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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LES POUVOIRS DES INSTITUTIONS
1. Le système de paiements
2. Interac et autres réseaux financiers
3. Vente au détail d’assurances
4. Crédit-bail de véhicules légers


PARTIE C

LES POUVOIRS DES INSTITUTIONS

Un aspect important de notre vision du secteur des services financiers est la nécessité d’assurer l’ouverture et le caractère concurrentiel des règles présidant aux transactions et aux investissements. Le Groupe de travail a abordé la question des pouvoirs pouvant être exercés par les institutions, dans ce cadre, du point de vue du consommateur et de son intérêt. Il a choisi de privilégier le choix et les avantages offerts aux consommateurs, dans la mesure où aucune raison impérieuse nous en empêchait.

Le groupe de travail a examiné les éléments suivants :

  • l’accroissement de la souplesse offerte aux coopératives de crédit et caisses populaires;
  • l’accès d’institutions autres que de dépôts au système de paiements;
  • l’accès des institutions à d’autres réseaux;
  • la possibilité pour les institutions de dépôts de vendre des produits d’assurance de détail dans leurs succursales;
  • la possibilité pour les institutions de dépôts d’offrir des contrats de crédit-bail automobile à la clientèle de détail. (Rapport du Groupe de travail, p. 101)

Le Comité pense que ce sont les joueurs actuels qui offrent le potentiel le plus grand de concurrence. Par conséquent, il recommande la continuation des politiques publiques existantes qui devraient éliminer progressivement les barrières réglementaires restantes aux entreprises entre piliers, et il pense que le progrès technologique et le temps aboliront, en grande partie, les autres barrières.

Les barrières réglementaires comprennent les restrictions à toute participation au système de paiements et aux autres réseaux financiers, ainsi que l'interdiction pesant sur les institutions de dépôt de vendre directement de l'assurance-vie et de financer le crédit-bail de véhicules légers dans leurs succursales.

Cependant, le Comité pense que les assurances incendie, accidents, risques divers (IARD) ne remplissent aucun de ces services. Les assurances incendie, accidents, risques divers sont un produit de pure protection contre le risque. Elles ne possèdent aucune des caractéristiques d'investissement ou de gestion du patrimoine de l'assurance-vie. Par conséquent, le Comité est en faveur de maintenir les règles actuelles selon lesquelles les banques peuvent posséder une société d'assurance IARD, mais ne peuvent pas vendre d'assurance IARD dans leurs succursales.

 

1. Le système de paiements

Contexte

Au Canada, le système de paiements se compose d’un ensemble de réseaux distincts comprenant le système de règlement des chèques, les systèmes de carte de crédit VISA et MasterCard, les réseaux de guichets automatiques bancaires (GAB), les terminaux aux points de vente et les systèmes de carte de débit d’Interac ainsi que les systèmes de compensation respectifs des titres d’emprunt, des actions et des fonds communs de placement. Tout le système pivote autour de l’Association canadienne des paiements (ACP) à laquelle sa loi habilitante confie depuis 1980 les deux objectifs suivants :

    1. établir et administrer un système national de compensation et de règlement, et
    2. prévoir l’évolution du système national de paiements.

Actuellement, seules peuvent être membres de l’ACP les institutions de dépôt sous réglementation fédérale et provinciale, lesquelles constituent deux catégories : les adhérents et les sous-adhérents. Les adhérents ont des comptes de règlement auprès de la Banque du Canada. Ils procèdent au règlement et à la compensation de leurs propres paiements en passant directement par le Système de compensation et de règlement automatisé (SCRA) et fournissent à leur tour des services de compensation et d’accès aux mécanismes de règlement aux sous-adhérents. Pour pouvoir faire office d’adhérent, une institution doit justifier d’au moins 0,5 p. 100 du volume global des transactions de compensation du pays. Des quelque 132 membres que compte l’ACP, seulement 13 sont des adhérents : la Banque du Canada, huit banques, une société de fiducie, deux adhérents-correspondants de groupe (qui procèdent à la compensation au nom des coopératives de crédit et des caisses populaires) et une banque d’épargne du gouvernement provincial.

Même si seules les institutions de dépôt peuvent devenir membres de l’ACP, il existe des mécanismes par lesquels les autres établissements peuvent avoir un accès plus limité au système de paiements. Par exemple, une institution autre qu’une institution de dépôt peut permettre à ses clients de faire des paiements à des tiers en ouvrant un « compte de passage » auprès d’un membre de l’ACP. En vertu d’un compte de passage, une personne morale, comme un courtier en valeurs mobilières, ouvre un compte-chèques assorti de facilités de caisse pour son client auprès d’une institution de dépôt membre de l’ACP ainsi qu’un compte de dépôt pour elle-même. Le client disposera également d’un compte de placement auprès de cette institution. À la fin de chaque journée, l’institution de dépôt transfère automatiquement les soldes restants dans le compte-chèques du client, après que les chèques tirés sur le compte ont été compensés, dans le compte de dépôt tenu chez le courtier, qui en crédite le montant au compte de placement de son client. Si le compte-chèques du client est à découvert à la fin de la journée, le courtier débite le montant du découvert du compte de placement du client et transfère les fonds du compte tenu à l’institution de dépôt au compte-chèques du client. En vertu de ce mécanisme, le courtier verse des intérêts sur les soldes qui ont transité au cours de la nuit chez lui et dont il dispose pour son usage personnel. Le conseil d’administration de l’ACP comprend des représentants de cinq banques et de cinq institutions de dépôt qui ne sont pas des banques et un haut fonctionnaire de la Banque du Canada, qui en est également le président.

