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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 24 février 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été confiée l'étude des projets de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, et C-5, Loi régissant les coopératives, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner ces projets de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons examiner successivement aujourd'hui deux projets de loi: d'abord, le projet de loi S-9, puis le projet de loi C-5.

Nous entendrons en premier lieu trois représentants du ministère des Finances, à savoir MM. Frank Swedlove, directeur, Division du secteur financier, et John Grace, économiste, ainsi que Mme Kristina Knopp, conseillère juridique, de même qu'un porte-parole de la Banque du Canada, M. Clyde Goodlet.

Honorables sénateurs, il y aura d'abord une brève déclaration préliminaire, puis nous serons saisis d'une modification de forme que le ministère aimerait apporter au projet de loi. Nous prions donc les témoins de bien vouloir nous présenter leur déclaration préliminaire, après quoi nous pourrons à loisir leur poser des questions. Nous saurions gré aux témoins de bien vouloir profiter du moment où ils feront leur exposé pour nous expliquer le but de la modification de forme que le ministère souhaite apporter.

M. Frank Swedlove, directeur, Division du secteur financier, ministère des Finances: La Loi sur les lettres et billets de dépôt est une mesure législative assez technique qui doit être adoptée pour continuer d'améliorer l'efficience des marchés financiers canadiens. Elle permet d'amener la législation fédérale à mieux refléter la façon dont s'effectuent actuellement les échanges d'instruments financiers sur les marchés.

L'un des principaux éléments des pratiques modernes utilisées sur les marchés est la conservation des instruments financiers chez un dépositaire central. Cette pratique permet de transférer du vendeur à l'acheteur la propriété de l'instrument au moyen d'une inscription en compte dans les registres du dépositaire plutôt que de procéder au transfert comme tel de l'instrument d'une partie à l'autre. Le recours à des dépositaires de titres rend plus sûres et plus efficaces les opérations qui s'effectuent sur les marchés financiers.

Même si le transfert de nombreux instruments financiers se fait déjà de cette façon, la Loi sur les lettres et billets de dépôt favorisera la modernisation de la législation fédérale concernant le transfert de propriété de certains instruments financiers, notamment des acceptations bancaires et des effets de commerce.

Ce projet de loi crée deux nouveaux instruments financiers, à savoir les lettres de dépôt et les billets de dépôt, qui pourront être conservés chez un dépositaire de titres. En outre, en vertu du projet de loi S-9, les transferts de propriété de ces instruments s'effectueront par inscription en compte dans les registres du dépositaire.

Ce projet de loi est nécessaire puisque les règles actuelles régissant les instruments de cette nature, telles qu'elles sont énoncées dans la Loi sur les lettres de change, ont été rédigées bien avant la création des dépositaires centraux et continuent encore de nos jours de faire allusion à la possession matérielle de l'instrument lorsqu'il est question des droits des parties à une opération. De toute évidence, ces règles ne sont pas facilement applicables dans le cas d'instruments qui sont détenus par un dépositaire et qui changent de propriétaire sans qu'il y ait transfert matériel des instruments en question.

À la différence de la Loi sur les lettres de change, la Loi sur les lettres et billets de dépôts établit les droits et les responsabilités des acheteurs, des vendeurs et des titulaires d'instruments négociables d'une façon compatible avec l'utilisation de dépositaires et le transfert de propriété par inscription en compte. La création de ces deux instruments financiers n'empêche aucunement des particuliers ou des institutions d'acquérir et de détenir d'autres lettres et billets négociables qui demeurent assujettis à la Loi sur les lettres de change.

Enfin, le projet de loi apporte une modification de forme à la Loi sur la gestion des finances publiques. La Loi sur la gestion des finances publiques permet les transactions d'effets de commerce comme les bons du Trésor et les obligations du gouvernement sur les marchés. On se demande cependant, sur le plan légal, si la définition d'«effets de commerce» comprend les titres de créance émis par le gouvernement, sans certificat. La modification précisera que ces titres peuvent être transigés.

Voilà pour notre déclaration préliminaire. Mes collègues et moi-même sommes maintenant prêts à répondre aux questions que vous pourriez avoir concernant ce projet de loi. Toutefois, avant de passer aux questions, je vais demander à M. Clyde Goodlet, de la Banque du Canada, de vous donner quelques explications concernant la modification de forme que nous aimerions apporter au projet de loi et que soumettons à l'examen des sénateurs.

Le président: Notre personnel prépare en ce moment des copies du libellé de l'amendement. Pourriez-vous nous expliquer l'objet de cet amendement?

M. Clyde Goodlet, conseiller en politique de réglementation, Banque du Canada: L'amendement modifie l'article 17 du projet de loi. Il remplace le mot «paie» par les mots «effectue un paiement final et irrévocable». Il s'agit d'une modification de forme qui a pour but de faire en sorte que l'émetteur d'un billet de dépôt ou d'une lettre de dépôt soit libéré de son obligation de payer le montant de l'effet à la date convenue et pas avant. Pour pouvoir libérer l'émetteur de cette obligation, la chambre de compensation doit avoir l'assurance qu'elle a reçu de lui un paiement final et irrévocable.

Ce point est plutôt technique. Il découle de la pratique du recours à des domiciles de paiement. J'hésite à entrer ici dans les détails, mais un exemple vous aidera peut-être à mieux saisir ce dont il s'agit. La plupart des émetteurs de lettres ou de billets de dépôt recourent à des domiciles de paiement du secteur privé pour effectuer des paiements pour leur compte. Quand un effet arrive à échéance, ils mandatent normalement une grande banque pour effectuer le paiement pour leur compte au détenteur de l'effet. La plupart des dépositaires ont des règles voulant que les comptes de fonds -- c'est-à-dire les montants payables aux détenteurs d'effets -- puissent être débités ou crédités la journée même de l'opération et que les établissements participants puissent utiliser ces comptes de fonds pour acquérir d'autres titres. Toutefois, aucun paiement n'a encore été effectué à ce moment-là et aucune libération d'obligation n'a encore été accordée à l'émetteur de l'instrument. Normalement, ce paiement et cette libération s'effectuent vers la fin de la journée où les obligations de tous les émetteurs sont compensées et où les paiements finaux sont effectués.

Cet amendement stipule clairement que le paiement doit être final et irrévocable, sur la base des règles de la chambre de compensation, pour qu'on ait l'assurance que l'émetteur de l'instrument s'est bien acquitté de son obligation. Dans l'éventualité -- extrêmement improbable -- où le domicile de paiement ferait défaut de s'acquitter de son obligation, la chambre de compensation pourrait, si le projet de loi est ainsi modifié, exiger de l'émetteur de l'instrument qu'il verse à la chambre de compensation le montant en question pour que celle-ci puisse de son côté payer le détenteur de l'instrument.

Le président: Je me demande, par curiosité, si ce projet de loi, qui traite de documents sur support papier, ne sera pas bientôt lui-même dépassé, étant donné que nous nous dirigeons résolument vers une société sans monnaie, tout à l'électronique. Je ne vois aucune objection à ce qu'on mette à jour une procédure, mais ne risque-t-on pas qu'elle devienne elle-même vite démodée?

Le sénateur Angus: Se pourrait-il que ce projet de loi ne traite pas tellement de documents mais bien plutôt d'inscriptions dans des registres?

Le président: J'imagine que vous voudrez sans doute réagir du même coup à la réflexion du sénateur Angus et à la mienne.

M. Goodlet: Nous employons ici deux termes affreux: immobilisation et dématérialisation. Ce projet de loi traite essentiellement d'immobilisation. On émettra un instrument matériel, mais la chambre de compensation ou quelqu'un d'autre en assurera la garde, et le transfert de propriété de l'instrument se fera alors au moyen d'une simple inscription au registre. Si je ne m'abuse, ce projet de loi n'a rien à voir avec la dématérialisation, qui concerne la capacité d'émettre une obligation sous une forme autre que matérielle.

Le président: Avez-vous le sentiment que, dans un avenir raisonnablement prévisible, on aura besoin d'une autre mesure législative qui traitera de dématérialisation?

M. Goodlet: Je suis porté à croire que tôt ou tard il faudra effectivement en venir là.

Le sénateur Angus: Je dois avouer que je ne suis pas très à l'aise dans toutes ces considérations d'ordre technique. Il faut voir, d'ailleurs, combien, à la faculté de droit, j'ai eu du mal à m'y retrouver dans ces notions d'effets de commerce et de billets. J'avais alors pour professeur Me Gerry Le Dain, qui est devenu plus tard juge de la Cour suprême. Il est heureusement parvenu à m'éclairer un peu sur cette question.

Je me souviens de l'expression «porteur de bonne foi». Je présume, d'après votre explication, qu'il n'y aura pas de porteurs de bonne foi dans le cas de ces deux nouveaux instruments, car il ne s'agit pas de certificats transportables, n'est-ce pas?

Mme Kristina Knopp, conseillère juridique, Services juridiques généraux, ministère des Finances: C'est juste. Cette notion a davantage sa place là où l'on se sert de documents sur support papier, où toute opération nécessite le transfert d'un certificat.

Le sénateur Stewart: Discutons-nous toujours de l'amendement?

Le président: Nous discutons du projet de loi en général.

Le sénateur Austin: Je serais curieux de connaître le statut juridique de l'ordre de transfert, de dépôt ou de retrait des fonds. L'instrument sera gardé chez un dépositaire qui en consignera les changements de valeur dans ses registres. Quel est le statut juridique de l'ordre? Est-il reflété matériellement dans un document? Cet ordre est-il également un instrument négociable?

M. Swedlove: Sous un tel régime, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un transfert matériel de l'ordre pour que l'opération soit effective; il suffit d'une inscription au compte. Je doute que cela change systématiquement la valeur intrinsèque de l'instrument.

Le sénateur Austin: Cette opération doit sûrement se concrétiser au moyen d'un véhicule ou d'un ordre quelconque. Il doit bien falloir une preuve que l'opération a eu lieu. S'en tient-on à ce qui est inscrit au registre du dépositaire, ou y a-t-il autre chose? L'ordre peut-il par exemple être transmis sur support électronique?

M. Goodlet: De la façon dont on procède chez la plupart des dépositaires, l'opération se négocie en réalité ailleurs que chez le dépositaire. L'acheteur et le vendeur, ou l'un des deux, veilleront à faire inscrire au registre du dépositaire les conditions du marché qu'ils ont conclu. Supposons que ce soit le vendeur qui fasse inscrire dans le registre du dépositaire les renseignements relatifs aux conditions de l'entente, notamment ceux faisant état de la nature de l'instrument, du montant et du prix de l'opération. L'acheteur doit alors prendre soin de confirmer auprès du dépositaire l'exactitude des renseignements inscrits. Il y aura donc une inscription dans le registre du dépositaire pour chacun des deux volets de l'opération. Les deux parties doivent signifier leur accord concernant les conditions de l'opération. Les opérations non confirmées ne sont pas homologuées. L'une des parties doit faire inscrire les renseignements concernant les conditions de l'opération, et l'autre partie doit les confirmer intégralement. Le dépositaire doit conserver ces inscriptions et les rendre au besoin accessibles. Ce n'est qu'une fois que les deux parties ont fait le nécessaire que l'opération peut entrer dans ce qu'on appelle le stade de la compensation ou du règlement.

Le sénateur Austin: C'est passionnant. Juridiquement parlant, le transfert du droit se fait-il au moment où l'acheteur et le vendeur du titre effectuent l'opération ou bien lorsqu'ils l'inscrivent au registre?

Mme Knopp: Quand vous dites «inscrivent au registre», voulez-vous dire lorsqu'ils confirment les détails de l'opération?

Le sénateur Austin: Oui, quand quelqu'un donne avis de l'opération au dépositaire. À quel moment le transfert du droit de propriété des fonds devient-il effectif?

M. Goodlet: Une fois qu'il est confirmé et exécuté par le dépositaire.

Le sénateur Austin: Cela est-il explicite dans le projet de loi?

M. Goodlet: Non. Ce sont les règles internes du dépositaire qui précisent à quel moment l'échange a vraiment lieu.

Le sénateur Austin: Au moment où les deux parties s'entendent pour exécuter l'opération, il s'effectue entre elles un transfert de titre en equity.

Mme Knopp: Ces précisions sont fournies au paragraphe 8(3) du projet de loi, qui prévoit que l'opération, y compris sa prise d'effet, est régie par le droit applicable agréé par la chambre de compensation et ses établissements participants. On y précise que l'inscription au registre du dépositaire équivaut à la livraison d'une lettre de change au porteur aux termes de la Loi sur les lettres de change. C'est donc dire, selon nous, qu'une simple inscription au registre de la chambre de compensation a, en un sens, le même effet en droit que la livraison matérielle d'un certificat.

Le sénateur Austin: Je vois. Que se passe-t-il avant que le dépositaire soit informé du marché? Quelle serait à votre avis la valeur en droit d'une opération en vertu de laquelle le sénateur Stewart et moi conviendrions du transfert d'un de ses titres en ma faveur, aux conditions que nous définirions, si le dépositaire n'en était avisé qu'au moment où l'effet est sur le point d'arriver à échéance? Quel droit en equity serait créé entre-temps, ou ne s'en crée-t-il aucun? En tant qu'acheteur, n'ai-je aucun droit tant que je ne me suis pas vraiment assuré qu'avis du transfert a effectivement été donné au dépositaire et que ce dernier a effectué le transfert de propriété? J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

Le sénateur Stewart: Je pense qu'on serait alors en présence de ce qu'on appelle dans le milieu du droit un «vide juridique».

Le sénateur Austin: N'aurait-on pas ainsi créé un droit en equity?

Mme Knopp: Je crois que l'opération ne prend effet en droit qu'une fois que le dépositaire en a été avisé. Autrement, il y a en quelque sorte défaut de livraison. Tant que les conditions de l'opération ne figurent pas au registre, l'opération n'est pas vraiment close.

Le sénateur Austin: Avant que le dépositaire ne soit avisé d'une opération, existe-t-il des droits en equity entre les deux parties qui ont effectué ladite opération? Ou l'opération n'a-t-elle au contraire aucun effet en droit tant que le dépositaire n'en a pas été informé?

M. Goodlet: Vous devez vous représenter cette procédure comme s'il s'agissait d'un transfert matériel de titre. Toute opération effectuée entre les parties à un marché est enregistrée d'une manière ou d'une autre. Il peut ne s'agir parfois que d'un marché conclu par téléphone, mais il n'en doit pas moins être confirmé quelque part noir sur blanc, et c'est sur la base de cette confirmation qu'on se fondera pour régler tout différend, pour établir, par exemple, que l'échange a effectivement eu lieu, ou encore qu'il a été effectué à tel prix et qu'on a prévu telle date de livraison.

