre ce modèle et celui énoncé dans la loi à l'égard de l'OIRPC, mais nous croyons qu'il est important d'examiner de plus près le rôle du conseil d'administration, surtout pour faire le lien entre les activités du comité de placement et celles de ce que nous appelons le comité des opérations. J'ai remarqué que ce dernier type de comité n'était pas mentionné dans la loi. À notre avis, le comité des opérations a pour fonction de surveiller le passif du régime et de répondre aux besoins de ses membres. Cette fonction est peut-être assumée par un autre organisme à l'extérieur de l'OIRPC, mais si c'est le cas, nous ne sommes pas au courant. Le passif est un élément très important du régime type de pension à prestations déterminées. Cet élément n'est pas mentionné dans les documents que nous avons consultés.
Le passif, c'est tout simplement la valeur actuelle exprimée en dollars de toutes les obligations du régime et tous les paiements de prestations prévisibles à l'avenir. Il est essentiel de comprendre le passif du régime pour en administrer l'actif. Le comité de placement est chargé de gérer l'actif du régime; nous ne comprenons pas toutefois comment le conseil d'administration pourra lui demander de gérer cet actif sans connaître pleinement le passif.
Le professeur Hamilton vous parlera tout à l'heure du comité de vérification. Pour ma part, mes propos porteront surtout sur le comité de placement et son interaction avec le comité des opérations dans l'organisation. Nous avons adopté une méthode très simple. Le tableau 2 illustre clairement ce que nous appelons le modèle de gestion de l'actif et du passif. Pour savoir comment gérer l'actif, il faut comprendre le passif. En fait, la plupart des administrateurs d'un régime à prestations déterminées se fondent surtout sur la différence entre l'actif et le passif, ce que l'on appelle l'excédent de capitalisation.
Le président: Vous avez raison. En fait, je vous signale que nous avons entendu hier Claude Lamoureux, qui est chef de la direction du Régime de pensions des enseignants de l'Ontario. Il a corrigé ce que je disais en réponse à une question du sénateur Hervieux-Payette, disant qu'il fonde la gestion de son régime sur le surplus de financement. Le montant de l'excédent de capitalisation est le chiffre qui l'intéresse toujours le plus. Les systèmes de son régime sont très perfectionnés.
M. Heinkel: Si nous soulevons cette question, c'est que l'office doit comprendre quelles sont les caractéristiques de cet excédent pour pouvoir donner ses instructions au comité de placement. Le professeur Hamilton et moi-même n'avons aucune idée de ce qu'est l'excédent de capitalisation du Régime de pensions du Canada. Nous supposons qu'il s'agit en fait d'un déficit. Si un régime privé à prestations déterminées connaît un déficit, on obtient premièrement une estimation actuarielle du passif dont le montant est soustrait de l'actif. Si le résultat est inférieur à zéro, c'est qu'il y a sous-capitalisation.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans un tel cas, faudrait-il augmenter les cotisations?
M. Heinkel: Eh bien, il faut faire quelque chose. On peut augmenter les taux de cotisation et réduire les prestations. Dans un cas comme dans l'autre, ces mesures ne relèvent pas du mandat du comité de placement ni peut-être même de l'office d'investissement; la seule autre solution qui relève de leur mandat, c'est le taux de croissance de l'actif. C'est même l'essentiel du mandat du comité de placement. L'office d'investissement doit indiquer au comité de placement comment gérer l'actif; l'objectif premier est de faire croître cet actif le plus rapidement possible tout en contrôlant le risque. Si le régime est en déficit de capitalisation et que l'on décide de combler ce déficit en dix ans, un actuaire peut déterminer quel taux de croissance à long terme il faut obtenir pour atteindre cet objectif.
Le sénateur St. Germain: Puis-je poser une question maintenant? N'a-t-on pas dit hier que ce fonds est différent d'un fonds privé dans la mesure où son actif ne sera jamais supérieur à son passif? C'est ce qui a été dit hier.
Le sénateur Austin: Il s'agit d'une autre question. Le régime n'aura pas d'actif, mais il aura des rentrées à un taux de 9,9 p. 100 qui financeront tout le passif prévu. Je crois que nous devrions laisser nos témoins terminer. Vous pouvez peut-être nous en dire davantage à ce sujet.
M. Heinkel: Nous répondrons à cela que même s'il y a un déficit, la question est de savoir quelle sera son ampleur. Je ne suis même pas certain que cette décision incombe à l'office d'investissement, mais il faudra bien que quelqu'un décide de l'ampleur qu'aura ce déficit. L'actif peut être de zéro, cela résoudrait vos problèmes. Vous n'auriez pas besoin d'un comité de placement, non plus que d'un office d'investissement.
Le président: C'est de cette façon que les fonds ont été gérés jusqu'à maintenant.
M. Heinkel: C'est exact. Permettez-moi de vous montrer un tableau plus complexe, le tableau 3, qui illustre pourquoi nous estimons important que vous compreniez la question du déficit de capitalisation et ses conséquences pour le taux requis de croissance de l'actif. Si votre objectif est de réduire le déficit à un montant fixe en dix ans, cela signifie que l'actif doit avoir un taux de croissance suffisant pour combler le déficit.
Il existe toutes sortes de moyens très techniques de déterminer comment atteindre ce taux de croissance de l'actif. Je vous en ai montré un exemple simple. Ce tableau montre différents portefeuilles, c'est-à-dire différentes catégories d'actif qui permettent d'avoir différents niveaux d'instabilité et différents taux de croissance. Dans cet exemple-ci, il serait possible de combiner, dans un portefeuille, des actions internationales, des actions canadiennes, des obligations et des investissements sur le marché monétaire.
Comment peut-on le faire? Eh bien, c'est une décision importante que doivent prendre l'office d'investissement et le comité de placement. Un actuaire peut déterminer à quelle rapidité l'actif doit croître pour maintenir le déficit au même niveau ou pour le réduire; c'est en fonction de cela qu'est établi le taux de croissance de l'actif nécessaire. C'est ensuite l'analyse basée sur la moyenne et la variance qui dictera quelle devra être la composition de l'actif pour obtenir ce taux de croissance à long terme. Cela peut changer selon les années, mais à longue échéance, on peut ainsi obtenir le taux de croissance nécessaire. Il est très important à notre avis que le comité de placement comprenne cela. Quels sont les objectifs quant au taux de croissance attendu? L'analyse basée sur la moyenne et la variance permettra d'atteindre ce taux de croissance avec un minimum de risque, ce qui correspond exactement au mandat.
Cette petite analyse démontre qu'il est très difficile d'inciter le comité de placement ou l'office d'investissement à obtenir un bon rendement s'ils ne connaissent pas la structure du passif et les objectifs visés quant à la taille de l'actif. Je laisserai maintenant la parole à Stan.
M. Stanley Hamilton: Monsieur le président, je vais vous parler de la régie de l'office d'investissement. Mais auparavant, je tiens à souligner que cette question de l'excédent ou du déficit de capitalisation est essentielle. D'après vous, la loi ne confère pas à l'office d'investissement le mandat de prendre des décisions quant à l'ampleur que devrait avoir l'excédent de capitalisation. Si quelqu'un décide que le régime de pensions ne devrait pas être entièrement capitalisé, eh bien, il faut alors tenir compte du mandat que remplit l'office d'investissement. C'est à partir de cette norme que l'office doit décider de sa façon d'agir. C'est là qu'est le problème à mon avis. Il faut que cet office ait des points de repère. En fin de compte, le travail de l'office sera mesuré et évalué à partir de cette norme et il est essentiel que les parties sachent, de part et d'autre, ce que l'on attend d'elles.
