Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 10 - Témoignages pour la séance du matin
VANCOUVER, le jeudi 19 février 1998
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 9 heures pour entamer son étude des dispositions sur la régie contenues dans la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (anciennement le projet de loi C-2).
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Bonjour. Nous avons le quorum et je vais ouvrir la séance. Je souhaite la bienvenue au sénateur Lawson.
Nous recevons ce matin M. Herb Grubel, professeur d'économie à l'Université Simon Fraser et Senior Fellow du Fraser Institute. Nous connaissons M. Grubel en tant que critique des affaires financières du Parti réformiste et membre élu de la Chambre des communes. Monsieur Grubel, nous vous souhaitons la bienvenue. C'est un plaisir pour nous de siéger ici, dans votre province.
M. Herbert Grubel, professeur d'économie, Université Simon Fraser, et Senior Fellow, The Fraser Institute: Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à vous faire part aujourd'hui de mes vues sur la réforme du RPC entreprise par le gouvernement libéral sous l'autorité de l'honorable Paul Martin, ministre des Finances. Je m'appuie pour cela sur ma formation d'économiste et de professeur de finances internationales, de même que sur le travail que j'ai effectué sur cette question lorsque j'étais critique des finances du Parti réformiste lors de la dernière législature.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je vais formuler d'abord mes critiques concernant le projet de réforme du RPC actuellement débattu au Parlement et aborder ensuite le cadre de régie et de reddition de comptes prévu pour le fonds excédentaire.
La réforme du régime de pensions est un sujet complexe et je n'aborderai que quelques aspects. Je vous invite à me poser des questions si vous avez besoin de plus amples précisions.
À supposer que la refonte libérale du RPC se fasse, on verra s'accumuler un important fonds temporaire constitué de l'excédent des cotisations engrangées par rapport aux prestations versées. On prévoit que ce fonds pourrait atteindre au moins 100 milliards de dollars, et peut-être beaucoup plus. Je partage vos préoccupations concernant la bonne gestion de ce fonds. Voici mes réflexions sur la manière de s'y prendre.
La condition la plus importante est que ce fonds soit géré en vertu de statuts exigeant l'optimisation du taux de rendement de l'actif placé. Le fonds devrait donc être exempt de l'obligation de subventionner des projets régionaux, industriels ou gouvernementaux de toutes sortes, quels que soient les avantages qu'on leur attribue. Si le placement ne dégage pas un rendement minimal en rapport avec le risque, il ne doit pas être effectué.
Ce principe comporte d'importantes difficultés d'application pratique. Comme vous le savez, les marchés financiers mettent en balance le rendement et le risque. Quel risque le fonds devrait-il accepter de courir s'il souhaite augmenter ses rendements? Le gouvernement a choisi de trancher cette question en exigeant que le fonds investisse passivement de façon à réaliser le rapport moyen de la bourse de Toronto. Grâce à votre initiative, des gérants de portefeuille ont comparu ici et indiqué que ce n'est pas un principe opérationnel applicable. Je suis d'accord. Il conviendrait de débattre de cette question et d'inscrire dans les statuts des lignes directrices appropriées concernant le taux de rendement en fonction du risque désiré, sans limiter totalement la marge de manoeuvre des gestionnaires à la lumière des conditions du marché.
Il y a également le problème du coût de l'administration, dont on peut penser qu'il sera composé principalement des frais de recherche requis pour trouver les placements appropriés et des frais de transaction associés au placement des fonds. Le coût élevé de la détention de fonds mutuels a récemment été porté à l'attention du public. Il ne faut donc pas négliger l'importance de ce facteur sur le taux de rendement net dégagé par le fonds. Faudrait-il imposer des limites au coût de l'administration?
Certains conseillers en placements recommandent une stratégie d'investissement à long terme. D'autres préfèrent une gestion plus active, soit la revente des avoirs non productifs et l'achat d'autres valeurs promettant un meilleur rapport. Laquelle de ces stratégies voulons-nous voir les gestionnaires du fonds suivre? Peut-être le placement passif dans l'indice de Toronto résout-il ce problème mais, comme des témoignages récents le donnent à penser, cette stratégie comporte ses propres inconvénients. Je salue réellement la large consultation que vous avez entreprise sur cette question.
Est-ce que la liberté d'investir en dehors de toute ingérence politique doit englober la liberté d'investir sans restrictions relatives au contenu étranger? Les économistes ont des arguments très convaincants pour montrer que de telles restrictions à l'investissement à l'étranger coûtent cher aux propriétaires des placements. Privés des avantages de la diversification offerts par la détention de valeurs étrangères, les investisseurs sont contraints d'accepter soit un rapport moindre pour un même risque soit un risque plus élevé pour un même rapport. Il n'est pas rationnel de grever de tels coûts un investissement énorme appartenant à la grande masse des Canadiens.
Il se trouve que j'ai moi-même rédigé une analyse publiée dans l'American Economic Review dans les années 70 qui chiffrait l'avantage d'une diversification internationale des avoirs. Cette étude a été largement reprise dans leurs manuels par des analystes financiers et beaucoup de gens s'en sont inspirés. Les études ont été grandement affinées et de nombreuses imitations ont vu le jour. Je suis absolument certain que nous renonçons à de grands avantages en confinant nos investissements aux valeurs canadiennes.
Le vice-président: Vous serez intéressé de savoir, monsieur Grubel, que les membres du comité sénatorial des banques sont très en faveur de la suppression du plafond de 20 p. 100 et l'ont recommandée au gouvernement, mais sans être encore parvenus à le convaincre.
M. Grubel: Permettez-moi de résumer en un paragraphe l'explication que je donne à mes étudiants, aux fins de votre procès-verbal.
Une considération majeure est que ces restrictions ne réduisent en rien le coût du capital au Canada ou la dette étrangère nette du pays. Ces deux variables, auxquelles beaucoup attachent de l'importance, sont déterminées par le rapport de l'épargne nationale à la demande de capitaux nationaux. Par exemple, si l'épargne canadienne totale est inférieure à la demande intérieure de capitaux, le solde provient de l'étranger. Soit nous allons le chercher à l'étranger soit nous devons nous en passer. Que fera la société si les Canadiens veulent investir 10 milliards de dollars chaque année en hypothèques pour acheter des maisons, construire des usines et si leurs gouvernements veulent construire des routes et des écoles, mais que l'épargne accumulée dans nos caisses de retraite et comptes d'épargne et tous ces instruments dans lesquels nous plaçons notre excédent de revenu par rapport à nos dépenses -- c'est-à-dire l'épargne nette annuelle, composée principalement de nos cotisations de retraite -- est inférieure à ces 10 milliards de dollars? Supposons qu'elle totalise 7 milliards de dollars. Les 3 milliards de dollars manquants seront toujours compensés par un afflux de capitaux étrangers. Si on dit aux caisses de retraite qu'elles ne peuvent prêter leur argent à l'étranger et qu'elles doivent l'investir ici, le scénario ne change pas, l'afflux net sera toujours de 3 milliards de dollars.
Le sénateur Kenny: Nous sommes convaincus d'avance. Nous sommes d'accord.
M. Grubel: Je suis désolé de cette longue explication.
Le vice-président: Cette explication est utile au public, monsieur Grubel et ne tenez pas compte de cette remarque du sénateur Kenny.
M. Grubel: J'ai remarqué, lorsque je siégeais au comité des finances, que je tombais souvent sur des gens qui suivent ces choses de près.
Je recommande donc fortement de ne pas restreindre la capacité du fonds à investir dans des avoirs étrangers. Évidemment, si cette recommandation est suivie, la stratégie de l'investissement passif dans l'indice de Toronto ne vaut plus.
Qui, de nos jours où les finances internationales sont mieux comprises, réclame que le contenu étranger soit limité à 20 p. 100? Je serais ravi de savoir quel groupement d'intérêts particuliers prône cela? J'aimerais pouvoir le dire à mes étudiants.
Le sénateur Kenny: Je pense que c'est le Parti réformiste.
M. Grubel: La définition de ces règles de régie et stratégies de placement est importante et un gros sujet de préoccupation du Sénat. J'ai lu vos discours à ce sujet. Le thème universel est que vous souhaitez que le fonds soit libre d'ingérence politique. Parallèlement, vous exigez que ses gestionnaires aient des comptes à rendre à quelqu'un. Vous donnez à entendre que ce quelqu'un pourrait être le Parlement.
Je partage pleinement vos sentiments. Le problème est que si vous voulez exiger des comptes de quelqu'un, il vous faut un étalon comptable pour déterminer dans quelle mesure ce responsable a bien rempli ses fonctions. L'absence de telles normes de performance dans la loi vous frustre et votre réaction instinctive est de laisser le Parlement décider quelles sont ces normes tacites et si elles ont été respectées ou non. Vous comptez faire appel au bon sens et à la sagesse politique pour trouver les critères voulus le moment venu.
À mon sens, ce modèle est fautif. Vous ne pouvez jouer sur les deux tableaux. Un fonds géré hors de toute influence politique mais astreint à des évaluations de rendement périodiques par les politiciens fera inévitablement que ses gestionnaires chercheront par-dessus leurs épaules des indices de critères politiques de performance.
J'ai l'impression que votre frustration découle du scénario suivant. Imaginons que les gestionnaires du fonds prennent de mauvaises décisions et que les taux de rendement soient nettement inférieurs à ce qu'ils auraient pu être, comparés à la performance des fonds d'investissement privés. Comment faire endosser à ces gestionnaires la responsabilité de leurs échecs?
Vous craignez également, à juste titre, que certains placements soient effectués pour des raisons politiques mais que les motifs en soient bien cachés. Comment prévenir cela, à moins d'avoir un chien de garde qui passe à la loupe chaque décision de placement pour essayer d'en deviner les intentions?
Le gouvernement cherche à contourner tous ces problèmes avec son choix d'une stratégie de placement passif dans l'indice de Toronto. D'une certaine façon, c'est une solution ingénieuse au problème, sauf qu'elle peut échouer, qu'elle interdit la diversification internationale et qu'elle pénalise les investisseurs des bourses régionales de Montréal, de l'Alberta et de Vancouver.
À mon avis -- et nous en venons maintenant à quelques esquisses de solution -- vos préoccupations et les trois objections précédentes peuvent être réglées au moyen de la stratégie suivante.
Premièrement, veillez à ce que les gestionnaires et directeurs du fonds soient des experts techniciens sans allégeance politique, qu'ils ne puissent être nommés ou démis pour des raisons autres que l'incompétence technique et la fraude.
Deuxièmement, rendez ces gestionnaires et administrateurs responsables au moyen d'incitations financières. Embauchez des personnes ayant une expérience solide de la gestion de gros portefeuilles. Rémunérez-les en combinant le salaire avec des primes de manière à les récompenser de bons résultats et à les sanctionner financièrement s'ils ont de mauvais résultats. Supposons que le meilleur gestionnaire d'un fonds de la taille considérée commande un salaire de 250 000 $ par an sur Bay Street. Signez avec lui ou elle un contrat prévoyant le paiement de cette somme si le fonds a un rendement cette année-là égal à la moyenne des rendements des bourses de Toronto, New York, Tokyo et Londres, par exemple, moins les frais administratifs, pour des caractéristiques de risques similaires à celles de ces marchés de référence. Si le fonds rapporte moins, réduisez le salaire de montants spécifiques. Versez des primes si le fonds fait mieux.
Troisièmement, il conviendrait de créer un certain nombre de fonds distincts, peut-être de trois à cinq, chacun s'efforçant de manière indépendante de maximiser les taux de rendement. Cette concurrence serait un puissant stimulant dans le sens d'une meilleure performance. Les résultats donneraient également des étalons précieux pour juger la performance des fonds individuels et leurs gestionnaires.
Là encore, l'établissement de contrats axés sur le rendement comporte quantité d'écueils. Peut-être faudrait-il imposer aux gestionnaires des limites quant à la proportion des placements en actions par opposition aux obligations assorties de divers degrés de risque. La pondération des différentes bourses nationales dans le taux de rendement moyen doit être déterminée. Tout cela n'est pas facile et peut, en fin de compte, exiger quelques décisions arbitraires. Mais ces problèmes peuvent et doivent être examinés.
Quatrièmement, les statuts du fonds devraient également comporter des critères en fonction desquels les gestionnaires et administrateurs peuvent être carrément démis. La fraude est un critère évident. De mauvais résultats persistants peuvent en être un autre. Il faudrait envisager aussi la soumission à l'influence politique, mais seulement après avoir mûrement réfléchi aux méthodes permettant de la prouver. Il y a le problème toujours ardu du conflit d'intérêts pouvant résulter des avoirs personnels des dirigeants. Il y a des précédents juridiques et contractuels dont on peut s'inspirer à cet égard.
Cinquièmement, les statuts devraient assurer une rotation convenable des administrateurs. Il faut du sang et des idées neufs pour stimuler les dirigeants. Dans le même temps, les conseils d'administration ont besoin d'une certaine continuité. On pourrait ainsi remplacer 20 p. 100 des administrateurs chaque année, pour avoir un renouvellement complet tous les cinq ans.
Sixièmement, les critères inscrits initialement dans les statuts peuvent devenir dépassés pour des raisons techniques ou politiques. Il faut donc prévoir une clause permettant de modifier les statuts. Le tour d'adresse dans un tel mécanisme consiste à rendre la modification difficile mais pas impossible. On pourrait s'inspirer des dispositions existant ailleurs dans le monde et prévoir que les statuts peuvent être modifiés à la majorité de 75 p. 100 et de la Chambre des communes et du Sénat.
En résumé, il est à retenir des propos qui précèdent que les honorables sénateurs sont légitimement préoccupés par la gestion du fonds d'investissement proposé. Vous voulez qu'il soit libre d'ingérence politique mais vous exigez également la reddition de comptes. C'est au stade de la conception des statuts régissant le fonds que les politiciens ont un rôle à jouer. Veillez à ce que les gestionnaires et administrateurs soient politiquement indépendants et qu'il y ait un ensemble de critères de performance clairs en fonction desquels ils seront périodiquement évalués. Veillez à ce que ces gestionnaires et administrateurs soient tenus responsables à la lumière de ces critères de performance et non des lubies politiques du jour. Veillez à ce que cette responsabilité soit concrétisée sous forme de sanctions et de récompenses financières symétriques.
Je suis convaincu que ces garde-fous peuvent être inscrits dans les statuts du fonds sans entraver indûment la latitude des gestionnaires de gérer et des administrateurs d'administrer. Je recommande que vous exigiez la rédaction de tels statuts.
Bonne chance dans vos délibérations et vos efforts d'amener Paul Martin et ses mandarins à voir les choses comme vous.
Le vice-président: J'ai oublié de mentionner que la raison pour laquelle nous avons une heure pour cette présentation est que le professeur William Stanbury, de la Faculté d'administration des affaires de l'Université de la Colombie-Britannique, doit comparaître à 10 heures. Je présente mes excuses à M. Grubel.