Il arrive parfois de nos jours qu'un projet d'échange matériel de titres échoue parce qu'une des parties omet de se présenter au moment convenu avec le titre approprié. N'étant pas avocat, je ne voudrais pas trop m'aventurer sur ce terrain, mais, à ma connaissance, une opération ne peut prendre effet en droit que si toutes les conditions dont ont convenu le vendeur et l'acheteur concernant l'instrument et son transfert sont respectées. Quand l'opération s'effectue par inscription au compte, le dépositaire s'occupe de la livraison de l'instrument, mais son intervention n'a aucun effet sur les conditions de transfert convenues entre les parties. Que l'opération s'effectue physiquement ou par voie d'écritures, le défaut de livrer l'instrument, soit que l'opération n'ait pas été confirmée par une inscription au compte du dépositaire, soit que le document n'ait pas été matériellement transféré, signifierait qu'une des parties n'a pas respecté une des conditions de son contrat avec l'autre partie. Le cas échéant, les parties doivent redresser la situation à l'amiable. Il existe dans le secteur financier des pratiques conventionnelles pour régler les cas de défaut de livraison de titres. En règle générale, ce genre de règlement entraîne des débours pour la partie en défaut, dont le versement de droits.

Le sénateur Stewart: Le nouveau régime sur lequel on s'apprête à légiférer créera-t-il de nouveaux problèmes au surintendant des institutions financières?

M. Swedlove: Non, l'adoption de cette mesure n'aura aucune incidence sur son mandat.

Le sénateur Stewart: Le surintendant ne doit-il pas exercer une surveillance pour veiller à ce que l'inscription des lettres et des billets soit dûment effectuée dans le registre?

M. Swedlove: Non, il n'a aucun rôle à jouer en ce qui concerne le système de dépôt.

Aux termes de la nouvelle Loi sur la compensation et le règlement des paiements, qui a été sanctionnée il y a deux ans dans le cadre de l'adoption du projet de loi C-15, la Banque du Canada, elle, est habilitée à intervenir dans tout système de compensation. Je vais demander à M. Goodlet de vous expliquer le rôle qu'elle a à jouer à cet égard.

M. Goodlet: Cette loi confère à la Banque le mandat de surveiller le fonctionnement des systèmes de compensation et de règlement des paiements. Le gouverneur de la Banque estime que, même si ce n'est pas le cas de tous, certains systèmes de compensation et de règlement des paiements présentent un risque systémique, en ce sens que l'un ou l'autre de leurs établissements participants pourrait hypothétiquement se trouver dans l'incapacité de s'acquitter de ses obligations. Nous donnons à ces systèmes l'appellation de systèmes de compensation désignés.

Nous devons soumettre ces systèmes à une vérification ou à une inspection dans le cadre de nos responsabilités de surveillance. Nous devons notamment avoir à l'oeil la façon dont ils s'acquittent de certains volets de leur mission, par exemple, leur façon de gérer la garde des instruments, l'intégrité de leur système d'inscription et de confirmation des opérations financières ainsi que leurs arrangements de crédit de substitution. Le surintendant, de son côté, ne saurait être indifférent au comportement de tels systèmes lorsque des institutions dont il lui incombe de surveiller la bonne marche y participent, mais il n'irait pas jusqu'à se pencher directement sur le fonctionnement d'un système comme tel.

Le sénateur Stewart: J'ai parfois du mal à vous suivre parce que les mots «physique» et «matériel» ne sont pas employés dans le sens où on l'entend habituellement. Ayant été perverti par certaines études en philosophie, je m'y retrouve difficilement.

Vous parlez de lettres de dépôt. Pouvez-vous m'en donner un exemple?

M. Swedlove: Nous parlons généralement ici d'effets de commerce et d'acceptations bancaires.

Le sénateur Angus: On emploiera à l'avenir de nouvelles expressions pour désigner ces instruments, n'est-ce pas? Si, par exemple, une personne voulait placer 200 000 $ sur le marché monétaire un mardi à 10 heures et téléphonait à la BCIC pour obtenir à cette fin une acceptation bancaire de 200 000 $, donnerait-on maintenant un nouveau nom à ce genre d'opération? Parlerait-on plutôt de lettre de dépôt?

M. Swedlove: Aux termes de la nouvelle loi, si elle est adoptée, l'institution pourra effectuer l'opération au moyen de l'émission d'un billet de dépôt ou d'une lettre de dépôt. Le cas échéant, l'opération pourra être effectuée par l'entremise d'un dépositaire central.

Mme Knopp: Chose certaine, il faudra que l'instrument soit émis dans l'intention explicite d'en faire une lettre de dépôt ou un billet de dépôt. Les articles 4 et 5 du projet de loi mentionnent que l'instrument doit porter bien en évidence au recto du document la mention «lettre de dépôt» ou «billet de dépôt» assujetti à la loi. Il y a donc des conditions qu'il est essentiel de respecter. L'émetteur de l'instrument doit clairement indiquer au plus tard au moment de l'émission son intention d'assujettir ledit instrument à cette loi. Ce n'est pas une mention qui pourrait être ajoutée après coup.

Le sénateur Stewart: Au risque de vous montrer à quel point je suis ignorant en la matière, permettez-moi de vous poser cette question. En cas de faillite du détenteur de la lettre ou du billet -- c'est-à-dire du détenteur à titre de dépositaire -- quel effet cela aurait-il sur l'intérêt en equity du propriétaire du bien représenté par la lettre ou le billet?

M. Goodlet: Si j'interprète bien votre question, vous demandez ce qui arriverait en cas de faillite de l'une des parties, qu'il s'agisse de l'acheteur ou du vendeur?

Le sénateur Stewart: Si la personne morale dans le registre de laquelle la lettre ou le billet a été consigné -- s'il s'agit bien du bon terme -- comme lettre ou billet de dépôt était incapable pour une raison ou pour une autre de respecter ses obligations financières, cela compromettrait-il les chances du propriétaire du titre représenté par la lettre ou le billet de récupérer ce qui lui est dû?

M. Goodlet: Vous voulez parler de l'émetteur de l'instrument, et de l'hypothèse où, par exemple, celui-ci serait incapable d'honorer ledit instrument à l'échéance?

Le sénateur Stewart: Voilà.

M. Goodlet: Il est mentionné dans le projet de loi que la chambre de compensation est tenue de tenter d'exercer un recours pour obtenir le paiement, mais qu'elle n'a pas à effectuer elle-même le paiement si elle ne l'a pas déjà reçu. Le titulaire inscrit de l'instrument serait dans la même situation qu'actuellement. Il pourrait exercer un recours contre l'émetteur. Quant à savoir quand et comment le paiement serait effectué si l'émetteur devenait insolvable, cela dépendrait des recours qu'il pourrait avoir contre des parties autres que le dépositaire. La loi oblige le dépositaire à tenter d'obtenir que l'instrument soit honoré.

Le sénateur Stewart: Comment s'y prendrait-il pour tenter de le faire?

M. Goodlet: Vraisemblablement, il enregistrerait sa créance et prendrait les recours prévus en cas d'insolvabilité. Je suis en train de m'écarter de mon domaine.

Le sénateur Angus: En réalité, le fait que l'instrument soit consigné dans le registre d'un dépositaire n'améliore en rien la qualité du document ou du titre en question.

M. Goodlet: C'est juste. Le dépositaire ne fait que garder l'instrument pour le compte de son propriétaire.

Le sénateur Angus: Son rôle ne serait-il alors qu'administratif?

M. Goodlet: Tout à fait.

Le sénateur Angus: J'essaie d'y voir un peu plus clair. Ce projet de loi a été rédigé à la demande de l'industrie des valeurs mobilières qui réclamait le droit de traiter les effets de commerce et les acceptations bancaires, n'est-ce pas?

M. Swedlove: C'est juste. Il y a un certain nombre d'instruments qui sont aujourd'hui échangés par l'entremise de systèmes de dépôt. De nos jours, c'est dans une large mesure de cette façon qu'on fonctionne dans le secteur financier. Le problème qui se posait, c'est qu'en vertu de la Loi sur les lettres de change ce mode de traitement ne pouvait s'appliquer dans le cas des acceptations bancaires et des effets de commerce.

Le sénateur Angus: Ce devait être ma prochaine question. Comment expliquer qu'on ait tant attendu? Cela fait bien des années qu'on souhaite ce changement.

M. Swedlove: Si ces instruments ne pouvaient être échangés selon ce mode, c'est tout simplement que la Loi sur les lettres de change ne le permettait pas. La Caisse canadienne de dépôt des valeurs se prépare actuellement à être en mesure, une fois que cette loi aura été adoptée, de traiter les acceptations bancaires et les effets de commerce. Si tout va pour le mieux, elle escompte pouvoir le faire dès septembre prochain.

Le sénateur Angus: Vous avez répondu à l'autre question que j'allais poser, car, si je vous ai bien compris, vous dites que la CCDV est censée être prête à traiter ces instruments dès septembre. Et vous n'avez aucun motif de croire qu'elle ne le sera pas?

M. Swedlove: Non. Dès que la loi aura été adoptée, la Caisse pourra aller de l'avant. Cette mesure bénéficie d'un large appui chez les utilisateurs, les émetteurs et les acheteurs d'effets de commerce.

Le sénateur Angus: A-t-on vérifié auprès des représentants de l'industrie dans quelle mesure ils donnent leur aval à ces dispositions? S'en déclarent-ils satisfaits? Ce projet de loi a-t-il suscité des protestations à l'autre endroit à un moment donné?

M. Swedlove: Cette question faisait partie des thèmes que nous avons abordés dans notre document de travail sur la réforme du secteur financier pour l'exercice 1997. Vu qu'il s'agissait d'une nouvelle loi, nous n'avons pas jugé bon de faire inclure cette mesure dans le projet de loi C-82, qui a été l'an dernier le véhicule de toutes les autres propositions de changement à la législation régissant le secteur financier.

Le ministère de la Justice a estimé que cette mesure devait faire l'objet d'un projet de loi à part. La proposition a donné lieu à la rédaction du projet de loi C-92 qui a été déposé dans le courant de la dernière législature; comme le Parlement n'a toutefois pas eu le temps d'adopter ce projet de loi avant l'ajournement, c'est maintenant le Sénat qui, au moyen du présent projet de loi, prend l'initiative de présenter de nouveau la mesure souhaitée.

Le sénateur Angus: Vous nous avez déjà expliqué la proposition d'amendement que vous nous soumettez.

Est-ce par inadvertance qu'on a d'abord ainsi libellé cet article? Je sais que vous l'avez déjà expliqué il y a un moment, mais comme je n'ai pas l'esprit très vif, je me demande encore si cette proposition d'amendement est le fruit de la surveillance étroite qu'exerce l'industrie en la matière.

M. Swedlove: Vous avez deviné. Cet amendement a en réalité été proposé par la CCDV, qui estime qu'en modifiant ainsi le libellé, on réglera le problème. Elle propose cet amendement, que d'ailleurs nous appuyons, pour mieux refléter l'intention des auteurs du projet de loi.

Le sénateur Angus: Le président a soulevé la question de la monnaie électronique en général. Avez-vous le mandat d'établir de quelle façon nous devrions traiter des incidences sur le plan juridique de l'utilisation des cartes à puce et des autres modes de paiement électronique, ainsi que des obligations et des droits qui s'en trouveront touchés ou qui en découleront?

M. Swedlove: J'ai bien peur que oui. La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, vous m'avez posé une question du même genre.

Je préside un groupe interministériel qui a pour mandat de se pencher sur les questions réglementaires liées à l'utilisation des cartes à puce et des autres modes de paiement électronique. Le ministère des Finances, la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières et la Société canadienne d'assurance-dépôts du Canada participent tous aux travaux de ce groupe. Nous sommes en liaison avec des représentants de l'industrie et nous suivons de près l'évolution des programmes expérimentaux qui sont en cours à cet égard. Nous consultons par ailleurs nos homologues d'autres pays qui s'efforcent de trouver des moyens de réglementer le mieux possible ce secteur et d'établir dans quelle mesure il s'impose vraiment de le réglementer.

C'est à vrai dire une question que nous nous devons d'étudier en permanence. Nous continuons de l'examiner de très près pour déterminer quels seront nos futurs besoins à cet égard en matière de réglementation et de législation.

Le sénateur Austin: La personne morale qui agit comme dépositaire s'occupe-t-elle à la fois de la garde des certificats de titres de participation et de celle des certificats d'actions?

M. Goodlet: Oui.

Le sénateur Austin: Par conséquent, le système de transfert sera similaire à celui que nous connaissons déjà. Bien souvent, de nos jours, les sociétés, plutôt que d'émettre des certificats d'actions, se contentent de les inscrire en compte auprès d'un dépositaire. Ce genre de pratique vous est-il familier?

M. Goodlet: Je m'y connais peu. La CCDV gère un certain nombre de systèmes. Celui que vise essentiellement le projet de loi à l'étude s'appelle le service de compensation des titres de créance. Il traite actuellement tous les titres de créance du gouvernement du Canada, des émissions directes et des titres de créance de gouvernements provinciaux. Les instruments fédéraux et provinciaux garantis sont déjà admissibles à ce système en ce moment.

Comme M. Swedlove l'a mentionné, les acceptations bancaires et les effets de commerce n'y sont pas encore admissibles parce que jusqu'à nouvel ordre la loi ne permet pas d'effectuer des transferts de titres de propriété par voie d'écritures comptables.

La CCDV gère en outre des systèmes qui lui permettent d'effectuer des échanges de titres boursiers inscrits à la bourse de Toronto et à la bourse de Montréal. Elle traite également certaines obligations de sociétés au moyen d'un système qu'on appelle le système de compensation des valeurs mobilières. Nous avons jugé que ces systèmes n'étaient pas d'une envergure suffisante, sur le plan du risque systémique, pour qu'il soit indiqué de les désigner ou pour qu'il s'impose de s'en préoccuper. Il se pourrait toutefois qu'il y existe des comportements qui justifient qu'on y exerce une surveillance. Actuellement, le marché évolue manifestement dans cette direction.

Le sénateur Austin: Je suis sûr qu'on utilisera beaucoup plus ce type d'instruments sur une base commerciale une fois que la nouvelle loi permettra d'effectuer des opérations par transfert électronique.

Seriez-vous en mesure de prédire que l'industrie essaiera de titriser ou de vendre des certificats de dépôt dans le cadre de ses activités de mobiliérisation? Est-ce ce que vous prévoyez?

M. Goodlet: L'historique de la mobiliérisation des titres de l'État canadien va de pair avec l'augmentation du volume d'activité boursière. Le recours à des dépositaires vise à parer aux risques opérationnels et à atténuer les inquiétudes que suscite la possibilité de vol ou de perte de titres de valeurs; il contribue en outre à régler une foule de problèmes de fonctionnement liés à la livraison et à la coordination de la livraison de titres et de fonds de paiement. Les frais de transaction inhérents aux opérations sur titres seront considérablement moins élevés, ce qui devrait entraîner une forte augmentation du volume des opérations, comme cela s'est produit dans le passé dans d'autres secteurs.