Pour atteindre les objectifs que Rob a énoncés, il faut souligner deux ou trois points concernant la régie. De toute évidence, cet office peut avoir un caractère délicat du point de vue politique, et on a déjà vu des exemples. Nous félicitons le gouvernement d'être revenu sur sa décision et d'avoir demandé à un comité consultatif d'établir une liste de candidats. Je suis certain qu'il y a d'autres stratégies de rechange, mais on peut croire, en principe, que celle-là est la meilleure. Je dois avouer que Rob et moi connaissons plusieurs des personnes qui ont été mises en candidature à ce comité et que nous avons entièrement confiance en elles.
Au-delà de cela, il y a d'autres questions, toutefois, qui nous préoccupent. Le processus de mise en candidature et de nomination des membres du premier conseil d'administration a permis de mettre en place des mesures de protection raisonnables, mais nous ne savons toujours pas quelles compétences doivent posséder ces administrateurs. Les qualités nécessaires sont assez ambiguës, en tout cas, d'après notre lecture de la mesure législative. On semble dire que le ministre doit prévoir une représentation régionale. C'est sans doute un élément intéressant, mais nous sommes persuadés que l'exigence la plus importante de toutes doit être la compétence. Comme vous le verrez un peu plus tard, il ne s'agit pas nécessairement de compétence dans la gestion de l'argent, mais plutôt dans la gestion d'actifs de pensions et de gestionnaires. Nous craignons que l'on mette un peu trop l'accent sur cette représentation régionale.
On a proposé de temps à autre que les fonds d'investissement comportent une représentation régionale, et cela nous inquiète beaucoup. Nous estimons que la responsabilité première du fonds est d'obtenir pour les membres du régime le meilleur rendement possible par rapport au risque.
Le président: Vous souhaiteriez que ce soit fait sans égard aux régions.
M. Stanley Hamilton: Nous supposons qu'en mettant cette nouvelle politique en oeuvre, les gouvernements, à tous les niveaux, ne perdent pas pour autant tous leurs pouvoirs en matière d'imposition et la possibilité d'introduire des politiques régionales en utilisant d'autres instruments.
À plus long terme, il y a aussi d'autres questions. Même si nous croyons que les candidats aux postes d'administrateurs ont été choisis avec tout le soin possible, on ne sait pas encore clairement comment ces futurs administrateurs seront choisis. Je ne sais pas si ce comité consultatif est un comité permanent, et j'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Nous nous inquiétons du processus de nomination et du mandat de trois ans avec rotation. Nous sommes très satisfaits cependant de cet élément de rotation. D'après notre propre expérience, un mandat de trois ans est probablement trop court compte tenu de tout ce qu'il faut apprendre pour réaliser une activité aussi complexe. Nous préférerions que le mandat soit de quatre ou cinq ans. Nous croyons également qu'un mandat maximum de huit ans serait raisonnable.
On ne semble pas avoir de critères bien définis pour la révocation des administrateurs ni, d'ailleurs, pour la révocation de tout le conseil d'administration. Je pense qu'on devrait y voir. Pour ce qui est de l'objectif de l'office, nous avons noté quelques éléments qui devraient vous préoccuper, si vous êtes cyniques, bien sûr. Si vous l'êtes moins, cela ne devrait pas vous préoccuper, mais l'objectif ici consiste à gérer le régime pour le compte du répondant et des bénéficiaires. En l'occurrence, le répondant est sans doute le gouvernement du Canada et les provinces, et les bénéficiaires sont les citoyens du Canada, et l'harmonie dans les objectifs ici n'est pas toujours évidente.
Quelques observations mineures. Au paragraphe 14(1), il est dit que les administrateurs doivent agir avec intégrité pour servir au mieux les intérêts de l'office, et cela nous préoccupe un peu. On ne définit pas ici en quoi consistent les intérêts de l'office. Il faudrait parler des intérêts des parties prenantes, qui ne comprennent pas l'office à mon avis, et c'est également l'opinion de mon collègue Rob.
Il y a lieu de s'interroger sur les qualités exigées des administrateurs, notamment pour ce qui est de la compétence financière. Il n'est fait nulle mention de la compétence en matière de gestion de régimes de retraite à proprement parler. Rob a fait observer plus tôt que l'autre moitié du bulletin de vote concerne le passif et le régime. Je pense que vous aurez besoin d'administrateurs qui s'y entendent en gestion de régimes de retraite ainsi qu'en planification financière. Pour ce qui est des conflits d'intérêts, nous croyons que les mesures prévues sont raisonnables.
Pour ce qui est du président, j'imagine que nous n'avons que deux préoccupations. Nous ne trouvons pas de critères bien établis et nous pensons que c'est une grave omission. Deuxièmement, on ne fixe pas la durée du mandat, et je pense que c'est important.
Pour ce qui est de la rémunération, nous sommes convaincus à juste titre que ces personnes doivent être bien rémunérées pour leur travail. Étant donné qu'on considérera cet organisme comme étant partie du domaine quasi public, il est absolument essentiel à mon avis d'avoir un mécanisme clair pour fixer la rémunération, et c'est un problème.
Rob traitera tout particulièrement du comité de placement.
M. Heinkel: Nous avons également des réserves pour ce qui est des compétences des membres du comité de placement. On n'a pas besoin à mon avis d'être un expert en gestion de placements pour siéger à ce comité. Il faut cependant être un expert du processus de gestion de placements, à savoir de la gestion des gestionnaires que vous emploierez et du type de structure que vous allez utiliser pour recruter les gestionnaires qui vont gérer le régime de retraite. Nous pensons aussi qu'il est important que le comité de placement fasse appel à des experts neutres. Il y a une foule d'experts au Canada qui peuvent répondre à presque toutes les questions que pourrait poser un comité de placement. À mon avis, il est presque obligatoire d'obtenir l'avis de ces experts sur des questions importantes. Je pense que la première tâche du comité de placement consiste à obtenir le taux requis de croissance de l'actif avec un minimum de risque, et j'aimerais ici poser quelques questions dans deux domaines. La première concerne la composition de l'actif. J'en fais état au tableau 3. Chose certaine, l'office devra avoir des actifs dans toutes les catégories, qu'il s'agisse d'obligations et d'actions canadiennes et étrangères, d'instruments dérivés, d'actifs immobiliers ou de capital-risque. Nous avons des réserves quant aux restrictions qui existent déjà relativement à l'actif du régime. Nous ne comprenons pas très bien l'accord relatif à la gestion des obligations provinciales ou le maintien de valeurs mobilières provinciales non négociables dans le régime. Nous ne savons pas quel montant cela représente. Nous ne savons pas dans quelle mesure cela influera sur les décisions relatives à la composition de l'actif. Stan et moi discutions justement du montant d'obligations provinciales que nous avons dans le régime de retraite des professeurs de l'Université de la Colombie-Britannique, et nous estimons que c'est probablement 2 p. 100 de l'actif. C'est une partie infime du total de nos placements. Nous ne savons pas très bien combien d'argent il y a ici.
J'ai la certitude que vous avez entendu parler de la règle de 20 p. 100 pour les fonds propres étrangers, et il reste à savoir si un niveau plus élevé serait indiqué ou non. Dans notre régime à nous, nous aimerions que ce taux soit de 25 p. 100 pour la valeur au marché.
