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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 22 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 juin 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (le rôle des investisseurs institutionnels).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nos premiers témoins sont les représentants d'IMASCO.

Comme un grand nombre d'entre vous s'en souviendront, si nous faisons cette étude, c'est notamment en raison des observations que M. Levitt et son président nous ont faites il y a un an et demi environ, lorsque nous examinions les dispositions de la LCSA concernant la régie des sociétés. Nous y avons été amenés, en partie, par plusieurs remarques faites par des gens d'IMASCO, de Bell Canada et d'autres. Nous sommes donc ravis, monsieur Levitt, que vous comparaissiez à l'occasion de notre dernier jour d'audiences sur le sujet.

Je sais que vous avez une brève déclaration à nous faire et je vais donc vous céder la parole, après quoi nous vous poserons des questions, comme vous le savez, étant donné que vous avez déjà comparu à plusieurs reprises.

M. Brian Levitt, président, IMASCO: Si nous avons bien compris, le comité s'intéresse au rôle que les investisseurs institutionnels jouent sur les marchés canadiens des capitaux. C'est donc avec plaisir que nous vous décrirons, aujourd'hui, le genre de relations qu'IMASCO entretient avec les investisseurs et que nous vous ferons part de nos expériences dans cet important domaine.

Afin de placer nos observations dans leur contexte, je commencerai par une brève description de notre entreprise et de nos actionnaires. Je résumerai ensuite notre expérience avec les investisseurs institutionnels et nos relations avec les investisseurs. Ensuite, M. McBride et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

IMASCO est l'une des plus grandes entreprises canadiennes de produits et de services de consommation dont les activités s'étendent au Canada et aux États-Unis et dont les revenus se sont chiffrés aux environs de 10 milliards de dollars en 1997.

Nos principales entreprises sont: Imperial Tobacco, le chef de file de l'industrie canadienne qui possède 68 p. 100 du marché national des cigarettes; CT Financial Services Inc., la maison mère de Canada Trust et un concurrent important dans le domaine des services financiers au détail au Canada; Shoppers Drug Mart-Pharmaprix, le seul groupe national de pharmacies du Canada et Genstar Development Company qui viabilise des quartiers résidentiels pour les constructeurs de maisons de divers marchés de l'Amérique du Nord.

La mission de notre société consiste à accroître l'actif de nos actionnaires et nous gérons notre entreprise en vue de la faire croître d'une année à l'autre. À l'exclusion de certains articles spéciaux, notre bénéfice par action a augmenté à un taux annuel composé de 14 p. 100 au cours des cinq dernières années.

Dans le contexte du sujet que le comité étudie, il est important de souligner que nos actionnaires en ont bénéficié en conséquence. Grâce au réinvestissement des dividendes, le rendement total annuel composé de nos actions au cours de cette période de cinq ans a été de 24 p. 100 contre 17 p. 100 pour le TSE 300.

La valeur marchande des actions ordinaires d'IMASCO se chiffre actuellement aux environs de 12,5 milliards de dollars, ce qui représente l'une des principales capitalisations non bancaires au Canada. Le principal actionnaire d'IMASCO est B.A.T. Industries, du Royaume-Uni, qui détient 42 p. 100 de nos actions ordinaires. Les 58 p. 100 restants représentent le flottant transigé dans les bourses de Toronto, Montréal et Vancouver.

Il faut souligner qu'IMASCO entretient des relations tout à fait particulière avec son principal actionnaire. Nous fournissons à B.A.T. l'information dont elle a besoin et nous la consultons périodiquement pour profiter de son expérience et de ses conseils. Néanmoins, c'est le conseil d'administration d'IMASCO qui détient le pouvoir décisionnel ultime et B.A.T. n'a fait nommer aucun représentant au conseil depuis au moins 50 ans.

IMASCO a vu augmenter, ces dernières années, le pourcentage de ses actions qui sont détenues par des institutions canadiennes. Nous attribuons cela aux caractéristiques attrayantes de nos investissements ainsi qu'à la croissance enregistrée par les investisseurs institutionnels du Canada et aux répercussions de la règle de la propriété étrangère qui limite les options offertes aux investisseurs canadiens.

La mondialisation et l'amélioration de la situation économique au Canada amènent également les institutions étrangères à s'intéresser davantage aux actions canadiennes. Dans le cas d'IMASCO, la proportion d'actionnaires étrangers a augmenté régulièrement ces dernières années et détient maintenant environ 20 p. 100 de notre flottant.

Dans l'ensemble, nous estimons à près de 80 p. 100 la proportion du flottant d'IMASCO détenue actuellement par des investisseurs institutionnels. La croissance de ce secteur s'est accompagnée d'une tendance, de la part des investisseurs institutionnels, à se fier davantage à leurs services de recherche internes qu'aux analystes du marché boursier. Cela a eu pour effet d'accroître les contacts directs entre les institutions et les sociétés cotées en bourse.

Je tiens à préciser, dès le départ, que nous n'avons jamais eu d'affrontements avec nos principaux actionnaires; nous avons toujours eu des relations très positives avec eux. Notre interaction s'inscrit généralement dans le contexte de nos activités de divulgation continues et de notre programme de relations avec les investisseurs.

Nous attribuons à trois principales raisons le fait que l'activisme des actionnaires ne soit pas encore venu frapper à notre porte. D'abord et avant tout, le rendement de nos investissements a été bon. Comme je l'ai déjà dit, IMASCO a enregistré continuellement des résultats supérieurs à la moyenne ces dernières années. Lorsqu'un actionnaire intervient c'est souvent, et à juste titre, lorsque le rendement est insatisfaisant et que l'institution en question possède une telle quantité d'actions qu'elle nuirait à ses intérêts en votant sans poser de questions.

Deuxièmement, nous sommes très orientés vers les actionnaires. Notre système de régie et notre façon d'aborder certains des sujets les plus controversés qui intéressent les investisseurs institutionnels en témoignent. Par exemple, nous n'avons pas de «pilule empoisonnée» ou d'actions à vote plural. Par contre, nous avons des votes confidentiels et un système de rémunération au rendement pour nos dirigeants.

Le président: Qu'entendez-vous par vote confidentiel?

M. Levitt: Depuis trois ans, nous nous sommes orientés vers un système qui empêche la direction de savoir comment l'actionnaire A ou B a voté. Normalement, les procurations sont retournées à l'agent des transferts. Je ne le ferais pas, mais je pourrais l'appeler pour demander: «Comment le régime de pensions X a-t-il voté sur cette question?».

Le président: On ne vous le dira pas.

M. Levitt: C'est organisé de façon à ce que l'on ne nous le dise pas. Il y a quelques rares exceptions qui ne me viennent pas à l'esprit pour le moment.

Le sénateur Angus: Vous pouvez vous renseigner.

M. Levitt: Non, je ne le peux pas.

Le sénateur Angus: Je pensais que vous pouviez téléphoner.

M. Levitt: Non. Nous avons mis un système en place qui permet à nos actionnaires de voter en sachant que nous ne saurons pas comment ils ont voté.

Le président: Veuillez poursuivre votre déclaration. Nos reviendrons sur ce point, car je voudrais comprendre quels en sont les avantages.

M. Levitt: La rémunération des dirigeants d'IMASCO est constituée en grande partie d'actions ce qui permet d'aligner étroitement les intérêts de la direction sur ceux des actionnaires.

Enfin, nous croyons que les investisseurs institutionnels ont le droit et l'obligation de s'intéresser au développement de notre entreprise. Nous y contribuons dans le cadre de nos relations avec les investisseurs.

À cet égard, il pourrait être utile de passer brièvement en revue ce que nous essayons d'accomplir dans le cadre de nos relations avec les investisseurs et comment nous procédons.

Nous considérons que nous concurrençons les autres actions émises dans le public pour l'obtention d'une part du portefeuille des investisseurs. Cela veut dire que pour réussir nous devons établir des relations de confiance à long terme avec nos investisseurs. Nous nous efforçons donc de les informer de façon à assurer le maximum de transparence.

Nous savons que si nous ne gérons pas comme il faut nos rapports avec les institutions et les analystes, nous allons perdre rapidement leur confiance et leur appui. Mais surtout, nous cherchons à dialoguer efficacement avec le milieu de l'investissement. Nous avons donc des contacts continus avec les investisseurs et les analystes institutionnels.

En dialoguant avec le milieu de l'investissement, nous nous efforçons d'attirer des actionnaires qui ont des attentes réalistes quant aux résultats futurs d'IMASCO et qui veulent posséder nos actions sur cette base. C'est la seule façon d'éviter de décevoir les actionnaires et c'est, à notre avis, la bonne façon de se comporter pour une entreprise.

Nos documents d'information représentent la pierre angulaire de notre programme de relations avec les investisseurs. Nous avons constaté qu'il valait largement la peine d'investir suffisamment de temps et d'efforts pour que les documents publics soient aussi complets et utiles que possible.

IMASCO limite également le nombre de ses porte-parole. M. McBride est notre principal contact avec les investisseurs et c'est lui qui répond à la plupart des demandes de renseignements. À part lui, seul le directeur financier d'IMASCO et moi-même sommes autorisés à parler aux investisseurs. C'est une façon simple, mais efficace, de contrôler l'information que nous diffusons.

Nous rencontrons tous les trimestres les analystes du marché boursier, tant du côté de l'achat que de la vente. Le but de ces réunions et d'examiner les résultats et de discuter des questions importantes. Nous préférons les réunions en personne aux appels-conférences, car nous pensons que le contact personnel nous aide à établir de bonnes relations. Nous distribuons, à ces réunions, la copie papier de la présentation de diapositives et de ma déclaration. Les personnes qui n'assistent pas aux réunions reçoivent cette documentation par télécopieur ou par courrier. Elle est également affichée dans notre site Web.

Nous aimons aussi pouvoir parler directement aux institutions. Comme je l'ai déjà dit, c'est autant pour entendre leurs opinions que pour leur présenter nos renseignements. L'année dernière, nous avons participé à une vingtaine de rencontres de ce genre. Étant donné le caractère privé de ces réunions, il faut prendre certaines précautions. Nous veillons bien à éviter de divulguer sélectivement l'information et, si possible, IMASCO se fait représenter à ces réunions par deux de nos trois porte-parole autorisés. Nous tenons un journal de la réunion afin que nous sachions tous les trois quelle était la teneur des discussions.

Une dernière chose à propos des réunions. Nous avons pour politique de ne pas rencontrer les institutions et les analystes pendant les périodes tranquilles. J'entends par là les moments où notre politique n'autorise pas les initiés d'IMASCO à transiger leurs actions. La plupart du temps, c'est avant la publication des résultats financiers. Cela peut être aussi lorsque des nouvelles importantes doivent être annoncées et nous évitons également, dans ces circonstances, de tenir des réunions.

Pour conclure, je récapitulerai de la façon suivante l'expérience et la situation d'IMASCO. La taille et le nombre des investisseurs institutionnels s'étant élargie, la proportion des actions que détiennent les institutions a augmenté du même coup. Nous croyons que les gestionnaires de ces fonds ont le droit et l'obligation de s'intéresser activement aux affaires d'IMASCO et qu'ils le font généralement d'une façon raisonnable et constructive.

Nous avons constaté qu'un système de régie efficace et de bonnes relations avec les investisseurs permettaient facilement de répondre aux besoins des investisseurs institutionnels. Dans l'ensemble, nous estimons que l'influence grandissante de ces investisseurs contribue à préserver l'intégrité des marchés des capitaux canadiens.

Mon collègue et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: J'ai été plutôt sidéré par votre chiffre de 80 p. 100.

Le sénateur Angus: Sauf qu'il correspond à l'ensemble du marché des capitaux au Canada.

Le président: En effet. Sur ces 80 p. 100 -- et je sais que ce n'est qu'un chiffre approximatif -- avez-vous une idée du nombre d'investisseurs institutionnels qui détiennent ces 80 p. 100 des actions?

M. Peter McBride, vice-président, Communications et relations avec les investisseurs, IMASCO: La totalité des principaux investisseurs habituels en font partie, les Enseignants de l'Ontario, la Caisse de dépôt, OMERS et les autres -- et ce sont les principaux actionnaires. Ils divulguent publiquement leur avoir une fois par an. OMERS possède 5 à 6 millions d'actions; les enseignants en ont près de 7 millions.

Le président: Quel pourcentage cela représente-t-il?

M. McBride: Tout dépend si vous tenez compte du flottant, ce qu'il faudrait sans doute considérer. Autrement dit, à l'exclusion de B.A.T., cela représente 5 ou 6 millions sur un total de 130, soit 2 à 3 p. 100.

M. Levitt: Un petit problème, qui n'en est pas vraiment un, est qu'il est difficile de savoir qui possède les actions étant donné qu'un rapport n'est obligatoire que si quelqu'un en possède plus de 10 p. 100. Peter passe pas mal de temps à essayer de recouper les chiffres, mais ils fluctuent beaucoup.

Le président: Juste un commentaire à propos des chiffres. Le gouvernement a contribué à remédier un peu au problème en adoptant une recommandation formulée par notre comité et le groupe d'entreprises qui demandaient des changements à la Loi sur les sociétés par actions afin de permettre à la société d'établir qui sont ses actionnaires. Le problème se trouvera donc réglé lorsque la loi sera présentée plus tard au cours de l'année.

M. Levitt: Pour revenir sur ce qu'a dit Peter, s'il est important de savoir qui sont vos actionnaires, c'est d'abord pour que vous sachiez qui vous devez informer et également qui n'est pas actionnaire de votre société.

Comme j'essayais de le dire dans notre déclaration liminaire, les marchés financiers se comparent à un supermarché. Ils offrent un tas de produits et nous ne sommes qu'un des produits sur les étagères. Nous cherchons à conserver nos actionnaires en faisant preuve d'équité, d'ouverture et de transparence, mais c'est une fonction de marketing.

Il est avantageux pour nos actionnaires que nous ayons un large groupe d'actionnaires aux attentes réalistes. Le véritable objectif de notre programme de relations avec les investisseurs est donc de faire en sorte que nous ayons un groupe d'actionnaires qui ont acheté nos actions en ayant des attentes réalistes. Nous visons également les gens qui ne possèdent pas nos actions, mais qui ne les connaissent peut-être pas. Nous voulons les leur vendre.

Le président: Ils partagent peut-être les mêmes attentes.

Le sénateur Angus: J'ai une ou deux questions préliminaires qui font suite à ce que vous avez dit, monsieur Levitt. CT Financial Services, Canada Trust présente évidemment un intérêt particulier pour le comité étant donné qu'il s'agit d'une grande institution financière canadienne. CT Financial Services est-elle une filiale d'IMASCO? Comment le public y participe-t-il?

M. Levitt: Nous possédons un peu plus de 98 p. 100 des actions ordinaires de CT, étant donné que c'est une institution financière réglementée, et cela correspond à notre système de gestion qui est décentralisé et centré sur quelques questions clés. Nous avons structuré nos relations avec CT de façon telle que c'est son conseil d'administration qui la gère vraiment.

Nous avons maintenant trois des 24 ou 25 administrateurs -- je ne me souviens plus s'il y en a 25 ou 24, mais nous en avons trois. Il s'agit de moi-même, de notre directeur financier et de notre président. Notre président est également le président de CT, si bien que nous participons à la régie de cette société par l'entremise de son conseil d'administration par opposition à nos autres entreprises, qui sont en propriété exclusive et avec qui nous avons des relations directes sur le plan de la gestion. Il n'y a pas de conseil d'administration parce qu'il n'y a pas d'investisseurs de l'extérieur.

Le sénateur Angus: Qu'en est-il des 2 p. 100 restant des actions ordinaires -- vous avez mentionné, je crois, qu'IMASCO en possédait 90 p. 100.

M. Levitt: IMASCO en possède plus de 98 p. 100.

Le sénateur Angus. N'y a-t-il pas là une anomalie?

M. Levitt: Au moment où nous les avons achetées, le flottant était en circulation et nous n'avons pas vu de véritable avantage à en faire l'acquisition. Comme il s'agit d'une institution financière réglementée, même si vous en êtes propriétaire à 100 p. 100, sa régie sera la même. Elle doit être gérée sans lien de dépendance, car contrairement aux autres entreprises dont tout l'argent nous appartient, pour ce qui est d'une institution financière, vous en possédez les actions, mais l'institution a une présence indépendance sur les marchés financiers. Le système de régie est donc légèrement différent.

Le sénateur Angus: Je suppose qu'il y a une structure compliquée et qu'il y a d'autres types d'actions détenues directement par le public?

M. Levitt: Oui. CT Financial Services est une société de portefeuille qui possède plusieurs institutions financières réglementées. La Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt exige que le public participe au vote pour l'élection des administrateurs. La société hypothécaire émet donc une série d'actions représentant 35 p. 100 des votes pour l'élection des administrateurs des sociétés réglementées.