Il s'agit de marchés passablement volumineux. Le marché bancaire contrôle de 40 à 45 milliards de dollars de titres en circulation, comparé à à peine 11 milliards pour le marché commercial. Il se pourrait que ces marchés deviennent plus actifs, ce qui fournirait des liquidités additionnelles du seul fait que nous aurions réduit les frais de transaction dans un contexte que nous considérons sûr sur le plan légal. Tout cela n'entraîne d'ailleurs aucun risque supplémentaire ou inacceptable pour le système.

Le sénateur Austin: Y a-t-il dans ce projet de loi des mesures qui ont une incidence sur le système de règlement des paiements actuellement en place au Canada? Cette loi aura-t-elle un impact sur la procédure de règlement des paiements qu'utilisent les institutions financières?

M. Goodlet: Le fonctionnement du système de dépôt comporte deux avantages. Premièrement, il permet de traiter les opérations d'une manière convenable; deuxièmement, il assure, par le recours au système de règlement des paiements, l'exécution des obligations de paiement rattachées à ces opérations.

Une partie de la responsabilité de surveillance qui nous incombe aux termes de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, responsabilité à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure, consiste à nous assurer, d'une part, que le paiement sera effectué et, d'autre part, qu'il sera effectué à temps et d'une manière finale et irrévocable.

La CCDV a fait parvenir aux établissements participants le texte des modifications qu'elle a apportées à ses règles de fonctionnement. Nous espérons que le conseil d'administration les sanctionnera en avril pour que nous puissions profiter du système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) qui sera opérationnel d'ici la fin de mai ou en juin.

Ces règles exigent entre autres choses que l'exécution des obligations de paiement se fasse par l'entremise du système de transfert de paiements de grande valeur, ce qui éliminera le risque inhérent au règlement des paiements à un jour. Cette mesure ne figure pas dans la loi, mais elle est prévue dans les règles de fonctionnement des dépositaires. Il s'agit là d'une mesure que nous préconisons fortement, car elle éliminera le risque inhérent au règlement des paiements à un jour.

Le président: Convenons-nous qu'il n'est pas nécessaire d'en faire l'objet d'une mesure législative, vu qu'elle peut très bien être prévue dans les règles de fonctionnement de la CCDV?

M. Goodlet: C'est exact. L'existence du STPGV procure un mécanisme facilitant le règlement des paiements. Les paiements qui seront effectués au moyen de ce système le seront sans risque pour les destinataires de fonds. Autrement dit, les destinataires de fonds pourront inconditionnellement recourir à ce mode de paiement. Ceux qui ont des obligations de paiement envers la chambre de compensation pourront également utiliser le STPGV pour s'en acquitter.

Le sénateur Austin: Croyez-vous que ce système sera à l'abri des risques de l'an 2000?

M. Goodlet: À mon avis, personne ne peut se prétendre vraiment à l'abri des risques de l'an 2000. La CCDV s'est dotée d'un plan pour parer à ces risques.

Le sénateur Austin: Nul ne peut donner de garantie absolue à cet égard?

M. Goodlet: Non.

Le sénateur Austin: N'êtes-vous pas en train de créer un système qui entraînera un nouveau risque systémique en raison de l'approche de l'an 2000?

M. Goodlet: Non. Le service de compensation des titres de créance auquel j'ai fait référence est entièrement compatible avec les exigences de l'an 2000. Les experts ont révisé de un million à un million et demi de séries de codes et y ont apporté 14 changements. Voilà ce qu'il en est dans le cas de ce système particulier. Mais la CCDV gère aussi d'autres systèmes, comme celui du service de compensation des valeurs mobilières, qui ne sont pas encore compatibles avec les exigences de l'an 2000 mais qu'on s'emploie résolument à adapter.

Sur ce chapitre, la CCDV est également au centre d'une activité de coordination des opérations de l'ensemble de l'industrie qui a pour objet de s'assurer -- car c'est important pour les opérations dont nous discutons aujourd'hui -- que les établissements participants qui effectuent ce genre d'opérations, qu'il s'agisse des vendeurs ou des acheteurs, puissent communiquer avec les systèmes que gère la CCDV. Une bonne part de cette coordination se fera au sein même de l'industrie, principalement au cours des trois ou quatre premiers mois de 1999, où des essais seront effectués dans l'ensemble de l'industrie pour vérifier si ces réseaux et ces systèmes de communication sont tous compatibles les uns avec les autres pour la venue de l'an 2000. À ma connaissance, la CCDV est l'un des premiers dépositaires au monde à avoir dévoilé publiquement ses plans et les moyens qu'elle entend prendre pour faire face à cette situation. Elle déploie actuellement de grands efforts à cet égard.

Le sénateur Stewart: Il m'intéresserait de connaître l'importance que présente pour la Banque du Canada ce nouveau régime. Je puis comprendre que vous y trouverez un intérêt indirect, mais j'aimerais savoir en quoi ce nouveau régime vous touche directement. Est-ce principalement parce que le dépositaire pourra accepter des dépôts, soit sous forme d'obligations fédérales, soit sous forme d'instruments s'appuyant sur des obligations fédérales? Est-ce essentiellement ce qui intéresse directement la Banque du Canada? Dans la négative, quel autre intérêt y trouve-t-elle?

Par ailleurs, savez-vous quelle est l'intention des gouvernements provinciaux en ce qui concerne leurs titres de créance? Ont-ils l'intention d'accepter ce nouvel arrangement, et quels motifs amèneraient certains d'entre eux à refuser d'y adhérer, le cas échéant?

M. Goodlet: En ce qui concerne votre première question, l'intérêt que présente pour la Banque du Canada l'implantation de ce nouveau régime découle de sa responsabilité aux termes de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Notre rôle consiste à surveiller les systèmes qui pourraient présenter un risque systémique. Par «risque systémique», j'entends la possibilité que le défaut de l'un des établissements participants de s'acquitter de ses obligations n'entraîne la faillite d'autres établissements ou de la chambre de compensation elle-même, ou du moins les place dans des situations financières extrêmement difficiles.

Pour illustrer mon propos, je vous rappelle qu'à l'heure actuelle la CCDV traite quotidiennement, dans le cas des titres de l'État canadien, des obligations de paiement dont la valeur brute représente de 100 à 150 milliards de dollars. Ces obligations sont normalement compensées par les établissements participants à raison de 4,5 milliards de dollars par jour.

Notre rôle consiste premièrement à nous assurer que cette compensation à l'interne est conforme à la loi. Si elle était invalide et annulée pour une raison quelconque, les établissements participants s'en trouveraient beaucoup plus exposés qu'ils ne s'y seraient attendus au départ. Deuxièmement, nous tenons à ce qu'il y ait des arrangements de prévus afin que, dans l'hypothèse où l'un ou l'autre des établissements participants viendrait à manquer à ses obligations au moment où le paiement devient exigible, normalement à la fin de la journée, cette situation ne pose pas problème à la chambre de compensation ou aux autres établissements participants. Pour prévenir ce problème, nous avons fixé des limites concernant l'importance des risques assumés. Nous exigeons en outre le dépôt de garanties équivalentes aux obligations de paiement pour que, dans l'éventualité où l'un des établissements participants ne serait pas en mesure de s'acquitter de ses obligations, nous puissions nous servir de ces garanties pour mobiliser les fonds nécessaires à l'exécution du paiement à la place de l'établissement participant en défaut.

Le sénateur Stewart: Ce que vous nous dites semble contredire les propos que vous m'avez tenus tout à l'heure, à savoir que le BSIF n'a pas tellement à se préoccuper du fonctionnement du dépositaire. Voilà que vous nous parlez maintenant de risques et de choses de ce genre.

M. Goodlet: C'est peut-être que mes explications n'étaient pas claires.

Le BSIF ne se préoccupe pas de l'intégrité du système comme tel, ni du service de compensation des titres de créance, par exemple. Il se préoccupe des institutions dont il doit assumer la surveillance et qui participent à un tel système. Il vérifie, par exemple, si elles sont solvables ou si elles présentent des risques énormes. Il aurait donc certaines préoccupations de ce point de vue, tout comme il doit se soucier de toute la gamme des risques auxquels sont par ailleurs exposées les institutions financières, et cela fait partie de ses activités de surveillance.

D'ailleurs, nous utilisons des mécanismes comme le Comité de surveillance des institutions financières (CSIF), pour assurer l'efficacité de la communication entre le CSIF, nous-mêmes, la SADC et le ministère des Finances sur les questions relatives au système de compensation et de règlement des paiements. Le CSIF doit être constamment au fait de notre perception de la situation.

Le sénateur Stewart: Pouvez-vous répondre à ma question à propos des gouvernements provinciaux?

M. Goodlet: Pour que des valeurs mobilières puissent être traitées par le service de compensation des titres de créance, elles doivent être déclarées admissibles. Leur admissibilité dépend de la nature des risques qu'elles posent. Comme les titres de l'État canadien ne comportent pas de risque de défaut de paiement, leur admissibilité allait de soi. Ces titres étant réputés ne présenter aucun risque de défaut de paiement, nous n'avons pas eu à nous en inquiéter. La Loi sur la Banque du Canada stipule que le domicile de paiement doit effectuer, pour le compte du gouvernement du Canada, les versements d'intérêt, de même que le remboursement du principal lorsque le titre arrive à échéance.

Dans le cas de gouvernements provinciaux, leurs titres sont réputés eux aussi ne présenter aucun risque de défaut de paiement. Toutefois, ce qu'il y a de différent dans leur cas, c'est qu'ils font appel à des institutions du secteur privé pour l'exécution des paiements pour leur compte -- ici encore, il s'agit des versements d'intérêt, ainsi que du remboursement du principal lorsque le titre arrive à échéance. Le fait que ces gouvernements recourent à des institutions du secteur privé comme domiciles de paiement comporte un faible risque dont il nous a fallu nous inquiéter. Il aurait pu arriver, en effet, qu'un domicile de paiement fasse faillite, et ce, par exemple, après avoir reçu des fonds d'une province pour effectuer des paiements pour le compte de celle-ci, mais avant d'avoir effectué lesdits paiements auprès de la chambre de compensation. Nous avons donc pris des mesures pour parer à ce risque en apportant des modifications aux règles régissant le service de compensation des titres de créance. Comme nous avons jugé satisfaisants les arrangements qui ont dès lors pu être pris, nous considérons maintenant admissibles ces valeurs.

Les rapports entre les domiciles de paiement et les provinces posent ce que j'appellerais des problèmes non systémiques. Ces problèmes font actuellement l'objet de discussions entre les parties en dehors du mécanisme de la chambre de compensation. Je m'attends à ce que, une fois ces problèmes résolus, les titres des gouvernements provinciaux intègrent le système.

Le sénateur Stewart: Selon vos prévisions, tous les gouvernements provinciaux y participeront-ils?

M. Goodlet: C'est ce que je prévois, en effet. Pour un émetteur, cette participation présente certains avantages, car elle accroît non seulement sa capacité de transiger ses titres, mais aussi le volume des liquidités disponibles sur le marché et susceptibles de servir à leur achat.

Le sénateur Austin: Sur le chapitre du recouvrement des dépenses, quels droits le dépositaire exige-t-il pour ses services? Qui assume ces frais?

M. Goodlet: Le dépositaire est une société privée qui jouit d'une personnalité morale, mais qui, de par sa constitution, est sans but lucratif. Les établissements participants qui en deviennent membres signent une entente leur donnant accès à des services particuliers. Les établissements participants ne sont tenus d'être membres que pour les services dont ils ont besoin. Ces ententes prévoient les droits qui seront exigés pour chacun des services. Par exemple, quand un nouveau système est mis en place et que les droits à payer sont particulièrement élevés, on peut tenir compte de la capacité de payer de chacun des membres participants. On accorde également des rabais en fonction du volume d'utilisation des services.

Le sénateur Austin: Donc, chaque partie à une opération doit prendre entente avec un dépositaire et en devenir membre pour obtenir le service requis?

M. Goodlet: Tout à fait, mais cela ne veut pas dire que tous ceux qui effectuent des opérations sur le marché des acceptations bancaires, par exemple, doivent être membres du dépositaire, de même que tous ceux qui transigent des valeurs sur le marché des titres du gouvernement du Canada n'ont pas à être membres du dépositaire. Ils peuvent obtenir les services dont ils ont besoin par l'entremise d'un établissement participant.

Le sénateur Austin: Je vois.

L'autre question que j'aimerais vous poser vous apparaîtra probablement très pointue. À l'article 19, je constate que la chambre de compensation n'a pas la propriété effective des lettres et billets de dépôt. C'est compréhensible. Elle agit comme agent pour le compte d'une des parties ou des deux à la fois. Je note toutefois que, dans l'amendement proposé, l'expression utilisée dans la version anglaise est «makes final and irrevocable payment of the amounts owing to the clearing-house». Je me demande si le mot «owing» convient ici, car étant donné que la chambre de compensation est un agent, les montants ne lui sont pas dus à elle-même, mais à quelqu'un d'autre. À mon avis, le mot «payable» serait plus acceptable. Des expressions neutres comme «payment of the amount due to the clearing-house» ou «payable to the clearing-house» seraient préférables, car le mot «owing» ne peut être utilisé dans le cas d'une entité qui n'a pas la propriété effective.

Mme Knopp: La CCDV, qui est la chambre de compensation, est en réalité le détenteur de ces instruments, qui deviennent exigibles dès qu'ils sont émis.

Le sénateur Austin: Diriez-vous que la chambre de compensation a un titre légal en tant que porteur?

Mme Knopp: Un titre légal de porteur fiduciaire, oui.

Le sénateur Austin: Elle a un titre légal de porteur, mais non un titre de propriétaire effectif.

Mme Knopp: C'est juste.

Le sénateur Austin: Le libellé de l'article 19 est-il clair à cet égard?

Mme Knopp: Je crois que oui. Quand on envisage la question sous l'angle des responsabilités, on constate que c'est l'accepteur qui est tenu de payer la chambre de compensation. La responsabilité d'effectuer les paiements à la chambre de compensation incombe, selon les circonstances, soit à l'accepteur, soit au tireur et à l'endosseur. La chambre de compensation peut alors payer les titulaires réels. Oui, je crois que l'article 19 est explicite là-dessus.

Le sénateur Austin: La question qu'on peut se poser est celle-ci: le dépositaire a-t-il un titre légal ou est-il simplement un fiduciaire? Est-il un agent?

Mme Knopp: Je dirais qu'il est un porteur fiduciaire. Oui, il a un titre légal, mais il n'est pas le propriétaire effectif.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, quelqu'un veut-il présenter une motion portant modification de l'article 17 conformément à l'amendement dont nous sommes saisis?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai un excellent amendement à proposer:

Que le projet de loi S-9, à l'article 17, soit modifié par substitution, aux lignes 36 et 37, page cinq, de ce qui suit:

« articles 11 à 15 et qui effectue un paiement final et irrévocable, à la date ou aux dates prévues, des montants nécessaires à la »

C'est un petit amendement. Comme j'ai fait le discours qui avait été préparé sur cette loi, je n'ai pas posé de questions parce que j'avais compris ce qu'il fallait que je dise.