J'ignore si l'on s'est interrogé sur la question des placements responsables. Quelles directives allez-vous donner aux gestionnaires pour ce qui est des placements qui sont indiqués et ceux qui ne le sont pas au niveau des valeurs mobilières? Allez-vous investir dans la production du tabac ou des armes à feu, et qui va prendre ce genre de décisions?
Pour ce qui est des décisions relatives à la composition de l'actif, il subsiste des questions concernant la structure de la gestion des placements, et je crois savoir que vous en avez discuté lors de vos rencontres précédentes, vous avez discuté d'une gestion active comparativement à une gestion passive, de la question de savoir s'il faut utiliser des indices ou non. À notre avis, si le régime prend une ampleur énorme, si vous avez un actif colossal à gérer, il vous sera très difficile d'agir différemment du marché.
Voyez le tableau 4 où nous avons fait des calculs très simples relativement à l'effet que ce régime aurait selon diverses tailles. Nous avons imaginé, par exemple, que 35 p. 100 de l'actif du RPC serait investi dans des actions canadiennes. Ce que nous avons écrit ici, c'est que si le RPC vaut 25 milliards de dollars, la part en actions canadiennes serait de 8,75 milliards de dollars. Nous nous sommes demandé quelle part de la valeur totale du marché boursier canadien cela représente. Selon l'indice composé 35 de la Bourse de Toronto, à savoir les 35 plus grandes entreprises canadiennes, ces 8,75 milliards de dollars ne représenteraient qu'un peu moins de 5 p. 100 de l'indice composé 35 de la Bourse de Toronto. Donc, même avec 8,75 milliards de dollars, si vous limitiez vos placements en actions canadiennes aux grandes entreprises du pays, vous occuperiez ce que certains considéreraient comme une place importante dans chacune de ces entreprises. Si vous élargissez cela à l'indice composé 300 de la Bourse de Toronto, si vous êtes disposé à répartir votre investissement sur les 300 actions en bourse à Toronto, votre part serait plus raisonnable à 2,6 p. 100, ce qui encore n'est pas insignifiant. Plus le régime va croître, bien sûr, plus ces chiffres seront impressionnants, et si la valeur du régime dépasse un jour les 100 milliards de dollars, même si vous avez investi dans les 300 entreprises inscrites à la Bourse de Toronto, vous deviendriez un propriétaire très important avec 10,4 p. 100.
Le président: Ce 10,4 p. 100, c'est 10,4 p. 100 du total de la valeur de rendement des 300 entreprises inscrites à la Bourse de Toronto, et j'imagine que ce serait exactement comme si on achetait 10,4 p. 100 de chacune de ces entreprises.
M. Heinkel: Exactement, cela soulève des questions importantes relativement à l'utilisation des procurations. Qui va décider comment voter avec ces procurations? Allez-vous élire quelqu'un au conseil d'administration de chacune des entreprises, et de qui s'agira-t-il? Ce sont là, à mon avis, des questions importantes. Je pense que c'est cela qui va vous préoccuper. Si l'on prend le marché obligataire, c'est beaucoup plus gros. Le marché des actions étrangères est encore plus gros. Le problème se posera sur le marché des actions canadiennes, si le régime atteint un jour ce niveau.
En terminant, mentionnons d'autres problèmes. Allez-vous faire intervenir des facteurs non économiques dans votre processus décisionnel? Allez-vous investir dans les régions? Nous pensons qu'il n'est probablement pas dans l'intérêt de toutes les parties prenantes d'investir dans les régions. Une dernière observation sur la transparence. Il est très important de dire clairement aux citoyens canadiens, dans le cadre de rencontres publiques, quel est l'actif du régime. Nous croyons également raisonnable qu'on leur dise quel est le passif; à savoir, dans quelle mesure le régime est déficitaire.
M. Stanley Hamilton: Nous voulons formuler quelques observations sur le rôle du comité de vérification et ce qui pourrait devenir le comité de régie. Lorsque nous avons examiné le rôle du comité de vérification, qui est mentionné dans la loi, nous avons remarqué qu'on ne faisait nullement état de la taille du comité de vérification. Chose plus importante, on ne dit pas quelles seront les compétences du comité de vérification, ce qui nous ramène à la question de savoir quelles compétences vous voulez voir au sein de l'office si vous voulez combler les besoins de tous ses comités.
Deuxièmement, même si je crois que les dispositions relatives à la vérification dans la loi comprennent des exigences exhaustives pour ce qui est de l'information financière, du moins pour ce qui concerne l'information financière traditionnelle, on ne fait nullement état des autres genres d'information qui pourraient être nécessaires pour mesurer le rendement comparatif ou effectuer une analyse comparative du rendement. Je pense ici aux informations qu'on donne aux parties prenantes pour qu'elles puissent se prononcer sur la compétence des fiduciaires. Je crois donc que le mandat du comité de vérification répond à une vision quelque peu étroite et traditionnelle des comptes que doit rendre un régime de retraite, et je vous encourage à élargir ce mandat.
Nous avons une préoccupation mineure -- et ni Rob ni moi-même ne sommes cyniques, si bien qu'il s'agit d'une préoccupation mineure -- quant au fait de permettre l'accès aux dossiers au vérificateur général du Canada. Je crois qu'il y a ici un élément de malaise. Je comprends que dans les modifications complémentaires au Régime de pensions du Canada, il y a une disposition obligeant le comité de placement et ses vérificateurs à fournir des informations au vérificateur général, mais l'on dit qu'il s'agit précisément «d'informations nécessaires à la vérification du Régime de pensions du Canada». On ne mentionne pas les informations nécessaires à la vérification de l'office. Il s'agit maintenant d'une différence légère et, comme je l'ai dit, si l'on est cynique, on pourrait se préoccuper de cette différence. J'imagine toujours que ces lois sont rédigées avec soin, je crois donc qu'il y a eu omission.
Nous croyons qu'il y a place, même si on ne le mentionne pas expressément, pour la création d'un comité de régie. Mais on prévoit la création d'un comité, et nous entrevoyons quatre rôles qui devront être assumés de façon générale. Nous pensons que le comité de régie serait un instrument de gestion logique pour un régime de retraite privé. Premièrement, le comité de régie pourrait énoncer les qualités exigées des administrateurs; deuxièmement, il pourrait s'assurer que la rémunération est déterminée dans une transparence complète; troisièmement, le comité de régie pourrait gérer les conflits d'intérêts, qui surgiront certainement, et, enfin, les régimes de retraite étant appelés à une croissance constante, le comité de régie pourrait établir des politiques relativement à l'utilisation des procurations, et nous pensons que c'est là un domaine plus délicat. Dans le secteur privé, c'est une question dont les fiduciaires doivent s'occuper, mais dans ce cas-ci, je pense que c'est encore plus délicat étant donné que bon nombre des entreprises dans lesquelles vous allez investir sont également des entreprises qui vont presque inévitablement faire affaire avec certains organismes du gouvernement du Canada. Il vous faut donc songer sérieusement au fait que vous pourriez exercer de l'influence par l'utilisation de ces procurations aux conseils d'administration de ces entreprises lorsqu'elles font affaire avec le gouvernement.
Cela dit, monsieur le président, honorables sénateurs, nous allons nous arrêter et tâcher de répondre à vos questions.
