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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

A.  Survol du contexte économique
B.   Objectif : favoriser le contrôle, par des Canadiens, des institutions clés du secteur des services financiers
C.   Objectif : établir un cadre de saine concurrence dans le secteur des services financiers
D.   Objectif : assurer la fiabilité, la solidité et l’intégrité du système financier canadien
E.   Objectif : permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées et les protéger contre les pratiques commerciales abusives
F.   Objectif : remplir les responsabilités d’intendance des institutions financières


    CHAPITRE SIX

    Une vision du secteur des services financiers de demain

  1. Au chapitre 4, le Comité a énoncé les cinq objectifs que les politiques gouvernementales touchant les institutions financières devraient, selon lui, tenter de réaliser. L’Annexe du rapport renferme les analyses détaillées des recommandations du Groupe de travail auxquelles le Comité s’est livré, ainsi que ses conclusions et ses recommandations quant aux changements requis aux politiques gouvernementales qui régissent actuellement les institutions financières. Dans le présent chapitre, nous précisons l’effet que les recommandations du Comité auraient, globalement, sur chacun des cinq objectifs. Nous présentons donc ici notre conception du secteur des services financiers de demain.

  2. Avant d’aborder chacun des cinq objectifs, le Comité rappelle brièvement le contexte international dans lequel la réforme des services financiers se réalisera.

  3. A. Survol du contexte économique

  4. En 1990, le système capitaliste du libre marché était la théorie dominante sur laquelle reposaient les politiques économiques gouvernementales. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 a été perçu comme le triomphe de l’ouverture des marchés et de la déréglementation sur les économies internes et internationales dirigées.

  5. Le monde entier s’est rué vers la déréglementation et l’ouverture des marchés internes à la discipline de la concurrence internationale. Cela s’est accompagné d’une forte réduction des mécanismes de contrôle des mouvements internationaux de capitaux. L’Organisation mondiale du commerce a été créée en 1995 pour administrer un système d’accords commerciaux destiné à éliminer les entraves au commerce international de biens et de services. La mondialisation est devenue le mot à la mode des années 1990 pour décrire l’interpénétration des marchés mondiaux.

  6. De graves problèmes ont toutefois surgi sur les marchés financiers mondiaux. Des crises cambiaires ont frappé l’Europe de l’Ouest en 1992 et 1993. En 1994-1995, le Mexique a été plongé dans des crises bancaires et monétaires. Des problèmes semblables se sont produits en Asie de l’Est en 1997-1998, puis en Russie et en Amérique latine en août 1998. Le Japon, aux prises avec une crise bancaire depuis plusieurs années, cherche toujours une solution.

  7. Les grands principes de la théorie du libre marché associée à Hayek et Friedman sont remis en question. Il faudrait, selon certains, réexaminer soigneusement l’importance attachée au libre-échange, à la déréglementation et à la privatisation. La concurrence débridée sur le marché privé peut produire des résultats socialement inacceptables. Les économistes du Fonds monétaire international continuent de privilégier la libéralisation du compte de capital, mais ils se heurtent à de l’opposition.

  8. D’éminents économistes, comme Stiglitz, l’économiste en chef de la Banque mondiale, mettent en doute, dans la tradition de Keynes qui nous a donné une rationalisation théorique de l’instabilité des marchés financiers — qui découlerait essentiellement du grégarisme des courtiers en valeurs —, la déréglementation des mouvements de capital à court terme. Stiglitz fait valoir que le fait de laisser les capitaux à court terme entrer et sortir librement des économies nationales peut exacerber l’instabilité du système financier international.

  9. Dans un discours prononcé lors du Forum asiatique sur le développement, en mars, il affirmait :

  10. Les théories habituelles sur l’efficacité des marchés compétitifs prennent pour acquise l’information parfaite. Le problème vient de ce que les marchés financiers sont fondamentalement différents des autres marchés et que l’information y est encore moins parfaite. S’ils sont laissés à eux-mêmes, les marchés financiers ne deviendront ni diversifiés, ni efficaces, ni robustes.

  11. Même le FMI, pourtant partisan de la libéralisation des capitaux, reconnaît qu’il y a lieu de restreindre les mouvements de capitaux à court terme dans les pays dotés de systèmes financiers faibles. Un secteur financier solide, assorti d’un régime vigoureux de surveillance et de réglementation, est d’une importance critique pour laisser les capitaux entrer et sortir librement.

  12. Une chose a changé radicalement depuis 10 ans : la montée massive des liquidités internationales. Les avoirs financiers transfrontaliers et la hausse des transactions et des flux de capitaux internationaux exposent les institutions financières à beaucoup plus de risques que dans le passé. L’expérience récente des fonds de placements spéculatifs fait clairement ressortir que les grandes institutions financières mondiales, pourtant «aguerries», ne sont pas à l’abri d’erreurs graves qui pourraient avoir à l’avenir, selon certains, de graves conséquences pour la stabilité des systèmes mondiaux.

  13. Les organismes de réglementation des institutions financières du monde entier continuent de chercher à parer aux problèmes actuels des institutions financières. L’amélioration des normes en matière de suffisance du capital et des mécanismes de contrôle des mouvements de capitaux fait partie des solutions à l’étude.

  14. Quel est le rapport avec la réforme actuelle des mesures législatives et réglementaires qui régiront le secteur canadien des services financiers sous réglementation fédérale ? L’économie canadienne étant ouverte, les capitaux peuvent entrer et sortir relativement librement du pays, tout comme les produits et services. Ces mouvements exposent nos institutions financières, et par conséquent l’ensemble de l’économie, à des risques constants.

  15. Le P.-D.G. d’une compagnie d’assurance-vie décrivait ainsi la situation à laquelle fait face l’industrie des services financiers en général, et sa branche d’activité en particulier :

  16. Premièrement, les pressions en faveur du changement demeurent aussi fortes, et la taille des institutions financières de par le monde connaît une croissance géométrique. Deuxièmement, le Canada ne peut se cacher le fait qu'il y a consolidation dans l'industrie des services financiers.

  17. La consolidation tient à deux facteurs. Il y a trop de joueurs présents à une époque où le marché des produits d’assurance-vie classiques décline, alors que les entreprises établies dans le domaine font face à de nouveaux concurrents non traditionnels, particulièrement dans le domaine de l'accumulation de la richesse. Les fonds communs de placement et les banques sont de gros joueurs dans le domaine en question.

  18. Dans le contexte, je crois que le cadre de réglementation qui est actuellement à l'étude devrait servir à encourager et à favoriser la plus grande liberté de choix et la plus grande innovation possible. Une liberté de choix marquée par la prudence certes, mais une liberté de choix tout de même.

  19. Il est prudent et nécessaire de protéger l'intérêt public légitime, particulièrement quand il s'agit de s'assurer que nous disposons d'entreprises financières qui sont fortes et concurrentielles. Il est également nécessaire que le cadre de réglementation reconnaisse et serve à encourager la liberté de choix en garantissant que les règles d'engagement ne sont pas inutilement bureaucratiques, restrictives ou lourdes. (David Nield, 2 novembre 1998)

  20. Le Canada est muni d’un solide secteur des services financiers et d’un robuste régime réglementaire pour en assurer la surveillance. Cela lui a permis de surmonter de graves crises financières internationales. Cet atout doit être maintenu.

  21. S’il est important d’encourager la concurrence et l’innovation dans ce secteur, il importe également de ne pas oublier que le secteur des services financiers est le pivot de l’économie canadienne. Le processus de réforme doit donc produire des institutions financières aussi solides dans un régime réglementaire doté des pouvoirs et des ressources nécessaires pour maintenir cette vigueur.

  22. B. Objectif : favoriser le contrôle, par des Canadiens, des institutions clés du secteur des services financiers

  23. Pour décrire le secteur des services financiers que le Comité entrevoit pour le Canada, nous commencerons par dépeindre l’effet de ses recommandations sur l’objectif de contrôle canadien. Comme il est mentionné au chapitre 4, les cinq objectifs sont importants et ne sont pas classés par ordre de priorité.

  24. Le Comité commence toutefois par l’objectif de contrôle canadien parce que ce dernier a des répercussions sur les quatre autres objectifs, en particulier sur celui qui consiste à établir un cadre de saine concurrence. Il est important, pour bien comprendre la conception qu’a le Comité du secteur des services canadiens de demain, de connaître en premier lieu sa position en matière de propriété.

  25. Nous examinerons d’abord dans cette partie les règles de propriété dans le contexte de la démutualisation.

  26.  

    Démutualisation

  27. Comme il l’a déjà fait dans des rapports antérieurs, le Comité souscrit entièrement au projet de démutualisation des mutuelles d’assurance-vie canadiennes. Il croit également que, comme le précise déjà l’ébauche de règlements gouvernementaux sur la démutualisation, il faudrait empêcher que les mutuelles nouvellement transformées en sociétés par actions fassent l’objet d’une fusion ou d’une offre publique d’achat pendant trois ans, que la fusion ou la prise de contrôle proposée soit considérée comme sauvage ou amicale.

  28. De l’avis du Comité, la démutualisation, qui permettra aux mutuelles d’assurance d’accéder aux marchés des actions au même titre que les sociétés par actions cotées en bourse, consolidera les sociétés touchées. Pour ces dernières, accéder plus facilement au marché des actions est un facteur important pour ce qui est de leurs objectifs commerciaux et donc pour les consommateurs.

  29. La démutualisation est également dans l’intérêt des souscripteurs, en particulier des quelques deux millions de souscripteurs qui auront droit de recevoir des actions lorsque leur mutuelle sera transformée en société par actions. L’avantage que présente la démutualisation pour les consommateurs est également considérable, car les sociétés d’assurances démutualisées pourront, grâce à un meilleur accès au capital, améliorer la qualité et la gamme de produits qu’elles offrent.

  30. Le Comité regrette que le gouvernement n’ait pas fait avancer le dossier de la démutualisation plus rapidement. Nous espérons que les choses changeront.

  31.  

    Trois tailles de sociétés

  32. Le Comité convient avec le Groupe de travail que toutes les sociétés d’assurance-vie, les banques et les sociétés de fiducie devraient être régies par un ensemble commun de règles en matière de propriété. Il estime également que ces règles de propriété devraient varier en fonction de la taille de l’institution, selon que cette dernière est petite, moyenne ou grande.

  33. Dans le Rapport du Groupe de travail, les petites institutions regroupent les institutions dont l’avoir des actionnaires est inférieur à un milliard de dollars, les moyennes, celles dont l’avoir des actionnaires se situe entre 1 et 5 milliards de dollars et les grandes, celles dont l’avoir des actionnaires est supérieur à 5 milliards de dollars.

  34. Le Comité n’a pas été en mesure de décider si ces seuils de 1 et de 5 milliards de dollars constituent des critères valables pour définir chaque catégorie. Le Rapport du Groupe de travail ne présente aucun argument convaincant pour justifier ces seuils, et aucun témoin n’a présenté de donnée probante sur la question au cours des audiences.