Actuellement, toutes les transactions, qu’elles soient de détail ou de gros, sur papier ou sur support électronique, passent par le même réseau de règlement, à savoir le SCRA. Lorsque le nouveau système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) entrera en service au cours de l’année prochaine, la Banque du Canada fournira également des services de règlement aux membres de l’ACP qui participent directement à ce système. Une fois ce dernier mis en place, il y aura deux structures de règlement : l’une visant essentiellement les paiements de faible valeur et l’autre, les paiements de grande valeur (c’est-à-dire dépassant 50 000 $).

La question est de savoir si, dans un climat de convergence vers un marché unique de services financiers, l’ACP devrait ouvrir ses portes aux institutions qui n’acceptent pas les dépôts, notamment les compagnies d’assurance-vie, les sociétés de fonds mutuels et les maisons de courtage. Même si les trois groupes ont demandé à être membres de l’ACP, il est possible que les actuels participants au système de paiements aient à faire face à une augmentation des coûts et des risques en raison de cet élargissement de la participation. Parmi les risques en question, citons le risque de crédit, éventualité qu’une institution financière ne puisse honorer ses engagements en matière de règlement; le risque de liquidités, éventualité qu’une institution financière ne puisse honorer ses obligations qu’avec un certain retard; le risque juridique qui se pose si une institution doit être empêchée par la loi d’honorer ses engagements vis-à-vis d’autres participants et le risque de défaillance et d’atteinte à la sécurité, éventualité qu’une erreur humaine, une défectuosité de l’équipement, des défauts de conception des systèmes et un accès frauduleux aux renseignements touchant les paiements occasionnent des erreurs ou des retards dans les paiements.

 

Recommandations du Groupe de travail

13) La Loi sur l’Association canadienne des paiements devrait être modifiée pour permettre à des institutions financières autres que les institutions de dépôts de participer directement au système canadien de paiements sur déclaration du ministre des Finances qu’elles répondent aux critères de solvabilité, de liquidité, ainsi qu’à ceux prévus par les cadres réglementaire et juridique applicables à leur cas. Le ministère des Finances, de concert avec l’Association canadienne des paiements, devrait considérer comme hautement prioritaire la détermination des catégories d’institutions qui devraient pouvoir participer au système. Le Groupe de travail s’attend à ce que les sociétés d’assurance-vie, les courtiers en valeurs mobilières et les fonds communs de placement du marché monétaire puissent participer au système sans restrictions ou presque.

14) Le pouvoir d’autoriser les nouveaux règlements administratifs de l’Association canadienne des paiements ou les modifications des règlements administratifs existants devrait être conféré au ministre des Finances plutôt qu’au gouverneur en conseil. Le ministre des Finances devrait en outre être habilité à réviser toutes les règles nouvelles ou modifiées de l’Association et à annuler toute règle nouvelle ou modifiée qu’il juge contraire à l’intérêt public.

15) Le ministre des Finances devrait aussi être habilité à enjoindre par directive à l’Association canadienne des paiements d’apporter aux règlements administratifs, aux règles ou aux pratiques les modifications qu’il juge conformes à l’intérêt public.

 

Opinions de témoins

Depuis quelque temps déjà, les compagnies d’assurance-vie demandent à pouvoir devenir membres de l’ACP. Elles estiment qu’elles pourront ainsi fournir des services et des produits homogènes à leur clientèle et que la capacité de compenser directement des effets de paiement constitue un volet de plus en plus important d’une institution financière qui veut être et demeurer efficace et efficiente dans le marché exigeant d’aujourd’hui. Elles prétendent que :

... notre secteur réclame des changements en matière d’accès et de régie depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne l’émission de cartes de paiement à nos souscripteurs. Notre industrie verse près de 100 millions de dollars par jour aux Canadiens et aux Canadiennes, directement ou en leurs noms. Il est essentiel que nous effectuions ces transferts de la façon la plus efficace et la plus pratique possible, en respectant les préférences des clients, pour que nous demeurions concurrentiels et puissions répondre à leurs besoins. (Dominic D’Alessandro, 4 novembre 1998)

Les gestionnaires de fonds communs de placement associent la fourniture de services financiers commodes et efficients à la capacité d’avoir un accès direct à l’ACP. Selon eux :

Nos sociétés ont conjugué leurs forces pour intervenir auprès du Groupe de travail MacKay sur cette question, car nous pensons que notre secteur est parvenu à un niveau de croissance et de maturité tel que nous pouvons participer avec nos fonds communs de placement du marché monétaire au système de paiements dans de bonnes conditions de sécurité et de compétitivité. Le consommateur canadien mérite une plus grande gamme de choix lorsqu’il s’agit pour lui de déterminer comment obtenir le meilleur rendement sur ses investissements. Parallèlement, il souhaite un accès immédiat et commode à son argent. À notre sens, le fait de donner au client l’accès direct aux sommes qu’il a placées dans des fonds mutuels de placement du marché monétaire, sans l’obligation de faire des appels téléphoniques, des virements bancaires, de traiter avec une tierce partie, etc., représente non seulement une option compétitive pour le consommateur, mais aussi une option plus efficiente. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que l’appartenance tant à l’Association canadienne des paiements que l’adhésion à l’Association Interac vont de pair. (Blake C. Goldring, 6 octobre 1998)

Toutefois, un représentant d’une société d’assurance-vie a prévenu le Comité qu’il n’y avait pas lieu de s’enthousiasmer à propos des éventuels bienfaits d’un élargissement de l’accès à l’ACP. En effet, selon cette personne :

Certaines compagnies applaudissent le fait que l’accès au système de paiements soit parmi les objectifs poursuivis. Je pense que c’est une victoire à la Pyrrhus. Les sociétés de fiducie avaient accès au système de paiements et n’ont pas pu en profiter. Elles ont été absorbées. C’est en quelque sorte une condition nécessaire, mais le simple fait de l’avoir n’assurera pas la réussite de votre entreprise. Je ne pense pas que l’on doive accorder trop de poids à cette question.

