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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 18 - Témoignages du 12 mai 1998 (avant-midi)


OTTAWA, le mardi 12 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons notre étude du rôle et de l'administration des investisseurs institutionnels du Canada. Ce matin, nos témoins représentent le Conseil canadien des analystes financiers. Ce sont Mme Mary Ross Hendriks, directrice générale, en compagnie du directeur de la division d'Ottawa. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir, Mme Hendriks. Voulez-vous présenter le directeur de la division d'Ottawa à mes collègues? Ensuite, après une brève introduction de votre part, nous aurons des questions à vous poser.

Mme Mary Ross Hendriks, directrice générale, Conseil canadien des analystes financiers: Bonjour monsieur le président, honorables sénateurs, j'ai le plaisir de présenter M. Dleap Hall, directeur de la division d'Ottawa du Conseil des analystes financiers de Toronto, l'une des sociétés formant le Conseil canadien des analystes financiers Inc., que j'appellerai CCAF dans mon intervention.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités à vous présenter un mémoire sur les changements proposés au mode d'administration des investisseurs institutionnels. Nous avons des observations à formuler au sujet de la Loi sur les sociétés par actions (LSA). Je suis désolée de ne pas vous présenter notre mémoire écrit aujourd'hui. Nous vous le ferons parvenir sous peu.

Le CCAF est une organisation nationale sans but lucratif. Elle représente des analystes financiers, des gestionnaires de portefeuille et d'autres décideurs en matière d'investissements représentant chacune des sociétés et divisions canadiennes de l'Association for Investment Management and Research (AIMR). On y trouve des représentants de toutes les grandes villes du Canada. En tout, quelque 4 000 analystes financiers sont membres de l'AIMR, au Canada.

Le président: Pouvez-vous définir l'expression «analyste financier» pour nous? Pourriez-vous nous dire précisément qui est un analyste financier et, par le fait même, qui ne l'est pas?

Mme Hendriks: L'AIMR est une organisation mondiale sans but lucratif dont le siège est à Charlottesville, en Virginie. Elle administre les programmes pour analystes financiers agréés à l'échelle internationale. L'expression «analyste financier agréé» désigne en fait des personnes qui ont réussi trois examens approfondis et qui ont accumulé trois années d'expérience pratique. Ces gens doivent aussi respecter certains critères de base.

Dans le monde de l'investissement, ils ne sont pas les seuls à se faire appeler «analystes». Bon nombre de ceux qu'on appelle analystes ont suivi un cours offert par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l'ACCOVAM. Dans la plupart des provinces du Canada, pour devenir gestionnaire de portefeuille, par exemple, il faut avoir suivi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada et avoir au moins atteint le niveau 1 du programme d'études destiné à l'analyste financier agréé -- sinon des niveaux supérieurs -- ainsi que du cours de l'ACCOVAM.

Le président: Le cours de l'ACCOVAM est-il différent du cours destiné aux analystes financiers agréés?

Mme Hendriks: Oui.

Le président: Est-ce que tous ou pratiquement tous les conseillers en placement ou courtiers en valeurs mobilières avec qui nous pourrions faire affaire sont membres de votre association?

Mme Hendriks: Ils pourraient l'être. Ils sont nombreux à être membres. La plupart de nos membres portent le titre de gestionnaire de portefeuille, conseiller en placement ou décideur en matière de placement. Bon nombre d'entre eux sont, par exemple, des gestionnaires de fonds communs de placement ou de fonds de pension. Ce ne sont pas des courtiers en valeur mobilière. C'est différent.

Le président: S'ils agissent comme des conseillers en placement, s'ils oeuvrent au sein de cette multitude de petites entreprises spécialisées dans la gestion de l'argent des autres, cela veut-il dire, normalement, qu'ils sont membres de votre association?

Mme Hendriks: Oui, je dirais que c'est le cas pour un bon nombre d'entre eux, surtout au sein des entreprises institutionnelles plus importantes.

Le président: Vous dites «un bon nombre». Pouvez-vous me donner une idée de ce que cela veut dire? Est-ce 50 p. 100 ou 90 p. 100?

M. Dleap Hall, directeur, division d'Ottawa, Conseil des analystes financiers de Toronto: Si je puis me permettre d'intervenir, monsieur le président, au sujet de cette multitude de petites entreprises qui font, par exemple, de la planification financière, je dirais que certaines personnes qui font de la planification financière ne comptent pas parmi nos membres, mais que beaucoup d'entre elles le sont parce qu'elles aiment porter le titre d'analyste financier agréé. Pour porter le titre d'AFA, elles doivent suivre à la maison un cours intensif de trois ans.

Mme Hendriks: Je crois que la plupart des grands investisseurs institutionnels engageraient, dans la majorité des cas, des analystes financiers agréés. C'est ce que je crois comprendre d'après ce qu'en disent des gens qui s'occupent de trouver des emplois à des gestionnaires de portefeuille. Un de mes amis, chargé du recrutement des cadres, préfère les AFA. Toutefois, l'autre titre est bon également et tout aussi utile.

Le président: Quel est cet autre titre?

Mme Hendriks: C'est le titre conféré par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.

Le président: Je suis désolé de vous avoir interrompue. J'essayais de comprendre qui étaient vos membres.

Mme Hendriks: On compte environ 4 000 analystes financiers qui sont membres de l'AIMR au Canada. De ces 4 000 analystes, je dirais que 60 p. 100 d'entre eux résident à Toronto, mais nous avons des membres partout au Canada. Nous avons des sociétés et des divisions d'un bout à l'autre du Canada, y compris à Victoria. Les chiffres augmentent sans cesse. Les inscriptions au programme augmentent chaque année.

La mission du CCAF est de servir les membres de l'AIMR d'un bout à l'autre du Canada pour promouvoir les mêmes normes d'excellence dans la formation et la conduite professionnelle, et pour favoriser les initiatives de défense et de formation partout au Canada. Le CCAF et ses sociétés membres sont des organisations bénévoles composées d'analystes financiers agréés et d'autres professionnels du domaine de l'investissement.

Tous les membres de l'AIMR au Canada doivent respecter le code de déontologie et d'éthique professionnelle de l'AIMR.