  35. Le Comité estime donc que, avant de prévoir de façon précise la taille de chaque catégorie dans un texte législatif, il est impératif que le gouvernement effectue une analyse qui permette de montrer les répercussions des diverses définitions de la taille sur le secteur de l’assurance-vie et sur les institutions de dépôt. Dans les descriptions qui suivent, nous faisons donc simplement référence aux petites, moyennes et grandes institutions.

  36. Il serait également bon, au cours de l’analyse, d’envisager d’autres critères que l’avoir des actionnaires pour déterminer la taille de l’institution. Par exemple, il se peut fort bien que la part de marché (ou le volume des dépôts des particuliers pour les institutions de dépôt et des primes annuelles pour les sociétés d’assurance-vie) constituent un critère plus approprié de la taille de l’institution.

  37.  

    Régimes de propriété

  38. Le Comité estime qu’il faudrait permettre que les petites institutions aient un capital fermé, qu’elles puissent appartenir entièrement à une personne ou une société, et que leurs propriétaires ne soient pas forcément canadiens.

  39. Le Comité convient avec le Groupe de travail qu’il devrait être obligatoire pour les institutions de taille moyenne d’avoir au moins 35 p. 100 de leurs actions avec droit de vote réparties dans le public et cotées en bourse.

  40. Comme le Groupe de travail, le Comité juge que les plus grandes institutions financières devraient être tenues d’avoir un capital largement réparti. Toutefois, selon notre définition d'une large répartition du capital, aucun actionnaire, seul ou agissant de concert avec d’autres, ne devrait contrôler plus de 20 p. 100 des actions avec droit de vote ni détenir une participation de plus de 30 p. 100.

  41. La définition de large répartition du capital qu’a choisie le Comité s’éloigne donc de la situation actuelle, et ce à deux égards. Premièrement, le pourcentage actuel, à savoir 10 p. 100, est porté à 20 p. 100. Deuxièmement, propriété et contrôle sont deux notions distinctes.

  42. Pour le Comité, même si les règles actuelles, la proposition du Groupe de travail et sa propre proposition exigent toutes, sous une forme ou sous une autre, une large répartition du capital, sa proposition présente les avantages suivants :

  43.     •Elle permet une souplesse accrue en matière de fusions et d'acquisitions, comme l’explique dans le détail le Rapport du Groupe de travail.

  44.     •Des actionnaires ayant un pourcentage plus important de capital social (20 p. 100) auraient tendance à suivre de plus près le rendement de la gestion et à tirer avantage des règles de comptabilisation à la valeur de consolidation, et cela aurait pour effet de renforcer la responsabilité de la gestion vis-à-vis du conseil d’administration.

  45.     •Si un actionnaire peut détenir jusqu’à 30 p. 100 du capital, il est en fait possible d’utiliser les actions sans droit de vote s’il faut plus de 20 p. 100 pour mener à bien une fusion ou une acquisition.

  46.     •Elle élimine le recours excessif au pouvoir discrétionnaire du ministre des Finances que recommande le Groupe de travail. Néanmoins, le ministre des Finances devra approuver au préalable toute participation de plus de 10 p. 100 en tenant compte de l’attitude de l’actionnaire ou du groupe d’actionnaires, comme c’est le cas dans la législation actuelle.

  47.  

    Protection des droits acquis

  48. Les sociétés existantes devraient bénéficier de la protection des droits acquis. Cela signifie qu’elles devraient être autorisées à conserver leur régime de propriété tant qu’elles restent dans la même catégorie d’institutions, quelle que soit celle-ci. D’autre part, seuls les propriétaires actuels devraient être autorisés à exercer l’ensemble des pouvoirs accordés aux autres membres de cette catégorie, quel que soit leur régime de propriété.

  49. Lorsqu’une institution prend un essor tel qu’elle passe dans une catégorie supérieure à celle où elle se trouvait au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles règles et qu’elle est contrainte d’avoir plus d’actions en circulation, elle doit respecter toutes les exigences en matière de régime de propriété qui s’appliquent à la catégorie dans laquelle elle se trouve désormais. Cette institution devrait toutefois disposer de cinq années pour effectuer la transition.

  50. Si, d’autre part, une institution reste dans la même catégorie que maintenant, la protection des droits acquis prend fin lorsqu’elle est vendue. Elle doit alors répondre aux conditions établies pour la catégorie dont l’acquéreur fait partie.

  51. Le Comité reconnaît que le système présentera des anomalies. La tâche des décideurs consiste à respecter l’esprit des changements de politique sans créer d’injustices inacceptables dans le système. Les institutions exemptées doivent peser les avantages nets que leur apporte cette exemption par rapport à ce qu’elles gagneraient à s’en soustraire. Les recommandations du Comité trouvent ici un bon équilibre.

  52.  

    Interdiction de fusions intersectorielles entre grandes institutions

  53. Le Comité recommande que les grandes banques et les grosses sociétés d’assurance-vie ne puissent pas s’acquérir entre elles. Cette recommandation ne procède pas d’un désir de revenir aux piliers bien distincts qui existaient dans le secteur financier avant la politique de 1992. En fait, compte tenu des produits et services que les sociétés d’assurance-vie et les banques offriront dans un proche avenir, le Comité entrevoit un nouvel amenuisement de cette distinction. La partie suivante de ce chapitre l’explique en détail.

  54. Le Comité formule plutôt cette recommandation parce qu’il craint que, si les grosses sociétés d’assurance-vie et les grandes banques fusionnaient, la concentration de trop de pouvoir économique en trop peu de mains n’en résulte. L’idée de réduire le nombre de grandes institutions dans le secteur financier à quatre ou cinq ne lui plaît guère. Le Comité estime que, dans une société pluraliste, la présence d’une multitude de décideurs puissants est essentielle.

  55. De plus, le fait de permettre une concentration excessive dans toute la gamme de services financiers pourrait occasionner un niveau inacceptable de risque systémique et créer les conditions du problème du risque moral que posent les entreprises trop grandes pour faire faillite.

  56. Les changements de politique concernant les services financiers instaurés en 1992 ont rapidement conduit à la quasi élimination des sociétés de fiducie indépendantes; de même, le secteur indépendant des courtiers en valeurs mobilières a été rapidement dominé par les banques, après 1987, date à laquelle le gouvernement ontarien a levé les restrictions relatives aux placements auprès de courtiers en valeurs mobilières effectués par d’autres institutions financières. Il ne faudrait pas que la même chose se produise dans le secteur de l’assurance-vie.

  57. Cela ne signifie pas que les banques ne devraient pas être autorisées à acheter des petites sociétés d’assurance-vie, ce qu’elles peuvent faire actuellement, ni que les sociétés d’assurances ne doivent pas être autorisées à acheter de petites banques. Pour l’instant, seule une société d’assurances à capital largement réparti peut acheter une banque de l’annexe 2, tandis que, dans la proposition du Comité, toute société d’assurances pourrait détenir une petite banque. La recommandation du Comité signifie simplement que les grandes institutions ne devraient pas pouvoir acheter d’autres grandes institutions d’un autre secteur.

  58. Cette recommandation ne devrait pas entraver fortement l’évolution future des grandes institutions. Tous les présidents-directeurs généraux des services financiers qui se sont présentés devant le Comité ont déclaré que leur principal intérêt était de se regrouper au sein de leur propre secteur plutôt que de procéder à un regroupement intersectoriel. Ils ont affirmé en termes très clairs que c’est un regroupement au sein de chaque secteur qui permettra de réaliser les plus grands gains en efficience et économies de coût, et non les fusions intersectorielles.

  59.  

    Conclusion

  60. Le Comité juge essentielle sa recommandation d’interdire les fusions intersectorielles entres grandes institutions pour éviter, en maintenant au Canada un nombre raisonnable de grandes sociétés de services financiers, le problème d’une trop forte concentration du pouvoir économique en trop peu de mains.

  61. Le Comité estime aussi que les recommandations formulées dans cette partie de son Rapport offrent plus de souplesse que celles du Groupe de travail, en laissant planer moins d’incertitude. Comme elles risqueraient de créer une situation irréversible, l’interdiction des fusions intersectorielles entre grandes institutions n’est pas le moindre des nombreux éléments qui contribuent à cette souplesse. Si ce genre de fusions était autorisé, certaines institutions pourraient atteindre par ailleurs une taille et une portée telles qu’elles entreraient dans la catégorie des banques trop grandes pour faire faillite. La proposition du Comité élimine ainsi ce problème de risque moral en cas de fusions d’institutions intersectorielles.

  62. La proposition du Comité offre également davantage de certitude aux entreprises dont la stratégie est de croître par fusions ou acquisitions, car elle élimine les propositions complexes du Groupe de travail qui font appel au pouvoir discrétionnaire du ministre.

  63. Nos recommandations contribueraient aussi à réaliser l’objectif de contrôle canadien. Le Comité rappelle toutefois (voir le chapitre 2) que le traitement national des services financiers prévu dans l’ALÉNA interdit de faire une distinction entre Américains et Canadiens dans les politiques qui régissent le régime de propriété. Il s’ensuit donc que, même dans les sociétés à capital largement réparti, des étrangers pourraient détenir la majorité des actions avec droit de vote.

  64. Le Comité soulève un dernier point pour ce qui est du régime de propriété. Il sait bien qu’il peut arriver à l’avenir qu’une société se trouve en difficulté financière et qu’il faille prendre des mesures extraordinaires pour empêcher sa faillite. Dans de telles circonstances, le ministre des Finances aurait le pouvoir de passer outre aux règles en matière de régime de propriété pour régler le problème de la façon la plus efficace possible.

  65. C. Objectif : établir un cadre de saine concurrence dans le secteur des services financiers

  66. Compte tenu de la politique de propriété énoncée à la partie B du chapitre 6, nous décrirons maintenant la structure du secteur des services financiers à laquelle aboutiraient les recommandations du Comité et nous tenterons de montrer comment celle-ci permettra une saine concurrence dans l’ensemble du secteur.

  67.  

    Structure du marché

  68. Le marché se composera d’un petit nombre de grandes banques et de sociétés d’assurance-vie indépendantes qui seront toutes des sociétés ouvertes.

  69. Il y aura aussi sans doute un nombre relativement petit de banques et de sociétés d’assurances de taille moyenne dont au moins 35 p. 100 des actions seront cotées en bourse. Certaines proviendront d’entreprises existantes (p. ex. Canada Trust, et La Mutuelle) et les autres seront simplement des petites sociétés qui auront grandi. Dans certains cas des intérêts étrangers dispersés pourraient détenir jusqu’à 65 p. 100 des actions d’une société de ce groupe.

  70. Il y aura aussi, on l’espère, un petit nombre de petites sociétés (les sociétés de second niveau dont il est question au chapitre 4) actives dans le domaine de l’assurance-vie et des services bancaires.

  71. Il existe déjà, dans le secteur de l’assurance-vie, un second niveau vigoureux qui compte une centaine d’entreprises. Le Comité prévoit que la consolidation amorcée ces dernières années va se poursuivre, mais qu’il y aura encore pendant de nombreuses années un second niveau vigoureux dans ce secteur.