Le public participe de cette façon à la régie de la société, mais il n'en possède pas l'actif.

Le sénateur Angus: Cela m'amène à une autre question concernant les recoupements que fait M. McBride et la difficulté de savoir qui est actionnaire. Ai-je raison de penser que la règle des 10 p. 100 s'applique à la propriété?

M. Levitt: Non.

Le sénateur Angus: Pas dans le cas de CT, contrairement aux banques.

M. Levitt: CT n'est pas constituée aux termes de la Loi sur les banques.

Le sénateur Angus: En fait, quelqu'un pourrait-il en être propriétaire?

M. Levitt: En effet. Si ce n'est que nous en sommes propriétaires.

Le sénateur Angus: Pour le moment, vous en êtes propriétaire. Cela dit, vous nous avez décrit de façon assez succincte le programme de relations avec les investisseurs que vous avez mis sur pied dans le cadre de la régie de la société mère. Vous avez fait valoir qu'à l'exception des trois représentants de votre conseil d'administration, CT avait son propre conseil, sa propre structure de régie et son propre chef de la direction.

M. Levitt: Oui.

Le sénateur Angus: Qui rendent des comptes aux mêmes actionnaires, je suppose.

M. Levitt: C'est légèrement différent. Tout d'abord, CT a son propre programme de relations avec les investisseurs. Elle ne suit pas beaucoup ses actions étant donné que le flottant est peu important, mais elle est très présente sur les marchés des emprunts pour ce qui est des actifs, des titres et des débentures. Autrement dit, elle lève des capitaux de deuxième catégorie sur le marché des créances afin de répondre aux exigences de la réglementation. Il est donc important qu'elle reste indépendante pour avoir accès à ce marché, et c'est ce qu'elle fait. Chaque trimestre, elle organise une réunion des analystes. Son programme n'est pas très différent du nôtre.

Le sénateur Angus: Y allez-vous?

M. Levitt: Non.

M. McBride: Dans le cas d'un courtier qui vend des actions, par exemple, et qui s'intéresse à IMASCO, il se fiera d'abord à un analyste des produits de consommation -- et c'est sans doute vrai aussi pour une institution. Il y a aussi un analyste bancaire qui examine les activités financières de CT. Les deux analystes partagent le fruit de leur recherches et formulent ensemble des recommandations au sujet des actions.

Lorsque CT tient une réunion trimestrielle des analystes, tous les analystes des grandes banques y assistent. Ils le font en partie pour être informés des activités de CT relatives à IMASCO, mais aussi pour savoir ce qui se passe dans le secteur bancaire étant donné que CT y joue un rôle important.

Voilà comment les choses fonctionnent, mais si un investisseur désire investir dans CT, il le fera probablement par l'entremise d'IMASCO plutôt que du flottant de 2 p. 100.

Le sénateur Angus: Je suppose que vous n'avez pas d'actions privilégiées spéciales ou quelque chose pour attirer les investisseurs?

M. Levitt: S'ils veulent investir dans CT, ils peuvent acheter des actions d'IMASCO.

Le sénateur Angus: C'est ce que je pensais.

Il est intéressant que vous soyez venus ici pour discuter de la régie des investisseurs institutionnels étant donné que, comme vous l'avez dit, vous n'êtes pas vous-même des investisseurs institutionnels. Ces derniers investissent plutôt chez vous.

M. Levitt: En effet.

Le sénateur Angus: Avez-vous assisté à nos audiences sur la régie des sociétés publiques? Je sais que M. Crawford était là.

M. Levitt: Un groupe de sociétés ont témoigné ensemble. Je crois que Purdy en était le porte-parole.

Le sénateur Angus: Vous avez parfaitement raison. Ces audiences nous ont permis d'avoir une bonne idée de ce qui se passe. Il y a un grand nombre d'entités qui n'ont pas de comptes à rendre. Un afflux énorme de capitaux va vers ces investisseurs institutionnels, y compris les fonds communs de placement, par exemple. Je ne parle pas seulement des fonds de pension privés et publics, mais aussi des autres investisseurs institutionnels qui entrent dans cette rubrique. Et il y a toutes sortes de modèles de régie.

Nous avons obtenu des renseignements très intéressants indiquant qu'une intervention gouvernementale peut être utile. Sans qu'il ne faille nécessairement légiférer directement, il faudrait peut-être compléter vos propres dispositions concernant la régie des sociétés ainsi que votre programme de relations avec les investisseurs. Avez-vous des opinions à ce sujet? Vous avez dit des choses positives au sujet des investisseurs institutionnels et du rôle qu'ils jouent dans le système financier au Canada, mais pour ce qui est de resserrer ou de modifier leur gestion, auriez-vous des conseils à nous donner?

M. Levitt: Vous avez dit tout à l'heure que, selon M. Crawford, l'absence de reddition de comptes posait un problème. Je serais étonné qu'il ait dit cela.

Le sénateur Angus: Il a été question de la nécessité de se pencher sur l'absence de reddition de comptes, sur les conflits d'intérêts.

M. Levitt: Je serais étonné qu'il ait vu là des problèmes. Ce sont peut-être des questions sur lesquelles vous voudrez vous pencher, mais cela ne veut pas dire que cela pose des problèmes.

Le sénateur Angus: D'accord.

M. Levitt: Nous ne nous mêlons pas beaucoup de la régie de ces institutions. Comme j'ai déjà suffisamment à faire de mon côté, je ne ferai pas de commentaires sur les activités des autres. Je n'ai pas de suggestions précises à formuler. Vous avez les propositions émanant des enseignants. J'ai l'impression qu'ils ont assez bien analysé la situation.

Le plus important, pour toute organisation, est de savoir exactement ce que l'on veut faire. Il s'agit ensuite de s'organiser en conséquence.

J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous faire de suggestions précises.

Le sénateur Angus: Récemment, parallèlement à notre étude de la régie des investisseurs institutionnels, nous avons eu l'occasion d'examiner de près le nouvel Office des pensions constitué en vertu de la nouvelle loi. Il deviendra le principal investisseur institutionnel du pays.

Nous avons abordé toutes sortes de questions y compris la règle des 20 p. 100 en nous demandant s'il fallait l'assouplir ou l'éliminer graduellement. Bien entendu, le ministre a fait certaines déclarations. La plupart des témoins estimaient qu'il faudrait sans doute éliminer cette règle et laisser s'exercer les forces du marché; ils pensaient que la proportion s'établirait naturellement à 33 ou 29 p. 100, comme au Royaume-Uni. Qu'en pensez-vous?

Nous avons également entendu dire que les investisseurs institutionnels obtenaient un traitement de faveur par rapport au petit épargnant. Quand vous parlez aux administrateurs du fonds de pensions du CN et à Tullio Cedraschi, en particulier, êtes-vous convaincu qu'ils rendent un service au petit épargnant?

M. Levitt: Nous sommes très prudents en ce qui concerne l'accès privilégié ou l'information sélective. Ce n'est pas équitable et cela pourrait être même illégal. Nous veillons donc à ne rien dire à qui que ce soit. Si les renseignements sont suffisamment importants pour que quelqu'un souhaite les obtenir, il faut qu'ils soient communiqués à tout le monde. Même si aucune loi ne nous y oblige, nous émettons à l'occasion un communiqué annonçant ce qui n'est pas vraiment un fait matériel. Nous le faisons pour assurer une pleine divulgation.

Le sénateur Angus: C'est une question de transparence.

M. Levitt: C'est également pour cette raison qu'après nos assemblées annuelles trimestrielles, nous affichons les diapositives et mes observations dans notre site Web afin que tous les intéressés puissent en prendre connaissance. C'est ainsi qu'il faut faire des affaires et c'est pour cela que nous le faisons. C'est bon pour notre réputation et nous sommes donc très prudents sur ce plan.

Le président: Votre société est-elle la seule à diffuser ces renseignements au grand public au moyen de l'Internet?

M. McBride: C'est relativement rare pour le moment, mais je suppose que cela va se répandre. Environ 50 p. 100 des sociétés récemment interrogées à ce sujet ont maintenant un site Web. Leur nombre augmente rapidement.

Je ne sais pas si elles diffusent toutes ces renseignements. Nous sommes sans doute différents des autres en ce sens que nous rencontrons toujours en personne les représentants du milieu financier. À l'heure actuelle, la majorité de nos concurrents se contentent sans doute d'appels-conférences, ce qui est évidemment plus facile.

Le président: Ce n'est peut-être pas nécessairement plus facile, surtout lorsque les journaux en parlent, comme c'était le cas, la semaine dernière, pour la Banque TD.

M. McBride: Cette documentation est envoyée le jour même aux médias. Je ne sais pas si c'était à la dernière réunion ou à celle d'avant, mais lorsque nous sommes rentrés au bureau après avoir rencontré les investisseurs, le texte du discours de M. Levitt était déjà diffusé par les services de nouvelles. Il y a plusieurs façons de procéder.

Pour ajouter quelque chose à ce que Brian a dit tout à l'heure, ces personnes ont investi des centaines de millions de dollars dans notre société. Si vous commencez à favoriser certaines d'entre elles en leur fournissant des renseignements, mais pas aux autres, cela se sait vite.

Tout le système s'autoréglemente dans une certaine mesure. C'est une question de bonnes relations. Vous devez vous montrer équitable, car sinon vous allez perdre tous vos appuis. Tout est là.

M. Levitt: Les réunions sont préférables aux appels-conférences. C'est possible, dans notre cas, étant donné que nous sommes seulement cotés au Canada. Ceux qui sont cotés en bourse à New York ou au NASDAQ font des appels-conférences, car il n'est pas possible de rencontrer les gens en personne. Les gens ne vont pas se rendre à Toronto, Montréal ou Calgary à partir de 59 villes des États-Unis. Par conséquent, on procède généralement par appels-conférences dans les marchés des capitaux américains.

M. McBride: Au Canada aussi.

M. Levitt: Nous préférons rencontrer les gens en personne, car cela favorise de meilleures relations. Il faut toutefois souvent changer ses habitudes à cause de l'évolution des marchés. Je pense que cette pratique devient moins répandue.

Le sénateur Angus: Qu'arriverait-il si l'un de vos principaux actionnaires institutionnels vous appelait pour vous dire: «Pouvons-nous venir discuter avec vous de votre projet de vendre vos services financiers?»; ou encore «Nous constatons que B.A.T. a conclu un marché avec Zurich. Pourriez-vous nous fournir des précisions?» Cela arrive-t-il ou répondez-vous que vous allez organiser une réunion afin de pouvoir en parler à tout le monde en même temps?

M. Levitt: L'année dernière, nous avons tenu 20 de ces réunions auxquelles les gens ont assisté. Tout le monde s'intéressait à quelque chose de différent. Ce sont toutes des sociétés différentes ayant une optique particulière. C'est ce qui constitue un marché. Tout le monde a des idées légèrement différentes.

Nous veillons à ne pas aller au-delà d'un certain point. Nous essayons de faire en sorte que personne n'obtient des renseignements importants qui ne sont pas de notoriété publique. Nous le faisons parce que nous pensons que c'est la bonne chose à faire, mais comme l'a dit Peter, lorsqu'on apprend que quelqu'un a reçu des renseignements que les autres n'ont pas obtenus, les gens commencent à se demander s'ils savent tout ce qu'il faut savoir, y compris la personne qui a reçu les renseignements en question. Je ferais remarquer, à ceux que cela pourrait tenter, ce qui n'est pas notre cas, que cela leur ferait du tort. Il faut beaucoup de temps pour se bâtir une réputation et très peu pour la perdre.

Le sénateur Meighen: À la page 2 de votre mémoire, vous faites allusion en passant à la règle de la propriété étrangère, la règle des 20 p. 100. Je ne sais pas trop si votre référence était monétaire ou non. Vous avez dit que, selon vous, cela explique dans une certaine mesure les caractéristiques de vos investisseurs.

M. Levitt: Oui.

Le sénateur Meighen: Pensez-vous qu'il faudrait maintenir la règle des 20 p. 100, l'éliminer ou la faire disparaître graduellement? Vous nous avez dit quelles étaient ses conséquences pour IMASCO, mais en a-t-elle d'autres?

M. Levitt: Permettez-moi de vous expliquer quels sont ses effets. Nous sommes pour la concurrence et le libre marché. Je n'ai pas d'opinion quant à savoir s'il faudrait la maintenir ou non. J'avoue ne pas en savoir assez sur le sujet.

Nous offrons un genre de produit bien particulier. C'est une action qui offre un bon potentiel de croissance et un bon dividende. Les investisseurs peuvent avoir dans leur portefeuille de la place pour des actions offrant un bon potentiel de croissance et un bon dividende. Ils doivent ensuite choisir quelle action acheter. Étant donné la règle des 20 p. 100, la possibilité d'acheter des actions étrangères est une denrée rare. Par conséquent, si vous avez une action offrant un bon potentiel de croissance et de bons dividendes au Canada, vous n'allez pas vous servir de votre capacité d'acheter des actions étrangères pour acquérir un produit américain ou européen concurrent. Vous achèterez sans doute l'action canadienne, plus des actions étrangères que vous ne pouvez pas acheter au Canada.

Si vous éliminez la règle de la propriété étrangère, nous ne croyons pas que les institutions canadiennes refuseront pour autant d'acheter nos actions. Nous sommes convaincus du contraire. Si elles ont de la place dans leur portefeuille pour des actions présentant les caractéristiques des nôtres, elles ne les remplaceront probablement pas par des actions étrangères étant donné qu'elles peuvent acheter des actions d'IMASCO.

Le sénateur Meighen: Vous avez dit dans votre déclaration que vous étiez plutôt indépendants par rapport à B.A.T., votre principal actionnaire.

M. Levitt: Oui.

Le sénateur Meighen: Pensez-vous que vos bons résultats expliquent cette situation dans une certaine mesure?

M. Levitt: Je le crois.

Le sénateur Meighen: Si les résultats deviennent un peu moins bons, pensez-vous que B.A.T. pourrait exercer un contrôle un peu plus serré?

M. Levitt: Dans le milieu des affaires, c'est le rendement qui compte et si nous cessons d'enregistrer de bons résultats, B.A.T. ne sera pas le seul actionnaire à nous demander des explications.

Le sénateur Meighen: Non, mais c'est votre plus gros actionnaire et de loin.

M. Levitt: Étant donné que ses intérêts s'alignent totalement sur ceux des autres institutions, je m'attends à ce que nous ayons de ses nouvelles, mais les autres institutions nous demanderaient également des comptes. C'est avant tout une question de résultats.

Le sénateur Meighen: Vous avez fait allusion à la CDS et au fait que, sous sa forme actuelle, elle ne vous aide pas à savoir qui sont vos actionnaires. Dois-je en conclure que vous seriez en faveur d'une certaine transparence quant à savoir qui possède vos actions?

M. McBride: Certainement. La plupart des représentants des institutions à qui nous parlons sont contents de nous dire quelles sont les actions qu'ils possèdent. En fait, ils aiment nous faire savoir qu'ils possèdent un grand nombre de nos actions. Les régimes de retraite gouvernementaux et les régimes de pensions étrangers ont certaines politiques concernant la divulgation, mais les autres gestionnaires d'investissement sont contents de nous dire ce qu'ils possèdent.

Le problème découle du système de surveillance. Si vous prenez la peine d'examiner la liste de la CDS, vous y trouverez un certain nombre de banques et de maisons de courtage. La plupart des maisons de courtage détiennent des actions pour le compte de petits épargnants tandis que la plupart des banques détiennent des actions pour le compte d'investisseurs institutionnels. C'est à ce niveau que les choses se compliquent.

Nous avons constaté que les investisseurs n'hésitent pas à nous dire qu'ils sont propriétaires de nos actions. Ils peuvent hésiter à dire aux courtiers qu'ils possèdent ces actions, car les courtiers savent alors s'ils sont prêts à vendre ou à acheter. Je pense qu'il y a davantage d'hésitation de ce côté-là.

Le sénateur Meighen: Vous dites qu'en général, les gestionnaires d'investissement n'hésitent pas à vous dire qu'ils possèdent de vos actions.

M. McBride: Oui.

Le sénateur Meighen: Et ils n'hésitent pas à vous dire à qui appartient cet argent?

M. McBride: J'avoue que nous ne leur posons pas la question.

Certains de ces renseignements sont disponibles. Nous savons ce qu'il en est pour les régimes de pensions comme celui des enseignants, OMERS, et cetera. Un groupe comme Connor, Clark & Lunn, un de nos principaux actionnaires, gère des fonds communs de placement. Nous savons qu'il gère la caisse de retraite de Northern Telecom. Il fait toutes sortes de choses différentes, mais avec les mêmes analystes et les mêmes gestionnaires de portefeuille. Ce qui est important pour nous c'est de communiquer avec ces derniers, et pas nécessairement les propriétaires ultimes.

