Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 48 - Témoignages du 23 mars 1999
OTTAWA, le mardi 23 mars 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (financement par actions).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Pour poursuivre nos discussions, cet après-midi, sur le financement par capitaux propres de la petite entreprise, nous recevons M. Douglas Hyndman et M. William Hess, qui ont déjà témoigné devant le comité à plusieurs reprises.
Pour vous situer un peu le contexte, messieurs, dans le cadre de nombreuses autres études réalisées par le comité des banques, surtout en ce qui concerne la régie interne de divers types de sociétés et notre réponse au rapport du Groupe de travail MacKay, sur lequel vous nous avez donné tous les deux votre opinion, nous nous sommes clairement rendu compte que la véritable difficulté qu'éprouvent les nouvelles entreprises à démarrer au Canada se situe au niveau non pas du financement par emprunt, mais du financement par capitaux propres. Et il est évident qu'il ne serait pas utile de mettre en place davantage de programmes gouvernementaux favorisant le financement par emprunt. Les sources d'emprunt sont assez importantes et, ce dont les gens ont besoin ce n'est pas de s'endetter davantage et d'avoir des intérêts à payer, mais d'augmenter leur avoir propre.
Compte tenu de ces sujets entièrement différents que nous avons déjà étudiés, nous avons convenu de voir si la politique publique pouvait contribuer à augmenter les fonds disponibles pour investir dans les actions de petites entreprises. Ce n'était pas nécessairement dans le but de mettre en place un nouveau programme gouvernemental qui amènerait le gouvernement à acheter des actions, mais il s'agissait plutôt de voir s'il était possible d'offrir des incitatifs, par exemple en modifiant le régime fiscal des gains en capital.
La question fondamentale est la suivante: à part la mise en place d'un nouveau programme d'apport de capitaux de la part du gouvernement, est-il possible de modifier la politique publique de façon à accroître l'argent disponible et les sources de capitaux pour l'investissement dans la petite entreprise?
M. Douglas M. Hyndman, président, Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique: Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs pour cette occasion de prendre la parole devant vous. Le financement par capitaux propres de la petite et moyenne entreprise est une question très importante. Je sais que vous l'avez examinée en consultant les fournisseurs de capitaux et les entreprises qui cherchent à lever des capitaux. Je viens vous présenter un point de vue différent, celui d'un organisme qui réglemente le marché des capitaux et dont la mission est de veiller à ce que le marché soit équitable, efficace et digne de la confiance du public.
En s'acquittant de leur rôle d'organisme de réglementation ou d'arbitre du marché, les commissions des valeurs mobilières cherchent à la fois à protéger les investisseurs contre le recours frauduleux à des pratiques commerciales déloyales et à promouvoir un marché sain pour les investisseurs à la recherche de possibilités d'investissement et les entreprises qui cherchent à lever des capitaux.
Au cours de vos travaux, vous avez certainement centré votre attention sur diverses sources de capitaux. Dans notre environnement, le marché est divisé entre le marché public et le marché non réglementé. Les commissions des valeurs mobilières s'intéressent surtout au marché public où les titres sont cotés en bourse ou dans des systèmes de cotation électroniques et où les émetteurs doivent divulguer des renseignements détaillés et se conformer à une série d'exigences qui visent à protéger les intérêts de leurs actionnaires.
En Colombie-Britannique, cela fait longtemps que le marché boursier se consacre aux petites entreprises qui démarrent. Par le passé, c'était surtout dans le secteur de l'exploration des ressources tandis que c'est maintenant de plus en plus dans le secteur de la haute technologie. C'est un marché qui présente ses risques et ses problèmes particuliers, mais notre Commission et la Bourse de Vancouver ont, à elles deux, accumulé énormément d'expérience en ce qui concerna la réglementation d'un marché junior des capitaux. Au cours de la dernière décennie, nous avons mis au point une série d'instruments et de méthodes de réglementation pour lutter contre le genre d'abus qui sont fréquents sur le marché des entreprises à petite capitalisation dit «junior» et nous estimons avoir maintenant le marché junior le mieux réglementé au monde.
Le principal défi que nous devons relever est la concurrence des marchés moins réglementés qui ont prospéré, surtout aux États-Unis, grâce à l'euphorie actuelle du marché boursier. À notre avis, pour relever ce défi, nous devons rationaliser nos méthodes et accroître l'efficacité de notre système de réglementation au lieu de l'assouplir à notre tour ce qui ne ferait que saper la confiance à long terme dans nos marchés.
Au cours des deux dernières années, nous avons apporté plusieurs innovations en Colombie-Britannique pour permettre aux petites sociétés publiques de lever plus facilement des capitaux. Il s'agit notamment d'un système qui permet aux sociétés cotées en bourse d'obtenir des fonds par l'entremise de placements privés que l'investisseur détient seulement pendant quatre mois plutôt que la période d'un an habituelle, si l'émetteur satisfait à des exigences plus strictes en ce qui concerne la divulgation. Il y a également la création du New Venture Capital Pool Program qui permet aux sociétés de lever des capitaux et de créer un instrument pour rechercher des débouchés commerciaux. Ce programme est semblable au Junior Capital Pool Program qui existe en Alberta depuis plusieurs années. Nous avons confié à la Bourse de Vancouver la responsabilité d'examiner tous les prospectus déposés par des sociétés cotées en bourse ou qui demandent à être cotées en bourse de façon à accélérer et simplifier les placements initiaux de titres des nouvelles entreprises.
Nous préparons actuellement, avec la Bourse, l'établissement de la nouvelle exemption pour les petits placements initiaux de titres qui permettra aux sociétés cotées en bourse qui appliquent des normes de divulgation élevées d'avoir accès plus rapidement et de façon moins coûteuse aux marchés publics.
Vous êtes certainement au courant de la proposition annoncée la semaine dernière selon laquelle la Bourse de Vancouver s'alliera à la Bourse de l'Alberta et prendra le contrôle du Réseau canadien de transactions ainsi que de l'inscription des entreprises à petite capitalisation de la Bourse de Montréal. Si ce projet se concrétise, il donnera naissance à une Bourse canadienne du capital de risque qui devrait offrir davantage de liquidité et de transparence au marché junior, un système de surveillance approfondie et un marché plus vaste pour les jeunes entreprises qui cherchent à lever des capitaux au Canada.
De nombreux détails doivent être mis au point par les bourses et par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, mais nous allons travailler en collaboration avec nos collègues des autres provinces pour examiner cette proposition et coordonner l'approbation de la réglementation.
Que le projet de bourse nationale aboutisse ou non, notre but est de créer le marché canadien de capitaux pour les jeunes entreprises qui sera à la fois transparent et crédible et assujetti à une réglementation rationalisée qui permettra aux entreprises de lever des capitaux efficacement, tout en assurant une supervision suffisante pour éviter les fraudes et les manipulations que nous avons constatées par le passé et qui font du tort aux petits marchés émetteurs dans les autres pays.
Pour ce qui est du marché non réglementé, toutes les entreprises qui démarrent doivent commencer à lever des capitaux sur ce marché et un grand nombre d'entre elles ne parviennent jamais jusqu'aux marchés publics. Par définition, le marché non réglementé n'est pas couvert par les exigences de la réglementation en ce qui concerne la divulgation et la vente de titres par l'entremise des courtiers en valeur inscrits. Il n'est pas non plus soumis au même examen que le marché public par les organismes de réglementation. Toutefois, nous constatons des abus dans ce marché. Nous recevons souvent des plaintes de la part d'investisseurs qui ont fait, malgré eux, de mauvais placements. Les exemptions accordées aux petites entreprises qui cherchent à lever des capitaux partent du principe que l'investisseur n'a pas besoin de la protection de la réglementation, soit parce que des relations préalables existent entre l'émetteur et l'investisseur, soit parce que l'investisseur est suffisamment averti pour pouvoir évaluer seul les avantages de l'investissement.
En Colombie-Britannique, nous avons des cas d'exemption uniques sur lesquels comptent beaucoup les émetteurs qui vendent à des acquéreurs avertis. Les principaux problèmes que nous constatons à cet égard viennent de ce que certains investisseurs qui se croient bien informés ne comprennent pas vraiment dans quoi ils s'aventurent. Nous y avons remédié dans une certaine mesure en assurant une meilleure divulgation et en demandant à l'investisseur de signer certains formulaires, mais nous cherchons de plus en plus à mettre en place un programme de formation des investisseurs qui vise à doter ces derniers des moyens de juger si un placement convient à leur situation particulière. Nous tenons à conserver le régime d'exemption souple qui permet aux petites entreprises de lever des capitaux sans exposer nos investisseurs à des risques excessifs.
Enfin, je voudrais vous faire valoir qu'à mon avis la disponibilité de capital de risque ne pose pas vraiment de problème au Canada. En tant qu'organismes de réglementation, nous constatons qu'il y a beaucoup d'argent à la recherche de possibilités d'investissement avantageuses, mais une pénurie de petites entreprises prometteuses et bien gérées dans lesquelles investir. Si le gouvernement compte intervenir, ce devrait être en réduisant les impôts et la réglementation qui empêchent aux entreprises d'embaucher des administrateurs talentueux et d'élargir leurs activités et non pas en offrant des incitatifs fiscaux dont profitent surtout les professionnels qui organisent des transactions et qui conduisent souvent les investisseurs à faire de mauvais placements juste pour obtenir des avantages fiscaux.