Le sénateur St. Germain: Je tiens à remercier M. Grubel. Comme prévu, son mémoire était excellent, appuyé sur d'excellents arguments et présenté de manière excellente.
J'ai tendance à être un peu monomaniaque dans ce voyage. Vous voulez que l'Office soit libre d'ingérence politique mais aussi qu'il soit responsable. C'est l'ingérence politique qui me préoccupe le plus. J'espère que vous conviendrez avec moi que si nous supprimons l'ingérence politique et trouvons des gens compétents, le système sera en ordre de marche et votre idée de statuts représenterait une situation idéale où le fonds fonctionnerait bien. D'autres, dans notre parti, considèrent que des fonds distincts en concurrence les uns avec les autres seraient une excellente idée.
J'ai demandé au ministre pourquoi il a opté pour la nomination par décret des administrateurs alors qu'il existe dans le secteur privé et chez les syndicats d'autres méthodes de sélection. Tous les Canadiens sont parties prenantes et il est impossible qu'ils puissent être représentés dans une réunion du conseil. L'idée qui m'est venue, suite à mes entretiens avec le fonds de pension des enseignants de l'Ontario, est que le gouvernement fédéral nomme la moitié des membres et les gouvernements provinciaux l'autre moitié, avec un président neutre. La transparence serait alors assurée. Nous savons tous ce qu'il en est des nominations par décret -- je suis sûr que vous vous souvenez de certaines effectuées lorsque vous étiez à la Chambre des communes.
Avez-vous une réaction à cela?
M. Grubel: Je ne suis pas un expert de la manière de rendre neutre un conseil. Ce que j'essayais de faire ressortir, c'est qu'il y a un équilibre très délicat à trouver dans un très grand nombre d'organes de notre société entre, d'une part, faire confiance à un ensemble de personnes intelligentes et bien intentionnées pour exécuter une certaine tâche et, d'autre part, restreindre leur marge de manoeuvre.
J'ai prononcé quantité de longs discours à la Chambre des communes sur les restrictions à imposer à une assemblé législative dûment élue pour l'empêcher d'imposer une dette aux générations futures, car cette génération future n'aura jamais eu son mot à dire dans l'élection de ces députés, n'aura pu influer sur l'élection de ces personnes. De nombreux gouvernements dans le monde estiment qu'il est légitime de restreindre le pouvoir du Parlement, tout comme nous avons une Déclaration des droits. Pourquoi l'avons-nous? C'est parce que nous ne pouvons faire toujours confiance aux parlementaires pour agir dans les intérêts à long terme de la société -- par conséquent, on prévoit dans la Constitution un certain nombre de choses qu'ils ne peuvent faire. Nous avons le même problème ici. Il y a une ligne délicate à tirer entre, d'une part, dire qu'après mûre réflexion nous pensons qu'il vaut mieux limiter la liberté des décisionnaires et savoir, d'autre part, que de nombreuses situations se produisent dans le monde où les élus sont appelés à faire preuve de jugement et où on est obligé de leur faire confiance. Voilà le dilemme auquel vous êtes confrontés. Où précisément tirer la ligne, voilà la grande question qui se pose à vous.
Le sénateur St. Germain: Mais s'il faut des poids et contre-poids, ne voyez-vous pas d'intérêt à la présence de membres nommés par les provinces par opposition à ceux nommés par le gouvernement fédéral? Ce fonds est un cas spécial. Ce n'est pas comme nommer les dirigeants de sociétés d'État ou des juges de cour d'immigration. Ce fonds engage l'avenir dont vous parlez.
Le Régime de pensions du Canada a été mis en place il y a une trentaine d'années. Il était censé fournir des retraites et nous savons maintenant qu'il ne peut suffire à ses engagements. S'il ne peut répondre à ses obligations dans 30 ans, j'aimerais penser que nous, à ce bout-ci, avons fait ce que nous avons pu, non pas pour enlever des pouvoirs au gouvernement ou à l'exécutif d'aujourd'hui, mais assurer un certain équilibre de la représentation des intervenants. Les gouvernements provinciaux nous représentent au niveau régional et le gouvernement fédéral a son rôle propre. Je préconise comme solution que les deux paliers nomment des administrateurs. Je pense que si les nominations sont faites correctement, il y a suffisamment de gens compétents dans notre société qui, chargés de ces responsabilités, feront ce qu'il faut et investiront aussi bien qu'on peut l'espérer.
M. Grubel: Sénateur, j'apprécie votre propos et je souscris à votre dernière affirmation, à savoir qu'il y a beaucoup de gens compétents pour faire ce travail. Personnellement, je ne vois pas la nécessité de cette dichotomie entre administrateurs nommés par les provinces et ceux nommés par le gouvernement fédéral. C'est une source de conflit inutile. Je ne m'inscris pas dans une optique politique, mais dans une optique académique. Je nommerais un tiers d'économistes, un tiers de professeurs de finance et un tiers de praticiens des grands cabinets de gestion de portefeuille. Ce serait une dichotomie appropriée. Ils n'ont d'allégeance envers personne. Vous pouvez déterminer dans quelle mesure ils adhèrent à une idéologie avant de les nommer.
Je n'ai pas réfléchi suffisamment à cela pour souscrire à votre idée. Je vois un risque de conflit artificiel entre les intérêts des provinces et ceux du gouvernement fédéral.
Le sénateur St. Germain: Vous devez convenir que les élus ont été choisis par les parties prenantes. Dans votre exemple d'un universitaire ou d'un économiste, ils n'ont de comptes à rendre à personne.
Les élus sont responsables de par le fait qu'ils doivent être élus, c'est tout ce que je dis.
M. Grubel: Si vous êtes un gestionnaire ou un responsable du secteur financier de Bay Street, vous devez des comptes car, si vos résultats sont mauvais, vos revenus futurs vont considérablement baisser. Vous êtes très fortement incité à faire un bon travail. L'intervention politique doit consister à dire que vous voulez que ce fonds rapporte chaque année aussi près que possible du rendement qui aurait été obtenu s'il avait été placé dans les pays du monde selon une certaine proportion. Vous limitez ainsi immédiatement la capacité des gestionnaires du fonds à décréter qu'il y a un merveilleux port à construire quelque part à Terre-Neuve qui va créer 1 000 emplois et qu'ils vont y investir. C'est impossible selon ces contraintes car le rendement ne sera pas au rendez-vous et ils ont tous un enjeu dans leur réputation de professeurs de finance -- je plaisante, bien sûr, il n'y a pas tant de professeurs capables de faire ce travail -- je plaisante encore. L'essentiel est qu'ils aient un très grand enjeu, et cela représente un système de responsabilisation implicite que vous devriez mettre à profit dans la conception du cadre de référence ou des statuts régissant le fonds.
Le sénateur Kenny: Monsieur Grubel, votre exposé est très stimulant et intéressant. Le premier élément sur lequel j'aimerais davantage de précisions est l'idée d'une rémunération des gestionnaires fondée sur la performance. Comment façonner une formule récompensant la performance tout en assurant la sécurité et la stabilité à long terme du fonds?
Selon mon expérience, chaque fois que l'on élabore un barème de rémunération axé sur la performance, la question clé qui se pose est de savoir si c'est sur un an, cinq ans ou dix ans? Il est facile de concevoir une rémunération récompensant la performance sur un an. Il est plus difficile de le faire sur cinq ans et nous recherchons ici une performance sur peut-être 30 ans, et ceux qui prennent aujourd'hui ces décisions ne seront plus là à l'échéance.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la manière d'intégrer des incitations à la rémunération?
M. Grubel: Je conçois vos réserves mais il faut bien voir qu'il y a une séquence de cinq ajustements annuels au revenu moyen espéré. Parfois c'est plus, parfois c'est moins, selon que les résultats du fonds sont plus ou moins bons, mais après cinq ans vous avez une moyenne. Je ne pense pas que l'horizon temporel soit un problème si sérieux. Il y a beaucoup à dire en faveur de l'horizon d'un an utilisé dans la plupart de ces barèmes.
Le sénateur Kenny: Je ne vous ai pas bien décrit le problème, monsieur. On voit que beaucoup de gestionnaires de portefeuille aujourd'hui sont obnubilés d'abord par les résultats du trimestre en cours puis de l'année en cours. Avec ce fonds, peu nous importe le rapport ce trimestre ou cette année, comparé aux résultats sur dix ans. C'est la santé à long terme du fonds qui compte. Comment concevoir un barème de rémunération pour quelqu'un, aujourd'hui, alors que ce qui nous intéresse c'est si les investissements s'avéreront avoir été prudents dans de très nombreuses années?
M. Grubel: Dix années, c'est la somme de dix primes annuelles. En se concentrant sur le court terme, ils finiront par afficher de bons résultats à long terme. Le système américain que vous critiquez implicitement, où les gestionnaires focalisent sur les gains à court terme, a été lourdement critiqué par des gens qui disent que nous devrions faire comme en Europe où les grosses banques les contraignent à considérer le long terme. Mais regardez où en est l'Europe; elle est malade. Ils disent maintenant: «Peut-être devrions-nous, en Europe, nous concentrer sur le court terme, nous aussi».
Vous avez soulevé une question importante. Je ne sais pas quelle est la réponse, autre que celle que j'ai donnée.
Le sénateur Kenny: Monsieur le président, j'aimerais attirer là-dessus l'attention du comité car la question de la rémunération est délicate.
J'aimerais passer au système de régie, monsieur. Vers la fin de votre exposé vous avez dit que les gestionnaires devaient être à l'abri des lubies politiques du jour. Cela ressemble fort au Sénat. La critique ou les opinions que nous avons entendues jusqu'à présent tendent à pencher fortement dans l'autre sens, à savoir que la Chambre des communes devrait intervenir davantage dans la supervision de ce fonds, alors que, par leur nature même, les députés sont politiquement versatiles. Leurs comités sont renouvelés au moins une fois tous les deux ans, souvent plus fréquemment que cela; il y a un manque de continuité, une tendance à l'absence de mémoire collective. Votre point de vue semble un peu différent de ce que d'autres témoins préconisent. Pourriez-vous nous en dire plus?
M. Grubel: Je répète que le moment de l'intervention politique est celui de la conception du cadre de référence et des procédures opérationnelles et des mesures de contrôle du fonds, des incitations salariales, et cetera. C'est à ce stade que tout ce débat doit intervenir. On peut toujours régler ces choses plus tard, mais c'est plus difficile. Tout cela devrait être assez simple. Il faudrait tenter de maximiser le taux de rendement en assurant une stabilité raisonnable et un risque minimal. Cela suffit, et on décide ensuite au niveau politique de la meilleure façon de se prémunir contre les tentatives d'ingérence, de garder les politiciens à leur place.
Ne créez pas un système qui exige des séances de reddition de comptes avec soit les députés soit les sénateurs chaque mois, chaque trimestre, chaque année. Cela amènerait ceux qui gèrent les affaires au jour le jour à regarder constamment derrière eux et à se demander: «J'aime ce travail, il est bien payé» -- et toute cette sorte de perspectives merveilleuses -- «Je me demande ce qu'ils attendent réellement?» Ne faites pas cela. Il est assez simple de dire: «Réalisez le meilleur rendement que vous puissiez obtenir pour les générations futures de retraités».
Le sénateur Kenny: Le dernier domaine que je souhaite explorer avec le témoin est celui de la régie de l'office.
Avez-vous jamais envisagé une fondation qui serait initialement mise sur pied par le ministre mais qui aurait la capacité de se perpétuer elle-même, ou quelque système d'actionnaires fondés de pouvoir auquel on pourrait recourir pour administrer l'organisation?
M. Grubel: Non, mais cela semble très intéressant. Savez-vous qui a imaginé cela?
Le sénateur Kenny: On nous en a parlé à Calgary. Je suis sur le point de déposer un projet de loi instaurant une fondation qui se perpétue elle-même -- je le soumettrai à mes collègues dans quelques semaines. Il établit une fondation initialement constituée par le ministre, mais avec un mécanisme qui lui assure l'indépendance et lui permet de se perpétuer elle-même.
M. Grubel: Ce qui a influencé ma réflexion sur la question est le travail que j'ai effectué en association avec des personnes qui gèrent de très grosses fondations américaines. Il y a un monsieur qui a indiqué que des recherches ont établi que, quel que soit l'objectif qu'un donateur attribue à une fondation et prescrit très clairement dans son testament, après un maximum de cinq ans ces objectifs sont contournés et toute la fondation se trouve pervertie. Par conséquent il est très important que vous examiniez de très près les statuts de toute fondation pour éviter une telle chose. Il y a des conservateurs convaincus qui ont fait des dons pour des objectifs conservateurs qui m'intéressent et, par des tours de passe-passe ou simplement par quelque astuce, ces fondations sont tombées sous la coupe de gens qui s'en servent pour toutes sortes de choses qui amèneraient le donateur à se retourner dans sa tombe. La seule qui a échappé à ce sort est la Liberty Foundation d'Indianapolis. La nature de ses statuts a empêché cela.
Le sénateur Meighen: Vous avez dit que les fiduciaires ou les membres de l'Office d'investissement devraient s'efforcer d'obtenir le meilleur taux de rendement sans risque excessif. Je suppose que plus l'on grimpe dans la courbe du rendement, plus le risque augmente.
M. Grubel: Oui, mais on peut contourner cela au moyen d'une bonne diversification. Lorsque sévit une «grippe asiatique», l'Europe peut marcher très fort. Lorsque l'est du Canada est en difficulté, l'Ouest peut connaître un boom et inversement. Une large diversification du portefeuille offre un compromis extrêmement favorable entre le rendement et le risque.
D'aucuns affirment que nos banques réussissent si bien -- et vous ne souhaitez peut-être pas entendre cela -- et ont d'excellents résultats selon les normes internationales parce que, contrairement aux banques américaines, elles sont régionalement diversifiées et peuvent aplanir ces écarts de performance. C'est un principe assez simple mais qu'il ne faut pas perdre de vue, surtout lorsqu'il s'agit de gérer un fonds de 100 milliards de dollars.
Le sénateur Meighen: Je ne vois pas pourquoi vous pensez que je n'aimerais pas entendre cela.
La première chose à déterminer est le passif ou le taux de croissance que l'on veut atteindre. Si vous pouvez déterminer ce que sera le passif, vous pouvez alors décider quel taux de croissance est requis.
M. Grubel: Je ne saisis pas la notion de passif dans ce contexte.
Le sénateur Meighen: Ce que le fonds de pension va devoir verser, n'est-ce pas la première chose à déterminer?
M. Grubel: Non. Plutôt, cela peut être un facteur. Il faut considérer les cotisations, qui vont passer à 9,9 p. 100, comme étant la variable principale dans cinq ou dix ans.