Le Groupe de travail prétend qu’avoir accès au système de paiements permettra aux compagnies d’assurance-vie de faire concurrence aux banques à charte. De mon point de vue, une entreprise dont la création repose sur l’accès au système de paiements est vouée à l’échec. C’est comme avoir accès à l’autoroute transcanadienne. Vous ne pouvez pas créer une affaire parce que vous avez été autorisé à prendre l’autoroute. Essentiellement, le système de paiements remplit les mêmes fonctions. Il vous permet simplement de faire circuler l’argent à travers le pays et de détenir de l’argent en dépôt. Je ne pense pas que l’on puisse bâtir une activité commerciale là-dessus, mais on laisse entendre que, d’une façon ou d’une autre, c’est un grand avantage que l’on accorde à l’industrie. (Raymond McFeeters, 6 octobre 1998)

Cependant, la plupart des témoins se sont inquiétés de la prudence avec laquelle sont acceptés de nouveaux membres.

Le conseil de l’Association canadienne des paiements n’a jamais rien eu contre un plus grand accès. La question est de savoir à quelles conditions cet accès sera autorisé : pas à des conditions égales, mais à des conditions équitables. Nous avons la responsabilité à titre de conseil d’appliquer des règles de prudence... Je considère que les organisations qui ont accès au système de paiements devraient être réglementées. Elles doivent avoir les liquidités voulues pour accepter les paiements. (Wayne Nygren, 28 octobre 1998)

Certains ont soutenu que le système de paiements est un service public et par conséquent que les coûts d'accès ne devraient pas être élevés.

Le système de paiements est un service public. À mon avis, celui ou celle qui veut y avoir accès ne devrait pas avoir à payer beaucoup plus cher que le prix d’une entrée dans sa rue. Il s’agit d’un service public et, en ayant un plus grand nombre d’entreprises qui ont accès au système de paiements, les clients sont ainsi mieux servis, car cela permet d’élargir la gamme des services qu’elles fournissent aux clients. On ne devrait pas avoir quoi que ce soit à payer sauf les coûts marginaux pour accéder au système. (William A. Black, 21 octobre 1998)

Les différents intervenants semblent toutefois s’entendre sur certains points, notamment sur la nécessité de conserver des normes prudentielles. Il semblerait donc que l’accès à l’ACP sera limité aux institutions assujetties à une réglementation en matière de solvabilité et de liquidité. L’ACP est elle-même du même avis. Par exemple :

Tant le rapport du Groupe de travail que le document de travail publié par le ministère des Finances laissent entendre que les critères d’admission des institutions dans le système devraient cibler certains points, à savoir la réglementation et la surveillance, l’accès à une aide en matière de liquidité, un cadre juridique approprié dans le sens que les lois régissant les nouveaux participants devraient être compatibles avec l’activité du système de paiements, et enfin la compétence opérationnelle et technique pour y participer. (M. Robert M. Hammond, 23 octobre 1998)

Les courtiers en valeurs mobilières semblent être d’accord sur le point suivant :

Nous appuyons fortement la proposition selon laquelle les institutions autres que les institutions de dépôt devraient pouvoir participer au système canadien de paiements, à condition qu’elles répondent aux critères de solvabilité et de liquidité, ainsi qu’à ceux prévus par les cadres réglementaires applicables. Nos entreprises membres devraient être admissibles à l’Association canadienne des paiements. (Joseph Oliver, 2 novembre 1998)

Le mode de fonctionnement de l’ACP constitue également une question importante. Pour certains, le conseil de cet organisme devrait être complètement remanié :

Ne vous y trompez pas, l’ACP est et sera sous la coupe des grandes banques si rien ne change. Les banques ont les droits de vote, qui sont fonction du volume des transactions. Elles paient les factures et elles ont les ressources pour participer aux réunions interminables organisées pour discuter de changements dont elles ne veulent pas. Elles se livrent à des exercices de relations publiques, telles que la création du soi-disant comité consultatif des protagonistes... Ceux qui paient réellement le coût de la compensation, à savoir les entreprises et les consommateurs, ne sont pas représentés au sein de cet organe. Le problème de l’ACP est fondamental. Sa seule raison d’être est de réglementer un système qui touche chaque entreprise et chaque citoyen canadien. Cependant, les régulateurs sont à toutes fins pratiques les cinq grosses banques. L’Association prétend faire la loi, mais elle n’a de compte à rendre qu’aux membres adhérents... Il faut modifier radicalement le processus réglementaire si l’on veut un jour voir une concurrence réelle dans les services financiers. Il faut créer un organe indépendant devant lequel nous puissions plaider notre cause. (W.H. Loewen, 6 octobre 1998)

Certains membres de l’ACP reconnaissent ouvertement qu’il est nécessaire de remanier le conseil d’administration de leur institution :