À notre avis, les questions propres aux marchés financiers que vous examinez sont très importantes pour le secteur des services financiers, au Canada. Nous sommes heureux que votre comité ait fait porter son étude essentiellement sur l'influence économique croissante des grands investisseurs institutionnels comme les fonds de pension et les fonds communs de placement. Nous sommes d'accord pour dire que le gouvernement fédéral devrait constituer une base de données qui permette d'analyser le rôle des investisseurs institutionnels sur les marchés financiers et leurs pratiques en matière de régie des sociétés.

Dans l'ensemble, nous appuyons tous les efforts que vous pourrez susciter, en tant que comité, pour promouvoir l'application uniforme des règles et la réduction des coûts inutiles, que les utilisateurs paient parfois en double.

Nous sommes d'avis que les marchés financiers du Canada ont besoin d'un organisme de réglementation unique, de règles uniformes et moins nombreuses et de frais d'administration moindres -- du moins de frais d'administration représentatifs du coût réel de l'administration selon les règles du marché. Cette nécessité d'avoir un organisme de réglementation des valeurs mobilières vigoureux et efficace ne fera qu'augmenter avec les progrès de la technologie, à mesure que les transactions se font de plus en plus vite et par d'autres moyens que les voies classiques.

Nous voulons faire valoir respectueusement que l'un des principaux éléments à considérer, pour ceux qui élaborent la politique, sera la mise au point d'un cadre de réglementation solide pour protéger et promouvoir les marchés financiers canadiens. À notre avis, le Canada a besoin d'une commission nationale des valeurs mobilières pour veiller à la réglementation de ses marchés financiers ainsi que pour éliminer les incohérences, les recoupements et les règlements coûteux engendrés par notre système actuel partagé entre plusieurs organismes responsables.

Nous ne sommes pas convaincus que ces lacunes seront suffisamment comblées par l'existence d'une commission nationale des valeurs mobilières qu'on dit «virtuelle». Nous sommes conscients de la réalité politique qui fait que, même si beaucoup de bonnes raisons favorisent la création d'une véritable commission nationale des valeurs mobilières, il y a peu de chances qu'elle voie le jour. Nous demandons donc au comité d'envisager de travailler en étroite collaboration avec l'autorité canadienne en matière de valeurs mobilières pour tenter d'assurer la plus grande uniformité possible entre les règles fédérales et provinciales, en espérant que cela facilitera plus tard la création d'une commission nationale des valeurs mobilières.

Nous sommes particulièrement préoccupés du fait que, même avec la commission nationale des valeurs mobilières «virtuelle», telle que proposée, qu'on appelle aussi Mutual Reliance Registration System (MRRS), il y aura toujours des secteurs d'activité importants qui resteront administrés dans le cadre du système actuel à plusieurs organismes responsables. Ce sont l'enregistrement de ceux qui ne sont pas membres d'une organisation nationale d'autoréglementation; la nécessité d'enregistrer et de classer des formulaires et des frais en double; des exigences contradictoires en matière d'information continue sur le classement; les règles concernant les prospectus; enfin les questions d'exemption en matière d'enregistrement et la manière de vérifier l'application de ces règles.

Par exemple, le MRRS tel que proposé actuellement ne s'applique qu'aux exigences d'enregistrement initiales et à celles qui découlent directement de ces exigences initiales, comme les exigences de compétence, de capitaux et cautionnement. Les règles juridiques locales continueront à s'appliquer relativement à toute autre question, y compris la conduite des affaires et la divulgation aux clients.

Nous appuyons le travail de l'autorité canadienne en matière de valeurs mobilières, qui essaie de rationaliser sa fonction de contrôle de la réglementation, mais nous ne sommes toujours pas convaincus que le MRRS pourra surmonter la plupart des incohérences existant dans la réglementation et qui nuisent aux marchés financiers du Canada. Nous considérons que cela nuit à leur efficacité et à leur intégrité.

Dans le mémoire à venir, nous vous présentons nos arguments en faveur de l'adoption d'une série de règles complète dans le cadre de la LSA et de tout autre instrument pouvant entraîner la création de la Commission nationale des valeurs mobilières. On pourrait ainsi adopter des dispositions sur les délits d'initié, les offres publiques d'achat, les opérations de fermeture et le respect de la réglementation. Cependant, en attendant la création de la Commission nationale des valeurs mobilières, nous favorisons des exemptions générales pour les émetteurs qui sont aussi des émetteurs assujettis aux lois provinciales sur les valeurs mobilières, comme l'ordonnance de dépôt unique d'Industrie Canada. Nous favorisons ce genre d'exemption pour éviter que les rapports sur les délits d'initié, les états financiers intermédiaires, les prospectus, les exposés des faits essentiels, les déclarations d'enregistrement, les communiqués de presse, ainsi de suite, soient soumis à des réglementations qui font double emploi. La LSA ne devrait pas accroître le fardeau financier occasionné par des réglementations qui font double emploi.

Dans notre mémoire à venir, nous commentons aussi brièvement certaines recommandations formulées par votre comité dans son rapport sur la régie des sociétés, publié en août 1996. Nous croyons que les sociétés qui ont des programmes très perfectionnés de dévoilement des investissements, notamment de bonnes pratiques de divulgation, donnent lieu à prévisions plus fiables des analystes. Cela peut ensuite contribuer à réduire le coût des capitaux propres puisque l'accroissement du nombre d'investisseurs intéressés engendre des prix plus avantageux.

Notre organisation a apprécié le travail récent de l'autorité canadienne en matière de valeurs mobilières dans le but de rationaliser ses fonctions. Nous encourageons votre comité et Industrie Canada à poursuivre les efforts d'harmonisation dans le cadre de la LSA. Nous favorisons toujours l'établissement d'une commission nationale des valeurs mobilières, mais nous voulons encourager le recours à des ordonnances d'exemption générale, qui pourront servir de mesures provisoires en attendant une plus grande uniformité des lois.

Finalement, nous approuvons les efforts de votre comité pour établir les faits ainsi que vos recommandations réclamant qu'on étudie plus à fond le rôle de régie des sociétés des investisseurs institutionnels et l'effet, sur nos marchés financiers, de la règle sur les biens étrangers.