Le sénateur Meighen: J'aimerais savoir ce que vous pensez de la façon dont le système fonctionne, pour vous et pour vos actionnaires, qu'il soit institutionnalisé ou non étant donné que les deux modèles existent au Canada. Aux États-Unis, le système est assez différent.

Je pense à CalPERS et aux institutions les plus dynamiques qui ont tendance à produire des effets très marqués sur l'industrie au lieu d'agir comme vous l'avez décrit lorsque vous traitez avec les institutions qui possèdent vos actions.

Dois-je en conclure que vous êtes satisfaits du système. Pensez-vous qu'il pourrait rester tel qu'il est? Recommanderiez-vous des changements législatifs pour l'améliorer?

M. Levitt: Le mémoire des enseignants, que j'étais en train de feuilleter, fait valoir que, jusqu'à récemment, cette caisse de retraite n'a pas participé aux marchés boursiers. Cela fait assez peu de temps qu'elle possède des actions. Tous les gros régimes de pension avaient seulement des titres du gouvernement. J'ai constaté, et pas seulement dans le cas de ma propre entreprise, étant donné que je siège au conseil d'administration d'autres sociétés, que les institutions canadiennes n'ont pas peur de faire connaître leurs opinions. Lorsque Peter et moi les rencontrons, elles sont très directes quant à ce que nous devrions faire et ce qu'elles feraient à notre place. Lorsque les résultats ne sont pas satisfaisants, les Canadiens savent dire leur façon de penser.

Ces personnes s'acquittent de leur responsabilité fiduciaire et elles sont très attentives. CalPERS et les fonds américains ont une attitude tout à fait conforme à la culture américaine et des réactions un peu plus agressives, mais j'ai constaté que les institutions canadiennes n'hésitent pas à faire connaître leurs opinions lorsqu'elles sont mécontentes des résultats ou pour toute autre raison. Elles sont nos clients et une institution qui ne tient pas compte de sa clientèle ne fait pas preuve d'intelligence.

Le sénateur Meighen: Avez-vous constaté si les investisseurs institutionnels avaient du mal à faire la distinction entre exprimer ses opinions et essayer de gérer votre société à votre place?

M. Levitt: Ce n'est pas un problème. Nous avons la chance d'obtenir de bons résultats et je dirais que cela nous permet d'émettre des opinions plus fermes que quelqu'un qui n'a qu'une piètre performance. Les gens ont tendance à nous accorder le bénéfice du doute parce qu'ils ont été satisfaits de nos résultats. Les institutions peuvent nous donner des conseils sur certaines choses, mais sans chercher à décider à notre place et à assumer la responsabilité des décisions.

La situation évolue. C'est maintenant un groupe de gestionnaires professionnels qui gèrent ces fonds et ils comprennent assez bien où leurs conseils doivent s'arrêter. Selon moi, cela ne pose pas de problème.

Le sénateur Kelleher: Vous avez parlé de vos rencontres avec les analystes, si possible tous les trimestres. Je vous en félicite. Les analystes ont fait davantage parler d'eux dans les médias récemment. Mais c'est un sujet sur lequel nous n'allons pas nous lancer.

Comme vous les rencontrez pour discuter avec eux des affaires de votre société, lorsqu'ils préparent leurs rapports, croyez-vous qu'ils font un rapport fidèle et complet de vos activités?

M. McBride: Généralement, ils font un bon travail. Il y a sans doute une douzaine d'analystes qui nous suivent et font des rapports à notre sujet. Ils sont tous Canadiens étant donné que nous ne sommes pas cotés sur le marché boursier des États-Unis. Ils représentent donc toutes les grandes maisons de courtage et certaines des petites. Certains font un meilleur travail que d'autres de mon point de vue, et probablement de celui des investisseurs. Nous savons ce qu'ils peuvent nous donner. Certains des meilleurs analystes nous font un rapport assez complet tandis que quelques analystes moins connus vont probablement se contenter d'un examen plus superficiel, mais dans l'ensemble ils font un bon travail.

Pour ce qui est des nouvelles diffusées par les médias, je crois qu'il y a eu un changement dans les rapports entre les investisseurs institutionnels et les analystes qui se situent du côté de la vente. Nous en avons dit quelques mots dans notre déclaration liminaire. Certains de ces fonds deviennent très importants. Ces gestionnaires ont beaucoup d'argent à gérer et ils font davantage de recherches de leur côté. Ils font appel aux analystes des maisons de courtage pour s'informer des détails, des résultats, etc., mais lorsqu'ils viennent nous voir, ils cherchent davantage à rencontrer la direction, à savoir qui gère l'entreprise, ce qui nous motive et des choses de ce genre.

Par exemple, des actionnaires sont venus questionner M. Levitt au sujet de sa rémunération. Ils voulaient savoir si elle était reliée au rendement et si elle était raisonnable.

Le sénateur Kelleher: Apparemment, votre façon de faire, étant donné vos réunions régulières avec les analystes, semble différer des habitudes en vigueur dans le milieu des affaires.

Croyez-vous que, même si vous êtes traités équitablement, d'autres sociétés que vous connaissez bien font l'objet de rapports tout aussi fidèles de la part des analystes?

M. McBride: Il est difficile d'avoir une opinion à ce sujet.

Nous tenons une réunion trimestrielle qu'il pleuve ou qu'il vente et je dirais que la majorité des sociétés du TSE 300 en font autant, comme nous l'avons dit tout à l'heure, surtout au moyen d'appels-conférences. Les analystes se spécialisent dans divers secteurs de l'industrie. Je contacte directement l'analyste du secteur des produits de consommation et parfois, indirectement, l'analyste bancaire. Ce sont des professionnels qui font un excellent travail dans l'ensemble, mais je ne peux pas vraiment en dire plus.

Le sénateur Kelleher: Naturellement, je vous demande votre opinion au sujet du secteur que vous connaissez étant donné que vous devez mieux savoir que la plupart des gens ce que font vos concurrents. Vous devez donc certainement être en mesure de dire que les analystes font un bon travail pour ce qui est de vos concurrents.

M. Levitt: Pour ce qui est de savoir si, selon nous, les autres sociétés font l'objet de rapports équitables ou adéquats, je vous répondrais que, si ce n'est pas le cas, la société en question devrait faire quelque chose pour y remédier. Il n'y a pas de victimes. C'est à vous de gérer votre entreprise et cela fait partie des choses à gérer, au même titre que les achats, la fabrication et tout le reste. Je n'entends pas ce genre de plainte très souvent, mais je n'aurais pas trop de sympathie pour le représentant d'une société qui se plaindrait que l'analyste ne lui réserve pas un traitement équitable. Si c'est ce qu'il croit, c'est à lui d'y remédier. Si vous entendez ce genre de plainte, dites-vous bien que c'est une chose à laquelle il est possible de remédier.

Le sénateur Kelleher: Je pose la question non pas en raison des inquiétudes que je peux éprouver pour une société, mais parce que je me soucie des intérêts des consommateurs, c'est-à-dire des investisseurs.

M. McBride: Nous essayons d'attirer des actionnaires qui ont des attentes réalistes et nous gérons nos relations avec eux. Nous ne voulons pas décevoir les gens. Ce dont les médias font état ce sont des grosses déceptions et de certaines faillites. M. Levitt et moi-même vous dirons que ces sociétés n'ont pas très bien géré leurs communications. Si les investisseurs ont été très déçus, c'est que les choses ont été mal gérées.

Le sénateur Kelleher: Les analystes n'ont peut-être pas creusé assez profondément.

M. McBride: Si un analyste publie un rapport qui manque totalement de réalisme quant à la façon dont votre société est gérée, vous devez faire quelque chose pour y remédier. Autrement, les investisseurs seront très déçus.

Le sénateur Kelleher: En tant qu'investisseur, j'ai tendance à me fier aux analystes. J'essaie de voir dans quelle mesure ils servent les intérêts de l'ensemble des investisseurs.

M. Levitt: J'en reviens à la question des responsabilités individuelles. Étant donné la nature du marché, le gain est fonction du risque. Il faut accepter qu'il n'est pas possible de réglementer ces marchés à un point tel que personne n'y perdra un seul sou, car si c'était le cas, ils ne pourraient pas fonctionner.

Je ne parle pas de cas particulier. Le fait qu'il puisse y avoir à l'occasion un accident, parfois sérieux, sans que les marchés ne s'en trouvent bouleversés témoigne de la vigueur et de l'efficacité de nos marchés des capitaux.

Je ne minimise aucunement l'importance de saines pratiques de divulgation et du professionnalisme, mais il faut établir un juste équilibre entre les avantages et les inconvénients de la réglementation. Si vous essayez de réglementer le marché pour éviter tout accident, l'efficacité et l'attrait des marchés vont en souffrir énormément de même que leur capacité à fournir des capitaux.

C'est mon opinion personnelle, mais je pense qu'un marché de petits capitaux à hauts risques a un rôle à jouer en permettant aux petites entreprises de lever des fonds. Il est très dangereux de centrer toute son attention sur les grosses faillites. Néanmoins, il faut enquêter et si l'on constate que des irrégularités ont été commises, des mesures s'imposent.

Dans l'ensemble, nous avons un marché des capitaux efficace et solide ainsi qu'un marché des actions, en tout cas pour les actions des grosses sociétés, et ce marché doit rester concurrentiel.

Le sénateur Kelleher: Je suis certainement d'accord avec vous quant au fait qu'on ne peut pas réglementer le marché à l'excès. Il perdrait tout son intérêt. Je ne pourrais plus perdre d'argent.

Le sénateur Oliver: Comme vous avez assez bien répondu à mes questions, votre réponse sera probablement assez brève.

Je m'intéresse à l'activisme des investisseurs institutionnels. Dans votre mémoire, vous dites que vous avez eu une vingtaine de rencontres avec les investisseurs institutionnels au cours d'une année. J'ai trouvé intéressant que vous utilisiez le mot «rencontres». Votre mémoire a été rédigé avec soin et au lieu de dire «réunion» ou «séance d'information», vous avez parlé d'une «rencontre».

M. Levitt: Il s'agit d'une «réunion».

Le sénateur Oliver: Je voudrais savoir jusqu'où sont allées certaines de ces rencontres; jusqu'où pensez-vous qu'elles iront et si elles commencent à aller trop loin, que ferez-vous? Par exemple, certaines sociétés ont-elles dit: «Vous chapeautez plusieurs divisions et nous n'aimons pas la division numéro 3. Elle nous paraît mal gérée. Vos vice-présidents ne semblent pas faire leur travail et nous ne pensons pas qu'ils font le maximum pour accroître la valeur des actions. Voici certaines façons dont vous pourriez remédier à votre problème de gestion.» Certaines d'entre elles sont-elles allées aussi loin et, si c'est le cas, comment avez-vous réagi? Pensez-vous qu'elles continueront à aller plus loin, surtout si vos résultats commencent à diminuer?

M. McBride: Pour répondre à votre question, j'invoquerais ce qui s'est passé avec notre entreprise de restauration que nous avons vendue l'année dernière et qui se trouvait dans une situation semblable à celle que vous décrivez. Les marchés ont exercé de fortes pressions.

Le sénateur Oliver: Les investisseurs institutionnels?

M. McBride: Oui, de même que les analystes et les autres intéressés. Il s'agissait d'un actif important dont le rendement n'était pas suffisant et qui ne rapportait pas de quoi couvrir ses immobilisations. C'est ainsi que nous mesurons les choses: tout doit rapporter assez pour couvrir les coûts d'immobilisations. Nous avons été soumis à de fortes pressions. La question est de savoir non pas qu'il faut faire quelque chose, mais ce qu'il y a lieu de faire.

Nous avons répété la même chose pratiquement chaque trimestre, lors de ces réunions, parce qu'on nous posait constamment les mêmes questions. Nous répondions: «Nous savons que nous avons un problème. Nous nous efforçons d'obtenir la valeur maximum pour nos actionnaires. C'est tout ce que nous pouvons dire.»

Le sénateur Oliver: Vous conservez un journal de ces réunions. Présentez-vous un résumé de ces 20 réunions au conseil d'administration pour lui faire savoir ce qu'ont dit les investisseurs institutionnels?

M. McBride: Nous présentons un rapport annuel au conseil. Le conseil obtient un rapport trimestriel sur le prix des actions par comparaison aux actions équivalentes et à l'ensemble du marché, un résumé de ce que les analystes de la vente disent chaque trimestre. Une fois par an, nous lui présentons un rapport plus détaillé indiquant le nombre de réunions que nous avons tenues et fournissant un certain nombre de précisions.

M. Levitt: S'il se passe quelque chose d'important au cours de ces réunions, vous pouvez être certain que le conseil d'administration est mis au courant.

Nous avons été assez stables depuis quelques années. Ces quatre ou cinq dernières années, nous avons centré notre attention sur les entreprises que nous possédons et que nous avons améliorées si bien qu'il n'y a pas eu de changement continu. Nous avons néanmoins présenté périodiquement des rapports annuels. La question n'est pas de savoir selon quelle fréquence nous les produisons, mais plutôt si nous le faisons régulièrement. S'il se passe quelque chose, nous présentons un rapport en temps voulu.

Votre enquête porte sur les investisseurs institutionnels et je dirais que, dans l'ensemble, ils se distinguent du reste du marché par leur taille. Ce sont de gros joueurs. Ils ne se contentent pas d'acheter un millier d'actions. Ils font de gros investissements et possèdent de gros portefeuilles, mais leurs opinions et leurs orientations ne sont pas très différentes de celles de l'ensemble du marché. Ils ont une perspective différente, une façon différente d'aborder les choses et de les analyser, mais tout cela se résume à la question suivante: avons-nous les bons actionnaires? Les bons actionnaires sont des gens qui veulent posséder une action ayant un rendement que nous pourrons leur assurer. Si vous ciblez ce type d'actionnaires, leurs opinions seront assez semblables, même si la taille de leur portefeuille peut varier.

Pour régler la question de l'accès sélectif à l'information, nous ne prétendons pas qu'aucune institution ne nous a jamais demandé de renseignements, mais nous n'hésitons pas à répondre que nous ne pouvons pas en dire plus.

Le sénateur Oliver: Elles acceptent cette réponse.

M. McBride: C'est une réponse acceptable et, comme je l'ai dit au départ, une réponse rassurante, car elles savent que c'est ce que nous disons à tout le monde. Elles peuvent alors croire que les renseignements publiés sont les seuls qui soient disponibles.

Le sénateur Oliver: Le nombre d'investisseurs institutionnels augmente et le nombre de vos actionnaires est important. Néanmoins, vous n'avez tenu que 20 réunions l'année dernière. Que feriez-vous si l'on vous demandait d'en tenir 60 l'année prochaine? Comment feriez-vous? Commenceriez-vous à vous montrer sélectifs?

M. McBride: Nous sommes un peu sélectifs en ce sens que nous pourrions passer tout notre temps à rencontrer ces personnes. Tout d'abord, nous sommes trois et nos principaux actionnaires ne rencontrent M. Levitt qu'une fois par an. Nous devons donc procéder à une sorte de rationnement. Bien entendu, M. Levitt assiste à toutes les réunions trimestrielles et bien des gens en profitent.

Nos réunions trimestrielles ne sont pas réservées aux analystes de la vente. Toutes les institutions y sont invitées afin d'écouter ce qu'il a à dire tous les trois mois.

M. Levitt: C'est un travail à plein temps pour Peter. Néanmoins, notre directeur financier et moi-même y consacrons une bonne partie de notre temps, car c'est une fonction importante. Peter est le directeur du marketing pour ce secteur de nos activités. Nous estimons que les gens qui ont investi beaucoup d'argent chez vous ont le droit de vous demander des comptes. Nous l'acceptons, mais comme nous avons également de nombreuses autres obligations, nous ne pouvons pas passer tout notre temps dans ces réunions.

Le président: Sénateurs, les témoins suivants sont les représentants de la Fiducie de pension du SEEFPO, M. Grant MacGillivray, vice-président et Mme Colleen Parrish, gestionnaire du régime.

M. MacGillivray et Mme Parrish pourraient peut-être nous faire une brève déclaration, après quoi nous serons ravis de leur poser des questions.

Mme Colleen Parrish, gestionnaire du régime, Fiducie de pension de SEEFPO: Nous estimons que la Fiducie de pension du SEEFPO a un point de vue tout à fait particulier à présenter au comité. Nous sommes un régime de pensions important, mais pas énorme. Au 31 décembre 1997, nous en étions à 7,7 milliards de dollars, ce qui nous place au treizième rang au Canada.

Le président: Je pensais que c'était le dixième, mais je n'étais pas loin.