Les deux questions que nous examinons sont celles de l’accès et du gouvernement d’entreprise... À l’heure actuelle, le conseil d’administration se compose de 11 membres... Nous avons des administrateurs de cinq grandes banques et cinq administrateurs indépendants...La Banque du Canada fait fonction de président... Pour nous, il est essentiel de savoir si nous aurons ou non des administrateurs indépendants, combien nous en aurons et où dans tout ça se situent les associations de consommateurs, les associations de commerçants ou les maisons de courtage et les sociétés de fonds mutuels. Ils veulent tous avoir accès à l’Association canadienne des paiements. Je n’y vois pas d’inconvénient, dans la mesure où nous pouvons établir certaines règles et certains règlements et faire preuve de prudence pour qu’ils puissent respecter leurs engagements. (Wayne Nygren, 28 octobre 1998)

Mais il est impossible de remanier un conseil d’administration sans tenir compte des autres questions d’intendance :

Le document du ministère des Finances recommandait également que le conseil consultatif des intervenants soit exigé par la loi... Le document recommandait également d’élargir le conseil d’administration pour y inclure des administrateurs indépendants — autrement dit, des administrateurs qui ne seraient pas choisis par nos membres... Une option serait de créer une sorte d’organe de surveillance. Cet organe pourrait être la Banque du Canada, ou le ministère des Finances... En tout cas, cet organe gouvernemental serait tenu d’examiner et d’approuver tous les règlements et règles de l’ACP avant leur entrée en vigueur. Le rapport du Groupe de travail n’a pas été aussi loin. Il a plutôt recommandé que le ministre des Finances, et non le gouverneur en conseil, ait le pouvoir d’approuver les règlements administratifs de l’ACP. Toutefois, il recommande également que le ministre ait le pouvoir de revoir ou de réviser toutes les règles de l’ACP et de révoquer toute règle nouvelle ou révisée lorsqu’il estime que cela est contraire à l’intérêt public. (Robert M. Hammond, 23 octobre 1998)

L’ACP a indiqué sa préférence :

À l’ACP, nous avons des centaines de règles, et la plupart d’entre elles sont très techniques. Étant donné la nécessité pour l’ACP de réagir rapidement face aux problèmes qui surgissent, l’approche proposée par le Groupe de travail serait nettement plus efficiente que d’exiger que toutes les règles soient approuvées à l’avance par un organe gouvernemental de surveillance... La deuxième raison pour laquelle nous privilégions l’approche du Groupe de travail, c’est parce qu’elle mettrait carrément la responsabilité et l’imputabilité concernant l’adoption de règles conformes à notre mandat législatif — incluant les objectifs de politique publique — sur les épaules des membres du conseil d’administration, là où la responsabilité devrait se situer à notre avis (Robert M. Hammond, 23 octobre 1998)

En outre, il doit exister un meilleur critère que le niveau d’activité pour établir qui peut être adhérent. La plupart des gens reconnaîtraient que cette règle simple représente un bon critère d’efficience économique, car la compensation d’effets de paiements permet actuellement de réaliser des économies d’échelle, mais aucun témoin n’a présenté d’autres solutions pour établir le statut d’adhérent, sauf pour dire :

Il faudrait un certain nombre de regroupements. Avec la technologie d’aujourd’hui, on pourrait avoir plusieurs centaines d’adhérents. Il en faudrait certainement beaucoup plus qu’il n’y en a aujourd’hui. Une première étape pourrait être un adhérent servant un secteur donné. Il faudrait assurément beaucoup plus d’adhérents. (W.H. Loewen, 6 octobre 1998)

 

Conclusion

Il faut régler deux questions immédiates liées à l’ACP : (1) sa composition et l’élargissement de son accès et (2) son domaine de compétence et la responsabilité de ses statuts. Pour ce qui est de la première question, il est clair qu’il est préférable d’accepter dans l’ACP les participants autres que les institutions de dépôts en raison de l’évolution du secteur financier vers un service à guichet unique. Il serait également préférable que ces nouveaux membres de l’ACP soient assujettis à une réglementation en matière de supervision de la solvabilité et de liquidité similaire, mais pas nécessairement identique. Si l’un quelconque de ces nouveaux participants désirait également devenir adhérent, il devrait se soumettre à des obligations analogues en matière de nantissement pour pouvoir avoir accès aux liquidités que fournit temporairement la Banque du Canada afin de contenir les risques que courent le réseau en particulier et le secteur financier en général. Ce dernier point est particulièrement important, parce que les Canadiens sont accoutumés à un système de compensation et de règlement de leurs chèques et de leurs instruments de débit et de crédit dans les 24 heures. Les Canadiens n’aimeraient pas que cette efficacité diminue par suite de l’élargissement de l’ACP. Ce comité convient donc avec le Groupe de travail que le ministre des Finances devrait établir des critères en matière de solvabilité, de liquidité, de cadre de réglementation et de cadre juridique.

Pour ce qui est du deuxième point, ce comité a indiqué qu’il préférait une réglementation de l’ACP qui aille dans le sens de l’intérêt public. Il faudrait pour cela que le ministre ait un droit de regard sur les statuts de l’ACP. Le Comité appuie donc les recommandations du Groupe de travail MacKay sur le sujet.

 

2. Interac et autres réseaux financiers

Contexte

Le Groupe de travail a conclu que, pour que les intervenants actuels puissent augmenter leur compétitivité, il faudrait qu’il y ait un accès libre, à des conditions raisonnables, aux autres réseaux tels qu’Interac. Mais, compte tenu de la taille de notre pays et de notre population relativement petite, il est peu probable que nous puissions nous doter de réseaux concurrentiels comme il en existe dans d’autres pays. C’est pourquoi le Groupe de travail MacKay conseille au gouvernement de suivre soigneusement les activités des réseaux existants et potentiels, afin de vérifier s’ils favorisent la concurrence.

