Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 29 - Témoignages du 6 octobre 1998 (a.m.)


OTTAWA, le mardi 6 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue à cette séance matinale qui s'inscrit dans le cadre de notre série d'audiences portant sur les recommandations du Groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens.

Ce matin, nos premiers témoins représentent la Great-West, Compagnie d'Assurance-Vie.

Avant de commencer, j'aimerais signaler, aux fins du compte rendu, que j'ai reçu ce matin une lettre du sénateur Joyal. Comme certains d'entre vous le savent, il travaille à titre de conseiller pour la Corporation Power, le principal actionnaire de la Great-West, et même s'il ne s'occupe pas de dossiers ayant trait à l'assurance, le sénateur Joyal a décidé de ne pas participer à la séance de ce matin. Toutefois, il sera là pour entendre les témoins représentant la Sun Life.

Nous accueillons ce matin M. McFeeters, président et chef de la direction de la Great-West. Merci, monsieur, de prendre le temps de vous joindre à nous. Comme vous le savez, le format que nous avons adopté est une déclaration liminaire relativement brève suivie de questions. Commençons donc par votre présentation

M. Ray McFeeters, président et chef de la direction, La Great-West, compagnie d'Assurance-Vie: Je suis aussi président de la London Life; j'ai pensé que je devrais également le signaler.

Je suis accompagné ce matin de Sheila Wagar, vice-présidente principale et chef du contentieux. Sa tâche est de s'assurer que je ne dis rien que je ne devrais pas dire. Inévitablement, lorsque cela se produit, elle doit nier que j'ai jamais tenu ces propos. Je suis également accompagné de M. Allan Edwards.

J'aimerais féliciter M. MacKay et les membres du groupe de travail qui, de toute évidence, ont investi beaucoup d'énergie pour produire le rapport qui a été publié le 15 septembre. Il servira de base à de nombreuses discussions portant sur l'évolution des institutions financières au Canada.

Même si l'on trouve dans le rapport plusieurs recommandations utiles, il est clair qu'il reste beaucoup à faire avant que certaines d'entre elles puissent être mises en oeuvre. Manifestement, l'intention de M. MacKay est que les recommandations aboutissent à des résultats favorables aux consommateurs. Toutefois, plusieurs propositions, si elles étaient mises en oeuvre, seraient contraires aux intérêts de tous les Canadiens.

Même si le débat concernant le régime de propriété a été résolu en 1992 à la satisfaction de toutes les parties intéressées, le groupe de travail a maintenant recommandé que les institutions financières qui ont des capitaux propres de plus de 5 milliards de dollars soient ouvertes à un grand nombre d'actionnaires. Essentiellement, cela signifie que personne ne pourrait détenir plus de 10 p. 100 d'une classe d'actions. Cette recommandation, si elle était mise en oeuvre, serait discriminatoire envers la Great- West/London Life, étant donné que cela nous empêcherait de nous développer à l'avenir par le biais d'une importante acquisition. Au fond, cela nous reléguerait au rang des ligues mineures.

Il est intéressant de noter que la principale banque canadienne, si l'on prend en compte la totalité de ses actifs, est plus grande que les trois plus grandes compagnies d'assurances canadiennes réunies; pourtant, quatre des cinq plus grandes banques cherchent actuellement à fusionner, censément pour rester concurrentielles. Je crois que la réussite de la Great-West/London Life démontre que les consommateurs de produits financiers ne sont pas du tout hostiles à l'idée de traiter avec des compagnies à capital-actions ayant plus d'actionnaires.

En outre, il semble à la fois arbitraire et superflu de limiter de cette façon le marché concurrentiel de l'achat et de la vente d'institutions financières. Je vois difficilement comment l'imposition de ce gel arbitraire sur la croissance future de la Great-West/London Life pourrait être dans l'intérêt des titulaires de police de la Great-West/London Life.

Les exemples qui démontrent que les institutions financières, qu'elles soient ouvertes ou non à un grand nombre d'actionnaires, peuvent faire faillite ne manquent pas. Le principal facteur déterminant de la réussite ou de la faillite de toute entreprise est la solidité de sa gestion. La structure du régime de propriété n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est sa qualité. Dans le cas de la Great-West/London Life, la qualité du régime de propriété ajoute énormément de valeur à l'entreprise, en termes de soutien de la gestion, de soutien du capital et de soutien des liquidités. De fait, les marchés financiers n'auraient pas appuyé l'acquisition de la London Life par la Great-West, n'eût été la présence d'un actionnaire majoritaire solide.

Dans le passé, on a pu craindre que les institutions financières ayant peu d'actionnaires soient influencées et prennent des décisions qui n'étaient pas dans l'intérêt de tous les actionnaires, titulaires de police ou déposants. Il fut un temps où cela était possible. Toutefois, les règles interdisant les transactions intéressées qui ont été introduites en 1992 empêchent que de tels abus puissent se produire.

Le groupe de travail exprime l'espoir que des institutions financières solides, vraisemblablement exploitées et contrôlées par des intérêts canadiens, émergeront afin de remettre en question l'hégémonie des banques. Si l'on prive la Great-West/London Life de la possibilité de faire des acquisitions majeures, ce noble objectif sera presque certainement contrarié; et seules les banques pourront acquérir de grandes institutions financières. Les sociétés d'assurances démutualisées deviendront la cible de choix des prises de contrôle.

Je suggère que si, en tant que Canadiens, nous voulons que les consommateurs bénéficient d'un choix véritable et que les institutions financières soient contrôlées par des intérêts canadiens, nous ne devrions pas, arbitrairement et à l'avance, légiférer sur les limites des régimes de propriété. Si nous donnons suite à la proposition de M. MacKay, nous céderons le contrôle de tout le secteur des services financiers aux banques. En résumé, j'estime que cette proposition restreindrait sérieusement la concurrence dans l'industrie des services financiers au Canada et qu'elle doit être soigneusement passée en revue par le Bureau de la concurrence.

En conséquence, nous recommandons de n'apporter aucune modification aux règles de propriété, sauf pour donner au ministre le pouvoir d'établir les limites qu'il jugera souhaitables en la matière, tout dépendant des circonstances.

Il n'est pas surprenant, sans doute, que nous soyons aussi très préoccupés par la proposition du groupe de travail visant à permettre aux banques de vendre de l'assurance directement et d'utiliser les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients pour cibler les consommateurs qui se trouvent sur ce marché. Nous estimons que, même si l'intention du groupe de travail était d'accroître la concurrence, il y a un énorme risque que cette recommandation entraîne plutôt un resserrement notable de la concurrence et qu'en bout de ligne, les choix qui s'offrent aux consommateurs s'amenuisent.

J'aimerais souligner tout d'abord que la concurrence est actuellement très vive au sein de l'industrie des assurances, avec environ 130 compagnies actives sur le marché. Les consommateurs peuvent choisir leur agent et leur assureur en fonction de la structure de propriété de la société, par exemple une société à capital-actions ou à une mutuelle, en fonction du prix, des caractéristiques des produits, de la solidité financière de l'entreprise et de son réseau de distribution. Ils peuvent faire leur choix sans tenir compte des liens que cela pourrait avoir avec d'autres services financiers.

De plus, les agents peuvent facilement obtenir de l'information sur les prix des concurrents. Cette indépendance des agents et des consommateurs crée des pressions concurrentielles énormes. Des compagnies comme la Great-West/London Life doivent «gagner» leurs contrats en faisant jouer leur réseau de distribution et en s'attirant des clients.

Depuis de nombreuses années, les compagnies d'assurances ont réagi à ces pressions concurrentielles en raffinant constamment leurs produits, par exemple, en introduisant l'assurance-vie universelle, en élargissant la gamme des fonds distincts et des garanties et en offrant aux petites entreprises de nouveaux produits comme l'assurance-invalidité. Pour ce qui est des prix, les taux d'assurance temporaire baissent constamment. Nous vous avons fourni des informations qui illustrent cette chute progressive des prix.

Tous les segments du marché sont bien desservis, y compris les petites entreprises qui recherchent des régimes d'avantages sociaux et les consommateurs dont les besoins, en ce qui concerne l'assurance, sont relativement modestes. La Great-West/London Life, en particulier, a concentré ses efforts sur ces créneaux et obtenu une part importante de marché.

Nous estimons que cette proposition entraînera en fait une diminution de la concurrence. Si l'on permet aux banques d'utiliser les renseignements qu'elles possèdent sur leurs clients pour vendre de l'assurance par l'entremise de leurs succursales, elles pourraient se tailler rapidement une part de marché pour des produits de base comme l'assurance temporaire. Cela ferait grimper les coûts unitaires des compagnies d'assurances non bancaires dans les marchés résiduels. Obligatoirement, les prix dans ces marchés résiduels augmenteraient, et les sommes qui y sont investies, par exemple, pour le développement et la conception de nouveaux produits ainsi que pour la technologie, baisseraient.

Sur les marchés qui leur resteraient, les assureurs non bancaires auraient à assumer des responsabilités à plus long terme et des risques les plus élevés. L'effet conjugué d'une plus petite part de marché, de coûts unitaires plus élevés et d'un risque accru pourrait être source de problèmes et aboutir éventuellement à une réduction du nombre des compagnies d'assurances non bancaires. Il est clair que ce résultat limiterait le choix des consommateurs.

Nous n'avons pas vu dans le rapport MacKay quoi que ce soit qui indique qu'on a tenu compte des préférences des consommateurs pour ce qui est des réseaux de distribution. Nos recherches démontrent qu'au moins 50 p. 100 de la population veut obtenir des conseils personnels en matière de services et de produits financiers et en exprime le besoin. Nous estimons qu'il est très important que le secteur des services financiers continue à combler ce besoin.

Nous considérons que suite à ces propositions, le réseau de distribution de conseils financiers, qui prodigue un service très apprécié des consommateurs, risque vraiment d'être réduit de façon considérable. Ainsi, encore une fois, le consommateur sera désavantagé.

Le groupe de travail a identifié les ventes liées avec coercition, la protection des renseignements personnels sur la clientèle et la délivrance de permis à des intermédiaires comme des domaines où la commercialisation des produits d'assurance dans les succursales bancaires risquerait d'aller à l'encontre des intérêts du public et des consommateurs.

Nous sommes heureux que le groupe de travail ait reconnu l'importance de ces problèmes, mais nous sommes déçus qu'essentiellement, il n'en ait pas tenu compte lorsqu'il a formulé cette recommandation.

Nous notons que le groupe de travail a proposé que ces pouvoirs accrus soient accordés aux banques, en dépit du fait que le sondage qu'il a lui-même effectué indique qu'un nombre inquiétant de consommateurs estiment avoir été la cible de ventes coercitives de la part de leur banque ou ont exprimé des craintes à ce sujet.

Cela nous semble incompatible avec un des postulats de base des propositions -- donner plus de pouvoir au consommateur -- étant donné que, ce faisant, on ne tient absolument pas compte des preuves tangibles que représente l'expérience des consommateurs ni de leur réaction, mais que l'on se contente d'espérer que les pratiques futures s'amélioreront suite au renforcement des règles concernant la protection des renseignements personnels et les ventes liées.

Mon opinion est que ce ne sont pas de simples lois édictées par les hommes qui se révéleront suffisantes pour contrer l'influence des institutions qui octroient du crédit. Nous avons tous avec nos banquiers, comme avec nos médecins, des relations extrêmement émotives. Les médecins que je compte parmi mes relations me disent même qu'ils souhaiteraient avoir l'influence des banquiers. En réalité, bon nombre d'entre nous qui cherchons à obtenir un prêt ou qui en détiennent déjà un voulons être appréciés de nos banquiers. Pour bénéficier de leur approbation, nous sommes tout à fait disposés à consentir à des transactions qui, nous le savons, gagneront la faveur de la banque. Je le sais, je le fais moi-même.

Par conséquent, la seule façon efficace d'offrir un véritable choix aux consommateurs consiste à limiter légalement le nombre des produits financiers de différents types qu'une banque peut proposer. Chaque fois que les banques offrent un nouveau produit, cela les rapproche du moment où elles contrôleront tous les produits financiers du pays.

Nous notons que le groupe de travail s'est dit préoccupé par la nécessité de donner aux Canadiens à faible revenu accès à l'assurance, et qu'il a proposé que les banques soient autorisées à commercialiser des produits d'assurance pour que ce marché y ait accès plus facilement.

En premier lieu, ce marché est actuellement fort bien servi par l'industrie de l'assurance. Une étude, menée en 1996, a montré que 23 p. 100 des polices d'assurance-vie individuelle avaient été achetées par des gens dont le revenu est inférieur à 20 000 $.

Je note également que le groupe de travail a reconnu lui-même dans son rapport que les produits actuellement offerts par les banques ne servent pas efficacement les Canadiens à faible revenu, même si ces établissements se sont engagés à améliorer leur rendement en ce domaine. Une fois encore, il ne semble pas raisonnable de faire fi de la preuve tangible de l'expérience et de se contenter d'espérer qu'il en sera autrement à l'avenir.

Nous croyons que la mise en oeuvre de la proposition visant à autoriser les banques à vendre de l'assurance en utilisant les informations qu'elles détiennent sur leurs clients et par le biais de leurs succursales se traduirait par l'érosion du choix du consommateur, une concurrence moins vive, un nombre moindre de produits et le resserrement du réseau de distribution de conseils financiers.

À l'heure actuelle, les assureurs ne peuvent pas prendre de dépôts, et il n'est pas non plus question dans la proposition de leur accorder la possibilité de le faire. Les assureurs peuvent participer à l'industrie des dépôts en devenant propriétaires d'une banque. Nous estimons que les banques devraient participer à l'industrie de l'assurance de la même façon -- en devenant propriétaires d'une compagnie d'assurances, comme elles sont actuellement autorisées à le faire.

Dans l'éventualité où les banques décideraient de participer activement à l'industrie de cette manière, la concurrence s'en trouverait renforcée et non menacée.

En résumé, nous estimons que ces propositions se solderaient pour les consommateurs par un choix moindre en termes de fournisseurs et de produits d'assurance et en termes de prix. Par contre, si les banques étaient tenues de continuer à rivaliser avec l'industrie de l'assurance par l'entremise de filiales, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter davantage à propos des ventes liées ou de la protection des renseignements personnels, et la concurrence serait beaucoup plus vive.

Il est clair que si ces propositions sont adoptées et que si, pour cette raison, l'industrie de l'assurance perd son indépendance, comme cela a été le cas des sociétés de fiducie et de l'industrie des valeurs mobilières, il ne sera pas possible de revenir en arrière. Il s'agira d'une mutation fondamentale et irréversible. En particulier, si l'on procède rapidement et sans étudier la chose attentivement, le résultat pourrait se révéler extrêmement désavantageux pour les Canadiens.

Nous avons été heureux de constater que le groupe de travail est favorable à l'ouverture de l'accès au système de paiement aussi tôt que possible. Cette mesure est nécessaire pour permettre à l'industrie de tirer parti de certains des pouvoirs accrus qui lui ont été conférés lors de l'introduction, en 1992, de la Loi sur les sociétés d'assurances. Compte tenu de la croissance du commerce électronique au Canada, nous aurons besoin d'un tel accès pour maintenir le caractère actuel et concurrentiel des produits et des services que nous offrons à notre clientèle.

Bien que nous appuyions cette approche et que nous souhaitions que les changements nécessaires soient apportés dès que possible, nous devons reconnaître que pour utiliser cet accès en toute efficacité, l'industrie devra y consacrer beaucoup de temps et de capitaux. Nous ne disposons tout simplement pas, à l'interne, de l'expertise voulue dans ce domaine, et il nous faudra investir massivement dans le développement des systèmes et de processus administratifs.

Même si l'industrie bénéficie de cette ouverture à long terme, nous ne devrions pas surestimer l'importance que cela peut avoir dans un marché concurrentiel. Cela ne signifiera pas que nous sommes maintenant en mesure de rivaliser avec les banques au plan de leurs activités de base. Simplement, un obstacle aura été écarté de notre chemin dans l'évolution de nos propres activités à l'ère du commerce électronique.

Nous appuyons les objectifs du groupe de travail qui visent à défendre les intérêts des consommateurs par l'intensification de la concurrence, la protection des renseignements personnels, le refus de la coercition et l'accès aux services financiers de base. Nous notons que les recommandations qui ont été formulées sont très ambitieuses et que certaines doivent être définies et précisées davantage. Par ailleurs, il importera de s'assurer que les diverses propositions seront à la fois rentables et réalisables et qu'elles ne se révèlent pas trop lourdes pour l'industrie ou les consommateurs.

Il sera également essentiel de s'assurer que tout changement répond effectivement à un besoin. De notre point de vue, on devrait également souligner qu'il existe actuellement des mécanismes importants pour protéger les consommateurs. Bon nombre d'entre eux sont régis par la loi provinciale, ce qui pose le problème des obstacles pratiques et significatifs inhérents à tout dossier relevant de compétences provinciales-fédérales et qu'il faudra surmonter pour régler ces questions.

Nous considérons comme une faille fondamentale du rapport du groupe de travail l'idée que les banques et les compagnies d'assurances sont sur un pied d'égalité et nous nous inscrivons en faux contre cette notion. Elles ne sont pas égales actuellement, et il ne faut pas croire que ces recommandations rétabliront l'égalité. Alors que les banques auraient la possibilité de commercialiser des produits d'assurance, les assureurs ne seraient pas en mesure de prendre des dépôts.

La vision du groupe de travail, tel qu'elle est formulée dans le chapitre 4, exige une concurrence accrue avec les grandes banques. Le groupe de travail déclare être persuadé que les sociétés d'assurance-vie peuvent devenir des concurrents de première force dans le secteur des services financiers canadien, en étant actives dans un plus grand nombre de domaines et en rivalisant de façon beaucoup plus intense que par le passé avec les institutions de dépôts, notamment les banques. Il est probable que, avec le temps, certaines sociétés d'assurances deviendront les chefs de file d'importants conglomérats financiers, comme cela a été le cas dans d'autres pays.

Nous espérons que le groupe de travail voit juste, mais nous craignons fort qu'en réalité, les grandes banques bénéficient déjà de l'avantage de la taille. En outre, nous redoutons que les recommandations du groupe de travail se traduisent en définitive par une concurrence moins vive, les banques consolidant leur position par l'acquisition de leurs principaux compétiteurs dans l'industrie et par l'éviction des concurrents plus modestes dont l'entreprise ne sera plus rentable.

Nous croyons qu'il en résultera une domination des banques sur l'industrie des services financiers.

Le président: Au début de votre déclaration liminaire, vous avez soulevé la question du régime de propriété. Vous en avez parlé strictement du point de vue des compagnies dont les capitaux propres s'élèvent à plus de 5 milliards de dollars. Vous n'avez fait aucun commentaire sur les propositions du groupe de travail MacKay portant sur les plus petites compagnies, celles dont les capitaux propres se chiffrent à moins de 1 milliard de dollars, et à propos desquelles on se propose de changer les règles afin d'autoriser un régime de propriété à capital fermé. Vous avez préconisé le statu quo. Préconisez-vous cela uniquement en ce qui concerne les acteurs les plus importants de l'industrie ou, pour dire les choses autrement, êtes-vous prêt à accepter la modification des règles en ce qui concerne les firmes dont les capitaux propres s'élèvent à moins de 1 milliard de dollars?