Voilà qui termine mon exposé, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Hyndman. Avant de donner la parole à M. Hess, pourrais-je vous demander si vous-même et vos collègues des Autorités canadiennes en valeurs mobilières pourriez nous définir la différence entre une action dite «junior» et une action dite «senior»? Autrement dit, quelle sera la ligne de démarcation entre Toronto et vous-mêmes?
M. Hyndman: Je vous répondrai que les bourses sont en train d'y travailler. Il s'agit en fait de définir les divers créneaux du marché dans lesquels elles se situent. Ce n'est pas une définition que nous voudrions leur imposer. Elles cherchent, en fait, à établir où se situe la limite.
Le président: À un moment donné, une action junior devient une action senior et change de bourse, n'est-ce pas?
M. Hyndman: C'est l'idée générale. Néanmoins, il reste certains détails à régler. Si j'ai bien compris, la Bourse de Toronto va définir les conditions d'inscription. C'est ce qui établira la limite et une fois qu'un émetteur sera coté disons à la Bourse canadienne de capital de risque et atteindra ce seuil il passera automatiquement à la bourse senior.
Le président: Le seuil sera-t-il vraisemblablement établi en fonction du marché ou des revenus?
M. Hyndman: Ce sera sans doute une combinaison des deux, mais il y aura certainement un critère qui tiendra compte du revenu ou de l'actif. Vous ne pouvez pas vous fier uniquement au montant de capitalisation. Il s'agira également de voir si les émetteurs cotés à la Bourse de Toronto qui tombent en dessous du seuil devront retourner dans le marché junior. C'est une autre question.
Le président: Merci beaucoup.
M. William L. Hess, président, Commission des valeurs mobilières de l'Alberta: Dans le cadre de notre nouveau régime de réglementation des valeurs mobilières, nous essayons d'éviter les dédoublements et je vais donc m'efforcer de ne pas répéter ce que le président de l'ACVM a dit aujourd'hui. Je souscris toutefois à ses déclarations.
J'ajouterais quelques observations du point de vue de l'Alberta. Notre attitude est certainement la même en ce qui concerne la protection des investisseurs et les solutions permettant aux petites entreprises d'avoir accès au marché non réglementé. Nous avons participé à une de ces initiatives avec la Colombie-Britannique et c'est le projet dont Doug a parlé en ce qui concerne la réduction de la période de détention.
Je voudrais également souligner le succès avec lequel la Bourse de l'Alberta a favorisé la croissance des nouvelles entreprises. Doug a mentionné le programme de fonds communs de capitaux pour jeunes entreprises qui existe à la Bourse de l'Alberta depuis 1987. Plus de 1 000 entreprises ont démarré dans le cadre de ce programme et 80 d'entre elles sont maintenant cotées dans les bourses seniors.
Doug a également souligné que la protection des investisseurs représentait un élément important de notre mission. Nous devons toujours établir un juste équilibre entre cet aspect et la possibilité pour les entreprises de lever des capitaux Quand nous avons examiné cette question, nous avons obtenu le même genre de rétroaction et de résultats que ceux dont Doug a parlé à savoir que le capital de risque est généralement disponible. Lorsque vous parlez aux investisseurs en capital de risque, la principale difficulté pour eux est de trouver le genre d'entreprises, le modèle de gestion, dans lequel ils seront prêts à investir.
Nous avons cherché à résoudre ce problème avec la bourse en établissant conjointement l'Alberta Capital Markets Foundation, qui est chargée d'une double mission. La première consiste à mieux informer les investisseurs de la province. La deuxième est de trouver des moyens d'aider les chefs d'entreprise à acquérir des compétences en gestion et à établir des plans d'affaires, le genre de choses dont ils ont besoin pour avoir accès aux capitaux.
Ils peuvent très bien constater, en étudiant la situation, que ce serait une erreur d'aller sur le marché public au mauvais moment. L'Alberta Capital Markets Foundation, en association avec le secteur privé et des membres du secteur privé, va donc participer à des initiatives visant à faciliter la capitalisation des petites entreprises de la province.
C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.
Le président: Avant de donner la parole au sénateur Oliver pour les premières questions, voudriez-vous nous dire ce que vous pensez de la dernière observation de M. Hyndman, qui s'oppose à ce que j'appellerais un programme d'incitatifs fiscaux. Il serait davantage pour des programmes qui aideraient à embaucher des administrateurs compétents, et cetera.
Lorsque j'ai parlé plus tôt d'un programme d'incitatifs fiscaux, je ne pensais pas à un programme précis, mais plutôt à un exemple. Tout comme l'impôt sur le revenu des petites sociétés dont le revenu net est inférieur à 200 000 $ par an est à un taux nettement inférieur à celui des grandes entreprises, on pourrait envisager, du moins en théorie, de fixer également à un taux beaucoup plus bas l'impôt sur les gains en capital pour ceux qui investissent dans les petites entreprises.
Voilà le genre de concept fiscal dont je voulais parler. Je ne vois pas très bien ce que veut dire M. Hyndman. Peut-être pourra-t-il nous le préciser. Néanmoins, quel est selon vous le pour et le contre des incitatifs fiscaux par opposition à d'autres genres de mesures?
M. Hess: Si un incitatif fiscal a des effets sur la viabilité de l'entreprise, c'est un élément dont un investisseur pourra tenir compte lorsqu'il décidera de faire un investissement. Je m'inquiète des incitatifs fiscaux qui faussent les décisions. Il n'existe qu'un certain montant d'argent disponible pour les investissements, ce qui pourrait évidemment changer selon le régime fiscal. S'il y a 100 $ disponibles et si vous offrez des incitatifs fiscaux pour certains types de d'investissements, inciterez-vous les investisseurs à se faire rembourser leurs placements dans des grandes entreprises pour investir dans des jeunes entreprises? Vont-ils le faire pour obtenir un remboursement d'impôt? Cela pourrait-il les conduire à faire un mauvais placement? Un incitatif fiscal qui va rendre un investissement plus avantageux est une chose, mais celui qui va fausser les décisions des investisseurs en est une autre.
Le président: Merci. C'est un sujet sur lequel nous reviendrons.
Le sénateur Oliver: Je voudrais poser quelques questions à Doug Hyndman. Elles concernent toutes ce que vous avez appelé le marché non réglementé par opposition au marché public. Pourriez-vous nous parler un peu de l'importance des investissements dont vous parlez en ce qui concerne ce marché? Quelles sont les conditions qui s'appliquent aux investisseurs sur le marché non réglementé? Quelles sont les protections qui y sont offertes aux investisseurs? Enfin, comment définissez-vous l'investisseur averti de ce marché?
Lorsque vous dites que des relations antérieures sont l'un des critères à partir desquels vous établissez si une entreprise est admissible à ce marché non réglementé, voulez-vous parler d'une ou deux transactions antérieures? Quelle doit être l'importance de ces transactions intérieures pour qu'elles aient établi une relation que vous jugez acceptable?
M. Hyndman: Nous avons plusieurs exemptions sur lesquelles les petites entreprises comptent généralement pour lever des capitaux. L'exemption accordée aux émetteurs privés s'applique aux émetteurs qui vendent des titres à des personnes qui ne sont pas membres du grand public. Les tribunaux ont défini au cours des années qui faisait partie ou non du public. Généralement, et c'est ce que j'entendais par «relation antérieure», les émetteurs peuvent vendre des titres à des parents, des associés, des amis, et cetera, des promoteurs ou gestionnaires de l'entreprise, sans avoir à se soucier d'un grand nombre d'exigences de la Loi sur les valeurs mobilières. Ces acheteurs ne font pas partie du public. Il n'y a aucune restriction touchant l'importance de l'investissement. Le nombre d'investisseurs peut être plafonné. La limite est fixée à 50 investisseurs en dehors des employés de l'entreprise.
Les dirigeants des petites entreprises se prévalent généralement de cette exemption. En fait, ils en profitent quotidiennement sans même s'en rendre compte. Ils n'ont jamais entendu parler de la Loi sur les valeurs mobilières, mais ils vendent des actions de leur entreprise à des membres de leur famille. Les entreprises peuvent se prévaloir de cette exemption dans une large mesure, mais une fois qu'elles veulent outrepasser le cercle d'associés, d'amis et de parents, elles bénéficient d'autres exemptions qui sont assorties d'un plus grand nombre de restrictions. Il y en a trois.