Honorables sénateurs, puis-je attirer votre attention sur deux diagrammes joints à mon mémoire qui proviennent de l'OCDE. Je sais, pour avoir fréquenté mes collègues à la Chambre des communes, que très peu de gens savent ce qu'il en est de nos pensions. Ceci provient de la publication annuelle de l'OCDE qui fait le point de la situation du Canada. Manifestement, elle repose sur quantité de données provenant du ministère des Finances. Néanmoins, ce sont des calculs objectifs. Dans mon introduction, j'ai loué le gouvernement d'avoir fait ce qu'il a fait à l'intérieur des contraintes dues au fait qu'il s'agit d'un croisement entre un régime pleinement capitalisé et un fonds d'investissement.
La figure 35 montre le scénario de base. L'axe horizontal représente les années. Ce diagramme montre quelles recettes les cotisations projetées avant la réforme actuelle dégageraient. Dans le diagramme A, les recettes seraient légèrement supérieures à 4 p. 100 du revenu national et commencent à plafonner à partir de 2020. Les barres verticales représentent les paiements à effectuer par le fonds conformément aux projections démographiques.
Le diagramme B représente le scénario de financement par répartition stricte. Les chiffres sont toujours exprimés en pourcentage du PIB, et de ce fait ne sont pas très parlants, mais on prévoyait qu'ils devraient atteindre de 16 à 17 p. 100 du revenu admissible, c'est-à-dire que c'est un financement par répartition strict.
Le scénario du «coût intégral», le diagramme C, est un peu plus difficile à expliquer. Cependant, le scénario de «l'état stationnaire», le diagramme D, celui que j'ai adopté pour évaluer les réformes actuelles, montre que l'évolution suivrait cette ligne que vous voyez, qui atteint 9,9 p. 100. La hausse serait rapide jusqu'en 2003 pour atteindre 9,9 p. 100. À ce niveau, vous voyez la ligne pointillée qui représente le montant total disponible pour effectuer les versements, du fait de l'accumulation d'excédents les premières années et des intérêts qu'ils ont produits.
Sénateur, et j'en reviens maintenant à ce que vous avez dit, ceci est fondé sur quelques projections du taux de rendement de ces placements qui fait que cette ligne pointillée couvre pratiquement tout le passif non capitalisé. Si le taux de rendement est inférieur, et l'on voit de nouveau de longues barres noires apparaître après une certaine année, ce qui va se passer, c'est que la ligne continue qui indique les cotisations va simplement devoir grimper.
Le sénateur Kenny: Vous m'avez perdu avec ce diagramme. Je suppose qu'en abscisse vous nous donnez les années.
M. Grubel: Le pourcentage du revenu national perçu en cotisations ou le pourcentage du revenu national que représentent les dépenses.
Le sénateur Kenny: Je ne vois nulle part comment vous arrivez à 9,9 p. 100. Aucun des diagrammes ne dépasse sept.
M. Grubel: Je comprends. C'est 4,5 p. 100 du revenu national. C'est l'indicateur qui permet le mieux de mesurer ces choses, car 9,9 p. 100 des revenus admissibles est un chiffre réellement très incertain. Je vous donne ces chiffres pour ancrer votre réflexion sur la question.
Le sénateur Kenny: J'essaie de trouver le lien entre les 9,9 et les 4 p. 100. Je ne vois pas ce lien.
M. Grubel: Il n'est pas indiqué ici. C'est un renseignement additionnel que je vous donne et que vous trouverez en lisant le chapitre.
Le sénateur Kenny: Je disais que je ne comprends pas votre explication et vous demandais de la répéter lentement.
M. Grubel: Le scénario de l'état stationnaire, le diagramme D, est celui que le gouvernement a adopté. Il montre que les recettes des cotisations resteront constantes à 4,3 p. 100 du revenu national et cela est obtenu -- et j'ajoute ce renseignement -- avec le taux de 9,9 p. 100. Ces 9,9 p. 100 sont atteints vers 2003, comme le montre le diagramme, et vous verrez qu'ensuite les fonds seront suffisants, que pendant toute cette période la ligne continue représentant les revenus de cotisations est supérieure aux dépenses représentées par la barre, c'est-à-dire le passif qui vous préoccupe.
Le sénateur Kenny: Ma question porte sur la ligne pointillée: est-ce là le scénario le plus favorable, le plus défavorable ou une moyenne? Il y a une légère sous-capitalisation ici, mais j'aimerais mieux voir trois lignes, indiquant le scénario probable, le meilleur scénario et le pire scénario. Pourriez-vous tracer ces lignes pour nous?
M. Grubel: Non, je ne peux pas. Il faudrait que vous regardiez le détail des calculs. Ceci n'est qu'une variable. Cela dépend aussi de la longévité. Cela dépend aussi du taux de rendement du fonds. Comme vous l'avez souvent constaté, on est bien obligé de faire confiance aux actuaires pour ce genre de choses. Vous aimeriez peut-être voir une variance et prévoir un coussin de sécurité, mais le coussin de sécurité réside essentiellement dans le fait que le Parlement garde les commandes et peut apporter des ajustements si cela ne marche pas comme prévu.
Honorables sénateurs, veuillez passer à la page suivante. Ici, on a considéré l'effet des changements apportés à tout le fonctionnement du régime de pensions. Mon cheval de bataille, sénateur St. Germain, est celui-ci: pourquoi n'ont-ils pas augmenté l'âge normal de la retraite? Regardez de nouveau le scénario de base en A, vous voyez que l'excédent des paiements par rapport aux recettes de cotisations est très important. Passez maintenant au diagramme B et voyez de combien cet excédent diminue si l'âge normal de la retraite passe de 65 à 67 ans. Si vous retournez cela et le surimposez sur ce qu'ils ont fait avec le passage à 9,9, le taux n'aurait pas dû passer à 9,9 p. 100; on aurait pu ne le porter qu'à 9 p. 100, ce qui est un écart énorme.
J'ai demandé à David Walker pourquoi ils n'ont pas envisagé cela. J'ai demandé à Paul Martin pourquoi ils n'ont pas envisagé cela. Ils m'ont donné des réponses totalement insatisfaisantes. Je vous exhorte à user de votre influence pour amener le ministère des Finances et Paul Martin à reconsidérer cela. Les Américains l'ont fait, les Britanniques l'ont fait, divers autres pays l'ont fait. Cela permettrait des économies très impressionnantes. À mon avis personnel, il faudrait même passer à 68 ou 69.
Le sénateur Kenny: Certains d'entre nous aiment 75.
M. Grubel: Je vous remercie de m'avoir permis de vous montrer ces diagrammes.
Le sénateur Meighen: Convenez-vous, professeur Grubel, que le vérificateur général devrait être le vérificateur du fonds, ou bien avez-vous un avis à ce sujet?
M. Grubel: Je suppose que le vérificateur général devrait venir s'assurer qu'il n'y a pas de fraude. Nous avons eu beaucoup de débats à la Chambre des communes sur la question de savoir si certaines des suggestions du vérificateur général n'empiètent pas sur la souveraineté de la prise de décisions politiques. Il y a toujours ce risque. Aussi, il serait peut-être tout aussi bien qu'un cabinet de comptables privé, de bonne réputation, vérifie qu'il n'y ait pas de fraude et que les livres reflètent bien la situation, car il serait moins tenté d'imposer ses propres vues sur ce qui est bon pour la prochaine génération, contrairement à ce que le vérificateur général -- et je n'en suis pas forcément mécontent -- serait tenté de faire.
Le sénateur Meighen: Je pense qu'ils projettent des frais d'administration équivalant à un dixième de 1 p. 100 de l'actif. Selon votre expérience, est-ce là un montant raisonnable?
M. Grubel: Je ne suis pas compétent dans ce domaine.
Le sénateur Meighen: Dans votre mémoire vous préconisez, en réaction à ce que je considère une préoccupation très légitime, de peut-être scinder le fonds en deux ou trois fonds plus petits, une fois bien établi. Il est généralement admis que cela accroîtrait les frais administratifs. Pensez-vous que ce soit possible sans une séparation physique?
M. Grubel: Je ne peux vous donner qu'un aperçu à cet égard, à savoir que chez les gros fonds mutuels, ce sont les commissions de vendeur qui font mal, et nous n'aurons pas de commission de vendeur. C'est l'un des avantages de contraindre les gens à cotiser au fonds de retraite. C'est une énorme dépense en moins. Les frais administratifs à l'ère informatique sont relativement modestes. Il faut aussi considérer qu'une personne capable de gérer un fonds de 100 milliards de dollars, choisie parmi les meilleures du monde, commandera un salaire plus élevé que trois dont chacun ne gérera que 33 milliards de dollars.
Voilà les éléments, mais je n'ai pas de réponse catégorique à cela. Il vous faudra demander aux gens de Bay Street.
Le sénateur Oliver: Lorsque nous étions à Toronto, l'un des témoins nous a dit que «plus c'est gros, plus c'est bon». Dans son document, il indiquait que deux chercheurs ont avancé deux raisons à cela: premièrement, une taille accrue permet des économies d'échelle accrues, et donc des coûts d'exploitation unitaires moindres. Deuxièmement, et c'est peut-être le plus important, une taille accrue donne la capacité d'engager une équipe de gestion professionnelle à plein temps ayant pour mission de produire un RANVA positif.
Ne pensez-vous pas que c'est une meilleure solution? Non seulement cela, mais certains fonds canadiens n'ayant qu'un bassin de capitaux engagent trois ou quatre gestionnaires différents pour l'administrer; ils comparaissent tous les trimestres devant le conseil pour rendre des comptes. Pourquoi cela ne pourrait-il marcher? Pourquoi faudrait-il scinder le fonds en trois?
M. Grubel: On invoque toujours les économies d'échelle dans le fonctionnement de telles organisations. Les banques fusionnent pour former la plus grosse banque du monde et on les voit rapidement s'effondrer. La folie des fusions emporte les sociétés capitalistes tous les 20 ans à la poursuite d'économies d'échelle. Le socialisme représente l'économie d'échelle ultime, n'est-ce pas? Nous savons aussi qu'il y a la contrepartie de la paresse qui vient avec l'embonpoint, l'absence d'étalon auquel se comparer. Lorsque je regarde les leçons de l'histoire, je dis que la concurrence vaut mieux et que les avantages dynamiques l'emportent sur les gains statiques des soi-disant économies d'échelle.
Le sénateur Oliver: Dans votre mémoire vous employez à plusieurs reprises des expressions telles que: «Je veux un conseil d'administration politiquement indépendant», et vous avez dit que les administrateurs ne doivent pas être empoisonnés par la politique, faute de quoi ils ne pourront pas prendre de bonnes décisions dans l'intérêt public. J'ai beaucoup de mal à imaginer qui peut être cette personne exempte d'influence politique. Vous-même ne seriez pas exempt d'influence politique car vous vous êtes porté candidat dans une élection. Qui est cette personne et comment pourrait-elle atteindre cette pureté?
M. Grubel: Vous avez mis le doigt sur un point très important. C'est là un idéal abstrait. Comme vous le savez, on a vu suffisamment de juges nommés aux États-Unis passés impitoyablement sur le gril par les sénateurs et, alors qu'on attendait qu'ils se montrent libéraux, se révèlent conservateurs ou inversement. Une fois que les gens sont placés dans une situation d'indépendance comme celle-ci, j'espère qu'ils poursuivront l'intérêt général plutôt que des intérêts politiques étroits.
Le sénateur Oliver: Cela signifie-t-il que quelqu'un qui s'est porté candidat aux élections pourrait être nommé sans inconvénient, sur la base de ce que vous venez de dire?
M. Grubel: Je suggère aux honorables sénateurs de lire mon autobiographie qui paraîtra prochainement.
Le sénateur St. Germain: Herb, il n'y en a pas deux comme vous.
M. Grubel: Vous non plus, sénateur.
Le sénateur St. Germain: Je le dis avec respect.
Le sénateur Oliver: Vous avez été critique à la Chambre des communes et j'aimerais vous poser quelques questions sur la reddition de comptes. S'agissant de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, je vais vous lire trois ou quatre choses et vous demander ce que vous dites de ce genre de reddition de comptes, sur la base de votre expérience à la Chambre des communes.
L'Office d'investissement doit soumettre des états financiers trimestriels au ministre des Finances et aux ministres provinciaux compétents. En outre, il doit établir un rapport annuel sur l'administration du régime, rapport que le ministre des Finances doit déposer au Parlement. L'Office doit tenir une réunion publique une fois tous les deux ans dans chaque province participante. Le ministre des Finances et celui du Développement des Ressources humaines doivent rédiger un rapport annuel sur l'application de la loi. La loi permet également au ministre des Finances, après consultation des ministres provinciaux compétents, de demander un examen spécial de l'Office pour déterminer si ses systèmes et pratiques sont conformes aux exigences de la loi.
Que dites-vous de ce genre de reddition de comptes, sur la foi de votre expérience à la Chambre des communes?
M. Grubel: Je ne peux dire avoir été en contact à la Chambre avec ce genre de problème, mais en principe il est bon que l'information sorte. Les dispositions que vous avez évoquées visent surtout à assurer la transparence. Mais songez à ce que signifie la reddition de comptes. Vous faites quelque chose, et vous êtes soit puni soit récompensé de ce que vous avez fait; 99 p. 100 de ces mesures visent la transparence. Il n'y a qu'une seule sanction si vous faites un travail médiocre, la conduite d'un examen spécial par le ministre des Finances. Peut-être faudrait-il s'abstenir de le spécifier.
Cependant, si j'étais nommé à cet office, j'aimerais savoir précisément sur quoi on pourrait vouloir m'examiner. J'en reviens à mon argument sur la nécessité de statut. Vous ne pouvez venir plus tard me dire que j'aurais dû faire ceci et que j'ai fait cela, maintenant on va vous passer sur le gril pendant quelques jours devant les médias pour ne pas avoir réalisé quelque chose que j'ignorais.
L'essence de la reddition de comptes n'est pas la transparence -- celle-ci n'est qu'une condition nécessaire; il faut plutôt un étalon permettant de dire: vous avez été un bon garçon, vous avez été un méchant garçon. Je ne vois rien de tel ici et vous devriez l'exiger.
Le sénateur Oliver: Tout votre mémoire tourne autour de cette notion de statuts. Avez-vous rédigé une ébauche ou avez-vous choisi certains éléments que vous aimeriez voir idéalement figurer dans ces statuts?
M. Grubel: Non. Cette invitation est venue par surprise et je n'y ai consacré que quelques jours. Le principe est clair, il vous faut votre influence politique sur l'établissement du cadre de référence. C'est ce que j'appelle des statuts. Cela doit englober, si vous voulez, toutes sortes de mesures relatives à la transparence et, si vous voulez, des moyens de vérification de cette transparence. Ce qui manque, à mes yeux, ce sont des critères permettant de dire: vous avez été un bon garçon ou un méchant garçon.