  72. Pour ce qui est du secteur des institutions de dépôt, si l’on fait abstraction des coopératives de crédit, il n’existe qu’une poignée d’entreprises de second niveau (p. ex., Banque canadienne de l’Ouest, Banque Laurentienne). Il faudra manifestement adopter des politiques audacieuses si l’on veut que des institutions de dépôt du second niveau prennent leur essor.

  73. Le Comité espère que les recommandations du Groupe de travail visant à permettre au mouvement coopératif de créer une ou plusieurs banques communautaires aboutiront rapidement à la création d’une institution nationale capable de concurrencer presque immédiatement les grandes banques. En effet, une telle expansion des coopératives de crédit permettrait d’accroître la prestation de services financiers, en particulier dans les petites villes et dans les collectivités rurales. Cette évolution du mouvement des coopératives de crédit ne pourra se faire rapidement qu’à la condition que les fonctionnaires du ministère des Finances et du BSIF confèrent un caractère prioritaire à l’élaboration des politiques requises et à l’harmonisation fédérale-provinciale.

  74. Le renforcement du mouvement des coopératives de crédit sera certes positif et constructif, mais il faut se garder de surestimer ses répercussions sur l’équilibre de la concurrence dans le secteur bancaire, particulièrement à court terme (voir les commentaires détaillés à ce sujet au chapitre 5).

  75. Le Comité recommande plusieurs mesures destinées à encourager la création de nouvelles petites banques et à pousser les institutions de dépôt actuelles à offrir une plus vive concurrence aux grandes banques. Il préconise notamment :

  76.     •des petites sociétés fermées;

  77.     •l’accès au système de paiements, avec les mesures de sûreté appropriées, pour les prestataires de services financiers comme les courtiers en valeurs, les sociétés d’assurance-vie et les fonds communs de placement du marché monétaire;

  78.     •l’accès à un réseau entièrement fonctionnel de guichets bancaires automatiques par tous les consommateurs et par toutes les institutions financières pour des services qui peuvent être rendus par l'intermédiaire de réseaux de guichets bancaires automatiques, sans occasionner de craintes excessives de sécurité, ce qui favoriserait le lancement de nouveaux services et augmenterait grandement le nombre de succursales électroniques de chaque institution;

  79.     •une supervision plus étroite des sociétés à capital fermé sur le plan des conflits d’intérêt, des opérations avec apparentés et de la régie interne, sans les assujettir à certaines des dispositions de surveillance plus onéreuses conçues plus particulièrement pour les grandes institutions;

  80.     •l’élimination de l’impôt sur le capital pour les sociétés de services financiers; et

  81.     •l’abaissement des plafonds de capital requis pour créer de petites institutions financières.

  82. Le Comité estime par ailleurs qu’il faudrait chercher des moyens de contrecarrer les avantages des grandes banques sur le plan administratif, comme en matière de traitement des chèques, afin que la concurrence avec les petites institutions de dépôt puisse davantage se concentrer sur les services à la clientèle. Pour bien asseoir la concurrence en matière de services bancaires de base, les entreprises les plus petites auraient intérêt à élaborer, entre elles, des alliances stratégiques ou à demander à des fournisseurs extérieurs de remplir les services administratifs. Cela augmentera l'efficacité des institutions qui reçoivent des dépôts et facilitera l'entrée de nouvelles entreprises dans une industrie où les barrières naturelles sont très difficiles à surmonter.

  83. Le succès des nouvelles petites sociétés d’assurance-vie et institutions de dépôt dépendra de leur aptitude à occuper les créneaux que les grandes banques ne peuvent ou ne veulent pas servir. En effet, celles-ci n’ont pas la souplesse nécessaire pour offrir des produits ou des services adaptés à un tout petit marché ou à un marché hautement spécialisé. Le Comité estime que de petites entreprises, qui ne cherchent pas à offrir un vaste éventail de services à une clientèle très large, sont capables de développer des spécialités et de réaliser des économies qui leur permettront de prospérer à partir d’une clientèle relativement petite ou spécialisée.

  84. Le Comité admet que la création de nouvelles petites entreprises dans le secteur des institutions de dépôt va ajouter un certain degré de risque dans le secteur des services financiers. Il ne pense cependant pas que ce risque additionnel est exagéré, en particulier du fait que l’on pourra éviter une partie du risque systémique puisque les dépôts de toutes les nouvelles entreprises seront assurés par la SADC. Le Comité estime en outre que le passif éventuel associé à ce risque accru est plus que compensé par les avantages potentiels de l’accroissement de la concurrence suscité par ces nouvelles entreprises pour le secteur des institutions de dépôt et donc pour les consommateurs.

  85. Il ne faut cependant pas s’attendre que les nouvelles politiques conçues pour encourager l’arrivée de nouveaux joueurs sur le marché produisent des résultats instantanés sur le plan de la concurrence. Comme on l’a vu au chapitre 5, le Comité prévoit qu’il faudra environ trois ans pour que cette concurrence accrue s’exerce pleinement et de façon efficace.

  86. Le marché devrait aussi compter un plus grand nombre de banques étrangères, dont l’entrée au Canada sera facilitée par la politique sur les succursales bancaires élaborée initialement par le Comité dans son rapport de 1996 intitulé Éliminer les obstacles à l’entrée des banques étrangères, et appuyée par les recommandations contenues dans le Rapport du Groupe de travail.

  87. Selon le Comité, il ne faut pas s’attendre à une augmentation sensible du nombre des banques étrangères présentes sur le marché des services financiers de détail. À l’exception de la Banque Hongkong du Canada, aucune des institutions étrangères qui ont comparu devant le Comité ne semble particulièrement intéressée à offrir des services de détail au Canada. Elles voudraient en revanche accroître leurs activités de gros et de crédit aux entreprises. Il importerait donc de mettre en oeuvre rapidement les propositions relatives aux succursales de banques étrangères.

  88. Le marché comportera aussi un nombre accru d’entreprises spécialisées. Certaines, comme la Wells Fargo, qui se concentre sur le crédit aux petites entreprises sans produits ou services connexes, viseront un segment précis du marché. D’autres offriront un produit unique à une grande échelle, comme les cartes de crédit de la MBNA et de Capital One ou les produits hypothécaires de Countrywide Mortgage. Certains créneaux seront aussi occupés par des entreprises canadiennes, dont certaines existent déjà (p. ex. la Banque des Premières Nations, Newcourt).

  89. Par ailleurs, le Comité éprouve certaines inquiétudes du fait que la Wells Fargo a structuré ses activités au Canada de manière à éviter d’être considérée comme une société «qui exerce son activité commerciale au Canada». Il y a manifestement quelque chose qui cloche dans un système législatif qui permet à une entreprise d’offrir des prêts aux petites entreprises dans l’ensemble du Canada sans même répondre à la définition juridique d’une entreprise «qui exerce son activité commerciale au Canada». En particulier, rien ne garantit que l’on pourra atteindre l’objectif de la protection des consommateurs si le gouvernement n’intervient pas.

  90. Le Comité n’a rien contre le produit que la Wells Fargo offre aux petites entreprises canadiennes, mais l’exemple de cette entreprise illustre l’intégration croissante du marché nord-américain des services financiers et témoigne de la nécessité de mieux harmoniser les politiques canadiennes et américaines. Le Comité estime qu’une telle uniformisation susciterait davantage d’innovations et la création de produits nouveaux offerts aux Canadiens. Elle permettrait aussi d’éviter à l’avenir des situations comme celle de la Wells Fargo, dont la structure permet d’éviter de payer l’impôt au Canada, bien plus élevé que l’impôt qui frappe les banques américaines.

  91. Les recommandations du Groupe de travail obligent les institutions étrangères à se soumettre volontairement à la supervision de leurs activités au Canada par les autorités canadiennes. Cependant, aucun organisme de réglementation canadien n'a de pouvoir contre une entreprise étrangère qui choisit de ne pas se plier aux directives canadiennes. Comme la majorité des entreprises étrangères de services financiers seront probablement américaines, le Comité croit que le gouvernement doit collaborer avec les autorités américaines pour élaborer une politique conjointe à l’égard d’entreprises de service transfrontalier comme la Wells Fargo.

  92. Le Comité recommande que, à court terme, le gouvernement élabore une proposition concrète à soumettre aux autorités américaines au sujet des prestataires de services financiers étrangers. Cette politique devrait permettre au Canada et aux États-Unis de forcer les institutions qui offrent des services financiers dans les deux pays à respecter les règles et les règlements des deux pays, même si elles n’ont pas de présence physique dans le pays où elles sont actives.

  93. Une fois cette politique établie pour l’Amérique du Nord, il faudrait l’étendre sur une base bilatérale, multilatérale ou mondiale aux autres pays dont des ressortissants souhaiteraient lancer des entreprises de services financiers au Canada.

  94. Enfin, le marché comprendra aussi des entreprises non réglementées, comme Newcourt et GE Capital, qui offriront des services financiers spécialisés que les institutions financières canadiennes n’offrent pas. Dans certains cas, les institutions financières canadiennes n’offrent pas ces services parce qu’elles ne possèdent pas l’expertise nécessaire pour réussir dans le créneau en question.

  95. Si les sociétés réglementées souhaitent concurrencer les entreprises de services financiers non réglementées, elles devraient être libres de le faire. Le Comité souscrit donc à la recommandation du Groupe de travail visant à permettre aux entreprises réglementées d’établir des sociétés de portefeuille de services financiers réglementées avec des filiales réglementées et des sociétés affiliées non réglementées.

  96. Le Comité estime qu’il n’y a pas lieu de restreindre les formes d’organisation des institutions financières, à moins que la nécessité ne s’en fasse clairement sentir pour des raisons de fiabilité et de solidité.

  97. En outre, l’élimination de l’impôt sur le capital des banques fera disparaître, si le gouvernement donne suite à la recommandation du Comité, un des grands avantages concurrentiels des entreprises non réglementées.

  98.  

    Accès au système de paiements et aux guichets automatiques

  99. Le Comité souscrit à la recommandation du Groupe de travail voulant que le réseau Interac devienne aussi fonctionnel que le permet la technologie actuelle et permette notamment d’effectuer des dépôts dans toute institution de dépôt participante au moyen d’un guichet automatique. À elle seule, cette mesure augmentera énormément le nombre des «succursales» dont dispose chaque institution de dépôt. Elle aurait aussi pour effet de stimuler la concurrence presque immédiatement, dès la mise en oeuvre de la pleine fonctionnalité.

  100. Le Comité recommande également qu’un certain nombre d’intermédiaires (les sociétés d’assurance-vie, les fonds communs de placement du marché monétaire et les courtiers en valeurs) aient accès au système de paiements. À terme, les sociétés d’assurances pourraient ainsi faire vraiment concurrence aux banques dans leurs activités bancaires essentielles.

  101. Cette conclusion repose sur le fait que les sociétés d’assurance-vie versent actuellement à leurs clients quelque 35 milliards de dollars par an. Le Comité a appris que les sociétés d’assurances voudraient mettre la main sur une part de ces déboursés annuels sous la forme de dépôts de leurs clients. Actuellement, ces paiements vont généralement des sociétés d’assurances aux banques de leurs clients. Il s’ensuit que l’industrie de l’assurance perd des clients de longue date au profit des banques à charte.