Le Groupe de travail a également estimé que la fonctionnalité du système Interac pouvait être élargie de manière à permettre à toute institution de dépôt de procéder à des dépôts par l’entremise d’un GAB, tout comme l’on peut retirer des fonds par le même moyen. Le Groupe de travail a jugé que c’était là une option valable et a recommandé que les membres du réseau Interac prennent les mesures nécessaires pour ce faire.

 

Recommandations du Groupe de travail

16) Le ministre des Finances devrait suivre les activités de tous les réseaux au Canada afin de vérifier qu’ils fonctionnent de manière à favoriser la concurrence dans les services financiers et l’équité concurrentielle entre les fournisseurs de services financiers. Si l’on conclut à l’existence de pratiques nettement anticoncurrentielles, il faudrait envisager d’adopter des dispositions législatives assurant un accès aux réseaux à tous les concurrents moyennant des conditions raisonnables et une juste indemnisation des promoteurs des réseaux.

17) Les membres du réseau Interac devraient prendre les mesures nécessaires pour que celui-ci soit aussi fonctionnel que le permet la technologie actuelle et permette notamment d’effectuer des dépôts dans toute institution de dépôt participante au moyen d’un GAB.

 

Opinions des témoins

Pour certains témoins, le réseau de GAB constitue un prolongement naturel du réseau de l’ACP. L’accès à ce réseau financier semble être tout aussi important :

Bien que la définition large du système des paiements recouvre tant l’ACP qu’Interac, la recommandation du Groupe de travail ne faisait pas mention expressément de l’appartenance de nos fonds communs de placement du marché monétaire... Or, c’est un élément crucial si nous voulons pouvoir offrir à nos clients la commodité et la facilité d’accès à leurs comptes. L’accès à Interac est vital. Nous avons besoin du droit d’entrée au système Interac à des taux par transaction équitables. Nous ne voulons pas nous trouver évincés par des droits élevés qui seraient différents de ceux payés par d’autres membres. Nous voulons que les guichets automatiques Interac n’appartenant pas en propre à un établissement acceptent les dépôts de nos clients et nos cartes de débit et de crédit.

Sans notre participation à Interac en même temps qu’au système de paiements canadien, les consommateurs n’auront pas directement accès à leurs fonds et la participation à l’ACP n’apportera pas les avantages visés dans notre intervention et dans le rapport MacKay. Nous avons besoin de l’adhésion pleine et entière sans qu’aucune banque autre que la Banque du Canada ne monte la garde à la porte, tout comme le recommande le Groupe de travail, de façon à donner à notre clientèle le même accès sûr et commode à son argent que celui dont jouissent actuellement les clients des banques. (Jim Hunter, 6 octobre 1998)

Il s'agirait de : (1) permettre à un client de transférer des fonds d'un compte tenu dans une institution financière dans un compte tenu dans une autre institution financière et (2) de déposer des espèces et d'autres instruments financiers à son compte tout en utilisant le GAB d’une autre institution financière. Ces fonctions sont perçues comme très pratiques pour le consommateur. La levée de cet obstacle à une concurrence efficace dans le domaine des dépôts est également considérée comme un facteur important pour juger de l’efficience économique du secteur financier. Certains ont prétendu qu’Interac devrait prendre les mesures qui s’imposent pour que les institutions financières puissent procéder directement entre elles à des transferts de fonds, du moins à des retraits et des dépôts directs.

Il y a des piliers invisibles. On parle de renverser les quatre piliers du secteur financier, mais il y a aussi des piliers invisibles; par exemple, on ne peut pas transférer de l’argent d’une institution à une autre... Simplement parce que quelqu’un refuse d’aller de l’avant... Plusieurs institutions se sont mises à utiliser les mêmes GAB, et cela n’a pas été la fin du monde. Je suis certain qu’on peut dire la même chose des dépôts... Il devrait être possible de transférer de l’argent entre différents comptes liés entre eux. C’est un service qui est pratique pour les consommateurs. Ce type de transfert peut se faire de façon contrôlée et sécuritaire. (Arkadi Kuhlmann, 5 novembre 1998)

Pour l’Association Interac, créée par suite de l’ordre d’assentiment du Bureau de la concurrence, ce n’est pas aussi simple.

La solution présentée dans la recommandation 17 n’est qu’une seule façon d’aborder la question des services aux consommateurs et représente une solution coûteuse et complexe. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton. Il faut des investissements considérables en équipement et en changements opérationnels. Et cela, en raison de la décentralisation du système. Chaque participant fournit ses propres machines et en assure l’entretien. Le seul dénominateur commun est le logiciel et les normes de fonctionnement pour les retraits partagés. Chaque membre possède son propre équipement et en assure le fonctionnement. Ces appareils répondent à des normes techniques communes, mais sont par ailleurs autonomes et distincts et offrent des services différents...

Avant d’investir dans de nouvelles technologies pour offrir de nouvelles fonctions, les membres doivent être sûrs qu’il s’agit de la meilleure façon de répondre aux besoins des consommateurs d’aujourd’hui et de demain. La solution proposée ne cadre pas forcément avec l’approche la plus innovatrice et prospective qu’il soit en matière d’élargissement de l’accès au réseau. Elle n’est peut-être pas non plus l’approche la plus économique. Il nous semble que cette recommandation préjuge la solution, sans tenir compte des compétences ou des ressources nécessaires pour envisager d’autres solutions. L’Association Interac regroupe un grand nombre d’institutions diverses, certaines petites et d’autres grandes, certaines axées sur le GAB et d’autres plus intéressées par l’essor des technologies. Quelle que soit la solution trouvée, celle-ci devra être évaluée à la lumière de ces intérêts divers et des technologies émergentes (Lettre au président du Comité sénatorial des banques et du commerce, 12 novembre 1998).