Le sénateur Lawson: Pour ce qui est de la vérification de ce type de fonds par le vérificateur général, ma réponse est un non retentissant. Nous avons eu l'exemple au cours des dernières semaines de la découverte par le Syndicat des travailleurs de l'automobile et Chrysler d'un trou de 200 millions de dollars. Les gestionnaires du fonds avaient investi irrégulièrement sur le marché à terme dans du poulet chinois et ont perdu 200 millions de dollars. Il ne suffit pas que le vérificateur général vienne examiner les comptes une fois par an. Il faut avoir des vérificateurs professionnels, spécialistes des fonds de pension, venant tous les trimestres. Êtes-vous d'accord?
M. Grubel: C'est une bonne remarque, et cela est implicite dans ce que je disais au sujet des gestionnaires professionnels, indépendants, à l'abri de toute ingérence politique.
Le sénateur Lawson: Lorsque je vivais aux États-Unis, je m'occupais d'un fonds de pension de plusieurs milliards de dollars, qui a si bien marché que le sénateur Kennedy a déclaré publiquement que c'était l'un des rares fonds américains capables de payer jusqu'au dernier sou les retraites de tous les bénéficiaires même si plus aucune cotisation ne rentrait. Le système était simple: veiller à ce que les cotisations soient suffisantes au départ; prévoir un rendement modeste de 6 ou 8 p. 100; faire des placements rationnels sur le marché américain auquel le fonds était limité. Tout ce qui dépassait cet objectif en faisait un fonds très prospère.
Nous en faisons quelque chose de beaucoup trop complexe alors qu'il y a des règles fondamentales simples à suivre.
M. Grubel: J'en conviens et j'y faisais allusion, mais je voulais laisser des gens plus sophistiqués donner leur avis là-dessus. Je suis d'accord avec vous. Je suis membre du Teachers' Investment Fund. C'est un fonds qui, depuis sa création, a suivi la stratégie des placements à long terme. J'ai enseigné dans des universités américaines entre 1962 et 1970, avant d'entrer à l'Université Simon Fraser. Mon salaire maximal à l'époque était de 12 000 $ et j'ai versé des cotisations de 1 000 $ ou 2 000 $ pendant ces années. Savez-vous que le fonds a maintenant atteint un niveau tel que lorsque je prendrai ma retraite l'an prochain, ces huit années de cotisations me rapporteront des prestations égales à plus de la moitié de ce que je toucherai pour mes 25 années à l'Université Simon Fraser, grâce à l'excellent rendement des placements. L'effet multiplicateur de l'intérêt composé fait une différence énorme dans le rendement que l'on peut dégager.
Sénateur, j'apprécie votre bon sens; peut-être ai-je été trop sophistiqué à ce sujet. Dans vos statuts, dites-leur simplement qu'ils sont censés dégager tant et tant; que si le taux d'inflation passe, mettons, à 20 p. 100, 6 p. 100 ne vaut rien.
Le sénateur Lawson: Nous devons conserver notre accès au marché américain. Nous ne devons pas nous pénaliser. Les cinq meilleurs fonds américains cette année feront en moyenne 20 p. 100. Pourquoi refuser aux retraités canadiens ce surcroît de gains?
M. Grubel: Cela pourrait être différent à l'avenir, on ne sait jamais.
Le sénateur Lawson: C'est juste. Mais si le fonds est assis sur des cotisations suffisantes et produit un rendement minimal, ces revenus additionnels sont bons à prendre.
M. Grubel: J'espère dans l'intérêt de mes enfants et de vos enfants que le fonds placera également de l'argent en Amérique latine; la situation pourrait bouger là-bas. Même les Français réapprendront peut-être un jour à gérer leur pays. Mais il faudra peut-être attendre que la situation empire encore.
Le vice-président: Là-dessus...
Le sénateur St. Germain: L'intégrité a toujours été sa marque de commerce.
Le vice-président: J'adore la Colombie-Britannique. Lorsque nous y venons, nous retrouvons le sénateur Lawson, le sénateur St. Germain et vous, monsieur.
Le sénateur Lawson: Herb Grubel ne vous a pas dit le titre de son autobiographie. C'est simplement, en toute humilité: Pensez-vous que j'ai toujours été aussi brillant!
Le vice-président: Monsieur Grubel, merci beaucoup d'avoir comparu.
Notre prochain témoin est W.T Stanbury. Il enseigne la politique en matière de réglementation et de concurrence à la faculté d'études commerciales de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons distribué le mémoire qu'il a rédigé sous le titre «La reddition de comptes et l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada».
Vous êtes le bienvenu, monsieur Stanbury, et vous avez la parole.
M. William T. Stanbury, Faculté de commerce et d'administration des affaires, Université de la Colombie-Britannique: Honorables sénateurs, j'apprécie sincèrement l'occasion qui m'est ici donnée de me prononcer sur certains aspects du nouveau projet de loi dont vous êtes saisis, anciennement le projet de loi C-2. Je me propose de traiter principalement de la structure institutionnelle de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, et plus particulièrement de l'aspect reddition de comptes. Cette question a déjà été examinée dans une certaine mesure par M. Grubel, mais je compte vous en fournir une analyse un petit peu plus serrée qui, je l'espère, sera utile au comité.
Sur la page couverture de mon mémoire, je cite le sénateur Pitfield, et je tiens à souligner le point que voici:
La reddition de comptes est un ingrédient essentiel de tous nos systèmes de gouvernement -- de la gestion, de la justice et de la démocratie elle-même. Retirez-en la reddition de comptes et il ne reste plus rien que la coquille vide de l'espoir, du rêve de ce qui aurait pu être.
Je vais tenter de vous offrir un ensemble pragmatique de recommandations qui, je l'espère, pourront améliorer la qualité du système de reddition de comptes propre au régime.
Mon approche générale est d'appliquer un modèle que je suis en train d'élaborer conjointement avec Margo Priest, expert-conseil à Ottawa, soit un cadre analytique d'examen des régimes de reddition de comptes dans une vaste gamme de contextes extérieurs au régime parlementaire traditionnel, plus particulièrement du côté des organes de réglementation. Ce cadre est explicité dans les parties 2.1 à 2.4 de mon mémoire.
Ensuite, à la partie 3, j'esquisse certaines critiques de la proposition, puis, à la partie 4, je propose à votre comité et au Sénat un certain nombre de changements envisageables.
Enfin, si nous en avons le temps, je ferai quelques brèves observations au sujet du problème plus vaste de l'opportunisme gouvernemental relativement au régime dans son entier.
Si vous me permettez, je vous renverrai maintenant à la partie 2.0. J'ai pris le modèle que nous avons élaboré, qui comporte quatre caractéristiques de la reddition de comptes, et j'ai passé en revue les différents éléments du projet de loi jusqu'à l'article 58, pour les insérer sous chacune de ces quatre rubriques. La première concerne la délégation de pouvoir du mandant et les instructions à l'agent. Dans le cas qui nous occupe, ce sont les administrateurs qui sont l'agent. Je fais la liste des éléments du projet de loi qui relèvent, selon moi, de ces catégories.
Le deuxième élément du régime de reddition de comptes est l'établissement de critères pour mesurer le rendement de l'agent, soit, encore une fois, les membres du conseil d'administration. J'énumère une série de mécanismes reliés à cela. Je ne pense pas que le résultat soit satisfaisant, comme l'a également dit M. Grubel.
Le troisième élément de la reddition de comptes est la communication de renseignements au mandant, dans ce cas-ci les bénéficiaires, au sujet du rendement de l'agent. Il y a plusieurs dispositions -- et celles-là ont elles aussi été mises en relief par M. Grubel -- et il s'agit ici de la liste formelle de ces choses qui sont contenues dans le projet de loi.
Enfin, il y a certains mécanismes -- et je soulignerais qu'ils sont plutôt faibles -- visant à sanctionner ou récompenser ,l'agent pour compléter le cercle de reddition de comptes.
Voyons donc les critiques relatives à l'imputabilité des membres du conseil d'administration de l'office.
Premièrement, étant donné l'importance du fonds, il devrait y avoir une exigence explicite que tous les administrateurs aient une responsabilité fiduciaire envers les bénéficiaires et non pas simplement envers la société, soit l'Office dans le jargon du projet de loi.
Deuxièmement, la loi prévoit manifestement que certains administrateurs se trouveront en situation de conflit d'intérêts et établit donc des règles et des procédures en conséquence. La loi devrait carrément interdire certains types de conflits possibles car, à l'heure actuelle, le régime est axé sur la déclaration. J'estime que certains genres de conflits devraient être carrément interdits.
Troisièmement, il n'est précisé aucune mesure normalisée de rendement applicable au fonds. Or, les résultats devraient faire l'objet de rapports publics périodiques, assortis, de préférence, de données comparatives. C'est là l'une des plus graves faiblesses du projet de loi.
Quatrièmement, il n'y a aucune occasion pour le vérificateur général d'évaluer le rendement du conseil d'administration ou d'examiner ce système de contrôle.
Cinquièmement, il n'y a aucune exigence qu'un cabinet d'actuaires accrédité examine périodiquement le Régime de pensions du Canada dans son ensemble. Bien sûr, cela exigerait également une analyse du volet prestations du régime, lequel est largement contrôlé par le ministre des Finances.
Sixièmement, il n'y a pas d'obligation de faire une large diffusion auprès des bénéficiaires d'un résumé des résultats de la gérance assurée par les administrateurs.
Septièmement, il y a de bonnes raisons de penser que 12 administrateurs, c'est trop peu. Comme je le souligne dans le mémoire, il y a neuf provinces qui participent au Régime de pensions du Canada et chacune d'entre elles insistera vraisemblablement pour avoir au moins un représentant. J'aimerais maintenant faire un petit rappel à l'intention des personnes qui vivent à l'extérieur de la Colombie-Britannique: la population totale de l'Île-du-Prince-Édouard est inférieure à celle de la circonscription de Vancouver-Centre. Il se trouve que je n'habite pas Vancouver-Centre, mais juste à côté.
La durée du mandat est de trois ans, mais il est renouvelable. Le professeur Grubel a souligné le fait que le volume des avoirs sera bientôt trop important et une connaissance spécialisée de types d'investissements bien particuliers pourrait être fort précieuse au conseil d'administration. Je dirais que le conseil d'administration devrait lui-même avoir une grande diversité de compétences au niveau de sa composition.
Selon les personnes nommées, il se pourrait que plusieurs administrateurs soient écartés des grosses décisions pour des raisons de conflit d'intérêt. C'est pour ces raisons que je dis que 12, ce n'est peut-être pas assez.
Permettez-moi maintenant d'esquisser les changements au régime de reddition de comptes que je recommande au Sénat.
L'Office devrait être tenu de soumettre des renseignements détaillés à au moins deux experts reconnus, comme le cabinet Morningstar aux États-Unis, pour leur permettre d'évaluer le rendement du conseil dans la gestion du fonds comparativement à une gamme d'autres régimes de pension, fonds mutuels et gestionnaires d'investissement comparables. Devraient compter au minimum parmi ces renseignements: premièrement, une mesure du taux de rendement effectif sur différentes périodes; deuxièmement, le coût de la gestion et de l'administration; troisièmement, le facteur risque dont le portefeuille est assorti. Les rapports des experts devraient alors être inclus dans le rapport annuel qui ferait l'objet d'une distribution publique.
La loi devrait préciser que l'Office doit faire appel à un cabinet d'actuaires professionnels chargés de préparer un rapport tous les trois ans sur l'équilibre actuariel du Régime de pensions du Canada. Il importerait de déterminer plus particulièrement si les taux de cotisation et le rendement des placements suffisent à couvrir les déboursés prévus. Le rapport des actuaires devrait être publié et diffusé au même titre que le rapport annuel.
La communication obligatoire de renseignements sur le rendement de l'Office devrait être élargie. Ma recommandation est que l'Office soit tenu: de commander des annonces pleine page dans les quotidiens des 25 plus grosses villes du Canada; de créer un site Web fournissant des renseignements téléchargeables; et de faire un envoi postal annuel ou bisannuel résumant, sur deux pages, le rendement de l'Office dans la gestion du fonds.
Le vérificateur général devrait être désigné examinateur en vertu de l'article 47 et son rapport devrait être rendu public rapidement et largement diffusé.
Le nombre d'administrateurs devrait être porté à environ 18, et l'on devrait veiller particulièrement à ce que le conseil d'administration englobe un portefeuille de compétences correspondant aux secteurs dans lesquels le fonds fera le gros de ses investissements.
Aucun membre du conseil d'administration ne devrait siéger à d'autres conseils d'administration et tous les membres devraient être rémunérés en conséquence. Les bénéficiaires doivent avoir l'assurance que les administrateurs consacrent une part importante de leur temps à l'office.
Dans les cas où l'Office fait appel à des conseillers en investissement professionnels de l'extérieur ou monte une équipe interne d'employés chargés de gérer une partie des avoirs du fonds, la loi devrait prévoir a) que le conseil d'administration précise par écrit ses objectifs d'investissement et la façon dont le rendement des conseillers ou de l'équipe d'employés sera évalué, et, b) qu'il publie dans son rapport annuel tant a) que le rendement véritable du conseiller ou de l'équipe interne relativement à trois facteurs, soit le taux de rendement effectif, le coût de la gestion et de l'administration et le degré de risque des investissements.
J'aimerais conclure en soulevant un plus gros problème, ce que j'appelle l'opportunisme gouvernemental. Il existe un très sérieux risque qu'à l'avenir le gouvernement décide de réduire les pensions versées aux personnes qui ont des revenus supérieurs à la moyenne, ce en vue d'éviter d'augmenter les primes. Il n'y a rien dans la Charte qui empêcherait cela; il n'y a rien dans la loi qui empêcherait cela. Cela relève entièrement de la discrétion politique du gouvernement du jour; seules des pressions politiques pourraient changer le cours des choses.
Mes calculs laissent entrevoir qu'il y a une possibilité pour des entrepreneurs politiques de s'engager dans cette stratégie. Ce genre de mesure représente une sérieuse menace pour les Canadiens qui ont atteint ou vont bientôt atteindre l'âge de la retraite et qui ont une certaine dépendance à l'égard du Régime de pensions du Canada.
Le sénateur Kenny: Je vous remercie de ce mémoire très stimulant. Je voudrais commencer par le dernier aspect que vous avez abordé, l'opportunisme du gouvernement. Vous avez parlé de la récupération et de deux aspects. Le professeur Grubel a évoqué la possibilité de résoudre certains de ces problèmes en majorant l'âge d'admissibilité, en le portant à 67 ou 69 ans. L'arithmétique est certainement juste et la démographie va dans le même sens. Il y a un certain dédain pour l'âge que d'aucuns trouvent odieux dans le fait de contraindre les gens à prendre leur retraite à un âge peu avancé. Si l'âge était porté à 67 ou 69 ans, considéreriez-vous cela comme de l'opportunisme gouvernemental?