M. McFeeters: Je ne remets pas en question le régime que l'on se propose d'appliquer aux acquisitions d'une valeur de moins de 1 milliard de dollars, ni d'ailleurs le régime des sociétés dont les capitaux propres se situent entre 1 et 5 milliards de dollars.

Le président: Vous avez parlé à plusieurs reprises de la concentration de capital dans le secteur bancaire en y opposant la situation de l'industrie de l'assurance. J'estime que je devrais signaler, aux fins du compte rendu, certaines données que l'on trouve dans le rapport MacKay et qui m'intriguent. D'après ces données, les cinq grandes banques détiennent 66 p. 100 du total des dépôts, alors que les cinq plus grandes compagnies d'assurances perçoivent 60 p. 100 des primes d'assurance-vie collective et 59 p. 100 des primes d'assurance-vie individuelle. En fait, monsieur, la part du marché de l'assurance-vie que détient votre compagnie est plus grande que la part du marché des dépôts que peut détenir toute banque.

J'ai pensé que je devais rappeler cela aux fins du compte rendu afin de démontrer que le degré de concentration des capitaux semble être approximativement le même dans les deux industries.

M. McFeeters: Voilà un point intéressant, monsieur le président. Dans notre milieu, on dit souvent: les statistiques ne mentent jamais, mais les statisticiens, si.

Les statistiques de ce genre ne tiennent pas compte de la nature des obligations des compagnies d'assurances.

Le président: Prétendez-vous que les données ne sont pas exactes?

M. McFeeters: Ce n'est pas qu'elles ne sont pas exactes, mais c'est l'impression qu'elles donnent qui est fausse. Vous êtes poussé à les interpréter de la façon dont vous l'avez fait.

Le président: Je me suis contenté de lire les graphiques. Je ne les ai pas interprétés.

M. McFeeters: Laissez-moi vous les expliquer.

Le président: Nous pouvons revenir sur ce point. Je dois tenir compte du temps dont nous disposons.

M. McFeeters: C'est un point important.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous expliquer?

Le sénateur Oliver: S'il vous plaît, donnez-nous une réponse.

M. McFeeters: Les compagnies d'assurance-vie ont des obligations à très long terme. Cela fait plus de 100 ans que nous sommes en affaires. La plupart du temps, lorsqu'ils souscrivent à une police d'assurance individuelle, les gens ont entre 25 et 30 ans. Ces polices restent en vigueur pendant 30 à 50 ans. Par conséquent, en plus de 100 ans d'activité, les obligations que représentent de nombreuses polices d'assurance-vie individuelle s'accumulent. En ce qui concerne les banques, leurs obligations sont à très court terme. Les banques constituent un oligopole. C'est très clairement démontré. Dans le cadre d'un oligopole, une firme ne peut modifier ses prix sans créer une réaction dans l'industrie. C'est le cas des banques.

Dans la documentation que nous vous avons distribuée ce matin, nous avons indiqué le prix d'une police d'assurance temporaire individuelle. Sur les 30 ou 40 compagnies dont nous fournissons la liste, il n'y en a pas deux qui demandent le même prix. Il y a une différence énorme. Il est vrai que sur une période assez longue, il existe une concentration en ce qui concerne les primes d'assurance collective. Cependant, à la marge, il y a une grande diversité, et la concurrence pour attirer de nouveaux clients est très vive.

Pour véritablement savoir s'il existe ou non une concentration de capitaux, il faut examiner la concentration du patrimoine et des obligations des ménages. Nous avons fait faire une recherche qui démontre que, si l'on exclut les pensions et l'assurance, les banques contrôlent environ 70 p. 100 du patrimoine et des obligations financières des ménages. Si l'on inclut les pensions et l'assurance-vie, ce qui ne représente pas grand-chose, ce chiffre tombe à environ 50 à 60 p. 100. J'estime qu'il s'agit là d'un test plus exact pour déterminer la concentration de capitaux dans l'industrie des services financiers.

Le président: Je constate avec plaisir qu'il existe un test que vous pouvez utiliser pour appuyer vos chiffres et vos réponses.

Le sénateur Kolber: Le comité des banques fait face à un réel défi. Le groupe de travail MacKay a travaillé pendant presque deux ans avant de formuler 124 recommandations. Nous avons environ deux mois et demi pour faire rapport. Le défi auquel nous faisons face est celui-ci: devons-nous consacrer ce temps à élaguer ces recommandations -- il faudra que nous le fassions dans une certaine mesure -- ou à établir ce qui, selon nous, est la vision appropriée de l'avenir de l'industrie des services financiers.

Je vais procéder d'une façon un peu inhabituelle. J'ai cinq questions à vous poser. Je vais vous les poser toutes et peut-être pourriez-vous les noter et ensuite, y répondre.

Dans son rapport, le groupe de travail décrit sa vision de l'industrie des services financiers au Canada. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cette vision ou de sa pertinence par rapport à l'intérêt public?

Est-ce que la vision formulée par le groupe de travail facilite la mise en oeuvre de la stratégie de votre compagnie? Si oui, pourriez-vous dire au comité de quelle manière?

Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le cadre de politique qui régit actuellement l'industrie des services financiers a empêché votre compagnie de s'engager, d'une façon ou d'une autre, dans des activités qui l'intéressaient?

Pouvez-vous dire au comité en quoi la taille d'une institution, disons au-dessus d'un certain seuil, peut avoir un impact sur les économies d'échelle et de diversification? Est-il plus facile de réaliser de telles économies lorsque ce sont des établissements similaires qui fusionnent ou lorsqu'il s'agit d'institutions engagées dans différentes sphères d'activité?

Enfin, pour le groupe de travail, le statu quo ne fait pas partie des options. Nous sommes quelques-uns à penser, semble-t-il, que le statu quo n'est pas si mauvais que cela. Si l'on en juge par les énormes profits réalisés par les institutions financières et par l'excellent rendement des capitaux propres, les choses ne vont pas si mal que cela. Dans un monde en proie à tant de bouleversements, sommes-nous réellement obligés de prendre des décisions sans tarder?

M. McFeeters: Monsieur le président, voilà une bonne question.

En ce qui concerne la vision, je pense qu'elle est incomplète. Même si l'on trouve dans le rapport de nombreuses idées qui, sur le plan théorique, sont bonnes, en ce qui concerne leur application pratique, c'est insuffisant. Certaines des suggestions qui sont formulées sont difficiles, sinon impossibles à mettre en oeuvre. Cela vient probablement du fait que seul un petit nombre de membres du groupe de travail possédaient une expérience concrète de la façon dont fonctionnent les institutions financières et étaient en mesure de déterminer si ces idées étaient réalisables. Je pense que la vision est loin d'être parfaite à cet égard.

La volonté de favoriser une concurrence et une croissance accrues est une bonne chose. Je ne pense pas que les recommandations formulées dans le rapport donneront ce résultat. J'appuie la dernière observation que vous avez faite. Je pense que vous devriez procéder prudemment. Si l'on appliquait toutes les recommandations, je parie que les résultats seraient très différents de ceux qui sont prévus dans le rapport.

Vous avez demandé en second lieu si ces recommandations appuient notre stratégie. Nous avons été capables de nous développer dans le cadre du régime qui existe actuellement. Nous avons pu acquérir la London Life dans un marché concurrentiel à la suite d'un appel d'offres. Il y a certains domaines où, avec le temps, ces recommandations s'avéreraient utiles.

Certaines compagnies applaudissent le fait que l'accès au système de paiement soit parmi les objectifs poursuivis. Je pense que c'est une victoire à la Pyrrhus. Les sociétés de fiducie avaient accès au système de paiement et n'ont pas pu en profiter. Elles ont été absorbées. C'est en quelque sorte une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour édifier une bonne entreprise de services financiers. À un moment ou à un autre, cet accès est nécessaire, mais le simple fait de l'avoir n'assurera pas la réussite de votre entreprise. Je ne pense pas que l'on doive accorder trop de poids à cette question.

En ce qui concerne les limites du cadre de politique actuel, encore une fois, à part certaines choses mineures, rien ne limite vraiment notre activité. Nous ne pouvons pas nous lancer dans l'activité de base des banques, les dépôts, mais, d'un autre côté, je ne pense pas que nous pourrions réussir dans ce domaine. Ce secteur d'activité ne peut être disputé au Canada. Même si l'on nous donnait ce pouvoir, nous ne pourrions pas réussir dans ce domaine. D'autres ont essayé. On peut citer de nombreux exemples qui démontrent que ceux qui ont essayé de se lancer dans des activités bancaires au Canada et de réussir dans ce secteur se sont cassé les dents. C'est tout simplement un marché qui ne peut être disputé. Nous n'y prenons pas part, mais je ne pense pas que nous pourrions en tirer un grand avantage si nous pouvions le faire.

En ce qui a trait à la taille des institutions, notre secteur retire certains avantages, jusqu'à un certain point, de l'échelle de ses activités, parce que cela lui permet d'exploiter la technologie, notamment dans le domaine des avantages sociaux. Il faut pouvoir disposer de systèmes de très grande envergure pour fournir le genre de services que les grandes entreprises demandent. Il faut opérer à grande échelle pour pouvoir se permettre cela, parce que, de façon générale, c'est un secteur d'activité où les marges bénéficiaires sont serrées.

Passé un certain stade, je pense que les diverses études financières montrent probablement que la taille pose un problème. À partir d'un certain point, le rendement décroît. Une fois que vous opérez sur une certaine échelle, il y a un moment où se développer davantage n'apportera pas beaucoup de bénéfices. Toutefois, les compagnies cherchent certainement à avoir la taille voulue pour pouvoir se mesurer avec leurs principaux concurrents.

Quant à vos commentaires concernant l'idée que le statu quo ne fait pas partie des options à considérer, je suis de votre avis. Les résultats financiers des banques et des compagnies d'assurances, dans la plupart des cas, ont été bons pendant une période de croissance économique vigoureuse. C'est un assez bon régime. Nous avons au Canada un excellent système bancaire et, de mon point de vue, une très bonne industrie de l'assurance. Pourrions-nous continuer à fonctionner dans le cadre de ce régime? Je pense que oui, probablement, et pendant assez longtemps. Toutefois, il existe certaines forces avec lesquelles nous devons transiger. Les hommes d'affaires restent des hommes d'affaires. Ils cherchent toujours à acquérir plus de pouvoir et plus de richesse et à avoir plus de produits à distribuer. Ce genre de «déséquilibre» ou encore ces pressions existeront toujours. Toutefois, le rôle du gouvernement devrait être de gérer l'économie dans l'intérêt de tous. Je pense que nous pourrions nous contenter du statu quo pour encore assez longtemps.

Le sénateur Stewart: Et que faites-vous de l'influence des événements qui ont lieu à travers le monde et dont le sénateur Kolber a parlé?

M. McFeeters: Il y a de nombreux courants d'influence qui s'exercent à travers le monde. Les plus grandes banques du monde se trouvent au Japon, elles sont toutes en difficulté. Je ne pense pas que ce soit un modèle particulièrement bon à suivre.

Il y a le phénomène de la consolidation. De plus en plus, le marché se mondialise dans de nombreux secteurs, pas seulement dans celui des services financiers, mais également dans celui des télécommunications. Nous devons être concurrentiels à l'échelle mondiale. Nous avons des entreprises qui peuvent se développer et occuper une position concurrentielle dans le monde.

Certes, depuis des années, l'activité de l'industrie de l'assurance-vie s'étend au-delà des frontières du Canada. Sur la moyenne à l'échelle de l'industrie, un fort pourcentage des profits sont réalisés en dehors du Canada. Notre industrie a été à l'avant-garde de cette tendance. Nous occupons une position concurrentielle très enviable. Nous exportons nos talents en matière de gestion, notre connaissance des produits et nos compétences en marketing. Nous concurrençons les États-Unis partout.

Le sénateur Oliver: En répondant à la première question du sénateur Kolber, vous avez déclaré que l'un des problèmes que posent les recommandations formulées par le groupe de travail vient du fait que seul un petit nombre de ses membres possédaient une expérience acquise sur le terrain. Ce n'était pas des gens qui avaient effectivement exploité des entreprises. Vous avez déclaré qu'en conséquence, parmi leurs recommandations, il y en a beaucoup qui ne sont pas vraiment des mesures pratiques et que probablement, elles ne pourraient pas être appliquées.

Pouvez-vous me donner deux exemples concrets des mesures que le groupe de travail juge réalisables, mais qui, pour vous, ne peuvent pas être appliquées?

M. McFeeters: Le groupe de travail prétend qu'avoir accès au système de paiement permettra aux compagnies d'assurance-vie de faire concurrence aux banques à charte. De mon point de vue, une entreprise dont la création repose sur l'accès au système de paiements est vouée à l'échec. C'est comme avoir accès à l'autoroute transcanadienne. Vous ne pouvez pas créer une affaire parce que vous avez été autorisé à prendre l'autoroute. Essentiellement, le système de paiements remplit les mêmes fonctions. Il vous permet simplement de faire circuler l'argent à travers le pays et de détenir de l'argent en dépôt. Je ne pense pas que l'on puisse bâtir une activité commerciale là-dessus, mais on laisse entendre que, d'une façon ou d'une autre, c'est un grand avantage que l'on accorde à l'industrie.

Par ailleurs, le groupe de travail avance l'idée qu'une compagnie d'assurance-vie émergera sous la forme d'un conglomérat financier et qu'elle fera concurrence aux banques sur la même échelle. Je ne pense pas que cela soit réaliste. Surtout avec la disparition de la mutualité, cela va prendre des années avant que les compagnies aient la crédibilité et la solidité voulues sur le marché pour réunir une masse de capitaux. Une ou deux d'entre elles pourront peut-être le faire, mais pas toutes les quatre. L'idée qu'elles pourraient être en mesure de faire une acquisition d'une telle envergure que cela leur permettrait de rivaliser avec les banques n'est pas réaliste.

Le sénateur Oliver: Je crois qu'ils pensaient à vous lorsqu'ils ont parlé de conglomérat financier.

M. McFeeters: Ils nous empêchent de le faire en disant que l'on ne peut pas acheter quelque compagnie que ce soit qui ait plus de 5 milliards de dollars de capitaux propres. C'est là la directive la plus erronée de ce rapport. Si nous ne pouvons pas le faire, seules les banques le peuvent. C'est uniquement elles qui ont les ressources nécessaires pour le faire.

Le sénateur Angus: Merci d'être venu pour nous aider à éclairer ce sujet.

J'aimerais vous poser plusieurs questions sur l'aspect du problème qui concerne la taille des compagnies. Premièrement, je suppose que vous étiez assez satisfaits lorsqu'on vous a autorisés à acquérir la London Life.

M. McFeeters: Satisfaits? Nous pensions que c'était dans l'intérêt de tous.

Le sénateur Angus: Dans l'intérêt de vos actionnaires.

M. McFeeters: Et dans celui des titulaires de police; de nos réseaux de distribution; et des canaux de distribution de la London Life, ainsi que des porteurs de police de cette compagnie.

Le sénateur Angus: Disons que, tout bien considéré, vous décidiez que c'est également dans l'intérêt de vos titulaires de police et de vos actionnaires d'acquérir une autre compagnie, disons la Financière Manuvie qui a été démutualisée, pour prendre un exemple hypothétique. Pensez-vous que, si à votre avis, il existait de bonnes raisons commerciales de procéder à cette acquisition, vous devriez être autorisé à le faire?

M. McFeeters: Absolument. Dans le cadre des prescriptions du Bureau de la concurrence, tout à fait.

Le sénateur Angus: À condition que cela ne restreigne pas la concurrence de manière significative. Ce serait la seule condition liée à la politique gouvernementale qui s'appliquerait.

M. McFeeters: Je pense qu'il y a des questions de concurrence légitimes qui doivent être réglées. Si nous faisions l'acquisition de la Financière Manuvie, cela ne nous mettrait pas sur le même pied que la Banque Royale.

Le sénateur Angus: Présumons que cette fusion a eu lieu. Pensez-vous que vous devriez encore être autorisé -- si de votre point de vue d'homme d'affaires, cela paraissait bon sur le plan de votre compétitivité et de votre position concurrentielle sur le marché mondial -- à acquérir encore une autre compagnie?

M. McFeeters: C'est une question purement hypothétique, monsieur. Si nous faisions l'acquisition d'une compagnie de la taille de la Financière Manuvie, étant donné la taille du marché, son ampleur et sa profondeur, je ne vois pas comment l'on pourrait défendre raisonnablement encore une autre acquisition. Dans vingt ans, qui sait?

Le sénateur Angus: Je veux m'assurer de bien comprendre les motifs de vos arguments. Je pense que oui.

Vous estimez que les considérations axées sur le marché qui inspirent votre stratégie d'acquisition ne devraient être soumises à aucune restriction réglementaire ni intervention gouvernementale. Dois-je comprendre que vous êtes contre la fusion des banques? Deux propositions ont été faites, comme vous le savez. Pensez-vous que l'on devrait leur donner le feu vert?

M. McFeeters: Je n'ai pas d'avis là-dessus. L'industrie est, d'ores et déjà, concentrée. Si l'on passe de cinq établissements à deux et demi, quelle différence cela fait-il vraiment? La concentration de capitaux est déjà si forte dans ce secteur que si deux ou quatre banques fusionnent, cela ne changera pas la nature de l'oligopole qui existe, les prix qui sont pratiqués, ni quoi que ce soit. Tout restera pareil.

Le sénateur Angus: Pour ce qui est des questions relatives à la politique gouvernementale, je présume que vous voudriez que l'on applique aux autres institutions financières, comme les banques, le même critère que vous appliqueriez à votre propre industrie.

M. McFeeters: Oui.

Le sénateur Angus: Nous venons tout juste de rendre public un rapport à la suite de notre étude comparative sur la réglementation, un rapport où nous parlons de notre parti pris, un peu comme M. MacKay, et où nous disons que, dans la mesure où cela est raisonnablement réalisable, le gouvernement devrait se retirer du secteur de la réglementation et laisser le marché se réglementer lui-même, à condition que cela ne remette pas en cause certains points clés de la politique gouvernementale, notamment ce qui a trait à la concurrence. Le Bureau de la concurrence est en place pour régler ce genre de question.

Qu'en est-il de l'idée que certaines institutions ont trop d'envergure pour faire faillite? On nous répète -- que ce soit à propos des compagnies d'assurance-vie ou d'autres institutions financières -- qu'à partir d'un certain stade, ces compagnies ont trop d'envergure pour faire faillite. La question qui se pose alors -- et c'est une question qui touche la politique gouvernementale --, c'est quoi faire, car manifestement, cela implique le recours aux fonds publics. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. McFeeters: Il est clair qu'à un certain point, on en arrive là. Témoin le fonds de couverture aux États-Unis. On peut citer de nombreux exemples touchant l'économie du Canada, des États-Unis et probablement du Royaume-Uni qui démontrent que dans certains cas, les gouvernements ont estimé que ce serait une bien plus grande catastrophe de laisser une institution faire faillite, que de faire en sorte qu'elle puisse poursuivre son activité. Dans le cas de La Confédération, Compagnie d'Assurance-Vie, on a jugé que la faillite de la compagnie ne posait pas un problème trop énorme, et le gouvernement en place a laissé faire. On s'est rendu compte que c'était la bonne décision, ce que j'ai pensé moi-même à l'époque.