[Traduction]

Le président: La motion est-elle recevable, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Voulez-vous adopter les autres articles du projet de loi?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Je vais donc faire rapport au Sénat du projet de loi modifié. D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Nos prochains témoins sont ici pour discuter du projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives.

Ce projet de loi est à l'étude depuis un bon moment. Nous n'en avons pas été saisis avant l'élection, ni même avant Noël, mais, enfin, nous l'avons.

Vous avez la parole, monsieur Gill.

M. Lee Gill, directeur intérimaire, Direction de la politique des lois commerciales, Industrie Canada: Honorables sénateurs, le projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives, donne suite à un projet de réforme qui a été initié et élaboré principalement par les usagers de cette loi, c'est-à-dire le secteur coopératif.

Ce projet de loi est important pour le Canada. On dénombre au Canada 7 295 coopératives sous régime fédéral ou provincial. En 1995, ces coopératives comptaient au-delà de 4,5 millions de membres et plus de 70 000 employés.

Il y a des coopératives non financières aux quatre coins du pays. Pour ce qui est des emplois, 50 p. 100 sont situés dans l'Ouest du Canada, 7 p. 100 en Ontario, 29 p. 100 au Québec, et 13 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique.

Les coopératives sont un important moteur de l'économie canadienne; on en retrouve dans un grand nombre de secteurs d'activité, notamment dans ceux de l'agriculture, de la pêche, de l'habitation, des ventes au détail et des services publics.

Certaines coopératives sont colossales. En 1996, 17 d'entre elles ont été classées par le Financial Post parmi les 500 plus importantes entreprises canadiennes.

Pourquoi la réforme est-elle nécessaire? C'est le secteur coopératif lui-même qui a reconnu la nécessité de réformer la législation. La loi fédérale actuelle régissant les coopératives est entrée en vigueur il y a 28 ans et n'a à peu près pas été modifiée depuis. Pendant ce temps, les coopératives, elles, ont poursuivi leur évolution. Elles font des affaires sur un marché intérieur et international de plus en plus concurrentiel. Un grand nombre d'entre elles auraient besoin d'une loi moderne, souple et efficace pour bien fonctionner.

[Français]

Les coopératives attendent impatiemment la réforme. Les deux associations nationales qui représentent les coopératives au Canada, l'Association coopérative canadienne et le Conseil canadien de la coopération ont passé les dernières années à élaborer une ébauche du modèle de législation.

En septembre 1996, en collaboration avec le secrétariat des coopératives d'agriculture et Agroalimentaire Canada, Industrie Canada a publié un document de consultation décrivant le modèle de loi. On a demandé au secteur coopératif, aux gouvernements provinciaux, aux commissions de valeurs mobilières et à de nombreux autres groupes intéressés de présenter des observations et des questions au sujet du document de consultation.

Industrie Canada et le secrétariat des coopératives ont ensuite parcouru le pays pour consulter les groupes intéressés. Le présent projet de loi est fondé sur le modèle de loi préparé par les associations, les observations reçues pendant les consultations, les principes directeurs élaborés à l'interne en collaboration avec le secteur coopératif.

La présente réforme législative répond au besoin identifié par le secteur coopératif de trois façons principales.

Elle revitalise les règles de régie d'entreprise applicables aux coopératives, elle donne aux coopératives un accès à de nouvelles sources de financement, elle renforce les caractéristiques distinctives des coopératives.

Concernant la revitalisation des règles de régie d'entreprise, la loi proposée, par exemple, simplifie la procédure de constitution, réduisant les coûts des coopératives et de l'état. Elle simplifie la loi et les statut constitutifs, elle accroît les recours et les droits des membres afin qu'ils n'aient à se fier seulement à l'état pour faire valoir le droit et elle clarifie les devoirs fiduciaires des administrateurs des coopératives et elle donne aux administrateurs une défense de diligence raisonnable.

[Traduction]

Sur le chapitre du financement, cette réforme législative donne aux coopératives la possibilité de continuer d'offrir des parts de membre à valeur nominale ou d'émettre des parts de membre sans valeur nominale, qui peuvent s'apprécier avec le temps. Cela met les coopératives sur un pied d'égalité avec d'autres entités commerciales, en leur procurant de nouvelles sources de financement à des fins d'investissement ou d'expansion.

La loi proposée protège également de diverses manières le caractère distinct des coopératives. Aux termes de ces propositions, les coopératives doivent être exploitées, organisées et administrées suivant les principes coopératifs avant de pouvoir se constituer. Ce sont non pas les administrateurs, mais les membres eux-mêmes qui édictent les règlements administratifs. Les membres peuvent également demander aux tribunaux de faire enquête s'ils estiment que la coopérative n'est pas exploitée à partir des principes coopératifs. Au moins les deux tiers des membres du conseil d'administration d'une coopérative doivent être membres de la coopérative. Le projet de loi renforce et protège les différences entre coopératives et sociétés commerciales afin d'assurer la permanence du caractère distinct de l'organisation coopérative.

En résumé, ce processus de réforme législative a été amorcé sous l'impulsion et avec l'entière participation du secteur coopératif. Il bénéficie d'un large appui d'un bout à l'autre du pays. La refonte de cette loi mettra les coopératives sur un pied d'égalité avec d'autres entités commerciales sur le plan de la concurrence, et la nouvelle loi permettra aux coopératives canadiennes de faire des affaires plus efficacement et, partant, d'offrir de nouvelles possibilités d'investissement, de croissance économique et de création d'emplois dans de nombreuses localités canadiennes.

Le président: Monsieur Gill, avant d'inviter mes collègues à vous poser des questions, j'aurais deux ou trois choses à vous demander. J'ignore si je devrais adresser ces questions à vous ou à Mme Elliot. Je ne suis pas sûr s'il s'agit de points de droit ou de questions relatives à la politique législative, car j'ai du mal à distinguer les deux.

À l'article 111 du projet de loi, vous appliquez une recommandation qui vient directement du rapport que notre comité a produit en 1996 sur la régie des sociétés. Aux termes de l'article 111, en effet, la responsabilité des administrateurs serait limitée par la défense de diligence raisonnable, ce qui n'a jamais été le cas aux termes de la Loi sur les sociétés par actions (LSA). C'était là une des plus importantes recommandations de notre comité, et je suis ravi de constater que vous avez suivi nos conseils à cet égard.

Puisque vous avez retenu cette recommandation de notre rapport -- et, compte tenu du fait que la grande majorité de nos recommandations sur la régie des sociétés seront vraisemblablement incluses dans la LSA révisée quand elle sera déposée dans le courant de l'année -- pourquoi n'avez-vous pas tenu compte de nos autres recommandations? Serait-ce parce que lorsque le projet de loi modifiant la LSA sera déposé, il s'agira en quelque sorte d'un projet de loi-cadre qui proposera d'incorporer dans la Loi régissant les coopératives les nouvelles dispositions pertinentes de la LSA concernant la régie des sociétés?

M. Gill: J'ai passé en revue chacune des 21 recommandations contenues dans votre rapport de 1996 et je suis disposé à répondre à chacune de vos questions concernant le fait que nous en ayons retenu certaines, mais pas d'autres. En réalité, seules quelques-unes de vos recommandations étaient applicables. Certaines d'entre elles n'étaient tout simplement pas pertinentes à l'objet de ce projet de loi.

Le président: Elles ne sont pas applicables aux coopératives?

M. Gill: Certaines ne l'étaient pas. D'autres l'étaient, et nous nous sommes efforcés de les retenir, dans la mesure du possible. Dans le cas de deux ou trois de ces recommandations, parce que nous ne sommes pas encore fixés sur certains aspects de la refonte de la LSA, c'est-à-dire de la Loi sur les sociétés par actions, nous avons jugé préférable de ne pas les inclure pour l'instant. Nous espérons bien le faire plus tard, une fois que nous aurons pris nos décisions. L'établissement des normes sur le plan de la solvabilité en est un exemple. Sur deux ou trois aspects de cette question, nous ne savons pas trop encore quoi penser.

Le président: Je ne vous demanderai pas de passer en revue ici les 21 recommandations, mais qu'avez-vous à répondre à ma question d'ordre plus global? Mettons de côté les politiques sur lesquelles votre ministère n'a pas encore pris de décision et supposons que votre ministère décide de modifier la LSA -- dans le sens de nos recommandations -- pour mettre à jour la Loi sur les coopératives. Profiterez-vous de l'adoption de la Loi modifiant la LSA pour apporter des modifications correspondantes à la Loi régissant les coopératives, de manière à ce que cette loi concorde le mieux possible avec la LSA, tout en tenant compte du fait qu'il s'agit de deux types d'institutions différentes?

M. Gill: C'est notre intention.

Le sénateur Angus: J'aurais une question concernant les normes relatives à la responsabilité des administrateurs. J'ai cru comprendre que, par ce projet de loi, vous voulez clarifier et assouplir ces normes. Pourriez-vous nous résumer ce qu'il en est?

Mme Jennifer Elliot, analyste juridique des politiques, Direction de la politique des lois commerciales, Industrie Canada: Essentiellement, nous reprenons en cette matière dans le présent projet de loi les recommandations pertinentes qui figuraient dans votre rapport et nous anticipons sur le contenu éventuel de la LSA révisée. L'actuelle Loi sur les coopératives est très vague à cet égard. Elle n'est pas aussi à jour que la LSA en ce moment-ci. Par le présent projet de loi, nous proposons de la modifier de manière à ce qu'elle reflète les dispositions de la LSA et qu'elle aille même un peu plus loin, dans le sens de vos recommandations, pour que, sur le chapitre de la responsabilité, les administrateurs puissent recourir à la défense de diligence raisonnable. Ces règles sont beaucoup plus clairement définies dans cette proposition législative qu'elles ne le sont dans la loi actuelle, et je le répète, nous allons même passablement loin.

Le sénateur Angus: Y a-t-il dans le projet de loi une disposition ayant pour effet de dégager les administrateurs de la responsabilité du paiement des salaires et des avantages sociaux en cas d'insolvabilité de la coopérative?

Mme Elliot: Oui.

Le sénateur Angus: Ai-je raison de croire qu'en définitive, une fois que les modifications qu'on projette d'apporter à la LSA auront, comme nous l'espérons tous, été adoptées, votre objectif est d'en arriver à faire concorder les règles applicables en cette matière?

Mme Elliot: Exactement.

Le sénateur Angus: Les deux lois s'harmoniseront parfaitement?

M. Gill: Tout à fait.

Le sénateur Angus: L'an dernier, nous avons étudié la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et suggéré qu'on y apporte un certain nombre de modifications. Il y a un amendement qu'il ne nous a pas été possible de proposer, car son adoption aurait rendu nécessaire une foule de modifications à d'autres lois. Il y était question de la responsabilité des administrateurs concernant notamment le paiement des salaires. Ce sujet m'intéresse au plus haut point.

Mme Elliot: L'article 102 du projet de loi porte sur cette question. Ce que nous y proposons correspond à ce que nous espérons voir adopté également dans la LSA modifiée. Je le répète, nous sommes à cet égard allés au-delà de ce que vous souhaitiez.

Le sénateur Angus: Y prévoit-on une exemption?

Mme Elliot: Oui. Essentiellement, cet article dispose qu'un administrateur n'est pas responsable des sommes devant être versées à la suite d'une cessation d'emploi contractuelle, des indemnités de départ, ou des dommages-intérêts punitifs qui découlent d'une cessation d'emploi.

Le sénateur Angus: Il a été question, en théorie du moins, de rendre obligatoire la souscription par les administrateurs d'une assurance-responsabilité pour couvrir certains risques. Avez-vous examiné ou même envisagé cette possibilité, compte tenu surtout de la nature des coopératives?

M. Gill: Non, pas à ma connaissance. Sauf erreur, cette assurance est généralement disponible. Nous n'avons été saisis d'aucune plainte concernant la non-disponibilité de ce genre d'assurance dans le cas des coopératives.

Le sénateur Angus: Je ne pensais pas à l'aspect disponibilité. Je sais que cette assurance est offerte. Ma question était à savoir si cette assurance serait obligatoire.

M. Gill: Non. Nous n'avons nullement envisagé cette hypothèse.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais savoir d'abord le nombre des 7 000 coopératives qui sont régies par le fédéral versus celles qui sont régies par le provincial?

[Traduction]

M. Gill: Il n'y en a, à l'heure actuelle, que 51 qui sont constituées sous régime fédéral. Elles se classent parmi les 500 plus importantes entreprises canadiennes. La plupart des coopératives sont constituées sous régime provincial.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je parle de l'expérience du Québec plus que de celle au niveau national et des problèmes que le mouvement coopératif peut peut-être comporter; par exemple, le conflit d'intérêts des comités de crédit. Les gens qui siègent au comité de crédit dans un village sont des membres de la famille. Est-ce que le projet de loi présente des modifications à ce sujet?

On pense toujours au mouvement coopératif comme étant une institution plus proche des gens que les banques. Les coopérants font partie également des structures de la coopérative. Mon expérience régionale en petites municipalités est tout simplement que tout le monde connaît tout le monde et que souvent, les gens qui ont à se prononcer peuvent être en conflit d'intérêts? Est-ce qu'il y a des changements à ce sujet ou il n'y a pas de provisions concernant cette question?

[Traduction]

M. Gill: À ma connaissance, cette question n'a jamais été soulevée. Je laisse le soin à mes collègues qui ont participé à tout ce processus de me corriger au besoin, car je n'étais pas moi-même de la partie, mais j'ai l'impression que la réponse est «non».

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Cela veut dire qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts au Canada anglais, il y en a juste au Québec. Mais vous n'avez pas traité de la question du tout dans la législation nouvelle? Je n'ai rien vu.

[Traduction]

M. Gill: On me dit qu'il en est question à l'article 103.

M. Irving Miller, conseiller juridique, Services juridiques, Industrie Canada: L'article 103 et les suivants contiennent des règles de nature générale concernant les conflits d'intérêts. On y exige que les administrateurs et les dirigeants divulguent la nature de leur intérêt dans toute opération importante. Ces règles générales correspondent à celles qui s'appliquent normalement à tout conseil d'administration.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais il n'y pas de changements avec la loi précédente.

M. Miller: Il n'y a pas de changements. Ce sont les mêmes provisions.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ma dernière question touche la protection sur les renseignements personnels pour les divers services qui peuvent être offerts. Est-ce qu'on a le même souci avec cette loi, étant donné que l'on parle dans la loi qu'on peut constituer des banques de données électroniques, on peut avoir des fichiers très importants sur les membres et la clientèle. Est-ce qu'il y a des provisions spéciales nouvelles ou est-ce tout simplement la même rengaine?

Je reviens à mon exemple de petits villages où tout le monde connaît la situation financière de tout le monde mais si la coopérative prend de l'expansion, elle peut utiliser ses listes pour vendre des REER, solliciter pour vendre de l'assurance ou à peu près n'importe quoi finalement via le courrier direct. On peut envoyer n'importe quoi au monde par le courrier. Est-ce qu'il y a des restrictions à ce moment?