Mme Parrish: Nous sommes au dixième rang des régimes de pensions du secteur public. Nous sommes un investisseur institutionnel important, mais pas autant qu'une banque ou qu'un très gros régime de pensions dont les gens parlent souvent.

Le président: Un chiffre de 7 milliards de dollars n'a rien de négligeable.

Mme Parrish: Nous occupons une place importante sur le marché, mais des choses intéressantes se produisent lorsque vous occupez une situation intermédiaire.

Nous desservons les fonctionnaires syndiqués de l'Ontario ayant un revenu faible ou moyen et pour qui la pension que nous versons joue un rôle crucial. Nos membres et pensionnés disent souvent qu'ils ont travaillé toute leur vie pour deux choses: leur maison et leur pension. Nos placements servent à leur payer la pension de retraite qui leur a été promise. Nous sommes d'abord et avant tout non pas une institution financière, mais un régime de pensions. Cela nous fait voir les choses sous un certain angle.

De plus, notre régime fait l'objet d'une administration conjointe. Nos administrateurs sont nommés en nombre égal par le gouvernement de l'Ontario et le Syndicat des employés et des employées de la fonction publique de l'Ontario ou SEEFPO. Nous estimons que cette administration conjointe s'accompagne des freins et contrepoids qui caractérisent une excellente régie.

Un bon jugement et de bonnes décisions revêtent une importance cruciale pour toute organisation. On ne peut pas légiférer pour les garantir, mais il est possible de créer le genre de structure qui les favorisera.

Je dirais quelques mots au sujet de notre influence sur le plan des investissements étant donné que votre étude porte sur cette question. Notre modèle de régie sert non seulement les intérêts de nos membres, mais également l'intérêt public. Autrement dit, nous pensons que le Canada a besoin d'un plus grand nombre de régimes comme le nôtre.

FPS a un portefeuille très diversifié: des actions canadiennes et étrangères, des valeurs à revenu fixe ainsi qu'un investissement limité dans l'immobilier. Nous ne sommes actuellement ni une société de capital-risque ni un investisseur direct, ce qui nous distingue de certains autres gros régimes de pension. Nous achetons généralement des actions de grandes sociétés. Nous avons tendance à acheter, par exemple, les 100 ou 150 principales actions cotées à la Bourse de Toronto.

Vous avez parlé tout à l'heure du fait que l'investissement sur le marché des actions pour le compte des travailleurs du secteur public était un phénomène relativement nouveau en Ontario. En fait, jusqu'en 1990, les pensions des fonctionnaires étaient entièrement investies dans des emprunts du gouvernement à long terme, mais à rendement relativement faible.

Le régime de retraite du SEEFPO n'existe comme tel que depuis 1995. Nous sommes entrés sur le marché en 1995 avec un actif de 4,5 milliards de dollars; nous nous sommes dissociés du Régime de pensions de la fonction publique. À la fin mai de cette année, l'actif de notre régime dépassait 8,5 milliards de dollars.

Nous faisons nos investissements selon la politique établie. Nos administrateurs orientent l'élaboration de la politique et des options et choisissent ensuite une politique. Nos politiques sont consignées dans l'énoncé de notre politique et de nos objectifs d'investissement, un document public que nous vous avons fourni, et nous investissons conformément à ce document public.

À long terme, nous croyons qu'une approche conforme à la politique établie produira un rendement régulier et fiable. Cela veut dire également que notre position d'investissement est très mesurée. Ce processus ne laisse pas beaucoup de place à l'aventure. Nous insistons beaucoup sur la divulgation, car nous exigeons nous-mêmes une divulgation de la part des sociétés dans lesquelles nous investissons. Nous sommes prêts à faire ce que nous demandons aux autres de faire.

Notre rapport annuel fait mention des titres d'une valeur de plus de 5 millions de dollars que nous détenons dans une même société. Ce sont des renseignements très détaillés étant donné que 5 millions de dollars ne représentent pas un montant très important pour notre régime.

Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que nous possédons pour plus de 62 millions dollars d'actions d'IMASCO. Nous diffusons également beaucoup de renseignements lorsque les choses vont mal. Par exemple, nous détenions des actions de Bre-X. Nous avons immédiatement informé nos membres par l'entremise de notre bulletin de nouvelles. Nous leur avons dit combien d'actions nous détenions et combien d'argent nous avons perdu. C'est leur argent et ils ont le droit d'être informés.

Nous avons aussi des lignes directrices régissant les votes par procuration et nous vous les avons également communiquées. Nous avons pour politique d'exercer notre droit de vote pour toutes nos actions. Nous payons pour obtenir ce droit quand nous achetons des actions ordinaires. Nous avons une responsabilité de fiduciaire envers les membres de notre régime de pensions. Cela veut dire que nous devons défendre leurs intérêts. À notre avis, la façon de le faire est de voter et de réfléchir à la façon dont nous votons. Nos lignes directrices portent sur toutes sortes de questions.

Pour les investisseurs intermédiaires comme nous, il est également très utile de parler à d'autres types d'investisseurs. Une bonne partie de nos lignes directrices concernant les votes s'inspire des lignes directrices de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, l'ACGFR, car si nous joignons nos forces, nous pouvons exercer une plus grande influence.

Nos investissements doivent nous permettre de servir nos membres. Nous ne recevons pas de dépôts à investir. Nous sommes d'abord et avant tout un régime de retraite.

Nos membres sont des travailleurs syndiqués qui ont en fait voté pour fonder la FPS. Nous déplorons les rumeurs selon lesquelles les régimes de retraite du secteur public sont trop généreux. En réalité, les pensions versées par la FPS permettent aux retraités de vivre dans la dignité, mais pas dans le luxe. Le pensionné moyen touche 17 000 $ après 20 ans de service. Un membre de la FPS qui gagne le salaire moyen de 40 000 $ touchera, s'il prend sa retraite au bout de 30 ans, 24 000 $ par an, ce qui comprend sa pension de la FPS et celle du RPC; et pour y avoir droit il doit verser 8 p. 100 de son salaire. Cette pension a été gagnée et n'a rien d'extravagant.

Pour ce qui est de l'intérêt public, les régimes du secteur public comme le nôtre représentent une protection contre la pauvreté. Ceux d'entre vous qui se sont penchés sur la nouvelle prestation aux aînés savent que certains de ces chiffres se rapprochent beaucoup des prestations aux aînés proposées pour les couples.

Si les régimes comme le nôtre n'existaient pas, le Trésor public devrait répondre à des demandes plus importantes. Le FPS est très fier de sa structure administrative. Nous avons cinq administrateurs nommés par le SEEFPE et cinq autres nommés par le gouvernement de l'Ontario. M. MacGillivray est notre vice-président et le président du comité d'investissement est nommé par le SEEFPO. Ces personnes travaillent toutes bénévolement et ne touchent aucun honoraire de la Fiducie de pension du SEEFPO. Les décisions du conseil doivent être adoptées à la majorité, mais il faut qu'au moins une voix provienne de la partie syndicale ou de la partie patronale.

Nos administrateurs représentent un vaste éventail d'expérience sur le plan personnel et professionnel. Ils ont des antécédents dans les domaines de l'investissement, du droit, de la vérification comptable, de l'administration des pensions, des communications et de la haute direction. Ils possèdent une expérience personnelle du syndicalisme. Ils ont été commissaires scolaires, membres d'organisations professionnelles et ils sont membres de ce régime de pensions.

Les administrateurs sont incités à assurer le bon fonctionnement du régime de pensions étant donné que la FPS partage les risques et les avantages. Lorsque notre régime de pensions réalise des gains, la moitié de ces gains est versée à l'employeur qui peut s'en servir pour réduire la dette non provisionnée ou ses contributions. L'autre moitié est versée aux employés et le syndicat peut, en leur nom, choisir de réduire leurs contributions ou d'accroître leurs prestations. Les gains sont partagés.

Les risques le sont également. Si le régime n'a pas suffisamment d'argent pour payer les pensions, il faut augmenter les contributions des employeurs et des employés. Cela incite énormément à faire en sorte que tout le monde s'entende bien et c'est ce que je voulais dire quand j'ai parlé des freins et des contrepoids inhérents au système.

Les administrateurs veillent à s'acquitter de leurs obligations envers les 62 000 personnes qui comptent sur eux en fondant leurs investissements sur la politique établie. Ils font appel à des experts financiers de l'extérieur, obtiennent des avis professionnels indépendants, délèguent des responsabilités, assurent une supervision et appliquent des politiques très strictes en ce qui concerne les conflits d'intérêts, tant pour eux-mêmes que pour le personnel et les gestionnaires d'investissement.

Depuis la création de notre régime, il y a trois ans, nous avons obtenu un rendement moyen de 18,1 p. cent. Le fait que ce soit possible témoigne du succès du modèle que nous avons adopté. Nous sommes également un investisseur extrêmement efficace sur le marché. Nous dépensons moins de 0,09 $ par dollar d'investissement. Cela se compare très bien à certains chiffres que vous a donnés Keith Ambachtsheer étant donné que les coûts d'administration du régime de pensions moyen sont de 16<#00A2> tandis que les nôtres sont de moins de 9<#00A2>. Non seulement nous offrons un bon rendement et un bon régime de pensions à nos membres, mais nous sommes efficaces sur le marché.

Maintenant que je vous ai expliqué pourquoi ce modèle de régie sert l'intérêt public, j'ajouterais que c'est un modèle relativement nouveau et que, dans certains cas, les lois fiscales ne tiennent pas encore compte de la réalité. Par exemple, pour ce qui est de la TPS, nous sommes le régime de pensions le plus lourdement taxé au Canada. Nous sommes plus taxés que nos homologues du secteur public qui sont exclusivement gouvernementaux. Ils sont entièrement exonérés de la taxe et nous sommes davantage taxés également que nos homologues du secteur privé qui obtiennent des crédits de taxe sur les intrants.

Nous payons la totalité de la TPS, sans recevoir aucune ristourne, et c'est en partie parce que le phénomène est si nouveau que la loi n'a pas été modifiée à notre intention. Nous espérons que cela changera. Cela fait un certain temps que nous contactons les fonctionnaires du ministère des Finances à ce sujet, mais il est plutôt absurde que le gouvernement ne reconnaisse pas un bon modèle de régie comme le nôtre. En fait, cela révèle qu'il s'agit de quelque chose de relativement nouveau.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Nous vous avons fourni de la documentation et si vous avez d'autres questions à nous poser à l'avenir, nous nous ferons un plaisir d'y répondre également.

Le président: Nous vous remercions de nous avoir présenté un mémoire très complet ainsi qu'un bon aperçu général. Vous avez dit que lorsque le régime réalise un gain, ce gain est partagé équitablement. Je suppose que vous voulez parler d'un gain en sus de l'excédent actuariel requis.

Mme Parrish: Un gain actuariel.

Le président: En plus de l'excédent actuariel requis?

Mme Parrish: C'est exact.

Le président: C'est bien ce que j'avais compris, mais quelqu'un pourrait confondre un gain et une simple augmentation.

Mme Parrish: C'est seulement si vous avez plus d'argent.

Le président: Si vous avez un excédent.

Mme Parrish: Seulement s'il y a plus d'argent que le montant que les actuaires jugent nécessaire pour verser les prestations.

Le président: Votre conseil d'administration, tel qu'il est décrit dans votre mémoire, confère aux gens des titres qui ne reflètent pas toujours leurs connaissances. Il semble se situer à mi-chemin entre le conseil d'administration du régime de retraite des enseignants qui est entièrement professionnel et celui d'OMERS, qui est presque entièrement constitué de profanes. Votre conseil d'administration semble se situer à mi-chemin entre les deux. Est-ce une bonne façon de le décrire? Deuxièmement, même si un conseil d'administration constitué de profanes reflète l'idéologie des membres, croyez-vous qu'il peut vraiment contribuer au processus décisionnel?

Mme Parrish: Absolument. Tout d'abord, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la distinction que vous faites entre un conseil d'administration constitué de profanes et un conseil constitué de professionnels. Tous les membres de mon conseil d'administration travaillent pour la FPS avec le plus grand professionnalisme. Certains d'entre eux possèdent des connaissances spécialisées en investissement, mais comme je l'ai déjà dit, nous sommes non pas une institution financière, mais un régime de retraite.

Le conseil d'administration a de nombreuses décisions à prendre et elles ne portent pas seulement sur nos investissements. Elles concernent aussi les communications et l'administration du régime. Nous avons besoin de divers genres de personnes pour prendre les bonnes décisions. Si tout le monde pense de la même façon, les diverses questions ne seront pas examinées de façon objective.

Pour ce qui est des investissements, j'ai constaté que les membres du conseil savent qu'ils ont besoin de certaines connaissances. Ils ne se fient pas aux autres. Ils font leurs propres recherches. S'ils ignorent certaines choses, ils s'informent. Ils prennent le temps d'examiner à fond les questions. Ils font leurs devoirs et les opinions qu'ils présentent sont mûrement réfléchies.

Le président: Avez-vous des objectifs pour le régime à part l'obtention du rendement maximum?

Mme Parrish: Bien sûr. Notre principale mission est de servir nos membres et les pensionnés. Nous devons bien communiquer afin qu'ils touchent une pension.

Le président: Vous avez dit que vous possédiez 62 000 millions d'actions d'IMASCO.

Mme Parrish: Nous détenons pour 62 millions de dollars d'actions d'IMASCO et nous comptons 62 000 membres et pensionnés. C'est une simple coïncidence.

Le président: Imaginez que vos membres soient résolument anti-tabagisme et qu'ils s'opposent à ce que vous achetiez des actions de fabricants de cigarettes. Votre comité d'investissement a, de toute évidence, estimé qu'un investissement dans IMASCO était un bon investissement. Quelle serait la réaction du conseil d'administration en pareil cas?

Mme Parrish: Je vais retourner un peu en arrière sur une chose que vous avez dite. Les administrateurs ne décident pas que nous devons acheter des actions d'IMASCO. Ils établissent la politique et choisissent ensuite des gestionnaires d'investissement. À partir de la politique établie, les gestionnaires décident d'acheter ou non des actions IMASCO.

Le président: Serait-il légitime que votre politique vous interdise d'acheter des actions de fabricants de cigarettes?

Mme Parrish: Notre conseil d'administration se penche actuellement sur la question des investissements sociaux ou éthiques. Cette question est abordée comme n'importe quelle autre. Le conseil commence par effectuer des recherches sur les questions entourant l'investissement social et éthique. Il communique ensuite avec les membres pour connaître leur position.

Nous n'avons pas actuellement de politique stipulant que si nous n'aimons pas certains aspects ou certains produits, nous n'achèterons pas les actions des sociétés reliées à ces aspects ou à ces produits. Il n'est pas impossible que cela arrive, mais le conseil d'administration n'a pas de politique de ce genre à l'heure actuelle. S'il en avait une, il procéderait comme pour tout le reste. Il agirait avec beaucoup de prudence en tenant de nombreuses consultations et en se livrant à un examen approfondi. Il examinerait d'abord et avant tout notre responsabilité fiduciaire envers nos membres et pensionnés. Ce n'est pas notre argent, mais le leur.

Le président: Vous n'avez donc pas de politique à cet égard. Merci, c'est un renseignement utile.

Le porte-parole du syndicat des enseignants a exhorté ce fonds de retraite à vendre ses actions de Maple Leaf lorsque cette entreprise était en grève. Le conseil d'administration a décidé de ne pas le faire, car il estimait que c'était un bon placement. Avez-vous vécu le même genre d'expérience? Vos membres vous ont-ils dit -- surtout en cas de conflits de travail, mais également pour d'autres raisons -- que vous devriez vendre certaines actions?

Mme Parrish: Nous ne sommes pas des acheteurs de capital de risque alors que je crois que les relations entre les enseignants et Maple Leaf Food sont davantage de cette nature. La situation est différente. Ce genre d'incident ne s'est pas encore produit pour notre régime. Bien entendu, nous n'existons que depuis trois ans.

Le président: Je comprends cela. Quelle procédure avez-vous prévue en pareil cas? Je sais que c'est une question purement théorique.

Mme Parrish: Nous avons voté par le passé contre certaines choses conformément à nos lignes directrices relatives au vote par procuration. Par exemple, nous avons voté pour dire qu'à notre avis les postes de président du conseil d'administration et de chef de la direction d'une banque devraient être occupés par deux personnes différentes. Nous avons voté à ce sujet. C'est dans nos lignes directrices.

Nos lignes directrices représentent notre politique. Si quelqu'un veut voter contre la direction ou si une question suscite la controverse, elle est soumise à la fiducie. Nous avons un sous-comité de deux administrateurs dont l'un représente le syndicat et l'autre l'employeur. La question leur est soumise et ils examinent les lignes directrices relatives au vote par procuration. Si c'est couvert, ils discutent de la question.