Au nom du CCAF, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.

Le président: Quand nous avons tenu des audiences publiques sur la LSA, nous avons entendu un certain nombre de suggestions. On nous a dit qu'il faudrait changer les règles concernant les circulaires sollicitant des procurations émises par des dissidents. Nous avons entendu dire que différents actionnaires devaient avoir le droit de se réunir sans avoir à subir toute la paperasserie juridique qui exige qu'on remplisse des procurations de dissidents et tout ça, afin qu'ils puissent au moins discuter ensemble de leur point de vue sur une entreprise. Qu'en pensez-vous? L'opinion de vos membres est importante à cet égard, compte tenu qu'ils s'occupent de gérer divers petits fonds de pension.

Mme Hendriks: En effet. Nous en discuterons dans notre mémoire. Premièrement, nous considérons que l'émission de procurations, selon les règles fédérales, devrait s'harmoniser avec le travail que fait actuellement l'autorité canadienne en matière de valeurs mobilières.

Le président: Vous voudriez l'uniformité. Personne ne conteste cela. Quelle serait la position idéale?

M. Hall: Monsieur le président, votre question aurait-elle rapport avec ce qui se passe aux États-Unis, concernant CALPERS et les procurations de dissidents?

Le président: Ce n'était pas le sens de ma question, mais nous avions l'intention de vous en parler aussi. CALPERS est toujours utilisée pour illustrer cette question, mais il y a d'autres exemples. Que pensez-vous des investisseurs institutionnels qui deviennent très actifs?

M. Hall: Le marché de New York est dans une situation semblable. Tous veulent avoir l'impression que la société travaille pour le bien des actionnaires, pour améliorer leurs bénéfices. C'est l'objectif de base.

Le président: Avez-vous objection à ce que les investisseurs institutionnels canadiens deviennent beaucoup plus proactifs qu'ils ne l'ont été jusqu'ici, qu'ils se fassent connaître publiquement dans le cadre de leurs activités?

Mme Hendriks: En fait, notre code de déontologie traite de cette question. Normalement, les gestionnaires de fonds de pension, par exemple, sont liés par contrat en plus d'avoir une relation de fiduciaire avec les bénéficiaires du fonds. La position de notre organisation, c'est que les actionnaires eux-mêmes devraient pouvoir décider de ce qu'ils feront de leurs parts. Si les gestionnaires du fonds doivent le faire, c'est à eux de s'en occuper, mais ils doivent être en mesure de concevoir des procédures et des politiques en collaboration avec leur clientèle pour déterminer d'avance la liberté d'action qu'on leur accordera pour ce faire.

Le président: Autrement dit, en pratique, ils ne seraient pas actifs. Ai-je raison de penser que ce serait l'effet pratique d'une telle politique?

Mme Hendriks: Je pense que l'effet pratique serait que tout dépendrait de la latitude qu'on leur laisserait en tant que fiduciaires. Dans certains cas, un gestionnaire de fonds peut avoir un rôle très dynamique. Dans d'autres cas, les termes du contrat peuvent limiter la latitude qu'on lui laisse, selon la situation. Il se pourrait qu'un gestionnaire de fonds veuille demander des instructions sur la manière de voter sur une certaine question. Tout dépend de la nature de la relation de fiduciaire. Par exemple, la loi sur les pensions peut entrer en jeu. Ça peut varier selon qu'il y a un accord de fiducie et selon la nature des procédures.

Notre code de déontologie recommande qu'on évalue, avec le client, le risque que le client est disposé à prendre. Il faut connaître le client. Il faut établir des procédures de gestion de ce risque afin de ne pas aller au-delà de son mandat en tant que gestionnaire de fonds.

Le président: Si vous gérez un petit fonds de pension, qui est le client?

Mme Hendriks: Votre devoir de fiduciaire est à l'endroit des bénéficiaires du régime.

Le président: Individuellement ou collectivement? Ça fait une grosse différence. Je ne vois pas comment on peut obtenir le point de vue de chacun des bénéficiaires du régime de pension. S'il y a 100 parts d'une société et 100 membres d'un régime de pension, cela n'équivaut pas à dire que chaque membre détient une part du régime.

Mme Hendriks: Vous avez raison. Je pense que, dans le cas des régimes de pension, le gestionnaire du fonds se conforme aux instructions et procédures établies par le régime, pour ce qui est de la latitude dont il jouit quand il doit intervenir.

Le président: Êtes-vous favorables à l'idée que les gestionnaires deviennent actifs comme CALPERS l'est devenue? Essentiellement, ces gestionnaires interviennent de façon dynamique dans la gestion des entreprises dont ils détiennent des parts. À quel point est-ce une bonne ou une mauvaise idée?

Mme Hendriks: J'ai cru comprendre que nous serions favorables à cette façon de faire, si la question était soulevée entre les bénéficiaires d'un fonds et leur gestionnaire. Cela dépend de la nature de la relation. Le gestionnaire du fonds doit vraiment prendre soin de ses clients et les connaître. C'est fondamental.

Le sénateur Oliver: Comment envisagez-vous ce genre d'activité? En quoi consisteraient les interventions actives des gestionnaires? Pourraient-ils s'adresser au président pour lui dire qu'ils veulent des changements au sein de la société et, si oui, comment?

Mme Hendriks: En fait, notre code de déontologie exige que l'on rencontre le client au moins une fois par année -- qu'on examine les objectifs de la personne ou de l'institution en matière d'investissement et qu'on vérifie sa tolérance à l'égard du risque. Il faut décrire au client les stratégies que l'on compte employer et s'assurer qu'il comprend le risque que cela comporte. On est certainement encouragé à rencontrer les clients plus d'une fois par année pour les mettre au courant des stratégies employées et obtenir leurs instructions.

Le président: J'ai l'impression que le véritable enjeu consiste à savoir si le fonds de pension déciderait de passer à l'action en tant qu'analyste financier plutôt qu'en tant qu'analyste en placement. Est-ce que je me trompe?