M. Stanbury: Cela va dans ce sens, car les Canadiens, d'une certaine façon, ont adhéré à ce régime il y a 30 ans en tenant certaines choses pour acquises. Les plus avisés ne se sont pas leurrés et voyaient bien que ce serait ce que j'appelle un système Ponzi modifié ou glorifié, avec un financement intergénérationnel et une redistribution à l'intérieur d'une tranche démographique au fur et à mesure que celle-ci avance en âge.
Je trouve particulièrement odieuse l'idée que quelqu'un comme moi, qui a payé la cotisation maximale tout au long de sa vie active, laquelle coïncide d'assez près avec l'existence du régime lui-même, se retrouve dans les dix prochaines années dans une situation où les impôts augmentent rapidement en vue de financer le régime et se heurte ensuite, à l'âge de 65 ans, à une coalition politique suffisamment structurée qui décréterait que Stanbury et les gens comme lui, ayant plus de 500 000 $ dans leur régime privé ont plus qu'il ne leur faut et qu'on va donc leur imposer un taux d'imposition marginal de 90 p. 100 sur les prestations présumées que leur verserait le Régime de pensions du Canada.
Au cours des cinq dernières années, lors de mes dîners, je demandais régulièrement à mes collègues de la classe moyenne combien d'entre eux pensaient réellement jamais retirer quelque argent du Régime de pensions du Canada. Plus de 90 p. 100 partent du principe qu'ils ne verront jamais un sou et qu'ils doivent accumuler une épargne privée suffisante pour subvenir à leurs besoins.
La classe moyenne du pays part du principe que notre gouvernement se comportera de manière opportuniste. C'est certes faire preuve de réalisme, mais c'est également très triste car cela revient à dire qu'il s'agit là réellement d'un système Ponzi, avec une troisième dimension, celle d'un comportement opportuniste que les gens ne pouvaient même pas imaginer à l'époque.
Le sénateur Kenny: Établissez-vous une grosse distinction entre une récupération et un taux d'imposition progressif?
M. Stanbury: Nous avons déjà un taux d'imposition progressif.
Le sénateur Kenny: Je sais.
M. Stanbury: La récupération des prestations peut prendre plusieurs formes. Par exemple, l'autre régime de pension comporte un degré de récupération par paliers, en fonction du revenu privé, avec un maximum proche de 80 p. 100, si je me souviens bien.
Le sénateur Kenny: Pensez-vous personnellement que l'impôt sur le revenu devrait être progressif? Est-ce une façon équitable d'imposer les contribuables?
M. Stanbury: Je préférerais fortement un taux d'imposition uniforme sur une assiette large, avec peu de dérogations.
Le sénateur Kenny: Il faut que je sache où vous vous situez avant de pouvoir poser ma question. Ma dernière question sur ce sujet est de savoir si vous considérez que le gouvernement a l'obligation d'aider les éléments les plus faibles de la société ou s'il devrait octroyer les mêmes prestations à tous? Est-ce que le millionnaire devrait toucher la même portion que la personne qui n'a pas eu la chance d'accumuler 1 million de dollars?
M. Stanbury: Je suis fortement partisan d'une redistribution des revenus en faveur des pauvres. Cependant, je trouve que la manière dont le gouvernement s'y prend est la plus inefficiente et souvent la plus inefficace imaginable. J'aimerais une définition adéquate de la pauvreté, c'est-à-dire une définition absolue et non relative. Je voudrais que les transferts de revenu soient apparents, explicites et votés annuellement par le Parlement, afin que les Canadiens sachent qui paie et combien. Je veux le faire de manière moins coûteuse. Le résultat serait que je paierais moins d'impôts tout en versant des prestations accrues aux pauvres.
Le sénateur Kenny: Comment pourrait-on définir la pauvreté en termes absolus et non relatifs?
M. Stanbury: Les gens meurent de faim en termes absolus, les gens ont froid en termes absolus, les gens sont mal habillés en termes absolus.
Le sénateur Kenny: Je ne veux pas ouvrir un débat, monsieur le président.
M. Stanbury: Je serais ravi d'en débattre.
Le sénateur Kenny: Je suis obligé de vivre avec mes collègues et je ne vais donc pas entamer un débat, mais je vous parlerai peut-être après la réunion. Ma prochaine question intéresse deux aspects, et elle sera plus brève que les précédentes.
Vous dites qu'un administrateur ne devrait pas siéger dans d'autres conseils d'administration et qu'il devrait être rémunéré en conséquence. Quelques modèles intéressants ont été proposés pour la régie des sociétés où les membres du conseil, pour bien remplir leur rôle, ne doivent pas se contenter de se présenter à une réunion par mois, ou neuf réunions par an, mais s'intéresser de beaucoup plus près à la société qu'ils gèrent, en lui consacrant peut-être trois jours par mois; et au lieu de toucher 10 000 $ ou 15 000 $, il faudrait peut-être leur payer 100 000 $. Je prends des chiffres au hasard. Est-ce là ce dont vous parlez dans la recommandation 6?
M. Stanbury: Oui, mais comme vous pouvez le voir, je vais plus loin. Dans la littérature sur les conseils d'administration, et je ne prétends pas être expert, on préconise qu'une personne ne devrait pas siéger à plus de trois ou quatre conseils, mais avec une participation plus active et plus intense et une rémunération en conséquence. C'est ce qui semble donner les meilleurs résultats pour les actionnaires. Ici, la situation est particulière. Les sommes en jeu seront énormes. Plus le rendement sera bon, et plus elles seront importantes. Les membres qui seront nommés auront une obligation très solennelle et profonde envers les Canadiens. Ce rôle devrait prendre le pas dans la vie de l'administrateur sur toutes ses autres responsabilités. Pour que ce soit clair, il faut limiter ces autres obligations.
Cela permettra également de limiter les risques de conflit d'intérêt. On peut imaginer une situation où des personnes très compétentes, chacune ayant cinq ou six ou dix mandats d'administrateur accrochés à la ceinture, seront en conflit d'intérêts lorsqu'il s'agit de décider des placements particuliers, surtout avec les restrictions imposées aux types de placements pouvant être effectués. Par conséquent, si vous avez 12 administrateurs et qu'une poignée sont sur la touche, les décisions seraient prises par cinq ou sept administrateurs seulement.
Le sénateur Kenny: Avec un conseil élargi, je suppose que vous acceptez la formule des banques où les administrateurs en conflit quittent la pièce?
M. Stanbury: Non, car ici tout le régime en est un de divulgation et l'existence d'un conflit réel n'entraîne que des sanctions relativement modestes, d'après ce que je vois.
Le sénateur Kenny: Pour reprendre l'expression qui a fait fureur hier, faites-nous un dessin. Combien de jours par an ce conseil devrait-il siéger et combien faudrait-il payer ses membres?
M. Stanbury: En principe, j'aimerais qu'une partie importante de la rémunération soit fondée sur les résultats. Je conviens, et je rejoins en cela M. Grubel, que c'est un mécanisme difficile à concevoir. Je ne prétends pas le contraire. J'estime que ce travail, pour être bien fait, exigerait sans doute les deux tiers du temps de 18 personnes. La tâche sera particulièrement fastidieuse au début lorsqu'il faudra établir les politiques détaillées et les paramètres de gestion du système.
Le sénateur Oliver: L'énoncé de mission.
M. Stanbury: Oui, et ensuite il faudra établir les critères de performance spécifiques pour soi-même et pour les employés et/ou les conseillers en placement contractuels. Il y a beaucoup de travail pour mettre cela sur pied; ensuite il faudra réfléchir à la création de fonds secondaires et à la façon de structurer cette relation.
Par exemple, le Régime de pensions de l'UBC a quatre ou cinq équipes concurrentes de conseillers en placement, chacune gérant de 600 à 700 millions de dollars, ce qui est comparativement peu. Cela exigera beaucoup de travail. Une fois que la structure est en état de fonctionner, cela exigera toujours beaucoup de travail mais un peu moins. À mon sens, le rôle principal du conseil est de réfléchir à long terme, de bien s'informer sur toutes les possibilités de placement dans le monde.
Comme M. Grubel, je supprimerais les restrictions à la propriété étrangère. Il faudra réfléchir à tous les risques qui confronteront cet énorme fonds, sous diverses formes, et pouvoir changer de cap. Ce sera comme faire tourner un très gros navire à l'intérieur d'un espace relativement restreint. Bien que les capitaux en jeu sont énormes à l'échelle nationale, considérés à l'échelle mondiale ils seront moins imposants, mais le navire ne pourra quand même pas faire un virage sur place. Ces gens vont devoir passer beaucoup de temps à absorber les signaux du milieu ambiant et tenter de les répercuter sur la masse complexe de placements qu'ils vont gérer ou superviser. Ils ne vont pas vraiment les gérer; ils vont superviser la gestion de ces placements par d'autres employés ou des conseillers contractuels.
Le sénateur Kenny: Donnez-moi un ordre de grandeur pour le salaire pour un deux tiers de temps. Parlez-vous d'une rémunération liée au rendement si l'administrateur n'est en poste que pendant cinq ans?
M. Stanbury: Le mandat actuellement prévu est de trois ans.
Le sénateur Kenny: Le témoin précédent parlait de cinq. Si vous parlez d'un mandat de trois ans ou même de cinq ans, alors que votre objectif primaire est à long terme, vous parlez d'un régime de rémunération qui récompenserait les gens dix et 15 ans après pour les décisions prises au cours des trois ou cinq années qu'ils ont passées au conseil. Faites-nous donc un dessin pour que nous voyions clairement ce que vous recherchez.
M. Stanbury: Premièrement, comme je l'ai indiqué, augmentez le nombre des administrateurs et limitez leurs activités externes, afin de réduire les conflits d'intérêts et leur permettre de consacrer le temps voulu. Vous auriez une rémunération de base franchement modeste. Elle devrait être suffisante pour un niveau de vie décent de classe moyenne, mais le gros, peut-être plus de la moitié ou même les deux tiers, serait des primes de rendement.
Le sénateur Kenny: Parlez-vous d'environ 100 000 $, 200 000 $?
M. Stanbury: Oui. J'imagine que si les gens ont de bons résultats, c'est l'équivalent annualisé qu'il faut envisager. Vous avez raison, il faut tenir compte du long terme et ces gens pourraient facilement gagner 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $ s'ils ont des résultats exceptionnels.
Le sénateur Meighen: Est-ce qu'administrateur est synonyme de gestionnaire?
M. Stanbury: Non. Nous parlons des membres du conseil.
Le sénateur Kenny: Nous parlons ici du conseil. C'est un modèle que nous avons découvert lors de notre étude sur la régie des sociétés où les administrateurs, au lieu de faire un jour par mois ou neuf réunions par an, consacraient plutôt trois jours par mois, et en l'occurrence vous préconisez beaucoup plus que cela.
Le sénateur Oliver: Cinq jours par semaine.
Le sénateur Kenny: Je crois qu'il se contente de quatre jours par semaine.
Le vice-président: Je ne veux pas vous mettre de mots dans la bouche, mais vous envisagez qu'initialement le conseil serait chargé de mettre en place l'organisation, ce qui exige énormément de temps; ensuite, une fois cela fait, ils fonctionneraient davantage comme des membres traditionnels d'un conseil d'administration.
M. Stanbury: Ce serait quand même au moins un travail à mi-temps.
Le sénateur Kenny: Mais ils continueraient à toucher une rémunération après leur départ du conseil, si leurs jugements pendant leur mandat s'avèrent avoir été bons.
M. Stanbury: C'est possible. Il faudrait une retenue substantielle, car certaines des rémunérations pourraient être négatives. Il y aurait alors le problème du recouvrement, un problème pratique, si bien qu'il y aurait probablement un mécanisme de rémunération éventuelle.
Le sénateur Kenny: Dans un compte bloqué.
M. Stanbury: Certainement.
Le sénateur Kenny: Ma dernière question porte sur le haut de la page 8, où vous dites:
Ceci devrait englober au moins les aspects suivants: a) taux effectif de rendement sur diverses périodes, b) coût de gestion et d'administration, c) risque du portefeuille.
Vous parlez là de l'établissement de critères. Je serais curieux de savoir comment vous vous y prendriez. Par exemple, la question de la précarité d'un portefeuille. Si vous êtes dans le secteur privé, vous pouvez choisir entre des degrés de risque. Vous pouvez décider que vous aimez tel fonds, qu'il correspond à votre profil de risque et vous achetez. Quelle sorte de profil de risque établissez-vous pour 30 millions de Canadiens? Comment arbitrez-vous entre ce risque et un taux de rendement raisonnable? L'homme de la rue ne voit pas le degré de risque associé à un taux de rendement donné. Comment réglez-vous ces questions dans un cadre où l'argent de tout le monde est en jeu?
M. Stanbury: Le conseil d'administration sera responsable du niveau de risque. Il devra réfléchir très soigneusement à cet aspect parce qu'il ne gère pas son propre argent. Juridiquement, il faudra que ce soit une société, mais je vois le fonds comme un ensemble de bénéficiaires actuels et potentiels. L'Office va devoir remplir les obligations de son mieux au vu des circonstances. Nous savons tous que le gouvernement peut bricoler les prestations, peut bricoler l'admissibilité, jouer sur l'âge de la retraite. L'Office devra se fixer un plan de travail sur la base d'un ensemble plausible d'hypothèses afin que, comme le disait le sénateur Meighen, il puisse prévoir les obligations futures. L'Office devra également avoir une idée de la variation possible afin que, même dans le pire scénario de risque, les obligations puissent être tenues au moment voulu.
La plupart des Canadiens souhaiteront probablement que l'on pèche plutôt par excès de précaution. Je ne connais pas le chiffre exact, pour être franc, mais mon intuition me dit qu'il faudrait plutôt pécher par un léger excès de prudence. Une fois que l'on a fixé un niveau acceptable de risque, et ce n'est pas facile à mesurer, lorsqu'on regarde à cette frontière de risque on peut déterminer le taux de rendement potentiel. Vous viserez donc probablement que les gestionnaires placent cet argent à la frontière du risque, tel que vous l'avez choisi, et c'est ainsi que vous déterminez le taux de rendement réel désiré.
Le sénateur Kenny: J'en reviens à la question de la rémunération. Si la prime est conditionnelle à l'absence de risque, vous savez que vous n'obtiendrez pas les rendements que vous voulez, ou pas des rendements comparables aux fonds du secteur privé. Comment faites-vous alors pour rémunérer selon le rendement?