  102. L’accès direct des sociétés d'assurances au système de paiements et au réseau Interac leur permettrait d’offrir à leurs clients un accès à leurs fonds en dépôt. Les clients des sociétés d'assurances pourraient avoir accès à ces fonds au moyen de cartes de débit, de cartes de guichets automatiques bancaires, ou de toute autre forme de bordereau négociable de retrait (comparable à un chèque bancaire). De cette façon, les sociétés d’assurances pourraient commencer à offrir aux particuliers une alternative pour certains services bancaires de base, ce qui accroîtrait la concurrence dans le secteur des services financiers.

  103. On peut penser que si les sociétés d'assurances commencent à réunir des dépôts comme on l'a indiqué ci-dessus, elles vont devoir chercher des actifs qui correspondent à l'échéance de ce type de passif-dépôts. On pourrait donc s'attendre à ce que les sociétés d'assurance-vie commencent à s'intéresser à prêter de l'argent à leurs clients (au-delà du financement d’hypothèques actuel) et à prêter aux petites et moyennes entreprises (en dehors de l’acquisition de titres sous la forme de placements privés comme elles le font maintenant).

  104. Si les sociétés d’assurances ne pouvaient récupérer, sous forme de dépôts, que 10 p. 100 de leurs déboursés annuels, en 10 ans, leurs «dépôts» totaliseraient au moins 35 milliards de dollars. À titre de comparaison, les dépôts de particuliers détenus par les banques s’élevaient à quelque 66 milliards en 1997.

  105. À terme, les activités des sociétés d’assurances et des banques commenceraient à se chevaucher bien au-delà de leurs activités actuelles de gestion de patrimoine.

  106. Si les sociétés d’assurances deviennent actives dans le secteur de la prise de dépôts, ces dépôts doivent être assurés de la même manière que les dépôts détenus dans les banques. Le Comité estime que le principe de base doit être que des instruments identiques soient traités de manière identique, du point de vue de la protection des consommateurs. C’est l’instrument financier détenu par le consommateur qui est assuré contre l’insolvabilité éventuelle de l’institution émettrice, et non pas l’institution qui est assurée contre l’insolvabilité. Il importe de définir clairement ce qui constitue un dépôt assurable de façon à n'accorder le même traitement qu’à des «instruments assimilables».

  107. Le Comité estime que le secteur de l’assurance-vie pourrait fort bien devenir une nouvelle source crédible de concurrence pour les banques en matière de services bancaires de base lorsqu’il aura accès à un système de paiements et à un réseau de guichets automatiques pleinement fonctionnels.

  108.  

    Vente au détail d’assurances incendie, accidents, risques divers

  109. Les banques et les sociétés d’assurance-vie visent surtout à fournir des services financiers, de gestion du patrimoine et d’investissement.

  110. Le Comité estime que l’assurance incendie, accidents et risques divers (IARD), qui est essentiellement un «pur produit de protection contre le risque», ne rend pas les mêmes services. Cette catégorie d’assurance ne présente aucune des caractéristiques de gestion du patrimoine ou d’investissement que comporte l’assurance-vie. Le Comité en arrive donc à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de modifier les règles actuelles qui, tout en permettant aux banques de détenir une compagnie d’assurances IARD, leur interdisent de vendre ce type d’assurance dans leurs succursales.

  111.  

    Pouvoirs : Offre de crédit-bail automobile par les banques

  112. La seule justification à des modifications législatives permettant aux institutions de dépôt de se lancer dans le crédit-bail automobile serait qu’un tel changement de politique avantage les consommateurs. Actuellement, les institutions de dépôt sont autorisées à faire de la location-bail de toutes sortes de véhicules, sauf des automobiles. Il est évident que si de nouvelles institutions étaient autorisées à faire du crédit-bail automobile, la concurrence augmenterait sur ce marché. Mais encore faudrait-il, pour avantager les consommateurs, que cette concurrence accrue se traduise par une baisse des prix de location.

  113. Le Comité reconnaît qu’il est impossible de garantir une baisse des prix, même si la concurrence s’intensifie. Le poids de la preuve dont dispose le Comité en cette matière porte toutefois à croire qu’une concurrence accrue entraînerait une baisse des prix sur le marché du crédit-bail.

  114. Les faits suivants sont à prendre en considération :

  115.     •Dans son rapport annuel de 1997, la General Motors rapporte que la baisse des recettes au titre des ventes au détail et de la location de voitures sur le marché américain et sur le marché international entre 1996 et 1997 était imputable aux pressions de la concurrence sur le marché.

  116.     •Le Canada est le seul grand pays industrialisé où les banques ne sont pas autorisées à faire du crédit-bail automobile.

  117.     •Lorsque les banques ont attaqué le marché hypothécaire et celui des fonds communs de placement, la concurrence sur ces marchés s’est intensifiée.

  118. Tout cela porte à croire qu’il serait dans l’intérêt des consommateurs de permettre aux institutions de dépôt de se lancer sur le marché du crédit-bail automobile, car cela se traduirait, pour eux, par un niveau de concurrence plus élevé.

  119. Le défi pour le Comité était de trouver un moyen d’énoncer une politique qui permettrait aux banques de s’engager sur le marché du crédit-bail automobile sans exposer les concessionnaires d’automobiles à une concurrence déloyale.

  120. Il fallait pour cela parer aux principales inquiétudes des concessionnaires automobiles avant d’apporter tout changement aux politiques en matière de crédit-bail automobile. La solution adoptée doit donc empêcher les institutions de dépôt de court-circuiter les concessionnaires en permettant d'acheter des automobiles directement au fabricant selon des modalités de crédit-bail ou de conclure une entente d’approvisionnement exclusive avec un gros concessionnaire au détriment des petits concessionnaires. Elle doit aussi limiter la fonction des institutions de dépôt exclusivement à la prestation d’un service financier, le financement de baux financiers en l’occurrence, et ne pas leur permettre de négocier le prix d’achat d’une automobile directement ou indirectement avec le client, ou de se lancer dans la vente d’automobiles neuves ou d’occasion.

  121. En ce qui concerne le détail du fonctionnement des mécanismes de crédit-bail automobile des institutions de dépôt, le Comité croit possible d’élaborer une politique qui réponde à toutes les préoccupations des concessionnaires d’automobiles. Selon le Comité, le consommateur devrait pouvoir acheter un véhicule ou prendre des arrangements de crédit-bail chez le concessionnaire de leur choix. Dans leurs rapports avec le consommateur dans le contexte du crédit-bail automobile, les institutions de dépôt :

  122.     •ne devraient pas pouvoir, en tant que bailleur, imposer des conditions relatives à l’identité ou à l’emplacement du vendeur du véhicule. Cela veut dire que les baux financiers des institutions de dépôt seront offerts par le biais des concessionnaires et que les consommateurs devraient pouvoir négocier ces contrats de crédit-bail chez le concessionnaire de leur choix;

  123.     •ne devraient pas pouvoir conclure des ententes stratégiques avec des concessionnaires ou des constructeurs d’automobiles en vue d’offrir leurs produits en exclusivité. Cela veut donc dire qu’elles ne pourront pas court-circuiter un concessionnaire en particulier ou empêcher celui-ci d’offrir les mêmes produits que ses concurrents; et

  124.     •ne pourront pas agir comme mandataires du vendeur ou de l’acheteur du véhicule. Ainsi, les institutions de dépôt ne devraient pas pouvoir conclure des ententes leur permettant d'acheter ou de vendre des automobiles pour le compte d’un consommateur ou d’un concessionnaire.

  125. Les concessionnaires ont aussi exprimé des inquiétudes au sujet d'éventuels conflits d’intérêts pour les banques qui, tout en assurant le financement, entreraient en compétition avec eux et leurs programmes de crédit-bail. Il y a lieu de rappeler à cet égard que les concessionnaires ne sont pas limités aux banques pour combler leurs besoins financiers. Toute une gamme d’autres sources de financement (sociétés de fiducie, coopératives de crédit, sociétés d’assurances et compagnies de financement) s’offrent à eux. On pourrait aussi faire valoir que la relation entre les compagnies de financement des fabricants et les concessionnaires est comparable à celle envisagée, car ces compagnies les financent, tout en leur faisant concurrence en matière de conditions de baux et de financement.

  126. Les fabricants et les concessionnaires d’automobiles ont aussi affirmé que l’entrée des banques sur le marché du crédit-bail nuirait sensiblement à la rentabilité des compagnies de financement des fabricants, réduisant ainsi leur aptitude à servir de prêteurs de dernier ressort aux concessionnaires qui desservent un marché à faible intensité et à ceux dont la cote de crédit est marginale, surtout en période de repli économique. Certains concessionnaires pourraient ainsi, a-t-on laissé entendre, se faire évincer du marché. Les compagnies de financement des fabricants sont toutefois poussées à continuer de financer les concessionnaires pour maintenir leurs réseaux de distribution. Il n’a pas été démontré, par ailleurs, que la participation des banques affaiblirait les compagnies de financement des fabricants, compte tenu surtout des vastes ressources de leur société-mère.

  127. Le choix se résume donc à adopter une ligne de conduite qui, selon les témoignages entendus par le Comité, avantagerait les consommateurs par une réduction des prix, ou à maintenir le statu quo. En limitant la concurrence des compagnies de financement des fabricants (surtout en dehors du Canada), cette dernière option permettrait à celles-ci de continuer à demander des prix plus élevés qu’aux États-Unis.

  128. Devant un tel choix, le Comité recommande d’autoriser les banques à faire du crédit-bail automobile dans des conditions qui répondent aux inquiétudes des concessionnaires d’automobiles. Ces conditions obligeront les banques à s’en tenir strictement à fournir un service financier, et ne leur permettront donc pas de se lancer dans la vente d’automobiles neuves ou d’occasion.

  129.  

    Vente au détail d’assurance-vie

  130. Contrairement à l’assurance IARD, l’assurance-vie est un service de gestion du patrimoine. La logique voudrait donc que les banques soient autorisées à vendre des produits d’assurance-vie dans leurs succursales.

  131. Les recommandations du Comité comportent cependant des changements notables pour l’industrie de l’assurance-vie d’ici un an ou deux, surtout à la suite de la démutualisation et de leur accès au système de paiements. Le Comité croit que l’industrie de l’assurance-vie aura besoin de temps pour s’adapter à ces changements avant de faire face à une nouvelle concurrence de la part des banques, si celles-ci sont autorisées à vendre des produits d’assurance-vie dans leurs succursales. Il lui faudra notamment du temps pour mettre au point de nouveaux produits qui offrent plus de choix aux consommateurs. Le Comité croit probable, comme nous l’avons vu, que bon nombre de ces nouveaux produits feront partie des services bancaires de base.

  132. Une fois la période d’adaptation terminée, le passif-dépôts des sociétés d’assurance-vie (expliqué plus haut sous la rubrique «Accès au système de paiements») devrait être garanti par la SADC; il faudrait aussi envisager, en même temps, d’uniformiser les règles du jeu et d’éliminer en pratique la distinction entre banques et sociétés d’assurance-vie en permettant aux premières de vendre de l’assurance-vie dans leurs succursales. Il faudrait, entre-temps, maintenir l’interdiction faite aux banques de vendre de l’assurance-vie dans leurs succursales.