[Traduction]

M. Gill: Aux termes de ce projet de loi, les membres peuvent demander à voir la liste des membres de la coopérative, mais cette liste ne doit absolument pas être rendue publique. L'information ne doit servir qu'aux fins inhérentes à la nature ou à la mission de la coopérative.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais la coopérative elle-même peut être utilisée pour faire de la sollicitation, sollicitée pour vendre d'autres produits, d'autres services de la coopérative. Est-ce qu'elle peut utiliser la liste de membres?

[Traduction]

M. Gill: Si c'est aux fins d'offrir ses propres produits à ses membres, la réponse est «peut-être». La liste des membres peut être utilisée pour faciliter le fonctionnement démocratique de la coopérative, mais non à d'autres fins.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que c'est inscrit dans la loi que c'est limité?

[Traduction]

Mme Elliot: On nous a exprimé certaines inquiétudes à ce sujet au cours de nos consultations auprès de membres de coopératives. La loi actuelle contient à cet égard une disposition restrictive qui prévoit que tout membre qui désire avoir accès à la liste des membres doit signer une déclaration écrite sous serment où il explique à quelles fins il entend utiliser la liste. Certains membres jugeaient cette protection insuffisante. Nous avons donc ajouté une disposition -- et une disposition analogue sera vraisemblablement également insérée dans la LSA révisée -- permettant à un membre d'obtenir, si tel est son souhait, que son nom ne figure pas sur la liste, pourvu toutefois qu'il en fasse explicitement la demande. La liste sera donc incomplète et comportera une mention prévenant son utilisateur qu'elle n'est que partielle. Quoi qu'il en soit, pour obtenir que son nom ne figure pas sur la liste, un membre devra nécessairement respecter cette procédure.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Pourquoi ne pas avoir pris l'approche contraire, à savoir que les gens ne recevrons pas la liste à moins qu'ils acceptent d'être sur la liste? C'est beaucoup plus fort comme protection de la personne que d'avoir à attendre que la personne remplisse un formulaire et dise: non, je ne veux pas recevoir de sollicitation, ni rien. C'est une mesure que je trouve extrêmement faible pour la protection des listes. Ma suggestion serait peut-être de donner plutôt son consentement écrit pour que notre nom soit divulgué. Il me semble que c'est beaucoup plus fort.

[Traduction]

Mme Elliot: Nous y avons songé. Il fallait trouver le juste milieu. Une des raisons qui nous ont amenés à adopter cette position, c'est l'importance que revêt la liste pour faciliter les contacts avec les membres et les détenteurs de parts de placement, notamment pour les inviter à voter, ou simplement pour leur permettre de communiquer entre eux. La divulgation d'une telle liste de membres présente certes certains risques, mais elle comporte aussi des avantages. Je le répète, il nous a paru judicieux d'opter pour un moyen terme.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Mais il ne faut pas confondre voter et solliciter des produits. Il faut quand même savoir que quand je parle de contrôle de la liste, c'est pour offrir des nouveaux produits et c'est pour des raisons commerciales. C'est bien différent que d'utiliser la liste pour faire fonctionner le mouvement coopératif. Cela suppose que tout va bien, quand on est dans une petite municipalité de 3 500 personnes. Mais quand la coopérative couvre toute une province, ce n'est pas la même chose, vous ne me ferez pas croire que tout le monde va s'écrire si on est membre d'une coopérative qui opère dans 75 municipalités. Ils n'ont pas la même connaissance personnelle.

Mme Elliot: Je suis d'accord.

[Traduction]

Mme Elliot: Après m'être entretenue avec des représentants de différents secteurs coopératifs, j'admets qu'on peut avoir intérêt à avoir cette liste pour deux motifs, un qui est valable et l'autre qui l'est un peu moins aux yeux de certains membres. Malheureusement, les deux existent. Nous nous efforçons de trouver le juste milieu entre les deux.

M. Gill: En élaborant certaines propositions dans le cadre du projet de refonte de la Loi sur les sociétés par actions, par exemple, il a été abondamment question de cet aspect. Nous en avons surtout discuté avec nos homologues provinciaux, les administrateurs de la Commission canadienne des valeurs mobilières. Ils ont l'intention d'utiliser de telles listes pour faire parvenir de l'information aux gens, sauf à ceux qui indiqueront clairement qu'ils ne veulent pas que leur nom y figure. Dans la mesure du possible, nous entendons harmoniser nos lois avec ce qui se fait ailleurs.

Nous avons passablement discuté de cette question avec les administrateurs de la Commission des valeurs mobilières. Nous semblons voir la chose du même oeil. Au départ, cette pratique n'a pas été sans leur poser des problèmes dans certaines provinces.

Il semblerait qu'ils ont obtenu depuis une opinion juridique qui cautionnerait cette pratique. Ils n'ont maintenant plus de problèmes à y recourir. La disposition pertinente que nous proposons d'inclure dans la Loi canadienne sur les coopératives semble refléter ce principe général.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur le président, mon commentaire s'adresse aux membres du comité plutôt qu'aux témoins: une des critiques principales, au Québec, lorsqu'on fait le parallèle entre les banques et les coopératives, est au sujet de la question des barrières entre les différentes fonctions. Si, d'une part, la Loi sur les banques interdit la vente de tous les services et l'amalgamation des listes pour offrir tous les services, et, d'autre part, les coopératives n'ont aucune restriction, on donne alors un avantage à un groupe plutôt qu'à l'autre. Cela provoque énormément d'insatisfaction non seulement au niveau des institutions mais, malheureusement, dans tous les secteurs. Il y a moins d'activisme et moins de fonds au sein des associations de consommateurs pour s'assurer de la protection des consommateurs. J'ai des réserves sur la question de la protection des renseignements personnels. Il me semble qu'il devrait y avoir un parallèle entre les deux. Le témoin nous dit que le parallèle se fait entre les coopératives fédérales et provinciales, je veux bien l'accepter, mais on oeuvre au niveau national, on est responsable de la Loi sur les banques. Il me semble qu'on devrait harmoniser les législations fédérales. C'est ma préoccupation.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk: J'ai du mal à m'y retrouver. Voulez-vous dire que les coopératives de crédit ne devraient pas utiliser leurs propres listes pour vendre leurs produits, ou bien qu'il ne faudrait pas les transmettre à d'autres?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je dis qu'au Québec, il y a une intégration de tous les services financiers sous le chapeau de la coopérative, ce qui veut dire que la coopérative peut vous offrir non seulement votre REER mais votre assurance-voiture, votre assurance-maison, votre assurance-vie, votre portefeuille d'action, et cetera. Le résultat est que les murs sont très minces entre les différents services offerts par l'administration de la coopérative, mais si les membres ont tous accès à cette liste, à moins de dire qu'ils ne veulent pas y voir leur nom, vous vous imaginez bien du résultat. Une coopérative comme celle du Québec où vous avez peut-être 600 000 membres, cela veut dire que n'importe quel membre peut demander une liste de 600 000 membres en signant un affidavit qu'il ne s'en servira pas à d'autres fins que de contacter les 600 000 membres. À mon avis, la règle a été faite pour des petites coopératives, mais quand il s'agit d'une grande société commerciale qui génère un milliard de chiffre d'affaires, la protection des renseignements devient plus importante.

Dans un village, on connaît la vie de presque tout le monde, on sait à peu près les revenus de tout le monde: ce n'est pas la même chose quand toute une province ou plusieurs provinces ont accès à la même coopérative.

Il devrait y avoir plutôt un parallèle sur la question de la protection des renseignements personnels entre la Loi sur les banques et la Loi sur les coopératives, on devrait avoir une approche similaire entre les deux lois.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk: Ce qu'il y a à craindre, n'est-ce pas qu'une telle liste puisse faciliter à un membre d'une caisse d'épargne et de crédit la vente d'un produit, ou encore qu'elle puisse aider la caisse à vendre ses produits à ses membres?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Si la Loi sur les banques ne permet pas de vendre de l'assurance vie au comptoir et que la Loi sur les coopératives permet de le faire, cela devient compliqué. Ce sont quand même des concurrents dans le secteur financier, il me semble qu'il faut avoir une certaine logique entre la Loi sur les banques et la Loi sur les coopératives lorsqu'il s'agit de la mise en marché des produits. À moins qu'on donne la permission de décloisonner tout ce qui concerne les coopératives, et que par la suite on offre les mêmes possibilités aux banques. À ce que je sache, les banques ne peuvent pas utiliser la liste d'un client de façon aussi libérale que la Loi sur les coopératives le permet.

[Traduction]

M. Gill: Je tiens d'abord à vous signaler que la mesure législative proposée, le projet de loi C-5, ne porte pas sur les caisses d'épargne et de crédit, mais vise uniquement les coopératives non financières. Vous pourrez débattre de toute question relative à ce type de coopérative dans le cadre de l'étude d'un autre projet de loi, qui relèvera cette fois du ministère des Finances.

Le sénateur Hervieux-Payette: Le présent projet de loi vise-t-il les coopératives d'habitation?

M. Gill: Les coopératives d'habitation, agricoles, alimentaires, de pêcheurs, et cetera. Il s'agit de coopératives non financières. Quant aux coopératives financières, elles feront l'objet d'un autre projet de loi.

Les représentants du secteur coopératif nous ont dit qu'ils jugeaient utile, voire nécessaire, de pouvoir se servir de ces listes pour transmettre de l'information à leurs membres et les renseigner sur les services offerts. Il fait partie, par définition, de la mission d'une coopérative de bien informer ses membres, de s'efforcer, de concert avec eux, de vendre les produits qu'elle a à offrir, et de contribuer à l'amélioration de leur bien-être.

Vous pourriez demander aux représentants des différents secteurs coopératifs s'ils trouvent que cette pratique leur pose problème. Pour ma part, je ne le crois pas. Je pense qu'ils souhaitent pouvoir se servir de ces listes. J'ai le sentiment qu'on soulève là un faux problème. Si des modifications doivent être apportées à d'autres lois, sur un plan plus général, peut-être devrions-nous examiner la question, mais je ne crois pas que ce soit nécessaire à ce moment-ci.

Le sénateur Tkachuk: Les caisses d'épargne et de crédit bénéficient-elles, en ce qui concerne l'impôt fédéral, d'un traitement différent de celui qu'on réserve aux sociétés privées? Paient-elles les mêmes impôts et sont-elles traitées de la même manière?

M. Gill: Les caisses d'épargne et de crédit ne sont pas visées par le projet de loi à l'étude.

Le sénateur Tkachuk: Je voulais plutôt parler des coopératives fédérées.

M. Gill: Non. À ma connaissance, les coopératives fédérées sont traitées un peu différemment. Les lois fiscales ne me sont pas très familières.

Essentiellement, les excédents, le cas échéant, sont versés aux membres et sont dès lors assujettis à l'impôt sur le revenu des particuliers.

Le sénateur Tkachuk: En fait, dans le cas des coopératives, c'est le membre qui paie l'impôt sur sa part de l'excédent, alors que dans le cas des sociétés par action, leurs profits sont d'abord imposables à un certain taux, après quoi le reste de l'excédent peut être versé aux actionnaires sous la forme de dividendes.

M. Gill: Les actionnaires ont alors droit à un crédit d'impôt pour dividendes, ce qui n'est pas le cas des membres d'une coopérative.

Le sénateur Tkachuk: Quand une coopérative s'adresse au marché financier pour obtenir des fonds, peut-elle le faire par voie d'émission de parts de placement ou de parts de membre?

M. Gill: Je ne connais pas très bien cet aspect de la question. Sauf erreur, la coopérative émet des titres de participation et le détenteur de telles parts profite de leur plus-value, le cas échéant.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit, n'est-ce pas, en l'occurrence, de parts de placement et non de membre, qui peuvent être négociables sur le marché?

M. Gill: C'est juste. Il s'agit de parts de placement sans droit de vote.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez signalé que, sur ce chapitre, ce projet de loi inquiète certaines personnes au sein du mouvement coopératif. La possibilité que le syndicat du blé adopte résolument ce mode de financement a suscité de la controverse. Que pense-t-on en général de cette orientation dans les milieux coopératifs canadiens?

M. Lynden Hillier, directeur exécutif, Secrétariat aux coopératives, Industrie Canada: On observe des divergences d'opinion sur cette question. En dernière analyse, ce qu'on a décidé, c'est que cette loi ne devait pas empêcher un membre d'une coopérative d'opter pour une orientation particulière. Le secteur coopératif partage cette vision.

Prévoir en cette matière une mesure législative habilitante qui permette aux membres d'une coopérative de décider eux-mêmes s'ils préfèrent s'adresser aux marchés financiers pour obtenir des fonds plutôt que de s'en tenir à leur mode de financement traditionnel ne serait que conforme au principe coopératif voulant que la coopérative appartienne à ses membres. C'est précisément ce que nous proposons dans ce projet de loi, pour que les membres puissent faire eux-mêmes ces choix.

Le sénateur Tkachuk: Les articles 163 à 170 stipulent pourtant que les détenteurs de parts de membre ne peuvent voter par procuration, alors que les détenteurs de parts de placement le peuvent. J'aurais besoin d'éclaircissements là-dessus. Les détenteurs de parts de placement obtiendraient-ils des parts avec droit de vote, ou sans droit de vote? Vous m'avez dit que c'était des parts sans droit de vote, mais si j'en juge d'après ces articles, il s'agirait plutôt de parts avec droit de vote.

Mme Elliot: Ce sont des parts sans droit de vote qu'ils reçoivent, de sorte qu'il y a toujours une différence entre un détenteur de parts de placement et un détenteur de parts de membre. Ce sont les membres qui sont les propriétaires de la coopérative, et chaque membre a droit à un vote. C'est là la structure de base. Les membres peuvent décider d'émettre des parts de placement, et ils peuvent également opter pour offrir ces parts sur le marché. Ces parts de placement ne sont pas assorties d'un droit de vote. Il y a toutefois certaines circonstances où les détenteurs de parts de placement se verront accorder le droit de voter.

Les détenteurs de parts de placement pourraient voter, premièrement sur toute proposition dont l'adoption risquerait d'influer sur la valeur de leurs parts. Si, par exemple, on voulait apporter des changements aux statuts de la coopérative, ils auraient alors automatiquement voix au chapitre, car une telle mesure risquerait de modifier la valeur de leurs parts de même que la base de calcul de leurs dividendes.

Deuxièmement, les membres pourraient décider de donner aux détenteurs de parts de placement le droit d'élire un certain nombre d'administrateurs -- jusqu'à concurrence de 20 p. 100 -- , ce qui leur permettrait d'avoir leurs porte-parole au sein du conseil. C'est d'ailleurs lorsqu'ils obtiendraient un tel droit de vote que les détenteurs de parts de placement pourraient voter par procuration.

Le sénateur Tkachuk: Quand, dans une caisse d'épargne et de crédit, des dividendes sont versés aux détenteurs de parts de placement à la suite d'une pollicitation, la caisse est-elle tenue de verser à ses membres un pourcentage équivalent de ses profits, ou peut-elle retenir ce montant? Supposons que la caisse réalise un profit. Les détenteurs de parts de placement touchent alors des dividendes, mais y a-t-il dans le projet de loi une disposition qui oblige une caisse d'épargne et de crédit à verser des dividendes à ses membres lorsqu'elle en octroie à ses détenteurs de parts de placement?