M. Stanbury: Les administrateurs doivent établir un ensemble de politiques prenant en compte simultanément trois choses. Je ne suis pas d'accord avec la façon dont le professeur Grubel a exprimé cela. Il a dit: maximisez le rendement; il a ajouté ensuite: «bien entendu, selon le niveau de risque». C'est évident. Mais si vous choisissez d'abord le taux de rendement visé, cela dictera largement le degré de risque que vous êtes prêts à tolérer.
Le sénateur Kenny: Le rendement peut être exprimé en chiffres; le risque ne peut être ramené à un chiffre.
M. Stanbury: Ce n'est pas tout à fait vrai. Malheureusement, vous êtes obligés de le ramener à plusieurs chiffres, mais le facteur critique que vous considérez est un certain indicateur de variabilité. L'une des choses que Morningstar a introduites aux États-unis est la mesure du risque des fonds, des rendements moyens et des coûts administratifs. Les trois critères sont utilisés.
Si vous regardez au-delà, si vous prenez les micro-données, qui ne sont pas ma spécialité, vous découvrirez qu'il est complexe de mesurer les degrés de risque. Cela ne signifie pas que c'est au-delà de la capacité des Canadiens et de leurs conseillers. C'est faisable. Je dis simplement qu'il faut le faire et en parler ouvertement, et indiquer clairement au conseil ce que l'on attend de lui, puis mesurer ensuite les résultats à la lumière de ces objectifs ou normes préétablis.
En outre, le conseil ne peut s'évaluer lui-même. Il faut faire appel à des experts externes. Il faudra faire appel à une série de spécialistes différents pour renseigner les bénéficiaires.
Malheureusement, et c'est peut-être incontournable, la boucle de reddition de comptes est longue car les bénéficiaires ne peuvent réagir qu'au moment de la prochaine élection laquelle, à son tour, va se répercuter sur le conseil d'administration. Ma préoccupation, en lisant le document, est que l'information donnée est insuffisante. Elle est insuffisante sur une base comparative et il n'y a pas suffisamment de divulgation et de dissémination de cette information. Dans ma proposition, les bénéficiaires, par le biais du processus politique, peuvent boucler la boucle de reddition de comptes; ils peuvent punir le ministre des Finances et les autres ministres de leur choix concernant les administrateurs.
Le sénateur Kenny: Toutes ces recommandations sont bonnes.
Le sénateur St. Germain: Comme mon excellent ami le professeur Grubel, vous avez très bien défendu votre cause. J'essaie d'aider le gouvernement, mais il y a pas mal de résistance.
Vous faites valoir que le programme RPC dans lequel nous nous embarquons n'a pas d'équivalent jusqu'à présent, ni dans le secteur privé ni dans le secteur public. Vous parlez des mandats d'administrateurs et d'énormes rémunérations en fonction des résultats. En tant que responsable d'une région et de la législation adoptée, j'ai recommandé au ministre et à d'autres, au cours de ces audiences, de rechercher cette transparence en désignant les administrateurs autrement que par décret. Il faut trouver un processus de sélection qui ne suscite pas le cynisme que ressent le grand public à l'égard des nominations partisanes. Il y aura des tiraillements, l'opposition dira ceci et cela pendant les campagnes et des accusations seront lancées. Ces administrateurs devraient être au-dessus de tout cela.
L'une des suggestions que m'ont faites les représentants de fonds de pension ontariens, comme le fonds de pension des enseignants, est que le gouvernement fédéral nomme une partie des membres, les gouvernements provinciaux une autre et que l'on s'entende sur un président neutre. C'est un exemple, il pourrait y avoir d'autres façons. Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que c'est nécessaire? Sinon, que préconisez-vous?
M. Stanbury: Je n'ai rien contre cette méthode. Cependant, on pourrait renforcer tant le choix provincial que le choix fédéral en soumettant ces nominations à un comité sénatorial, qui interrogerait les intéressés sur leurs compétences, leurs antécédents, leurs aspirations et leurs idées sur la gestion de ce fonds, leur nomination ne devenant effective qu'une fois qu'un comité sénatorial aura donné le feu vert, sur vote libre. Autrement dit, ils seraient nommés initialement à titre conditionnel.
On aurait donc un processus où un candidat serait passé sur le gril dans un comité; celui-ci pourrait alors décider que si telle personne a, certes, fait de bonnes choses pour un certain parti, il ne veut pas lui confier de 30 à 200 milliards de dollars appartenant à nos concitoyens.
La politique partisane est un ingrédient nécessaire et important de notre démocratie. Je ne veux pas rabaisser la politique mais je ne veux pas la mêler au rôle et aux responsabilités que nous demandons à ces hommes et femmes d'assumer. Je veux assurer qu'ils soient qualifiés et leurs qualifications apparaîtraient au grand jour dans ce genre d'audiences. Ce ne sera pas forcément un cirque, ce peut être un examen concentré et détaillé de ce que fait cette personne et de la compétence qu'elle revendique.
Permettez-moi de vous donner un exemple. J'ai étudié de très près les organismes réglementaires et j'ai le souvenir vivace d'une situation où une personne était interviewée après sa nomination au CRTC et où le journaliste demandait quelles étaient ses qualifications. Cette personne a répondu: «Je suis abonné au téléphone». C'est très intéressant. J'aurais pensé que des qualifications un peu plus solides étaient souhaitables. Je n'ai rien contre le fait que cette personne soit connue du parti au pouvoir, mais je recherche le savoir et la connaissance requis de qui prétend gérer de telles sommes ou superviser la gestion de telles sommes. Il serait utile d'introduire cette étape d'audiences et d'avoir un vote libre au Sénat. Je ferais passer devant le Sénat tous les candidats, tant provinciaux que fédéraux.
Le sénateur St. Germain: Êtes-vous d'accord avec le principe du moitié-moitié. D'après ce que j'ai vu à la Chambre des communes où j'ai siégé et au cabinet, et aussi au Sénat, en période normale le Sénat se comporte de façon peu partisane. J'ai soutenu beaucoup de choses que les libéraux ont faites. Mais en période d'élection, les mentalités changent et là est le danger. S'il n'y a pas une répartition moitié-moitié, si le gouvernement fédéral soumet tous les noms au Sénat, quel que soit le parti majoritaire dans celui-ci, il y aura tendance à créer une atmosphère de cirque nuisible au processus de ratification. C'est pourquoi si la moitié des candidats venait d'un palier et la moitié de l'autre, on peut espérer que le degré de transparence et de confiance recherché serait réalisé. Si l'on modifie l'âge et introduit une récupération, comme vous l'envisagez, ce sera une énorme ponction fiscale pour ceux d'entre nous qui ne toucheront pas un sou de ce régime. Ce sera pour nous un impôt pur, quel que soit le mécanisme de redistribution. Voilà ma crainte. Quatre-vingt-dix pour cent de vos amis diront qu'on leur inflige un nouvel impôt dont ils ne retirent rien, qu'ils n'ont pas leur mot à dire et que cet office n'est qu'un fromage purement partisan pour les conservateurs, les libéraux ou les réformistes.
M. Stanbury: C'est juste. Si c'était moitié-moitié, j'aimerais quand même que les candidats provinciaux passent par le processus de ratification. Peut-être faudrait-il un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Il ne faudrait pas que cela se fasse en période électorale. Il faudrait trouver le bon moment. J'aimerais que les audiences soient publiques.
J'irais jusqu'à généraliser le système pour l'appliquer à toutes les nominations importantes. Il n'est pas forcé que cela se transforme en cirque.
Le sénateur Oliver: Je suis surpris que vous souhaitiez augmenter la taille du conseil. Maintes sociétés canadiennes, dans le but d'améliorer la régie, réduisent en fait la taille de leur conseil. De grandes sociétés canadiennes sont dirigées par des conseils d'administration de moins de 12 membres. Je ne suis pas certain que la taille seule soit le meilleur critère. Les questions que je voulais poser sur la taille ont déjà été abordées par le sénateur Kenny.
Y a-t-il un équivalent canadien de Morningstar pour mesurer la performance?
M. Stanbury: Je n'en connais pas personnellement qui aient la même réputation que Morningstar aux États-Unis. J'ai des collègues qui se spécialisent dans les finances d'entreprises et qui connaissent beaucoup mieux l'évaluation des régimes de pension et qui pourraient vous informer. Je suis sûr que si nous cherchons bien nous pouvons trouver soit des particuliers soit des cabinets capables de rédiger des rapports analytiques objectifs et sérieux sur la base de critères de priorité.
L'essentiel est la comparabilité. Si quelqu'un a dégagé un rendement de 20 p. 100, mais que vous savez que le marché faisait 25, vous diriez que ce n'est pas un très bon résultat. L'évaluation doit être plus sophistiquée que cela et c'est pourquoi les trois variables doivent être mesurées simultanément -- le rendement, le coût administratif et le risque. D'une certaine façon, vous regardez à la «lisière de l'enveloppe», comme nous disons en jargon économique, pour déterminer ce que devrait être le résultat du fonds.
Le sénateur Oliver: Au début de votre paragraphe 3.0, «Critiques concernant la responsabilité des administrateurs», vous dites:
Étant donné l'importance de ce fonds, il faudrait stipuler explicitement que les administrateurs ont une responsabilité fiduciaire à l'égard des bénéficiaires (et non seulement de la société, soit l'office).
Quelle forme prendrait cette relation fiduciaire?
M. Stanbury: J'aimerais qu'ils prêtent serment. Le libellé actuel de la loi reprend les formules ordinaires du secteur privé concernant la relation entre le conseil et les actionnaires. En l'occurrence, il y a un seul actionnaire. Il est question de diligence, le concept standard des sociétés privés. Cela implique certes une grande responsabilité fiduciaire, mais envers la société, en l'occurrence l'office; cependant, ici, c'est envers les bénéficiaires que doit s'exercer l'allégeance et la responsabilité et la diligence. J'inscrirais cela de manière parfaitement explicite dans la loi elle-même.
Le sénateur Oliver: En quoi consisterait ce serment que vous leur feriez prêter?
M. Stanbury: Il dirait qu'ils ont la responsabilité fiduciaire absolue d'agir dans l'intérêt des bénéficiaires. Il s'agit là du groupe.
Le sénateur Oliver: En quoi cela diffère-t-il de l'obligation normale d'un administrateur envers l'actionnaire?
M. Stanbury: En l'occurrence, techniquement parlant, l'actionnaire est le ministre. Il est vrai que si la valeur du fonds est maximisée pour un risque constant, les prestations des bénéficiaires seront maximisées.
Le sénateur Oliver: Sans cette responsabilité fiduciaire spéciale que vous préconisez?
M. Stanbury: Ce que je vise ici est surtout que cela soit rendu explicite. C'est implicite dans le jargon employé. J'en ai parlé avec quelques amis. Il me semble que la plupart des Canadiens aimeraient voir un énoncé disant que les membres du conseil d'administration ont la responsabilité fiduciaire de maximiser l'intérêt économique des bénéficiaires, et j'aimerais que ce soit explicite. Le problème tient en partie au jargon juridique. Je suis raisonnablement instruit, je ne suis pas le profane moyen. Je trouve parfois que ces textes sont rédigés en code et, si vous ne connaissez pas le code, vous ne savez pas ce qu'ils signifient.
Le sénateur Oliver: La Loi de l'impôt sur le revenu est un bon exemple.
M. Stanbury: Je pourrais citer beaucoup de lois.
Le sénateur Lawson: Dans le cas des administrateurs de fonds de pension et syndicaux américains, la violation de leur responsabilité fiduciaire entraîne la révocation.
M. Stanbury: Oui, c'est implicite dans ce genre de relation.
Le sénateur Lawson: Et peut-être la prison.
M. Stanbury: Tout le régime relatif aux conflits d'intérêts en est un de divulgation et il faudrait des conditions extrêmes avant que ces personnes soient sanctionnées. Si on inscrit cela en bonne place, il en résultera d'autres conséquences en common law et il me semble que cela s'impose.
Le sénateur Lawson: J'ai mentionné le cas de Chrysler. Chrysler s'est senti obligé de remplacer les 200 millions de dollars qui ont été perdus du fait de cette mauvaise gestion. Avec le genre de fonds dont nous parlons ici, on ne peut demander au gouvernement de remplacer 200 millions de dollars perdus, mais la doléance du syndicat était que les responsables ont échappé à toute sanction. Vous-même parlez de sanctions graves, dont la révocation ou l'emprisonnement.
M. Stanbury: Oui. S'il y a délit criminel, forcément. Il faut qu'il y ait violation des dispositions légales à cet égard.
Le sénateur Oliver: L'une des choses que le sénateur St. Germain a dites à de nombreux témoins est que si nous pouvions avoir de bons administrateurs, exempts d'affiliation politique et compétents, cela réglerait bien des problèmes. Or, tout ce processus de nomination des administrateurs est intrinsèquement politique. Cela commence avec le ministre des Finances, qui est un élu, et lui et d'autres se concertent et prennent des décisions politiques. Votre seule proposition pour surmonter cela est d'avoir quelque ratification par le Sénat, comme aux États-Unis. Le Sénat aussi est politique. Vous avez parlé de vote libre et je ne pense pas que cela suffise. Avez-vous d'autres suggestions pour soustraire le choix des administrateurs à la souillure politique?
M. Stanbury: Je ne suis pas aussi négatif devant la «souillure politique». Peu m'importe que la personne ait quelque allégeance politique pourvu qu'elle possède les connaissances techniques, la capacité intellectuelle et l'intégrité voulues pour faire le travail. Cela ne me gêne pas le moins du monde. Je veux m'assurer qu'elle a ce qu'il faut du point de vue de l'intégrité personnelle, de la connaissance et de la capacité intellectuelle pour protéger et promouvoir les intérêts des bénéficiaires. Voilà l'essentiel. Si la personne a aussi des liens politiques, grands ou petits, cela ne me trouble franchement pas.
Je crains de voir nommer des politicards dont la seule qualité soit leurs relations politiques. À mon avis, il ne suffit pas que les dirigeants ou les membres des organismes réglementaires aient pour qualification d'être abonnés au téléphone ou d'écouter Radio-Canada.
Le sénateur St. Germain: Pour ceux d'entre nous qui ont l'expérience et qui ont vu comment cela se passe, et je ne cite aucun parti en particulier, ce genre de chose arrive. Ce ne sont pas les premières nominations qui me préoccupent, car je suis sûr que le premier conseil sera au-dessus de tout reproche. C'est plutôt le deuxième, le troisième et les suivants, lorsque les gens du BPM vont décider qui va y siéger. J'y étais en cette capacité et je sais comment cela se passe. Je vois comment cela se passe aujourd'hui et je sais comment cela se passait auparavant, que ce soit sous Diefenbaker, sous Pearson, sous Trudeau, sous Chrétien ou Mulroney. Voilà ma crainte, et cela engendre le cynisme et la méfiance et détruit la transparence. C'est à cela que le sénateur Oliver et moi voulons en venir. Peu importe que notre parti soit au pouvoir pendant 100 années encore. Je persiste à penser que ce danger existe.