La première est ce que nous appelons «l'exemption de 97 000 $». Il s'agit d'une exemption sur les titres de placement privés qu'un émetteur peut vendre à n'importe qui si ce n'est pas annoncé et cela ne fait l'objet d'aucune exigence particulière en ce qui concerne la divulgation, du moment que le montant investi est d'au moins 97 000 $. La raison d'être de ce seuil s'est perdue dans la nuit des temps. Il s'agissait d'un niveau uniforme pour l'ensemble du pays, mais il est maintenant variable. Je crois qu'en Ontario et au Québec, la limite pour cette exemption se situe maintenant à 150 000 $. En Alberta et en Colombie-Britannique, elle est de 97 000 $ et dans les autres provinces elle se situe généralement entre les deux. Si l'exemption est annoncée dans les journaux ou ailleurs, l'entreprise doit publier une notice d'offre contenant certains renseignements. Cette notice est moins complète qu'un prospectus, mais contient certains renseignements certifiés comme n'étant pas trompeurs.
La deuxième exemption est l'exemption pour acquéreur averti pour laquelle le seuil est de 25 000 $. Elle exige la préparation et la publication d'une notice d'offre et ces titres ne peuvent être vendus qu'aux personnes qui répondent à la définition de l'acquéreur averti. Je n'ai pas tous les chiffres sous la main, mais pour un particulier, il faut un revenu annuel d'environ 75 000 $ ou pour un couple, un revenu annuel de 125 000 $. L'actif ou la valeur nette de l'investisseur doit être, je pense, d'au moins 400 000 $. De plus, l'intéressé doit déclarer qu'il est en mesure d'évaluer l'investissement sans recevoir des conseils d'un courtier en valeurs inscrit.
Le sénateur Oliver: Y a-t-il une limite pour le montant de capitaux que vous pouvez lever par l'entremise de ces acquéreurs avertis?
M. Hyndman: Il n'y a pas de limite pour ce qui est du nombre d'investisseurs ou le montant de capitaux. Il y a seulement un seuil minimum de 25 000 $.
La réglementation impose des restrictions quant aux personnes à qui vous pouvez vendre. Le niveau de divulgation qu'exige notre formulaire de notice d'offre est moins élevé que pour un prospectus, mais il faut fournir des renseignements de base sur l'entreprise. Nous n'examinons pas la notice d'offre, mais nous examinons les plaintes et si nous constatons qu'on a fourni des renseignements trompeurs ou qu'on a vendu des placements à des gens qui ne répondaient pas aux critères, nous prenons des mesures. La Commission ne se livre à aucun examen préalable.
Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous dire quel est le montant des capitaux levés chaque année sur le marché non réglementé?
M. Hyndman: Je n'ai pas les chiffres sous la main. Il y a quelques années, nous avons fait un sondage en Colombie-Britannique et j'ai l'impression que pour les deux derniers groupes d'exemptions dont j'ai parlé, le montant est de l'ordre de 800 millions à 1 milliard de dollars. Nous n'avons aucune idée du montant levé dans le cadre de l'exemption aux émetteurs privé, la première exemption dont j'ai parlé, étant donné qu'aucune déclaration n'est exigée. Pour les deux autres, les émetteurs doivent nous adresser un formulaire de déclaration après l'offre. C'est donc là un montant approximatif.
Le président: Monsieur Hess, pour ce qui est de la répartition entre les différentes catégories, les chiffres sont-ils à peu près équivalents en Alberta à ceux que M. Hyndman a mentionnés?
M. Hess: Les exemptions sont assez semblables en Alberta.
Me permettez-vous de répondre aux observations du sénateur Oliver?
Le président: Nous ne voulons pas vous imposer quoi que ce soit. N'hésitez pas, l'un et l'autre, à faire des observations.
M. Hess: Ces exemptions sont à la disposition de tout émetteur. Il est possible de les accumuler. En Alberta, une entreprise qui démarre peut offrir des actions à tous ses amis, associés et employés ainsi qu'à 50 autres personnes et à quiconque est prêt à souscrire 97 000 $. Vous pouvez avoir des dizaines d'investisseurs.
Je n'ai pas les chiffres quant au montant de capitaux levés sur ce marché, mais ce n'est pas nécessairement réservé aux petites entreprises. Les gros émetteurs se servent du marché non réglementé pour émettre des actions à leurs cadres. Ces chiffres ne concernent pas uniquement le financement de la petite entreprise.
Je dirais que les exemptions actuelles sont probablement suffisantes. En Alberta, elles ont été mises en place sur les recommandations d'un groupe de l'industrie dont j'étais le président à l'époque. Nous consultons constamment les gens pour savoir si les exemptions posent problème. On nous dit que non. Il y a un tas d'exemptions. Le problème est que les nouvelles entreprises qui s'en prévalent ne sont pas cotées en bourse. Leurs actions ne sont pas librement négociables. Vous ne pouvez pas attirer beaucoup d'argent avec des actions qui ne peuvent pas être négociées librement. Il faut trouver un système pour qu'elles puissent l'être.
En Alberta, le programme de fonds communs a réussi à créer 1 000 nouvelles petites sociétés publiques. Après leur offre initiale, il leur a été plus facile de se servir du marché non réglementé parce qu'elles offraient des actions qui, après un certain temps, pouvaient être librement négociées.
Un grand nombre d'entre nous sommes très enthousiasmés par le projet de création d'une bourse nationale des jeunes entreprises qui permettra d'établir ce système à l'échelle du pays. D'un autre côté, cela attirera davantage de capitaux simplement en raison de l'ampleur des transactions et cette bourse retiendra davantage l'intention des investisseurs nationaux et internationaux.
En fait, pour ce qui est du financement des entreprises, il faut tenir compte de la liquidité et la possibilité pour l'acheteur de revendre ses actions ultérieurement. Si les gens achètent des actions, ils voudront les acheter à prix réduites, parce qu'elles ne sont pas liquides.
Le sénateur Kroft: Monsieur Hyndman, avez-vous dit que même si l'initiative récemment annoncée en ce qui concerne le marché des entreprises à grande capitalisation ne se matérialise pas, vous espérez qu'un marché national des entreprises à petite capitalisation pourra voir le jour?
M. Hyndman: Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais je crois que c'est une possibilité. Les discussions entre la Bourse de Vancouver et la Bourse de l'Alberta se sont déroulées parallèlement aux discussions à l'échelle nationale et il est donc possible que ce projet se réalise.
J'ai dit que même si cette fusion ne se faisait pas, nous voudrions quand même, en tout cas en Alberta et en Colombie-Britannique, faire en sorte d'avoir un marché junior crédible et bien réglementé afin que nos entreprises puissent y lever des capitaux. Nous voulons que ce marché soit viable à long terme et ne soit pas exposé aux risques qui existent actuellement dans les marchés hors bourse des États-Unis, par exemple.
Le sénateur Kroft: Peut-on alors espérer que les attributs culturels des marchés de Colombie-Britannique et de l'Alberta puissent être acceptés dans le milieu de l'investissement au niveau national?
M. Hyndman: Nous le souhaitons certainement.
Le sénateur Kroft: Ces dernières semaines, nous avons passé un certain temps à discuter de deux types de fournisseurs de capital de risque. Il y a d'abord l'industrie professionnelle du capital de risque ou l'industrie structurée et institutionnalisée qui, comme vous le savez, est organisée en association et poursuit des objectifs nationaux. Le deuxième type de fournisseur de capital de risque n'est pas aussi facilement accessible. Il s'agit de l'investisseur privé, de l'ange ou de l'entrepreneur qui cherche souvent à répéter le succès d'une première entreprise.
Quelle interaction y a-t-il entre le désir de développer un marché pour les jeunes entreprises et les fournisseurs professionnels de capital de risque? Travaillez-vous de concert? Vous entendez-vous pour fixer les seuils? Vous considérez-vous comme des alliés ou vous voyez-vous mutuellement comme des obstacles? J'essaie d'avoir une idée de la source de ce financement et de sa manifestation publique. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
M. Hyndman: Nous n'entendons pas vraiment parler directement des investisseurs professionnels en capital de risque ou des anges au niveau de la Commission ou de la réglementation. Mais d'après ce que j'ai pu observer et les discussions que j'ai eues, les intérêts de ces groupes d'investisseurs sont ceux dont M. Hess vient de parler. Ils cherchent à intervenir relativement tôt dans les entreprises, une fois que ces dernières ont un plan d'affaires et des clients potentiels. Ces investisseurs veulent accompagner ces entreprises jusqu'à ce qu'elles deviennent publiques, ce qui leur apporte une voie de sortie. Ils veulent que leur investissement devienne liquide. Ils ont intérêt à ce qu'il ait un marché national du capital de risque afin de pouvoir se défaire de leur investissement. Ils peuvent davantage se lancer sur ce marché s'ils savent qu'ils pourront s'en sortir.
Il y a une certaine concurrence entre ce marché et le marché public des capitaux. De nombreux émetteurs hésitent à lever des capitaux sur le marché officiel du capital de risque parce qu'ils ont l'impression de perdre le contrôle de leur entreprise. Ils doivent distribuer trop de sièges au conseil d'administration ou trop d'actions. Souvent, ils considèrent le marché public des capitaux comme une solution de rechange. Cela leur confère l'avantage de conserver la haute main sur leur entreprise, tout en levant des capitaux.