Toutefois, il se pourrait très bien qu'à l'avenir, un cas se présente où il serait très difficile de laisser une institution financière faire faillite, qu'il s'agisse d'une banque ou d'une compagnie d'assurances, étant donné les risques systémiques que cela impliquerait. C'est donc un point préoccupant.

Le sénateur Angus: Si les deux premières conditions posées dans la politique gouvernementale -- une concurrence saine et des alternatives viables dans le système -- sont remplies, il me semble que la question soulevée par l'idée que certaines compagnies ont trop d'envergure pour qu'elles puissent faire faillite prend moins d'importance.

M. McFeeters: Il est moins probable que cela se produise et que l'on ait à se poser la question. C'est juste, sans doute.

Nous avons une très bonne réglementation. Nous avons ici un excellent organisme de réglementation. En toute franchise, c'est la qualité des responsables plus que la qualité de la législation qui mènera à la réussite ou à l'échec en la matière.

La législation est un outil très utile, mais il faut pouvoir compter sur des gens compétents pour l'interpréter et l'administrer. Rien n'est parfait. Je me plais à dire que les lois que nous créons sont faites par des hommes et que ce ne sont pas des lois de la nature.

Le sénateur Angus: C'est une tendance que nous avons décelée en menant nos propres études. Aux États-Unis, le système est totalement différent. La masse démographique est plus grande, tout comme le taux d'occupation de tous les secteurs. Ce pays semble tenir à un régime de réglementation fondé sur des prescriptions. Sur le marché mondial d'aujourd'hui où les choses arrivent si rapidement, il est impossible de réglementer ou de superviser correctement par le biais d'un régime fondé uniquement sur des prescriptions. Je pense que vous seriez d'accord avec ça.

M. McFeeters: Cela entre beaucoup en ligne de compte. Comme je l'ai dit, c'est la qualité des gens qui l'appliquent qui détermine la réussite d'un régime. À cet égard, ici, nous avons été extrêmement bien servis.

Le sénateur Angus: Pour poursuivre dans la même veine que celle des cinq questions du sénateur Kolber qui, je pense, encadrent les grands sujets avec lesquels nous essayons de nous familiariser, on nous répète également que si nous ne changeons pas les choses immédiatement et si nous ne nous dirigeons pas dans le sens des propositions du groupe de travail MacKay, nous courons le risque de voir soudainement nos principales institutions tomber entre les mains des Américains.

Même si vous dites qu'il existe une saine concurrence au sein de votre industrie, il me semble assez évident qu'il y a eu une concentration de capitaux au cours des six à huit dernières années. Je constate que sur le marché canadien, il y a moins d'acteurs étrangers. Je me demande évidemment pourquoi il en est ainsi. Est-ce vous qui les chassez? Ne serait-ce pas une bonne idée de modifier les règles du jeu pour encourager d'autres acteurs à pénétrer ce marché?

Je ne comprends pas vraiment pourquoi on peut dire que si nous ne faisons rien, nous courons le risque que, très rapidement, nos principales institutions tombent aux mains des Américains.

M. McFeeters: Il est clair que c'est impossible à cause de la législation qui impose la règle des 10 p. 100. À l'heure actuelle, tout un groupe de compagnies d'assurance mutuelle s'apprêtent à s'engager dans un processus de démutualisation et les règlements qui s'appliquent en la matière stipulent que les compagnies en cause doivent être ouvertes à un grand nombre d'actionnaires. Ce genre de chose ne va donc pas arriver du jour au lendemain. Personne ne devrait se sentir forcé de faire quoi que ce soit. Il y a des choses qui évoluent vite, mais en l'occurrence, ce n'est pas le cas. Les deux seules choses dont on peut être sûr, c'est la mort et les impôts. Je ne pense pas qu'en l'occurrence, la situation évoluera aussi rapidement qu'on le prétend.

L'une des raisons pour lesquelles la concurrence s'est resserrée quelque peu sur ce marché, c'est que deux ou trois grandes compagnies d'assurance-vie ont disparu. C'était en partie en réaction à des événements comme la publication de ce rapport; ces compagnies se sont dit que les banques allaient continuer de gruger leur part du marché et de s'approprier une part de plus en plus importante du gâteau des services financiers. Elles ont vu leur rôle se réduire de plus en plus et elles n'étaient pas en mesure de rester compétitives dans ce marché. Elles ont préféré investir leur argent en Asie où le marché est plus purement concurrentiel. Par ailleurs, elles ne faisaient pas beaucoup de bénéfices.

Le sénateur Angus: On trouve dans le rapport du groupe de travail pas de mal de verbiage à propos des structures -- sur le modèle de la société mère avec filiales et sur celui de la société de portefeuille. Nous savons qu'aux États-Unis, la question est vivement débattue et nous pensons comprendre ce dont il s'agit, mais pourriez-vous nous dire quel est votre point de vue à ce propos?

M. McFeeters: Notre structure de fonctionnement est celle d'une société de portefeuille et cela s'est révélé très bénéfique pour nous pour réunir des capitaux. Le rôle d'une société de portefeuille se résume à détenir des compagnies exploitantes, mais aussi à réunir des fonds. Cela nous permet de faire le genre de transaction que nous avons faite, par exemple, lorsque nous avons acheté la London Life, ce qui impliquait un échange d'actions qui a fait partie de la monnaie de transaction. Ce type de structure joue un rôle utile et le groupe de travail MacKay le reconnaît.

Le sénateur Angus: À votre avis, existe-t-il des cloisons étanches entre les diverses entités qui font partie de la structure d'une société de portefeuille?

M. McFeeters: Dans notre compagnie, les cloisons sont très étanches. Encore une fois, c'est à cause de la qualité du régime de propriété et non à cause de la structure. Tout type de structure peut fonctionner. C'est la qualité du régime de propriété qui compte.

Le président: Monsieur McFeeters, vous avez dit cela trois ou quatre fois, et je ne contredis pas la véracité de vos propos. Toutefois, ce qui nous frustre, c'est que nous devons établir des politiques qui régiront un régime de réglementation. Nous ne pouvons établir des politiques qui, dans un certain sens, portent sur la qualité des régimes de propriété. Ce n'est pas un facteur sur lequel nous avons quelque influence que ce soit. Par conséquent, même si je ne désapprouve en rien ce que vous dites, cela n'est guère utile, parce que c'est un facteur qui nous échappe.

M. McFeeters: En fait, vous exercez déjà un certain contrôle là-dessus. Vous dites que vous ne vous préoccupez pas de qualité, mais en réalité, le ministre s'assure bel et bien de choses comme «l'aptitude et la compétence». Il a le dernier mot. C'est là qu'au bout du compte, tout doit se tenir. Quelqu'un doit porter un jugement. On ne peut pas légiférer en la matière. C'est comme pour les pratiques coercitives, les ventes liées dans le secteur bancaire, ce ne sont pas des choses sur lesquelles on peut légiférer. C'est du domaine émotif. Vous pouvez bien rédiger toutes les lois du monde, mais cela ne marchera pas. Ce genre de chose continuera d'arriver.

Vous pouvez faire des lois sur la structure des régimes de propriété et vous pouvez faire en sorte que certaines initiatives ne puissent être prises, mais ce que vous voulez en fait, c'est mettre en place des compagnies rentables. C'est au ministre et à ses conseillers de prendre les décisions finales, et cela est déjà prévu dans la loi. Je pense que c'est possible.

Le sénateur Angus: Vous dites que la structure de votre compagnie est celle d'une société de portefeuille. De votre point de vue, est-ce une société de portefeuille non contrôlée?

M. McFeeters: Oui, elle est non contrôlée.

Le sénateur Angus: Dans le cadre de notre système, cela marche bien, et il n'est pas nécessaire d'apporter quelque modification que ce soit; par ailleurs, il existe d'autres modèles au Canada, je crois, du type société mère avec filiales, qui fonctionnent de la même façon. Pourriez-vous nous expliquer quelle est pour vous la différence fondamentale entre une société de portefeuille et une société mère avec filiales dans le système actuel?

M. McFeeters: Habituellement, une société mère avec filiales est une entité réglementée, et toutes les opérations qui sont sous son contrôle seront réglementées; en revanche, une société de portefeuille exerçant une tutelle sur la compagnie exploitante est non contrôlée et peut s'engager dans d'autres activités.

Le sénateur Angus: Il s'agit du concept de la réglementation fonctionnelle par opposition à la réglementation institutionnelle?

M. McFeeters: Selon la fonction, selon l'institution, oui.

J'ai beaucoup de respect pour le surintendant. Il craint fort, comme le faisait son prédécesseur, que certaines choses échappent au contrôle des sociétés de portefeuille, parce que cela s'est déjà produit. C'est une tentative de compromis. La question est également abordée de façon assez détaillée dans le rapport MacKay. En procédant ainsi, vous lâchez un peu la bride au plan de la réglementation éventuelle, mais d'un autre côté, vous pouvez en tirer certains avantages du point de vue de la croissance et de la rentabilité des compagnies. Comme c'est le cas la plupart du temps, c'est un compromis.

Le sénateur Callbeck: À la page 3 de votre mémoire, vous indiquez que les Canadiens sont bien desservis par l'industrie de l'assurance. Pourtant, à la page 89 du rapport du groupe de travail, dans le Document d'information no 2, on mentionne que les Canadiens à faible revenu ont des difficultés à obtenir une assurance et que certaines statistiques démontrent, d'expérience, que lorsque des institutions de dépôts vendent de l'assurance, la taille du marché de l'assurance augmente. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M. McFeeters: On en parle effectivement dans le rapport, mais le groupe de travail note également qu'il n'est pas convaincu que les données puissent être interprétées pour conclure que les Canadiens à faible revenu ne sont pas bien desservis, et c'est une remarque que l'on trouve même dans le document d'information dont vous parlez.

Oui, on a pu constater au Royaume-Uni que la vente d'assurance par les banques a élargi quelque peu le marché; dans une certaine mesure, cette constatation est donc fondée. Cela reste à prouver, mais je pense qu'il se pourrait fort bien que le marché s'élargisse un peu.

La London Life a tout un réseau de distribution pour répondre aux besoins des Canadiens à faible revenu. C'est un volet important de nos activités, et nous pensons que cette clientèle est très bien desservie.

Comment peut-on arriver à cet élargissement de la part du marché si les banques vendent de l'assurance? Encore une fois, je pense que cette demande accrue est liée en partie à la nature de l'institution de dépôts. Par exemple, en ce qui concerne l'assurance-crédit, si vous obtenez aujourd'hui une hypothèque auprès d'une banque, le banquier va vous dire: «Félicitations, madame, voici votre hypothèque. Et maintenant, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne chose si votre hypothèque était remboursée au cas où, par malheur, vous disparaissiez? Cela ne vous coûtera que 9 $ de plus par mois.» Vous vous dites que c'est une bonne affaire.

En réalité, cette assurance coûte seulement une fraction de ce que la banque vous demande de verser. Si vous vous adressiez à une compagnie d'assurances, vous pourriez obtenir la même assurance pour une fraction du prix fixé par la banque, quelques cents par millier de dollars. Toutefois, les banques font là-dessus une opération de plus. Elles réassurent la police à l'étranger et de cette façon, elles évitent d'avoir à payer de l'impôt. C'est tout un processus qui revient très cher. La même chose se passera pour les polices d'assurance-vie. On ne peut pas dire qu'il s'agit de pratiques coercitives de la part des banques.

C'est la même chose lorsque vous vous rendez chez le médecin. Vous arrivez dans son cabinet et vous êtes très angoissé. Il y a sur les murs des affiches illustrant les symptômes d'une redoutable maladie, et comme d'habitude, on vous fait attendre. Lorsque vous entrez finalement dans le cabinet, vous êtes énervé. Vous vous déshabillez, le médecin vous examine sur toutes les coutures et vous dit: «La bonne nouvelle, c'est que vous allez survivre, mais il va falloir que vous preniez ces pilules.» Vous êtes tellement soulagé que vous êtes prêt à faire n'importe quoi.

C'est la même chose avec un banquier. Lorsque vous obtenez le prêt que vous avez demandé, vous êtes soulagé. Vous êtes prêt à faire n'importe quoi pour rendre service à ce type. C'est comme cela que cela marche. C'est une réaction émotive. Cela n'a rien à voir avec la coercition, bien évidemment, même si elle est aussi pratiquée tous les jours.

Le sénateur Callbeck: Vous avez déclaré qu'il existe dans votre compagnie une section où l'on s'occupe plus particulièrement des Canadiens à faible revenu. Est-ce que le pourcentage des Canadiens à faible revenu qui possèdent des polices d'assurance de divers types, qu'il s'agisse d'assurance-vie ou autres, a augmenté?

M. McFeeters: Nous avons indiqué dans notre mémoire qu'une étude montre qu'environ 23 p. 100 des polices d'assurance sont vendues à des gens dont le revenu se situe au-dessous de 20 000 $. Je pense que ce pourcentage a augmenté d'année en année. Je n'ai pas les chiffres en tête.

Le sénateur Callbeck: Je me demandais si cette augmentation avait été spectaculaire.

M. McFeeters: Mon chef du contentieux me dit qu'en 1993, c'était 20 p. 100 et qu'aujourd'hui, c'est 23 p. 100; il a donc eu une augmentation. La pénétration du marché s'est accentuée.

Le sénateur Callbeck: Si j'ai bien compris les observations que vous avez faites, vous avez déclaré que si les recommandations du groupe de travail étaient mises en oeuvre, le résultat serait très différent de celui qu'en attendaient les membres de ce groupe de travail. J'aimerais que vous commentiez cette remarque. Si ces recommandations sont mises en oeuvre, où en sera le secteur des services financiers dans dix ans?

M. McFeeters: Je pense qu'il sera entre les mains des banques. Le groupe de travail espère que des institutions financières émergeront pour faire concurrence aux banques. Je ne pense pas que, du point de vue pratique, on puisse envisager fonder une entreprise qui concurrencera les banques et les compagnies de fiducie. On a déjà essayé. Cela s'est soldé par un échec parce que le marché ne peut pas véritablement être disputé. Il y a la question de la notoriété de la marque. Les dépôts à bas prix sont tous entre les mains des cinq banques à charte. Ces choses-là ne bougent pas. Les gens ne changent pas si souvent de banque que cela. On ne peut pas véritablement disputer ce marché.

Si ces propositions étaient adoptées sans être modifiées, à mon avis, aucune des compagnies d'assurance-vie ne réussirait à concurrencer les banques. Au bout du compte, certaines de ces compagnies d'assurance-vie, ou toutes, seraient absorbées par les banques parce qu'elles seraient les seules à avoir les capitaux, les moyens et la structure nécessaires pour le faire. Je pense que ce serait le résultat auquel on aboutirait.

Le sénateur Meighen: J'aimerais compléter la série de questions posées par le sénateur Angus, et revenir à la différence entre une société de portefeuille et la relation société mère-filiales.

Si je ne me trompe pas, dans le rapport MacKay, on parle de réglementer les sociétés de portefeuille. S'il en est ainsi, et si votre société de portefeuille était réglementée, quelle serait la différence entre cette structure et celle d'une société mère avec filiales?

M. McFeeters: Je ne pense pas que M. MacKay ait dit que les sociétés de portefeuille seraient complètement réglementées. Il a dit que l'on accorderait l'accès à l'information à la société de portefeuille et, peut-être, dans des circonstances exceptionnelles, aux filiales de cette société, mais que ces compagnies ne seraient pas purement et simplement réglementées de la façon dont les compagnies d'assurance-vie le sont aujourd'hui.

À l'heure actuelle, les compagnies réglementées doivent respecter certaines dispositions en ce qui concerne leurs investissements. Ces règles ne s'appliquent pas aux sociétés de portefeuille. Mon chef du contentieux me fait remarquer que M. MacKay propose ou suggère d'élargir la gamme de ces investissements autorisés. Toutefois, il existe toujours une liste prescrivant ce que vous pouvez faire, alors que la société de portefeuille a des pouvoirs illimités en la matière. Elle peut faire ce qu'elle veut dans les limites de ce qui est prescrit dans ses statuts.

Le sénateur Meighen: Sauf si quelqu'un décide que ces statuts doivent également faire l'objet de prescriptions.

M. McFeeters: Si, en posant cette question, vous voulez savoir s'il est possible d'édicter une loi qui effacerait toute différence entre une société de portefeuille et une société mère avec filiales, oui, les lois peuvent être rédigées de façon à prescrire ce que vous voulez. Ce n'est pas le cas actuellement. Toute la question est là.

Le sénateur Meighen: En ce qui a trait à la question de la propriété, d'après ce que je comprends, M. MacKay suggère que vous conserviez vos droits acquis?

M. McFeeters: En partie, c'est exact.

Le sénateur Meighen: À propos du régime de propriété, il dit également qu'étant donné que votre société n'est pas ouverte à un grand nombre d'actionnaires, vous ne pouvez pas acquérir une institution à participation multiple. De votre point de vue, cela réduit injustement votre marge de manoeuvre.

M. McFeeters: Exact.

Le sénateur Meighen: Je suis un peu perdu et je ne sais pas vraiment quel genre de régime vous souhaiteriez avoir. Est-ce que je me trompe en pensant que vous aimeriez conserver vos droits acquis, mais échapper à toute restriction en ce qui concerne les compagnies que vous pouvez acheter, et voir la règle des 10 p. 100 s'appliquer uniquement aux banques?

Vous avez recommandé que l'on n'apporte aucune modification aux règles concernant le régime de propriété, à part donner au ministre toute discrétion pour fixer, en matière de propriété, les limites qu'il juge souhaitables, selon les circonstances. Est-ce que cela signifie que si le ministre se réveille ce matin et décide -- je plaisante, évidemment -- que dans ce cas particulier, une participation de 20 p. 100 est le pourcentage approprié, c'est la règle qui s'appliquera? Et si demain, au réveil, il décide que ce sera 0 p. 100, il n'y aura rien à redire à cela non plus?

M. McFeeters: Vous exprimez la chose de façon péjorative.

Le sénateur Meighen: C'est vrai, mais cela m'inquiète. Je ne sais pas vraiment si c'est ce que vous vouliez dire. Est-ce cela que vous avez laissé entendre?

M. McFeeters: Je pense que le ministre devrait avoir la latitude voulue, comme c'est le cas aujourd'hui. Il a ce pouvoir.

Le sénateur Meighen: D'affranchir de la règle des 10 p. 100?

M. McFeeters: Pas en ce qui concerne les banques, mais en d'autres cas, il peut trancher.

À propos de la première partie de votre question, monsieur le sénateur, si en reconnaissant nos droits acquis, on élargissait maintenant la définition d'une société largement ouverte pour permettre un flottant de 30 à 35 p. 100, cela nous paraîtrait probablement satisfaisant. Nous pourrions ainsi acquérir des compagnies de quelque taille que ce soit. Ce qui nous tracasse, c'est d'être évincés un jour ou l'autre du marché parce que nous ne pourrons pas faire une acquisition majeure. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, beaucoup de petites compagnies qui nous intéresseraient et avec le temps, il y en aura de moins en moins. C'est ce qui nous préoccupe.