Le président: Elles seront nombreuses. Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour cet excellent mémoire. Un de mes collègues du comité vient de me passer une note où il me disait: «Notre travail au comité serait tellement plus agréable si tous les mémoires étaient aussi bien faits et aussi détaillés que celui-ci.» Nous vous savons vivement gré de tout l'effort que vous y avez mis. La première question sera posée par votre compatriote de la Colombie-Britannique, le sénateur St. Germain, qui sera raisonnablement bref, j'imagine, étant donné que la plupart d'entre nous connaissent déjà sa question.
Le sénateur St. Germain: C'était un excellent mémoire, fort bien fait. Je n'ai qu'une préoccupation relativement à tout cela. Les questions que vous avez soulevées sont très, très importantes, et si nous n'avons pas une bonne méthode pour sélectionner les responsables de l'office à l'avenir, la confiance ne sera pas au rendez-vous. Je pense que le recours au gouverneur en conseil pour sélectionner les responsables de l'office, où le ministre peut consulter, est très, très dangereuse, et je tiens à le déclarer ici. J'espère que nous n'allons pas nous retrouver face au dilemme que nous connaissons aujourd'hui avec l'effondrement de notre régime de retraite parce qu'on ne peut pas éponger le passif.
Croyez-vous, messieurs, que le gouvernement devrait envisager une méthode différente pour sélectionner les responsables de l'office, au lieu de procéder par voie de décret en conseil, qui est la méthode qu'il propose?
M. Stanley Hamilton: Rob et moi-même avons discuté longuement des autres stratégies qui pourraient intervenir, et j'imagine qu'il faut bien commencer quelque part. À un moment ou à un autre, il faut établir une liste de noms. À un moment ou à un autre, quelqu'un doit décider. Nous pensons donc que le comité consultatif doit proposer des noms, et nous avons songé à une liste de 20 noms, mais j'ai entendu plus tôt 40 noms. Je pense qu'il faut se protéger de deux manières. Premièrement, il faut demander à l'office d'énoncer publiquement les critères de nomination auxquels devront répondre les membres du conseil d'administration, et le grand public pourra à tout le moins demander: «Est-ce que ces 12 personnes répondent à ces critères, et sinon, pourquoi siègent-elles au conseil d'administration?» Nous espérons que ces critères seraient tels que vous auriez une équipe de 12 personnes qui pourraient alors bien gérer non seulement un fonds, mais un fonds destiné à assurer des retraites. Il faut donc que ces gens s'y connaissent. Si vous énoncez les critères, vous donnez au public le moyen de mesurer la compétence des personnes qui sont nommées.
Deuxièmement, il subsiste une ambiguïté quant au remplacement ou à la révocation des membres du conseil d'administration. Si ces critères étaient un peu plus étoffés, on serait à tout le moins mieux à même d'exiger des comptes, et nous pensons que vous auriez ainsi un bien meilleur système. Avec un mandat maximum de huit ans, je pense que les paramètres pourraient être conçus avec le plus grand soin possible.
Le sénateur St. Germain: Ce qui me préoccupe, étant donné qu'il y a 15 ans que je suis au Parlement, c'est que s'il n'y a pas de vraie méthode impartiale pour contrôler le rendement des offices futurs, et vous avez fait des observations importantes concernant la révocation du président et ce genre de chose, je pense que nous allons hériter de vrais problèmes. C'est ce qui me préoccupe le plus. Êtes-vous au courant, messieurs, du fait que le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario compose son conseil d'administration moitié-moitié avec un président neutre? J'ai essayé d'en faire la proposition, et il est très difficile à l'opposition dans un régime parlementaire partisan comme le nôtre de faire des suggestions qui sont prises au sérieux, mais ça arrive parfois. Le ministre s'est montré des plus coopératifs lorsqu'il nous a rencontrés, et j'aimerais obtenir votre avis à ce sujet.
M. Stanley Hamilton: Le processus que vous décrivez est celui d'un régime de retraite traditionnel du secteur privé où les employés et les employeurs sont représentés. Mais vous pouvez donner ici des titres différents, à savoir le répondant du régime et les bénéficiaires, soit l'entité qui est ultimement responsable et les bénéficiaires. On réunit ces deux éléments non seulement pour concevoir le régime, mais aussi pour le gérer et s'assurer qu'il est en bonne santé financière. C'est très différent, à mon avis, et je pense que Rob dirait comme moi que l'opposition et le gouvernement en place doivent participer.
Le sénateur St. Germain: Je propose que le gouvernement fédéral nomme la moitié des membres du conseil et les gouvernements provinciaux l'autre moitié, étant donné qu'ils constituent les principales parties prenantes dans tout ce processus, puis qu'ils nomment un président neutre. Je ne dis pas l'opposition. J'ai mentionné l'opposition, mais je ne voulais pas dire qu'elle devait être partie prenante du régime.
M. Stanley Hamilton: Encore là, si cet office a pour mandat d'investir des fonds dans l'intérêt des parties prenantes, d'obtenir le meilleur rendement possible en fonction des risques, je pense qu'il y a des personnes qualifiées à tous les niveaux et de toutes les couleurs politiques pour faire ce travail. S'il s'agit seulement de trouver des éléments compétents pour faire ce travail, je pense que je me soucierais peu de savoir d'où ils viennent ou quels sont leurs antécédents dans la mesure où ils disposent de la compétence voulue.
Le sénateur Kenny: J'ai été moi aussi impressionné par la qualité de votre mémoire. Il nous a été très utile. Ma question est très générale. Vous avez examiné ce projet de loi et vous vous êtes dit: «Écoutez, si quelqu'un nous demandait de gérer ce régime, comment procéderions-nous?» Quand on rédige ou étudie un texte de loi, et que l'on entrevoit des problèmes qui pourraient se poser, on se dit: «Bien, je veux y ajouter une disposition qui nous évitera ce problème», et vous voyez alors un autre problème qui pourrait se poser, et l'on ajoute de nouvelles dispositions pour y voir. Aux termes de ce processus, on finit par avoir une loi qui gère toute l'entreprise. L'expérience a démontré que ce n'est pas toujours la façon la plus sage de procéder.
J'ai réfléchi particulièrement aux qualités que vous avez proposées pour les administrateurs ou à celles du comité de placement, et j'imagine que si vous deviez résumer cela en une petite phrase, vous diriez: «Je veux mettre en place des personnes sages ici», et vous vous arrêteriez là. Puis vous diriez: «Eh bien, comment traduire cela concrètement? Comment allons-nous rassurer le sénateur St. Germain, qui ne veut pas voir là une bande de gars dont le seul mérite tient à leur allégeance politique?» Je me dis -- et je veux savoir ce que vous en pensez -- que vous avez soulevé ici plusieurs questions que les futurs responsables de cette organisation auront grand intérêt à méditer. Je veux savoir s'il faut insérer ces suggestions dans la loi ou si la loi doit rester vague et générale, et s'il faut supposer que des personnes intelligentes régleront ces questions en temps utile?
M. Stanley Hamilton: Je pense que nous sommes probablement d'accord avec vous en partie parce que nous croyons tous deux qu'on a apporté beaucoup de soin à la rédaction de ce projet de loi. Par exemple, on mentionne la compétence financière, mais on ne mentionne nullement la compétence en matière de gestion de régimes de retraite. On ne mentionne pas la compétence des gestionnaires de fonds par opposition à la compétence financière. Si le projet de loi avait dit simplement: «Nous voulons 12 administrateurs qui, collectivement, disposeront de la compétence voulue pour gérer l'actif d'un régime de retraite», je pense que nous nous serions dit comme fiduciaires: «D'accord, ça peut aller». Mais nous soulevons ces questions étant donné qu'on a fait une mention et qu'on en a omis d'autres.