M. Stanbury: Oui, et il est encore aggravé par le mandat de trois ans. Il me semble que c'est trop court. Il y a le risque que l'on se serve de ce conseil comme moyen permanent de récompenser des amis et des adhérents du parti. C'est inquiétant, surtout dans la perspective du long terme. Si, comme je le préconise, c'est là un rôle très important qui exige certains changements pour les individus, alors il y a un risque réel que ces derniers se comportent comme des girouettes tournant au gré du vent qui souffle en provenance, mettons, du BPC ou du BPM, et ce serait tragique.
Il est un fait regrettable, à savoir que nous avons mis sur pied un régime obligatoire, national, contributif qui n'est pas équilibré du point de vue actuariel. Nous donnons aux gouvernements successifs un pouvoir extraordinaire sur ce régime et oui, comme je l'ai dit au début et comme le dit le sénateur Pitfield, ce n'est pas leur argent. Le problème est celui-ci: quelles modalités pourrait-on trouver pour que les bénéficiaires puissent élire leurs propres administrateurs, selon le modèle des actionnaires d'une société? La réponse: à moins que l'on mette sur pied un régime radicalement différent, nous sommes coincés avec celui-ci parce que le gouvernement l'a créé; il était une créature politique depuis le début, constituée comme un système Ponzi légèrement déguisé. Nous commençons maintenant à le rendre un peu plus rationnel et sophistiqué, en partie à cause des sommes en jeu, pour diverses raisons, et que nous sommes pris dans un piège. Avec un pied toujours englué dans le régime réglementaire traditionnel établi par le gouvernement, nous essayons de libéraliser quelque peu le fonds de pension, de le rendre plus comptable devant les bénéficiaires, une créature intermédiaire. Voilà la difficulté de la conception. C'est un hybride très étrange, comme vous le savez probablement. Il n'est pas facile de l'aligner sur aucun des autres modèles standards, et c'est pourquoi nous avons toute cette difficulté à le rendre efficace. Je ne crois pas être seul à penser ainsi, j'essaie simplement de présenter certains faits à l'attention du comité dans l'espoir que cela contribuera au débat.
Le sénateur Oliver: Peut-être un tiers des administrateurs devraient-ils être choisis par un organisme national spécialisé dans la sélection d'administrateurs.
Je vois que vous enseignez à l'université la politique de réglementation et de concurrence. Certains membres de notre comité sont allés en Europe étudier la réglementation bancaire et financière. En quelques mots, que pensez-vous du projet de fusion entre la Banque Royale et la Banque de Montréal?
M. Stanbury: Je manque de données. Je vais vous expliquer pourquoi. Il m'est arrivé de donner des avis sur des fusions au Bureau de la concurrence et je conseille de temps en temps des clients privés. Je sais d'expérience que ce qu'on lit dans les journaux et ce qui est facilement connu du public n'est pas ce que vous avez besoin de savoir pour conseiller aucune des parties sur ces transactions. Tout ce que je sais à propos de celle-ci, c'est ce que j'ai lu dans les journaux. J'en ai discuté brièvement avec mes étudiants, qui sont très intéressés; il est encore trop tôt.
Le ministre des Finances dispose en l'occurrence de pouvoirs spéciaux qui ne s'appliquent pas à d'autres fusions. Le ministre pourrait dire non, et le projet s'arrêterait là, quoi que dise le directeur de la concurrence et indépendamment de son désir ou non de porter l'affaire devant le tribunal. Il me faudrait beaucoup plus de renseignements pour me prononcer.
Le vice-président: Probablement sage.
Le sénateur Lawson: En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, il y a une trentaine d'années j'étais membre du comité consultatif sur le Régime de pensions du Canada. Nous étions pratiquement tous apolitiques, d'une naïveté politique totale face à ce qui se passait, largement captifs de l'administration et des plans prédéterminés que le gouvernement avait. Voilà comment cela a commencé. Voilà qui explique la tradition.
Le sénateur Meighen: Nous voulons tous une assurance, compte tenu particulièrement des pressions qui émaneront de toutes les parties du pays au sujet des investissements. Le professeur Grubel et d'autres préconisent de scinder à un certain moment le fonds en deux ou trois fonds plus petits. Je ne sais pas si cela signifie une dispersion physique de l'administration du fonds. Avez-vous un avis là-dessus, s'agissant de veiller à ce que le secteur du pétrole et du gaz, qui est concentré ailleurs qu'à Bay Street, exerce tout le poids qu'il devrait avoir sur la prise de décisions?
M. Stanbury: Je suis d'accord avec lui. Son premier principe est celui d'une diversification à l'échelle mondiale. Son deuxième argument, auquel je souscris également, est que l'on exagère grandement les économies d'échelle. Celles-ci sont souvent illusoires. Dans le cas des fonds mutuels, c'est exactement l'inverse que l'on constate et de quoi s'agit-il ici, sinon d'un fonds mutuel gigantesque d'un type un peu particulier?
Troisièmement, je pense comme lui qu'il y a des avantages sur le plan du rendement général à scinder le fonds en plusieurs morceaux gérés par des équipes différentes.
Le sénateur Meighen: Dans l'abstrait ou dans la pratique?
M. Stanbury: Ce pourrait être les deux, en fait. La stratification pourrait être faite de deux façons différentes. Il peut y avoir des éléments d'actif pour lesquels la seule façon de procéder serait des administrations séparées. Je songe à certains types d'avoirs immobiliers. Lorsqu'il s'agit seulement d'actions, leur gestion présente un degré de fongibilité différent. De façon générale, il faudrait avoir des équipes spécialisées. L'autre avantage est que cela crée une concurrence, des points de référence. On peut introduire du sang neuf de temps à autre, obtenir des points de vue différents sur l'évolution du monde. M. Grubel conseille d'investir en Amérique du Sud. Je le ferais certainement, mais j'aimerais aussi que quelqu'un connaissant bien la région puisse me parler des risques politiques et économiques relatifs, me dire que mes idées sont dépassées, que les choses ont changé, et puisse mener des analyses de risque par pays.
Je suis en faveur de ces trois distinctions, comme il les a présentées. Je ne veux pas revenir sur votre idée d'assurer que nous ayons «suffisamment de placements dans le pétrole et le gaz». Le fonds n'est pas censé couvrir les besoins en capitaux du secteur pétrolier et gazier ni de toute autre industrie de ce pays. Le fonds doit se préoccuper des bénéficiaires, les retraités actuels et futurs. C'est leur intérêt à eux qu'il faut maximiser. Lorsque je dis «maximiser», il faut tenir compte simultanément des trois variables. Je dirais qu'il y a une non-obligation positive des administrateurs de servir une industrie ou un secteur donné ou de lui attribuer une «juste part de capital». Le capital doit être placé de façon à produire le meilleur rendement possible, en fonction du risque, et ces deux aspects doivent être pris en compte simultanément. Il ne doit y avoir aucun autre critère.
Le sénateur Meighen: Ce n'est pas ce que je voulais dire en parlant d'une représentation adéquate du secteur pétrolier et gazier. D'aucuns font valoir que ce n'est pas à Toronto qu'on trouvera les meilleurs avis sur le pétrole et le gaz, mais à Calgary, pour appeler un chat un chat.
M. Stanbury: C'est probablement vrai.
Le sénateur Meighen: Si c'est vrai, et c'était le sens de ma question, comment faire en sorte que les avis de Calgary soient pris en compte? Faut-il implanter à Calgary un bureau de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada? Ou bien peut-on le faire par une séparation abstraite des avoirs avec une équipe, ou peut-être une équipe physiquement située à Calgary?
M. Stanbury: Il pourrait certainement y avoir des gens à Calgary qui, grâce à la baisse des tarifs téléphoniques interurbains, pourraient communiquer très bien avec Toronto. Le bon côté c'est que vous n'êtes pas obligé de vous lever si tôt le matin pour les avoir en ligne et leur donner votre avis.
Le sénateur Meighen: Il me semble que ce n'est pas toujours accepté comme une participation pleine et entière. N'est-ce pas, monsieur Grubel?
M. Stanbury: Je comprends bien. Ce que je veux faire ressortir, c'est que c'est précisément là le rôle des administrateurs, de trouver des façons de superviser efficacement la gestion de cet argent. Si les conseillers passent leur temps dans l'avion à sillonner le pays au lieu d'utiliser le téléphone, les vidéoconférences et le courrier électronique, quelqu'un n'a pas saisi l'évolution du monde. Il y a de nombreuses façons de se brancher sur le savoir.
J'ai étudié les réseaux ces derniers temps et d'aucuns parlent d'intelligence diffuse. C'est l'un des principes que j'aimerais voir appliqué ici. L'intelligence diffuse ne réside pas dans les bases de données, elle est dans la tête de gens un peu partout dans ce pays. Certains vivent à Vancouver, d'autres à Calgary et d'autres dans l'Île-du-Prince-Édouard. Aujourd'hui, la connaissance n'est plus localisée car on peut trouver tellement d'informations par des méthodes indirectes qu'il ne faut plus raisonner selon ce schéma. Mais il se peut fort bien que certaines formes de connaissance exigent une présence sur place, auquel cas il faut gérer en conséquence, mais sans s'obnubiler sur ces notions, car elles vont devoir changer et s'adapter. Le principal est de garder l'oeil sur le rendement et de toujours se comparer aux autres. Cela ne signifie pas qu'il faut considérer seulement les résultats trimestriels, car l'obligation à remplir est à long terme.
Pour autant que je sache, il y aura toujours des Canadiens qui vont vivre et prendre leur retraite. L'horizon est virtuellement infini. Mais moi, je vais prendre ma retraite dans 10 ans.
Le vice-président: Merci beaucoup, professeur Stanbury, c'était excellent. Nous voulons également remercier le professeur Grubel.
Nous allons passer du monde universitaire au monde des affaires. Avant de présenter le prochain témoin, je vais céder la présidence au sénateur Meighen car mon avion part à une heure et je ne veux pas m'en aller au milieu de l'intervention d'un témoin.
Le sénateur Michael A. Meighen (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant: J'aimerais vous présenter le prochain témoin, qui est du cabinet Connor, Clark & Lunn Investment. M. MacDougall y est associé depuis 1974 et est responsable de la stratégie des placements en actions nord-américaines.
M. Gordon H. MacDougall, associé, Connor, Clark & Lunn Investment: Honorables sénateurs, j'ai plusieurs observations qui s'inscrivent évidemment dans l'optique d'un gestionnaire d'investissements, mais j'aimerais aussi répondre à vos questions.
Un domaine sur lequel j'aimerais dire un mot est celui de la régie. À l'évidence, c'est là devenu un sujet de haut intérêt au Canada, même dans l'optique d'un gestionnaire de placement. Les répondants avec lesquels nous traitons, nos clients, nous demandent de documenter nos lignes directrices internes en matière de régie et nos règles relatives aux opérations boursières. C'est un aspect primordial, non seulement dans le cas de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, mais également du point de vue des gestionnaires de placement. La grande visibilité de l'Office d'investissement accentue encore cette importance, de toute évidence.
Le cadre décisionnel et administratif est réellement primordial. La continuité au sein du conseil est très importante. Le témoin précédent a dit qu'un mandat de trois ans est trop court. Je suis d'accord. En tant que gestionnaire de placements, j'ai constaté chez mes clients que les conseils d'administration ayant une continuité de cinq à dix ans, peut-être pas chez tous les membres mais une grande majorité, fonctionnent le mieux. Pourquoi? Parce qu'il y a moins de changements apportés aux orientations, à la composition des éléments d'actif, ce qui signifie une économie pour le fonds à long terme. C'est un aspect important que je voulais souligner.
Pour ce qui est des placements, le fonds doit évidemment être indexé ou une grande partie doit être indexée. Mais indexé sur quoi? Il ne peut être indexé sur le TSE 300, sinon vous vous retrouverez propriétaire de tout l'indice ou au moins d'une grande partie, si bien qu'il faut définir l'indexation optimale. Au début, évidemment, une forte proportion de placements indiciels est appropriée, ensuite on pourra, comme cela a été démontré dans d'autres cas, améliorer le rendement en ayant recours à des gestionnaires spécialisés. Vous parliez tout à l'heure de pétrole et de gaz mais il peut y avoir d'autres secteurs intéressants.
La diversification est essentielle. Encore une fois, selon la perspective du gestionnaire de placements, nous savons que des placements étrangers accrus non seulement améliorent le rendement mais aussi réduisent le risque, le risque dans notre milieu étant la volatilité de ces rendements. Des études l'ont établi. De fait, notre propre recherche interne montre qu'au cours des dix dernières années, le portefeuille d'action optimal était placé à 55 p. 100 à l'étranger et à 45 p. 100 au Canada. De toute évidence, nous ne pouvons le faire et vous ne pouvez le faire. Mais vous parlez de risque et de rendement à long terme, et ce peut être là une considération.
Ma dernière remarque sur les placements intéresse les produits dérivés. Ce fonds devra clairement les utiliser à l'avenir, mais il ne peut le faire au départ. Le marché des produits dérivés au Canada n'est pas suffisamment liquide encore, mais il le deviendra de plus en plus au fil du temps et c'est certainement une façon efficiente de placer des capitaux et de varier la composition de l'actif.
Voilà mes remarques liminaires, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions ou de donner de plus amples précisions.
Le sénateur Oliver: Vous avez dit qu'une part importante de ce fonds doit être indexée. Pour ce qui est du reliquat, vous pensez que les gestionnaires doivent pouvoir acheter et vendre comme bon leur semble sans être astreints à un indice. Dans ce cas, parlez-vous d'une proportion de 80 p. 100 et 20 p. 100?
M. MacDougall: Je ne sais pas quelle est la proportion optimale, mais celle-ci n'est probablement pas mauvaise. À l'évidence, la grande majorité des placements devraient être indiciels. Dans leur cas, vous n'achetez de la valeur qu'à la marge. Plus vous engagez de gestionnaires comme moi et plus vous vous rapprochez des rendements indiciels. On peut aussi diversifier à l'excès.
Le sénateur Oliver: Étant donné la nature de ce fonds, et sachant que c'est un fonds à long terme pour les retraites futures des Canadiens, quelle proportion d'actions et d'obligations recommanderiez-vous?
M. MacDougall: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Ce sont les actuaires qui doivent se pencher là-dessus, voir le nombre d'actifs et le nombre de retraités, et élaborer des stratégies pour les deux. Nous travaillons avec des mandats établis par le répondant du régime et l'actuaire, qui se sont déjà penchés sur cette question. Nous nous occupons, nous, du placement de l'actif. Je ne peux répondre intelligemment à cette question.