Une des solutions est de laisser le ministre décider. Ou encore, on pourrait maintenir totalement nos droits acquis, comme c'est le cas actuellement.

Le sénateur Meighen: Quelle serait votre réaction si demain matin, au réveil, le ministre disait: «La limite de 10. p. 100 n'existe plus. C'est fini. Tout le monde est libre de faire ce qu'il veut. Allez-y»? À votre avis, qu'arrivera-t-il alors au secteur financier?

M. McFeeters: Rien n'arrivera du jour au lendemain. Acquérir une de ces compagnies requiert pas mal de capitaux. La valeur en bourse de toutes ces grandes compagnies est énorme.

Le sénateur Meighen: Pour Citibank, cela ne représenterait pas grand-chose parce que cette société possède tant de capitaux.

M. McFeeters: Cette société achèterait-elle l'une des principales banques? Je ne prône pas nécessairement la règle des 10 p. 100. Dans d'autres pays, il n'existe pas de règle de ce genre; mais l'approbation du ministre responsable joue.

Le sénateur Meighen: C'est ce que M. MacKay a noté dans son rapport.

M. McFeeters: Exact. C'est en fait ce à quoi je veux en venir.

Il est peu probable que le ministre se réveille un matin dans une telle humeur. Cela ne se passe pas en Hollande, par exemple, ni dans d'autres pays. Par conséquent, je ne pense pas que cela puisse arriver ici non plus.

À cause de la libéralisation des échanges commerciaux et de tout ce qui s'ensuit, on ne peut pas agir différemment à l'échelle nationale et envers les étrangers. C'est de cette façon que l'on s'en sort.

Le sénateur Meighen: Puisque nous avons abordé ce sujet, êtes-vous, à titre de citoyen et d'acteur important dans l'industrie des services financiers, préoccupé par la question de savoir qui possède les principales entités du secteur des services financiers?

M. McFeeters: Il est tout à fait sensé, pour les motifs que M. MacKay a très bien formulés, d'avoir des institutions financières possédées et contrôlées par des intérêts canadiens, si l'on songe à l'impact que cela peut avoir en matière de leadership communautaire, de philanthropie au sein de la collectivité et au plan de l'emploi. Ce sont là des objectifs nobles et souhaitables. Nous devrions en tenir compte.

Mais en réalité, ce qui se passe dans le monde nous est contraire. Tout s'internationalise. On ne peut pas faire fi complètement de ces pressions. On peut le faire jusqu'à un certain point, mais en bout de ligne, il faudra concéder quelque chose. Nous le faisons tout le temps.

Le sénateur Meighen: Vous avez dit, en réponse à une question que l'on vous a posée plus tôt, qu'il faut avoir de l'envergure pour s'imposer à l'échelle mondiale. Cela ne signifie pas que vous réussirez.

M. McFeeters: Il faut avoir de l'envergure, jusqu'à un certain point.

Le sénateur Meighen: N'est-il pas difficile de fixer ce point?

M. McFeeters: Oui, évidemment. Ce ne sont pas des choses qu'il est aisé de déterminer.

Je sais que le président va prendre ombrage de cette observation; mais encore une fois, c'est à la qualité de la gestion que l'on revient. Avec une meilleure gestion, la qualité de ce que l'on accomplit est également meilleure. Vous ne pouvez arbitrer cela.

Le sénateur Meighen: Si l'on poussait votre observation plus loin, on pourrait presque dire que si vous étiez le ministre, vous diriez: «À titre de ministre, pour décider si oui ou non les fusions proposées de banques seront approuvées, je me fonderai sur mon évaluation de la qualité de la gestion au sein de ces institutions». Est-ce juste?

M. McFeeters: En partie. C'est une décision qu'il pourrait déjà prendre. C'est lui qui tranchera. Qui peut dire quels sont les facteurs qu'il prendra en considération et quel est le poids qu'il leur accordera? Si j'étais lui, c'est un facteur dont je tiendrais compte.

Le sénateur Meighen: Vous nous avez bien fait comprendre que le système de paiements n'avait pas grande importance. Pour vous, cela ne changera pas le monde.

M. McFeeters: Non, c'est vrai.

Le sénateur Meighen: Peut-être accordons-nous à cela trop d'importance. Toutefois, pour certaines personnes, c'est effectivement un point important. Avez-vous réfléchi à ceci: si l'on élargissait le système de paiements de façon à ce qu'il englobe un plus grand nombre d'entités -- par exemple, les compagnies d'assurance-vie -- pensez-vous que cela aboutirait à créer deux groupes théoriques, les banques de compensation et les autres; et est-ce que les compagnies d'assurance-vie, par exemple, tenteraient de se protéger et de s'entre-assurer, si j'ose dire, ou bien est-ce que tous les membres du club se sentiraient responsables les uns des autres?

M. McFeeters: Ce genre de chose existe déjà. Actuellement, il y a des membres adhérents et des sous-adhérents. Les grandes banques sont toutes des membres adhérents dotés de centres de compensation dans tout le pays. Les plus petites compagnies de fiducie ne sont pas des membres adhérents. Elles dépendent des banques, comme des jitneys.

Il existe dans notre secteur une association qui soutient les titulaires de police, c'est la SIAP. Pour les banques, c'est la SADC. Ce genre de secours existe. Le risque systémique était une question très importante. Toutefois, pour ce qui est de l'industrie, si vous demandez à ceux qui réclament l'accès au système de paiements ce qu'ils feront de ce privilège, ils ne le savent pas. Ils pensent seulement que c'est une bonne idée de pouvoir emprunter l'autoroute. Mais ils ne savent pas quelle direction ils vont prendre. Quand on ne sait pas où va, on peut emprunter n'importe quelle route pour y aller. Le problème est là.

Le sénateur Stewart: Une des questions du sénateur Kolber posait le problème de l'opportunité de se lancer dans une réorganisation majeure de notre secteur des services financiers dans une période d'instabilité internationale. Vous-même, monsieur McFeeters, avez parlé de l'internationalisation du secteur des services financiers. Toutefois, vous n'avez pas ajouté que d'après ce que nous avons pu constater, disons, au cours de l'année qui vient de s'écouler, c'est que cette tendance a entraîné des désastres économiques et politiques dans des pays comme l'Indonésie, et même au Japon; et maintenant, c'est le Brésil qui est menacé. Nous savons ce qui se passe en Russie, même si le cas de la Russie est plus compliqué.

Étant donné la situation qui existe à travers le monde dans le secteur des services financiers, pensez-vous qu'aujourd'hui, le gouvernement prendrait la décision de créer le groupe de travail MacKay? Ou bien, est-ce que le groupe de travail MacKay est le produit d'une période où l'on ne pouvait pas prévoir l'instabilité qui a accompagné cette mondialisation? Ce groupe de travail a-t-il été lamentablement, dans un certain sens, dépassé par les événements?

M. McFeeters: Voilà qui est très perspicace. Je n'avais pas envisagé les choses de cette façon.

Dans les faits, la création du groupe de travail MacKay est une décision qui a été prise à la suite du débat incessant que suscitaient, avant et après 1992, certaines de ces questions -- sans que cela aboutisse à rien. Je pense que c'est dans ce contexte que s'inscrit la décision de Doug Peters, qui était à l'époque ministre en second des Finances et qui a mis ce groupe de travail en place pour tenter de résoudre le problème.

Le groupe de travail voit les choses dans une perspective historique. Comme vous l'avez mentionné -- et maintenant que j'y pense, je suis d'accord avec vous -- le rapport ne dit pas grand-chose sur ce que l'avenir peut réserver ou sur la façon dont la situation peut évoluer. La vision est quelque peu limitée.

Le sénateur Stewart: En disant cela, vous anticipez sur ce que j'attendais que vous répondiez à ma deuxième question.

Vous avez laissé entendre, semble-t-il, que la vision du groupe de travail témoignait d'un préjugé en faveur des banques -- par exemple, ce que vous avez dit à propos des ventes liées.

Vous avez dit que le groupe de travail -- sans vous reprendre mot à mot -- avait de grands espoirs, mais manquait d'expérience. Si cela est vrai, la crédibilité du groupe de travail est sérieusement remise en cause. Comment expliquez-vous les présuppositions du groupe de travail qui semblent ne pas concorder du tout avec ce que l'expérience nous a appris?

M. McFeeters: Ce n'est pas toujours le cas. On trouve dans le rapport beaucoup d'idées qui sont utiles et pratiques. Parmi celles qui ne marchent pas, par exemple, il y a ce qui concerne le système de paiements. On espère et on attend que, d'une façon ou d'une autre, l'accès à ce système permette l'émergence de grandes sociétés qui concurrenceront les banques. Je n'y crois pas. Il faut investir des sommes énormes dans les systèmes pour en arriver à ce stade et accumuler les compétences requises. Au bout du compte, ce ne sera pas vraiment une entreprise qui émergera, mais un commissionnaire. Voilà certains des domaines où, à mon avis, il y a des lacunes et où l'expérience aurait été utile.

Autre chose dont je n'ai pas parlé: la suggestion concernant le protecteur des citoyens. C'est une idée noble que l'on ne peut pas rejeter. Dire que le groupe de travail a tort en faisant cette suggestion, c'est comme dire que la GRC n'utilise pas de gaz poivré. Ce sont des vérités qui sautent aux yeux.

Cependant, leur mise en application est beaucoup plus problématique. Je ne pense pas que mettre en place les services énormes et bureaucratiques qu'exigera un protecteur du citoyen ait une utilité quelconque. Au minimum, cela coûte très cher. De cela, vous pouvez être sûr. Que cela soit utile, j'en doute. Ce sont là des questions difficiles à résoudre.

Le sénateur Tkachuk: Je suis d'accord avec le sénateur Stewart: ce que nous essayons d'élucider dans ce rapport, c'est le degré de concurrence qu'il faut établir au sein de l'industrie des services financiers. Nous avons tendance à les regrouper, mais je préfère les considérer séparément parce que l'un des volets est tout à fait différent de l'autre.

Dans l'industrie de l'assurance, vous êtes en concurrence avec de nombreuses compagnies étrangères. Quelle est l'importance de leur part de marché?

M. McFeeters: Elle augmente. C'est à cause de cela que tout a commencé. Les compagnies comme la nôtre, qui existe depuis 110 ou 120 ans au Canada, ont accumulé un énorme portefeuille de primes d'assurance individuelle et à cause de cela, on peut penser que notre flux de recettes est important, ce qui est vrai. Toutefois, sur nos talons, on trouve NN Financial, ING et TransAmerica; ce sont toutes des compagnies qui vendent de l'assurance-vie universelle. Ce sont elles qui sont les principaux fournisseurs de produits d'assurance.

Nos ventes d'assurance pure ont maintenant baissé par rapport à celles qui concernent les produits touchant le patrimoine ou la retraite, les fonds distincts ou les rentes. C'est le plus gros marché pour nous à l'heure actuelle. Nous sommes beaucoup plus liés au marché des retraites, même si nous offrons encore tous les produits d'assurance. L'assurance-invalidité, un produit relativement nouveau pour des compagnies comme la nôtre, représente un gros marché. La compagnie la plus importante en ce domaine est américaine, il s'agit de Paul Revere. Il y a quelques compagnies canadiennes plus petites. Tels sont les produits offerts aujourd'hui. C'est un marché très concurrentiel.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous une ventilation des chiffres de 1996 ou 1997 correspondant aux ventes de nouveaux produits à de nouveaux titulaires de police avec lesquels vous n'aviez jamais traité auparavant, et distincts des ventes réalisées dans le passé sur lesquelles vous accumulez des primes?

M. McFeeters: Oui, mais je n'ai pas ces chiffres ici. Je pense que NN Financial est la compagnie canadienne qui, aujourd'hui, génère le plus de nouvelles primes, en capital assuré.

Le président: Je sais que vous n'avez pas ces données ici, mais ce serait utile que vous nous les fassiez parvenir.

M. McFeeters: Bien sûr, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Qui est NN Financial?

M. McFeeters: C'est la compagnie hollandaise.

Le sénateur Tkachuk: Dans son rapport, le groupe de travail MacKay parle d'ouvrir les frontières et de permettre à plus de concurrence de s'exercer dans le secteur bancaire. D'après les informations que nous avons pu recueillir, il semble que ce secteur est celui où il y a le moins de concurrence.

À votre avis, quel est le degré de difficulté auquel se heurteraient les banques américaines et étrangères pour devenir des acteurs importants sur le marché canadien, au niveau des services au détail?

M. McFeeters: Si une banque américaine voulait devenir un acteur important au niveau des services au détail au Canada, elle pourrait le faire. Je ne pense pas que les banques américaines soient intéressées à jouer un rôle important en ce domaine au Canada. Elles peuvent s'intéresser à des marchés à créneaux, comme les prêts commerciaux ou les services bancaires de gros, qui sont sources de bonnes marges et dont le coût d'intérêt net leur paraît raisonnable.

Le sénateur Tkachuk: Cela n'impliquerait-il pas la mise en place d'installations matérielles importantes?

M. McFeeters: Selon moi, aucune. La fermeture éventuelle de certaines succursales bancaires a provoqué un tollé au Canada. On peut se demander si leur maintien est véritablement dans l'intérêt des consommateurs ou s'ils ne seraient pas mieux servis si l'on multipliait les services électroniques. Peut-être que ce serait plus efficace et que cela leur permettrait d'avoir accès à plus de services que ceux dont ils disposent dans une succursale bancaire. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, je pense qu'aucune banque américaine n'a l'intention d'avoir pignon sur rue ici.

Le sénateur Tkachuk: Si la concurrence au niveau des services au détail ne vient pas des banques étrangères, il va falloir compter sur les coopératives de crédit pour rendre le marché un peu plus compétitif. Nous ne voyons aucun nouvel acteur d'importance sur le marché. Vous avez déclaré que les compagnies d'assurances n'allaient pas s'intéresser directement aux activités bancaires à court terme, et que ce n'est pas non plus le cas des banques étrangères. Selon vous, il n'y a personne d'autre qui pourrait se mettre sur les rangs à l'avenir dans le secteur des services au détail, des produits grand public.

M. McFeeters: La loi interdit aux compagnies d'assurances de prendre des dépôts directement, nous ne pouvons donc pas le faire. Comme je l'ai dit, l'accès au système de paiements ne fera pas grande différence. Il serait sans doute préférable de poser la question à certains banquiers américains, mais je ne vois pas ce qui les inciterait à installer une succursale bancaire à Holland, au Manitoba, pour desservir 250 riches agriculteurs.

Le sénateur Tkachuk: De votre point de vue de chef de file dans le secteur des services financiers et de l'assurance, pensez-vous que les banques disent vrai lorsqu'elles prétendent qu'elles doivent fusionner pour faire face à la concurrence?

M. McFeeters: C'est bien la question qui se pose. Comme je l'ai dit, qu'elles fusionnent ou non n'a finalement pas grande importance. Il existe déjà dans ce secteur une énorme concentration de capitaux. Que l'on ait cinq banques ou deux et demi, cela ne change rien à l'élément moteur. Je ne pense pas que le fait qu'il existe plus de banques ait de l'importance. C'est juste une question de concentration de capitaux. Cela existe déjà.

Le sénateur Tkachuk: Comment, à votre avis, peut-on accentuer la concurrence dans le secteur bancaire?

M. McFeeters: Une bonne façon d'aller à l'encontre de cet objectif serait d'interdire à des compagnies comme la nôtre d'acquérir de grandes institutions financières. À long terme, nous avons une chance de devenir un concurrent d'importance pour les banques si l'on nous permet de prendre de l'expansion. Si on nous met les bâtons dans les roues, cela n'arrivera jamais.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous dites «grande institution financière», parlez-vous d'une autre banque?

M. McFeeters: La Banque Royale est trois fois plus importante que nous le sommes aujourd'hui, et sa rentabilité représente probablement six ou sept fois la nôtre. Nous aspirons à atteindre ces chiffres élevés, mais il faut que nous puissions faire des acquisitions. On ne peut arriver à cela grâce à une croissance normale. Il faut pouvoir faire des acquisitions ou des fusions et il faut que ce soit de grandes institutions. Nous limiter au-dessous d'un seuil de 5 milliards de dollars en capitaux propres est contre-intuitif.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous dites «acquérir de grandes institutions», parlez-vous d'acquérir une banque? J'essaie de saisir ce que signifie: accroître la concurrence sur le marché dans l'intérêt des consommateurs. Vous dites que sur ce point, vous pouvez jouer un rôle utile en faisant disparaître cet obstacle, mais de quoi parlez-vous au juste?

M. McFeeters: Quelqu'un l'a mentionné plus tôt ce matin, si la Great- West/London Life voulait acquérir la Financière Manuvie une fois qu'elle sera démutualisée, elle ne pourrait le faire si on accepte la proposition du rapport MacKay. Ce n'est pas une bonne chose. Ce n'est dans l'intérêt de personne. On nous empêche d'agir ainsi uniquement à cause de la structure de notre régime de propriété qui, je crois, a très bien servi l'industrie et le pays. Je pense que nous devrions être autorisés à faire ce genre d'acquisition et d'autres. C'est la seule façon dont nous pourrons commencer à nous rapprocher de l'échelle sur laquelle opèrent les banques.

Le sénateur Di Nino: Vous avez déclaré que vous ne pourriez pas acquérir la Financière Manuvie une fois démutualisée. Est-il juste de dire que vous ne pourriez pas faire cette acquisition à moins que votre compagnie soit plus largement ouverte?

M. McFeeters: C'est exact.

Le président: La proposition avancée par le Groupe de travail MacKay, ainsi d'ailleurs que celle qui a trait aux règles de démutualisation, que vous avez vue, je présume, est celle-ci: les quatre grandes compagnies qui s'engageraient dans un processus de démutualisation seraient tenues de rester largement ouvertes pendant quelque temps. Selon la proposition MacKay, celles dont les capitaux propres dépassent 5 milliards de dollars seraient tenues de conserver un capital largement réparti de façon permanente.

Pensez-vous qu'il ne devrait pas en être ainsi? Ne parlons pas de votre propre cas. Ces compagnies devraient-elles être autorisées à avoir peu d'actionnaires?

M. McFeeters: Je ne dis pas qu'il faudrait que ce soit des sociétés à capital fermé. Je ne dis pas qu'à l'inverse de la proposition, nous devrions nous orienter vers un régime qui restreindrait le nombre d'actionnaires. Je prétends seulement que ce n'est pas parce que nous ne sommes pas une compagnie à capital largement ouvert que l'on devrait nous empêcher d'acquérir une grande institution, même s'il se trouve qu'elle est ouverte à un grand nombre d'actionnaires.