Le sénateur Kenny: Avez-vous pensé que c'est parce que les rédacteurs sont si parfaits ou pensez-vos qu'il aurait mieux valu qu'ils soient un peu plus vagues eux-mêmes? Autrement dit, vous dites: «Très bien. Voici un texte de loi complet. Nous allons l'interpréter à la lettre, et chaque mot a sa place ici.» Alors qu'en fait nous savons que la plupart des projets de loi sont assez incomplets. Donc je vous pose ma question de nouveau: est-ce qu'un projet de loi comme celui-ci exige plus de détails ou moins? En d'autres mots, vous dites: «Très bien. Nous constatons qu'il y a certains détails ici. Étant donné que ces détails y sont déjà, qu'on en ajoute quelques autres pour équilibrer les choses.» Maintenant on peut faire ceci ou enlever cela. Quelle est votre préférence?
M. Stanley Hamilton: Je pense que je préférerais une loi plus habilitante à la condition qu'elle garantisse un accès public au prochain niveau décisionnel pour lui permettre de se prononcer.
Le sénateur Austin: Vous préféreriez un règlement.
M. Stanley Hamilton: Oui, je préférerais que les politiques soient arrêtées par l'office, dans toute la transparence voulue.
M. Stanley Hamilton: Oui. Ainsi, étant donné la difficulté extrême qui consiste à modifier une loi après qu'elle a été adoptée, je pense que nous dirions tous deux: «Ayons une loi aussi générale que possible, mais assurons-nous qu'il existe dans cette loi générale un mécanisme qui facilitera rapidement par la suite la transparence.»
M. Heinkel: Puis-je poser une question sur le rôle de ce comité consultatif que l'on a créé pour choisir les 20 personnes parmi lesquelles on sélectionnera les 12 membres du conseil d'administration? Ce comité consultatif va-t-il continuer d'exister, et va-t-il accomplir une fonction quelconque?
Le président: Vous voyez que ce n'est pas clair parce que nous nous apprêtons tous à vous donner des réponses différentes. La seule chose qui est claire dans le projet de loi, c'est que lorsqu'une vacance se produira il devra y avoir consultation entre le ministre fédéral et ses homologues provinciaux. Est-ce qu'il s'agira d'un comité indépendant qui choisira cinq noms ou quelque chose du genre, le processus prévu par le règlement ne le dit pas, n'est-ce pas? La réponse, c'est que le ministre peut faire ça, mais il n'est pas obligé de s'y tenir, même s'il a l'obligation de consulter. Il y a un passage où il est dit que le ministre peut créer un comité, mais il devra consulter les instances compétentes...
Le sénateur Meighen: Le ministre n'est pas obligé de tenir compte des recommandations.
Le sénateur Tkachuk: Il n'est pas obligé de tenir compte des recommandations du comité.
Le sénateur Kenny: Est-il limité à une liste?
Le sénateur Meighen: Il n'est pas limité à une liste, désolé. Sommes-nous d'accord là-dessus?
Le sénateur Kenny: Au départ.
Le sénateur Meighen: Au départ, oui, mais ensuite il est obligé de consulter, mais il n'est limité par aucune liste.
Le président: On peut établir une liste, mais il n'y a pas d'obligation.
Le sénateur Meighen: Par contre, il peut consulter qui il veut et ne tenir aucun compte de ce qu'on lui dit.
Le président: C'est parfaitement exact. Je vous dirai cependant, ayant participé à la création de comités fédéraux ou provinciaux, autant au provincial qu'au fédéral, qu'il est extrêmement dangereux de ne tenir aucun compte des consultations qui se font entre les deux paliers de gouvernement. On n'agit pas unilatéralement sans péril. Jack, vous voulez peut-être intervenir. Chose certaine, c'est ce que j'ai vécu, et j'ai participé à la création de plusieurs comités de ce genre où la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral étaient représentés, par exemple.
Le sénateur Austin: La politique a horreur du vide, et le fait est que s'il y a un poste vacant au sein d'un conseil, son président jouera un rôle très important dans les nominations.
Le sénateur St. Germain: Je suis d'accord avec mes deux collègues, mais étant donné qu'il s'agit d'un régime de retraite unique, aux proportions énormes, je pense que cela dépasse tout ce que nous avons vu auparavant, et c'est pourquoi je dis qu'il faut agir comme on agit avec la femme de César.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Au Québec, à l'heure actuelle, il n'y a pas de vote par procuration des membres de la Caisse de dépôt qui ont investi. Ils siègent au conseil d'administration comme observateurs, mais ils n'ont pas le droit de vote. Seriez-vous prêt à faire cette suggestion compte tenu qu'ils pourraient influencer de façon considérable les destinées des entreprises où ils ont investi? Ils ont droit à un observateur au conseil d'administration, mais n'ont pas le droit de vote dans les entreprises où il y a des investissements. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?
[Traduction]
M. Stanley Hamilton: Avec votre permission, je dirai en premier lieu que je ne crois pas que le fait d'avoir un observateur représentant un actionnaire important a moins d'effet simplement parce qu'il n'a pas le droit de vote. Je pense que toute entreprise qui refuse d'écouter un actionnaire important court un grand risque. Donc le fait de ne pas avoir le droit de vote n'est à mon avis qu'une considération mineure. Je pense que si vous êtes un investisseur responsable, si vous avez placé de l'argent dans une entreprise, dans Air Canada ou n'importe quelle entreprise privée, par exemple, si vous êtes un investisseur important, vous allez vous assurer de comprendre ce que fait l'entreprise, et vous allez ou bien retirer votre placement ou tâcher de vous entendre sur l'orientation de l'entreprise. Donc la question du vote me préoccupe moins. Je ne suis pas sûr si c'est la bonne réponse. Nous disons simplement, je pense, que le processus doit être ouvert, et que si vous votez avec vos procurations au sein du conseil d'administration, il faut que ce soit transparent et que les règles essentielles du vote soient claires.
Le président: Ce que votre tableau 4 démontre, particulièrement à la dernière colonne, est sidérant, quand on pense que cet événement va se produire d'ici dix ans, selon la croissance démographique qu'il y aura.
M. Heinkel: L'indice de la Bourse de Toronto va également croître au cours des dix prochaines années.
Le président: Que ce soit 10,4 ou 8,2, c'est un taux assez élevé, n'est-ce pas? Que nous conseilleriez-vous en réponse à la question du sénateur Hervieux-Payette? À votre avis, ce fonds devrait-il être passif ou actif, si vous étiez des experts-conseils de l'extérieur chargés de fournir des conseils en matière de politique? Je devrais vous dire d'emblée que notre comité s'intéresse à la question de façon plus générale car nous étudions actuellement le rôle des investisseurs institutionnels au Canada en général, et la question des placements passifs ou actifs est tout à fait d'actualité. Que faire des procurations? Dans quelle mesure faut-il s'en remettre aux gestionnaires? Que pensez-vous de tout cela vu sous l'angle, sans doute moins risqué, d'une école commerciale? Quelle politique cet office devrait-il adopter à cet égard?