Le Comité a appris que ce type de point de vue n’est pas nouveau et que les compagnies de téléphone qui constituaient des monopoles ont, pendant des dizaines d’années (et pendant la majeure partie du dernier siècle), prétendu que différents réseaux privés étaient incompatibles et ne pouvaient pas être liés. Cette analogie était bien exprimée dans le témoignage suivant :

Depuis le début du siècle, le plus important obstacle à l’entrée dans le domaine des services de dépôt et, par conséquent, des services bancaires aux particuliers, est certainement lié à l’établissement de succursales. Les coûts associés à la mise en place d’un réseau de succursales sont énormes et les bénéfices longs à venir. Grâce aux guichets automatiques, les établissements auraient plus de 19 000 nouveaux endroits à partir desquels ils pourraient offrir leurs services, et les autres intervenants, quelle que soit leur importance, continueraient à faire face à une vive concurrence dans toutes les régions du pays...

Nous sommes d’avis que le réseau Interac doit être administré comme un service public, ce qui signifie que le prix devrait être le même pour tout le monde. J’utilise l’analogie de l’industrie du téléphone. Il était difficile de permettre la concurrence au niveau du ménage, parce que les lignes téléphoniques étaient déjà installées dans une maison et qu’il était très difficile pour une deuxième et une troisième compagnies de venir elles aussi installer ces lignes dans votre maison.... Pensez au réseau des guichets automatiques un peu de la même manière,... pensez-y comme s’il s’agissait des lignes téléphoniques locales et que celles-ci devaient être également accessibles à tous à un tarif qui couvre tout juste les frais du réseau, et non un tarif qui serait punitif, et vous verrez la concurrence augmenter. (Youssef A. Nasr, 29 octobre 1998)

 

Conclusions

Étant donné l'importance des réseaux financiers à la concurrence dans le secteur des services financiers, le Comité est en faveur des recommandations du Groupe de travail visant à surveiller et à promouvoir cette concurrence.

 

3. Vente au détail d’assurances

Contexte

Les institutions de dépôts constituées au niveau fédéral ont été entièrement exclues du marché des assurances au Canada jusqu’en 1992, sauf pour ce qui concerne la vente d’une gamme limitée de produits, comme l’assurance-vie des créanciers, qui avait toujours été considérée comme accessoire aux activités bancaires. Avant 1992, l’activité de bancassurance la plus développée au Canada se déroulait au Québec, où les affiliés des caisses populaires étaient autorisés à offrir de l’assurance au niveau des succursales. Dans un certain nombre de provinces, les coopératives de crédit possèdent également des sociétés de courtage d’assurances. En 1992, on a modifié la Loi sur les banques afin de permettre aux institutions de dépôts de vendre de l’assurance par l’intermédiaire de sociétés affiliées; depuis, elles ont obtenu une modeste part du marché grâce à de nouvelles constitutions en personnes morales et à des acquisitions d’entreprises assez petites.

D'après une étude entreprise pour le Groupe de travail,

Sous un angle économique, les banques sont particulièrement bien positionnées pour s’approprier une part du marché de l’assurance-vie. En misant sur leur clientèle et sur leur réseau de succursales, les banques peuvent être au moins deux fois plus productives que les agents. Cette efficience supérieure et les commissions moindres versées au personnel de vente se reflètent dans les frais peu élevés d’acquisition de nouvelles polices des banques. En Italie, par exemple, la structure des coûts du canal des banques est considérablement moindre que celle des agents ou des conseillers financiers. Cette situation est due, en partie du moins, à la capacité plus grande des banques de faire des ventes à partir de références (Groupe de travail, Document de recherche no 1, p. 43).

D’après le Groupe de travail MacKay, les renseignements disponibles indiquent que les canaux de distribution existants ne disparaîtront pas lorsque les produits d’assurance seront offerts dans les succursales d’institutions de dépôts. Il y aura une certaine unification, mais d’autres forces déjà à l’oeuvre provoquent une consolidation dans toute l’industrie de l’assurance.

Enfin, le Groupe de travail MacKay fait observer que, dans un certain nombre de provinces, les régimes interdisent aux employés des institutions de dépôts d’obtenir des permis d’assurance; il émet l’idée qu’un code modèle, comme celui de l’Illinois ou du Québec, pourrait instituer des normes uniformes à l’échelle du pays pour ce qui concerne la délivrance de permis et la protection du consommateur. Un tel modèle, jumelé à un système de reconnaissance mutuelle entre les provinces, répondrait aux préoccupations concernant la multiplication de régimes de réglementation du marché incompatibles à l’échelle du pays.

 

Recommandations du Groupe de travail

18) Sous réserve de l’adoption de dispositions appropriées en matière de protection des renseignements personnels et de ventes liées, les institutions de dépôts réglementées au niveau fédéral devraient être autorisées à vendre de l’assurance sur le marché de détail dans leurs succursales et à se servir des dossiers de renseignements sur leurs clients pour faciliter la vente d’assurance.

(a) Les institutions de dépôts dont l’avoir des actionnaires est inférieur à 5 milliards de dollars devraient être autorisées à vendre de l’assurance sur le marché de détail dans leurs succursales et à se servir des dossiers de renseignements sur leurs clients pour faciliter la vente au détail d’assurances dès que les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels et aux ventes liées seraient en vigueur.