Le président: Vous ne répondez pas à ma question. Ma question était simplement celle-ci: devrait-on permettre à l'une ou l'autre des quatre compagnies concernées d'avoir peu d'actionnaires? Il est clair que d'après vous, on devrait le leur permettre, dans le sens où vous pensez que vous devriez pouvoir en faire l'acquisition. Du moins, vous devriez pouvoir les détenir à titre de sociétés ayant peu d'actionnaires. Est-ce quelqu'un d'autre devrait être autorisé à procéder ainsi ou y a-t-il quelque chose de spécial dans votre cas?

M. McFeeters: Non. L'autre grande institution financière qui, à ma connaissance, a la même structure que la nôtre est Canada Trust. À mon avis, on devrait lui donner la possibilité de le faire.

Le président: Devrait-on aussi la donner à une compagnie américaine?

M. McFeeters: C'est ce que suggère M. MacKay, dans certaines circonstances.

Le président: Il a suggéré cela pour la même raison qui a été invoquée lorsque nous avons autorisé la Banque de Hongkong à acheter la Banque de la Colombie-Britannique. Les circonstances étaient difficiles. Oublions cela. J'essaie de déterminer, en général, qui devrait avoir le droit d'acheter de grandes compagnies d'assurances. Quelle compagnie ayant peu d'actionnaires devrait avoir le droit d'acheter de grandes compagnies d'assurances? Vous seulement -- ce qui représente un avantage concurrentiel intéressant -- ou en fait, d'autres?

M. McFeeters: Quelles que soient les règles qui s'appliquent à l'échelle nationale, je pense que vous devez dire qu'elles régissent également les compagnies étrangères.

Encore une fois, on revient à l'approbation du ministre. Ces compagnies ont-elles l'aptitude et la compétence voulues? C'est lui qui a le dernier mot, comme dans d'autres pays. C'est la façon dont ils contrôlent les banques. Je dirais que le même type de régime pourrait fort bien marcher ici.

Oui, je dirais que des intérêts étrangers pourraient acquérir ces compagnies, même si elles n'étaient pas largement ouvertes, à condition que le ministre des Finances ait déterminé leur aptitude et leur compétence.

Le sénateur Kroft: Monsieur McFeeters, j'aimerais profiter de votre présence ici pour que vous nous aidiez à inscrire le rapport MacKay dans une large perspective, parce qu'en vous écoutant, je me retrouve un peu devant un dilemme.

Dans l'esprit de M. MacKay, au cours de la prochaine ère financière, dont le fondement sera de nouveaux niveaux de concurrence, toutes sortes de choses seront possibles. On pourra les faire parce qu'elles iront dans le sens de la concurrence. D'après lui, un des piliers de cette concurrence sera les principales institutions financières qui existent actuellement, comme la vôtre. Il a même été jusqu'à déclarer devant nous qu'à un moment donné, il existerait des quasi-banques, sous un autre nom. Cela rend la distinction entre les moyens d'acquérir des capitaux moins nette. Vous le faites d'une certaine façon et les banques utilisent un autre moyen. Essentiellement, vous seriez comme des banques, et il existerait un seul et même marché concurrentiel au service de la population canadienne.

Dans un tel environnement, M. MacKay ne s'opposerait pas nécessairement et par définition à une fusion de banques. Il n'a pas dit qu'il était d'accord, mais qu'il supprimerait l'interdiction, par définition, d'une telle éventualité. Toutefois, cela repose sur toutes ces hypothèses.

Vous dites qu'elles ne sont pas valables parce que M. MacKay donne trop d'importance au système de paiements, à l'accès aux capitaux et à d'autres restrictions et qu'en fait, il n'est pas réaliste de considérer que s'attaquer à la position prise par les banques est une réaction d'agressivité qui témoigne du désir de faire concurrence aux banques, ce que prétend M. MacKay. D'un autre côté, vous dites que l'idée d'une fusion des banques ne vous pose aucun problème.

Je suis perplexe parce qu'il fixe le seuil de la concurrence nécessaire en disant que c'est une condition préalable et vous, vous dites: «Je ne pense pas que ce sur quoi il se fonde soit exact, mais cela m'est égal. Je ne suis pas vraiment inquiet parce que la concentration de capitaux existe déjà de toute façon.»

Je me rends compte que cela dépasse un peu le cadre strict de votre industrie, mais vous êtes un acteur important dans le secteur financier de ce pays, et j'aimerais connaître votre point de vue. Pensez-vous que, en dépit du fait que nous n'atteindrons pas le niveau de concurrence que M. MacKay prévoit, les fusions de banques ne posent probablement pas de problème? Est-ce le sens de vos propos?

M. McFeeters: Non, je ne pense pas que ce soit cela.

Le sénateur Angus: Ce n'est pas ainsi que j'ai interprété la réponse à ma question.

M. McFeeters: Je le répète, il y a beaucoup de bonnes choses dans le rapport, de bonnes recherches et des informations utiles pour lancer une discussion.

Je pense que M. MacKay est trop optimiste lorsqu'il prévoit l'émergence, notamment au sein du secteur de l'assurance-vie, d'institutions financières qui seront en mesure de concurrencer les banques même si elles ont la taille qu'elles ont aujourd'hui. Je ne pense pas que nous ayons les outils nécessaires pour y parvenir. J'ai cité notre cas en exemple en disant que le régime de propriété nous empêcherait d'atteindre ce but.

Je n'exprime pas d'opinion sur les fusions, ni en tant qu'homme d'affaires, ni en termes de politique publique. Je me contente de rappeler ce qui, selon moi, est la réalité: à l'heure actuelle -- le système bancaire est un oligopole. Il restera un oligopole demain, que les fusions aient lieu ou non. On veut édifier des institutions beaucoup plus grandes. Je suis sûr que cela améliorera leur rentabilité. Mais il reste à voir si cela améliorera leur capacité de fournir des produits ou des services.

Le sénateur Kroft: La concurrence sera-t-elle plus dure à cause de cela la prochaine fois que vous tenterez d'acquérir une compagnie d'assurances et que l'autre parie intéressée sera la Banque Royale?

M. McFeeters: Les banques représentent déjà une concurrence énorme. Elles occupent une position dominante. Elles envahissent tout. Les banques sont des franchises extraordinaires. Je serai ravi d'en posséder une. Elles ont ajouté beaucoup de valeur au pays. On ne peut pas les dénigrer. Elles s'attirent beaucoup de critiques, parfois injustes, mais elles ont ajouté beaucoup de valeur au pays pendant de nombreuses années. On leur a accordé, par le biais de la politique gouvernementale, beaucoup de privilèges, mais nous avons beaucoup reçu en échange. La question qui se pose est de savoir quoi faire à partir de là.

Je ne me déclare pas pour ou contre les fusions. Je dis simplement qu'à mon avis, cela ne changera pas la réalité économique qui fait des banques ce qu'elles sont aujourd'hui. Elles constituent un oligopole, et cela restera vrai demain, quoi qu'il arrive. Il faut vivre avec. Les oligopoles ne sont pas rares. Tout le monde pense que c'est un terme péjoratif, même les banques, mais c'est faux. Il y a des oligopoles partout: dans le secteur de l'automobile, du pétrole, du verre. C'est une forme d'activité économique très commune.

Ce qui n'est pas commun, c'est la concurrence pure. Parfois, les banques se plaisent à dire qu'elles ne constituent pas un oligopole, mais qu'elles exercent une concurrence pure, ce qui est ridicule. La concurrence pure n'existe presque jamais dans une économie, et ce ne sont certes pas les banques qui l'exercent.

Le sénateur Oliver: Vous nous avez expliqué comment votre compagnie avait évolué au fil des quelque 100 années qui se sont écoulées depuis qu'elle a été créée. Vous ne vendez plus strictement des polices d'assurance-vie entière. Vous êtes passé à l'assurance-vie temporaire, l'assurance collective, l'assurance-invalidité, et cetera. Enfin, vous avez dit que vous offrez maintenant une série de produits du domaine de la gestion des patrimoines et que c'est la principale source de recettes pour vous.

Un agent d'assurance-vie se rend chez quelqu'un et dit: «Écoutez, j'ai quelques propositions d'assurance à vous faire, à vous qui êtes mari et femme, qui êtes mariés et qui avez un enfant.» Votre compagnie parapluie comprend aussi Investors. Est-ce que votre agent d'assurance-vie parle aussi d'investissement, et quelles sont les limites que vous avez fixées à cela? Dit-il: «Si un fonds commun de placement vous intéresse, nous avons une compagnie qui s'appelle Investors et qui a également peu d'actionnaires»? Comment contournez-vous ce problème et combien d'agents de la London Life vendent des produits d'Investors?

M. McFeeters: Aucun. Nous avons une entente intersociétés avec Investors qui leur permet de vendre les produits d'assurance de la Great-West, parmi d'autres. Je pense qu'ils offrent les produits d'Aetna et de deux ou trois autres compagnies, Canada Vie, je crois. Les représentants d'Investors traitent également avec des clients qui s'intéressent non seulement aux fonds communs de placement, mais à l'assurance.

Nous avons conclu des ententes intersociétés avec plusieurs compagnies. Toutefois, cela ne marche pas dans l'autre sens. Investors, comme nous nous plaisons à le dire, est un canal de distribution de conseils moderne et exclusif. Les produits d'Investors sont réservés aux représentants d'Investors, ceux de la Great-West ou de la London Life ne les offrent pas.

Au sein de la London Life, nous avons notre propre petite compagnie de fonds communs de placement qui s'appelle Maxim. Bien entendu, nous avons également des fonds distincts, l'équivalent économique des fonds communs de placement avec des avantages supplémentaires.

Tout le monde a besoin d'un fonds sûr. Mais tout le monde n'a pas besoin d'un fonds commun de placement.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il une relation quelconque entre Maxim et Investors au plan des actionnaires?

M. McFeeters: Non, pas à l'heure actuelle. Maxim est la propriété de la London Life.

Le sénateur Oliver: Présumons un instant que le rapport du groupe de travail MacKay n'existe pas et que vous êtes d'accord pour dire qu'à l'heure actuelle, au Canada, il existe une industrie des services financiers qui ne marche pas mal du tout, mais qu'à cause de la technologie, des pressions qui s'exercent à travers le monde et d'autres choses de ce genre, un changement s'impose. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les législateurs devraient chercher, entre autres, à trouver un moyen d'attirer plus de banques opérant à l'échelle mondiale au Canada, afin de créer une concurrence plus vive dans notre secteur bancaire; est-ce important?

M. McFeeters: Je ne suis probablement pas celui qui pourrait vous donner une opinion éclairée à ce sujet.

Le sénateur Oliver: Vous avez beaucoup réfléchi à la question de la concurrence éventuelle que pourraient représenter les banques pour vous.

M. McFeeters: On ne peut pas être contre la concurrence. La concurrence est une bonne chose. Toutefois, à titre de gens d'affaires, nous cherchons à accaparer une plus grande part de marché. S'il n'en tenait qu'à nous, nous voudrions tous des monopoles. L'objectif ultime de tous les hommes d'affaires est de détenir un monopole sur leur marché.

Personne n'y est parvenu depuis l'époque de Rockefeller. Ce genre de chose n'arrive plus. Dans ma perspective d'homme d'affaires, je dirais que non, je ne veux pas davantage de concurrence.

Le sénateur Oliver: Les Canadiens seraient-ils mieux desservis s'il existait dans notre pays plus de concurrence venant de quelques grandes banques étrangères?

M. McFeeters: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Les Canadiens qui profiteront de la présence de grandes banques étrangères seront des entreprises.

Le sénateur Oliver: N'est-ce pas bénéfique pour le Canada?

M. McFeeters: C'est ce que je dis. Exploiter des petits points de vente au détail n'intéressera pas les grandes banques. Vous avoir comme client, à titre de détenteur d'une carte de crédit, pourrait les intéresser. Bon nombre d'entre elles essaient de faire cela. Parlez-vous de l'octroi de crédit?

Le sénateur Oliver: Je parle des services bancaires commerciaux.

M. McFeeters: Dans le secteur des services bancaires commerciaux, c'est vrai, il pourrait y avoir plus de concurrence, tout comme dans le domaine des services bancaires d'investissement. Il y a eu plus de concurrence autrefois dans ce domaine, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le prix est le même.

De nombreuses institutions canadiennes ont en fait accès aux marchés financiers étrangers. Les obligations Yankee circulent depuis des années, et de nombreuses institutions comme la nôtre réunissent systématiquement des fonds aux États-Unis.

Le sénateur Oliver: Votre compagnie pèse environ 80 milliards de dollars. Elle est un peu plus importante que la plupart de celles qui sont en place.

M. McFeeters: De nombreuses compagnies réunissent des fonds aux États-Unis.

Sur un tout autre sujet, j'aimerais simplement dire que l'Institut canadien des comptables agréés estime être l'auteur des lois de la nature.

Le président: Le comité s'est prononcé deux fois publiquement en faveur du changement proposé. Nous allons bien nous amuser cet après-midi parce que notre dernier témoin, c'est l'ICCA.

M. McFeeters: Vous n'arriverez pas à les convaincre. Ils pensent que, d'une façon ou d'une autre, ils sont en communion avec Dieu. Nous sommes soumis aux règles comptables sur le regroupement d'entreprises les plus sévères du monde. Je vous dirais qu'à mon avis, il n'est pas nécessaire de nous imposer cela, à nous qui devons aussi supporter le froid.

Le président: Dans toutes vos observations sur les fusions que vous pourriez faire ou non, mais que vous aimeriez avoir la possibilité de faire, vous avez indiqué que le test qui devrait s'appliquer, à votre avis, devrait être celui du Bureau de la concurrence, à quoi il faut ajouter, en ce qui a trait au régime de propriété, l'avis du ministre quant à l'aptitude et à la compétence. Vous n'avez fait absolument aucun commentaire sur l'examen d'intérêt public auquel serait soumise une compagnie de votre taille si les règles proposées par le groupe de travail MacKay sont adoptées.

Dois-je en conclure que vous jugez cela acceptable ou que vous souhaitez tout simplement que cette proposition ne soit pas retenue?

M. McFeeters: Vous pouvez tirer l'une ou l'autre conclusion. Je ne me sens pas particulièrement visé ni menacé par ce genre de chose. Je suis passé par un tel processus, qui a pris la forme d'un examen informel, ponctuel, lorsque nous nous sommes portés acquéreurs de la London Life.

Le président: C'est tout à fait juste. Toutefois, il ne s'agissait pas de l'examen public, formel que propose M. MacKay. S'il avait été requis l'an dernier, vous êtes la seule compagnie canadienne qui aurait dû s'y plier.

Si vous aviez su que vous auriez à franchir cet obstacle au moment où vous avez lancé les négociations avec la London Life, cela vous aurait-il influencé?

M. McFeeters: Oui, cela aurait eu une certaine influence. Lors d'une acquisition importante, il y a de nombreux obstacles à franchir. Ce ne sont pas des peccadilles, il y a des questions difficiles à résoudre. Ce serait un autre test. Cela ne m'enchanterait guère, mais je suis convaincu que cette acquisition était dans l'intérêt public. Elle n'allait certainement pas à l'encontre de cet intérêt. Nous avons ajouté beaucoup de valeur à l'entreprise; néanmoins, cela ne m'enchanterait pas.

Le président: Vous ne seriez pas pour, mais vous n'êtes pas absolument contre.

M. McFeeters: On ne peut pas être contre des choses de ce genre.

Le président: Vous seriez surpris de savoir à quoi s'opposent les gens.

J'ai écouté les réponses que vous avez données à plusieurs questions, notamment celles des sénateurs Angus, Stewart et Kolber, j'ai noté, dans votre déclaration liminaire, que vous vous demandiez pourquoi nous devrions sacrifier l'expérience à l'espoir. J'en déduis qu'au bout du compte, vous seriez tout à fait satisfait si le gouvernement ne donnait pas suite au rapport MacKay, mais s'en tenait tout simplement au statu quo. Ai-je raison de supposer cela?

M. McFeeters: Je n'avais pas envisagé la chose en ces termes. Je ne pensais pas que c'était tout ou rien. J'essayais de cerner ce qui aurait pu restreindre la croissance et la réussite de ma compagnie à l'avenir.

Pourrions-nous nous contenter du statu quo? À mon avis, on pourrait continuer pendant bien des années sans apporter quelque changement important que ce soit. Si c'était le cas, je ne pense pas que ce serait la fin du monde, ni que qui que ce soit en subirait des conséquences particulièrement négatives.

Vous ne pouvez pas ignorer le changement. Les choses changent, que nous le voulions ou non, et c'est à nous d'évoluer. Il faut toutefois évoluer de façon mesurée et raisonnable afin d'éviter que cela ait des conséquences imprévues. De mon point de vue d'homme d'affaires, le problème que posent en partie les résultats que l'on escompte, c'est qu'il est peu probable que ces propositions aboutissent à instaurer une situation aussi rose qu'on l'imagine.

Le président: Merci, monsieur McFeeters d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Nous vous en savons gré.

Monsieur Stewart, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin. Vous avez la parole.

M. Donald A. Stewart, président et chef de la direction de la Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici ce matin. Je suis accompagné de Christopher Barry, vice-président adjoint, Relations avec l'État et les entreprises.

Nous apprécions beaucoup la possibilité qui nous est offerte de vous présenter le point de vue la Sun Life sur les principales questions soulevées dans le rapport du groupe de travail. Je félicite M. Harold MacKay et les membres de son groupe de travail d'avoir rédigé un plan d'action exhaustif qui sera d'une grande valeur pour définir l'avenir du secteur des services financiers au Canada.

En dépit du fait que nous sommes, de manière générale, satisfaits de la qualité du rapport, nous avons certaines réserves sur l'application d'aspects particuliers des recommandations qui concernent les compagnies d'assurance-vie canadiennes d'envergure internationale. Étant donné la prédominance des grandes banques canadiennes, qui détiennent, globalement, 37 p. 100 de l'actif total du secteur financier, il n'est pas surprenant que le rapport ait proportionnellement mis l'accent sur des questions touchant le domaine bancaire.

Bien que l'opinion formulée par le groupe de travail, selon laquelle les compagnies d'assurance-vie canadiennes peuvent être appelées à jouer un rôle de premier plan dans le secteur canadien des services financiers, nous réjouisse, il existe de nombreux défis à relever en ce qui concerne la concurrence pour que cette vision devienne réalité. Selon nous, le document d'information intitulé: «L'évolution du secteur des services financiers au Canada: De nouvelles forces, de nouveaux compétiteurs, de nouveaux choix», a un ton nettement moins optimiste et accorde plus d'importance aux défis qu'impose la concurrence à l'industrie de l'assurance-vie.

Essentiellement, si les assureurs-vie canadiens veulent tirer pleinement partie de leurs possibilités, ils auront besoin de tout l'appui découlant des propositions et des recommandations du rapport visant à éliminer les restrictions qui s'appliquent actuellement à notre industrie.

Je dois mettre mes observations en perspective en expliquant brièvement la position que la Sun Life occupe sur le marché, puisque c'est un facteur qui influence considérablement notre façon de voir les choses.

La semaine dernière, le Wall Street Journal a publié sa liste annuelle des 50 premiers assureurs du monde. Encore une fois, la Sun Life est la seule compagnie canadienne à figurer sur cette liste, se classant au 46e rang. Cela signifie que nous sommes une grande entreprise selon les critères du marché international. Toutefois, la majorité de nos opérations sont menées à l'échelle internationale, plutôt qu'à l'échelle mondiale. En conséquence, pour la Sun Life, les réalités quotidiennes de la concurrence se définissent par rapport à la situation que nous occupons dans chaque pays, et non par rapport à l'ensemble de nos opérations internationales.