M. Heinkel: Je vais essayer de répondre à vos questions. Il n'est pas nécessaire de choisir de façon catégorique entre les investissements actifs et les investissements passifs. On peut faire les deux. En effet, bon nombre de régimes de grande envergure adoptent une stratégie d'investissement passif pour 80 p. 100 de leur actif et permettent une gestion active des 20 p. 100 restants, car selon moi, la gestion active ne donne des résultats que si l'on n'essaie pas de brasser des milliards de dollars sur les marchés financiers. C'est ainsi que procèdent même les plus gros gestionnaires de fonds à l'heure actuelle. Lorsque les importants gestionnaires de fonds canadiens souhaitent effectuer un achat d'actions, ils doivent le faire pour tous leurs clients qui détiennent un portefeuille d'actions canadiennes. Ils achètent pour des millions, voire des milliards de dollars d'actions, ce qui provoque des bouleversements sur le marché. Il est donc de plus en plus difficile pour les sociétés de gestion de placement d'accroître la valeur des sommes d'argent dont on leur a confié la gestion. Ce régime se heurtera exactement au même problème. Il en va de même pour bon nombre des régimes importants, et c'est chose courante aux États-Unis. Il y a un portefeuille passif de base...
Le président: Permettez-moi de citer un exemple très concret. Au début de chaque année, CalPERS publie une liste des sociétés dans lesquelles il a investi et qui, selon les experts, ont un taux de rendement insuffisant.
M. Heinkel: C'est un problème différent, à mon avis. Il y a le placement actif par opposition au placement passif. Par ailleurs, il faut essayer de modifier l'administration des affaires. La différence entre actif et passif, selon moi, c'est de savoir si l'on détient toujours principalement un portefeuille de type indexé ou si l'on...
Le président: Ce n'est pas la question que j'ai posée. C'est le vote par procuration qui m'a poussé à parler de l'autre...
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une autre question.
Le président: Je sais. J'ai essayé d'élargir la portée de la vôtre. Répondez à la mienne ou, si vous préférez, laissez Céline poursuivre et nous pourrons ensuite revenir à l'autre aspect de la question.
M. Heinkel: J'ai mal interprété votre question. Dans nos régimes de pension, en tant que fiduciaires, nous sommes responsables en dernier ressort de tous les votes en rapport avec les actions que nous détenons, tous les votes. Nous ne sommes pas au courant de tous les votes qui se déroulent relativement à nos actions. Le processus décisionnel concernant le droit de vote dépend du genre de vote qui a lieu. Il existe des tiers indépendants qui font la distinction entre les affaires courantes et les autres. Pour ce qui est des affaires non courantes, nous les examinons au conseil d'administration et il faut prendre des décisions. La réponse, c'est qu'il faut adopter des politiques sur la façon de procéder dans ces cas-là. La question de savoir si une personne siège au conseil d'administration ou non, à mon avis, est sans doute moins importante que d'adopter des politiques sur la façon de procéder pour un actionnaire.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est dommage que le sénateur St. Germain ait quitté la salle, je l'aurais informé que le gouvernement du Québec a une liste de plusieurs centaines de personnes qui agissent comme observateurs, et qui reçoivent les jetons de présence comme administrateurs sur ces conseils d'administration. Comme l'inquiétude de mon collègue est toute la question de patronage, vous vous imaginez que si nous avons des gens qui siègent sur 500, 600 conseils d'administration, ce sont 600 beaux postes de patronage à 15 000, 20 000, 25 000 $ par année. C'est sûr que si vous siègez sur le conseil d'une banque où vous avez des investissements, vous recevez un jeton de présence, même s'ils n'ont pas droit de vote de par leur mandat, ils reçoivent le jeton de présence et agissent comme membre du conseil d'administration. Tout cela pour vous expliquer que c'est un point qui est extrêmement important et qu'il ne faut pas sous-estimer. La participation, la représentation du «board» sur les conseils d'administration n'est pas faite juste par les membres du «board» de cet organisme. Il y a toute une liste de personnes qui sont nommées et qui agissent pour le compte de ce «board». Comme je connais certaines de ces personnes, très souvent, ces gens n'ont aucune compétence dans les secteurs où on les nomme. Ils sont là justement parce qu'ils ont des amis aux bons endroits. Cela m'inquiète d'autant plus que si on veut avoir un observateur, c'est pour savoir comment les affaires de l'entreprise sont menées, savoir si notre investissement est bien protégé: si on nomme quelqu'un qui ne comprend rien aux délibérations du conseil d'administration parce que c'est un ami du régime, de là l'inquiétude que j'ai.
Je vous parlais tantôt du droit de vote, parce que c'est probablement l'outil le plus puissant combiné à un nombre d'actions assez importantes. Je suis d'accord avec vous que d'avoir un observateur présent cela a une très grande influence en autant que la personne est compétente et peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés. Il y a énormément de danger, et c'est pour cela que je vous demandais de faire des commentaires. Cet aspect est même beaucoup plus large que le strict vote.
Il y a le mécanisme de nomination de ces représentants. Je l'avais attaché à la question de gestion active versus passive. J'ai compris vos commentaires à savoir que peut-être dans 20 p. 100 des actifs du portefeuille, on peut aller dans une gestion active et que, pour le reste, on demeure passif. Une fois que le fonds a atteint sa maturité avec 150 millions, on a encore des sommes considérables sur lesquelles on a un effet direct.
Je vous demande simplement vos commentaires pour que cet aspect soit bien compris. M. Lamoureux, hier, nous a dit que d'investir que sur les index représente peut-être une administration qui serait déficiente. Donc, il faut avoir une certaine flexibilité dans le système et, à partir de là, je prends vos commentaires en tenant compte de la question de représentation sur les conseils d'administration. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
[Traduction]
M. Stanley Hamilton: La première remarque à laquelle j'aimerais revenir c'est que dès que quelqu'un détient une part importante des actions de mon entreprise, je dois tenir compte de son avis, que cette personne ait le droit de vote ou non, qu'elle siège officiellement ou non à mon conseil d'administration, ou qu'elle vienne tout simplement me parler. Cela ne s'applique pas uniquement aux détenteurs d'actions de ma société. Si quelqu'un détient une part importante de ma dette, je me dois également de prêter une oreille attentive aux besoins de cette personne. Il existe une protection au niveau de l'entreprise. Même si ce conseil, cet office, en tant qu'investisseur, nommait un membre du conseil d'administration de General Motors, il y aura quand même d'autres administrateurs. À mesure qu'on descend le long de l'échelle, on exerce plus d'influence parce qu'on représente une plus grosse part du pouvoir d'achat.
Pour en revenir à la question qui nous préoccupe, tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'existe pas de principe clairement établi à suivre, si ce n'est s'assurer de la transparence du système de façon à permettre qu'on réagisse. D'une part, cet office d'investissement est chargé de veiller à obtenir le meilleur taux de rendement possible. Si les gestionnaires détiennent des parts d'une entreprise qui, selon eux, n'a pas un taux de rendement suffisant, trois options s'offrent à eux. Ils peuvent ne rien faire et en subir les conséquences, ce qui serait très irresponsable. Ils peuvent vendre leurs parts et investir ailleurs, ou s'adresser à l'entreprise en question en demandant aux responsables s'il est possible d'envisager des mesures qui lui permettront d'accroître son rendement. Je ne pense pas qu'il existe un principe clairement établi selon lequel il faut procéder d'une façon plutôt que d'une autre dans tous les cas.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous suggérez que l'on ait des critères assez précis pour la nomination des membres du conseil d'administration. Je suppose que quand on vous a invité à devenir membre d'un conseil d'administration, peut-être que vous n'aviez pas d'expérience antérieure. On n'est pas nés en siégeant sur un conseil d'administration d'un fonds de pension. Avez-vous des critères pour devenir membre d'un conseil d'administration?