  133. Il existe toutefois une catégorie de produits d’assurance-vie que l’on devrait permettre aux banques d’offrir immédiatement. Il s’agit des rentes viagères, que les banques devraient pouvoir offrir à leurs clients dont le REÉR arrive à maturité (c.-à-d. lorsque le titulaire du régime décide de le convertir en un fonds de revenu de retraite ou y est contraint par les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu). Les banques ne devraient être autorisées à proposer ces produits qu’aux clients qui détiennent un REÉR chez elles, et seulement au moment où ce REÉR arrive à maturité. Les banques pourraient alors, mais pas avant, faire l’une des trois choses suivantes :

  134.     •offrir une rente viagère à versements à son client;

  135.     •transférer le dossier du client à un agent, un courtier ou une société d’assurances, pour conclure la transaction avec le client; ou

  136.     •renvoyer le client à un agent, un courtier ou une société d’assurances de son choix pour conclure la transaction.

  137. Cette proposition serait plus commode pour les consommateurs; les gens qui détiennent un REÉR dans une banque pourraient acheter des rentes viagères dans l’une de ses succursales, au lieu de devoir prendre contact avec une société d’assurance-vie, un agent ou un courtier.

  138. Les choix s’en trouveraient aussi accrus pour répondre aux besoins des personnes âgées en matière d’épargne-retraite. Les groupes de défense des consommateurs ont fait valoir, dans le passé, que les personnes âgées pourraient avoir du mal à établir des rapports avec des agents d’assurance avec lesquels ils n’ont encore jamais traité. Les rentes viagères, dont la vente est actuellement interdite aux banques, constituent donc un instrument financier auquel les consommateurs n’ont pas eu suffisamment accès.

  139. Cette proposition ouvre aussi la porte à des prix plus compétitifs. Le prix d’achat d’une rente viagère sera peut-être moindre pour le client d’une banque qui y détient un REÉR s’il continue de traiter avec le même groupe de sociétés.

  140. Le Comité reconnaît que sa proposition aura un impact restreint sur les courtiers et agents d’assurance-vie. Les travaux de recherche réalisés par le Groupe de travail révèlent toutefois une tendance à la vente de certains produits commerciaux comme les polices d’assurance temporaire et les rentes viagères par des canaux de distribution moins onéreux que les agents de carrière. La proposition va donc dans le sens de la transformation actuelle du système traditionnel des agents d’assurance-vie en un réseau davantage axé sur la prestation de conseils.

  141. Cette proposition va aussi dans le sens de ce qui se produit ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, par exemple, au moins cinq grandes sociétés canadiennes d’assurance-vie offrent actuellement des rentes viagères par le biais de banques américaines.

  142. Le Comité croit que cette proposition a aussi l’avantage de constituer un ballon d’essai qui permettra d’acquérir une expérience concrète des marchés et d’entrevoir l’impact que pourrait avoir le fait d’autoriser les banques à vendre de l’assurance-vie au détail si un tel changement de politique était apporté dans trois ans.

  143.  

    Renforcer la concurrence par l’uniformisation

  144. Le Comité appuie trois propositions du Rapport du Groupe de travail visant à renforcer la concurrence par l’uniformisation :

  145.     •réviser les principes comptables canadiens relatifs à l’amortissement d’un écart d’acquisition lors des fusions et des prises de contrôle d’entreprises afin de les rendre comparables à ceux des États-Unis;

  146.     •éliminer les retenues fiscales sur les intérêts versés à l’égard d’emprunts sans lien de dépendance auprès d’institutions financières étrangères; et

  147.     •éliminer les impôts sur le capital pour faciliter le démarrage des petites institutions financières et les mettre davantage sur un pied d’égalité avec les institutions financières non réglementées.

  148.  

    Conclusion

  149. Le Comité s’est fondé sur les principes suivants pour élaborer ses recommandations visant à créer un cadre de saine concurrence :

  150.     •Tout changement proposé aux politiques doit concorder avec l’idée d’élargir le choix de produits et de services aux consommateurs, et contribuer à accroître l’efficacité et la commodité.

  151.     •C’est avant tout dans le secteur traditionnel des activités bancaires essentielles que le besoin de nouveaux concurrents se fait sentir.

  152.     •Les nouvelles politiques ne doivent comporter qu’un risque contrôlable pour le fonds d’assurance-dépôts et les consommateurs. Il ne faudrait pas non plus laisser un niveau de risque excessif menacer la stabilité des marchés financiers.

  153.     •À cause des incertitudes qui entourent l’évolution du marché des services financiers, les politiques doivent laisser une certaine souplesse, tant aux entreprises qu’aux gouvernements, pour leur permettre de réagir efficacement à l’avenir.

  154.     •Comme les divergences entre ce qui ont longtemps été des formes bien distinctes d’institutions financières s’estompent sous l’effet de l’innovation et de la déréglementation, le Comité croit enfin que le gouvernement devrait envisager de rationaliser les diverses mesures législatives et réglementaires qui régissent ces institutions en une seule loi sur les fournisseurs de services financiers. Selon lui, la fusion de toute la réglementation des services financiers en une seule mesure législative répondra aux besoins du secteur à un moment où les distinctions entre produits et institutions s’atténuent, et facilitera la prestation de nouveaux services financiers tant par les fournisseurs traditionnels que par les nouveaux joueurs.

  155.  

    D. Objectif : assurer la fiabilité, la solidité et l’intégrité du système financier canadien

    Le mandat et la saine gestion du BSIF

  156. L’objectif primordial du Comité en matière de politiques gouvernementales est d’assurer la fiabilité et la solidité des institutions financières. C’est pourquoi, le Comité s’oppose vivement aux recommandations du Groupe de travail visant à réviser le mandat du BSIF de manière à le charger de trouver un équilibre entre les facteurs de la concurrence et de l’innovation d’une part, et les exigences en matière de fiabilité et de solidité d’autre part. Le Comité estime qu’un tel changement pourrait ajouter des risques inutiles au système financier.

  157. C’est pourquoi le Comité s’oppose également à l’expansion du mandat du BSIF de manière à englober la protection des consommateurs. Il estime que les organismes provinciaux de réglementation du commerce des valeurs mobilières et l’ombudsman des services financiers, dont nous parlerons à la partie E, peuvent s’acquitter adéquatement de cette fonction. Cette partie fera aussi ressortir la nécessité de revoir les pouvoirs d’exécution de la mesure législative sur la protection du consommateur.

  158. À l’égard du mandat du BSIF, le Comité préconise, comme il l’a fait dans le passé, de regrouper les pouvoirs de réglementation concernant la fiabilité et la solidité au sein de cet organisme au lieu de les partager, comme c’est le cas maintenant, entre le BSIF et la SADC (qui fait en réalité double emploi).

  159. Le Comité appuie aussi la recommandation visant à doter le BSIF d’un conseil d’administration. Cette recommandation du Groupe de travail est identique à celle que le Comité faisait dans un rapport récent intitulé Étude comparative spéciale sur la réglementation des services financiers. Le Comité recommandait dans ce rapport que les deux tiers des membres du conseil d’administration soient indépendants du gouvernement et des organismes d’État.

  160. Risque réglementaire

  161. Le Comité juge excellent le régime réglementaire canadien des institutions financières fédérales. Cela n’exclut toutefois pas la possibilité de faillite. Le Comité a déjà réitéré maintes fois qu’un système financier réglementé au point de rendre toute faillite impossible ne peut que désavantager les consommateurs. Un tel système découragerait l’innovation et mettrait moins de capitaux à la portée des personnes et des entreprises qui doivent emprunter.

  162. Le Comité reconnaît que sa recommandation visant à créer un nouveau type de petites institutions peu ouvertes ajoutera un élément de risque au système financier. Dans l’ensemble, les petites institutions présentent un peu plus de risques que les grandes. Il se peut donc fort bien que certaines des nouvelles petites institutions fassent faillite et que les investisseurs qui y ont placé de l’argent soient perdants. Les déposants seraient toutefois protégés par l’assurance-dépôts.

  163. Bien que toute faillite d’une institution financière, et les conséquences qui en découlent pour les investisseurs, soient malheureuses, le Comité est d’avis que ce coût est compensé par les avantages qu’un choix plus étendu d’institutions financières vers lesquelles se tourner pour obtenir des services donne aux consommateurs.

  164. Vers une réglementation uniforme

  165. Le Comité exhorte le gouvernement de chercher, par la coopération fédérale-provinciale, à uniformiser la réglementation des institutions financières comme l’ont suggéré les administrateurs canadiens des valeurs mobilières. Cette proposition rendrait le BSIF responsable de la réglementation prudentielle de toutes les institutions financières, tant fédérales que provinciales, alors que la responsabilité de réglementer le comportement des institutions financières fédérales et provinciales sur le marché incomberait aux administrateurs provinciaux des valeurs mobilières.

  166. Fondé plutôt sur les fonctions que sur les institutions, ce partage des responsabilités, semblable au partage de la réglementation entre États et administration fédérale en Australie, serait plus efficace que le régime actuel de responsabilités divisées. Mieux encore, il serait plus pratique que le système actuel puisqu’il reconnaîtrait la spécificité relative de chaque organisme de réglementation : celle du BSIF en matière de réglementation prudentielle, et celle des administrateurs des valeurs mobilières en matière de réglementation du comportement sur le marché.

  167. Le Comité appuie aussi l’initiative actuelle du ministre des Finances en vue d’améliorer la coordination des efforts de réglementation des grandes institutions financières internationales. Le marché des services financiers s’est tellement mondialisé que de nouveaux mécanismes de réglementation internationale s’imposent clairement. Le Comité a disserté sur ce sujet dans sa récente Étude comparative spéciale sur la réglementation des services financiers.

  168.  

    Deux observations

  169. Il y a lieu de retenir deux observations.

  170. D’abord, la fiabilité et la solidité sont d’importants facteurs sur lesquels le Comité s’appuie pour revendiquer l’élimination, au niveau tant fédéral que provincial, des impôts sur le capital des institutions financières. De tels impôts sont pervers, en ce sens qu’ils encouragent les institutions à maintenir leurs capitaux au niveau minimum requis, stratégie qui va à l’encontre d’un comportement prudentiel.

  171. Le Comité croit d’autre part que le BSIF devrait suivre de près l’expérience à laquelle la Nouvelle-Zélande se livre en matière de réglementation. Il s’agit, pour remplacer un volume élevé de réglementation détaillée traditionnelle des institutions financières, d’accroître sensiblement les divulgations trimestrielles exigées des banques sur le niveau d’exposition au risque, le niveau de prêts improductifs, et ainsi de suite. D’autre part, l’accroissement des obligations et de la responsabilité civile potentielle du conseil d’administration des institutions financières est de nature à motiver ses membres à surveiller la direction de plus près.

  172. Si elle se révèle efficace, cette conjugaison de la divulgation accrue d’informations et d’un conseil d’administration aux aguets pourrait réduire le fardeau réglementaire des institutions financières sans nuire à la fiabilité et à la solidité du système.