Cette solution présente également les risques dont M. Hess a parlé tout à l'heure. Des entreprises peuvent se retrouver prématurément sur le marché public pour échapper au contrôle des investisseurs en capital de risque. Si c'est le cas, ils se retrouvent avec les obligations d'une société publique avant d'avoir atteint la taille et l'infrastructure voulues pour y faire face. La direction de l'entreprise s'inquiète du cours des actions au lieu de s'occuper de gérer ses affaires.
Il existe une certaine tension entre les deux groupes, mais c'est sans doute une tension assez saine.
M. Hess: Nous n'avons pas beaucoup entendu parler officiellement des investisseurs en capital risque, mais nous leur parlons de façon officieuse. Nous ne croyons pas nécessaire de les protéger, mais nous nous intéressons à leurs opinions. Comme je l'ai dit, l'Alberta Capital Markets Foundation a essayé de trouver des moyens de donner aux entreprises un accès à cette source de capitaux.
Le sénateur Kroft: Prenons un groupe d'investisseurs en capital de risque bien financé, avec un seuil de cinq à sept ans, ce qui semble être des conditions typiques, qui cherche à atteindre un certain niveau de rentabilité. Je pense aux niveaux d'accessibilité de la bourse senior. Ne craignez-vous pas que si l'industrie du capital de risque devient plus forte et développe des entreprises plus importantes et plus solides, elle viendra vous concurrencer sur votre marché?
M. Hyndman: Je ne vois pas de problème. Cela peut très bien arriver. En fait, c'est déjà le cas. Vous verrez des entreprises faire des placements initiaux de titres et être immédiatement cotées à la Bourse de Toronto. Un marché national du capital de risque ne mettra pas fin à cela, bien que, si la Bourse de Toronto relève ses normes dans le cas de sa définition, cela risque d'être plus difficile. Je ne pense pas que cela menace le marché junior. C'est une autre façon pour les entreprises d'arriver jusqu'aux marchés seniors, mais je ne pense pas qu'un peu de concurrence fera du tort à qui que ce soit.
Le sénateur Austin: Ma question porte sur un sujet différent. Lorsque Ron Begg, le président de Canadian Venture Capital Association a comparu, il craignait qu'en ce qui concerne la récompense et la sortie, le régime actuel soit trop restrictif, particulièrement pour ce qu'il a appelé le capital de l'affection, le capital de démarrage et le capital des anges. Il nous a parlé de votre proposition en ce qui concerne un régime national de blocage des titres. Comme vous le savez, cette proposition changerait le régime de blocage des titres au Canada, surtout en rallongeant la période de blocage des titres pour les nouvelles entreprises qui font un placement initial de titres.
On craint qu'en rallongeant la période de blocage, vous ne conduisiez les gens vers le marché hors bourse et vous ne les éloignez de la transparence et de la divulgation. Avez-vous une réponse à cela?
M. Hyndman: Je répondrais deux choses. Premièrement, lorsque nous avons conçu notre proposition à l'égard du blocage de titres, nous avons veillé à ce qu'elle ne s'applique pas aux investisseurs en capital de risque. D'après les commentaires que nous avons reçus, nous ne semblons pas avoir réussi sur ce plan. Par conséquent, nous essayons de nouveau de trouver un moyen de faire en sorte que les investisseurs en capital de risque puissent participer au financement sans se faire coincer par le blocage de titres.
Deuxièmement, nous avons également reçu des commentaires au sujet de la longueur des périodes. Nous n'en avons pas encore discuté à l'ACVM. Les membres de notre personnel sont en train d'examiner les commentaires reçus. Je serais étonné si nous ne révisions pas notre proposition de façon à prévoir des périodes plus courtes. C'est sans doute tout ce que je peux vous dire pour le moment. Nous sommes sensibles aux deux objections que vous avez soulevées.
Le sénateur Austin: Je me suis toujours intéressé à la période de blocage des titres. Bien entendu, par le passé, lorsque j'exerçais le droit, cela a eu des répercussions sur mes clients. J'aimerais que vous nous précisiez la raison de ce blocage afin que nous comprenions bien. Pourquoi exigez-vous une période de blocage des titres?
M. Hyndman: Son but premier est de lier pendant une période raisonnable les fondateurs de l'entreprise à cette dernière afin que les investisseurs qui participent au placement initial de titres sachent que les gens sur lesquels ils comptent resteront en poste pendant suffisamment de temps. On ne précise pas ce qu'est une période raisonnable, mais en dehors du secteur des ressources naturelles, il faut généralement au moins quatre ou cinq ans pour qu'une nouvelle entreprise arrive à réaliser un bénéfice et rapporte un rendement raisonnable à ses actionnaires.
Traditionnellement, pour ce qui est du prix des titres, le blocage a également cherché à tenir compte des intérêts des actionnaires qui ont acheté des actions avant le placement initial. Nous avons mis au point notre proposition en renonçant à ce deuxième aspect et en cherchant surtout à lier les fondateurs à l'entreprise. Le débat n'est pas terminé quant à savoir si c'est nécessaire et, dans l'affirmative, quelle est la période requise, mais c'est sur cet aspect que nous avons mis l'accent. Lorsque les investisseurs investissent dans le placement initial de titres d'une nouvelle entreprise, ils parient sur sa direction, car elle n'a pas grand-chose d'autre à offrir. Nous voudrions la garantie que la direction sera encore là au lendemain de l'émission, une fois l'argent investi.
Le sénateur Austin: Ne pourriez-vous pas le faire par contrat? L'investisseur se saigne aux quatre veines pour fonder son entreprise. L'investisseur en capital de risque vient ensuite écrémer les bénéfices, après quoi il se retire. Ceux qu'il faudrait récompenser, ce sont les chefs d'entreprise. Je parle évidemment uniquement des gens honnêtes. Ils doivent pouvoir profiter de la progression de leur entreprise sans que leur avoir ne soit bloqué très longtemps.
M. Hyndman: Notre proposition concernant les entreprises les plus récentes prévoit une période de blocage de titres de six ans, mais pas pour la totalité des actions. Elles sont libérées graduellement sur six ans. J'ai oublié le chiffre exact, mais je crois que 85 p. 100 de l'avoir du chef d'entreprise est bloqué le premier jour et qu'il y a ensuite une libération de 15 p. 100 par an, si bien que la sixième année, seule une petite partie de l'investissement initial est encore bloquée. Il est possible de liquider une partie importante de l'investissement au fur et à mesure que le temps passe et cette période pourrait être encore raccourcie.
Le sénateur Austin: Je sais qu'il n'est pas facile d'établir une juste limite. Vous ne voulez pas que l'investisseur en capital de risque maintienne son investissement pendant trop peu de temps. Vous voulez qu'il ait le temps de s'intéresser au développement de l'entreprise parce qu'il y a investi son capital. Par conséquent, vous ne voulez pas le laisser partir trop tôt. D'un autre côté, vous ne voulez pas nuire à l'investissement de capital de risque en bloquant l'argent plus longtemps qu'il n'est nécessaire. Je sais que c'est une question délicate.
Si M. Hess a quelque chose à dire à ce sujet, il pourrait commencer par cela, mais j'ai une liste que j'ai extraite d'Internet selon laquelle 127 entreprises canadiennes sont cotées au Nasdaq. Pourquoi sont-elles allées là? Qu'obtiennent-elles de Nasdaq qu'elles ne peuvent obtenir des bourses canadiennes?
M. Hess: Je commencerai par cette question. D'autres que moi, par exemple les souscripteurs à forfait, seront mieux en mesure d'y répondre, mais c'est surtout parce qu'elles obtiennent un meilleur prix. Le plus gros marché des capitaux est celui des États-Unis. Certains types d'actions tels que les actions Internet y obtiennent des résultats particulièrement bons. Ce n'est pas une action Internet, mais Big Rock Brewery, par exemple, était une brasserie qui connaissait du succès en Alberta. Ed McNally, un ancien avocat, un Albertain ardent partisan de la Bourse de l'Alberta, a fait son placement initial au Nasdaq simplement parce que le prix qu'il pouvait obtenir à Los Angeles était beaucoup plus avantageux que ce qu'on lui offrait au Canada. Cela n'a rien à voir avec la bourse ou les frais d'inscription à une bourse. C'est simplement parce qu'il a obtenu un meilleur prix. La raison est la même dans la plupart des cas.
D'un autre côté, les grandes entreprises canadiennes cotées aux États-Unis, ne le sont pas nécessairement au Nasdaq, mais plutôt à la Bourse de New York. Il y a aux États-Unis d'énormes institutions qui doivent investir la totalité ou la majeure partie de leur argent dans des actions cotées à la Bourse de New York. Voilà pourquoi les banques et les autres grandes sociétés canadiennes vont là-bas.
Le sénateur Austin: Je comprends que les grandes sociétés qui veulent se faire reconnaître comme des sociétés mondiales veulent rejoindre les investisseurs américains et internationaux à la recherche de la sécurité et du rendement qu'offrent les grandes entreprises. Notre étude se penche sur l'autre extrémité de l'échelle, sur le financement par actions des petites entreprises.