Le sénateur Oliver: L'Office d'investissement est tenu de créer à la fois un comité de vérification et un comité de placement. En outre, le conseil d'administration est tenu d'établir des principes, normes et procédures en matière de placement conformes aux règlements et sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en oeuvre lorsqu'elle traite avec le bien d'autrui.
Êtes-vous en faveur de ces dispositions de la loi concernant les fonctions des comités de l'Office et y ajouteriez-vous quelque chose?
M. MacDougall: Je les approuve absolument. Il importe que le comité de vérification et le comité de placement aient tous deux un mandat clair. Il convient d'élaborer ce mandat très soigneusement et plus il sera clair, moins il y aura de problèmes plus tard.
L'énoncé de principes sera un élément très important. Les premières années, lorsque ce fonds sera indexé, ce ne sera pas aussi crucial. Mais une fois que l'on commence à engager d'autres conseillers, cela deviendra de plus en plus important. Ce sont clairement là deux aspects clés de grand intérêt pour le public.
Le sénateur Oliver: Selon votre expérience du milieu des affaires, quelle est la meilleure façon pour le gouvernement de choisir les meilleurs administrateurs pour ce fonds, qui sera énorme?
M. MacDougall: Il y a beaucoup de régimes de pension dans ce pays qui sont gérés par de bons administrateurs externes sans lien avec le répondant du régime, la société ou le syndicat. Il y a dans cette profession des gens très compétents et qualifiés pour travailler dans un office comme celui-ci.
Le sénateur Oliver: On nous a recommandé aujourd'hui de ne pas permettre à ces administrateurs de siéger à d'autres conseils d'administration, pour éviter les conflits d'intérêts. Pensez-vous que l'on pourra trouver des gens ayant la compétence et les qualifications requises et qui accepteraient de renoncer à leurs autres mandats d'administrateur?
M. MacDougall: J'ai du mal à le croire par les temps qui courent. Vous pourriez bien avoir quelqu'un qui est membre du conseil d'administration de quelque société sans que cela crée nécessairement de conflit car cette personne ne s'occupe pas du placement au jour le jour de ces capitaux, mais elle devrait évidemment déclarer ce conflit. C'est ainsi que l'on règle ces choses, mais ce n'est pas un problème. Dans beaucoup de régimes de pension dont je m'occupe les administrateurs siègent à deux ou trois autres conseils d'administration, et certains de sociétés dont je leur dis que je n'aime pas y investir. Nous aussi avons donc ce genre de situation.
Le sénateur St. Germain: Monsieur MacDougall, voyez-vous un problème dans l'intense politisation du processus? Beaucoup de gens dans votre profession sont apolitiques et ne s'intéressent pas du tout à la politique. Ils se contentent peut-être d'aller voter le jour des élections. Voyez-vous des problèmes dans le processus de nomination, qui est en gros le processus de nomination ordinaire par décret? Y voyez-vous un problème, sur le plan de l'érosion de la confiance et du cynisme chez le public?
M. MacDougall: J'espère que non. J'aime croire que l'on nommera des gens de haute qualité. Évidemment, la première fois, c'est difficile car il faut bien que quelqu'un fasse ces nominations initiales. Il faudra attirer des gens de grande compétence et c'est là-dessus que vous serez jugés en fin de compte. J'ai entendu quelqu'un dire tout à l'heure que le problème ne se poserait pas avec le premier conseil mais le deuxième et le troisième. C'est pourquoi je préconise des mandats plus longs et que tous ne soient pas renouvelés en même temps, plutôt de façon étalée après cinq, six et sept ans.
Quoi que vous fassiez, ce sera perçu comme politique. Le seul critère de jugement, en fin de compte, sera la qualité des personnes que vous trouverez. Même si ce sont les plus compétentes, y aura-t-il des critiques politiques? Probablement.
Le sénateur St. Germain: Pensez-vous que ce soit suffisamment important pour tenter d'atténuer l'influence politique?
M. MacDougall: Absolument. Tout ce que l'on peut faire pour atténuer l'influence politique, retrancher la politique autant que possible, serait merveilleux et renforcera la crédibilité.
Le sénateur Kelleher: Monsieur MacDougall, on estime que ce fonds pourrait atteindre de 75 à 100 milliards de dollars dans 10 ans. À votre sens, quel en sera l'effet sur les marchés des capitaux canadiens?
M. MacDougall: Il peut y avoir un effet, c'est certain. D'autres grosses masses de capitaux ont été placés sur les marchés canadiens au cours des 10 dernières années sans créer de perturbation ou de majoration visible des prix, ni sur le marché des actions ni celui des obligations. Ce qui compte, c'est la manière dont la décision est exécutée. C'est beaucoup d'argent et ce sera toujours beaucoup d'argent, mais le marché des capitaux va lui aussi grossir. Cet argent peut être placé sur le marché mais il faut le faire de manière appropriée et évidemment pas tout d'un coup.
Le sénateur Kelleher: Pensez-vous qu'il y a des mécanismes à mettre en oeuvre pour assurer que les investissements de ce fonds ne soient pas utilisés comme instruments de politique économique ou sociale; et, dans l'affirmative, pourriez-vous nous recommander quelques mécanismes appropriés? Je songe à la manière dont la Caisse a été utilisée au Québec et j'aimerais savoir si vous auriez des idées sur cette possibilité?
M. MacDougall: Il vaut évidemment mieux éviter cela. Encore une fois, l'énoncé des principes de placement devrait clairement indiquer ce qui ne devrait ou ne doit pas être fait. Il incombe ensuite au conseil et aux dirigeants de l'Office de traiter avec les conseillers en placement. Soit les principes doivent interdire ce genre de choses soit il faut indiquer clairement ce que vous voulez faire et ne pas faire. Si c'est énoncé, cela ne devrait pas arriver. Si cela arrive quand même, ce sera à cause de quelque influence occulte qui ne devrait pas exister. Donc, plus l'énoncé de principes sera clair, et moins ce sera susceptible d'arriver.
Le sénateur Kelleher: Selon votre connaissance de ce cadre de gestion et sachant que vous êtes de la Colombie-Britannique et que certaines provinces occidentales se plaignent de manquer d'influence sur beaucoup de politiques, pas seulement celle-ci, estimez-vous qu'avec la composition prévue de ce conseil les diverses provinces auront suffisamment leur mot à dire sur le fonctionnement ou la gestion de ce fonds?
M. MacDougall: Il m'est difficile d'en juger. Oui, les provinces devraient avoir un mot à dire, et elles pourront le faire par le biais des administrateurs du fonds -- non pas qu'elles pourront les nommer, mais elles pourront certainement leur faire part de leurs points de vue. Encore une fois, j'en reviens au principe qu'il s'agit là d'un fonds de pension pour le long terme et je ne sais pas comment les provinces vont l'influencer. S'il s'agit d'influences politiques, celles-ci ne devraient pas déterminer la manière dont le fonds sera géré.
Le sénateur Lawson: Vous avez parlé de produits dérivés. Si je me fie au peu que je sais sur les produits dérivés, ils ont une connotation négative aux États-Unis. Vous pourriez peut-être nous en parler un peu. Le premier mot qui me vient à l'esprit, c'est «escroquerie». Devrions-nous rester chez nous et acheter du Bre-X?
M. MacDougall: Tout le monde a entendu parler des produits dérivés à cause des déboires qu'il y a eu. C'était là des produits dérivés employés avec une stratégie de levier. Si les règles sont claires, les fonds de pension ne devraient pas et ne peuvent pas utiliser de produits dérivés dans une stratégie de levier.
Au lieu d'acheter le panier d'actions de l'indice TSE 300 -- et supposons que vous achetiez la totalité, bien que j'ai indiqué que vous ne le pouviez pas -- au lieu d'acheter un nombre approprié de chacune de ces actions pour effectuer votre placement, vous pourriez acheter quelques dérivés qui vous donnent le même panier. Le conseiller en placement de votre fonds remet un bon du trésor et un courtier s'engage par contrat à fournir ces actions selon ces proportions. Vous n'allez pas sur le marché acheter physiquement une, deux, trois, quatre actions. C'est une stratégie très opportune. Elle est efficace et elle n'entraîne pas d'effets aussi rapides sur le marché. Les coûts d'exécution pour le fonds sont moindres. Quelqu'un a demandé tout à l'heure quelle est la proportion appropriée d'actions et d'obligations. À long terme, elle ne devrait pas beaucoup varier. Mais elle devra varier à certains moments et le recours aux dérivés pour effectuer cette variation de composition de l'actif est une stratégie beaucoup plus efficace et économique que de vendre des milliards de dollars d'actions ou d'acheter des milliards de dollars d'obligations. C'est pourquoi j'ai dit que vous devriez placer cela sur votre liste. Vous n'avez pas besoin d'y recourir dès le premier jour. Mais puisque nous parlons ici du long terme, c'est un instrument que le fonds devrait envisager.
Comme nous le disons à nos clients, dont beaucoup réagissent comme vous de prime abord, nous les utiliserons pour leur fonds à l'avenir. Ce n'est pas un «si», c'est un «quand».
Le sénateur Lawson: Serait-ce similaire à un fonds indiciel Vanguard 500 aux États-Unis, ce genre de chose?
M. MacDougall: Ce n'est pas l'achat d'un fonds indiciel, mais c'est similaire.
Le sénateur St. Germain: Est-ce comme acheter à terme dans une bourse de produits primaires?
M. MacDougall: Vous achetez une option à terme sur l'indice qu'un courtier ou une firme agréée vous vend.
Le sénateur St. Germain: Est-ce qu'on peut faire des opérations à découvert?
M. MacDougall: Non. Évidemment, il faudrait que ce soit inscrit dans les règles. Ceci n'est pas destiné à obtenir un effet de levier ou à prendre des risques. C'est une façon de placer l'argent de manière économique sans perturber le marché, ce qui était une autre préoccupation du comité.
Le président suppléant: Ce qui sera particulièrement important dans le contexte du marché canadien?
M. MacDougall: C'est très important dans le contexte du marché canadien parce que c'est un marché très peu liquide.
Le sénateur St. Germain: Un témoin a dit que nous pourrions faire cela sur les marchés européens et étrangers sans violer la règle des 20 p. 100.
M. MacDougall: Oui, vous le pourriez.
Le président suppléant: C'est une façon de contourner cette règle.
Le sénateur St. Germain: N'est-ce pas essentiellement comme investir sur ce marché?
M. MacDougall: Il y a là deux aspects en jeu. Oui, techniquement, vous pourriez aujourd'hui accroître le contenu étranger du fonds de pension sans violer la lettre de la loi. L'autre aspect est que sur les marchés européens et américains vous pouvez utiliser les dérivés pour exécuter une stratégie d'achat, vous ne pouvez le faire au Canada parce que le marché est trop peu liquide. Ce sont donc deux questions différentes.
Le vice-président: Monsieur MacDougall, auriez-vous des suggestions à nous faire concernant la stratégie de gestion du risque de ce fonds? C'est un aspect que vous connaissez particulièrement bien dans votre métier.
M. MacDougall: La gestion du risque dans le monde des placements devient de plus en plus importante et beaucoup de nos clients nous demandent de mesurer les risques associés à tel ou tel placement que nous leur conseillons. Encore une fois, dans votre énoncé de principes et de normes, il devra être question en bonne place de la gestion du risque et de la diversification du fonds, et vous pourrez ensuite voir par quoi cela se traduit dans chaque secteur de la bourse et du marché obligataire.
Une fois tout cela déterminé, on peut calculer à plus long terme les rendements possibles sur la base des antécédents historiques et déterminer le risque ou la volatilité accompagnant ces rendements. Ces études seront évidemment importantes.
Le sénateur Lawson: Vous avez dit que vous êtes opposé au mandat de trois ans pour les administrateurs.
M. MacDougall: Je pense personnellement qu'il devrait être plus long.
Le sénateur Lawson: Je pense que ce devrait être cinq. Avez-vous un chiffre en tête?
M. MacDougall: Je préfère cinq à trois.
Le président suppléant: Mais pas dix?
M. MacDougall: Dix ans, c'est un long engagement à demander aux gens.
J'ai dit au début que ce fonds devrait être indexé pour commencer. Il faudra réfléchir soigneusement à l'indice approprié ou à la proportion indexée; plus tard, lorsque le fonds diversifiera et recrutera des conseillers en placement, il faudra également tenir compte -- je vais peut-être donner un exemple pour illustrer mon propos.
Disons que dans cinq ou dix ans vous souhaitiez faire appel à des cabinets comme le nôtre et d'autres pour placer une partie de cet argent. Supposons, pour prendre l'exemple donné, que vous ayez 100 milliards de dollars, dont 40 milliards de dollars en actions canadiennes et que vous vouliez sous-traiter 10 p. 100 de cela, soit 4 milliards de dollars. Si vous donnez 1 milliard de dollars à chacun des 40 meilleurs gestionnaires d'investissement de ce pays, certains d'entre eux auront bien du mal à placer cet argent. Cela vous montre non seulement la profondeur ou l'absence de profondeur de notre marché, mais aussi la façon de travailler de certains des gestionnaires.
Si cette liste contenait dix personnes au lieu de 40 et que vous donniez quatre fois le montant à chacun d'eux, certains vous diraient, comme nous le ferions, que nous ne pouvons placer cet argent de la même façon que nous le faisons aujourd'hui, car c'est un montant trop élevé; il fausserait notre système et nos clients actuels en souffriraient.
Il y aura donc ces problèmes à l'avenir et c'est pourquoi je maintiens que la plus grande partie de ce fonds devra être gérée sur la base d'indices.
Le sénateur Lawson: Je ne vous ai pas entendu parler de la rémunération des administrateurs. Devraient-ils être rémunérés équitablement ou bien être payés comme les sénateurs?
M. MacDougall: Je crois que je préfère m'abstenir de répondre.
Le sénateur Lawson: Selon votre expérience, comment sont rémunérés les administrateurs de fonds de pension? Nominalement?
M. MacDougall: Franchement, je ne sais pas combien ou comment la plupart sont rémunérés. Certains sont rémunérés par le fonds de pension et d'autres par le conseil d'administration du syndicat ou encore par la société, sur sa propre caisse. La plupart sont rémunérés.
Le sénateur Lawson: Les administrateurs, en l'occurrence, vont devoir consacrer un temps considérable à leurs fonctions. Avez-vous des idées sur la manière dont ils devraient être rémunérés?
M. MacDougall: Voulez-vous dire par qui ou combien?
Le sénateur Lawson: Combien?
M. MacDougall: Je n'en ai pas idée. Cela varie considérablement, tout comme pour les membres des conseils d'administration.
Le président suppléant: Il n'y a pas d'autres questions. Je vous remercie, monsieur MacDougall.
La séance est levée.