  173.  

    Conclusion

  174. Le Comité estime que ses recommandations contribueront à renforcer le système canadien de réglementation, déjà excellent.

  175. Il juge particulièrement critique son rejet des recommandations du Groupe de travail visant à élargir le mandat du BSIF. Selon lui, les changements proposés par le Groupe de travail nuiraient grandement à la fiabilité et à la solidité de notre système réglementaire.

  176.  

    E. Objectif : permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées et les protéger contre les pratiques commerciales abusives

  177. Le Groupe de travail s’est attardé longuement, dans son rapport, sur la nécessité de protéger les consommateurs contre les pratiques commerciales abusives, comme la vente liée avec coercition et l’utilisation non autorisée des renseignements personnels sur les clients. Le rapport contient également des recommandations visant à mieux armer les consommateurs, en exigeant plus de transparence, la divulgation de plus d’information et une meilleure lisibilité des contrats de services financiers et du matériel de promotion.

  178. Le Comité souscrit à l’esprit de ces recommandations.

  179. Plus précisément, il fait siennes les recommandations visant à :

  180.     •relever le degré de divulgation et la clarté des contrats de services financiers et du matériel de promotion;

  181.     •créer un régime à large portée concernant l’utilisation des renseignements personnels des clients par les fournisseurs de services financiers; et

  182.     •élaborer des mesures législatives et réglementaires propres à prévenir la vente liée avec coercition et à sanctionner vivement ceux qui s’y adonnent.

  183. N’ayant entendu que peu de témoignages sur les éléments particuliers qui soutiennent ces recommandations, le Comité ne fait aucune observation sur la nécessité d’en rectifier les détails. Il souligne néanmoins que, selon lui, elles vont tout à fait dans la bonne direction.

  184. Le Comité tient à dire combien il a été impressionné par l’ampleur des inquiétudes (d’ailleurs partagées par nombre de témoins) que suscite la difficulté d’application des lois dans ce domaine. Ayant entendu des témoignages anecdotiques au sujet de ventes liées avec coercition, le Comité croit qu’une certaine confusion règne entre la notion de ventes liées avec coercition et celle du groupement des services. Il serait important que les institutions financières exposent clairement leurs intentions aux clients lorsqu’elles groupent des services. Les clients doivent absolument comprendre qu’ils peuvent accepter ou refuser les services groupés.

  185. Le Comité demande donc instamment que des règles claires, des sanctions sévères et une surveillance étroite soient établies à égard de ce genre de ventes. Une fois que cela sera fait, le consommateur canadien jouira d’une protection comparable à celle qui existe dans les autres pays industrialisés.

  186.  

    Le recours des consommateurs : un ombudsman des services financiers

  187. Le Groupe de travail recommande la création, par le gouvernement, d’un ombudsman des services financiers. Son rôle serait analogue à celui de l’actuel Ombudsman bancaire, mais son mandat, plus large, engloberait toutes les institutions financières régies par le gouvernement fédéral. Tout problème d’équité et toute erreur administrative commise par une institution financière pourraient lui être soumis. Son bureau serait un organisme gouvernemental et non pas un organisme autoréglementé.

  188. Le Comité souscrit à l’esprit des recommandations du Groupe de travail visant la création d’un ombudsman des services financiers indépendant, qui offrirait un recours aux consommateurs, mais il estime que la meilleure façon d’assurer l’indépendance de cet ombudsman serait d’adopter la structure de l’actuel bureau de l’Ombudsman bancaire, dont voici les particularités :

  189.     •le conseil d’administration de l’actuel bureau de l’Ombudsman bancaire comporte une majorité d’administrateurs indépendants;

  190.     •seuls les administrateurs indépendants peuvent choisir de nouveaux administrateurs indépendants; les représentants des banques au sein du conseil d’administration ne votent pas en vue de ces nominations;

  191.     •c’est le conseil d’administration, et non pas l’industrie des banques, qui embauche le directeur général, fixe le budget du bureau de l’Ombudsman et en approuve les politiques; et

  192.     •l’Ombudsman ne peut être démis de ses fonctions qu’avec l’accord unanime des administrateurs indépendants.

  193. La création d’un nouvel organisme gouvernemental n’accomplirait pas grand chose de plus. Ce qui plus est, et c’est là un point essentiel, s’il s’agissait d’un organisme fédéral, il serait beaucoup plus difficile à l’ombudsman des services financiers d’obtenir des provinces l’autorisation d’exercer cette fonction à la fois pour les institutions financières provinciales et fédérales.

  194. Le Comité recommande donc au gouvernement de créer un poste d’ombudsman des services financiers possédant les caractéristiques citées plus haut, en apportant un autre changement à l’actuelle structure du bureau de l’Ombudsman bancaire. À l’heure actuelle, le conseil d’administration de ce dernier se compose de onze administrateurs, soit cinq représentants des banques et six administrateurs indépendants. Selon le Comité, le conseil d’administration de la nouvelle entité devrait compter quinze administrateurs, dont cinq représenteraient le secteur, les dix autres étant indépendants. Le bureau de l’ombudsman serait financé par le secteur des services financiers.

  195. Des représentants des sociétés d’assurance-vie et des sociétés de fiducie devraient faire partie du conseil d’administration du bureau de l’ombudsman des services financiers pour y représenter le secteur car, comme on l’a mentionné, le Comité estime qu’il faudrait élargir le mandat de l’ombudsman de manière à englober toutes les institutions financières, pas seulement les banques. Le Comité pense que toutes les institutions financières à charte fédérale devraient être assujetties à l’autorité de l’ombudsman. Il faudrait en faire l'une des conditions d’attribution de leur licence fédérale.

  196. Le Comité reconnaît la nécessité de renforcer les sanctions imposées aux institutions qui ne respectent pas le code de déontologie du secteur ou n’appliquent pas les recommandations de l’ombudsman sur la façon de résoudre telle ou telle plainte d’un consommateur. Il faudrait pour cela se pencher sur les moyens d’exécution. Le rôle de l’ombudsman est de servir de facilitateur entre le client et l’institution financière. En dehors d’une publicité défavorable, l’ombudsman n’a aucun pouvoir pour imposer ses décisions. Il faudrait donc approfondir davantage la question avant de pouvoir recommander une méthode exécutoire précise.

  197. Selon le Comité, en outre, en ce qui concerne la reddition de comptes par l’ombudsman, celui-ci devrait être obligé de comparaître chaque année devant le Comité des finances de la Chambre des communes et le Comité sénatorial des banques et du commerce.

  198.  

    Les régimes d’assurance individuels

  199. Le Groupe de travail recommande que soient amalgamés le régime d’assurance des institutions de dépôt régi au palier fédéral (SADC) et celui de l’industrie de l’assurance-vie (SIAP). Il s’agit là d’un problème que le Comité a examiné en détail dans son rapport de 1994, Les impératifs de la réglementation et de la protection des consommateurs dans l'industrie des services financiers réglementée par le gouvernement fédéral : Trouver le milieu juste. Dans ce document, le Comité rejetait catégoriquement l’amalgame de la SADC et de la SIAP. Il maintient cette position, pour les raisons suivantes :

  200.     •Le Comité n’accepte pas l’affirmation de l’industrie de l’assurance-vie selon laquelle, comme la SADC est appuyée par le gouvernement et que la SIAP ne l’est pas, l’industrie de l’assurance-vie subit un important désavantage sur le plan de la concurrence. Si désavantage il y a, il est mineur, au pire.

  201.     •Si l’on plaçait l’assurance-vie sous la protection de la SADC, il en résulterait une inégalité des règles du jeu pour toute une série de produits vendus par les assureurs-vie, mais pas par les banques. Pourtant, l’industrie de l’assurance-vie rejette l’idée que seuls les produits vendus à la fois par les assureurs-vie et par les banques devraient être couverts par la SADC; elle veut que tous ses produits soient protégés par la SADC.

  202.     •Comme la plupart des sociétés d’assurances comptent déjà, parmi leurs succursales, des sociétés de fiducie dont elles sont propriétaires, elles peuvent assurer leurs produits assimilables à des dépôts en les vendant par le truchement de leurs succursales de fiducie, plutôt que par l’entremise de la société d’assurance-vie elle-même.

  203.     •Comme il l’explique dans la partie C ci-dessus, le Comité s’attend à ce que, au cours des prochaines années, le passif-dépôts de l’industrie de l’assurance-vie — les produits assimilables à des dépôts que l’industrie de l’assurance-vie commencera à offrir sur le marché une fois qu’elle aura accès au système de paiements — sera assuré dans le cadre de la SADC, puisque les instruments analogues doivent être traités de manière identique.

  204.     •Au départ, l’assurance-dépôts a été créée au Canada comme un moyen parmi d’autres d’assurer la stabilité du système et notamment d’empêcher les ruées sur les banques dans le cas où une banque serait en difficulté. Ce motif demeure la principale raison d’être de l’assurance-dépôts. Or, la même préoccupation ne s’applique pas aux produits d’assurance-vie.

  205.  

    Conclusion

  206. Le Comité pense que l’adoption de ses recommandations dans ce domaine permettrait d’accomplir beaucoup de progrès pour protéger les consommateurs contre les pratiques abusives et leur assurer un recours efficace.

  207. En outre, en faisant du bureau de l’ombudsman des services financiers un organisme indépendant, on obtient deux avantages importants :

  208.     •on évite d’avoir à créer un nouvel organisme gouvernemental; et

  209.     •on améliore considérablement la possibilité d’une coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces, en matière de recours des consommateurs dans le secteur des services financiers.

  210.  

    F. Objectif : remplir les responsabilités d’intendance des institutions financières

  211. Comme nous l’avons expliqué au chapitre 2, les institutions financières, en particulier les banques, doivent assumer des obligations plus lourdes que les autres entreprises du secteur privé; elles doivent donc être régies par des normes plus strictes de comportement et de soumission de comptes au public. Les Canadiens s’attendent à être bien servis par les banques de leur pays. Mais ils souhaitent également que celles-ci jouent un rôle de leader à l’échelon local.

  212. Comme l’explique le Groupe de travail dans son Rapport, ces attentes élevées sont dues à de multiples facteurs : l’importance économique des banques, le caractère essentiel des services qu’elles assurent aux personnes et aux entreprises, petites et grandes, et les avantages que les banques ont reçus par l'adoption d'une série de politiques visant expressément à favoriser la création de banques de grande taille, solides financièrement et véritablement nationales.

  213. Ces avantages sont souvent considérés à tort comme des privilèges. Il vaudrait mieux les prendre pour ce qu’ils sont véritablement, des pouvoirs donnés aux banques par le gouvernement dans un but délibéré de créer un système bancaire efficace, efficient et vraiment national, car l’existence d’un système de ce genre revêt un grand intérêt pour le pays.

  214. Il faut alors se demander : comment la fonction d’intendance doit-elle se traduire dans les politiques et les règlements qui régissent les banques? C’est le sujet de la présente section.

  215.  