Mme Hendriks: Cela peut dépendre en partie des règles régissant le régime. Ça peut dépendre aussi de l'identité de l'administrateur en vertu de la loi sur les régimes de retraite. Par exemple, ça peut dépendre du genre de relation établie entre le répondant du régime et le gestionnaire, et de l'identité du véritable fiduciaire. Si l'on a affaire à des travailleurs syndiqués, les conventions collectives peuvent entrer en ligne de compte.

Le sénateur Stewart: Je suppose que le conseil n'a pas pris position sur cette question. Dans un sens, ces questions du président vous arrivent comme un cheveu sur la soupe.

Mme Hendriks: Nous n'avons pas vraiment pris position officiellement sur ces grandes règles, mais notre manuel présentant le code de déontologie traite d'un bon nombre de ces questions. Tous les membres de l'AIMR doivent accepter de respecter le code de déontologie et d'éthique professionnelle. Le manuel décrit quelques règles. Il comporte des règles concernant la responsabilité de fiduciaire. Ce sont des règles qui visent à assurer que les clients seront traités de façon juste. Nous abordons aussi, dans notre mémoire, certains enjeux qui relèvent de la LSA.

Le sénateur Meighen: Avez-vous dit que vous exposeriez votre opinion sur la règle sur les biens étrangers dans votre mémoire ou pouvez-vous nous en parler maintenant?

Mme Hendriks: Nous y réfléchissons en ce moment et nous l'exposerons en effet dans notre mémoire.

Le sénateur Meighen: Pouvez-vous me donner un indice?

Mme Hendriks: Je ne suis pas censée le faire.

Le sénateur Meighen: Dites-moi seulement si je risque d'être étonné si vous vous prononcez en faveur de l'abolition de la règle comme tout le monde l'a fait.

Mme Hendriks: Non, si nous prenons position, vous ne serez pas étonné.

Le sénateur Meighen: Dans votre exposé, il semble que vous établissiez un lien entre l'accroissement de la divulgation et le consensus prévisionnel. Je comprends donc que même dans le cas de consensus prévisionnel, les analystes financiers ne sont pas reconnus pour avoir souvent raison. À votre avis, est-ce dû au peu de renseignements communiqués par les sociétés ou plutôt, avec toute l'objectivité dont vous pouvez faire preuve, à l'incompétence des analystes financiers?

Selon une étude menée aux États-Unis, il semble que seulement 29 p. 100 des analystes atteignent un consensus prévisionnel.

Mme Hendriks: C'est une bonne question. Un chercheur de l'Université du Michigan a fait une étude à ce sujet. Selon ses conclusions, lorsque les sociétés rencontrent souvent les analystes, qu'elles leur fournissent de nombreux renseignements et qu'elles transmettent de l'information au public, on constate que les analystes offrent un meilleur suivi et que leurs prévisions sont de meilleure qualité. L'accroissement des informations transmises est certainement à la base de tout cela.

Cela améliore également la position de ces sociétés, puisque lorsqu'elles peuvent compter sur un meilleur suivi de la part des analystes, elles ont tendance à occuper une meilleure place sur le marché, obtenant une meilleure attention du public.

Votre commentaire est honnête. C'est une question difficile. Les prédictions ne sont pas faciles. Nous n'avons pas de boule de cristal. Il est certain que les analystes financiers agréés font de nombreux efforts pour être justes et objectifs; ils font des recherches détaillées. On retrouve des services chargés de faire des recherches sur les investissements dans de nombreuses sociétés. Je ne comprends donc pas pourquoi les résultats ne sont pas plus précis.

Le sénateur Meighen: Avez-vous une opinion sur ce rapport privé qui aurait été demandé à Newcourt? Le grand public n'y avait pas accès. Seulement les gens qui étaient prêts à payer.

Mme Hendriks: Je ne connais pas ce dossier en particulier. Toutefois, dans notre guide sur les normes professionnelles, il y a des règles sur la recherche privée. Il y a également des règles qui régissent la façon de préparer un rapport lorsqu'il s'agit d'un client. Il est bien certain que si votre société agit à titre de preneur ferme auprès d'un client, vous pourriez décider d'inscrire ce client sur une liste retreinte et de ne produire que des données de fait si vous êtes d'avis que vous seriez en situation de conflit d'intérêt en faisant rapport sur ce client.

Le sénateur Meighen: Quelles sont les sanctions prévues par votre guide pour le manquement à ces règles?

Mme Hendriks: Les sanctions sont imposées par l'AIMR. C'est l'association qui mène l'enquête. Les sanctions imposées varient de divers genres de motions de blâme à la révocation du titre d'analyste financier agréé et autres.

Le sénateur Meighen: La révocation du titre serait-elle la peine la plus sévère?

Mme Hendriks: C'est en effet la peine la plus sévère imposée par l'AIMR. Toutefois, dans des cas de ce genre, il y aurait de fortes chances que l'organisme de réglementation du commerce des valeurs mobilières fasse également enquête.

Le sénateur Meighen: Y aura-t-il dans votre mémoire des commentaires sur les problèmes de gestion que vous et votre organisation voyez en rapport avec les investisseurs institutionnels?

Mme Hendriks: Notre mémoire se penche plutôt sur les questions de réglementation qui nous préoccupent. Nous sommes conscients que cela devrait faire partie de la discussion sur la gestion et nous tentons donc de ramener cette question sur la table. Y a-t-il un point en particulier dont vous aimeriez traiter?

Le sénateur Meighen: Non. Comme vous le savez, les investisseurs institutionnels sont de plus en plus présents sur le marché canadien par rapport aux investisseurs privés. Il est évident que la façon dont ils sont gérés a une certaine importance au niveau des politiques publiques. C'est en fait ce qui nous intéresse. Nous aimerions savoir s'il est possible d'apporter des améliorations à ce niveau ou s'il y a quelque suggestion que le comité pourrait faire, peut-être même sous forme législative, ou de persuasion.

Mme Hendriks: Je vais en discuter avec notre comité et nous verrons si nous pouvons ajouter cet élément.