Quand on parle de mieux définir le modèle pour la gestion du passif, est-ce que vous trouvez qu'on devrait donner des directives par le biais des règlements? C'est-à-dire est-ce que cela devrait venir du gouvernement étant donné que le fonds n'est pas complètement financé par les contributions?
[Traduction]
M. Heinkel: La première question portait sur les critères concernant la nomination de personnes à un conseil d'administration. D'après moi, le critère le plus fondamental est la question de savoir si un membre a quelque chose d'utile à apporter à ce conseil, certaines compétences qui serviront à la gestion de cet office. Il pourrait s'agir de compétences dans la compréhension des tendances de l'industrie ou d'autres domaines liés à la profession, mais il doit s'agir de compétences bien identifiables pour les Canadiens dont l'argent est investi dans ce régime. Qui plus est, il importe que lorsque l'Office d'investissement du RPC vote sur une question ou une autre, le résultat soit communiqué à tous les bénéficiaires du régime. Les résultats des votes devraient être du domaine public. Ainsi, si l'on vote pour appuyer une modification relative à une pilule empoisonnée, il faut que tous les membres du Régime de pensions du Canada en soient informés. La transparence est de loin le critère le plus important et il faut donc adopter une politique qui permette une certaine uniformité dans le processus décisionnel de tous les conseils d'administration d'entreprises.
M. Stanley Hamilton: J'aimerais ajouter quelque chose, mais pas par esprit de contradiction. Si l'on détient ce fonds d'argent qui doit servir à une fin précise établie d'avance, je voudrais savoir au départ quelles compétences il faut que les membres de l'office détiennent pour que tout cela fonctionne. Je répondrai ensuite à l'argument de Rob, en disant qu'il faut s'assurer que chaque membre apporte sa contribution particulière et qu'aucun secteur n'est oublié. C'est pourquoi nous avons fait allusion au fait que personne n'a parlé des compétences relatives aux régimes de pension car cela paraît évident. Nous voulions simplement nous assurer que dans ce portefeuille d'administrateurs, on trouverait toutes les compétences nécessaires pour que l'office puisse fonctionner convenablement.
M. Heinkel: Vous avez également posé une question au sujet des remarques de M. Lamoureux concernant l'indexation. Je regrette de me répéter, mais pour moi l'essentiel n'est pas de savoir s'il faut indexer strictement ou non, mais plutôt de savoir si le portefeuille est assez diversifié. L'indexation bien sûr signifie que le portefeuille est bien diversifié. Que l'on essaye ou non de s'aligner sur un critère précis, ce n'est pas très important à mon avis. Il est beaucoup plus important de réduire au minimum le risque qu'on prend.
Le sénateur Tkachuk: Les membres de notre caucus et moi-même appuyons fortement le principe de l'initiative que veut prendre le gouvernement. Nous lui avons demandé instamment de combler les lacunes actuelles du Régime de pensions du Canada. Pour ce qui est du fonds, bon nombre de problèmes restent à résoudre car nous estimons que cet office sera en place pendant très longtemps. Il va accumuler des capitaux énormes, sera un instrument financier puissant, et une fois lancé, il sera difficile d'y apporter des changements.
Par exemple, nous parlons maintenant des administrateurs. Nous n'avons pas la moindre idée de la liste qui sera établie. Nous connaissons les personnes qui examinent cette liste éventuelle qui sera tout simplement annoncée, une fois établie. Étant donné la façon dont le projet de loi est rédigé et compte tenu du 9,9 p. 100 qui sera prélevé, ce sera pour bien des Canadiens le seul régime de pensions. Nous, politiques, avons une responsabilité importante, celle de veiller à ce que ce régime de pensions soit viable et surtout à ce que les gens aient confiance en ses gestionnaires.
Je voudrais faire une mise au point sur d'autres choses. Si je me trompe, vous savez que j'ai horreur de me tromper, n'hésitez pas à me rappeler les règlements qui ont été abordés hier. Vous avez posé une question. On voit déjà à l'oeuvre certaines manoeuvres politiques avec un petit «P». Les provinces vont sans doute exercer leurs options de reconduction, lesquelles représentent près de 35 milliards de dollars, même si ce n'est pas à la valeur marchande. Il y aura toutefois une autre disposition ou du moins elle a été proposée dans le règlement. Nous avons eu une séance d'information à ce sujet hier. Il y a deux choses: 50 p. 100 des obligations dans lesquelles investira l'Office d'investissement du RPC doivent être des obligations provinciales. Je pense ne pas me tromper.
Le président: Oui, et ce pendant trois ans. Il y a une période de transition de trois ans.
Le sénateur Tkachuk: Oui. Il doit s'agir d'obligations provinciales. D'après ce que je peux voir, si toutes les provinces exercent toutes leur option de reconduction, comme elles le feront sans doute, d'ici à l'an 2020 le fonds comptera 255 milliards de dollars, à dix milliards près. C'est ce que nous déduisons des renseignements fournis par le ministère des Finances. Cela représente beaucoup d'argent et 2020, ce n'est pas si loin. Il nous est difficile d'imaginer quel instrument ce fonds, régi par 12 personnes, représentera. L'autre directive prévoit que pendant les trois prochaines années les fonds accumulés dans la caisse devront être investis dans des titres indexés. Au moment où l'on se parle, les directives sont déjà transmises avant même la création de l'office. Les trois principales décisions d'ordre politique ont déjà été prises à l'égard du fonds. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Heinkel: Ai-je bien compris que le fonds détiendra 35 milliards de dollars en obligations provinciales?
Le sénateur Tkachuk: Ces 35 milliards correspondent à la somme que les provinces doivent au fonds, des prêts donc qui seront reconduits parce que l'échéance approche et que nous n'avons pas un sou. C'est pourquoi nous faisons tout cela, n'est-ce pas? Il ne reste pas un sou dans le fonds.
M. Heinkel: J'ai dit au début que le portefeuille de notre régime de pensions, ce qui est sans doute assez courant pour bon nombre de régimes de pensions, compte 2 p. 100 de son actif en obligations provinciales. À mon avis, vous aurez 100 p. 100 d'obligations provinciales dès le début.
Le sénateur Tkachuk: Il en ira sans doute ainsi pendant les trois prochaines années.
M. Heinkel: Et cela aura une forte incidence sur la croissance du fonds.
M. Stanley Hamilton: Cela aura une incidence sur la croissance du fonds. Cela aura de toute évidence une incidence sur la part de risque également car si l'on consulte un expert financier en lui demandant quelle est la meilleure combinaison des avoirs pour un fonds de 35 milliards de dollars, je ne pense pas qu'il nous recommande de détenir uniquement des obligations; toutefois, il faut prendre certaines mesures de transition. Ce qui nous console, c'est que ces obligations sont reconduites aux taux du marché, ce qui représente un changement important et un gros avantage. Nous ne nous étions pas vraiment penchés sur les problèmes de transition et nous sommes tout à fait disposés à examiner la question et à vous envoyer ensuite une annexe à notre rapport, mais il faut bien admettre qu'il se posera des problèmes de transition.