Nous ne nous contentons pas de dire oui ou non. Nous examinons tout le contexte. Nous décidons alors comment voter. S'il s'agit d'une question litigieuse, elle est soumise à la totalité du conseil d'administration qui rend alors sa décision.

Le président: Votre comité de deux administrateurs examine toutes les procurations. Il y en a tellement que je ne vois pas comment vous faites.

Mme Parrish: Voilà pourquoi nous avons des lignes directrices au sujet du vote par procuration; elles vous permettent d'exprimer vos inquiétudes. C'est seulement en cas de situation inhabituelle ou si une question suscite la controverse.

Le président: Autrement, vous vous contentez d'appliquer les lignes directrices?

Mme Parrish: L'ACGFR alerte les actionnaires en envoyant à ses membres, par télécopieur, les questions litigieuses qui doivent venir sur le tapis. On peut alors décider à l'avance comment ces questions seront réglées.

M. Grant MacGillivray, vice-président, Fiducie de pension du SEEFPO: Même si je suis nommé par le promoteur du SEEFPO, je ne représente pas le syndicat, mais les membres du régime. Il est important de faire cette distinction.

Dans le cas de mes activités au sein du syndicat, j'ai certainement dû répondre à des questions concernant Maple Leaf Food et bien d'autres. De vives protestations peuvent être émises aux assemblées du SEEFPO. Quoi qu'il en soit, je dois penser à tous les membres du régime. Je ne suis pas les instructions des promoteurs. Ces derniers se contentent de me nommer. C'est la même chose pour les promoteurs du côté du gouvernement.

Les faits démontrent que cette structure a donné d'excellents résultats depuis trois ans et demi ou quatre ans. C'est d'autant plus extraordinaire que nos deux promoteurs peuvent se comparer, sur pratiquement tous les autres plans, à la Corée du Nord et à la Corée du Sud. Cela suffit à démontrer que les freins et contrepoids que présente notre modèle de régie donnent de bons résultats.

Le président: Est-il déjà arrivé qu'il y ait autant de voix pour que de voix contre au conseil?

M. MacGillivray: Non, pas encore.

Le président: Vous ne pouvez pas prédire l'avenir.

M. MacGillivray: Cela devrait finir par se produire.

Le président: Peut-on dire que vous réussissez à vous entendre sur toutes les grandes questions?

M. MacGillivray: Certainement.

Le sénateur Meighen: Comment le processus de nomination fonctionne-t-il pour ce qui est du conseil d'administration?

M. MacGillivray: Lorsqu'un mandat est terminé ou qu'un poste devient vacant, le syndicat l'annonce. Cela se fait à peu près de la même façon que pour un poste dans une entreprise privée, en envoyant les bulletins du syndicat à tous les membres. Un comité spécial formé de membres du personnel du SEEFPO et de membres du conseil d'administration est constitué pour examiner les candidatures, procéder aux entrevues et choisir les personnes les plus compétentes pour remplir les fonctions.

Nous sommes nommés pour un mandat de trois ans mais, bien entendu, comme les représentants du gouvernement, c'est à titre amovible. Nous n'avons pas la garantie de rester en poste pendant trois ans.

Les nominations suivent un processus rigoureux. Elles sont confirmées par le conseil d'administration du syndicat et c'est ainsi que l'on procède pour tous les régimes de pension dont nous sommes les coadministrateurs.

Les candidats doivent répondre à des questions portant sur leurs fonctions futures, la responsabilité fiduciaire, leurs connaissances en investissement et leurs connaissances en administration. Nous avons plus de 120 employés qui travaillent directement pour la FPS. On leur demande s'ils savent ce qu'est la Fédération du travail de l'Ontario, par exemple. Nous posons ce genre de question, mais ce n'est pas un processus politique.

L'une des raisons pour lesquelles la fiducie ne verse pas d'honoraires est que nous voulions éviter qu'elle serve à nommer des gens par favoritisme. Les syndicats peuvent recourir au favoritisme aussi bien que l'employeur. Voilà pourquoi nous ne versons pas d'honoraires. Cela a tendance à attirer des gens qui s'intéressent davantage à leur rôle qu'au privilège de voyager gratuitement jusqu'à Toronto toutes les trois ou quatre semaines.

Le sénateur Oliver: J'aurais une ou deux questions à vous poser quant à la façon dont vous choisissez de répartir votre actif qui est constitué d'environ 60 p. 100 d'actions. Qui prend cette décision et la répartition de votre actif a-t-elle changé depuis 1995? Je constate, par exemple, que vous avez 4,5 p. 100 de votre avoir dans l'immobilier et que vous détenez pourtant dans votre portefeuille, en 15e place, des actions de Trizec Hahn.

Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par «immobilier», ce que Trizec représente et comment vous décidez de la répartition de votre actif? Je remarque également qu'aucun plafond n'est indiqué et que vous avez donc pour politique de ne pas conserver de réserve en espèces et de tout investir.

Mme Parrish: Nous avons pour politique de tout investir. Parfois, lorsque des conditions du marché le justifient, nos actionnaires convertissent des valeurs en espèces. Ils sont autorisés à le faire, mais notre politique favorise le placement intégral. Je vais commencer par le début.

Les administrateurs décident de la politique d'investissement, mais il y a un processus à suivre et cela s'applique aux investissements importants. Vous commencez par le passif de votre régime de pensions. Nous décidons de la façon de répartir notre actif -- et chaque régime de pensions devrait en faire autant -- en comparant la proportion de membres actifs par rapport aux membres retraités.

Quand nous avons commencé, nous avions 2 000 membres retraités et plus de 60 000 membres actifs. Si vous considérez les âges, c'était un régime très jeune. L'âge moyen était de 40 ans et le pensionné moyen avait 60 ans. Le pensionné moyen peut s'attendre à vivre jusqu'à 82 ans. Nos prestations sont entièrement indexées. Qu'est que cela signifie? Cela veut dire que notre horizon d'investissement s'étend sur 40 à 50 ans et qu'il doit être orienté vers la croissance. Nous décidons de la répartition de l'actif à partir de ces renseignements. Cette décision porte principalement sur la proportion de l'actif qui devrait être investie dans des actions.

Le sénateur Oliver: Les actions ont-elle toujours occupé une place importante?

Mme Parrish: Nous avons commencé par 50 p. 100 d'actions, en partie parce que nous avions un grand nombre de débentures non négociables du gouvernement ontarien, ce qui nous limitait. Nous sommes passés ensuite à 60 p. 100. Notre régime compte 9 000 retraités et 53 000 membres actifs. Le pensionné moyen est toujours âgé de 60 ans si bien que le nombre de retraités va grossir dans une large mesure. Nous investissons toujours pour 30 ou 35 ans et il nous faut donc une bonne quantité d'actions. C'est ce qui motive nos décisions.

Pour ce qui est de l'immobilier, j'aurais plusieurs choses à dire. L'immobilier se porte bien lorsque l'inflation est en hausse et que les gens en ont peur. Nous sommes très conscients de cette réalité. Nous devons réfléchir à la situation actuelle de l'immobilier et à la proportion que l'immobilier devrait occuper dans notre portefeuille par rapport au reste. Les sociétés immobilières ont tendance à se comporter de façon très semblable aux autres. Il s'agit généralement d'actions ayant un potentiel de croissance. Leurs résultats ne sont pas les mêmes que ceux de l'immobilier. En fait, ce sont les obligations à rendement réel qui ont tendance à se comporter de la même façon que l'immobilier.

Nous examinons toutes ces questions lorsque nous décidons de la répartition de nos investissements. Les administrateurs consacrent des heures à cela et c'est normal. Ils ne devraient pas passer leur temps à se demander s'il y a lieu d'acheter une action plutôt qu'une autre; c'est le rôle des gestionnaires d'investissement. Néanmoins, ils consacrent beaucoup de temps à ces décisions qui se fondent sur la politique établie. Quand nous parlons du succès de notre régime, nous le devons au processus auquel les administrateurs se sont conformés, un processus très discipliné qui est fonction de la politique établie.

Le sénateur Oliver: Pour ce qui est de l'administration ainsi que de la répartition de l'actif, vos administrateurs consacrent beaucoup de temps à cette question et prennent une décision de commun accord?

Mme Parrish: Oui. Ils font les recherches nécessaires, ils abordent d'autres questions comme celles dont nous venons de parler et ils apportent des changements graduels. En 1995, nous avions une politique qui a été révisée chaque année. Les administrateurs jouent un rôle très actif dans l'élaboration de la politique. Ils régissent cette partie de nos activités.

Comme vous le savez, dans le milieu des investissements, votre rendement dépend à 80 p. 100 de votre politique. Il n'est pas aussi important de choisir les bonnes actions que d'établir la bonne politique.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez fait une excellente présentation de votre rapport. C'est un rapport d'excellente qualité et il est agréable d'en prendre connaissance. On voit tout de suite qu'on a affaire à des gens qui sont dans les gouvernements puisque vous utilisez des acronymes. Quand vous avez écrit OPT, cela m'a pris plusieurs minutes pour savoir de quoi on parlait parce que tout est comme cela dans nos gouvernements et c'est un langage assez hermétique.

Vous avez donné, à la page 11, la règle qui s'appliquait au 30 p. 100 de «Canadian Equities» et au 30 p. 100 de «non-Canadian Equities» et un peu plus loin vous dites:

[Traduction]

Le contenu étranger de la FPS est limité à 20 p. 100 de son actif en fonction de sa valeur comptable.

[Français]

En ce qui concerne les fonds de pension, plusieurs témoins nous ont demandé d'augmenter la marge de 20 à 30 p. 100 pour les investissements à l'étranger. Je suis portée à conclure que vous seriez favorable au 30 p. 100 plutôt qu'au 20 p. 100. J'aimerais que vous nous donniez votre opinion concernant la règle du 20 p. 100 de limitation d'investissements à l'étranger.

[Traduction]

Mme Parrish: Je commencerai par apporter une correction. La Fiducie de pension du SEEFPO est un organisme privé et non pas gouvernemental. Il est vrai que nous nous servons de toutes sortes d'appellations, mais il est vrai également qu'IMASCO désigne Canada Trust comme CT Financial Services. C'est une mauvaise habitude, mais je ne pense pas qu'elle soit propre au gouvernement. Nous sommes coupables, mais nous ne sommes pas les seuls.

Le sénateur Hervieux-Payette: La règle s'applique à tout le monde.

Mme Parrish: Tout d'abord, je tiens à souligner que la règle actuelle concernant l'investissement étranger le limite à 20 p. 100 de la valeur comptable. Il est arrivé à de nombreux régimes qui ont investi dans des actions étrangères que la valeur marchande ne corresponde pas à la valeur comptable. Il est possible de détenir davantage d'actions étrangères si l'on tient compte de leur valeur marchande que si l'on se base sur leur valeur comptable et c'est ce qui se passe dans notre cas étant donné que la répartition de notre actif se fonde sur la valeur marchande et non pas sur le coût. C'est ce qui explique en partie ces différences.

J'ajouterais que notre régime n'a pas pris officiellement position au sujet de la limite concernant la propriété étrangère. Nous reconnaissons toutefois que les contribuables canadiens offrent un abri fiscal aux régimes de pension et que c'est important. Nous reconnaissons cette réalité et les débats concernant la politique publique doivent en tenir compte. En même temps, pour obtenir de bons résultats, les régimes doivent pouvoir faire des placements raisonnables dans des actions étrangères. C'est parce que le Canada est toujours un marché relativement petit et que la diversification étant un moyen de répartir le risque, il faut pouvoir diversifier son avoir autant sur le plan géographique qu'en ce qui concerne les types d'investissement.

M. MacGillivray: Il est vrai également qu'une des raisons pour lesquelles nous avons été constitués en fiducie était de nous permettre de mieux gérer nos communications avec nos membres. Ils versent une partie très importante de leur salaire hebdomadaire dans le régime et le fonds de retraite qui nous a précédés avait la réputation de ne pas répondre aux besoins des membres.

Les administrateurs ont passé beaucoup de temps à améliorer les communications avec les membres. Nous communiquons avec eux en des termes simples et directs afin qu'ils puissent comprendre certaines questions très complexes. Nous communiquons au moins chaque trimestre à la fois avec nos membres et les pensionnés. Nous leur envoyons nos rapports annuels. Nous avons modifié la plupart, sinon la totalité de nos brochures. Ainsi, quel que soit son emploi, chacun de nos membres peut y trouver quelque chose qui s'applique à lui. À notre avis, c'est là un élément très important des services qu'offre un régime de retraite.

Nos membres ont le droit d'être informés. Ils ont non seulement le droit de savoir que nous gagnons de l'argent, mais également comment nous le gagnons et à quoi ils peuvent s'attendre. En cette période de compressions où des milliers de membres surveillent leur pension de retraite de très près, il est extrêmement important de pouvoir bien communiquer avec eux, de leur expliquer leurs options et de leur dire ce que nous faisons de leur argent.

Jusqu'ici, nous avons obtenu d'excellents commentaires de nos membres et nous en sommes très fiers.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous appliquez également à tous vos investissements à l'étranger vos «proxy voting guidelines» et les restrictions que vous avez face à certaines pratiques? Je pense que le syndicalisme n'est pas très élevé dans les pays asiatiques. Les pratiques administratives ne sont pas nécessairement aussi rigoureuses que dans notre pays. Est-ce qu'à ce moment, vous vous abstenez ou si vos conseillers doivent être plus flexibles dans l'application des normes que vous édictez aux marchés qui ne sont pas des pays de l'OCDE?

[Traduction]

Mme Parrish: Encore une fois, vous me posez une question au sujet de notre politique sociale ou éthique concernant l'investissement. La fiducie fait des recherches sur la question, mais elle n'a pas encore adopté de politique officielle.

Prenons l'investissement étranger. Nous avons relativement peu d'investissements en Asie et, comme je l'ai déjà dit, nous investissons beaucoup dans les grandes sociétés. Comme nous investissons dans les très grandes sociétés plutôt que les petites, certains problèmes ne se posent pas.

Quant à savoir comment faire face à ce genre de question, c'est compliqué et cela exige beaucoup de travail. Notre conseil d'administration ne prend pas de décisions concernant la politique avant que les recherches nécessaires n'aient été faites. Autrement dit, nous devons d'abord parler à nos membres pour savoir ce qu'ils en pensent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Concernant la section des lignes directrices, vous dites que vous préférez des conseils d'administration de petite taille comprenant de 12 à 16 membres. Est-ce que cela veut dire que vous n'investissez pas dans les banques? Qu'est-ce qui arrive quand vous avez un conflit de lignes directrices?

[Traduction]

Mme Parrish: Quand vous suivez certaines règles, vous ne dites pas seulement: «Voici les règles à suivre», que ce soit logique ou non dans les circonstances. Nous disons: «C'est ce que nous préférons», mais nous tenons compte de la façon dont le conseil d'administration est organisé.

Il est très souhaitable d'avoir une structure de régie vraiment capable d'administrer. Nous tenons à ce que le travail soit organisé de façon à pouvoir être accompli et à ce que la structure de régie joue vraiment son rôle. Si les membres du conseil d'administration travaillent ensemble de façon raisonnable, le personnel fera marcher l'organisation. C'est ainsi que cela fonctionne. C'est ce que nous recherchons. Même si nous exprimons une préférence, nous n'allons pas automatiquement voter contre si le conseil d'administration compte 18 membres. Nous prenons l'ensemble de la structure en considération.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Puisque je viens de parler des banques, à la page 6 de la section des lignes directrices, vous parlez de votes d'option préférée, de séparer les deux postes de président du conseil et chef de la direction. Est-ce que vous avez, lorsqu'il s'agissait des banques, voté nécessairement en faveur de la division des tâches? Il y a deux écoles de pensée à ce sujet; une école veut que les banques font exception et que le président du conseil d'administration soit aussi président de la direction. Tandis que dans d'autres industries, il est préférable d'avoir les deux postes. Étant donné que les banques ont été de bons secteurs d'investissements dans les dernières années, quelle était la prise de position?

[Traduction]

Mme Parrish: Nous avons voté pour la séparation.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous une politique du pourcentage d'actions que vous pouvez détenir dans une société publique? Est-ce que vous vous limitez à 10 p. 100, 5 p. 100? Cette norme est peut-être dans le document, mais je ne l'ai pas vu. Est-ce qu'il y a une limite rigoureuse sur le pourcentage de votre participation à l'équité dans une entreprise?