Le sénateur Tkachuk: Vous, comme bien d'autres d'ailleurs, parlez de la mise sur pied d'une Commission nationale du marché des valeurs mobilières. Toutefois, les provinces considèrent que cela relève de leur juridiction. On en parle depuis longtemps. Pourquoi proposer la mise sur pied d'une telle commission? On pourrait peut-être plutôt rationaliser les efforts des provinces pour s'assurer qu'en obtenant l'autorisation d'une province, on obtiendrait automatiquement celle des autres, évitant ainsi beaucoup de paperasse inutile.

Je crois que la plupart des petits investisseurs ne veulent pas d'une Commission nationale du marché des valeurs mobilières. Ils préfèrent faire affaire au niveau régional. Pourquoi devoir se rendre à Ottawa pour quelque chose qui se fait en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique? En quoi une Commission nationale du marché des valeurs mobilière améliorerait-elle la situation actuelle? Je reconnais certaines des raisons évidentes, mais j'aimerais que vous me fassiez part des raisons moins évidentes si vous le pouviez.

Mme Hendriks: Vous avez raison. Les efforts en vue de la mise sur pied d'une Commission nationale virtuelle du marché des valeurs mobilières constituent un bon départ. Toutefois, tout n'est pas parfait. Il reste nécessaire de s'inscrire dans chaque province. Il y a toujours des frais à payer dans chaque province. Il y a toujours la question du dédoublement des frais. Avec les marchés subalternes et les questions régionales, nous croyions qu'une présidence rotative de l'organisme national ou toute autre façon de permettre la rotation de divers genres d'autorité, y compris le maintien de bureaux régionaux un peu partout au Canada permettrait certains des avantages des commissions locales tout en offrant un ensemble unique de règles et de formules.

À l'heure actuelle, en vertu du système proposé, vous pouvez obtenir une autorisation préalable d'un prospectus si vous le déposez dans une province, mais il existe un droit de refus qui donne je crois dix jours aux autres provinces pour décider d'accepter ou non la décision prise. L'étude se fait au cas par cas et les provinces se réservent le droit de changer d'idée.

De plus, ce système ne fonctionnerait pas au Québec, à moins que la compagnie ait un bureau au Québec, auquel cas il faut faire un dépôt séparé.

Il est vrai que cela permettrait de régler certaines des faiblesses majeures. Toutefois, cela est loin de les éliminer au complet. Cela ne résout certes pas le problème de l'application qui peut s'avérer difficile au Canada. Il arrive que certains profitent des faiblesses du système. Cela ne résout pas le problème des transactions internationales.

Pour l'instant, je crois que les questions soulevées, c'est-à-dire la gestion des affaires et la divulgation des renseignements sur les clients, ne seront pas incluses dans le système proposé. Je sais de plus que les commissions travaillent toujours à établir les modalités. Ce ne sera probablement pas facile si le marché continue de croître. Ce qu'il faut déterminer, c'est si cela peut constituer une solution à long terme viable compte tenu de la croissance des marchés financiers canadiens.

Je crois que c'est une bonne solution à court terme et je l'appuie. Nous l'appuyons tous.

M. Hall: Sénateur Tkachuk, vous nous avez donné l'exemple d'une société de la Colombie-Britannique qui préférerait faire affaire en Colombie-Britannique. Toutefois, les actionnaires peuvent se trouver un peu partout au monde. En vertu de quelle juridiction seraient-ils régis alors?

Je suis en Ontario. Si j'ai des problèmes, je devrais me rendre à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et raconter ce qui se passe en Colombie-Britannique. Nous avons eu affaire à une situation du genre au moment de la prise de contrôle de Domane et de la vente de certaines actions par l'ancien premier ministre de la C.-B. Les actionnaires de l'Ontario ne pouvaient prendre aucune mesure parce que Doman était inscrite en C.-B. et que son siège social était situé dans cette province. Tout le travail était effectué en C.-B. Les actionnaires de l'Ontario n'y avaient pas accès à moins de s'y rendre personnellement et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario ne pouvait réagir officiellement pour les actionnaires de l'Ontario.

Mme Hendriks: J'ajouterais qu'il se développe un marché électronique. J'ai assisté récemment à un forum organisé par la Commission ontarienne des valeurs mobilières et on a discuté de cette question. L'aptitude des bourses de valeurs mobilières locales du Canada à gérer diverses organisations change avec l'avancement de la technologie. Toutes ces questions doivent être étudiées au niveau national.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez de partage d'informations et du rôle des analystes financiers auprès des compagnies qu'ils analysent, je pense aux gens qui vendent les actions. Dans un sens, on peut dire que toutes les maisons de courtage se trouvent dans une certaine situation de conflit d'intérêts. Cela me préoccupe. Je ne sais pas si on peut se pencher sur cette question parce qu'il y a un aspect un peu sauvage à tout cela.

Prenez par exemple une maison de courtage qui émettrait des titres pour une compagnie comme Philips Environmental. Une maison de courtage nationale l'a fait de façon très active il y a six ou huit mois. Bien sûr, dans des cas de ce genre, la maison a beaucoup d'actions dans cette compagnie. Je préfère m'occuper moi-même de mes investissements, parce que j'ai l'impression, comme d'autres j'en suis persuadé, qu'il arrive que les maisons de courtage se sortent d'un pétrin en recommandant à leurs clients des actions qu'ils savent être en mauvaise posture. C'est une hypothèse que je fais. Il est difficile pour eux de faire autrement. Bien sûr à titre de citoyen honnête je me dis que je ne serais pas tenté de le faire, mais si je me retrouvais dans cette situation, je pourrais peut-être être tenté.

Comment régler certaines de ces questions qui à mon avis causent un problème parce que les sociétés ne révèlent pas certaines informations qui devraient être portées à la connaissance du public?

Certains des problèmes soulevés dans le cas de la Philips Environmental et bien sûr de Bre-X, étaient reliés au manque d'information. Des analystes se penchaient sur le cas de la société Bre-X qui n'avait pas encore produit une once d'or. Il est incroyable que l'on ait réussi à faire monter le prix des actions à plus de cent dollars chacune, alors que la compagnie n'avait jamais même produit une once d'or. Jamais rien n'avait été inscrit.

Ce sont des questions sur lesquelles nous devrions nous pencher parce que les régimes de retraite sont touchés. Bon nombre de personnes ont perdu toutes leurs économies dans des organisations de ce genre. Les analystes disaient pourtant que c'étaient des compagnies extraordinaires.