Compte tenu de ces réalités, la Sun Life doit faire face au Canada à des pressions considérables que lui impose la concurrence, puisque nous occupons le cinquième rang sur le marché canadien de l'assurance-vie. Notre part du marché, déterminée d'après le revenu provenant des primes, s'élève actuellement à 8,4 p. 100, ce qui représente environ 50 p. 100 de la part détenue par le chef de file du marché. Nous nous adressons donc à vous aujourd'hui en tant que compagnie d'assurances qui se situe au milieu du marché canadien et qui accueille favorablement les nouvelles possibilités qui peuvent découler des recommandations du rapport du groupe de travail.

Nous visons à demeurer une entreprise de services financiers internationale prospère qui répond aux besoins de ses clients en matière de sécurité financière dans tous les pays où elle est présente.

Je souhaite vous entretenir de sept questions particulières. Il s'agit de l'indemnisation des consommateurs, du système de paiements canadien, de la structure juridique des entreprises, de l'impôt sur le capital, de la démutualisation, de la vente au détail d'assurance, ainsi que des regroupements et des fusions d'entreprises.

Premièrement, donc, les mécanismes d'indemnisation des consommateurs. Comme l'indique le rapport du groupe de travail, la Société d'assurance-dépôts du Canada, par certains aspects, donne aux établissements de dépôts des avantages concurrentiels sur les compagnies d'assurance-vie canadiennes. Nous appuyons la recommandation du groupe de travail qui porte sur l'élimination du déséquilibre entre ces deux entités, déséquilibre qui découle de l'existence de deux mécanismes différents d'indemnisation. Nous espérons que le gouvernement donnera suite à cette recommandation dans un proche avenir.

Nous avons une légère préférence pour la fusion de la SADC et de la SIAP en un organisme indépendant plutôt que pour l'intégration de la SIAP à la SADC pour former une société d'État.

Passons à une question qui suscite un débat animé: le système de paiements. L'intérêt que le groupe de travail a porté au régime régissant le système de paiements du Canada nous réjouit. L'évolution de la technologie, les attentes des consommateurs et l'intensification de la concurrence font en sorte qu'il est maintenant essentiel de pouvoir accéder au système de paiements pour attirer et fidéliser la clientèle. Les compagnies d'assurance-vie canadiennes se trouveront dans une position beaucoup plus avantageuse pour faire face à la concurrence si leurs clients peuvent effectuer leurs paiements à partir de fonds détenus auprès de l'assureur, sans devoir au préalable transférer ces fonds dans des comptes auprès d'un autre établissement.

Comme l'indique le rapport, pour maximiser le potentiel concurrentiel des acteurs en place, il faudra leur donner, à des conditions raisonnables, libre accès à d'autres réseaux. En particulier, nous appuyons fortement la proposition voulant que l'on élargisse les fonctions offertes par le réseau Interac.

Enfin, nous reconnaissons la nécessité de préserver la sécurité du système et, de ce fait, nous sommes d'accord avec les critères d'accès définis par le ministère des Finances dans son document de discussion de juillet dernier. Nous pressons le gouvernement de mettre en oeuvre les changements nécessaires pour permettre aux compagnies d'assurances de participer au système de paiements le plus tôt possible.

Pour ce qui est des structures juridiques des entreprises, nous appuyons la recommandation déjà exprimée dans le document de consultation publié par le ministère des Finances en août dernier, qui propose un régime de démutualisation qui s'appliquerait aux compagnies d'assurance-vie canadiennes. En vertu du régime proposé, les compagnies qui seraient ainsi transformées seraient autorisées à constituer des sociétés de portefeuille réglementées par le Bureau du surintendant des institutions financières.

Nous croyons que la structure de la société de portefeuille peut présenter des avantages considérables, notamment un accroissement de l'efficacité de la réglementation, une plus grande latitude pour réunir des capitaux et la possibilité d'offrir une meilleure valeur aux actionnaires de la société de portefeuille.

Nous reconnaissons que, du point de vue de la réglementation, la présence de sociétés de portefeuille dans le secteur des services financiers peut soulever des inquiétudes légitimes. Toutefois, nous appuyons la conclusion du groupe de travail selon laquelle il est possible d'avoir plus de souplesse sur le plan de l'organisation sans compromettre outre mesure la stabilité et la solidité de l'entreprise.

En ce qui a trait à l'impôt sur le capital, nous sommes heureux que le groupe de travail ait reconnu le caractère inéquitable des charges fiscales que doit supporter le secteur des services financiers, comparativement aux autres secteurs de l'économie et à la concurrence étrangère. Ainsi, en 1996, les établissements financiers réglementés ont payé un impôt spécial sur le capital de près de 1 milliard de dollars. Cet impôt n'a pas été appliqué à d'autres secteurs et il est presque exclusif au Canada. La Sun Life souscrit sans réserve aux recommandations du groupe de travail selon lesquelles cet impôt spécial sur le capital devrait être éliminé ou, à tout le moins, réduit.

La Sun Life appuie également l'appel lancé aux gouvernements fédéral et provinciaux afin qu'ils cherchent ensemble à atténuer les conséquences négatives de la taxation double, notamment l'application des taxes de vente et des taxes sur les primes qui augmentent considérablement le coût des produits d'assurance.

En ce qui touche le régime de démutualisation proposé, nous appuyons la recommandation du groupe de travail selon laquelle les compagnies d'assurance-vie devraient être assujetties, en matière de propriété, à un régime général basé sur la taille des entreprises. Nous approuvons la règle des 10 p. 100 que l'on se propose d'appliquer aux grandes compagnies d'assurance-vie démutualisées.

Alors que la Sun Life s'apprête à s'engager plus avant dans le processus de démutualisation au cours de la prochaine année, sous réserve de l'approbation du conseil d'administration, des organismes de réglementation et des titulaires de police, le régime de démutualisation proposé dans le rapport du groupe de travail -- ainsi que dans le document de consultation sur la démutualisation publié récemment par le gouvernement fédéral -- comporte tous les éléments requis pour servir de base solide sur laquelle on s'appuiera afin d'assurer un traitement équitable aux titulaires de police et de donner aux compagnies d'assurance-vie canadiennes plus de latitude pour se développer et faire face à la concurrence.

La Sun Life approuve entièrement l'importance que le groupe de travail accorde aux consommateurs et à la concurrence. Comme il a été mentionné précédemment, diverses initiatives ont été proposées pour aider l'industrie de l'assurance-vie du Canada à faire face à la concurrence. Elle consiste notamment à permettre l'accès au système de paiements et à éliminer les inégalités au chapitre du mécanisme d'indemnisation. En restant dans la ligne des objectifs généraux du rapport du groupe de travail, il apparaît logique que les consommateurs disposent de nombreuses possibilités d'accéder aux produits d'assurance.

Si la vente d'assurance au détail doit être autorisée dans les succursales bancaires, il faudra mettre l'accent sur la nécessité d'appliquer, en matière de permis, des exigences communes à l'ensemble du secteur des services financiers. Il faudra aussi veiller particulièrement à assurer la protection des renseignements personnels qui concernent les consommateurs et à établir des règles strictes qui interdiront les ventes liées.

Pour ce qui est de la question générale des fusions, nous sommes entièrement d'accord avec l'opinion exprimée par le groupe de travail selon laquelle les projets de fusion doivent être évalués comme des cas d'espèce, compte tenu du contexte dans lesquels ils sont proposés. Le secteur de l'assurance a récemment été le théâtre d'une activité intense en ce qui touche les fusions, et cela a entraîné des changements importants au classement des entreprises sur le marché. Par exemple, l'acquisition de la London Life par la Great-West en 1997 a, en plus de créer un précédent, donné naissance à un nouveau chef de file très solide sur le marché canadien.

Compte tenu de la position que la Sun Life occupe actuellement sur le marché canadien, il sera essentiel que nous puissions faire l'acquisition d'autres entreprises si nous voulons figurer au nombre des concurrents sur le marché de l'assurance-vie, tels que les entrevoit le rapport du groupe de travail. Le même principe pourrait bien s'appliquer en matière de fusion.

Pour conclure, nous craignons que le rapport du groupe de travail puisse donner l'impression que les banques et les compagnies d'assurance-vie canadiennes possèdent des capacités comparables au chapitre de la concurrence. Même si nous ne nous opposons pas activement au fait que l'on attribue des pouvoirs supplémentaires aux banques canadiennes dans le but d'accroître la concurrence, il est vital d'assortir ces pouvoirs de mesures de protection importantes, tel qu'il est indiqué dans le rapport. En outre, il est essentiel que les compagnies d'assurance-vie aient accès au système de paiements canadien ainsi qu'au réseau électronique de services financiers si elles veulent être en mesure de relever le défi qui attend l'industrie et dont fait état le groupe de travail.

Le président: Merci, monsieur Stewart, pour cette déclaration bien organisée, claire et concise, où vous avez abordé toutes les principales questions.

Le sénateur Meighen: Bienvenue, messieurs Stewart et Barry. À l'heure où nous vivons au rythme effréné de la mondialisation et du changement, le Montréalais de souche que je suis est heureux de constater que les Écossais sont toujours à la tête de la Sun Life. À ce point de vue là, les choses sont entre bonnes mains.

Monsieur Stewart, vos observations très mesurées, si on les compare à celles d'autres représentants de votre industrie, en ce qui concerne le projet -- qui correspond à la recommandation de M. MacKay -- de donner aux banques la possibilité de vendre des produits d'assurance dans leurs succursales m'intéressent. Vous le savez fort bien, d'autres ont fait des commentaires beaucoup plus véhéments que ceux que je trouve à la dernière page de votre exposé. Vous dites d'ailleurs que cela ne vous inquiète pas non plus. Vous posez comme conditions l'existence de règles strictes afin de protéger les renseignements personnels concernant les consommateurs et l'interdiction des ventes liées.

J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus pourquoi vous n'êtes pas aussi préoccupé que certains autres représentants de votre industrie le laissent entendre par la possibilité de donner aux banques le droit de vendre des produits d'assurance dans leurs succursales. En outre, en ce qui concerne la protection des consommateurs, vous recommandez -- c'est bien compréhensible -- l'application de règles strictes aux ventes liées et aux pratiques similaires.

Dans votre industrie, à propos du problème que posaient les primes prélevées sur la valeur de rachat, je crois comprendre que l'on a pris des mesures pour mettre fin à la controverse à ce sujet et pour obliger les compagnies membres ainsi que leurs agents à expliquer les risques et les facteurs inhérents à ce type de régime dans la documentation s'adressant aux clients potentiels. De votre point de vue, est-ce suffisant pour résoudre le problème des primes prélevées sur la valeur de rachat, ou est-il nécessaire d'imposer de nouvelles règles strictes interdisant légalement ce régime?

M. Stewart: En ce qui a trait à mes observations mesurées sur la vente au détail de produits d'assurance dans des succursales bancaires, il me semble que, fondamentalement, notre position est déterminée par l'intérêt du consommateur.

Nous nous sommes attachés à souligner que notre présence sur le marché canadien est limitée. Le corollaire, c'est que nous traitons beaucoup d'affaires à l'étranger et dans des pays où les banques vendent de l'assurance au détail. Nous avons constaté que ce n'était pas un désavantage concurrentiel. Notre position est déterminée par l'intérêt du consommateur et par l'expérience que nous a permis d'acquérir notre présence à l'étranger.

En ce qui a trait aux ventes liées et aux mesures proposées à cet égard, je dois dire que je ne connais sans doute pas la question en détails, parce que cela touche en partie les pratiques bancaires. Toutefois, les mesures recommandées dans le rapport et celles qui ont été rendues publiques récemment me semblent, de manière générale, orientées dans la bonne direction.

Étant donné que notre position s'inscrit dans une perspective internationale, je dirais qu'il serait aussi pertinent d'adopter comme point de repère ce qui se passe dans d'autres pays.

Quant à la troisième partie de votre question -- le problème des primes prélevées sur la valeur de rachat et la nécessité d'instaurer des règles et des mesures de protection en ce qui concerne la documentation remise aux clients éventuels -- je suis sûr que vous savez que, tout récemment encore, et d'ailleurs même à l'heure actuelle, certains événements ont eu une profonde influence sur l'industrie de l'assurance-vie en Amérique du Nord. Nous estimons qu'il existe aujourd'hui les mesures de protection nécessaires pour que ce qui a pu se passer ne se reproduise plus dans l'avenir prévisible. De notre point de vue, le consommateur dispose de tous les renseignements, avertissements et explications dont il peut avoir besoin avant de prendre une décision.

Le sénateur Meighen: Peut-être avez-vous déjà répondu à cette question, mais je la pose pour clarifier les choses: qu'arriverait-il si certains représentants des banques comparaissaient devant le comité et déclaraient: «Nous comprenons que la question des ventes liées coercitives vous préoccupe. Nous avons formulé un règlement qui s'applique à toute l'industrie et nous avons dit à tous nos membres de cesser cette pratique. Nous pensons avoir résolu le problème.» Ensuite, ils reprendraient les observations que vous venez de faire à propos de l'industrie de l'assurance-vie.

Que préféreriez-vous? En d'autres mots, est-il absolument nécessaire de légiférer pour régler l'un ou l'autre de ces problèmes ou est-ce que l'autoréglementation suffit?

M. Stewart: Il me semble difficile de prévoir les difficultés qui pourraient se faire jour en la matière. Toutefois, quand on se place dans une perspective internationale, il est difficile d'admettre que l'on puisse penser que ces questions se posent uniquement au Canada, parce que, d'après notre expérience, ce n'est pas le cas.

Je ne veux pas vous dire quelle réponse précise vous pourriez donner aux banques. Je me contenterai de souligner que notre position s'appuie sur le fait que pour nous, le Canada est seulement un des pays où nous opérons, que nous savons d'expérience quelles forces s'exercent ailleurs et que notre préoccupation principale est l'intérêt du consommateur.

Le sénateur Meighen: J'aimerais passer à la question de la structure des entreprises. Je pense que vous vous êtes déclaré satisfait d'avoir la possibilité d'adopter la structure d'une société de portefeuille. J'ai déjà posé la question à d'autres témoins. À votre avis, quelle est la différence, au plan de la structure, entre une société de portefeuille et une société mère avec filiales? Cela porte-t-il uniquement sur le degré de réglementation qui s'applique à une société de portefeuille ou y a-t-il quelque chose d'autre qui nous échappe?

M. Stewart: La structure que nous envisageons a peut-être l'intérêt de séparer clairement la société mère et les filiales dans les cas où, au sein de la société mère, d'une part, et des filiales, d'autre part, il existe des groupes commerciaux. En revanche, la société de portefeuille, telle qu'elle est envisagée, serait clairement une entité détentrice de la propriété qui ne serait pas impliquée dans les différents secteurs d'activité.

Selon nous, c'est avant tout une question de clarté. Nous estimons que l'on peut agencer de bien des façons la structure d'entreprise nécessaire pour exercer une concurrence efficace sur le marché, mais que cette structure particulière, parce qu'elle est claire, donne un avantage sur le marché. Nos spécialistes des services de banque d'investissement nous disent que cela ajouterait de la valeur à une future démutualisation. C'est là-dessus que nous nous fondons, mais ce n'est pas la seule chose qui doit être prise en compte.

Le sénateur Meighen: Il y a donc la possibilité de cette valeur ajoutée et en plus, un avantage au point de vue de la commercialisation.

M. Stewart: C'est un avantage en matière de commercialisation. En outre, dans certains cas, avec une telle structure, il est plus facile de réunir des capitaux.

Le sénateur Meighen: Avez-vous des observations particulières à faire sur les règles concernant le régime de propriété, par exemple, la règle des 10 p. 100, proposée par M. MacKay?

M. Stewart: La seule chose que j'ai à dire, c'est que nous sommes d'accord avec les propositions qui ont été formulées.

Le sénateur Meighen: Contrairement à notre précédent témoin, même s'il appartient à la même industrie que vous, vous semblez accorder plus de poids et d'importance à l'accès au système de paiements. Je ne sais pas si vous avez entendu son témoignage ni si vous souhaitez ou non faire des observations à ce propos, mais d'après votre exposé, je conclus que c'est un sujet qui a de l'importance pour vous. Pourriez-vous élucider vos raisons et, ce qui de mon point de vue est encore plus important, pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la nouvelle structure de paiements? Est-ce que tous les intervenants s'assureraient mutuellement? Est-ce que l'industrie de l'assurance constituerait une entité et bénéficierait de la même couverture que les banques, par exemple, et est-ce que les banques ne seraient pas tenues de garantir la santé financière de leur compagnie d'assurances soeur, membre du système de paiements?

M. Stewart: J'ai eu le plaisir d'entendre le témoin précédent. Je sais que la position que nous défendons est quelque peu différente. Je pense que la différence n'est peut-être pas aussi grande qu'il y paraît. Permettez-moi de vous expliquer.

Premièrement, nous considérons que le rapport est essentiellement tourné vers l'avenir. La technologie, notamment, entraîne des changements énormes dans le secteur des services financiers. De notre point de vue, le rapport tente de tenir compte de cela et des conséquences pour l'avenir. L'avenir est une dimension qui influence de façon importante mes observations à propos du système de paiements.

Je tiens à ce que le comité sache qu'à l'heure actuelle, nous possédons des établissements de dépôts. L'un d'eux a accès au système de paiements. Il est compliqué et peu commode d'avoir à passer par une entité légale séparée, comme une filiale, pour jouir de cet accès. L'accès direct est un élément important de ce que nous recherchons, et nous voulons nous assurer de l'avoir à l'avenir, mais je partage totalement l'opinion du témoin précédent lorsqu'il déclare que l'accès, en soi, n'apporte pas grand-chose. De fait, par l'intermédiaire de notre établissement de dépôts, nous avons déjà en place aujourd'hui une grande partie de l'infrastructure technologique nécessaire pour utiliser cet accès.

Toutefois, quand on inscrit cela dans une perspective d'avenir et qu'on prend en compte -- le témoignage des banques en fait foi -- l'énorme augmentation du volume des transactions effectuées avec des cartes de dépôt, quand on prend en compte l'importance grandissante que l'électronique va avoir dans le monde à l'avenir, alors, on commence à voir pourquoi l'accès au système de paiements deviendra une nécessité pour faire des affaires. Même si, comme le témoin précédent l'a dit de façon extrêmement éloquente, ce n'est d'aucune façon une condition suffisante.

En ce qui a trait aux participants, étant donné que nous connaissons déjà le système de paiements et que nous possédons des établissements de dépôts, nous reconnaissons la nécessité de garantir absolument la fiabilité des mécanismes de compensation. De mon point de vue, il faudrait procéder à l'ouverture du système de paiements assez rapidement, mais aussi assez prudemment, pour que les établissements qui sont en mesure d'y avoir accès puissent aussi disposer de la technologie en continu et absolument fiable qui leur permettra de remplir leurs obligations, ainsi que des ressources financières nécessaires pour ne pas compromettre ce système de quelque façon que ce soit.