Mme Elliot: Non. Les membres peuvent décider de traiter ces deux structures tout à fait séparément. Ils peuvent les organiser comme bon leur semble. La coopérative peut avoir des membres à qui elle verse annuellement des ristournes plutôt que des dividendes, de sorte que les membres et les détenteurs de parts de placement sont associés à des structures financières tout à fait différentes.

M. Hillier: Les membres peuvent également détenir des parts de placement.

Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne la divulgation des renseignements financiers, les articles 247 à 265 stipulent que les détenteurs de parts de placement ont droit de recevoir copie des états financiers avant la tenue d'une assemblée annuelle seulement s'ils sont habilités à élire des administrateurs. Est-ce à dire que, même si la coopérative de crédit vend des parts de placement sans droit de vote par souscription publique, elle n'est pas obligée de rendre publics ses états financiers? Autrement dit, ne serait-elle tenue de les présenter qu'à ses membres?

Mme Elliot: Exactement. Ce qu'elle doit strictement faire, c'est d'en remettre copie à ses membres lors de son assemblée annuelle.

Le sénateur Tkachuk: N'est-elle pas également tenue de déposer ses états financiers auprès de quelque ministère?

Mme Elliot: S'il s'agit d'une coopérative ayant fait appel au public, elle doit envoyer ses états financiers au directeur. En effet, une coopérative qui fait appel au public, c'est-à-dire qui offre ses parts de placement sur le marché, doit prévoir une structure particulière pour ses détenteurs de parts de placement, lesquels ne peuvent toutefois tenir une assemblée annuelle que si on leur donne le droit d'élire des administrateurs. Les détenteurs de parts de placement n'ont donc pas automatiquement droit à une assemblée annuelle. Ils ont le même droit de convoquer des assemblées spéciales que celui qui est conféré aux actionnaires aux termes de la LSA, mais, pour ce qui est de tenir des assemblées annuelles, ils n'y ont droit automatiquement que s'ils ont le droit d'élire des administrateurs. Le cas échéant, ils ont droit eux aussi de recevoir copie des états financiers lors de leur assemblée annuelle.

Le sénateur Callbeck: Les détenteurs de parts de placement peuvent élire jusqu'à concurrence de 20 p. 100 des administrateurs qui siègent au conseil d'administration. Doit-il s'agir de détenteurs de parts de placement ou peuvent-ils venir de l'extérieur?

Mme Elliot: Ils peuvent élire qui ils veulent.

Le sénateur Callbeck: Les administrateurs peuvent donc venir de l'extérieur. Il n'est pas essentiel qu'ils détiennent eux-mêmes des parts de placement.

Mme Elliot: Exactement. D'ailleurs, les administrateurs qui viennent de l'extérieur sont généralement à la hauteur.

Le sénateur Callbeck: J'ai jeté un coup d'oeil sur les notes d'information à propos du projet de loi. Aux articles 117, 118 et 123, il est dit que les parts de membre ne confèrent aucun droit de vote. Le droit de vote est associé au statut de membre, mais les parts de placement procurent à leurs titulaires des droits égaux de recevoir les dividendes déclarés et de se partager le reliquat des biens de la coopérative à sa dissolution, sous réserve des statuts. Les parts de membre ne sont assortis d'aucun droit de vote.

Mme Elliot: C'est exact. Le droit de vote est lié au statut de membre. Chaque membre a droit à un vote, sans égard à sa participation financière comme telle.

Le sénateur Stewart: À combien des 7 295 coopératives du Canada s'appliquera ce projet de loi? Est-ce aux seules coopératives constituées sous le régime d'une loi fédérale?

M. Gill: Oui, il ne vise en principe que les coopératives constituées sous le régime d'une loi fédérale.

Le sénateur Stewart: En ce cas, quand on rappelle ici, pour souligner l'importance du projet de loi à l'étude, qu'il y a plus de 7 000 coopératives au Canada, on lance un chiffre vraiment trompeur.

M. Gill: Oui et non. Pour une bonne part, les provinces adopteront probablement tôt ou tard nombre des mesures proposées dans ce projet de loi. C'est donc dire qu'il aura un impact sur bien davantage que les 51 coopératives qu'il vise déjà directement.

Le sénateur Stewart: En ce qui concerne le chiffre d'affaires de ces coopératives, comment se répartit-il, en gros, entre les coopératives constituées sous régime fédéral et celles constituées sous régime provincial?

M. Gill: Vous parlez de leur chiffre d'affaires?

Le sénateur Stewart: Oui. Il pourrait y avoir, par exemple, une très grosse coopérative sous régime fédéral dont le chiffre d'affaires équivaudrait, en définitive, à quelques centaines de coopératives sous régime provincial.

M. Gill: Je n'ai pas les chiffres précis en main. J'ignore, par exemple, si ces 51 coopératives comptent 10 000 ou 5 000 employés. Un grand nombre de coopératives sous régime fédéral sont des regroupements nationaux de coopératives, dont font partie une foule de coopératives sous régime provincial. Il n'est pas très facile de démêler tout ça.

Le sénateur Stewart: Pouvez-vous nous donner des exemples de coopératives sous régime fédéral?

M. Hillier: Vous avez tout à fait raison de dire que certaines des coopératives sous régime fédéral sont parmi les plus importantes du pays. Entre autres coopératives visées par ce projet de loi, il y a: Federated Co-operatives Limited, de Saskatoon, dont le chiffre d'affaires annuel avoisine les 2,4 milliards de dollars; Dairyworld Foods, de Burnaby (Colombie-Britannique), une importante coopérative regroupant les coopératives laitières de l'Ouest du Canada; et Co-op Atlantic, de Moncton (Nouveau-Brunswick), une coopérative de vente en gros qui approvisionne les coopératives de consommation de cette région.

Le sénateur Stewart: Ce projet de loi vise-t-il simplement à mettre à jour la loi actuelle en la modifiant de manière à tenir compte, par exemple, de l'évolution des principes de régie de société, ou propose-t-il aussi certaines modifications ou dispositions propres à remédier expressément à certains problèmes précis dont on aurait constaté l'existence au sein du réseau des coopératives constituées sous régime fédéral? A-t-on mis le doigt sur des facteurs qui seraient à l'origine de problèmes qu'auraient connus certaines de ces coopératives? Dans l'affirmative, de quelle nature sont ces problèmes? A-t-on observé des problèmes qui tenaient à l'insouciance des administrateurs?

M. Hillier: Ce projet de loi est censé répondre à un peu tous les types de problèmes que vous venez d'énumérer. D'une part, il fallait moderniser la loi. D'autre part, aux termes de la loi fédérale actuelle, la procédure à suivre pour en arriver à constituer une nouvelle coopérative est très lourde. Dans le projet de loi, nous considérons l'obtention d'un statut coopératif comme un droit. De même que nous l'avons fait dans le cas de la Loi sur les sociétés par actions, nous proposons ici des mesures qui rendront relativement facile la constitution de nouvelles coopératives. Nous prévoyons qu'on cherchera davantage à se constituer sous le régime de la loi fédérale, car la procédure sera vraiment conviviale.

Certaines faiblesses de la loi actuelle ont engendré des difficultés bien particulières. On a vu de grandes coopératives devoir même faire appel à un conseiller juridique pour essayer de contourner ces difficultés. Je crois qu'avec la nouvelle loi, le secteur coopératif sera désormais en meilleure posture pour faire face à de telles situations. Je ne pourrais vous les citer de mémoire en ce moment, mais certaines dispositions de l'ancienne loi occasionnaient des difficultés de fonctionnement que les modifications législatives proposées dans le projet de loi à l'étude ont pour objet de prévenir dorénavant.

Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui.

Nos derniers témoins aujourd'hui représentent les associations coopératives anglophones et francophones.

La parole est à vous.

[Français]

M. Magella St-Pierre, président, Conseil canadien de la coopération: Je suis président du Conseil de la coopération du Québec mais j'ai été pendant sept ans au conseil d'administration du Conseil canadien de la coopération qui comparaît devant vous aujourd'hui.

Je suis accompagné de Mme Sylvie St-Pierre-Babin qui est la directrice générale du Conseil canadien de la coopération et de M. Réjean Laflamme qui est le directeur du développement coopératif.

Je voudrais d'abord remercier le comité de nous donner la chance de parler de cette loi importante pour le mouvement coopératif canadien.

On vous l'a indiqué tantôt, le mouvement coopératif canadien est quand même un regroupement important d'entreprises, par exemple du côté francophone, on dénombre 3 700 coopératives dont près de 40 p. 100 sont des Caisses Populaires et des Caisses d'économie dans les différentes provinces canadiennes.

Je pense que vous connaissez très bien la présence des coopératives dans le monde de la finance avec les Caisses Populaires et les Credit Union. Vous connaissez sans doute les coopératives agricoles qui jouent un rôle important depuis longtemps au Canada, mais il y a aussi beaucoup de coopératives dans d'autres domaines de l'activité économique et sociale et je voudrais profiter de l'occasion pour vous mentionner la présence des coopératives, par exemple, dans le domaine de l'habitation. En particulier dans le logement social, le mouvement coopératif canadien joue un rôle important auprès de populations qui sont défavorisées. Le mouvement coopératif canadien joue aussi un rôle important en termes de création d'emplois, en particulier dans des domaines comme la forêt. Il joue un rôle important dans l'alimentation, en particulier en milieu rural. Des secteurs d'activité nouveaux pour répondre au besoin récent des Canadiens et des Canadiennes sont en train d'apparaître dont, par exemple, les services de maintien à domicile pour des personnes âgées qui sont en perte d'autonomie et qui sont en train de se développer, de nouveaux services aussi dans le domaine de la santé qui sont à l'état expérimental, dans le domaine aussi des services professionnels. C'est quelque chose de nouveau, des professionnels et des gens qui ont une formation universitaire se regroupent pour offrir leurs services, se procurer aussi des services entre eux de telle sorte qu'il y a une nouvelle catégorie de coopératives qui est en train de naître et qui est extrêmement importante.

La loi devant vous, je le précise parce que tantôt il y a eu des questions qui touchaient cet aspect, ne s'applique pas aux Caisses Populaires ni aux Caisses d'économie ni aux Credit Union. La Loi sur les coopératives s'applique à toutes les coopératives des autres secteurs d'activité mais pas au secteur financier.

Les Caisses Populaires et les Crédit Union sont de juridiction provinciale et sont soumises à celle-ci. Je profite aussi de l'occasion pour dire qu'au Québec, les Caisses Populaires n'ont plus de commission de crédit. Le sénateur Hervieux-Payette avait abordé cette question de la confidentialité des renseignements dont les commissions de crédit des Caisses Populaires pouvaient souffrir à certaines occasions, ce que je nuancerais.Depuis la fin de l'année 1997, les commissions de crédit ont été abolies dans les Caisses populaires.

La loi que vous avez devant vous s'applique à différents secteurs coopératifs et elle est le résultat d'un long processus qui s'est engagé en 1992 à l'initiative de nos collègues du Canadian Cooperative Association. Comme on vous l'a expliqué, il s'agissait de répondre à un certain nombre de problèmes dans la direction des affaires de certaines coopératives et aussi de la rendre conforme aux nouvelles législations la Loi canadienne sur les coopératives.

Il y a eu pendant quatre ans un processus intense de discussion de ce projet de loi entre le Conseil canadien de la coopération, le CCA, le Conseil canadien de la coopération et les conseil provinciaux qui regroupent les coopératives dans les différentes provinces et les membre du CCA.

Pour faire une histoire courte, c'est au printemps de 1996 que les ministres Manley, responsable de la Loi sur les coopérative, et Goodale, responsable des coopératives, ont décidé de présenter un projet de loi qui rencontrerait les attentes du mouvement coopératif.

Ces deux ministères de l'Industrie et de l'Agriculture et Agroalimentaire ont procédé à une consultation de toutes les parties intéressées dans toutes les régions du Canada et le résultat est qu'on a abouti à un projet de loi qui a été soumis à la Chambre des communes au mois de mars 1997.

Je tiens à dire que le projet de loi que vous avez devant vous est le résultat de discussions et de compromis entre mouvements coopératifs francophone et anglophone. C'est donc en toute solidarité cependant que nous avons travaillé à défendre ce projet de loi à la Chambre des communes et que nous nous présentons devant vous.

Je voudrais terminer en vous remerciant et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

[Traduction]

M. Bill Turner, président, Canadian Cooperative Association: La Canadian Cooperative Association est un organisme national qui chapeaute au Canada diverses coopératives qui exercent leurs activités principalement en anglais. Je préside également la Saskatchewan Credit Union Central. Quand je ne travaille pas pour le secteur coopératif -- comme dirait mon épouse, quand je me livre à mon passe-temps favori -- , j'exploite une ferme au nord-est de Regina (Saskatchewan). Je demeure actif au sein de cette collectivité en tant que membre de la coopérative de détail locale et du Saskatchewan Wheat Pool.

Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à vous entretenir d'un projet de loi très important pour les coopératives canadiennes.

Je n'ai pas l'intention d'être long, d'autant moins que je ne voudrais pas répéter les propos tenus par M. St-Pierre, qui a éloquemment décrit dans son exposé la présence des coopératives dans l'économie canadienne. Il a aussi expliqué que les caisses d'épargne et de crédit ne sont pas visées par ce projet de loi, vu qu'elles sont essentiellement régies par des lois provinciales, quoique certaines des associations qui les regroupent à l'échelle nationale sont assujetties à la Loi sur les associations coopératives du Canada, qui est une loi fédérale.

Je suis accompagné aujourd'hui de deux personnes dont chacune se chargera d'une partie de notre exposé. J'ai moi-même quelques brefs commentaires à formuler, après quoi je demanderai à Mme Mary Pat MacKinnon de passer en revue avec vous certaines des dispositions du projet de loi C-5 qui, à nos yeux, revêtent le plus d'importance pour les coopératives et de vous décrire le processus de consultation qui a mené au dépôt de ce projet de loi devant la Chambre des communes.

Notre conseiller juridique, M. Joe Dierker, qui a travaillé de concert avec les fonctionnaires d'Industrie Canada à la rédaction de ce projet de loi, est également des nôtres aujourd'hui. Je vais lui demander d'éclairer les membres du comité sur certains des points qui ont été soulevés lors de la dernière période de questions.

J'aimerais qu'on consacre le plus de temps possible aux questions et au dialogue avec les membres du comité.

La Canadian Cooperative Association est donc l'organisme national qui chapeaute les coopératives anglophones. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos collègues du Conseil canadien de la coopération à l'élaboration de ce projet de loi, et c'est en toute solidarité que nous venons en faire ici la promotion.

Nous nous efforçons de favoriser l'expansion du mouvement coopératif au Canada et nous défendons activement ses intérêts. C'est là le rôle principal que nous jouons auprès de nos organisations membres.