Avez-vous dit que les investisseurs canadiens craignaient davantage le risque que les investisseurs américains? Cela veut-il dire que le Canada ne sera jamais le meilleur pays qui soit pour le capital de risque ou le placement initial de titres?
M. Hess: J'ai seulement répété ce qu'on m'a dit. Je suppose que s'il existe des études confirmant que les émissions de titres sur le marché des États-Unis rapportent parfois plus. Vous obtenez un meilleur prix. Si vous avez quelque chose à vendre, vous voulez aller là où vous en tirerez le meilleur prix.
Le sénateur Austin: Quelle en est la raison? Qu'est-ce qui empêche des petites entreprises américaines de venir au Canada s'inscrire à votre bourse ou à la Bourse de Vancouver parce qu'elles leur permettront de lever plus facilement des capitaux? C'était le cas, autrefois, à la Bourse de Vancouver.
M. Hess: Ça l'est toujours dans une certaine mesure, sénateur.
M. Hyndman: Les seuils pour les inscriptions à la Bourse de Vancouver et à la Bourse de l'Alberta sont plus bas que pour le Nasdaq. Je tiens à faire la distinction entre le Nasdaq et le NASD, le bulletin hors bourse, qui est le véritable marché aux États-Unis.
Le sénateur Austin: C'est ce qu'on appelle le Nasdaq des petites entreprises.
M. Hyndman: Oui, mais le seuil pour l'inscription au Nasdaq des petites entreprises est quand même plus élevé que pour la Bourse de Vancouver et vous avez donc des émetteurs américains qui s'inscrivent chez nous. Une fois qu'ils répondent aux conditions d'admission à la cote du Nasdaq, ils vont se faire inscrire là-bas.
J'ai entendu dire la même chose que M. Hess. Je pense que les entreprises obtiennent un meilleur ratio cours-bénéfice, surtout en dehors du secteur des ressources naturelles dans lequel notre bourse et notre industrie des valeurs mobilières se sont spécialisées au cours des années. Aux États-Unis, dans le secteur de la technologie de pointe, de nombreux investisseurs institutionnels seront davantage portés à investir dans une entreprise si elle est cotée au Nasdaq plutôt qu'à une des bourses canadiennes.
On peut espérer que la création d'une bourse nationale de capital de risque conférera au marché canadien un plus grand prestige et permettra peut-être de surmonter ce problème. Comme l'a dit M. Hess, cela pourrait peut-être susciter l'intérêt des investisseurs étrangers. Nous verrons comment les choses évolueront.
Le sénateur Austin a mentionné une liste indiquant que 127 entreprises canadiennes sont cotées au Nasdaq. Je serais étonné qu'il y en ait si peu.
Le sénateur Austin: C'est ce que dit ma liste, mais il y en a peut-être beaucoup plus. Je ne suis pas encore très habile pour consulter Internet.
Si je vous ai bien compris, vous considérez le nouveau marché canadien des capitaux pour la petite entreprise comme un incubateur qui stimulera la croissance des entreprises canadiennes. Ces dernières pourront ensuite progresser, de préférence à l'intérieur du système boursier canadien ou dans le système américain. C'est un rôle parfaitement valide pour cette bourse, n'est-ce pas?
M. Hyndman: Absolument.
M. Hess: Je suis certainement d'accord. Je parlais des meilleurs prix qui peuvent être obtenus aux États-Unis. M. Hyndman est l'économiste, mais comme il s'intéresse parfois à des questions de droit, je vais empiéter dans son domaine.
Si vous avez davantage d'acheteurs, vous obtiendrez un meilleur prix. Si le prix a une influence, il sera utile d'avoir une bourse plus importante pour les jeunes entreprises. Je tiens à souligner son rôle d'incubateur. Certains commentaires ont été faits tout à l'heure au sujet de notre marché, de notre bourse. Les commissions des valeurs mobilières n'ont pas de marché. Nous proposons de créer trois bourses nationales dans lesquelles nous jouerons un rôle périodiquement. Cela éliminera le peu de concurrence qui existe actuellement. La Bourse de l'Alberta a toujours été fière de voir une entreprise s'inscrire à une bourse plus importante.
La question du seuil d'inscription n'est pas une question de réglementation. Ce sont les bourses qui doivent en décider. La bourse des petites entreprises va certainement alimenter la bourse principale.
Je voudrais faire quelques observations au sujet de la politique concernant le blocage des titres. Vous devez d'abord comprendre où nous en sommes. Dans mon cabinet, cette politique m'a également posé des problèmes. Chaque province et chaque bourse a la sienne. Les politiques en vigueur sont toutes différentes et personne au Canada ne peut vous préciser ce qu'elles sont. Nous cherchons à les uniformiser.
La période de blocage des titres n'est pas rallongée. Presque partout, la période dépend des résultats. Vous pourriez dire qu'elle est indéterminée. Il faut examiner la durée de la période et veiller à ne pas pénaliser sans le vouloir les investisseurs professionnels en capital de risque. Nous envisageons une période plus uniforme qui pourrait être beaucoup plus courte que six ans si l'entreprise obtient de bons résultats.
Le président: Monsieur Hyndman, avez-vous quelque chose à dire pour répondre aux questions du sénateur Austin?
M. Hyndman: Non. Je suis d'accord avec M. Hess. Je n'ai rien à ajouter.
Le sénateur Angus: Je viens de Montréal. Ces derniers jours, cette proposition a fait l'objet de discussions animées depuis qu'elle a été annoncée. Pourriez-vous, l'un ou l'autre ou les deux me dire quelle sera, selon vous, la synergie en ce qui concerne Montréal dans l'état actuel des choses?
Un grand nombre des problèmes de Montréal se poseraient naturellement pour une nouvelle bourse nationale pour la petite entreprise. Comment la transition se ferait-elle? Comment pourrait-elle concilier les différences qui existent actuellement entre Montréal et vos bourses?
Nous avons ce qu'on appelle le Régime d'épargne-action du Québec qui devait être un incitatif très important, sans doute plus qu'il ne l'a été. Je ne pense pas qu'il ait été bien exploité ces dernières années. Comment la nouvelle formule en tiendra-t-elle compte?
M. Hyndman: Encore une fois, cette proposition émane de la bourse et non pas de nous, mais la bourse de la petite entreprise aurait un bureau à Montréal dont le personnel serait, du moins au départ, celui qui travaille actuellement pour la Bourse de Montréal. Cette bourse regrouperait les 100 ou 200 émetteurs inscrits à la Bourse de Montréal qui seront transférés à la bourse de la petite entreprise. Il s'agit d'offrir aux émetteurs un service aussi bon ou même meilleur que celui qu'ils obtiennent actuellement de la Bourse de Montréal.
Quant au Régime d'épargne-action du Québec, je ne sais pas ce que les bourses devront faire à cet égard. Si j'ai bien compris, c'est un régime qui offre des crédits d'impôt ou des déductions d'impôt aux investisseurs qui achètent des actions et qui doivent être des investisseurs du Québec. Je ne vois pas ce qui empêcherait de poursuivre ce programme. J'ai des doutes quant aux avantages de ce genre de programme d'incitatifs, comme nous en avons parlé tout à l'heure, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'apporter des modifications. C'est une question que les bourses devront examiner.
Le sénateur Angus: Monsieur Hess, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Hess: Il ne fait aucun doute qu'une bourse nationale des petites entreprises pourrait desservir les programmes existants au Québec. Premièrement, elle aurait un bureau à Montréal. Les émetteurs passeraient par le bureau de Montréal pour transiger avec la Bourse et ils seraient assujettis à la réglementation de la Commission des valeurs mobilières du Québec.
Pour ce qui est de la façon d'appliquer les diverses lois et exemptions, vous constaterez qu'avec la mise en place de bourses nationales, les réglementations provinciales s'aligneront, mais sans être nécessairement identiques. Les entreprises inscrites dans nos bourses canadiennes peuvent émettre des actions dans n'importe quelle province, mais aussi dans n'importe quel pays. Par exemple, ces entreprises pourront émettre des actions en Suisse selon la réglementation suisse et il ne sera pas nécessaire que les règles en vigueur en Alberta ou au Québec soient les mêmes qu'en Suisse. Les bourses peuvent se conformer aux lois différentes en vigueur dans les divers pays, comme elles le font maintenant. Je crois qu'il y a des entreprises de toutes les provinces qui sont inscrites à la Bourse de Toronto, mais la réglementation diffère d'une province à l'autre. Ce n'est vraiment pas un problème.
Quant à ce qui se passe à Montréal, d'autres ont dû vous en parler, mais l'idée d'avoir au Canada une bourse des produits dérivés de calibre international est très enthousiasmante. Selon moi, c'est l'un des principaux avantages des propositions actuelles.
Le sénateur Angus: Je voudrais aborder dans un instant la question du marché des produits dérivés, mais j'ai d'abord une autre question à vous poser. J'ai du mal à envisager le processus de transition. Pour revenir au Régime d'épargne-action du Québec, si j'ai bien compris, pour que les investisseurs d'une petite entreprise bénéficient de ce genre d'incitatif, il faut que les actions soient cotées à Montréal. Je trouve encourageant de vous entendre dire que la nouvelle bourse nationale des petites entreprises pourra accueillir un groupe composite de petites entreprises assujetties à des règles différentes, mais il reste à voir comment les choses se passeront. Peut-être pouvez-vous nous en dire plus. Tout semble très clair à vos yeux.