M. Heinkel: Cela se répercute sans nul doute sur les attentes que l'on peut avoir relativement au rendement du fonds pendant les premières années.
M. Stanley Hamilton: On peut s'attendre à ce qu'un très gros fonds ait des incidences différentes sur les sous-marchés -- et cela fait peut-être partie de la période de transition aussi. Au tableau 4, nous indiquons nos inquiétudes concernant la position du fonds sur la Bourse de Toronto. Mais un fonds de la même taille sur un marché mondial ne serait qu'un autre joueur, donc les enjeux sont différents. Un fonds de la même taille qui investit dans les obligations a une incidence différente en général. Même si on essaye de vous donner certaines petites informations, nous savons qu'à mesure que le fonds croîtra et deviendra -- du moins on l'espère -- un fonds bien diversifié, il faudra examiner l'incidence du fonds dans chaque secteur. S'il y avait des investissements dans le capital-risque, le fonds risquerait de devenir le bassin le plus important du capital-risque au pays. Si le fonds investissait dans l'immobilier canadien, il aurait une incidence très localisée et probablement plus politique, avec un «P» minuscule. Donc les problèmes varient selon les différentes catégories d'actifs.
Le président: Merci. Nous aimerions accepter votre offre de nous transmettre des idées supplémentaires concernant les problèmes de transition. Cela nous serait utile car il existe, bien entendu, des problèmes d'adaptation. Nous vous en serions reconnaissants.
Le sénateur Austin: Je tiens à vous remercier tous les deux, messieurs Hamilton et Heinkel, de cet excellent mémoire. Je l'ai lu et je vais certainement le relire. Compte tenu de l'heure avancée, je n'ai que deux questions d'ordre technique à vous poser. La question de la gestion du passif que vous avez soulevée a été évoquée lors de notre audience à Toronto également. Comme vous le dites, le projet de loi ne prévoit pas de lignes directrices législatives. Il y aura probablement des lignes directrices prévues dans les règlements. Nous avons un projet de règlements. J'aimerais demander au président si nous pouvons en donner copie à ces deux témoins? Je vous demande de bien vouloir examiner les règlements proposés et de nous faire des commentaires. Le comité apprécie beaucoup votre compétence.
Le président: Nous n'avons que jusqu'à lundi. Les règlements ont déjà été distribués aux provinces et au comité afin d'obtenir des remarques. Je suppose qu'ils sont confidentiels dans une certaine mesure. Mais nous vous serions reconnaissants de recevoir vos observations.
Le sénateur Austin: Il ne s'agit que d'un projet de règlements et je respecte beaucoup votre compétence. Cependant, sur la question du passif, l'avant-dernier point en 2.1 se lit comme suit: «Le projet de loi ne précise pas quel pourcentage du passif du Régime de pensions du Canada doit être capitalisé avant quelle date.» Il ne fait aucun doute que la question est essentielle, mais je suppose, pour commencer, que l'actuaire en chef aura la responsabilité de préciser les détails concernant le passif et de fixer les cibles à l'intention du comité de placement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il existe beaucoup de ressources actuarielles, et le régime aura vraisemblablement sa propre équipe d'actuaires. Qu'en pensez-vous?
M. Stanley Hamilton: À mon avis, il faut tenir compte de trois questions. L'actuaire pourrait certainement indiquer le passif du régime. L'office d'investissement peut indiquer l'actif et donc le déficit ou l'excédent. Mais avant de faire l'étude actuarielle, il faut avoir une idée des engagements, parce qu'on travaille à partir de ces engagements. Le passif commence par un ensemble de promesses. Donc on peut supposer qu'il y a la politique sociale du Canada...
Le sénateur Austin: Nous avons les données démographiques. Le projet de loi prévoit le barème des prestations.
M. Stanley Hamilton: Compte tenu du barème des prestations et des prévisions démographiques, on peut avoir une évaluation assez juste de la valeur actuelle du passif. Le problème c'est que le projet de loi ne précise pas clairement si le régime sera capitalisé intégralement, et donc, si on finit par avoir un actif de 100 milliards de dollars, nous ne savons pas si oui ou non le chiffre est juste. Nous savons peut-être que le passif est de 150 milliards de dollars. Mais nous ne savons pas s'il y a une politique claire qui prévoit un déficit de 50 millions de dollars.
Le président: Quelqu'un nous a dit hier, et je ne connais pas l'origine du chiffre, que le fonds finirait par couvrir environ 20 p. 100 du passif. Mais je ne me souviens absolument pas qui nous a dit cela.
Le sénateur Austin: C'est Malcolm Hamilton, qui est actuaire, qui nous a dit hier qu'avec un taux de 9,9 p. 100, le gouvernement du Canada réussirait à couvrir le passif. Nous n'avons pas de calcul, mais il s'agit du passif qui vient à échéance. Nous n'aurons pas d'actif pour garantir tout le passif prévisible. Nous aurons un actif pour couvrir le passif prévu par les actuaires. C'est l'objectif du taux de cotisation à cet égard.
M. Stanley Hamilton: Nous avons essayé de dire que conclure qu'un taux de cotisation de 9,9 p. 100 offrira une certaine couverture suppose une notion du taux de croissance prévu de l'actif.
Le sénateur Austin: Oui.
M. Stanley Hamilton: Il faut faire la comparaison avec un régime privé, car c'est le point de départ. S'il s'agissait d'un régime privé, ou nous dirait, en tant qu'administrateurs, qu'il faut payer une prestation de 600 $ à tous les retraités. Ensuite, on nous dirait qu'il faut avoir un régime de retraite par capitalisation intégrale, et puis que le taux de cotisation serait de 15 p. 100 par an. On nous donnerait tous ces renseignements, et ensuite il nous incomberait de faire des investissements et de réaliser un taux de croissance suffisant pour atteindre ces objectifs. Nous disons que le projet de loi ne précise pas certaines choses. L'office d'investissement va promettre de faire de bonnes choses, mais cela peut se faire avec des gains de 5 p. 100 avec un risque très faible, ou bien avec des gains de 12 p. 100 avec un risque très élevé, si c'est ce qu'on vous demande de faire. On aimerait donc avoir des renseignements plus complets.
Regardez de nouveau le tableau 1. Quand nous avons lu le projet de loi pour la première fois, nous nous sommes demandé s'il créait un conseil d'administration, ou bien un comité de placement, pour ne pas confondre la terminologie. Normalement, c'est le conseil d'administration qui aurait la pleine compréhension du passif et la pleine responsabilité de l'actif. Nous avons l'impression que le projet de loi fait allusion uniquement à l'actif. Nous avons dit dans notre mémoire qu'il faut compléter le tableau si on veut que la population canadienne vous fasse confiance. On peut dire à la population qu'on a 100 milliards de dollars et qu'il y a eu une augmentation de 18 p. 100. Si on ne lui dit pas en même temps que le passif a augmenté de 30 p. 100, la population n'aura que des renseignements incomplets. Nous pensons que cette lacune doit être corrigée.
Le président: Nous ne pouvons pas vous donner ces renseignements, car nous ne les avons pas. Mais vous nous avez amenés à nous demander pourquoi nous ne les avons pas, ce qui est une question différente. Nous vous remercions d'être venus, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution. Le greffier va vous donner une copie du projet de règlements. Toute observation que vous aurez au sujet des dispositions de transition nous sera très utile. Votre mémoire était formidable.
La séance est levée.