Mme Hendriks: Vous touchez en fait plusieurs questions ici.

La première question a trait au fait qu'il y a toujours un certain potentiel de fraude dans l'industrie des valeurs mobilières. Je crois que vous avez soulevé divers exemples de fraudes possibles sur lesquels je suis persuadée que les organismes de réglementation se pencheront.

Faire passer ses intérêts personnels avant ceux de ses clients est une violation grave des normes établies. L'AIMR a recommandé fortement que les maisons adoptent des méthodes internes qui forceraient les employés à faire état de leur propre portefeuille d'actions ou de toutes les propriétés sur lesquelles ils pourraient avoir un certain contrôle. Ils ne peuvent avoir ces actions de toute façon. Dans certains cas, certaines maisons ont adopté des politiques qui interdisent ces avoirs. Il doit y avoir des politiques à cet effet dans les maisons de courtage.

Vous avez également souligné la possibilité d'avantager un client plus qu'un autre. Vous sembliez croire que c'était une possibilité. Il y a également des règles dans le guide qui prévoit la tenue simultanée des transactions ou qui exigent que l'on divise équitablement tout bloc d'action. Les clients doivent être traités de façon équitable et on doit faire passer les intérêts des clients avant ses intérêts personnels. Ce sont les normes établies. Agir autrement constituerait un manquement aux obligations fiduciaires en vertu de la common law, si ce n'est un manquement aux lois sur les valeurs mobilières.

Pour reprendre votre exemple de Bre-X ou tout autre cas dans lequel un analyste donne son avis sur des actions, je dirais que tout ce qu'un analyste peut faire est d'analyser les renseignements dont la compagnie lui fait part. Les analystes doivent se servir des renseignements qui sont à la disposition du public. Ils font leur propre recherche, de façon très méticuleuse. En bout de ligne toutefois, ils doivent se fier aux renseignements qu'ils obtiennent des émetteurs. Ils doivent pouvoir se fier sur ces renseignements, faire leurs propres vérifications et tenir des rencontres. Toutefois, ils doivent aussi être en mesure de présenter des idées et des prémisses sans quoi on ne pourrait faire avancer de nouveaux dossiers.

Je crois que vous voulez insister sur la nécessité de disposer de renseignements fournis par les sociétés elles-mêmes, à titre d'émetteurs.

Le sénateur Tkachuk: Ces dispositions devraient également s'appliquer aux courtiers et aux analystes. Un courtier devrait donner tous les renseignements nécessaires à son client lorsqu'il lui parle d'un titre. Par exemple, lorsqu'un courtier de RBS Dominion téléphone à un client pour lui recommander d'acheter certaines actions, il devrait également lui dire que sa compagnie possède 500 000 actions de ce titre particulier pour lesquelles elle a payé 12 dollars l'action.

Mme Hendriks: Des informations de cette nature sont déjà prévues dans les normes.

Le sénateur Tkachuk: Les courtiers ne le font pas cependant.

Mme Hendriks: Les analystes sont censés faire part des avoirs de leur compagnie. Il doit y avoir un mur du silence tout autour de ces avoirs. Comme je l'ai souligné, s'ils sont également preneurs fermes pour la société, ils doivent alors inscrire cette société sur une liste restreinte de façon à s'assurer que les renseignements qu'ils transmettent sont purement documentaires et qu'ils ne constituent pas des rapports pouvant encourager les gens à acheter ces actions. Ce sont là les normes établies. Je crois que cela règle la question.

Les normes prévoient également que l'on doit connaître ses clients. Toutes les lois provinciales sur les valeurs mobilières prévoient l'obligation fiduciaire de comprendre ses clients, les risques qu'il peut prendre et ses besoins au chapitre de la diversification. Certains clients peuvent se permettre quelques actions du genre de celles de la Bre-X dans leur portefeuille si leurs placements sont diversifiés et qu'ils comprennent bien les risques en jeu. Toutefois, les risques sont accrus si ce sont là les seules actions qu'ils possèdent. Je crois que la situation à laquelle vous faites référence à davantage trait à la façon dont certains clients mènent leurs affaires.

Il ne faut pas non plus réprimer le marché à un point tel qu'on ne puisse faire avancer aucun dossier. C'est le prix à payer.

Le sénateur Tkachuk: Bien sûr que non. Cela me mène à la prochaine question. J'essaie d'établir des liens entre tout cela.

Il y a une question dont nous avons discuté quelques fois en rapport avec la participation accrue des fonds de pension et des gros fonds communs de placement dans le fonctionnement d'une compagnie. Quand les actionnaires commencent à agir comme des propriétaires, ils devraient peut-être également siéger au conseil et assumer des responsabilités quand les choses se gâtent.

Je suis assez préoccupé par cet activisme. À mon avis, si vous voulez acheter des actions dans une compagnie et que vous voulez tout savoir sur cette compagnie, vous devez faire vos propres analyses. Si vous considérez que cela ne fonctionne pas bien, alors vous vous retirez. En participant à la gestion, c'est-à-dire en modifiant la façon dont les choses sont menées, on exerce une pression indue. Cette pression est due aux pouvoirs importants que vous détenez et aux avoirs de milliers d'actionnaires envers lesquels vous êtes responsables, ces gens qui pourraient être les bénéficiaires de fonds de pension. Lorsqu'on commence à s'impliquer, on devrait peut-être également assumer les conséquences qui en découlent.

Mme Hendriks: Vous soulevez là un point intéressant. Je vais soumettre la question à notre comité de réglementation et nous allons en tenir compte officiellement dans notre présentation. C'est une question assez détaillée. Il pourrait être utile de le faire.

Le sénateur Austin: Mme Hendriks, puisque l'objet principal de votre présentation devant nous ce matin avait trait à l'adoption d'un cadre réglementaire unique au Canada, j'aimerais poser quelques questions à ce sujet.