M. Hess: Je ne peux pas répondre à cela, mais cette règle est certainement entrée en vigueur lorsqu'il y avait une bourse à Montréal et il serait facile pour le gouvernement du Québec d'en changer le libellé en mentionnant une bourse reconnue du Québec plutôt que la Bourse de Montréal. Nous devrons apporter le même genre de changements de notre côté.
Le sénateur Angus: Je voudrais poser une autre question concernant la différence entre la bourse senior et la nouvelle bourse junior. Comme vous le savez, il y a eu une véritable révolution dans la régie interne des grandes entreprises publiques à la suite des lignes directrices émises par la Bourse de Toronto à la lumière du rapport Dey.
J'ai constaté qu'il était très coûteux pour les nouvelles entreprises de se conformer aux mêmes règles de régie que les grandes entreprises lorsqu'elles étaient en train de démarrer. La nouvelle bourse va-t-elle imposer des conditions moins strictes?
M. Hess: Premièrement, les organismes de réglementation -- et cela comprend les bourses -- n'imposent pas de normes. Nous laissons le marché décider. Vous divulguez ce que vous faites et les investisseurs peuvent décider d'investir ou non dans une entreprise d'après ce qu'ils savent de sa régie interne. Les nouvelles entreprises vont se concurrencer entre elles pour obtenir l'argent des investisseurs et ce sera la même chose pour les grandes entreprises. Si la divulgation permet aux investisseurs d'évaluer les risques, je ne pense pas que les organismes de réglementation auront à imposer des normes comme celles que recommande la Bourse de Toronto.
Le sénateur Angus: De nombreux témoins nous ont dit qu'effectivement on aurait tort d'imposer le genre de règles qu'envisagent les lignes directrices. Cela dit, selon vous, la nouvelle bourse aura-t-elle des lignes directrices similaires mais qui seront peut-être adaptées aux petites ou nouvelles entreprises?
M. Hyndman: Il est possible qu'elle établisse une politique. En fait, les bourses junior n'ont pas actuellement de lignes directrices pour la régie interne qui se comparent à celles de la Bourse de Toronto. La régie interne pose parfois un problème pour les jeunes entreprises, mais vous avez raison de dire que les normes qu'envisage le rapport Dey manquent totalement de réalisme pour la petite entreprise qui démarre. La question qui se pose pour la nouvelle bourse des petites entreprises ou même pour les bourses existantes est de savoir s'il vaut la peine d'établir une version moins stricte de ces lignes directrices, une version adaptée aux petites entreprises. Ce ne sera probablement pas une priorité. Il y a beaucoup à faire pour créer cette nouvelle bourse. C'est toutefois une chose qui pourrait venir ultérieurement.
Le sénateur Angus: Le sujet m'intéresse parce que je constate qu'en ce qui concerne la confiance des investisseurs et la possibilité de diriger des capitaux vers les nouvelles entreprises, on craint que les initiés n'accaparent davantage d'actions qu'ils ne le devraient. Y a-t-il en réalité une seule réunion du conseil d'administration?
C'est un des domaines dans lesquels des gens comme vous pourraient créer le climat propice pour diriger les capitaux vers les petites entreprises.
M. Hyndman: Ce que nous avons surtout cherché à faire, au cours des années, en ce qui concerne les jeunes entreprises, du moins au sein de notre Commission, est de relever les normes d'imputabilité pour les dirigeants, non pas en émettant des lignes directrices, mais en leur demandant simplement de rendre compte de l'exercice des obligations que leur confère déjà la loi en tant que dirigeants d'une entreprise publique. Nous avons, par le passé tenu des audiences à l'occasion desquelles les dirigeants de certaines entreprises se sont rencontrés pour la première fois.
En prenant diverses mesures, nous avons essayé de faire comprendre aux gens que s'ils deviennent dirigeants d'une entreprise publique, cela leur confère des responsabilités envers l'entreprise et ses actionnaires et qu'ils doivent rendre compte de l'exercice de ces responsabilités.
Je crois que c'est la meilleure façon de résoudre ce problème.
Dans nos formulaires de divulgation, nous exigeons maintenant que les dirigeants d'une entreprise qui font un placement initial de titres divulguent le nom des entreprises publiques dans lesquelles ils ont joué un rôle par le passé afin que les investisseurs puissent voir s'ils ont déjà été mêlés à des entreprises qui ont mal tourné ou s'ils ont fait l'objet de sanctions disciplinaires. Cela aide les investisseurs à décider s'il est prudent de leur confier leur argent.
Le sénateur Angus: Dans le cadre de la modernisation de nos bourses, que pensez-vous de la création d'une bourse numérique au Canada? On parle beaucoup d'Internet dans les journaux et les gens essaient de se familiariser avec Internet. Que pensez-vous du principe d'une bourse numérique, surtout pour les petites entreprises?
M. Hyndman: Je ne vois pas exactement ce que vous entendez par «bourse numérique».
Le président: Je crois qu'il veut parler d'une «bourse virtuelle».
M. Hyndman: Les bourses existantes, du moins celles de Vancouver, Calgary et Toronto, ont toutes éliminé leur parquet. Elles sont entièrement électroniques. Voulez-vous parler d'un marché où l'investisseur pourra transiger directement avec d'autres investisseurs par Internet?
Le sénateur Angus: Oui, c'est ce que je voulais dire.
M. Hyndman: Cela présente beaucoup de risques pour l'investisseur et de nombreux défis pour les organismes de réglementation. Nous ne pouvons pas écarter cette possibilité étant donné que cela se réalisera probablement sous une forme ou sous une autre, que cela nous plaise ou non, et en tant qu'organisme de réglementation, nous essayons de nous y préparer.
Dans mon exposé, j'ai parlé de la nécessité d'éduquer les investisseurs. Nous devons veiller, de plus en plus, à ce qu'ils soient armés des outils voulus pour pouvoir comprendre dans quoi ils s'aventurent au lieu de limiter les choses qu'ils peuvent faire, car c'est de plus en plus difficile. Il se peut que les transactions sur Internet se développent à l'avenir, mais nous voulons nous assurer que, lorsqu'ils s'aventureront sur ce marché, les investisseurs sauront qu'ils s'exposent à des risques qu'ils ne courraient pas dans un environnement plus réglementé.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Hess, j'ai une question à poser au sujet des sociétés de capital de risque de travailleurs, dont on se sert beaucoup, je crois, en Colombie-Britannique, pour lever des capitaux, mais pas en Alberta. Selon vous, monsieur Hess, pourquoi l'Alberta ne s'en sert-il pas?
M. Hess: Je regrette de ne pas connaître la réponse à cette question, mais je dirais que je n'en suis pas particulièrement mécontent. Cela me ramène à ce que j'ai dit au sujet d'un effet de distorsion sur les décisions des investisseurs.
Le sénateur Callbeck: Vous avez mentionné le fonds commun de capitaux pour jeunes entreprises. Avez-vous dit que les actions pouvaient être échangées à la bourse?
M. Hess: Oui. Il s'agit de permettre à une nouvelle entreprise qui démarre de disposer de liquidités dès le premier jour. Autrement dit, si vous avez une idée, vous pouvez lancer une entreprise. Vous disposez d'une monnaie d'échange, autrement dit, d'actions qui sont négociables, sinon immédiatement, au bout d'un certain temps, plutôt que des actions que vous pouvez acquérir, mais sans jamais pouvoir les vendre. Quelle est la valeur inhérente d'une action si vous ne pouvez pas la vendre un jour? Cela règle donc le problème des liquidités dès le premier jour et c'est pourquoi ce programme a eu un tel succès.
Le sénateur Callbeck: Quel serait votre rôle, en tant qu'organisme de réglementation, vis-à-vis des entreprises dans lesquelles l'argent est investi?
M. Hess: Elles deviennent des sociétés publiques et notre supervision, en ce qui concerne la divulgation, est donc la même que pour toute société publique. Autrement dit, les normes de divulgation auxquelles elles doivent satisfaire sont plus élevées que pour les entreprises privées. C'est ce qui leur permet de disposer de liquidités étant donné que c'est sur la foi des renseignements divulgués que les gens peuvent transiger les actions.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Hyndman, vous avez dit je crois qu'en Colombie-Britannique vous avez établi un fonds de capital de risque semblable au fonds commun de capitaux pour jeunes entreprises. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Hyndman: Il s'agit du fonds commun de capital de risque de la Bourse de Vancouver. Ce programme est très semblable à celui que M. Hess vient de décrire. En fait, un promoteur ou un groupe de gens créent une entreprise qu'ils inscrivent avant qu'elle n'ait de véritable activité commerciale. Ils sont ensuite en mesure d'acquérir des activités commerciales. Lorsqu'ils émettent des titres publics, ils annoncent souvent qu'ils recherchent une entreprise dans le domaine des ressources naturelles, de l'électronique, ou autre. Ils vont ensuite chercher une nouvelle entreprise prometteuse qu'ils intègrent dans la société publique. Comme l'a dit M. Hess, leurs actions sont alors négociables immédiatement ou après une certaine période.