    L’accès aux services bancaires de base

  216. L’un des éléments de cette bonne intendance consiste, pour les banques, à offrir des services financiers aux Canadiens à faible revenu. C’est la raison pour laquelle le Comité souscrit aux recommandations du Groupe de travail visant à ce que tous les consommateurs, et plus particulièrement les Canadiens à faible revenu, puissent obtenir des services bancaires de base. Il s’agit là d’un important objectif de politique publique que les banques doivent réaliser.

  217. Le Comité insiste sur l’importance des recommandations du Groupe de travail concernant la mise en place par les gouvernements de programmes d’identification pour permettre aux personnes à faible revenu, qu’elles soient ou non clientes des institutions, d’encaisser sans délai les chèques gouvernementaux.

  218. Le Comité souscrit aussi, comme moyen d’encourager tous les Canadiens à ouvrir un compte en banque, à la recommandation que le gouvernement fédéral offre aux consommateurs le choix du dépôt direct pour tous les programmes qui versent des prestations ordinaires (comme cela se fait aux États-Unis).

  219.  

    L’accès aux services des succursales

  220. Une autre facette de la bonne intendance concerne le délai qui sera accordé aux personnes physiques et aux personnes morales clientes d’une succursale donnée pour ajuster leurs affaires financières, dans le cas où la banque déciderait de fermer cette succursale. C’est pourquoi le Comité appuie la recommandation du Groupe de travail voulant qu’une banque donne quatre mois d’avis avant de fermer une succursale.

  221. Cela ne signifie toutefois pas que le Comité soit favorable à une intervention du gouvernement lorsqu’une banque décide de fermer une succursale. Dans la logique de ce qu’il a affirmé aux chapitres 2 et 4 à propos du rôle du gouvernement face aux institutions financières, le Comité reconnaît que le progrès technologique et les nouveaux moyens de prestation des services (comme les relations entre organismes ou encore l’installation de petites succursales dans des commerces de détail) entraîneront inévitablement des fermetures de succursales, tout comme ces mêmes facteurs ont amené le gouvernement à fermer des bureaux de poste au cours des années 80.

  222. On ne peut empêcher une réduction du nombre de succursales, quoi qu’on fasse. Il est illusoire d’espérer un statu quo quant à leur nombre et à leur emplacement. La modernisation du système bancaire, comme celle de la poste il y a dix ans, amènera la fermeture de succursales.

  223. Cela dit, il s’agit de voir comment alléger les difficultés que les clients devront subir par suite de ces fermetures. Selon le Comité, le préavis de quatre mois serait un moyen d’éviter le plus possible le dérangement.

  224. Le Comité pense également que, en plus du préavis de quatre mois, l’accès aux services bancaires sera considérablement amélioré si les banques envisagent la création de nouveaux types de succursales, comme elles ont d’ailleurs commencé à le faire depuis un an environ. De la même manière que l'on a réduit le dérangement causé par la fermeture des succursales postales en créant des comptoirs postaux dans les commerces de détail, comme les pharmacies et les magasins généraux situés dans les petites collectivités rurales, on réduira le dérangement entraîné par la fermeture de succursales bancaires enles remplaçant par des comptoirs dans les supermarchés, les commerces de détail ou les bureaux de poste. Le Comité exhorte fortement les banques à charte à multiplier leurs efforts en ce sens, notamment dans les régions où elles désirent fermer des succursales.

  225. Enfin, toujours à propos des succursales, le Comité juge important de souligner certains témoignages, notamment ceux de directeurs généraux de petites institutions de dépôt, qui ont dit que l'on pourrait réduire le nombre de fermetures en accroissant la gamme des produits que les succursales sont autorisées à offrir, rendant ainsi celles-ci plus rentables. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le Comité souhaite que le gouvernement autorise les banques à offrir du crédit-bail automobile.

  226.  

    Le financement des petites entreprises

  227. Le difficile problème du financement des petites entreprises laisse le Comité perplexe. Il faut toutefois reconnaître que l’action du gouvernement est relativement limitée à cet égard. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a même déclaré au Comité que deux de ses objectifs les plus importants en ce qui concerne les banques — réduire les mouvements de personnel parmi les directeurs de succursales et faire en sorte que les décisions soient prises à l’échelon local plutôt qu’à l’échelon national — ne peuvent pas être atteints par une action gouvernementale.

  228. Il y a toutefois un changement que, d'après les témoins, le gouvernement devrait encourager toutes les institutions financières à apporter :

  229. Toutes les institutions financières, les banques en particulier, devraient être incitées à tarifer leurs prêts en fonction du risque.

  230. À l’heure actuelle, les grandes banques canadiennes n’accordent pratiquement jamais de prêts à des taux qui dépassent le taux préférentiel de plus de trois points de pourcentage. En revanche, aux États-Unis, où la petite entreprise juge elle-même l’accès au crédit fort acceptable, les institutions financières offrent à leurs clients une gamme beaucoup plus large de conditions et de taux d’intérêt. Les banques au Canada devraient pouvoir demander un taux d'intérêt en fonction du risque sans soulever une réaction négative dans la collectivité

  231. Le fait que le crédit soit actuellement limité par le risque plutôt que par le coût implique que des petites entreprises ne peuvent pas emprunter. La tarification des prêts en fonction du risque libérerait davantage de capitaux. Le Comité espère qu’un tel changement de politique ne servira pas simplement aux banques de prétexte pour hausser leurs tarifs sur des prêts qu’elles accorderaient de toute façon.

  232. Cela dit, le Comité convient avec le Groupe de travail et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante que la possibilité d’obtenir du crédit à des taux proportionnels au risque permettrait aux entreprises qui en ont besoin de mieux se financer. À l’heure actuelle, ces entreprises doivent fonctionner sans crédit ou bien son contraintes d'abandonner leurs projets. Parfois, elles n'entreprennent pas de nouveaux projets faute de crédit. Il arrive aussi que les propriétaires soient obligés de financer eux-mêmes leur entreprise par des moyens encore plus coûteux, par exemple des paiements échelonnés à moyen terme sur leur carte de crédit personnelle. Si les institutions financières appliquaient une politique de prix plus souple, ce genre de problème serait résolu.

  233. Le Comité pense également que l’application de sa proposition relative à la création de nouvelles institutions de dépôt de petite taille ouvrirait d’importantes possibilités d’améliorer le financement des petites entreprises. Ces institutions, qui seraient axées sur les petites collectivités, et dans lesquelles on mettrait l’accent sur la connaissance du marché local, pourraient devenir d’excellentes sources de crédit aux petites entreprises. Aux États-Unis et en Europe, où un deuxième niveau de banques est vigoureux, les institutions qui en font partie sont devenues une source majeure de prêts aux petites entreprises. Au Canada, la Banque canadienne de l’Ouest a obtenu un succès remarquable avec cette stratégie, avec 85 p. 100 de son portefeuille de prêts accordé à des petites entreprises des quatre provinces de l’Ouest.

  234. Le Comité appuie fermement tous les efforts visant à accroître les possibilités d’emprunt des PME; il reconnaît néanmoins que, dans bien des cas, ces entreprises ont surtout besoin d’injections de capital, en particulier celles qui sont axées sur les sciences, de plus en plus nombreuses et importantes. Le Comité incite les gouvernements à prendre des initiatives pour répondre à ce besoin. Il pourrait s’agir en particulier de politiques à caractère fiscal pour encourager les institutions financières et les particuliers à prendre des participations à plus haut risque.

  235. Selon certains témoins, un relèvement de l’exemption pour gains en capital et une réduction des impôts sur les gains en capital favoriseraient les injections de fonds dans la petite entreprise, de la part surtout de gens d’affaires prospères qui réinvestissent une partie de leurs profits dans des petites entreprises en pleine croissance de la région. Courante dans le passé, cette source de financement est plus rare de nos jours.

  236. Aux taux d’imposition actuels des gains en capitaux, le financement par participation au capital des petites et moyennes entreprises comporte un coefficient rendement-risque défavorable. Alors qu’ils risquent de perdre la totalité de leur investissement sans en tirer des dégrèvements fiscaux intéressants si les choses tournent mal, les investisseurs doivent verser à l’État une part non négligeable de leurs gains si l’investissement se révèle rentable. Il est plus intéressant pour eux de faire des investissements moins risqués qui comportent un meilleur rapport rendement-risque.

  237. Le Comité est toutefois d’avis qu’il y aurait lieu pour le gouvernement d’agir sans tarder pour favoriser l’accès des petites entreprises aux capitaux. Il faudrait pour cela renforcer le rôle de la Banque de développement du Canada et de la Société du crédit agricole.

  238. Le Comité recommande que le gouvernement enjoigne à ces deux organismes d’établir des partenariats stratégiques avec les petites institutions, comme la banque communautaire des coopératives de crédit recommandée tant par le Comité que par le Groupe de travail, afin de fournir à ces institutions l’expertise qui leur manque pour évaluer les demandes de prêts des petites entreprises. Cette association des banques fédérales, aux capacités étendues en matière de capitaux et d’expertise, avec les petites institutions de dépôt, qui ont un large réseau de succursales dans les petites localités et en région rurale, devrait constituer une nouvelle source de prêts pour les petites entreprises.

  239. En fait, cette recommandation semble miser sur les forces respectives de chacune de ces institutions. Les coopératives de crédit ont un réseau de succursales dans bien des localités où ne sont pas présentes les grandes banques nationales. Ces succursales pourraient représenter une excellente source de nouveaux clients, parmi les petites entreprises, pour les deux banques fédérales. La connaissance de la collectivité locale que possède le personnel de ces succursales aiderait en outre la BDC et la SCA à évaluer les risques que comporte chaque demande de prêt.

  240. Il faut toutefois signaler que ces succursales n’ont en général pas le savoir-faire voulu pour évaluer en profondeur une demande de prêt. Par contre, ces compétences se trouvent à la BDC et à la SCA. La conjonction des coopératives de crédit et des organismes fédéraux produirait ainsi un excellent processus d’évaluation des demandes de prêt.

  241. En outre, bien des petites succursales des coopératives de crédit n’ont pas assez de capitaux pour financer de gros prêts aux petites entreprises. Et même si elles disposaient de ces fonds, la succursale qui garderait la totalité d’un prêt pourrait multiplier excessivement les risques pour son portefeuille de prêts. Le fait de partager le prêt avec la BDC ou la SCA réduirait ses risques.

  242. Le Comité exhorte le gouvernement à donner rapidement suite à cette recommandation.

  243. Enfin, le Comité fait sienne la recommandation du Groupe de travail qu’Industrie Canada soit chargé de coordonner une enquête annuelle sur l'opinion des PME sur le financement existant. Industrie Canada devrait également entreprendre et publier des enquêtes périodiques sur les petites entreprises afin de donner une vue d’ensemble du financement dont elles ont besoin, et des sources de financement dont elles dépendent à mesure que les marchés évoluent. Une première enquête de référence devrait être réalisée le plus tôt possible.

  244. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a fait des propositions qui rejoignent celles de ce dernier paragraphe. Le Comité a lui aussi fait une proposition semblable au ministre de l’Industrie, dans un rapport qu'il lui a soumis en août dernier.