Vous nous avez donné certaines raisons pour lesquelles vous croyez qu'il est temps de mettre sur pied un cadre réglementaire unique au Canada. Vous avez fait allusion en passant aux systèmes électroniques que l'on voit de plus en plus. Comme vous le savez, aux États-Unis, il y a un grand nombre d'entreprises importantes qui ont des sites Web qui leur permettent d'effectuer des opérations commerciales via Internet. C'est ce qu'on appelle le courtage électronique réduit. J'aimerais avoir votre avis sur la possibilité de telles activités commerciales au Canada et sur la façon dont ces activités seraient réglementées compte tenu du fait que nous faisons affaire avec plusieurs juridictions et que le commerce n'est par définition pas restreint par ces frontières.

Mme Hendriks: C'est un bon point. On a discuté de cette question au cours d'un forum d'une journée entière présenté par la Commission ontarienne des valeurs mobilières. On a parlé du marché électronique. Il ne s'agit pas uniquement de l'accès Internet permettant les opérations en direct. On pourrait penser par exemple à faire des opérations directement à la maison à partir d'un ordinateur portatif. Cela a également trait à des compagnies internationales qui sont très lucratives, compte tenu du volume des échanges.

Le marché électronique ne fonctionne pas au niveau du marché boursier normal. Dans l'exposé que j'ai entendu, les marchés boursiers du Canada et d'ailleurs au monde, se sont dit préoccupés par cette question. Je crois que le Pacific Stock Exchange en Californie a engagé un expert pour étudier ces questions.

L'autorité canadienne en matière de valeurs mobilières n'a pas encore précisé sa position à ce sujet. Les responsables ont entendu les commentaires présentés au forum. Ils revoient la question. Je crois qu'il s'agit d'une question globale. Au fur et à mesure que la technologie avance, la question devient plus urgente. Je crois qu'ils ont commencé à se pencher sur la question il y a huit ans environ, mais de jour en jour la technologie progresse et il devient de plus en plus facile d'effectuer ces transactions.

Le sénateur Austin: Comme vous le savez, on peut maintenant s'attendre à ce que la réglementation commerciale devienne tout à fait inutile puisque quelqu'un à l'interne pourrait agir dans une juridiction commerciale étrangère et utiliser des renseignements internes, en ayant recours à ce marché électronique. Il pourrait alors être impossible de l'identifier. Le système est de plus en plus perméable.

Mme Hendriks: Je suis d'accord avec vous. Je crois que cela dépasse notre champs de compétences, mais je suis persuadé que les responsables de la réglementation se penchent sur la question. Je crois que les marchés financiers du Canada sont assez préoccupés par la question parce que le marché électronique permet à une personne d'acheter un bloc d'actions de façon tout à fait anonyme. Vous pouvez acheter un bloc important d'actions et le volume que vous désirez n'apparaît pas nécessairement à l'écran. Vous pouvez vous arranger pour sembler demander 2 000 actions alors que vous en voulez en réalité un million. Il suffit par la suite de renouveler les 2000 actions jusqu'à ce qu'on obtienne le montant voulu. C'est formidable.

Je crois que la U.S. Securities and Exchange Commission a récemment publié quelque chose à ce sujet.

Le sénateur Austin: J'ai remarqué que le Canada est le seul pays du G-7 ou même du G-8 à ne pas avoir de système national de réglementation du commerce des valeurs mobilières.

Mme Hendriks: C'est exact.

Le sénateur Austin: Tous les autres pays concurrents au chapitre du marché global et des mouvements de capitaux, ont un organisme de réglementation unique appliquant des normes nationales. Il m'a semblé que l'une des plus grandes difficultés qui nous empêche d'arriver à une norme nationale est le fait que l'Ontario n'est pas prête à renoncer à sa juridiction, tout particulièrement aux revenus qu'elle tire de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et des opérations de la Bourse de Toronto. Connaissez-vous leur position à ce sujet?

Mme Hendriks: L'automne dernier, nous avons écrit à tous les ministres provinciaux des Finances ainsi qu'au ministre fédéral et la majorité d'entre eux nous ont répondu. Le ministre Eaves s'est dit en faveur d'une Commission nationale des valeurs mobilières. Je ne sais pas cependant ce qui entrave les discussions qu'ils tiennent en privé. Le protocole d'entente qui vise à établir la Commission nationale des valeurs mobilières n'a pas encore été rendu public. On ne s'attend pas à ce que ce le soit d'ici le mois de juin. Je ne connais pas les détails de cette entente.

Je crois qu'il y a certains obstacles qui empêchent les provinces de s'entendre. Il y a probablement certains points sur lesquels ils ont du mal à s'entendre, mais j'espère tout de même qu'ils pourront y arriver.

Le sénateur Austin: Si vous aviez des renseignements à ajouter à votre exposé, j'en serais heureux.

L'autre question qui me préoccupe en ce qui touche la mise sur pied d'une Commission nationale des valeurs mobilières est la position de la province de Québec qui n'est pas d'accord avec la création d'un organisme de réglementation unique. Si on recule un peu en arrière, on se rend compte que la première recommandation a été faite par une Commission royale présidée par H.H. Stevens. Cette commission a été établie pendant la période de R. B. Bennett. En 1933 ou 1934, la commission Stevens a recommandé que le gouvernement fédéral mette sur pied une commission nationale des valeurs mobilières, soulignant l'importance de la juridiction fédérale, pour utiliser la terminologie à la mode à ce moment-là. Autrement dit, les gouvernements provinciaux ne pouvaient pas légiférer à moins que le gouvernement fédéral occupe le terrain. C'était là la position constitutionnelle à l'époque. Toutefois, la configuration actuelle de la volonté politique pourrait maintenant compliquer la situation.

Je me demande qu'elle importance vous accordez à cette question. Le gouvernement fédéral détient en vertu de l'alinéa 92(10)c) le pouvoir constitutionnel de mettre sur pied un système de réglementation des valeurs mobilières, y compris le marché des valeurs mobilières, ou de s'engager à le faire dans l'intérêt du Canada. Le gouvernement fédéral a même le pouvoir, probablement sans avoir recours à l'alinéa 92(10)c) auquel il a accès de toute façon, d'éliminer tout point d'ordre constitutionnel. Il faut toutefois déterminer si le gouvernement fédéral devrait utiliser un tel pouvoir. Il faut d'abord déterminer l'importance pour le Canada d'être le seul des grands pays à ne pas disposer de pouvoir de réglementation en matière de sécurités mobilières.