(b) Ces nouveaux pouvoirs devraient être accordés à toutes les autres sociétés le 1er janvier 2002.

19) Les employés qui vendent de l’assurance dans les institutions de dépôts devraient être tenus de se conformer aux normes provinciales applicables en matière de scolarité et d’octroi de permis aux vendeurs et vendeuses d’assurance, tant que ces règles ne sont pas discriminatoires.

20) Le secteur de l’assurance et celui des institutions de dépôts devraient élaborer, en collaboration avec les provinces, un code régissant l’octroi de permis et la protection des consommateurs, qui s’appliquerait à la vente d’assurances dans les succursales des institutions de dépôts.

Opinions des témoins

Certains témoins étaient en faveur de la vente, dans leurs succursales, d'assurance par les institutions de dépôt.

Notre conception du secteur est axée sur les besoins de nos clients. Nous voulons leur offrir un maximum de choix et un accès diversifié à des produits et à des services de qualité et bon marché. En plus d’avoir le choix et de bénéficier d’un bon service, nous voulons que les consommateurs soient respectés et informés. ... Nous nous félicitons de voir que le Groupe de travail a recommandé que l’on autorise les consommateurs à acheter de l’assurance par l’intermédiaire des succursales d’un établissement de dépôt et qu’ils reçoivent l’information dont ils ont besoin. Cette politique va profiter aux consommateurs sur trois plans : une baisse des frais de distribution, une amélioration du service et la possibilité, pour davantage de gens, d’avoir accès à des services d’assurance. (Dunbar Russel, président, 4 novembre 1998)

Un témoin a signalé que ses recherches ont permis de constater ce qui suit :

Nos recherches le prouvent : si on leur donne le choix, 67 p. 100 des Canadiens préfèrent avoir la possibilité d’acheter de l’assurance auprès de leurs succursales bancaires. C’est commode. les personnes qui vendent de l’assurance doivent être des professionnels accrédités. S’ils n’agissent pas de manière professionnelle, ils courent le risque de perdre leurs clients. C’est la même chose pour les planificateurs financiers. (Holger Kluge, 3 novembre 1998)

D'autre étaient opposés à l'octroi de ce pouvoir aux institutions de dépôt.

Qu’arrivera-t-il ... quand les banques vendront directement des assurances dans leurs succursales? Je crains qu’on ne les invite ainsi à s’ingérer dans la vie privée de tout Canadian qui a un jour ouvert un compte de banque, acheté une maison, demandé un prêt ou investi dans un régime de retraite. Les banques ont amassé une quantité de renseignements confidentiels auxquels elles ont accès sur les antécédents de crédit, de santé, d’emploi et autres antécédents personnels. Elles sont libres d’en faire usage pour leur avantage commercial et cela, en toute impunité. Une banque peut tenir compte de ces dossiers pour évaluer le risque d’un éventuel client. Sans avoir accès à une somme comparable de renseignements, les assureurs devront se retirer ou faire faillite. Les banques recueillent des renseignements personnels de nature délicate à des fins précises. (George L. Cooke, 5 octobre 1998)

Certains ont signalé la disparité des ressources entre les institutions qui acceptent des dépôts et celles qui n’en acceptent pas.

Nous ne nous objectons absolument pas au fait que les banques à charte achètent une société d’assurance-vie ou en ouvrent une, ce que la loi permet. les banques à charte répondent aux mêmes règles que nous. Mais nous ne croyons pas qu’il soit équitable qu’elles aient accès à ces incroyables banques de données, avec lesquelles nous ne pouvons concurrencer ... Nous ne sommes pas des prêteurs. Nous ne faisons pas la compensation des chèques. La banque est la seule entreprise à le faire. La banque sait où va votre argent. Non seulement elle sait où il va exactement, mais également de quel montant on parle. La banque sait que vous avez acheté de fonds de placement du Groupe Investors parce qu’elle voit passer le chèque. La banque sait, si vous êtes une petite entreprise, que vous achetez votre assurance collective de la Great-West et elle sait combien cela vous coûte par mois. S’agit-il de règles du jeu équitables? (Jim Burns, 5 novembre 1998)

Selon eux, cet avantage concurrentiel produirait inévitablement moins de compétition.

Nous croyons que la mise en oeuvre de la proposition visant à autoriser les banques à vendre de l’assurance en utilisant les informations qu’elles détiennent sur leurs clients et par le biais de leurs succursales se traduirait par l’érosion du choix du consommateur, une concurrence moins vive, un nombre moindre de produits et le resserrement du réseau de distribution de conseils financiers. À l’heure actuelle, les assureurs ne peuvent pas prendre de dépôts, et il n’est pas non plus question dans la proposition de leur accorder la possibilité de le faire. Les assureurs peuvent participer à l’industrie des dépôts en devenant propriétaires d’une banque. Nous estimons que les banques devraient participer à l’industrie de l’assurance de la même façon — en devenant propriétaires d’une compagnie d’assurances, comme elles sont actuellement autorisées à le faire. (Raymond McFeeters, 6 octobre 1998)

Les institutions de dépôts contestent ces critiques et signalent que les sociétés d’assurance-vie auraient accès au système des paiements, ce qui de fait les autoriserait à accepter des dépôts. À court terme, ce privilège minimiserait la disparité économique entre les deux catégories d’institutions; à long terme, il n’y aurait plus aucune trace d’iniquité. Cette logique est expliquée de la façon suivante :