[Traduction]

Mme Parrish: Oui, et c'est dans l'énoncé de notre politique et de nos objectifs. Nous n'y investissons pas plus de 10 p. 100. Nous avons tendance à investir dans les grandes sociétés si bien que nous ne nous approchons même pas de ce chiffre. Toutefois, nous n'investirions jamais plus de 10 p. 100 et jamais plus de 1 p. 100 de la totalité du fonds dans une même entité. La limite se situe à deux niveaux et elle figure dans l'énoncé de notre politique et de nos objectifs d'investissement.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que les mises à pied massives des fonctionnaires faites par le gouvernement de l'Ontario dans les dernières années, ont eu un impact sur le fonctionnement et le rendement du fonds? Est-ce que le fait qu'un gouvernement met à pied 10 000 employés et ne reçoit plus de contributions ou doit avoir plus de gens qui reçoivent des pensions, a eu un impact majeur? Est-ce que les gens ont vu augmenter leur prestation?

[Traduction]

Mme Parrish: Aucun régime de retraite n'a augmenté ses contributions à la suite de la restructuration du gouvernement de l'Ontario. Cela a eu toutefois des conséquences pour nous. Par exemple, nous avions fait des prévisions de façon à établir notamment d'où viendraient nos retraités. Nous avons commencé avec 2 000 retraités et nous en avons maintenant 9 000. Nous comptons 2 000 ou 3 000 retraités de plus que nous ne l'avions prévu.

Il y a eu une très forte augmentation du nombre de retraites anticipées du fait que les gens comptent toucher de nous une bonne pension et veulent éviter d'être mis à pied. Si vous prenez le programme Facteur 80, un programme de retraite anticipée, au départ, 20 p. 100 des travailleurs qui y étaient admissibles s'en sont prévalus. C'est maintenant environ 60 p. 100, ce qui représente une très forte augmentation.

Il y a eu aussi une diminution du nombre de membres actifs. Cela ne s'est pas répercuté sur la liquidité du régime. Un grand nombre des personnes touchées ont passé des moments très difficiles et nous compatissons de tout coeur avec nos membres qui ont perdu leur emploi.

Ces changements n'ont pas eu de répercussions financières sur le régime. Ce dernier s'est très bien comporté et reste très liquide. Néanmoins, la demande de services s'est accrue de façon phénoménale. Le régime a dû réagir très rapidement pour fournir un niveau de service très élevé.

La toute dernière page de notre rapport annuel énumère les pensions versées et les indemnités de départ payées par le régime. En 1995, nous avons versé 16 millions de dollars en indemnités de départ et l'année dernière, 154 millions. Le montant des prestations a également doublé en trois ans, passant de 73 millions à 141 millions de dollars. L'activité nécessaire pour répondre à ces demandes est très intense. Nous devons agir très rapidement pour fournir les services requis.

Le sénateur Callbeck: Votre conseil d'administration est constitué de bénévoles. D'après ce que vous avez dit, j'ai l'impression qu'il est très actif. À peu près combien de réunions tenez-vous chaque année et combien de temps durent-elles? De combien d'heures s'agit-il?

Mme Parrish: Les membres du conseil sont très généreux de leur temps. Le comité des investissements se réunit 10 à 11 fois par an et le comité de l'administration en fait autant. Le comité de la vérification tient cinq réunions par année. Le comité des règlements se réunit sur demande et le conseil d'administration doit tenir au moins six réunions par an, mais il se réunit généralement huit fois.

M. MacGillivray: Certaines questions soulevées au cours de ces réunions exigent parfois la constitution d'un comité spécial. Ce comité est chargé d'un projet particulier et, souvent, il faut y nommer un représentant du gouvernement, un employé du syndicat et un administrateur. Il s'agit d'un conseil d'administration très actif et c'est ainsi qu'il a été conçu.

Le sénateur Callbeck: Quelle est la durée du mandat?

M. MacGillivray: Le promoteur syndical procède à des nominations pour trois ans, mais c'est à titre amovible.

Mme Parrish: À ma connaissance, l'employeur ne confie pas des mandats d'une durée précise; les nominations sont à titre amovible. Il s'agit généralement de fonctionnaires et de gens de l'extérieur dont la plupart possède de l'expérience dans le domaine de l'investissement. À ma connaissance, ces personnes ne sont pas nommées pour un mandat d'une durée précise.

Le sénateur Callbeck: Vous pouvez donc avoir deux ou trois mandats différents?

M. MacGillivray: Oui.

Le sénateur Callbeck: Vous avez parlé de l'exercice du droit de vote et des votes par procuration. Dans votre mémoire, vous dites que si la position des investisseurs institutionnels sur certaines questions, par exemple les «pilules empoisonnées» est de notoriété publique, cela tend à engager des entreprises à adopter un comportement modéré.

Mme Parrish: Oui.

Le sénateur Callbeck: Pouvez-vous nous en donner un exemple?

Mme Parrish: Il est toujours difficile de dire quelle influence cela a exactement, car les gens en parlent rarement de façon aussi explicite. Souvent, des sociétés diront qu'elles s'abstiennent de faire certaines choses. Si elles le disent, c'est parce qu'elles savent que cela ne plaît pas aux actionnaires et que, si elles le font, ils n'achèteront pas leurs actions ou ils voteront contre elles.

Si c'était dans leur intérêt, elles feraient toutes ces choses. Une société est consciente du fait que les actionnaires s'opposeront à certains agissements et cela a un effet modérateur. Je crois qu'il y a eu une évolution dans le comportement des sociétés au Canada; certains agissements qui étaient très fréquents le sont beaucoup moins maintenant parce qu'on se rend compte que ce sera inacceptable. C'est un long processus; voilà pourquoi des organisations de taille moyenne comme la nôtre doivent s'allier à d'autres pour avoir une véritable influence sur le marché. Nous ne sommes pas assez gros à nous tous seuls.

Le président: Votre organisation est membre de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite ou ACGFR, n'est-ce pas?

Mme Parrish: Oui.

Le président: Tout à l'heure, je crois que vous avez fait allusion aux lignes directrices de cette association.

Mme Parrish: Oui.

Le président: Cherchez-vous à suivre d'assez près ces lignes directrices?

Mme Parrish: Nous avons nos propres lignes directrices. Nous avons examiné celles de l'ACGFR lorsque nous avons établi les nôtres, mais il y a certaines différences. Nos lignes directrices sont semblables à celles de l'Association, mais elles contiennent des dispositions supplémentaires.

Le président: Avez-vous examiné les lignes directrices émises récemment par le Bureau du surintendant des institutions financières? Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas assujettis à la réglementation fédérale, mais avez-vous examiné ces lignes directrices?

Mme Parrish: Je l'ai fait. Je n'ai pas encore demandé à mes collègues de les porter à l'attention du conseil d'administration.

Le président: D'après ce que j'ai pu voir, elles sont assez semblables.

Mme Parrish: Oui, elles le sont.

Le président: Il ne serait pas souhaitable d'inscrire ces lignes directrices dans la loi exactement de la façon dont elles sont formulées. On a toutefois suggéré qu'il pourrait être avantageux d'avoir un règlement exigeant que les caisses de retraite signalent chaque année aux actionnaires les écarts par rapport aux lignes directrices. Cela pourrait se faire comme pour les lignes directrices de la Bourse de Toronto concernant la régie d'entreprise. Ce sont seulement des lignes directrices, mais si l'on s'en écarte, il faut en faire rapport chaque année. Les écarts doivent être expliqués. Qu'en pensez-vous?

Mme Parrish: Nous n'y serions pas opposés. Nous faisons part à nos membres de la plupart des choses que nous faisons. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée. Il faudrait donner aux gens des renseignements complets. Il faut toutefois les situer dans leur contexte et je voudrais m'assurer que le contexte est bien décrit.

Le président: D'accord.

Mme Parrish: C'est ce que j'ai moi-même constaté. J'ai travaillé pour un organisme de réglementation et il est très utile d'avoir vu les choses sous les deux angles. Je ne suis pas certaine qu'il soit souhaitable de l'exiger. Il me paraît plus utile de le demander.

Par exemple, je crois que la Loi sur les régimes de retraite de l'Ontario exige un énoncé des objectifs qui doit être réexaminé chaque année. Bien entendu, il est possible qu'il soit émis sans qu'on y donne suite. Mais en exerçant ce genre de pressions, on a de meilleures chances que les régimes de pension le fassent.

Si l'on doit se doter de lignes directrices pour les votes par procuration, il faut y adjoindre une politique sur la façon de communiquer l'information au lieu d'exiger que certains renseignements soient communiqués. Il faudrait dire aux conseils d'administrations de réfléchir à la façon de diffuser l'information et de trouver une méthode satisfaisante.

Le président: C'est exactement ce que font les lignes directrices Dey et celles de la Bourse de Toronto. On a dit aux conseils d'administration qu'il y avait des lignes directrices, qu'ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient, mais qu'ils devaient faire rapport de ce qu'ils avaient accompli.

Nous avons eu récemment un entretien avec le gouverneur de la Banque centrale de Nouvelle-Zélande. Une bonne partie de la réglementation a été éliminée, mais les institutions financières doivent diffuser davantage de renseignements, comme l'exigent les lignes directrices Dey. Il a reconnu que cela avait une forte influence sur leur comportement tout en préservant la souplesse des lignes directrices. Si l'on a une excuse raisonnable pour s'en écarter, il est sans doute possible de le justifier.

Il existe toute une série de lignes directrices pour les gestionnaires des fonds de pension et elles sont plus ou moins uniformes. Néanmoins, il ne semble pas y avoir de mécanisme permettant aux membres de savoir si les lignes directrices sont respectées ou non. Voilà pourquoi j'ai posé ma question.

Tant que les lignes directrices restent souples, vous ne semblez pas voir d'inconvénients à dire aux gens que vous allez vous y conformer plus ou moins, sauf quelques variations mineures. C'est ce que vous semblez dire. C'est bien cela?

Mme Parrish: Je ne pense pas que cela cause de problème, du moment que nous pouvons nous entendre quant à la façon de communiquer l'information.

Le président: Vous n'y voyez pas d'objections, mais serait-ce également une bonne stratégie de régie?

Mme Parrish: Nous pensons qu'il est toujours souhaitable de faire savoir aux actionnaires, c'est à dire dans notre cas nos membres et nos pensionnés, ce que l'on fait de leur argent. La seule réserve que j'aurais est qu'il faut leur donner des renseignements utiles. J'ai lu trop de documents dont le public ne peut pas saisir l'importance à cause de la façon dont l'information est présentée.

Le président: Il faut que ce soit compréhensible.

Mme Parrish: Les gens doivent pouvoir comprendre ce qui leur est dit et savoir ce qu'ils doivent répondre ou ce qu'ils doivent faire.

Le président: Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.

Sénateurs, notre dernier témoin est M. Yves Michaud.

Monsieur Michaud, nous vous remercions d'être venu aujourd'hui. Afin que ce soit consigné dans notre compte rendu, pourriez-vous nous présenter vos collègues.

[Français]

M. Yves Michaud, président, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec: Monsieur le président, le plaisir est renouvelé, il y a longtemps que nous souhaitions vous rencontrer.

Je suis accompagné de la vice-présidente de notre association, Marie Rousseau; un des membres du conseil d'administration, M. Paul Lussier; et de l'auteur, M. Richard Langlois, un économiste, qui vient de publier un livre qui s'appelle Requins, L'insoutenable voracité des banquiers, qui est l'analyse dont la préface est de votre humble visiteur, mais qui demeure la mise la plus fine, la plus pointue, la plus précise, exhaustive et complète en langue française du fonctionnement du système bancaire canadien. Ce livre est à mettre entre toutes les mains. C'est un ouvrage majeur pour la compréhension du système du fonctionnement des banques.

Nous sommes l'Association de protection des épargnants et des investisseurs du Québec. Nous sommes la seule association de ce genre au Canada, c'est-à-dire n'ayant aucun lien, étant comme la femme de César au-dessus de tout soupçon, et notre action se situe au niveau des principes: la défense des droits des actionnaires, les principes de la régie d'entreprise, l'imputabilité des dirigeants, à la fois des banques et des sociétés par actions, la transparence et l'information aux actionnaires. Depuis deux ou trois ans, c'est l'activité que nous avons déployée.

Nous comptons actuellement près d'un milliers de membres et j'espère que l'année prochaine, avec la campagne de recrutement en cours, que nous allons dépasser les 2 000, ce qui représente déjà une masse critique intéressante puisque nous n'offrons aucun service, c'est-à-dire que nous défendons ce que nous croyons être les nobles causes.

Vous m'avez fait demander, monsieur le président, par l'un de vos émissaires de parler pendant cinq à dix minutes. C'est demandé à l'ex-parlementaire que je suis, dont le dernier discours à l'Assemblée nationale a duré 67 heures en 1969, un tour de force.

[Traduction]

Le sénateur Kolber: Monsieur le président, j'ai un conflit d'intérêts. Je ne pourrai donc pas entendre ce témoignage.

Le président: Très bien.

[Français]

M. Michaud: Monsieur le président, je serai extrêmement bref. Vous avez reçu le mémoire plutôt deux fois qu'une; une version du mémoire en anglais et une version en français. Je ne vais donner que les titres, très peu d'explication et les membres de votre comité pourront nous poser des questions qu'ils conçoivent comme étant les plus pertinentes quant à l'exposition du mémoire.

Nous proposons 15 amendements à la Loi des banques et la Loi canadienne des sociétés par actions. C'est ce que j'appellerais les 15 piliers de la sagesse. L'auteur D. H. Lawrence en avait sept, nous en avons 15.

La proposition numéro un, rencontre l'assentiment général chez tous les investisseurs institutionnels dans le rapport Cadbury, qui est maintenant devenu le rapport Hampel au Royaume-Uni, chez CalPERS, chez tous ceux qui, dans le monde entier, s'occupent des principes de la régie d'entreprise. Ce principe veut que soit séparés les postes de chef de la direction et de président du conseil d'administration. Pourquoi? Parce que le seul pouvoir qu'ont les actionnaires, qui sont les propriétaires des banques ou des sociétés, c'est celui d'élire les membres du conseil d'administration, d'assister aux assemblées, faire des propositions, bien sûr, mais élire les membres de conseil d'administration, lequel conseil d'administration établit les politiques générales et à un rôle de surveillance vis-à-vis le chef de la direction.

Or, il y a conflit d'intérêt et apparence de conflit d'intérêt. Comme en matière de justice, il importe que justice soit rendue mais qu'il y ait apparence de justice rendue. Il faut être un surhomme pour être à la fois objectif en étant chef de la direction et président du conseil d'administration, s'autoévaluant lui-même à sa performance. Surtout avec le principe de composition des membres des conseils d'administration dans les banques et dans plusieurs grandes sociétés où c'est un système des copains d'abord, de cooptation et de recrutement, il est extrêmement difficile pour les actionnaires de présenter un candidat au poste du conseil d'administration des banques. Il était extrêmement difficile pour un des actionnaires de présenter un candidat.

Nous suggérons que la loi soit générale. Il pourrait y avoir des exceptions -- c'est au législateur à le décider -- principalement dans la Loi des banques, parce qu'il s'agit de centaines de milliers d'actionnaires. Cette mesure s'appliquerait uniquement aux sociétés par actions inscrites en bourse depuis cinq ans et où aucun actionnaire ne détient pas plus de 10 p. 100 des droits de vote. Cette mesure s'applique à peu près uniquement aux banques. Il est vrai qu'elle exclue toutes les petites entreprises qui ne rentreraient pas dans ce cadre.

La proposition numéro deux, et je cite:

Assurer la présence d'actionnaires au conseil d'administration[...]

Nous souhaiterions que l'article 168 de la Loi des banques, qui prévoit le vote cumulatif, ne soit pas l'objet d'un amendement aux règlements, c'est-à-dire avoir à obtenir les deux tiers des votes des actionnaires, mais au moins que cela représente uniquement 50 p. 100 plus un, afin que l'on puisse se servir du vote cumulatif, comme actionnaire, pour pouvoir présenter un candidat sur 24, à condition, bien sûr, selon la loi, que l'on aie 5 p. 100 du capital action en circulation. C'est himalayen de faire cela. La loi nous pose des contraintes absolument restreignantes: 5 p. 100 pour présenter un candidat, ce qui veut dire que, si je prends comme exemple la plus petite banque, la Banque Nationale qui a 160 millions d'actions, qu'il faut avoir huit millions d'actions pour avoir le droit, en vertu de l'article 143 de la Loi des banques, de présenter un candidat.

Alors nous suggérerions que cela ne se fasse pas par le biais de l'amendement du règlement mais simplement d'une simple proposition en vertu de la Loi du vote cumulatif que le législateur dans sa sagesse a mis dans la Loi des banques, justement pour permettre aux actionnaires de faire élire un candidat qui ne serait pas le choix du conseil d'administration.

On croit qu'en s'orientant dans cette direction, on pourrait facilement enrichir le conseil d'administration. Ce ne sont pas des joueurs de violon que l'on veut présenter, encore que les joueurs de violon peuvent avoir une connaissance bancaire très soutenue, mais on veut enrichir le conseil d'administration.