  245.  

    Reddition de comptes : rapports sur les responsabilités envers la collectivité

  246. Le Comité fait sien l’objectif de la recommandation du Groupe de travail que chaque institution de dépôt et société d’assurance-vie réglementée par une loi fédérale soit tenue de rendre public un rapport annuel sur ses responsabilités envers la collectivité. Ce rapport indiquerait sa contribution à la population qu’elle sert. Un tel rapport permettrait à l’institution de rendre des comptes annuellement sur ce qu’elle a fait pour remplir ses responsabilités d’«intendance».

  247. Le Comité convient qu’une forme de rapport annuel est souhaitable. Il rejette cependant, pour les raisons suivantes, ce que propose le Groupe de travail pour atteindre cet objectif :

  248.     •Le Groupe de travail n’a pas défini ce qu’est une collectivité. Est-elle fonction de la géographie, du sexe, de l’âge, de l’ethnie ? Bref, la recommandation est trop vague pour être utile.

  249.     •Les rapports sur les responsabilités envers la collectivité ne contribueraient en rien à l’atteinte des cinq objectifs du Comité. Très rapidement, la publication de ces rapports deviendrait un exercice de relations publiques, une opération annuelle d’autosatisfaction.

  250.     •Ces rapports seraient trop coûteux pour les petites institutions. Les témoignages des représentants de ces institutions en font foi.

  251.     •Ces rapports nécessiteraient une réglementation lourde, sans retombées utiles, puisqu’il s’agirait essentiellement d’un exercice de relations publiques.

  252.     •Au bout du compte, ce sont les consommateurs qui supporteraient le coût de ces rapports, par des agios ou des frais d’administration camouflés.

  253.     •Le Groupe de travail n’indique pas comment ces rapports seraient utilisés et néglige de répondre à la question cruciale de savoir comment cette publication avantagerait les consommateurs.

  254. Il va sans dire que le Comité ne s’oppose pas à ce qu’une institution financière produise de tels rapports. Mais il estime qu’il faudrait davantage rechercher un moyen pratique permettant aux institutions de rendre des comptes annuellement sur leurs responsabilités d’intendance.

  255. Nous invitons donc le gouvernement à étudier cette question et à proposer des solutions d’ici la fin de l’an prochain. Ce faisant, le gouvernement ne devrait pas oublier le coût occasionné par de tels rapports aux petits établissements, et la nécessité de rendre cette information réellement utile au consommateurs.

  256.  

    Reddition de comptes : nouvelles propositions de fusion

  257. Les observations qui suivent concernent uniquement de nouvelles propositions de fusion d’institutions financières, et ne portent pas sur les projets de fusion qui font actuellement l’objet d’un examen.

  258. Lorsque deux institutions se proposent de fusionner, il y a trois catégories de questions dont il faut tenir compte :

  259.     •les questions liées à la politique de concurrence,

  260.     •les questions prudentielles, et

  261.     •les questions d’intendance (le Groupe de travail parle plutôt de questions d’«intérêt public»).

  262. Le Comité est d’avis que ces questions doivent être examinées dans cet ordre.

  263. Avant de l’autoriser, il faut que le Bureau de la concurrence soit persuadé que la fusion proposée n’est pas anticoncurrentielle et le BSIF, que la fusion ne soulève pas de question prudentielle. Si ces conditions ne sont pas réunies, il est inutile d’examiner les questions d’intendance qui s’appliquent aux institutions financières.

  264. Les mécanismes d’examen appliqués par le Bureau de la concurrence et le BSIF, notamment les lignes directrices sur les fusions rendues publiques cette année par le Bureau, semblent raisonnables. Mais le Comité n’a pas eu l’occasion d’étudier de près ces lignes directrices, de sorte qu’il ne peut les commenter dans le détail.

  265. Lorsqu’une proposition de fusion est approuvée par le Bureau de la concurrence (vraisemblablement après de longues négociations avec les participants pour régler les questions que les demandes initiales de fusion ont pu soulever) et par le BSIF, le Comité estime que l’examen des questions fiduciaires devrait être entrepris sans tarder.

  266. L’examen des responsabilités d’intendance ne devrait être obligatoire que dans le cas d’une proposition de fusion entre deux grandes institutions. Comme les propositions du Comité interdiraient les fusions entre une grande banque et une grande société d’assurance-vie, l’examen des responsabilités d’intendance serait obligatoire seulement dans le cas du projet de fusion de deux grandes banques ou de deux grandes sociétés d’assurance-vie.

  267. Le Comité est d’avis que cet examen devrait commencer par les rapports des parties intéressées sur leurs responsabilités envers la collectivité. Ces rapports devraient examiner l’impact de la fusion sur chacune des considérations d’intérêt public proposées par le Groupe de travail :

  268.     •coûts et avantages pour les consommateurs et les petites entreprises;

  269.     •impact régional;

  270.     •répercussions sur l’emploi;

  271.     •incidence sur la compétitivité des parties sur la scène internationale;

  272.     •impact sur leur capacité d’adopter de nouvelles technologies; et

  273.     •tout autre élément que le ministre juge pertinent.

  274. Les rapports sur les responsabilités envers la collectivité devraient ensuite faire l’objet d’un examen public, soit à l'occasion d’audiences publiques soit par la présentation de mémoires au ministre dans un délai donné. Si l’on opte pour des audiences publiques, il faudrait en charger des fonctionnaires du ministère des Finances de manière à éviter de politiser inutilement le processus d’examen.

  275. Une fois l’examen terminé, la décision d’approuver ou non la fusion devrait appartenir au ministre des Finances.

  276. L’ensemble du processus doit se dérouler selon un calendrier rigoureux, comme c’est le cas en Suisse où il ne saurait dépasser trois mois. Il ne faudrait pas qu’il s’éternise.

  277. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les processus comme ceux du Bureau de la concurrence et du BSIF doivent prendre fin dans un délai précis. Certes, le Comité reconnaît la nécessité d’une certaine latitude dans les délais nécessaires au Bureau et au BSIF pour examiner une demande de fusion, mais le gouvernement, après consultation de ces organismes, devrait fixer une échéance.

  278. Pareillement, les demandeurs devraient disposer d’un certain temps -   environ un mois peut-être - pour faire un rapport sur leurs responsabilités d’intendance. Pour les observations du public, ou les audiences publiques, on devrait aussi fixer un délai -  environ deux mois - pour terminer la consultation publique. Le ministre, pour sa part, devrait disposer d’un mois pour rendre sa décision.

  279. Le Comité estime que le processus que nous venons de décrire répond aux critères essentiels de tout examen gouvernemental :

  280.     •le processus doit être clair et connu d’avance des entreprises intéressées;

  281.     •un calendrier relativement serré est prévu pour l’achèvement de chacune des étapes du processus; et

  282.     •le processus est aussi objectif que possible.

  283.  

    Conclusion

  284. Remplir ses responsabilités d’intendance est l’objectif le plus difficile à atteindre pour une institution financière. Pour le gouvernement, c’est aussi l'un des éléments les plus difficiles à examiner objectivement. En effet, les pratiques d’intendance des entreprises feront toujours l’objet de critiques de la part du public, qui ne manquera pas de réclamer que le gouvernement les force à se comporter d’une certaine façon.

  285. Le Comité estime néanmoins que les propositions énoncées ci-dessus contribueront à définir les responsabilités d’intendance, ainsi que l’action du gouvernement pour s’assurer que ces responsabilités sont remplies.


    CHAPITRE SEPT

    Observations finales

    A. Nécessité de réformes équilibrées

  1. Le Comité croit que les témoins approuveraient la plupart des recommandations formulées dans ce rapport. Cependant, si chaque témoin pouvait choisir uniquement ses propres recommandations, dans toutes celles que le Comité propose, il y souscrirait certainement. Comme il est impossible de faire l’unanimité sur une politique qui vise les institutions financières, le Comité estime que ses recommandations sont probablement bien équilibrées.

  2. Le Groupe de travail était conscient de la nécessité de réformes équilibrées. Il se rendait également compte que si, par exemple, le gouvernement n’adoptait que les recommandations alourdissant le fardeau réglementaire des entreprises en ne retenant, par exemple, que les recommandations favorables aux consommateurs, sans adopter également celles qui leur permettraient d'entrer plus librement en concurrence sur le marché, cela pourrait nuire à l’industrie, en particulier aux institutions les plus petites, et, au bout du compte, désavantager le consommateur. C’est pourquoi il insiste, dans son rapport, sur la nécessité d’un train de réformes équilibré.

  3. En outre, de nombreux témoins ont signalé au Comité le danger que le gouvernement choisisse uniquement certaines des recommandations du Groupe de travail (ou du Comité).

  4. Le Comité exhorte donc le gouvernement à adopter un ensemble de réformes équilibré entre la nécessité de protéger les consommateurs et le besoin de libérer nos institutions financières, afin qu’elles puissent soutenir la concurrence sur un marché de services financiers qui évolue rapidement et qui se mondialise de plus en plus (en Amérique du Nord en tout cas).

  5.  

    B. Nécessité d’une action gouvernementale rapide

  6. Le Comité est conscient de la réalité politique au Canada, à savoir qu’une réforme des institutions financières sera toujours délicate et contestée. C’est ce qui explique, en partie tout au moins, que de telles réformes ne se font à peu près jamais dans la dernière année du mandat d’un gouvernement. Ni d’ailleurs au cours de la première année d’un mandat, en raison de la complexité des enjeux qu’implique une politique des institutions financières et de la nécessité pour le nouveau gouvernement (même si le même parti est ramené au pouvoir) de prendre les décisions stratégiques qui s’imposent. L’histoire des réformes des institutions financières nous apprend que si aucun changement n’est apporté d’ici la fin de l’an 2000 -  soit dans vingt-quatre mois - , il est peu probable qu’il se produise avant 2003.

  7. Compte tenu de la rapidité des changements dans le secteur, le Comité appuie fermement la première recommandation du Groupe de travail, voulant que le gouvernement donne suite au rapport sans tarder et qu’il n’attende pas le réexamen périodique de la législation fédérale des services financiers, prévu pour l’an 2002, pour mettre les recommandations en oeuvre.

  8. En outre, le Comité est d’avis qu’un délai de deux ans est amplement suffisant pour mettre en place les réformes souhaitables. On pourrait, par exemple, imaginer le scénario suivant : la réponse du gouvernement au Rapport du Groupe de travail, ainsi qu’au présent rapport et à celui du Comité des finances de la Chambre des communes, pourrait paraître à la fin de juin l’an prochain (sous la forme d’un communiqué ministériel, d’un livre blanc ou même d’un avant-projet de loi), suivi de trois mois de consultations intenses et d’un projet de loi présenté au Parlement en première lecture à la fin de 1999.

  9. Si on lui accorde une priorité législative qui, d'après le Comité, est bien méritée, le projet de loi pourrait être adopté par les deux chambres du Parlement et promulgué d’ici juin 2000, et très certainement au plus tard avant la fin de l’an 2000.

  10. Le Comité exhorte le gouvernement à mettre en place un ensemble équilibré de réformes avant la fin de l’an 2000.


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