Le sénateur Callbeck: C'est donc très semblable au fonds commun de capitaux pour jeunes entreprises?
M. Hyndman: Absolument.
Le sénateur Kelleher: L'une des raisons pour lesquelles nous faisons cette étude est que tout le monde semble dire aujourd'hui qu'il n'y a pas d'argent disponible pour ceux qui veulent lancer des entreprises. Je ne suis pas enclin à l'accepter totalement. Je crois qu'il y a de l'argent, mais l'un des problèmes est que ceux qui veulent obtenir cet argent pour leur entreprise ne savent pas comment y avoir accès. Ils ne savent pas où s'adresser.
Vous avez mentionné que vous aviez mis sur pied des programmes de formation pour la préparation de plans d'affaires et ce genre de choses afin d'éduquer les personnes à la recherche de cet argent. Cela me paraît intéressant. Premièrement, reconnaissez-vous qu'il s'agit là d'un sérieux problème? Deuxièmement, quel est le résultat de vos programmes de formation? Sont-ils accessibles à tous? Croyez-vous qu'ils donnent de bons résultats?
M. Hyndman: Je dois préciser que les programmes de formation dont je parlais s'adressent aux investisseurs et aux émetteurs plutôt qu'aux personnes qui cherchent à lever des capitaux. Ils visent à enseigner aux investisseurs comment évaluer une entreprise et où obtenir des conseils. Cela dit, nous sommes désireux de faire plus. Nous n'avons pas fait grand-chose dans ce domaine et nous voudrions faire plus pour aider les entreprises à comprendre la marche à suivre pour lever des capitaux et les obligations qui sont les leurs une fois qu'elles ont obtenu ces capitaux.
Je ne peux pas vous dire quels sont les résultats de ce programme étant donné que nous n'avons pas encore fait grand-chose dans ce domaine, mais je suis d'accord avec vous pour dire que ce serait nécessaire. Je conviens également avec vous qu'il y a beaucoup d'argent qui circule et qu'en général les émetteurs ne savent pas comment y avoir accès ou n'ont pas de plan d'affaires bien pensé sur lequel un investisseur sera prêt à miser de l'argent. C'est pourquoi, quand vous parlez aux investisseurs institutionnels des sociétés de capital de risque, le problème n'est pas qu'il y ait trop d'entreprises qui ont besoin d'argent, mais plutôt qu'ils ont du mal à trouver des jeunes entreprises solides disposant d'un bon plan d'affaires et d'une bonne gestion dans lesquelles investir leur argent.
C'est sur ce plan qu'il faudrait apporter de l'aide. C'est pour la gestion, la préparation des plans d'affaires ou l'établissement d'un concept commercial. En tant qu'organisme de réglementation, nous ne pouvons pas aller très loin dans cette voie, à part informer les entreprises de la façon dont elles doivent se conformer à nos normes de réglementation et de se lancer sur le marché des capitaux. Pour ce qui est de la gestion, de la préparation d'un plan d'affaires, et les questions de ce genre, ce sont sans doute des choses sur lesquelles nos établissements d'enseignement publics ou privés devraient insister davantage, car c'est là que se situe la principale lacune dans le secteur de la petite entreprise au Canada.
Le sénateur Kelleher: Pensez-vous que vous pourriez jouer avec succès le rôle de catalyseur en essayant d'amener les établissements d'enseignement à faire quelque chose dans ce domaine, en leur expliquant que cela pose un problème et que ce genre de programme est nécessaire? Est-ce une question que les autorités de réglementation de la Colombie-Britannique et de l'Alberta pourraient examiner?
M. Hyndman: Je devrais laisser mon collègue, M. Hess, vous répondre, car il a fait plus dans ce domaine avec l'Alberta Capital Markets Foundation.
M. Hess: Premièrement, sénateur, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il semble y avoir une bonne quantité de capitaux disponibles pour les entreprises risquées. Peut-être y en aurait-il plus si la fiscalité ne pénalisait pas autant le capital de risque, mais c'est une autre question.
Le problème est certainement dû en partie au fait que les chefs d'entreprise ne savent pas comment obtenir des capitaux et un problème tout aussi important est qu'ils se lancent parfois trop tôt sur le marché public. Les difficultés que nous avons eues avec certaines de ces nouvelles entreprises étaient dues au fait qu'elles n'avaient pas un bon plan d'affaires et qu'elles se sont lancées sur le marché public en même temps qu'elles recherchaient ce genre de capitaux.
Comme je l'ai déjà dit, l'Alberta Capital Markets Foundation a été créée dans le but d'aider les chefs d'entreprise dans ce domaine. Ce rôle n'incombe pas nécessairement aux commissions des valeurs mobilières, mais nous sommes autofinancés par l'entremise d'excellents marchés et nous avons décidé de consacrer une partie de nos réserves à mettre sur pied cette fondation, en collaboration avec la Bourse de l'Alberta. Le processus ne fait que commencer. La Fondation reçoit ses premières demandes. Elle est censée travailler avec le secteur privé et compléter ses activités.
Par exemple, si un établissement d'enseignement veut mettre sur pied un cours à la disposition des chefs d'entreprise, la Fondation financera la préparation du cours. Toutefois, elle ne paiera pas pour que les chefs d'entreprise puissent le suivre et le cours devra s'autofinancer avec le temps.
Elle effectue également de la recherche. Elle peut engager un membre de la faculté d'administration pour voir quels sont les programmes actuellement disponibles et comment s'en prévaloir. Je crois que c'est une façon très prometteuse de résoudre le problème de la formation de petites entreprises sans fausser les décisions des investisseurs en leur accordant des incitatifs.
M. Hyndman: Un autre programme qui existe en Colombie-Britannique depuis plusieurs années se rapporte à la question de la régie interne qui a été soulevée plus tôt. L'Université Simon Fraser offre, dans son campus du centre-ville de Vancouver, une série de programmes à l'intention des dirigeants et des administrateurs, surtout ceux des nouvelles entreprises. On leur enseigne à organiser et administrer une société publique et on les informe des obligations qu'ils assument en émettant des titres publics. Je suppose que plusieurs milliers de personnes ont déjà suivi ce programme et qu'il a permis aux dirigeants des jeunes entreprises de mieux comprendre le fonctionnement et la réglementation des marchés des capitaux.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous parlez d'éduquer les chefs d'entreprise. Qu'en est-il de la formation des investisseurs? Lorsque les télécommunications ont été déréglementées au Canada, très peu d'investisseurs étaient prêts à investir leur argent dans ce genre d'entreprises. Certaines entreprises Internet ont eu beaucoup de difficulté à trouver de l'argent, mais maintenant, elles en sont inondées. C'est la même chose pour les applications informatiques et la biotechnologie.
Les investisseurs ne font pas suffisamment de recherches pour être en mesure d'évaluer la technologie, d'examiner le marché et de voir où s'intègre cette technologie. Vous pouvez avoir le plan d'affaires le meilleur qui soit, cela n'y changera rien. Je peux vous signaler plusieurs exemples où cela ne donne pas de résultats. Les gens sont là, mais ils ont l'air stupide, parce qu'ils ne comprennent pas. Il faudrait qu'ils fassent davantage de travail préparatoire.
Dans votre domaine, avez-vous des mécanismes qui vous permettent d'éduquer ces investisseurs?
M. Hyndman: Ce n'est pas vraiment une chose que nous pouvons faire en tant qu'organisme de réglementation des valeurs mobilières. Vous parlez d'éduquer les investisseurs institutionnels pour qu'ils sachent trouver les bons endroits où investir leur argent. Je ne suis pas certain que nous possédions les compétences voulues ou que ce soit notre rôle.
Cela nous ramène à la question dont nous avons parlé tout à l'heure à propos des entreprises qui vont s'inscrire au Nasdaq, en partie parce que les investisseurs institutionnels des États-Unis sont davantage tournés vers les entreprises de haute technologie. Dans le secteur des valeurs mobilières des États-Unis, vous avez davantage de gens qui savent comment analyser ces entreprises et qui peuvent produire des rapports de recherche. Il s'agit seulement de veiller à ce que les marchés canadiens des capitaux puissent en faire autant. Ce secteur n'a peut-être pas été assez important pour que ces entreprises centrent leur attention sur lui. Au cours des années, nous avons surtout mis l'accent sur les industries extractives et peut-être faudrait-il que nous fassions la transition. J'espère que la création d'une bourse nationale de capital de risque y contribuera. En fait, nos marchés des capitaux doivent passer par un processus de maturation. Je ne pense pas que les commissions de valeurs mobilières puissent les aider sur ce plan.
Le sénateur Hervieux-Payette: Peut-être devrez-vous assumer un nouveau rôle, car je prévois pour l'avenir des fonds de plus en plus énormes et de moins en moins d'investisseurs privés, autrement dit de gens ordinaires qui ont besoin d'être protégés par une réglementation et des organismes comme le vôtre.