Notre association compte 35 organisations membres qui oeuvrent dans de nombreux secteurs de l'économie, à savoir l'agriculture et l'agroalimentaire, les finances, l'assurance, la vente au détail et le commerce de gros, l'habitation, la santé, les garderies et les services. Ensemble, nos organisations membres possèdent un actif d'au-delà de 56 milliards de dollars et sont au service de plus de cinq millions de Canadiens.

Étant membre de l'Alliance coopérative internationale, notre organisme est en réseau, dans plus de 100 pays, avec des coopératives qui comptent au total quelque 750 millions de membres. Notre propre réseau canadien de coopératives fait donc partie d'un vaste réseau mondial.

Nos coopératives membres exercent leurs activités, comme toutes les autres entreprises commerciales canadiennes, sur un marché national et international où la concurrence est de plus en plus vive. Depuis un bon moment déjà, nos membres insistent sur la nécessité d'une loi fédérale qui les place sur un pied d'égalité avec les autres entreprises pour affronter la concurrence sur ce nouveau marché. Nous ne pouvons tout simplement plus demeurer enfermés à l'intérieur de nos frontières provinciales.

L'actuelle Loi sur les associations coopératives du Canada, qui date de 1970, est plus en plus désuète. Contrairement à la Loi sur les sociétés par actions, elle n'a subi aucune modification importante depuis son entrée en vigueur. Elle repose par ailleurs sur une vision plutôt paternaliste des coopératives. À vrai dire, elle impose aux coopératives des procédures trop complexes, trop longues et trop coûteuses pour que les coopératives puissent s'adapter au marché d'aujourd'hui.

Le projet de loi C-5, tout en sauvegardant, voire en actualisant, les principes coopératifs, vient faciliter aux coopératives la modernisation de leur fonctionnement. Il renforce indéniablement les droits et la protection des coopérateurs et procure aux coopératives les outils dont elles ont besoin pour prospérer et se développer dans un contexte de mondialisation de l'économie. La nouvelle loi facilitera l'essor du mouvement coopératif au Canada, mouvement qui constitue un de nos remparts vraiment nationaux pour contrer l'envahissement sans cesse croissant des organisations multinationales. Elle contribuera en outre à accroître la faveur dont jouit ce mode de participation à l'activité économique fondé sur le respect des principes d'égalité, de démocratie et d'entraide mutuelle.

Mme Mary Pat MacKinnon, directrice de la politique, Canadian Cooperative Association: De notre point de vue, voici quels seront les points saillants de la nouvelle loi: premièrement, elle modernisera la procédure de constitution des coopératives.

Deuxièmement, elle renforcera la protection et les droits des coopérateurs et leur permettra d'exercer un meilleur contrôle sur les décisions d'affaires de leur coopérative.

Troisièmement, elle accroîtra la latitude et les choix des membres en ce qui concerne les modes de financement de leur coopérative, notamment en permettant l'émission publique de parts de placement. Il s'agit là d'un changement particulièrement important pour les coopératives. Elles en débattent depuis 10 ou 15 ans. C'est un élément clé du projet de loi.

Quatrièmement, elle permettra aux coopératives de recourir à toute une gamme de moyens modernes pour améliorer leur gestion, comme la fusion, la réorganisation et la possibilité de conclure de nouvelles formes d'arrangements, moyens que nos compétiteurs utilisent déjà pour assurer le fonctionnement efficace de leurs entreprises.

Cinquièmement, elle imposera aux administrateurs le devoir strict d'agir avec soin, intégrité et bonne foi.

Sixièmement, elle exigera qu'au moins les deux tiers des administrateurs soient membres de la coopérative. Elle permettra donc que l'autre tiers du conseil d'administration soit constitué de non-membres.

Comme on vous l'a mentionné plus tôt ce matin, si une coopérative émet des parts de placement accessibles aux non-membres, les membres pourront alors autoriser les non-membres qui détiennent des parts de placement à élire ou à nommer jusqu'à 20 p. 100 des membres du conseil d'administration.

Septièmement, elle exigera qu'une coopérative, pour pouvoir se constituer sous le régime de cette loi fédérale, exerce ses activités dans au moins deux provinces et ait une place d'affaires permanente dans plus d'une province. Ce sera donc à cet égard le statu quo.

Huitièmement, elle raffermira le caractère distinctif des coopératives en rendant plus stricte l'obligation de respecter les principes coopératifs. Il s'agit là d'un élément important, car c'est dans la mesure où une organisation observe ces principes qu'on peut établir si elle peut être considérée comme une coopérative.

Quels sont ces principes coopératifs? Il y en a huit: adhésion ouverte; un vote par membre; pas de vote par procuration des membres; intérêt limité sur les prêts de membres; dividendes limités sur les parts de membres; dans la mesure du possible, fourniture du capital requis par les membres; affectation de l'excédent à diverses fins, par exemple, à l'expansion des activités commerciales, à l'amélioration des services communs, à la constitution de réserves pour le paiement d'intérêts sur les prêts de membres et de dividendes sur les parts de membres et les parts de placement, à la promotion du bien-être collectif et à l'aide à l'implantation de nouvelles organisations coopératives dans la collectivité, ou au versement de ristournes; enfin, sensibilisation des membres, des dirigeants, des employés et du public aux principes et modes de fonctionnement coopératifs. À nos yeux et aux yeux de nos membres, ce seront là les principales mesures que contiendra la nouvelle loi.

Comme l'a souligné M. St-Pierre, cela fait maintenant une décennie que la CCA, nos membres et nos homologues, les gens du Conseil canadien de la coopération, collaborons ensemble afin d'en venir à recueillir chez les membres de nos organisations respectives un consensus à propos des mesures essentielles que devrait comporter, selon nous, la nouvelle loi.

Nous avons participé à d'intenses séances de consultation internes en vue de l'élaboration d'une série d'ébauches de propositions, puis nous avons élargi notre forum de discussion à d'autres parties intéressées, par exemple aux organismes provinciaux de réglementation des coopératives et aux universitaires experts en matière de coopération. Ce processus a culminé au printemps de 1996, quand les deux associations ont soumis au gouvernement fédéral, par l'entremise d'Industrie Canada et du Secrétariat aux coopératives, un avant-projet de loi en ce sens. Comme vous pouvez le constater, nous y travaillons depuis fort longtemps.

À l'automne de la même année, le gouvernement fédéral a entrepris ses propres consultations dans l'ensemble du pays, en utilisant un document de travail qui s'inspirait de la proposition du secteur coopératif. Les organisations membres du CCA et du CCC ont participé à ces consultations. Puis, les deux associations nationales se sont réunies de nouveau avec les représentants du gouvernement pour examiner les résultats de ces consultations et rediscuter des modifications à apporter à l'avant-projet de loi. Nous avons ensuite présenté au gouvernement un mémoire conjoint dans lequel le secteur coopératif réagissait aux questions de politiques soulevées au cours de ces consultations.

À la suite de ce processus de consultation, le projet de loi C-91, qui était censé mener à l'adoption de la nouvelle Loi canadienne sur les coopératives, a été déposé le 25 mars 1997. Il devait toutefois mourir au Feuilleton en raison du déclenchement des élections fédérales. On en retrouve cependant le contenu exact, à quelques modifications mineures de forme près, dans le projet de loi C-5, qui a été déposé le 25 septembre 1997.

Nous tenons à bien souligner l'important rôle qu'a joué le secteur coopératif dans l'élaboration d'un cadre conceptuel devant mener à l'adoption d'une nouvelle loi, ainsi que la qualité des rapports étroits qui ont été entretenus entre le secteur coopératif et les fonctionnaires du gouvernement fédéral tout au long du processus. Nous croyons que, du fait qu'il s'est déroulé sous le signe de la collaboration, ce processus a servi à la fois l'intérêt public et les intérêts du secteur coopératif.

Nous tenons à témoigner notre gratitude aux responsables du dossier auprès du Secrétariat aux coopératives et aux représentants d'Industrie Canada, pour leur soutien et leur collaboration, ainsi qu'aux ministres Vanclief, Manley et Goodale pour leur engagement à recommander l'adoption d'une nouvelle loi fédérale sur les coopératives. Il va sans dire que nous sommes reconnaissants à tous les partis représentés à la Chambre des communes et au Sénat d'avoir pris position en faveur du projet de loi.

Nous avons la conviction qu'avec l'avènement de la nouvelle loi, le secteur coopératif sera en mesure de contribuer encore davantage à la prospérité économique des collectivités canadiennes et au bien-être de leur population.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions ou discuter des points qui pourraient vous préoccuper.

Le sénateur Stewart: Vous dites que, dans l'ensemble, vos organisations membres possèdent un actif de plus de 56 milliards de dollars et sont au service de plus de cinq millions de Canadiens. Je me demande dans quelle proportion les coopérateurs canadiens et les activités commerciales du mouvement coopératif sont sous le régime de la loi fédérale plutôt que des lois provinciales. Je présume que ce que vous avez voulu dire, c'est que c'est indirectement que vos organisations possèdent cet imposant actif. Est-ce bien cela?

M. Turner: Dans une large part, ces chiffres sont liés au fait que ces coopératives forment des fédérations. Elles s'unissent pour constituer de grandes associations interprovinciales.

Mme MacKinnon: Exactement, car il faut être bien conscient que les organisations que chapeaute la CCA comprennent des coopératives financières et non financières. Ce chiffre de 56 milliards reflète la valeur de l'actif de l'ensemble de nos organisations membres, ce qui englobe les grandes centrales provinciales de caisses d'épargne et de crédit, The Co-Operators -- une imposante coopérative d'assurance -- , de même que nos coopératives fédérées, dont Co-op Atlantic et Federated.

Ce chiffre comprend, par exemple, l'actif qui figure aux états financiers annuels de Co-op Atlantic et de Federated. Sous leur parapluie -- et c'est peut-être ce qui fait l'objet de votre question, sénateur Stewart -- , on trouve, par exemple, dans le cas de Co-op Atlantic, la coopérative de détail d'Antigonish, Braemore Co-operative. Le gros de l'actif de cette coopérative demeure dans la localité, mais quand Co-op Atlantic produit ses états financiers, elle s'y identifie comme une coopérative de gros qui procure des services à des coopératives de détail locales. Un certain nombre de nos membres les plus importants, comme Federated et Co-op Atlantic, deux coopératives de consommation, sont structurées de cette façon. Pour s'y retrouver, il faut faire un peu la part des choses.

Le sénateur Stewart: On nous a mentionné tout à l'heure -- et vous nous l'avez vous-même rappelé -- que ce projet de loi ne vise pas les caisses d'épargne et de crédit, mais vous venez pourtant tout juste de parler d'institutions financières.

Mme MacKinnon: La CCA est un organisme parapluie qui chapeaute le secteur coopératif anglophone.

Le sénateur Stewart: La CCA comprend-elle des caisses d'épargne et de crédit?

Mme MacKinnon: Oui, nous comptons parmi nos membres des caisses d'épargne et de crédit, mais cette loi ne s'applique pas à elles.

Le sénateur Stewart: Elle ne touche pas vos membres de cette catégorie?

Mme MacKinnon: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Très bien. Dans votre déclaration préliminaire, l'un de vous a mentionné que si ce projet de loi est adopté, les organisations coopératives seront davantage en mesure de concurrencer le secteur privé classique, dont les activités et les forces se polarisent de plus en plus. Prévoyez-vous que les coopératives auront progressivement tendance à se constituer sous le régime de la loi fédérale -- c'est-à-dire à chercher à obtenir le statut juridique qui leur est nécessaire pour pouvoir exercer leurs activités commerciales dans plus de deux provinces?

Comment, sur le plan structurel, allez-vous vous y prendre pour concurrencer les grandes chaînes, du secteur alimentaire, par exemple?

M. Joseph Dierker, Canadian Cooperative Association: Il y deux volets à votre question. N'oublions pas que la loi actuelle remonte à 1960 et qu'elle n'a pas évolué depuis. Un grand nombre de grandes coopératives aimeraient bien être assujetties à la loi fédérale, mais la loi actuelle est tellement archaïque qu'elles jugent que cela leur est impossible. Le cas des syndicats du blé, dans l'Ouest, l'illustre bien. Ce serait en principe très avantageux pour eux de pouvoir relever de la loi fédérale, mais encore faudrait-il que cette loi soit autre que ce qu'elle est actuellement. La nouvelle loi, qui sera moderne, elle, leur permettra d'organiser leurs opérations à la fois comme des coopératives et comme de grandes entreprises commerciales.

La nouvelle loi reposera vraiment sur les principes coopératifs tout en permettant aux coopératives de se doter de tous les outils dont elles ont besoin pour affronter résolument la concurrence.

Le sénateur Stewart: Je vois. Ces coopératives pourront alors, comme le sous-entend votre réponse, exercer leurs activités dans plus d'une province.

M. Dierker: Elles exercent toutes leurs activités dans plusieurs provinces, vous avez bien raison.

Le sénateur Stewart: J'ai demandé tout à l'heure si ce projet de loi vise également à résoudre des problèmes liés à certaines pratiques de gestion d'entreprise dont on aurait noté l'existence. Par «problèmes de gestion d'entreprise», je n'entends pas le genre de problèmes auxquels vous avez fait référence il y a un instant. Y a-t-il eu des cas où, en raison du cadre juridique fédéral dans lequel évoluait la coopérative, on a relevé des cas où les agissements des administrateurs n'étaient pas surveillés d'assez près, où les assemblées annuelles ne se déroulaient pas de la manière la plus efficace, ou encore, où on s'était retrouvé avec des problèmes d'entreprise qui tenaient directement à la nature même de la structure juridique de la coopérative?

M. Dierker: La loi actuelle régissant les coopératives a en effet soulevé de plus en plus de critiques au fil des ans, parce qu'elle ne permettait pas d'exercer une surveillance suffisante et qu'elle ouvrait la porte à toutes sortes d'abus. Nous sommes conscients du malaise depuis un certain nombre d'années déjà. Je suis heureux cependant de pouvoir affirmer que la loi n'a pas donné lieu à des abus d'une gravité notoire. Un grand nombre des coopératives régies par cette loi réclament l'adoption de la nouvelle loi, ne serait-ce que pour supprimer les occasions d'abus. La loi actuelle rend possibles bien des abus. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de discuter plus avant de cette question aujourd'hui, mais telle est la situation à cet égard.

Le sénateur Stewart: Peut-être pourriez-vous nous en donner un exemple pour que nous soyons à même de reconnaître les articles du projet de loi qui permettront de remédier à ce manque de moyens de contrôle.

M. Dierker: Il est possible à l'heure actuelle de ne tenir aucunement compte des dispositions de la loi qui définissent la nature fondamentale de la coopérative, en trafiquant habilement et subtilement les règlements administratifs d'une coopérative. Les principes coopératifs qu'on prévoit inclure dans la nouvelle loi pour protéger les membres peuvent facilement être foulés aux pieds sous la loi actuelle. Cette loi ne contient absolument aucune disposition concernant les principes de régie d'entreprise qui permette d'encadrer la conduite des administrateurs, comme il s'en trouve dans toute loi moderne. Actuellement, ce n'est que lorsque les administrateurs sont de bonne foi qu'on peut espérer que de tels principes seront respectés. Il n'existe en ce moment aucun cadre juridique qui permette d'exercer les contrôles dont vous parlez.