La proposition numéro trois découle de cela, l'inéligibilité d'un fournisseur de services. Il est évident qu'un avocat, par exemple, ou un expert comptable qui aurait deux, trois millions d'honoraires par année et qui siège au conseil d'administration d'une banque ou d'une corporation est en conflit d'intérêt. Il devrait se retirer, à peu près, plutôt dix fois qu'une à chaque séance du conseil et il ne vote pas. On croit que la loi devrait être précise et qu'un grand fournisseur de service important ne devrait pas être appelé à siéger au conseil d'administration de l'entreprise.

La proposition numéro quatre oblige de divulguer tout lien commercial direct ou indirect entre la banque ou la corporation ou ses actionnaires principaux et ses administrateurs.

La proposition numéro cinq, on croit qu'elle est logique, limiterait le mandat des membres du conseil d'administration autres que les dirigeants de la société à 10 ans. Tant il est vrai que si quelqu'un a siégé pendant dix ans à un conseil d'administration, les 10 autres années subséquentes risquent de devenir du «pantouflage». Il a donné à peu près le meilleur de lui-même ou à tout le moins, qu'il aille siéger à un conseil d'administration d'une autre entreprise.

L'autre partie de nos recommandations concerne les droits des actionnaires. Ma proposition numéro six est de rendre disponible à la société ou à la banque, la liste des actionnaires. J'ai lu tous vos rapports. C'est tellement anonyme maintenant que même les banques et les sociétés n'ont pas la liste de leurs actionnaires, elle est détenue chez les courtiers, et cetera.

La proposition numéro sept veut élargir aux actionnaires véritables, non inscrits, c'est-à-dire ceux qui détiennent leurs actions chez un courtier, le droit de déposer des propositions pour fins de débat à l'assemblée des actionnaires.

Cette disposition de la Loi des banques exclut 95 p. 100 des actionnaires qui n'auraient pas le droit de faire des propositions parce que leurs actions ne sont pas nominatives et inscrites à leur nom. Déjà, le mouvement a été amorcé l'année dernière, des actionnaires non inscrits, malgré de jugement de la Cour suprême dans l'affaire Verdun qui l'a débouté étant donné qu'il n'était pas inscrit à son nom, les banques ont accepté des propositions d'actionnaires non inscrits, justement en vertu du fait qu'il leur a paru illogique que le droit de faire des propositions soit strictement limité à seulement quatre à cinq p. 100 des actionnaires au Canada, privant de ce droit les autres actionnaires.

Nous souhaiterions avec la proposition numéro huit que disparaisse carrément de la Loi des banques, la stipulation de l'article 137 de la Loi des sociétés par actions et 143 de la Loi des banques, qui dit qu'une banque ou une corporation peut refuser d'inscrire les propositions d'un actionnaire dans la circulaire de direction si la proposition a pour but de servir des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue. Pourquoi pas l'orientation sexuelle tant qu'à y être! Cela nous semble contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Relisez le jugement dans le cas où je suis allé devant les tribunaux pour obtenir le droit de faire des propositions, j'ai demandé au juge de déclarer cette disposition contraire aux intérêts des actionnaires et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Cet article est écrit de telle sorte que quelques membres de notre association, quelques actionnaires dont une vénérable dame de 94 ans a fait des propositions à des banques et la banque lui a dit: non, on n'accepte pas d'inclure vos propositions dans notre circulaire en vertu de l'article 143 de la Loi. Je cite cet article:

[...] soit de servir à des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux social ou analogue.

Cela nous semble insensé. Par ailleurs la Loi devrait prévoir que les propositions doivent être ciblées. Il ne faut pas que ce soit des propositions futiles, ni frivoles, ni des propositions de croisade, c'est ce qu'on veut dire là-dedans, mais que l'on ne se serve de cette disposition pour écarter d'emblée toute proposition de quelque nature que ce soit. Si la proposition est refusée sans motif d'ailleurs par les banques, c'est arrivé dans mon cas, un actionnaire doit en appeler au tribunal, c'est-à-dire aller devant les cours de justice, la cour supérieure du Québec ou de l'Ontario pour avoir le droit de déposer des propositions et faire voter les actionnaires.

La proposition numéro neuf suggère justement de confier à un organisme administratif, qui pourrait être le bureau du surintendant des institutions financières, le soin de juger du bien-fondé de la décision de la direction de rejeter des propositions d'actionnaires. Autrement dit, qu'il y ait un filtrage entre la proposition et la cour de telle sorte que, même s'il y avait un refus de la part du tribunal administratif qui pourrait relever comme je vous dis du bureau du surintendant, il y ait un possible recours également devant les tribunaux si l'actionnaire estime qu'il subit un préjudice du fait que sa proposition n'a pas été acceptée.

La proposition numéro dix demande que lorsque les procurations sont envoyées, que les procurations des fondés de pouvoir soient envoyées à l'un ou l'autre de tous les membres du conseil d'administration sauf les membres de la direction.

C'est donner un pouvoir trop abusif dans la plupart des cas. Dans le formulaire, on met: veuillez envoyer la procuration à monsieur le président de la banque ou au vice-président ou à défaut --, puis là il y a une petite ligne blanche et on met le nom. C'est donner un pouvoir trop grand, trop abusif et arbitraire à la direction seulement. Que l'on choisisse parmi tous les membres du conseil d'administration, l'administrateur que l'on croit être le plus apte à nous représenter et à voter en notre nom, mais non pas accorder ce pouvoir au chef de la direction.

La proposition numéro 11 demande le vote distinct pour les candidats administrateurs sur le formulaire de procuration, j'espère que vous n'aurez pas trop de difficultés à inclure cela dans la loi. L'année dernière, c'est-à-dire au mois de mars, cette proposition que j'avais faite a reçu à la Banque Royale 49,4 p. 100 des voix des actionnaires, c'est-à-dire huit millions d'actions représentant sept milliards de dollars. À la Banque Nationale, cela a été 48,2 p. 100 et dans les deux cas, dans le cas de celui de la Banque Nationale, le président, sur le champ, a dit qu'un tel appui massif en faveur de cette proposition fera que je vais recommander à mon conseil d'administration de changer notre position et de l'adopter. Dans le cas de la Banque Royale, le président a dit que l'appui est tellement significatif, 49,4 p. 100 -- c'est presque un référendum gagnant -- qu'il allait redemander à son comité de régie d'entreprise de revoir sa position là-dessus.

C'est bien évident que le vote distinct permet aux actionnaires de manifester pour chacun des membres du conseil. Ce n'est pas un grand pas mais c'est déjà un pas en avant de permettre aux actionnaires d'exprimer leur satisfaction à l'endroit de l'un plutôt que l'autre des membres du conseil d'administration.

La proposition numéro 12 est tellement compliquée que vos fonctionnaires la regarderont. Cette proposition permettrait à une banque de ne pas inscrire les propositions d'un actionnaire en vertu d'une chinoiserie qui s'appelle le règlement DORS/82-925 sur le formulaire de procuration.

Cela permet à une banque de dire que le conseil d'administration votera contre les propositions de l'actionnaire, mais qu'elle n'est pas obligée de les mettre dans la circulaire de la direction.

La proposition numéro 13 concerne l'adoption d'un code de procédure pour les assemblées des actionnaires. C'est déjà fait. La Banque Laurentienne a adopté un code de procédure inscrit dans ses règlements. Il y a quelques articles qui accordent à celui qui fait une proposition, le droit de la présenter pendant cinq à sept minutes, les autres intervenants disposent de trois minutes et il y a un droit de réplique; un peu comme dans le système parlementaire britannique. Souvent, il est arrivé que des présidents, abusant de leur autorité, ont coupé le microphone d'un actionnaire un peu trop inquisiteur.

Si le moindre petit syndicat ou la moindre petite association reçoit un code de procédure, les banques devraient également se doter d'un code de procédure tout simple.

La proposition numéro 14 a trait à la soumission de la politique de rémunération de la direction ainsi que ses paramètres au vote de l'assemblée des actionnaires. Cela ne concerne pas le plafond des salaires, mais nous souhaiterions que le gouvernement oblige le conseil d'administration ou son comité qui fixe la rémunération, de renseigner les actionnaires sur la façon avec laquelle il procède, de rendre des études publiques et qu'il engage des experts sur les comparaisons entre les salaires, et cetera. Autrement dit, qu'il informe sur la politique de rémunération.

Regardez dans les rapports annuels des banques, c'est toujours écrit en des termes lénifiants, vagues, imprécis. Nous souhaiterions avoir les paramètres précis, complets et que ce soit une obligation imposée au conseil d'administration de mieux renseigner les actionnaires.

La proposition numéro 15 sur la Loi des sociétés par action et la Loi sur les banques vise à ajouter suite à l'examen des états financiers et du rapport du vérificateur, l'expression «après leur dépôt en assemblée». Ce que nous, les actionnaires, trouvons un peu outrageant, insolent et arrogant, c'est que dans l'ordre du jour, le point «réception des états financiers» apparaisse. Point final. Les actionnaires reçoivent les états financiers. Ils ne peuvent pas procéder à l'examen. Fini. Motus et bouche cousue. On n'a pas le droit d'avoir le rapport financier et de poser des questions. À la période des questions, bien sûr, on peut poser des questions, mais il me semblerait normal que lorsqu'on arrive à l'article numéro 3 de l'ordre du jour «réception des états financiers», que l'on puisse dire plutôt l' «examen des états financiers». D'ailleurs la loi le dit. Un examen veut dire examiner, pas uniquement recevoir passivement et donner le feu vert.

Enfin, je vous ai fait distribuer un addenda qui n'est pas dans notre mémoire et qui concerne les paradis fiscaux et l'information aux actionnaires. On a fait toutes les recherches exhaustives sur les paradis fiscaux. Dans l'ensemble de la documentation internationale et nationale sur ce sujet, il n'y a presque rien. On dirait qu'il y a une pudeur à parler des paradis fiscaux. Personne n'en parle -- comme si c'était un sujet qui viendrait des extraterrestres, qui viendrait de la planète mars -- sauf un livre publié par le juge De Renaud Van Ruymbeke qui s'intitule Un monde sans loi où il traite des paradis fiscaux.

L'enjeu est énorme. On estime à 320 milliards de dollars blanchis par année grâce à des opérations à très grande échelle. C'est là où les pouvoirs publics se sentent frustrés, où les contribuables se sentent frustrés par toutes sortes d'entourloupettes qui s'appellent des «swaps», c'est-à-dire des échanges d'actifs réalisés entre deux sociétés sur des actions et des «banques halawa», c'est-à-dire la technique légale de compensation financière entre les membres d'une même communauté ethnique. Ensuite il y a les comptes «offshore», soient les comptes bancaires ouverts dans des paradis fiscaux, et toute une kyrielle d'échappatoires qui ne semblent pas inquiéter nos gouvernements ni l'opinion publique.

On souhaiterait que par la loi, il y ait un système plus rigoureux, contrôlant l'activité bancaire, allant jusqu'à l'interdiction et la prohibition des banques, des sociétés ouvertes à investir et à avoir des filiales dans les paradis fiscaux, en fonction des risques énormes que cela pose à la déontologie, à l'honnêteté, à l'évasion fiscale, où les gouvernements peuvent perdre des centaines de millions de dollars par année grâce à ces paradis fiscaux.

Je n'ai jamais compris et je n'ai jamais eu de réponse quand j'ai posé des questions aux banquiers à ce sujet. Qu'est-ce qu'ils font là? Aux îles Cayman par exemple, où il y a 30 000 habitants et 43 000 entreprises inscrites. On ne m'a jamais donné de réponse. On disait: «Tout le monde le fait.» Ce n'est pas parce que tout le monde le fait qu'on doit le faire.

Le dernier point concerne l'information des actionnaires. Nous souhaiterions que l'on revienne à une pratique, à un statu quo ante d'il y a à peu près dix ans. C'est-à-dire que le procès-verbal exhaustif, objectif, impartial, le plus complet possible des assemblées d'actionnaires qui ont lieu une fois par année, soit expédié à tous les actionnaires. Cela ne se fait plus. Le premier fondement de l'information aux actionnaires est de savoir ce qui s'est passé à leur assemblée. Vous savez qu'il y a 1 000 actionnaires qui assistent, mais il y a 160 000 actionnaires, par exemple pour la Banque Royale. Il faut que l'on sache qui est pour, qui est contre, le sort des propositions de la direction, le sort des propositions des actionnaires et le reste.

Voilà en gros ce que j'avais à vous dire. Mes collègues et moi sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Michaud. Je comprends maintenant comment vous avez pu faire un dernier discours aussi long à l'Assemblée nationale.

L'une de vos 15 recommandations concerne un sujet dont je n'avais jamais entendu parler. Dans votre proposition numéro 8, vous mentionnez le paragraphe (5) de l'article 137 de la Loi sur les sociétés par actions. Je ne suis pas avocat et je ne connais pas cette loi en détail, mais que dit cette disposition? Quels sont ses effets et comment s'en est-on servi pour empêcher que certaines propositions ne soient soumises aux assemblées annuelles?

[Français]

M. Michaud: Lorsqu'un actionnaire fait une proposition, il l'envoie au secrétaire corporatif de la banque ou de la corporation. La banque dit qu'elle refuse en vertu de l'article 137, paragraphe 4 alinéas a) b) et f) Cette stipulation dit ceci:

[Traduction]

La banque peut refuser si la proposition de l'actionnaire vise principalement à satisfaire un grief personnel ou à promouvoir une cause économique, politique, raciale, religieuse, sociale ou similaire.

[Français]

Tout est politique dans la vie, tout est économique.

Regardez l'article 137 de la Loi, c'est d'un ridicule consommé, or l'actionnaire reçoit cela. L'article 144 dit que si un actionnaire qui par le refus de la banque estime avoir subi un préjudice, il peut en appeler au tribunal. C'est ce que j'ai fait. J'ai été le premier Canadien à le faire à l'échelle du Canada. Je suis allé en cour supérieure, j'ai gagné contre la bataillon et la batterie des plus brillants avocats de la métropole qui essayait de me dépecer le cerveau.

Mme Marie Rousseau, vice-présidente, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec: C'est ce que M. Michaud a fait, c'est ce que moi je n'ai pas fait et que probablement une quantité d'autres actionnaires n'ont pas fait. C'est une excuse fourre-tout qu'ils utilisent pour refuser toute proposition quand on demande des explications.

[Traduction]

Le président: Je m'étonne que la loi contienne ce genre de disposition. Je ne vois vraiment pas d'où cela provient. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons le RPC. C'est une bien curieuse disposition.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous apprécions vos commentaires sur la loi des banques du Canada. À la lecture de votre mémoire, je suis presque tentée de souscrire en bloc à la plupart de vos propositions. Il reste quand même que la protection du petit actionnaire et en même temps le gros bon sens animent votre croisade. Si on parle de croisade, c'est qu'effectivement, je pense que la cause était tellement difficile, l'adversaire était tellement important que je suppose que ce n'est pas facile pour un simple actionnaire qui détient quelques actions de partir en guerre. Il faut avoir un groupe de personnes que vous représentez.

Est-ce qu'on peut avoir un historique de votre groupe, de son fonctionnement et de son financement? Vous représentez des actionnaires, des consommateurs, des citoyens, qui sont les membres de votre association.

M. Michaud: Il y a deux axes sous notre action. Nous sommes la protection des épargnants et des investisseurs et des actionnaires, tous ceux qui investissent dans des sociétés ouvertes. Pour l'instant, la partie défense de droit des actionnaires a été plus importante que la partie défense des épargnants, c'est-à-dire des consommateurs. Là nous sommes à étudier les projets de fusion bancaire pour voir si les consommateurs, les épargnants -- ce sera l'autre partie qui s'en vient -- seront bien ou mal servis. Mais notre proposition n'est pas arrêtée là-dessus comme elle n'est pas arrêtée non plus sur le principe de la fusion.

Je vous fais remarquer une chose que j'ai oubliée: quand j'ai proposé la séparation des postes à la Banque de Montréal et à la Banque Royale, ils ont jeté des cris d'orfraie, c'était épouvantable, c'était inacceptable. Là ils décident de se fusionner et ils séparent les postes.

Le président de la Banque de Montréal va devenir le président du conseil, là le principe est bon parce que la banque devient plus grosse. Je ne sais pas si vous trouvez la logique là-dedans. Il y a une protection des emplois par le haut mais je ne sais pas s'il va y en avoir par le bas. Le principe de la séparation des postes devient bon parce qu'il y a une fusion mais il n'est pas bon quand il reste séparé. Débrouillez-vous avec cela, ce n'est pas une logique imperturbable.