Mme Hendriks: C'est pour nous une question très importante. Lorsque nous déposerons notre mémoire, nous y inclurons une copie de l'exposé de principe que nous avons transmis au ministre des Finances à l'automne. Il ne revient probablement pas à la CCAF de décider si le gouvernement fédéral devrait occuper unilatéralement ce domaine, mais nous considérons la question comme étant très sérieuse.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais clarifier un certain point. J'aimerais que le sénateur Austin vienne faire un discours pour convaincre les autorités québécoises d'avoir recours à l'alinéa 92(10)c) pour exercer un contrôle sur les valeurs mobilières au Québec. Plus sérieusement, j'ai rencontré hier le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec qui m'a dit avoir l'intention d'établir un contact avec le comité sur les banques. Il a souligné également qu'il aimerait suivre nos travaux. Il aimerait même pouvoir faire un exposé et présenter un mémoire. Puisque la Commission des valeurs mobilières du Québec n'a pas engagé de dialogue avec nous depuis longtemps, j'ai considéré qu'il s'agissait là d'un geste important et plein de signification. Ils ont maintenant une nouvelle loi. Ils opèrent de façon plus indépendante du gouvernement et ils ont l'intention de collaborer davantage avec les autorités fédérales. J'aimerais beaucoup mieux travailler de concert avec eux que d'avoir l'air de leur imposer quoi que ce soit.

Ça peut prendre un certain temps pour que les ajustements soient faits, mais vous comprendrez que je m'oppose fermement à imposer quoi que ce soit à une commission des valeurs mobilières sans la participation de toutes les provinces. C'est une chose qui doit être faite. Je le reconnais. Je l'ai proposée moi-même.

Le sénateur Austin: J'aimerais que ma collègue sache bien qu'en posant toute une série de questions, je ne tentais pas de proposer le recours à l'alinéa 92(10)c) ou même à une décision de la Cour suprême. Je ne voulais que donner quelques renseignements historiques. Vos commentaires semblent indiquer que je tentais de défendre une chose que je ne faisais pas. Cela me trouble. Je ne sais pas si vous étiez présente quand j'ai dit que la province de Québec ne serait pas d'accord avec la mise sur pied d'une commission nationale des valeurs mobilières.

M. Hall: J'aimerais faire un commentaire sur la Commission nationale sur les valeurs mobilières. Il vaudrait mieux pour l'industrie canadienne et les sociétés qui veulent être ouvertes au public qu'il y ait un marché national. Actuellement, beaucoup de petites entreprises vont chercher leur financement directement sur le marché américain où il n'y a qu'un seul organisme de réglementation. Elles contournent la réglementation canadienne et le dédoublement. Ça semble leur convenir. On ne sait pas exactement combien agissent ainsi. Mais, à la longue, si les entreprises sont de plus en plus nombreuses à faire affaire avec la Commission des valeurs mobilières américaine, la Commission nationale sur les valeurs mobilières au Canada n'aura plus sa raison d'être.

Mme Hendriks: Même si le protocole d'entente n'a pas encore été rendu public, je crois comprendre que le Québec est un des signataires de la Commission nationale virtuelle, qui prévoit un partage de pouvoirs. C'est encourageant.

Le sénateur Stewart: On a tellement élevé le débat que j'hésite à poser ma question. Je me demande si le Conseil des analystes financiers se préoccupe de ce que j'appellerai le phénomène d'emballement. Je vous pose la question parce que le sénateur Tkachuk a donné l'exemple de Bre-X et on a parlé d'un manque d'information avant le gonflement du prix des actions. Puis, à une des questions du sénateur Austin, vous avez parlé du marché électronique et, si j'ai bien compris, il a en quelque sorte accepté votre point de vue et parlé de la perméabilité du système.

Pour donner des conseils, vos analystes chevronnés s'intéressent-ils uniquement aux principes fondamentaux, les données parfaitement accessibles, ou tiennent-ils aussi compte du marché?

Disons, pour vous donner un exemple fictif, que mon courtier pense bien qu'une compagnie n'a pas trouvé d'or mais, comme ses actions sont indiscutablement à la hausse, il me conseille d'en acheter pour deux ou trois semaines, histoire de faire de l'argent, ce que je fais. Bien sûr, d'autres courtiers conseillent la même chose, et il y a un effet d'emballement tout à fait sans rapport avec les principes économiques fondamentaux. Les courtiers le savent, mais ça rapporte beaucoup d'argent.

J'aimerais savoir si votre conseil se préoccupe du phénomène d'emballement?

Mme Hendriks: Je pense que ce qui compte pour l'analyste, quel que soit le portefeuille d'actions, ce sont les risques que son client est prêt à prendre, la relation qu'il a avec lui, la latitude qui lui est accordée et s'il s'agit d'un investissement à court ou à long terme. L'effet d'emballement vise les investissements à court terme qui peuvent représenter un risque très élevé. Si on travaille pour le compte d'un grand investisseur, il faut penser à long terme et avoir une stratégie.

Le sénateur Stewart: Vous semblez dire que ce genre d'investissement serait acceptable pour un client prêt à prendre de très grands risques pour une courte période.

Mme Hendriks: Je crois que c'est à l'analyste et à son client de décider. Tout dépend du risque que l'investisseur est prêt à prendre. Évidemment, l'analyste doit faire son travail et lire tous les rapports avant de prendre une décision et de donner un conseil. Puis, il faut voir si l'investisseur laisse l'analyste décider ou s'il paye pour se faire conseiller et tient à prendre lui-même les décisions.

Le sénateur Stewart: Donc, la divulgation de l'information pertinente n'est qu'un des deux aspects dont tient compte le courtier. L'autre, ce sont les extravagances possibles du marché. Il faut s'assurer d'en profiter juste le temps qu'il faut.

Mme Hendriks: Ce sont les réalités du marché. L'analyste qui travaille avec professionnalisme voudra s'assurer de donner de bons conseils à ses clients. Ils ne sont pas obligés de les suivre.

Le président: Nous vous remercions, madame Hendriks et monsieur Hall, d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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