Le sénateur Meighen: Si je vous comprends bien, il n'y aurait aucune distinction entre les participants. Si vous faites partie du club, vous êtes membre à part entière et vous avez les mêmes responsabilités.

M. Stewart: À l'heure actuelle, vous le savez, les établissements de dépôts font partie d'un système à deux niveaux. Nous serions prêts à accepter que cet arrangement, dans le cadre duquel les participants de premier niveau ont les ressources requises pour occuper cette place, continue.

Le sénateur Meighen: Parlez-vous des banques de compensation?

M. Stewart: Je parle du volume de transactions nécessaire pour être un participant de premier niveau. Je n'ai pas d'opinion vraiment tranchée sur la question de savoir si les assureurs-vie devraient appartenir à une catégorie distincte ou si elle doit regrouper les participants les plus importants qui possèdent les ressources nécessaires.

Le sénateur Meighen: Pourriez-vous nous donner le nom des établissements de dépôts qui sont vos filiales?

M. Stewart: Les établissements de dépôts que nous détenons à l'heure actuelle à titre de filiales s'appellent la Compagnie de fiducie Sun Life et la Société d'épargne et d'hypothèques Sun Life.

Le sénateur Kroft: J'aimerais avoir une idée des opportunités qui s'ouvrent à l'avenir au Canada pour votre secteur d'activité. Je vais commencer par vous demander des précisions sur certains des chiffres que vous nous avez fournis et sur un chiffre que vous ne nous avez pas donné, à moins que cela m'ait échappé.

Vous nous avez fait remarquer que vous étiez parmi les 50 premiers assureurs du monde, étant donné que vous vous placiez au 46e rang sur cette liste et que, si l'on se base sur le revenu provenant des primes, vous déteniez 8,4 p. 100 du marché au Canada. Il y a un chiffre que j'aimerais avoir: le pourcentage que représente la totalité de votre activité au Canada. Je ne sais pas si ce chiffre est disponible. Pouvez-vous m'en donner une idée? J'aimerais également savoir quelle est l'importance du marché canadien par rapport à la totalité de vos opérations.

M. Stewart: Nos opérations peuvent être mesurées de nombreuses façons, et le Canada occupera un rang différent selon que l'on utilise une mesure ou une autre. Celle que nous appliquons pour mesurer la totalité de nos opérations, parce qu'elle englobe toutes nos activités, ce sont les actifs que nous gérons. Dans ce contexte, le Canada représente 20 p. 100 de nos opérations.

Le sénateur Kroft: On nous encourage à nous tourner vers l'avenir et à tenter d'envisager les structures financières dans le contexte du prochain millénaire. Quelle est, selon vous, la place qu'occupe le Canada au plan des opportunités commerciales qu'il offre, par comparaison avec d'autres pays où vous faites affaire? Au train où vont les choses, envisagez-vous que le Canada devienne un pays qui, dans votre plan d'entreprise, aura de plus en plus de poids ou est-ce que cela dépend de certaines des décisions que nous sommes en train de prendre maintenant? J'essaie de déterminer l'importance que nous occupons dans les prévisions de la Sun Life.

M. Stewart: Il est clair que le fait d'être domicilié au Canada a une énorme influence et rend le Canada très important à nos yeux. Toutefois, votre question, si je comprends bien, touche davantage les marchés. Dans ce contexte, le Canada est un marché en pleine maturité, si l'on en juge par la plupart des critères qui s'appliquent en la matière. Toutefois, c'est également un marché politiquement et économiquement stable, ce qui donne peut-être plus à réfléchir aujourd'hui qu'il y a un ou deux ans, à l'époque où un certain nombre d'assureurs des États-Unis et du Royaume-Uni se sont précipités en Asie.

Pour ce qui est de nos prévisions, nous épousons la vision du monde de Michael Porter et nous sommes convaincus qu'une base nationale solide est un facteur important pour assurer sa compétitivité ailleurs. À cet égard, le Canada est et restera important pour nous.

D'autre part, la concurrence que nous affrontons presque partout où nous faisons affaire est très vive, et nous n'avons jamais constaté, ni pensé qu'il existe quelque part un paradis financier qui n'a pas encore été découvert et où une entreprise peut se montrer beaucoup moins concurrentielle.

Le sénateur Kroft: Venons en au caractère prioritaire et urgent des mesures que nous examinons: parmi les décisions que nous devons prendre, il va falloir que nous déterminions s'il est essentiel de prendre toutes ces dispositions dans les prochains six mois ou s'il n'en est aucune qui ne peut attendre encore dix ans.

Y a-t-il, parmi les recommandations, des éléments que vous jugez, sinon essentiels, du moins absolument prioritaires parce que cela influe sur les décisions que vous avez à prendre à propos des ressources que votre compagnie est prête à engager ou cherche à engager? Y a-t-il des décisions essentielles qui doivent être prises parce que cela affectera la planification des activités de votre compagnie et le dynamisme du rôle qu'elle joue au sein de la communauté financière du Canada?

M. Stewart: Le rapport donne des dates pour la mise en oeuvre de certaines recommandations et, en règle générale, nous acceptons le rapport en totalité. Permettez-moi toutefois de faire une distinction: on trouve dans le rapport des dates qui ne correspondent pas à celles que j'ai données dans ma déclaration liminaire. Il est vrai, et je le répète, que dans plusieurs cas, il serait souhaitable d'agir rapidement et de ne pas attendre pour apporter des changements aux structures en place. Par ailleurs, l'observation que j'ai faite touche des mesures nécessaires pour débloquer la situation et non des choses qui arriveront automatiquement. Je considère donc effectivement comme urgentes les mesures dont j'ai parlé dans ma déclaration liminaire et qui concernaient principalement, vous vous en souvenez sans doute, le système de paiements et l'intégration des mécanismes de garantie s'appliquant aux établissements de dépôts, et cetera.

Le sénateur Kroft: Il n'y a rien là qui, à votre avis, si nous n'agissons pas dans les meilleurs délais, sera source de pressions et de difficultés pour votre industrie dans l'immédiat?

M. Stewart: Dans une perspective internationale, je dirais que, sous l'effet de nombreuses forces, la moindre n'étant pas la technologie, les choses évoluent plutôt rapidement. Par conséquent, de façon générale, je considère qu'il est urgent de régler la plupart des questions soulevées dans le rapport et d'ailleurs, tout ce qui pourrait affecter directement les affaires. Au plan philosophique, je ne dirais pas que les choses ne changent pas très rapidement. C'est sûr. Il faut aller de l'avant promptement, quoi que prudemment. En conséquence, je crois qu'il est urgent, dans une certaine mesure, d'aller de l'avant et d'agir à la suite de ces recommandations.

Le sénateur Kroft: Tout ce qui nous reste à faire est de définir quelle est la bonne façon «d'aller de l'avant».

M. Stewart: L'avenir est plein de défis à relever pour tout le monde, mais nous avons précisé dans quels domaines il est urgent d'aller de l'avant. C'est cela que nous jugeons prioritaire.

Le sénateur Angus: Je vous félicite de la clarté et de la précision non seulement de votre déclaration liminaire, mais également des réponses que vous avez données aux questions des sénateurs. J'aimerais aborder les choses d'un point de vue plus général.

Vous étiez dans la salle, je crois, lorsque M. McFeeters a discuté avec nous ce matin. Je ne pense pas que, sur le plan pratique, vous désavouez les réponses qu'il nous a données.

M. Stewart: Sur plusieurs questions, nos opinions concordent parfaitement. Peut-être y a-t-il des divergences de vues à propos de l'évolution du secteur des services financiers, surtout pour ce qui est de déterminer qui devrait être propriétaire de qui à l'avenir.

Le sénateur Angus: En d'autres mots, tous autant que nous sommes, nous aimerions être propriétaires d'une banque. Vous ne le souhaitez pas?

M. Stewart: On a parlé d'une grande compagnie d'assurance-vie et j'ai eu l'impression qu'il aurait pu s'agir de Sun Life, si je n'avais pas été dans la salle.

Le sénateur Angus: J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur deux ou trois mots que vous avez utilisés. Vous avez parlé de la différence entre les opérations menées à l'échelle internationale et les activités d'échelle mondiale. Pour certains d'entre nous, ces deux mots ont le même sens, mais il est clair que pour vous, il y a une grande différence. Pourriez-vous élucider cela, s'il vous plaît?

M. Stewart: Avec plaisir. De notre point de vue, les opérations menées à l'échelle internationale sont étroitement liées aux pays concernés. Il n'y a pas de meilleur exemple que l'assurance-vie individuelle car, même si les opérations effectuées en Indonésie ou au Philippines ont des caractéristiques reconnaissables et communes avec celles qui sont effectuées aux États-Unis, il n'y a presque aucune synergie ni élément commun au plan de la gestion et, essentiellement, ce sont des opérations distinctes et totalement différentes.

En revanche, les opérations menées à l'échelle mondiale et, dans une certaine mesure, le secteur de la gestion financière, qui est en pleine évolution à travers le monde, présentent des caractéristiques communes à l'échelle mondiale. C'est en fait par l'intermédiaire de notre compagnie de gestion financière située aux États-Unis que nous opérons dans d'autres pays et, essentiellement, les transactions qui sont effectuées dans plusieurs ou même dans de nombreux pays sont les mêmes, sans que l'on puisse faire entre elles de distinction importante. Par conséquent, vous pouvez mener ce genre d'opérations de front, à partir d'un seul et même siège administratif.

Le sénateur Angus: Là encore, ce sont des mots que l'on utilise un peu à tort et à travers, et la clarté de vos explications est utile pour les préciser.

On parle souvent aujourd'hui de la mondialisation des marchés financiers et de leur complexité. Est-ce que le financement des entreprises est un secteur d'activité de caractère plus mondial que, puisque vous parlez, l'assurance-vie?

M. Stewart: Oui, c'est vrai, de notre point de vue, c'est un secteur d'activité à l'échelle mondiale.

Le sénateur Angus: Cela rentre dans le cadre de votre distinction?

M. Stewart: Oui.

Le sénateur Angus: Donc, les gens qui traitent des affaires de type bancaire et qui opèrent dans le secteur connexe du financement des entreprises offrent des produits qui ont un caractère plus mondial, alors que l'assurance-vie et les activités qui diffèrent d'un pays à l'autre ont un caractère international?

M. Stewart: Oui. La possibilité d'utiliser des opérations menées dans un pays pour influencer celles qui sont effectuées dans un autre, à partir d'un siège administratif situé à Toronto, est ce qui fait toute la différence. Pour les transactions effectuées à l'échelle mondiale, il est beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace d'agir ainsi. Si les opérations sont menées à l'échelle internationale, vous exploitez essentiellement une série d'entreprises séparées, même si elles ont en commun un certain capital intellectuel.

Le sénateur Angus: Je comprends maintenant. C'est très utile.

À propos de la Sun Life, le nom de la compagnie mutuelle, la principale entité, est bien la Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie?

M. Stewart: C'est exact.

Le sénateur Angus: Et alors que sur la totalité de vos opérations, 20 p. 100 sont effectuées au Canada -- c'est ce que vous avez dit, je pense -- cette société mutuelle d'assurance-vie est aussi l'entité que l'on retrouve dans d'autres pays?

M. Stewart: Nous comptons environ 70 filiales, dont à peu près douze ont des activités d'entreprise importantes.

La société mère, la Sun Life Compagnie d'Assurance du Canada, fait affaire dans la plupart des pays par l'intermédiaire de succursales. C'est-à-dire qu'elle traite dans ces pays sous son propre nom et dans le cadre de son statut de société de commerce. La plupart de nos filiales s'ajoutent à la société mère, notamment aux États-Unis, où nous exploitons deux grandes filiales, et au Royaume-Uni où nous comptons plusieurs filiales assez importantes.

Le sénateur Angus: Par conséquent, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, les gens ne détiennent pas une police de la Sun Life, Compagnie d'Assurance du Canada; est-ce exact?

M. Stewart: En ce qui concerne l'assurance-vie individuelle, la grande majorité des gens détiennent une police de la Sun Life, Compagnie d'Assurance du Canada. Les filiales dont je parle se consacrent généralement à d'autres activités que l'assurance-vie individuelle.

Le sénateur Angus: Voilà où je voulais en venir. En cas de démutualisation, les titulaires de police d'assurance-vie individuelle qui résident dans tous ces autres pays où vous vendez votre produit deviendront, en fait, des actionnaires.

M. Stewart: Oui, et la majorité de ces titulaires de police individuelle se trouvent ailleurs qu'au Canada.

Le sénateur Angus: Vous avez mentionné, presque en passant, non seulement dans votre déclaration liminaire, mais en réponse à une question du sénateur Meighen, la règle des 10 p. 100 et le fait que vous l'appuyiez. Pouvez-vous nous donner plus de détails? Pourquoi dites-vous et répétez-vous cela?

M. Stewart: Pardonnez-moi si j'ai pu paraître évasif, ce n'était pas mon intention. Nous reprenons à notre compte l'explication plus détaillée donnée dans le rapport ou du moins, nous n'avons pas de réserve à cet égard.

Le sénateur Angus: Dois-je comprendre que l'une des réponses à ma question se trouve dans le rapport MacKay?

M. Stewart: Oui.

Pour une entreprise présente dans plusieurs marchés et qui a été créée il y a 127 ans, la démutualisation pourrait être considérée comme un séisme et un événement qu'il faudra de temps pour mener à bien et pour absorber. Nous entrevoyons la possibilité d'accomplir cela de façon réussie comme une importante opportunité à court terme, dans le cadre de laquelle une certaine forme de protection du régime de propriété nous permettra d'éviter que nos clients ne puissent retirer la pleine valeur de leur police d'assurance.

À plus long terme, nous estimons que les objectifs de ce processus conviennent mieux à l'institution canadienne et par conséquent, nous appuyons la règle des 10 p. 100, qui s'inscrit dans le plus long terme, pour les institutions dont les capitaux propres s'élèvent à plus de 5 milliards de dollars.

Le sénateur Angus: Que ce soit à court ou à long terme, vous êtes en faveur du maintien de cette restriction.

M. Stewart: Oui, pour les raisons que nous vous avons données.

Le sénateur Angus: J'ai évoqué plus tôt avec M. McFeeters la question de la «taille» et du seuil à partir duquel un organe de réglementation devrait pouvoir intervenir. Si, pour de bonnes raisons d'ordre commercial, vous et vos collègues de la Sun Life décidez que vous voulez acheter la Financière Manuvie, pensez-vous que vous devriez y être autorisé et qu'aucun organe ne devrait avoir le droit de s'y opposer? En d'autres mots, est-ce le marché qui devrait imposer sa loi? Si, selon vous, c'est une bonne opération commerciale, devriez-vous être autorisé à aller de l'avant?

M. Stewart: Dans le contexte de votre question, qui touche principalement le secteur de l'assurance-vie...

Le sénateur Angus: Oui, et je m'en tiens à cela pour l'instant.

M. Stewart: Notre vision tient compte du fait que l'industrie de l'assurance-vie dans ce pays est un secteur relativement modeste par rapport au secteur bancaire. En outre, nous appuyons sans réserve l'idée d'un examen par le Bureau de la concurrence.

Cela dit, en principe, nous pensons que l'on ne devrait pas empêcher le fusionnement des compagnies d'assurances existantes. Cela devrait pouvoir se faire librement.

Le sénateur Angus: Je pense que vous avez entendu ce que j'ai dit plus tôt, lorsque j'ai fait observer que certaines grandes compagnies du Royaume-Uni, par exemple, avaient quitté le milieu canadien. La Prudentielle est un bon exemple, ainsi que la Métropolitaine, et cetera. Je ne sais pas si cela devrait nous préoccuper ou non. Même si vous êtes 120 à vous faire concurrence dans ce secteur, il semble qu'il y ait seulement deux ou trois grandes compagnies. Mais si, par la taille, vous avez moins d'importance que les banques, vous êtes peu nombreux au sein de l'oligopole.

M. Stewart: Nous pensons qu'il y en a un peu plus que deux ou trois. À notre avis, si vous me permettez de pousser la chose un peu plus loin, il y a à l'heure actuelle environ 10 acteurs assez importants sur le marché de l'assurance-vie canadienne.

Le sénateur Angus: Vous avez dit que vous occupez le cinquième rang si l'on en juge par votre part du marché au Canada, même si, en tenant compte de votre position à l'échelle mondiale, vous êtes la compagnie la plus importante, je pense. À partir de quel moment, du point de vue de la politique gouvernementale, devons-nous nous préoccuper de la possibilité que certaines sociétés deviennent «trop grandes pour faire faillite»?

M. Stewart: Dans toutes ces discussions sur les fusions, il faut examiner de très près ce qui arrive au sein des entités qui fusionnent.

Je veux dire par là qu'il est facile de considérer des compagnies telles que la Sun Life, Compagnie d'Assurance du Canada comme une grande entité, homogène et uniforme, qui s'occupe d'un secteur d'activité, celui de l'assurance-vie individuelle. En réalité, nous avons de nombreux secteurs d'activité qui diffèrent l'un de l'autre énormément, que ce soit au plan du pays où les opérations sont menées ou au plan de la ligne de produits. Par conséquent, quand vous considérez des compagnies comme la nôtre, ce n'est pas une grande entité uniforme que vous fusionnez avec une autre entité tout aussi grande et tout aussi uniforme. Dans notre cas, ce que vous fusionnez, c'est peut-être deux douzaines d'entreprises très différentes, et dans le cas de l'autre compagnie concernée, une ou deux douzaines d'entreprises très différentes. Pour évaluer le résultat, il faut examiner les caractéristiques propres de ces différentes entreprises avant d'émettre un jugement sur la taille de la compagnie créée par la fusion et qui pourrait être trop grande pour faire faillite.

Dans notre cas, quelque 60 p. 100 des avoirs que nous gérons se trouvent aux États-Unis et, sauf à envisager une sorte de cataclysme international qui secourait toute l'Amérique du Nord, l'expression «trop grande pour faire faillite» doit être comprise dans un contexte relativement limité à cet égard.

Nous pensons que lorsqu'il est question de la fusion de deux grandes sociétés, il faut prendre en compte leurs diverses composantes commerciales pour parvenir à une évaluation réaliste de l'événement. La chose nous semble tout particulièrement vraie dans le contexte d'activités internationales comme les nôtres, du fait que différents pays sont concernés.

Le sénateur Angus: Pour pousser l'hypothèse plus loin. Nous avons eu le privilège de rencontrer d'importants acteurs locaux à Washington et à New York. On nous a laissé entendre que Citicorp et Travellers allaient franchir la ligne de démarcation qui sépare le secteur de l'assurance-vie et celui de la banque, pour constituer un ensemble qui serait appelé City Group ou quelque chose comme cela. Présumons que ces gens là décident de s'étendre au Nord et qu'ils viennent voir M. Stewart après avoir fusionné aux États-Unis. Cela est-il envisageable selon vous? S'agit-il d'une chose que le marché libre devrait tolérer, ou est-ce là que, dans votre esprit, la règle des 10 p. 100 devrait s'appliquer?