Nous avons actuellement à peu près un millier de membres qui paient 25 $ par année. Nous les recrutons dans tous les secteurs de la société. Il y a des sénateurs et des députés qui sont membres de notre association, grâce au ciel, je les remercie. Mais nous ne rendons aucun service direct. La cotisation est de 25 $ par année, nous vivons sous le seuil de la pauvreté, de la misère presque. C'est à coups de demandes répétées que nous recevons, dois-je le dire, un soutien financier du ministre des Finances du Québec, de quelques investisseurs institutionnels qui approuvent notre action sur les principes de la régie d'entreprise. On a un budget de 40 000, 45 000 dollars par année.

Ce n'est pas demain la veille qu'on va révolutionner le monde avec cela.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense qu'il est important, monsieur le président, de préciser qui représente M. Michaud, ou les modes de financement. Quand on soulève autant de points importants, on peut être critiqué, donc je pense que c'est bon de savoir que la base est quand même très large.

Je me demandais si vos 15 propositions, en pointant plus souvent du doigt les banques, en général, s'appliqueraient aussi à toutes les sociétés par actions, à toutes les sociétés publiques?

M. Michaud: Mutatis mutandis, oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense que c'est important de vérifier cela parce que ce n'est pas une seule industrie mais c'est l'ensemble des sociétés publiques.

À la page cinq, votre proposition six mentionne de rendre disponible à la société la liste de ses actionnaires. J'étais secrétaire légale dans les années 1970 au moment où il y avait moins de monde, où elle était disponible et on pouvait avoir accès à la liste des actionnaires. En cours de route -- je n'ai pas fait l'histoire de cette mesure -- on m'a dit qu'à un moment donné, les titres ont été détenus par les courtiers et cette information est disparue. Je ne pense pas qu'il y ait jamais eu un législateur qui a eu l'intention de cacher l'identité des actionnaires. C'est le système informatisé, à toutes fins pratiques et aussi l'augmentation du nombre d'actionnaires, je suppose, qui a fait qu'à un moment donné, cette liste est disparue dans la nuit des temps.

Est-ce que la Commission des valeurs mobilières est réfractaire? Elle doit connaître les actionnaires pour s'assurer que tous les actionnaires, par exemple, reçoivent leur avis de convocation. Il y a des sociétés qui nous envoient les convocations. Il y a une liste quelque part. Pourquoi cette liste est-elle soustraite du public en général et des individu en particulier qui sont actionnaires.

M. Michaud: Il n'y en a pas de liste. La Loi des banques dit que tout actionnaire a le droit de consulter la liste des actionnaires. Je l'ai fait et on arrive à la liste des actionnaires numéro untel, Lévesque, Beaubien et Geoffrion, Midland, et cetera. Ah! il y a peut-être 30 000 actionnaires là-dedans. Même la banque ne sait pas, ne connaît pas ces noms, ni l'actionnaire, ni la banque.

[Traduction]

Le président: Pour ce que ce soit bien clair, ce n'est pas particulier aux banques.

M. Michaud: Non, aux sociétés.

[Français]

M. Michaud: Il n'y en a pas de liste.

Le sénateur Hervieux-Payette: Cela je sais, comment font-elles pour envoyer des avis de convocation?

M. Michaud: Le courtier dit à la corporation ou à la banque: combien de documents voulez-vous? On répond: 35 000. Alors le courtier prend sa liste et l'envoie à Lévesque, Beaubien et Geoffrion, Midland, et cetera et l'envoie à ceux de ces actionnaires qui ont demandé l'avis de convocation et le rapport annuel alors que ceux qui ne l'ont pas demandé ne sont pas convoqués. Là aussi, il y a quelque chose qui ne marche pas, même les corporations veulent la liste. Elles ne sont pas capable de la reconstituer, cela n'existe pas.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense que c'est une erreur technologique qui est arrivée avec le temps et il serait certainement temps de la corriger. Je suppose aussi qu'il y a deux ministères du Revenu, au Québec et à Ottawa, qui aimeraient à un moment donné s'assurer que tout le monde a reçu ses formulaires pour payer l'impôt sur les actions détenues.

[Traduction]

Le président: Comme vous le savez, nous avons abordé cette question il y a un an environ, dans notre rapport concernant les modifications à la Loi sur les sociétés par actions dans lequel nous avons proposé un changement qui permettrait d'obtenir la liste. Le gouvernement nous a dit que tous les changements que nous avions recommandés seraient intégrés dans la loi lorsque les modifications seraient soumises au Parlement l'automne prochain. Autrement dit, la prochaine fois que la Loi sur les banques sera présentée au Parlement, ce changement sera également apporté. Je suppose que cette liste sera modifiée à ce moment-là.

[Français]

Le sénateur Meighen: Juste une précision, tout ceci étant dit, cela ne change pas le fait que par le truchement de nom corporatif, on ne saura pas nécessairement l'identité réelle de tous les actionnaires. Par exemple, vous avez 12345 Ontario Inc. qui détient 100 000 actions de la banque X. Ce n'est pas parce que je suis contre votre proposition. Mais êtes-vous plus avancé en sachant que 12345 Ontario Inc. détient 100 000 actions?

M. Michaud: Si je fais une proposition et que je veux solliciter des procurations en faveur de ..., il faudrait que j'écrive aux 100 000 actionnaires nominativement, si je veux solliciter des procurations et qu'ils votent en faveur de ma proposition. Si c'est la firme Lévesque Beaubien ou un autre courtier, c'est anonyme, il en a 30 000, 40 000, c'est un cirque de faire cela, cela coûterait des centaines de milliers de dollars. Il faut une liste nominative.

Le sénateur Hervieux-Payette: Sur la proposition neuf, il peut y avoir à un différend, est-ce que la commissions des valeurs mobilières serait l'organisme pour en appeler plutôt que d'aller devant la cour supérieure qui est déjà embourbée et qui est moins spécialisée en la matière, lorsqu'on veut juger du bien-fondé de la décision de la société de rejeter des propositions de l'assemblée des actionnaires. Étant donné que diverses commissions approuvent un certain nombre de documents lorsque que l'émission publique se fait, de façon pragmatique, si on est obligé d'aller devant le tribunal de la cour supérieure et d'encourir des frais et des délais, qui sont quand même assez onéreux, une commission spécialisée me semblerait peut-être le véhicule pour éviter des propositions futiles et un peu folles envers une société publique. Si la société publique n'accepte pas, le citoyen dit: bien je regrette, mais je conteste et je vais aller devant un mécanisme d'arbitrage quelconque. La Commission des valeurs mobilières pourrait peut-être être l'arbitre. Je suis pour l'ouverture des propositions raisonnables. Qui pourrait juger de la «raisonnabilité» de l'intérêt public? Peut-être que ce serait la Commission des valeurs mobilières.

M. Michaud: C'est sûrement une bonne idée. Est-ce que les commissions des valeurs mobilières ont l'intelligence complète de la Loi sur les banques et les corporations? Est-ce qu'ils ont le contentieux nécessaire? Je voyais plus cela au niveau du bureau du surintendant des institutions financières à Ottawa. Un service du bureau pourrait étudier les propositions quand elles ont été refusées. Un actionnaire pourrait dire: je vais en appeler au surintendant. Un petit comité dirait: oui, cette proposition est frivole et il rendrait un petit jugement. Il y aurait quelque chose entre l'actionnaire qui est obligé de payer, pour aller en Cour supérieure, entre 30 000 et 35 000 $ pour faire passer une proposition, c'est exagéré. Quand on aurait le jugement ou l'avis du bureau du surintendant, ce serait étonnant que la banque refuse de l'inclure dans la circulaire de direction.

Le sénateur Hervieux-Payette: En ce qui concerne la limite de 10 ans du terme des administrateurs, je suis très rarement d'accord avec des limites. C'est toujours arbitraire, 10 ans, 5 ans, 25 ans, il peut y avoir des gens qui font un très bon travail pendant 20 ans. Je n'ai pas de rationnel vraiment sérieux pour dire que je souscris à cela mais dans l'ensemble, j'appuie vos propositions.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: J'ai deux questions à poser. Je ne voudrais pas être le premier à me montrer défaitiste ou pessimiste. Néanmoins, dans quelle mesure est-il utile de se battre pour obtenir des procurations afin de pouvoir présenter une proposition? N'est-il pas vrai que les assemblées des actionnaires des grandes sociétés sont davantage des réunions sociales que des réunions d'affaires et qu'il faut accepter cette réalité?

[Français]

M. Michaud: C'est justement ce que nous voulons changer. Généralement, les assemblées de banques ou de grandes corporations sont des mascarades. Ce sont des hymnes presque staliniens à la gloire du bien aimé président, où l'on voit un président embrasser une nageuse synchronisée sur un écran géant, où l'on donne congé à tout le personnel de la société. Le pauvre actionnaire qui va poser une question, comme cela m'est arrivé, se fait huer. Il dérange l'ordre établi, le scénario.

Alors c'est ce que nous voulons changer. Les actionnaires ont une journée par année pour demander des comptes, pour regarder les examens, les états financiers et nous voulons donner du pouvoir aux actionnaires qui sont les propriétaires de leur entreprise. Justement, je réponds à votre question. Si on baisse les bras et qu'on dit c'est du social, c'est alors le syndrome du buffet. Il faut que tout soit terminé à midi et demi ou une heure. J'ai vu cela. Il y a 30 personnes qui sont là au micro, qui attendent pour poser des questions. Le président dit: l'assemblée est terminée, le buffet est prêt. Il y a 30, 40 actionnaires qui poireautent. Il y a quelque chose de méprisant là, les actionnaires ont le droit de poser des questions, la loi leur accorde ce droit. Nous voulons renforcer le droit des actionnaires précisément.

M. Paul Lussier, administrateur, Association de protection des épargnants et des investisseurs du Québec: Je pense que dans le cas des banques, il y a aussi un autre aspect important: le fait qu'aucun actionnaire ne peut détenir plus de 10 p. 100, qu'il y a un actionnariat élargi très vaste et c'est l'endroit où les vrais propriétaires de la banque, soit les actionnaires, devraient pouvoir faire sentir leur opinion. La façon dont les choses sont organisées, en fait, les propriétaires de la banque semblent être le président de l'exécutif et ses adjoints. Ils se conduisent d'ailleurs comme tel. Il y a une espèce de confusion des genres qui découle de cela qui est très malsaine pour l'avenir du système bancaire canadien en soi.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Ma deuxième question est assez différente. Il est constamment question de fusions, que ce soit des fusions de fabricants d'automobiles, de banques ou d'autres institutions financières. Cela arrive en Europe ou aux États-Unis. Avez-vous réfléchi à ce regroupement des pouvoirs financiers? C'est ce qu'on qualifie de rationalisation. Avez-vous réfléchi à ce phénomène?

[Français]

M. Michaud: Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, nous n'avons pas arrêté notre position sur le bien-fondé ou le mal fondé de la fusion annoncée de deux des quatre banques canadiennes. On n'a pas arrêté notre position. Nous sommes à étudier cela.

À ce stade de notre réflexion, nous sommes dubitatifs. À moyen terme, c'est peut-être dans l'intérêt des actionnaires. Je crois que c'est contre l'intérêt des épargnants, de ceux qui sont les clients des banques. Pourquoi? Parce que d'abord cela enlève la concurrence, le capitalisme repose sur le principe de la concurrence. Déjà on a un oligopole de six banques, on va le réduire à quatre, qui va se réduire à deux, qui va se réduire à une parce que cette logique infernale va continuer. Si «bigger is better», cela va continuer. Les quatre vont devenir deux. Elles vont finalement devenir une. Et là on ne peut pas jouer dans la cour des grands tant que les grands ne viennent jouer dans notre cour. Résultat: les Américains vont acheter la seule banque canadienne qui va rester, peut-être dans les années 2010, et toute l'économie du Canada va passer sous le contrôle américain.

Ce sont les dangers et les effets pervers de la mondialisation. Le rôle des États nations, des gouvernements est de faire bien attention, si on se met le doigt dans cet engrenage, que cela ne se rende pas à des limites déraisonnables.

Le système bancaire canadien, malgré ses quelques faiblesses, a donné jusqu'ici de bons résultats, huit milliards de profits par année pour six ou sept banques, ce n'est pas mauvais. Vous ne m'avez jamais entendu parler contre les profits de banques. Notre association appuie les profits de banques à condition que cela ne se fasse pas de façon illicite, illégale. Il doit y avoir un juste retour aux actionnaires. C'est notre réflexion, en vrac, en gros. Mais elle n'est pas arrêtée. Nous allons probablement organiser un colloque à l'automne, avant le rapport McKay, en réunissant le pour et le contre. Les invitations commencent à être envoyés pour essayer d'avoir un débat public sur cette question.

Le sénateur Meighen: Ma question a deux volets. Voyez-vous un problème à définir un paradis fiscal? Il y a des degrés de paradis, me semble-t-il. Il existe des juridictions où les lois fiscales sont plus favorables au commerce que d'autres. Ne croyez-vous pas qu'une interdiction de notre part contre l'implication des banques ou des grandes sociétés canadiennes à participer, pour employer votre expression, à certains paradis fiscaux, ne les mettrait pas en désavantage vis-à-vis leurs concurrents? Je parle d'une activité tout à fait légale.

Deuxièmement, il me semble que l'approche employée par M. Dey dans son rapport a eu un succès assez étonnant. Sans mesure législative, on a quand même assisté à un changement assez marqué dans le comportement des conseils d'administration, en raison de l'embarras public dans lequel ces conseils pouvaient être plongés s'ils ne donnaient pas une réponse raisonnable.

Ne pouvez-vous pas employer cette approche dans votre campagne plutôt que de vous engager dans un champ de bataille aux assemblées annuelles où tout le monde a un temps limité et où il est difficile de garder le monde pendant toute une journée à écouter vos propositions? Je m'exprime peut-être d'une façon un peu confuse.

M. Michaud: J'ai abordé la définition de paradis fiscal parce qu'il serait de la compétence ou opportun que les gouvernements instituent une petite commission d'enquête là-dessus. Nous n'avons pas les moyens de savoir quelles activités se déroulent dans les paradis fiscaux. C'est la raison pour laquelle nous demandons au comité de suggérer au gouvernement une étude exhaustive à ce sujet. Il n'y en a pas au Canada. On ne sait pas ce qu'ils font aux îles Caïmans, dans les Antilles, en république d'Andorre mais on sait très bien qu'il y a de l'évasion fiscale.

Les revenus d'intérêt que vous allez retirer de votre compte de banque aux îles Caïmans, ce n'est sûrement pas pour que ce soit très transparent au Canada. On sait qu'il y a de l'évasion fiscale. Cela peut être légal mais c'est immoral. C'est pour cela qu'on a abordé le problème des paradis fiscaux. Il appartient aux gouvernements de nous informer là-dessus.

Le sénateur Meighen: L'évasion est illégale et l'«avoidance» est légale.

M. Michaud: L'évitement est légal et l'évasion est illégale.

Le sénateur Meighen: Dans votre vie personnelle, vous vous imposez de payer le plus grand montant possible de taxes?

M. Michaud: Oui. Je ne cherche ni l'évitement, ni l'«avoidance». Je suis dans une tour d'ivoire, j'habite une maison de verre, j'ai les culottes baissées.

Le sénateur Meighen: Il y a moyen d'arranger vos affaires pour que d'une façon légale, ouverte, vous payiez moins de taxes.

M. Michaud: Je n'ai pas assez d'argent pour faire de l'évasion fiscale. C'est vrai que le rapport Dey sur le Toronto Stock Exchange a amorcé la pompe, quelques années après ce qu'on a appellé le «shareholder activism». Cela dure depuis 30 ans aux États-Unis mais on commence à peine au Canada. Je suis le premier «shareholder activist» au Canada.

Vous me dites: est-ce que vous ne seriez pas mieux d'utiliser la voie conciliante des investisseurs institutionnels? Vous me dites qu'il y a une journée par année où les actionnaires entendent mes propositions. Mais, 95 p. 100 de ceux-ci ont voté avant pour mes propositions parce qu'à l'assemblée, il n'y a que cinq p. 100 à peine ou un p. 100 du vote qui est tenu. Le vote est déjà fait. Ceux qui les ont reçus ont donné leur procuration. Alors aux États-Unis, les assemblées de grandes corporations durent parfois toute la journée et même une journée et demie. Ici on vous donne de 10 heures à midi, justement pour rester dans le caractère social, aimable d'une assemblée. À une assemblée, on traite de nos affaires.

Toutes mes propositions ont toujours été ciblées sur la plus-value de l'avoir des actionnaires.

[Traduction]

Le président: Merci d'être venus. Nous sommes ravis d'avoir eu l'occasion de vous rencontrer.

La séance est levée.


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