Le sénateur Stewart: Il a été tout à l'heure question d'impôt. La façon dont les profits des coopératives sont actuellement imposés contribue-t-elle à rendre attrayante la formule coopérative? Y contribue-t-elle même trop? Le mouvement coopératif la juge-t-il satisfaisante?

M. Dierker: L'examen du traitement fiscal réservé aux coopératives nous amène forcément à parler de plusieurs champs d'imposition. Le mode d'affectation des excédents auquel les coopératives ont le plus recours, c'est le versement à leurs membres de ristournes calculées en fonction du degré d'utilisation par le membre des services offerts par la coopérative. Ces ristournes sont déductibles du revenu imposable de la coopérative et pleinement assujetties à l'impôt des particuliers une fois qu'elles sont entre les mains du bénéficiaire. Il importe de garder à l'esprit qu'aucun crédit d'impôt n'est accordé sur ces ristournes comme en obtiennent les particuliers qui touchent des dividendes, de sorte que l'impôt payable sur ces ristournes peut être beaucoup plus élevé, selon le taux d'imposition du bénéficiaire.

Le sénateur Tkachuk a posé une question concernant le futur mode d'affectation des excédents des coopératives, à savoir le versement de dividendes. Les dividendes seront prélevés par la coopérative sur son compte des excédents ayant déjà été grevés de l'impôt. Les bénéficiaires de ces dividendes auront droit à des crédits d'impôt au même titre que les actionnaires de sociétés qui touchent des dividendes, sauf que les petites coopératives qui versent des dividendes seront frappées d'une pénalité fiscale.

Quand une petite société par actions verse un dividende, le crédit d'impôt pour dividendes est bonifié. Le bénéficiaire de dividendes d'une petite coopérative n'a pas droit au même traitement. Le régime fiscal des petites coopératives comporte des éléments systémiques qui découragent le versement de dividendes. La loi pénalise ainsi ces petites coopératives depuis 1972. D'ailleurs, les gens qui se lancent en affaires et qui se proposent de verser des dividendes optent souvent pour la formule de société par actions plutôt que pour la formule coopérative.

Quelqu'un a demandé si l'on incitait les coopératives à opter pour une structure qui leur permette d'émettre des valeurs mobilières par voie de souscription publique. Le régime fiscal prévoit cette possibilité. En ce qui a trait à l'impôt sur le capital, le régime fiscal fédéral traite les coopératives sur le même pied que les autres sociétés.

Le sénateur Tkachuk: Supposons qu'une coopérative réalise un profit net de 100 000 $ à la fin de son exercice. Ce pourrait aussi être moins. Si elle déclare un profit net à la fin d'un exercice, ce profit n'est imposable que si la coopérative émet des chèques à ses membres, n'est-ce pas? Il ne l'est pas si les fonds demeurent dans les comptes de la coopérative.

M. Dierker: Ce n'est pas le cas. Ce profit est pleinement imposable entre les mains de la coopérative, sauf si la coopérative affecte ses excédents au versement de ristournes à ses membres, auquel cas, ces ristournes s'ajoutent au revenu personnel imposable des membres. Dans la mesure où l'excédent n'est pas réparti entre les membres, il est pleinement assujetti à l'impôt, comme c'est le cas pour toute société.

Le sénateur Callbeck: Un des avantages que présenterait pour les coopératives l'adoption de ce projet de loi, c'est qu'elles pourraient dès lors avoir accès à de nouvelles sources de financement. Prévoyez-vous qu'il en résulterait au cours des cinq prochaines années un essor considérable du secteur coopératif?

[Français]

M. St-Pierre: Il est certain qu'un certain nombre de grandes coopératives vont pouvoir profiter des nouveaux avantages sur le plan de la capitalisation que la nouvelle loi leur accorde. C'est d'ailleurs une des raisons principales des demandes du secteur coopératif pour modifier l'ancienne Loi sur les coopératives.

Je ne vous ferai pas de cachette en disant qu'au Québec, il y a très peu de coopératives qui sont soumises à la loi fédérale, mais il y a un certain nombre de grandes coopératives, en particulier dans le domaine agricole, qui pourraient éventuellement profiter des avantages sur le plan de la capitalisation, des facilités de financement que peut donner la nouvelle Loi sur les coopératives. On n'a pas de boule de cristal, mais on sait que les grandes coopératives, pour être capables de faire concurrence aux joueurs internationaux, en particulier dans le domaine agricole, vont devoir trouver de nouveaux moyens pour les concurrencer. Je laisse le soin à mes collègues de poursuivre là-dessus.

[Traduction]

M. Turner: En ce moment, ce sont surtout les coopératives existantes qui profiteront de cet avantage pour essayer de combler leurs besoins de financement. Cette mesure leur procurera une possibilité qu'elles n'avaient pas auparavant. Selon toute vraisemblance, du moins d'après ce que j'ai entendu ce matin au symposium sur l'agro-alimentaire qui se tient au Centre des conférences, les grandes coopératives qui font face à une vive concurrence, celles du secteur des céréales et des oléagineuses et du secteur laitier, par exemple, seront vraiment enchantées de pouvoir profiter de cette nouvelle option.

Le sénateur Callbeck: Vous croyez que les coopératives existantes connaîtront un essor considérable grâce à cette mesure?

M. Turner: Tout à fait.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Turner, vous avez signalé que vous êtes président de la centrale des caisses d'épargne et de crédit de la Saskatchewan.

M. Turner: C'est exact.

Le sénateur Callbeck: Dans votre province, les caisses d'épargne et de crédit vendent-elles des produits d'assurance?

M. Turner: Nous avons certaines exclusions. Nous pouvons vendre certaines polices d'assurance créance en cas de décès ou d'assurance voyage. On aurait vraiment tort de nous percevoir comme des entreprises qui s'occupent d'assurance sur une haute échelle. Nous ne sommes pas autorisés à vendre de l'assurance en succursale ni à posséder une agence ou ce genre de choses.

Notre conseiller juridique aurait peut-être quelque chose à ajouter là-dessus. Nous faisons justement appel à lui ces temps-ci pour l'élaboration d'un projet de loi sur les coopératives d'épargne et de crédit.

M. Dierker: En réalité, à l'heure actuelle en Saskatchewan, les coopératives d'épargne et de crédit jouissent de moins de latitude que les banques en matière d'assurance. Leurs possibilités d'offrir des produits d'assurance sont fort limitées.

Le sénateur Callbeck: Comment cela s'explique-t-il?

M. Dierker: Peut-être que M. Turner serait mieux placé que moi pour vous en parler. À mon sens, cette situation tient davantage au régime politique actuellement en place en Saskatchewan qu'à quoi que ce soit d'autre.

M. Turner: Nous sommes actuellement en pourparlers avec notre gouvernement provincial en vue de l'élaboration d'une loi sur les coopératives d'épargne et de crédit. Cette loi accorderait aux coopératives plus de latitude en matière d'activité commerciale et leur permettrait d'être à la hauteur face aux changements qu'on observe sur le marché, comme c'est le cas dans le secteur bancaire. Elles jouiraient d'une marge de manoeuvre considérable. Nous croyons que nos démarches sont sur le point d'aboutir.

Le sénateur Stewart: Vous dites que l'explication pourrait être d'ordre politique, mais quels motifs invoque-t-on pour justifier une telle différence de traitement? J'imagine qu'on doit vous fournir quelque raison. Serait-ce parce que les coopératives d'épargne et de crédit risqueraient de ne pas être en mesure de respecter leurs engagements en matière d'assurance? Autrement dit, on jugerait que les grandes institutions sont mieux placées pour parer à toute éventualité à long terme. Est-ce l'argument qu'on vous sert?

M. Turner: Non. D'après moi, cette situation procède de ce que, en Saskatchewan, le marché de l'assurance a envahi une foule de petites localités. Notre province compte quelque 500 municipalités pour un million d'habitants. Il y a dans certaines de ces petites municipalités des courtiers d'assurance indépendants. Le marché est limité. On se demande à ce moment-ci comment protéger le marché de ces courtiers.

C'est ainsi que je résumerais la question. Cette vision ne tient pas compte des changements qui se produisent dans le monde ni de la façon dont les consommateurs, même ceux qui vivent comme moi dans un village de 600 habitants, vont avoir accès aux services dans l'avenir, que ce soit par Internet ou autrement. Pour l'instant, c'est ainsi que se vit cette réalité dans notre province.

Le sénateur Angus: Ma question découle de celle qu'a posée plus tôt le sénateur Stewart sur le même sujet. Je l'adresse aux deux groupes. Les représentants du ministère nous ont dit tout à l'heure qu'il y avait au Canada 7 295 coopératives non financières qui comptent au total 4,5 millions de membres. Ils ont cité également certains autres chiffres. J'ai du mal à concilier ces chiffres avec les vôtres. Vous dites que la CAA ne regroupe que 35 organisations membres. Pourriez-vous m'aider à m'y retrouver?

Ils ont également affirmé que seulement 7 p. 100 de ces 7 295 coopératives sont ontariennes. Ce chiffre me renverse. Je serais curieux de savoir pourquoi il y en a si peu.

M. Turner: Je vous répondrai de la même façon que l'a fait Mme MacKinnon à la question du sénateur Stewart. Nous avons 35 organisations membres. Les coopératives fédérées exercent leurs activités dans quatre provinces de l'Ouest du Canada.

Le sénateur Angus: De son côté, ce regroupement compte de nombreuses unités coopératives.

M. Turner: C'est juste. De même, un grand nombre de coopératives canadiennes qui sont constituées sous le régime d'une loi provinciale n'en sont pas moins incluses dans les statistiques relatives à l'ensemble du secteur coopératif canadien.

Le sénateur Angus: Combien, par exemple, vos 35 organisations membres comptent-elles au total d'unités coopératives non financières. Y en aurait-il 2 000, ou 3 000?

Mme MacKinnon: Les syndicats de producteurs regroupent à eux seuls des milliers de coopératives membres. Les trois syndicats des Prairies sont membres de la Canadian Cooperative Association et les coopératives qui en sont membres se comptent par milliers. Et il ne s'agit là que d'un type d'organisation parmi bien d'autres.

Par ailleurs, faisant partie du secteur des coopératives fédérées, il y a des coopératives de gros, puis des centaines, voire probablement des milliers, de petites unités coopératives de détail. D'où les 7 000 coopératives et plus dans l'ensemble du Canada, et elles sont chapeautées par nos deux associations nationales. Dans cette structure à trois niveaux, nous occupons le niveau supérieur.

[Français]

M. St-Pierre: Je vous donne un peu d'information sur le mouvement coopératif francophone. Il y a au total 3 700 coopératives qui sont à la fois des Caisses populaires et des coopératives dans d'autres secteurs d'activité. Le secteur des Caisses populaires doit regrouper aux alentours de 87 milliards d'actifs dans le Canada francophone. Vous ajoutez à cela des coopératives non financières dont l'actif doit regrouper à peu près quatre à cinq milliards de dollars.

Très peu de ces coopératives sont soumises à la loi fédérale. Cependant, pour rejoindre une préoccupation du sénateur Stewart, au Québec, les Caisses populaires sont propriétaires d'entreprises d'assurance vie, d'assurance générale, de fiducies et de distribution de valeurs mobilières. À cause de la loi, les Caisses populaires ne peuvent pas vendre directement des services financiers autres que l'épargne et le crédit à leurs membres. Ils doivent, par exemple, dans le domaine de l'assurance générale, offrir des services d'assurance générale, mais dans des locaux distincts de ceux de la Caisse populaire. Alors on a une situation un peu spéciale où la coopérative, la Caisse populaire, est propriétaire d'une société d'assurances.

Le sénateur Angus: C'est la même restriction pour les banques?

M. St-Pierre: Oui.

Le sénateur Angus: Pour la question de l'Ontario, personne ne veut trancher.

[Traduction]

Comment expliquer qu'il n'y en ait que 7 p. 100?

Le sénateur Tkachuk: On y est moins bien inspiré qu'ailleurs, sénateur Angus.

Le sénateur Angus: C'est ce que je me suis dit en voyant les résultats des dernières élections générales.

Le sénateur Tkachuk: Je tiens simplement à dire au sénateur Stewart que, dans notre province, le domaine de l'assurance, comme tout le reste d'ailleurs, est tributaire de considérations d'ordre politique. Non seulement avons-nous le problème du milieu des courtiers, comme l'a expliqué M. Turner, mais ce qui vient compliquer les choses chez nous, c'est que le gouvernement provincial a également sa propre société d'assurance, une société d'État. Croyez-moi, ça rend la vie intéressante.

D'après vous, quelle croissance connaîtra le secteur coopératif avec l'avènement de la nouvelle loi? Par exemple, Federated Co-operatives songera-t-elle à fusionner avec des coopératives d'autres provinces, ou voudra-t-elle se développer elle-même davantage et concurrencer les coopératives d'autres provinces?

M. Turner: C'est une question que vous devriez poser aux représentants de Federated Co-operatives, monsieur le sénateur. La loi actuelle comporte certaines restrictions concernant les fusions, mais étant donné que ces restrictions disparaîtraient avec la nouvelle loi, ils pourraient envisager cette option. Ça leur fera sûrement une corde de plus à leur arc. J'ai toutefois le sentiment que Federated Co-operatives préférera concentrer ses activités dans l'Ouest du Canada et cherchera des moyens d'affronter la concurrence des autres entreprises qui envahissent le marché, qu'il s'agisse des Clubs Price, des magasins de grande surface, et cetera. Dans tout le secteur de la vente au détail, on assiste à des changements spectaculaires. Je suis porté à croire que c'est pour cette stratégie qu'elle optera pour faire face à la concurrence.

Le président: Je remercie les témoins de leur présence parmi nous. M. Turner sait sûrement avec quelle ardeur notre comité s'est porté à la défense des intérêts des caisses d'épargne et de crédit. C'est la première fois que nous nous penchons sur une loi qui a trait aux coopératives, mais cela fait nombre d'années que nous nous déployons avec la dernière énergie pour appuyer le mouvement coopératif et que nous ne ménageons rien pour favoriser son essor malgré la concurrence qu'il doit livrer aux autres institutions financières.

C'est dans cet esprit que notre comité est résolument en faveur de l'adoption de ce projet de loi. Il est réconfortant de constater que les milieux qui sont directement touchés par cette nouvelle loi ont travaillé à son élaboration en aussi étroite collaboration avec les représentants du gouvernement.

Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous.

Quelqu'un pourrait-il maintenant proposer une motion pour nous permettre de faire rapport au Sénat du projet de loi sans modification?

Le sénateur Stewart: J'en fais la proposition.

Le président: D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Merci.

La séance est levée.


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