Peut-être pourriez-vous me donner des chiffres concernant vos bourses. Quelle est l'importance des grands fonds par rapport aux investisseurs privés? Le partage se fait-il dans une proportion d'environ 80-20?
M. Hyndman: En ce qui concerne le marché des capitaux pour les jeunes entreprises, je crois que la proportion d'investisseurs privés est beaucoup plus élevée que sur le marché de Toronto, par exemple. J'ignore quels sont les chiffres actuels, mais je suis certain que plus de la moitié des transactions sont faites par des investisseurs privés.
Le président: Monsieur Hess, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Est-ce une des raisons pour lesquelles un grand nombre des actions transigées dans les bourses de Vancouver et de l'Alberta ne sont pas des actions de bonne qualité? Le problème se situe-t-il à ce niveau?
M. Hess: C'est la raison pour laquelle le pourcentage d'investisseurs institutionnels est moins élevé. Une partie de ces actions sont de bonne qualité, mais d'autres ne présentent pas d'intérêt pour les institutions. Dans la mesure où les entreprises prendront de l'importance, elles se feront davantage remarquer.
Quant à la question qui a été soulevée, il est certain que, jusqu'ici, les actions canadiennes en général se situaient dans le secteur des ressources et c'est le secteur auquel les analystes se sont intéressés. Toutefois, au fur et à mesure que nous ouvrons nos marchés et que nous suscitons davantage l'intérêt des institutions, en laissant entrer les fonds étrangers et les courtiers étrangers, ces derniers apporteront avec eux leurs connaissances dans certains des secteurs de pointe et je m'attends à ce que la concurrence incite nos courtiers locaux à s'y intéresser davantage. À Calgary, il est naturel que les gens investissent dans des actions pétrolières et gazières et on commence seulement à s'intéresser à l'ensemble de la situation.
Le président: Dans vos déclarations liminaires, vous avez tous les deux souligné l'importance de ce que vous avez appelé «l'éducation des investisseurs». Cela me paraît étonnant. Je voudrais comprendre. Est-ce parce que vous pensez avoir l'obligation morale d'informer les acheteurs ou pensez-vous que l'éducation des investisseurs soit nécessaire pour attirer davantage d'épargnants dans votre marché? Autrement dit, pour le moment, les gens pensent-ils que vos deux bourses sont trop risquées ou ne les connaissent-ils pas assez?
Pour quelle raison accordez-vous tous les deux une telle priorité à l'éducation des investisseurs?
M. Hyndman: C'est sans doute pour ces deux raisons, mais surtout la première. Au cours des années, les commissions des valeurs mobilières ont été chargées de protéger les investisseurs contre les pratiques déloyales ou frauduleuses des participants du marché. Avec le développement d'Internet et l'ouverture des marchés au niveau international, il nous est difficile de le faire en contrôlant le genre de produits offerts aux investisseurs ou le genre de personnes avec qui ils peuvent transiger. Il devient beaucoup plus important que l'investisseur soit au courant des risques du marché, des possibilités qu'il offre, des endroits où s'adresser pour obtenir des renseignements ou des conseils, et cetera.
Si nous éduquons les investisseurs, si nous leur faisons mieux comprendre comment fonctionnent les marchés et la réglementation, où ils doivent obtenir de l'aide et des conseils, nous les protégerons contre les activités frauduleuses et cela rendra notre surveillance plus facile en plus de rehausser le niveau de confiance du marché. Les investisseurs auront ainsi davantage confiance et pourront investir. Les deux aspects me paraissent importants.
M. Hess: Je suis d'accord. Nous avons l'obligation de protéger les investisseurs, mais c'est ce qui rend un marché équitable et efficace. Les investisseurs avertis sont la meilleure défense contre la fraude. Si nous réduisons l'incidence des fraudes, davantage de gens seront prêts à investir. Les deux vont de pair.
Le président: Vous avez tous les deux souligné le fait que les organismes et les investisseurs de votre région connaissent bien le secteur des ressources naturelles, c'est-à-dire le pétrole et le gaz dans un cas et les ressources naturelles en général, dans l'autre. Qu'est-ce qui vous permet de croire que vous possédez les compétences requises pour gérer un programme national de capitaux de risque pour l'ensemble des petites entreprises?
Autrement dit, si nous décidions de diviser le marché canadien, cela pourrait se faire en fonction du secteur. Par exemple, toutes les transactions du secteur des ressources naturelles se feraient dans l'Ouest et toutes celles du secteur de la fabrication, dans l'Est.
Premièrement, pensez-vous avoir des difficultés à obtenir les compétences requises pour gérer un marché de petites entreprises de tous les secteurs? Deuxièmement, comment allez-vous faire connaître votre nouvelle bouse aux investisseurs de l'Est qui n'ont pas l'habitude de considérer les bourses de l'Ouest comme un endroit où investir leur argent?
M. Hyndman: Je dois préciser que nous n'allons pas administrer la bourse. La bourse va s'administrer elle-même sous notre supervision.
Le président: C'est exact.
M. Hyndman: Même si l'Alberta s'intéresse surtout au pétrole et au gaz et Vancouver au secteur minier, il y a un bon nombre d'actions d'autres secteurs qui sont cotées, surtout dans le secteur de la technologie de pointe, des services informatiques, électroniques, et cetera.
Le président: Pourriez-vous me donner un pourcentage? J'ai l'impression que c'est sans doute 90-10 ou 80-20. Suis-je loin du compte?
M. Hyndman: Je dirais qu'à Vancouver, les secteurs autres que les ressources naturelles représentent plutôt 30 p. 100. Je ne connais pas le chiffre pour l'Alberta.
Le président: Monsieur Hess, quel serait le chiffre pour l'Alberta?
M. Hess: J'examine les statistiques que la Bourse m'a fournies. En 1997, 145 inscriptions étaient des fonds communs de capitaux pour jeunes entreprises et n'entraient donc pas dans une catégorie particulière. Pour l'industrie il y avait 31 inscriptions; pour le pétrole et le gaz, 30 et pour le secteur minier, 13. La plupart des fonds communs de capitaux pour jeunes entreprises se situent dans le secteur pétrolier et gazier.
Quant aux principales transactions faites par ces fonds communs, en 1998, 4 p. 100 d'entre elles se situaient au Québec. Je ne pense pas que c'était entièrement dans le secteur pétrolier et gazier.
Le président: Cela m'étonne beaucoup, et à en juger par la tête que font mes collègues autour de la table, cela les étonne également. Nous n'aurions jamais pensé que le pétrole et le gaz ne dominaient pas la Bourse de l'Alberta.
M. Hess: Cela représente la plus forte proportion.
Pour répondre à la première partie de votre question, je tiens à vous rappeler comment se répartissent les responsabilités en ce qui concerne la réglementation. Pour ce qui est de la réglementation des transactions à la bourse junior, M. Hyndman et moi-même ainsi que nos organismes les réglementeront tout comme l'Ontario réglementera les transactions à la Bourse de Toronto et la CVMQ réglementera les transactions à la bourse des produits dérivés.
La réglementation des entreprises est quelque peu différente. Selon le système réciproque dont nous vous avons parlé, c'est l'organisme de réglementation du lieu d'origine qui réglemente l'entreprise. Quant aux transactions des membres, la bourse les réglemente sous la supervision de M. Hyndman et moi-même, mais une entreprise de Montréal sera réglementée par la commission du Québec, comme c'est le cas actuellement.
Le président: Étant donné que les investisseurs du centre du pays connaissent relativement mal les bourses de l'Ouest ou n'y pensent pas beaucoup, comment allez-vous changer cela ou pensez-vous que le simple fait de modifier les structures y remédiera?
M. Hyndman: Les bourses espèrent sans doute que les courtiers, le grand nombre de maisons de courage établies dans l'Est, s'intéresseront davantage au marché junior.
Toutes les grandes maisons de courtage sont actuellement membres de toutes les bourses, mais elles sont peu actives sur le marché junior. C'est le cas par exemple des maisons de courtage nationales qui appartiennent à des banques. Si le projet va de l'avant, la bourse junior les incitera à participer davantage à ce marché et à y diriger un plus grand nombre de leurs clients de l'Est du pays.
Le président: Monsieur Hess, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Hess: Ce qui me vient à l'esprit c'est que c'est une question de taille. Si vous êtes un courtier de Toronto ou de Montréal et que vos clients ont un portefeuille diversifié, ils détiendront quelques titres dans le marché junior. Cela dépend de leur profil de risque. Il est toutefois nécessaire d'examiner plusieurs écrans différents étant donné que c'est un marché fragmenté alors qu'ici tout est regroupé. Ce sera plus facile et comme le marché sera plus grand, un plus grand pourcentage de l'actif de leurs clients y sera investi. Et je crois que l'industrie va favoriser cela.
Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir. C'était aimable de votre part. C'est la deuxième ou la troisième fois que nous faisons appel à vous depuis un an et je suis certain que nous aurons d'autres questions dont nous voudrons discuter avec vous au cours de l'année.
La séance est levée.