M. Stewart: Nous souhaiterions que la règle des 10 p. 100 s'applique dans ce genre de situation. Quant à savoir qui pourrait être un partenaire international efficace, je ne peux pas me permettre de me montrer très précis, mais il y a évidemment des entreprises qui compléteraient nos multiples activités et d'autres qui ne conviendraient pas.

Le sénateur Angus: Permettez-moi de conclure sur la question des banques. Vous avez déclaré que, dans le contexte de la politique gouvernementale et de la décision du Bureau de la concurrence, vous convenez avec M. MacKay que chacun doit être jugé selon son mérite. Pouvez-vous imaginer à l'heure où nous nous parlons une raison qui justifierait, du point de vue de l'ordre public, que l'on vous autorise à fusionner avec une autre compagnie d'assurance-vie, si cela paraissait légitime du point de vue commercial, et devrait-on permettre à la CIBC et à la Banque TD de s'associer?

M. Stewart: Nous avons insisté sur deux principes fondamentaux: le premier est que chaque cas doit être examiné en fonction des circonstances particulières; le second est que deux grandes entreprises qui s'associent ne sont pas des entités uniformes. Je pense que cela est presque aussi vrai en ce qui concerne les banques, parce qu'elles sont en fait des sociétés à activités multiples, bien qu'elles ne soient pas aussi impliquées sur le plan international que les compagnies d'assurances et qu'elles sont donc, sans doute, des entreprises à composantes commerciales de plus grande envergure. Toutefois, si l'on en juge par l'impact que peuvent avoir des entreprises à composantes multiples, on se rend compte alors, à condition qu'on les accepte, que les mêmes principes doivent s'appliquer à nous et aux banques.

Le sénateur Angus: M. McFeeters a déclaré que les banques forment de puissants oligopoles et que ce n'est pas, en soi, une mauvaise chose. Les cinq grandes banques ont-elles atteint le point où elles sont devenues trop grandes pour faire faillite?

M. Stewart: J'aimerais revenir à mon observation au sujet des composantes commerciales -- et je connais manifestement bien moins les détails qui touchent les activités des composantes des grandes banques. Toutefois, il me semble que mes précédentes observations s'appliquent, en l'occurrence, et que certaines de leurs composantes commerciales auraient des conséquences plus profondes sur le système financier, au cas où il s'agit de secteurs d'activité qui risquent de rencontrer plus de difficultés que d'autres. Il ne nous est pas possible de dire à partir de quel ordre de grandeur le problème se pose. Je ne suis pas en mesure de m'étendre sur la question.

Le sénateur Stewart: J'ai une question très différente. Vous avez décrit la Sun Life du Canada comme un acteur de calibre international plutôt que mondial dans le secteur des services financiers. Vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui me laisse penser que vous avez des activités ou que vous avez eu des activités en Indonésie et aux Philippines. Vous n'avez pas mentionné le Japon, mais j'aimerais que vous en parliez.

Nous lisons et nous entendons dire que dans certains de ces pays, le secteur des services financiers connaît de graves difficultés qui génèrent une crise économique générale laquelle, à son tour, provoque une certaine instabilité sociale et politique.

Jusqu'ici, quel est l'impact qu'a pu avoir, le cas échéant, sur la Sun Life, l'instabilité financière de ces pays et ses conséquences? Vous attendez-vous à ce que cela ait un impact?

M. Stewart: Pour ce qui est de la première partie de votre question, concernant les pays où nous avons des activités, nous venons d'ouvrir au début du mois un petit bureau de huit employés à Tokyo, par l'intermédiaire de notre filiale américaine, MFS Investment Management. Ce bureau n'est toutefois pas exposé aux risques de la conjoncture financière japonaise.

Nous sommes le numéro deux aux Philippines. Nous avons des activités réduites en Indonésie et à Hong Kong. Nous possédons aussi deux bureaux de représentation en Chine, un à Pékin et l'autre à Chunxi. Telle est l'envergure actuelle de nos activités en Asie.

En ce qui concerne la tourmente économique et, dans certains cas, sociale à laquelle on assiste dans la région et son impact sur la Sun Life, les choses diffèrent d'un pays à l'autre.

Dans le cas des Philippines, nous faisions déjà affaire dans cette région trois ans avant la naissance du pays. Cette année marque le centenaire des Philippines. Je rentre tout juste d'un voyage à Manille où nous étions déjà présents non pas en 1898, mais en 1895.

Nos activités là-bas se sont plutôt toujours bien adaptées aux diverses situations à long terme. Toutefois, la dévaluation de la monnaie a fait baisser sa valeur par rapport au dollar canadien, ce qui a eu une certaine incidence. Dans le cas de l'Indonésie, nous y avons essuyé un grave revers car, en effet, la dévaluation de la rupiah a été si drastique que la valeur de nos activités, en dollars canadiens, s'en est trouvée sérieusement dépréciée. Ce n'était pas, de toute façon un très gros investissement, et les activités intrinsèques sont étonnamment solides. Nous avons toujours plusieurs centaines d'agents et plus de 100 employés à Jakarta.

Dans le cas de Hong Kong, nos activités sont plutôt florissantes, même si les gens se plaignaient d'un taux de chômage d'environ 5 p. 100 quand j'y étais, il y a une dizaine de jours.

L'impact de tout cela sur la Sun Life est jusqu'à présent relativement minime, et c'est tout ce que j'ai à dire de négatif. Nous entrevoyons des perspectives pour l'avenir, tout dépendant de la façon dont les choses vont évoluer.

Le sénateur Stewart: Pourriez-vous poursuivre et nous parler un peu des activités de votre compagnie en Amérique du Sud?

M. Stewart: Nous avons un bureau à Buenos Aires. Nous détenons une part de 32 p. 100 dans une compagnie de gestion de caisses de retraite à Santiago, au Chili. Cette participation de 32 p. 100 constitue une coentreprise avec un partenaire local, la compagnie de gestion de caisses de retraite qui se situe à peu près au troisième rang en importance au Chili. Les bouleversements économiques en Amérique latine déprécient peut-être la valeur de cet investissement à court terme. Toutefois, nous estimons que l'arrangement sera profitable à plus long terme, étant donné l'importance que l'on continue d'accorder au système de caisses de retraite au Chili et la teneur de certaines réformes récentes.

Dans le cas de l'Argentine, nos principales activités dans ce pays sont axées sur la vente de fonds de placement étrangers et de fonds américains. En conséquence, la situation économique locale a seulement un impact indirect, en faisant baisser ou en comprimant la demande.

Le sénateur Callbeck: Je vous renvoie à une observation que l'on trouve à la page 3 de votre exposé sous le titre «Mécanismes d'indemnisation des consommateurs». Vous déclarez:

Nous avons une légère préférence pour la fusion de la SADC et de la SIAP au sein d'un organisme indépendant plutôt que pour l'intégration de la SIAP à la SADC pour former une même société d'État.

Pourriez-vous expliquer les raisons de cette préférence?

M. Stewart: Nous considérons que cette préférence exprime une confiance plus grande dans les marchés que dans une intervention parrainée nécessairement par le gouvernement. Je souligne le mot «légère». Cette préférence s'exprime par un pourcentage de 51 p. 100 dans un cas et de 49 p. 100 dans l'autre. Ce n'était pas vraiment marqué. Il s'agissait d'indiquer de quel côté nous penchions.

Le sénateur Callbeck: Vous étiez probablement dans la salle lorsque j'ai posé une question au témoin précédent sur l'industrie de l'assurance et les Canadiens à faible revenu. Pensez-vous que ce groupe de Canadiens est desservi de façon adéquate par l'industrie de l'assurance telle qu'elle existe aujourd'hui, ou serait-il mieux desservi si les banques étaient en mesure de vendre de l'assurance?

M. Stewart: D'après l'expérience que nous avons pu acquérir dans d'autres pays, c'est bien là le large marché que le secteur bancaire a l'intention de desservir en vendant de l'assurance.

Par exemple, aux États-Unis, nos activités touchent uniquement la couche supérieure du marché. C'est l'un des véritables motifs du manque d'opposition aux recommandations que l'on trouve dans le rapport du groupe de travail et même du niveau d'appui qu'elles ont suscité.

Le président: Monsieur Stewart, puis-je me pencher un instant sur la question de la vente d'assurance au détail. Même si votre déclaration était très claire, j'aimerais avoir un peu plus de détails, tout simplement à cause de la nature passionnée de certaines des déclarations formulées par des représentants de divers secteurs de l'industrie de l'assurance, qu'il s'agisse d'assurance-vie ou d'assurance P et C, en ce qui a trait à l'impossibilité d'imposer une réglementation efficace pour lutter contre les ventes liées coercitives. Les déclarations à ce propos ont été assez passionnées et contrastent singulièrement avec la vôtre.

Dans une réponse que vous avez donnée plus tôt, vous avez parlé de votre expérience dans d'autres pays où les banques sont autorisées à vendre de l'assurance au détail. Vous avez fait remarquer que, de votre point de vue, cela n'avait pas abouti à créer un niveau inquiétant de concurrence déloyale. Vous avez dit qu'il y avait de la concurrence, mais que vous pouviez vous y mesurer raisonnablement bien.

Pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi certains acteurs de l'industrie de l'assurance réagissent de façon aussi émotive, alors que selon votre expérience, la vente d'assurance au détail par les banques introduit un autre concurrent sur le marché, mais ne se révèle pas un obstacle impossible à surmonter?

M. Stewart: Je ne sais pas si je peux vous être aussi utile que vous le souhaiteriez pour élucider cette question. J'ai principalement acquis mon expérience au sein d'une société qui mène une importante partie de ses activités à l'étranger. J'ai tendance à me concentrer sur les secteurs d'activité d'importance relative qui concernent notre compagnie, tout en tenant compte des grandes questions touchant la régie qui affectent toute compagnie canadienne.

Il y a certains aspects de la vente au détail d'assurance au Canada que je ne connais pas bien. Je vous rappelle qu'à l'échelle mondiale, l'assurance-vie individuelle constitue moins de 10 p. 100 de nos activités. Par conséquent, je ne suis pas bien placé pour vous expliquer de façon nuancée pourquoi certains adoptent des positions aussi tranchées. Tout ce que je peux vous dire, c'est que là où nous opérons, les banques ne sont pas des éléments moteurs majeurs.

Le président: Est-ce que vos agents ou les personnes chargées de vos ventes dans d'autres pays formulent le genre de plaintes qui peuvent être reçues ici ou brossent le même tableau?

M. Stewart: Non, ce n'est pas le cas.

Le président: J'ai été vraiment sidéré lorsque vous avez dit que l'assurance-vie individuelle ne constituait que 10 p. 100 de vos activités à l'échelle mondiale. Peut-être est-ce parce que j'ai grandi à Montréal, où je pouvais voir le bâtiment que vous occupez tous les jours. J'ai toujours pensé que c'était la pierre angulaire de vos activités. De quoi sont constitués les autres 90 p. 100?

M. Stewart: Ce n'est absolument pas la pierre angulaire de nos activités.

Le président: Était-ce le cas à un moment donné?

M. Stewart: Oui. Je ne voudrais pas paraître cavalier, mais au début, évidemment, cela constituait 100 p. 100 de nos activités. Lorsque nous avons achevé le processus de mutualisation en 1962, l'assurance-vie constituait à peu près la moitié de nos activités.

Le témoin précédent a laissé entendre que la majeure partie des activités de son entreprise était axée sur la retraite et des investissements. Si le mot protection couvre l'assurance-vie individuelle, toute forme d'assurance-santé et invalidité et l'assurance-vie collective, selon certaines mesures, environ 13 p. 100 de nos activités concernent la protection. Le reste, 87 p. 100, concerne la gestion d'investissements, l'épargne-retraite, les fonds mutuels de placement et diverses formes de capitalisation garantie.

Le président: Votre secteur d'activité est donc en fait celui des retraites, des conseils et de la vente de produits?

M. Stewart: Oui, sur une grande échelle, même si la protection reste une activité importante, puisqu'elle permet de donner à notre clientèle une sécurité financière pour la vie.

Le président: Pour ce qui est des propositions du groupe de travail MacKay touchant la comptabilité et la façon de traiter le fonds commercial, le comité s'est déclaré favorable à ces recommandations et le témoin précédent les a aussi défendues avec passion. Je présume que tout le monde, au sein de votre industrie, est d'avis qu'il est temps d'apporter des modifications. Est-ce exact? Je sais que vous n'avez fait aucune observation à ce sujet, mais pensez-vous que cela devrait aller de l'avant?

M. Stewart: Nous sommes en faveur des opinions exprimées dans le rapport. Je ne parle pas au nom de l'industrie, mais c'est notre point de vue.

Le président: Enfin, sur la question des «regroupements et fusions d'entreprises» et de son lien avec la règle des 10 p. 100, vous avez déclaré qu'en ce qui concerne votre compagnie, vous étiez favorable à ce qu'on lui applique le régime des sociétés à grand nombre d'actionnaires, une fois le processus de démutualisation terminé. Je présume que vous ne considérez pas cela comme une disposition de transition, mais -- dans la mesure où dans la vie publique il existe quoi que ce soit de permanent -- comme une prescription permanente.

Dans vos remarques liminaires, vous avez déclaré que vous devez pouvoir faire des acquisitions pour vous développer. Il est vrai que M. MacKay recommande que toute compagnie à capital largement ouvert devrait être en mesure d'acquérir, en partie ou en totalité -- en fait, le pourcentage qu'elle souhaite -- toute autre compagnie appartenant au secteur des services financiers. Par conséquent, dans un certain sens, votre croissance ne serait pas restreinte par les règles de M. MacKay. Vous ne seriez la cible d'OPA que de la part de compagnies à capital largement ouvert plus importantes que vous. Il ne serait pas possible qu'un actionnaire dominant puisse chercher à le faire.

Est-ce une sorte de protection? Est-ce une des raisons pour lesquelles vous êtes en faveur du régime de société ouverte à grande nombre d'actionnaires? En d'autres mots, cela limite-t-il le nombre de ceux qui pourraient essayer de vous acheter?

M. Stewart: Je ne peux suffisamment souligner que, pour l'avenir prévisible, étant donné le rythme des changements dont nous sommes témoins, il est difficile de dire que l'on appuie quelque chose à jamais et de façon absolue. Vous avez nuancé cela, mais je tenais à souligner que, pour au moins les quelques prochaines cinq années, si l'on en juge par ce qui se passe maintenant, nous appuyons ces règles telles qu'elles ont été énoncées. Nous comprenons que cela limiterait le nombre des candidats qui pourraient prendre le contrôle de notre compagnie ou fusionner avec nous. Je le souligne, cela correspond à notre façon d'envisager les choses.

Le président: Il est bien entendu que, présumément, dans cinq ou dix ans, quand on aura vu comment fonctionne une compagnie démutualisée et en tenant compte de ce qui se passe sur le marché, évidemment, on réexaminera la question.

M. Stewart: Évidemment, oui.

Le sénateur Di Nino: Si nous avons encore un peu de temps, j'aimerais avoir des informations sur les deux intermédiaires financiers que possède la Sun Life à titre de filiales. C'est bien comme cela qu'il faut les désigner?

M. Stewart: Oui.

Le sénateur Di Nino: Quelle envergure cela a-t-il par rapport à la totalité des activités de la Sun Life?

M. Stewart: Nous possédons également des établissements de dépôts qui agissent à titre d'intermédiaires aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais par leur taille, les deux établissements de dépôts canadiens représentent un peu de plus de 10 p. 100 de nos actifs canadiens. En chiffres ronds, en dollars, cela s'élève à environ 2,2 milliards de dollars. Ce n'est pas grand-chose par rapport aux grandes banques, mais quoi qu'il en soit, cela représente 10 p. 100 de nos actifs canadiens, en gros.

Le sénateur Di Nino: Existe-t-il des obstacles d'ordre réglementaire ou légal qui vous empêchent de développer ces deux filiales pour qu'elles aient plus d'envergure qu'à l'heure actuelle?

M. Stewart: Nous respectons énormément les capacités des banques à charte canadiennes au plan de la concurrence. Je pense qu'elles ont démontré qu'elles pouvaient rendre difficile l'expansion réussie de ces compagnies, mais le véritable problème, c'est celui des difficultés d'ordre réglementaire que nous rencontrons. Je n'ai pas manqué de souligner qu'il est essentiel que nous ayons accès au système de paiements et que nous soyons couverts par une assurance-dépôts, mais le problème, c'est de mettre tout cela en place en continu et de façon efficace, sans que cela fasse obstacle à nos activités ni que cela entrave notre clientèle.

Il faut que nous nous présentions par l'intermédiaire d'un organe séparé, ce qui augmente les frais généraux et diminue la valeur de ce que nous offrons. Les prescriptions réglementaires sont plus utiles lorsqu'elles permettent d'aller de l'avant, de se comporter comme une seule et même entité et de présenter à la clientèle l'image d'une seule et même société, que lorsqu'elle limite les pouvoirs ou quoi que ce soit de la sorte.

Le sénateur Di Nino: Voyons si je vous ai bien compris. Dites-vous, en réalité, que si la Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie, pouvait opérer comme une seule et même entité, sans avoir recours à des filiales, et si vous pouviez distribuer tous vos services dans tous vos points de vente, cela vous rendrait la vie plus facile. C'est bien cela?

M. Stewart: C'est une façon d'interpréter ce que j'ai dit, j'en conviens. Ce n'était pas tellement l'interdistribution que j'essayais de faire valoir, mais la possibilité d'offrir un produit sans être obligé de passer par un réseau complètement parallèle pour ce qui est de la paperasserie et des relations avec la clientèle. C'est cette dimension que je voulais souligner, pas forcément l'interdistribution.

Par exemple, un client peut avoir le choix d'acheter un produit qui concerne son patrimoine avec ou sans assurance-dépôts. Cela signifie que ce client aura à remplir d'autres documents. Il n'est pas facile de présenter une relation totale, unifiée, facile à déchiffrer. C'est plutôt cette dimension que j'essayais de faire valoir.

Le sénateur Di Nino: Si mon interprétation n'est pas tout à fait juste, de quelle façon aimeriez-vous que cela se passe? Comment pouvons-nous améliorer véritablement la compétitivité de la Sun Life dans le secteur des services financiers et permettre au consommateur de faire une meilleure affaire? Qu'est-ce qui devrait être modifié, selon vous?

M. Stewart: Nous aimerions que la société mère ait directement accès au système de paiements et que ce que j'appellerais l'assurance-dépôts offerte par la SIAP et la SADC soit nivelée afin que la garantie que cela représente soit réellement et totalement égale.

On a essayé de démontrer que c'est le cas, mais expliquer en détail quelle est la différence entre les deux composants n'en augmente pas la valeur. Cela n'apporte pas grand-chose de plus.

Le sénateur Di Nino: S'il en était ainsi, rien ne vous empêcherait d'acheter la Banque de Nouvelle-Écosse si vous le vouliez?

M. Stewart: Acheter la Banque de Nouvelle-Écosse, si je peux me permettre de le dire, soulève une série de considérations totalement différentes de celles qui concernent les sujets que j'ai abordés, je crois.

Le président: Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie.

La séance est levée.


Haut de page