Il est à l’évidence dans l’intérêt du consommateur d’établir des règles du jeu équitables en ce qui a trait à qui peut procurer quel service aux consommateurs et à quelles conditions. S’appuyant sur les préférences et sur les besoins des consommateurs et fort d’une recherche imposante et impartiale, le Groupe de travail recommande la levée des restrictions qui interdisent aux institutions de dépôts fédérales de vendre au détail une gamme complète de produits d’assurance dans leurs réseaux de succursales et d’offrir des services de financement de véhicules légers par crédit-bail. Le Groupe de travail conclut non seulement que les consommateurs bénéficieront d’un meilleur choix dans les domaines de l’assurance et du crédit-bail automobile, mais il souligne également que les priver de ce choix « serait contraire à l’intérêt public ». Toutefois, il est difficile d’expliquer pourquoi le Groupe de travail n’est pas aussi pressé de procurer aux consommateurs les avantages d’une concurrence accrue dans les domaines de la vente au détail d’assurance et du financement par crédit-bail qu’il ne l’est dans d’autres sections du rapport, notamment en ce qui concerne l’élargissement de l’accès au système de paiements. En outre, si des mécanismes appropriés de protection des consommateurs sont en place, pourquoi l’accès des consommateurs à ces produits serait-il retardé? (Raymond J. Protti, 29 septembre 1998)

Toutefois, les assureurs multirisques soutiennent qu’ils ne veulent pas accéder au système des paiements et que les mesures législatives de prévention qu’on propose, qui ne sont dans l’intérêt de personne, feront long feu. Mieux vaut s’abstenir.

J’ai d’abord fait remarquer que le secteur des assurances multirisques est une industrie distincte. Le Groupe de travail a retenu cet argument dans son rapport, mais n’en a pas tenu compte dans son analyse ni dans ses conclusions. J’ai ensuite soutenu que la vente au détail d’assurances multirisques par les banques soulèverait de graves questions de respect de la vie privée et de ventes liées sous pression. Les membres du Groupe de travail en ont convenu, mais ils ont commis l’erreur, à notre avis, de croire qu’une mesure législative répondrait de façon satisfaisante à ces questions. ... Le rapport propose de s’inspirer du projet de loi 188 du Québec pour s’attaquer à ces questions concernant la vie privée. Je soutiens qu’au contraire, l’adoption de règlements byzantins augmente la confusion, fait perdre du temps et est finalement préjudiciable aux consommateurs. (George L. Cooke, 5 octobre 1998)

Pour leur part, les agents d’assurance expriment le point de vue suivant :

Je crois que ces mesures, avec les résultats de sondages qui figurent dans le rapport MacKay, en disent long sur ceux qui prétendent depuis longtemps que les ventes liées n’existent pas sur le marché des services financiers. Le Groupe de travail a dit être surpris du nombre de Canadiens qui ont indiqué qu’à leur avis un prêt ou une hypothèque aurait pu ne pas être approuvé si un autre produit n’avait pas été acheté auprès de la même institution. Un Canadien sur six et un travailleur indépendant sur quatre estiment qu’au cours des trois dernières années l’un de leurs prêts ou hypothèques aurait pu ne pas être approuvé si un autre produit, comme une assurance, n’avait pas été acheté auprès de l’institution. (Robert Thibaudeau, le 30 septembre 1998)

Les sociétés d’assurance ajoutent :

Nous avons l’impression que les banques vont utiliser les données sur leur clientèle actuelle pour choisir une niche de clients qui sont au-dessus de la moyenne, des clients qui ont fait peu de réclamations et présentent de bonnes caractéristiques. Les clients à risque plus élevé ne seront donc pas visés par les banques, et ne pourront donc plus choisir où acheter leur police d’assurance. La compagnie PEI Mutual, tout comme les autres mutuelles canadiennes, a toujours commercialisé ses produits d’assurance de façon équitable, et continuera à le faire. Notre priorité n’a jamais été d’identifier les meilleurs risques et d’assurer seulement cela, en délaissant les autres. Nous sommes une compagnie d’assurances pour le grand public, non pas pour un petit groupe de clients. (Terry Shea, le 20 octobre 1998)

Les courtiers d’assurance prédisent quant à eux ce qui suit :

Il risque fort d’y avoir de l’interfinancement, c’est-à-dire qu’un secteur de l’entreprise subventionnerait un autre secteur dans le but express de s’approprier une part du marché, qu’il s’agisse de crédit-bail, d’assurance automobile, d’hypothèque ou d’assurance résidentielle. Plus une entreprise est diversifiée, plus il y a risque d’interfinancement. Les exigences de la politique sont telles qu’il est essentiel que la solvabilité des banques soit aussi transparente que possible. Au cours des 20 dernières années, nous avons connu des faillites bancaires ou des quasi-faillites, car les banquiers s’étaient détournés de leur principale mission, c’est-à-dire la protection des déposants. C’est là un aspect plus général dont le Parlement devrait se préoccuper. (Fred Hyndman, le 21 octobre 1998))

Certaines banques ont admis cette possibilité pour des produits de base comme l’assurance multirisque, mais non pour de nombreux produits particuliers comme l’assurance-vie :

Permettez-moi de faire une estimation éclairée. Je pense que la mesure aurait des conséquences moins graves sur l’industrie de l’assurance-vie que, peut-être, sur l’industrie des assurances I.A.R.D. Essentiellement, l’assurance-vie s’occupe de la gestion de la richesse. La réalité, c’est que les banques perdent des parts de marché au profit de vis-à-vis du secteur de la gestion de richesse. Elles n’en gagnent pas. À mes yeux, il n’est pas évident que le fait de proposer de l’assurance-vie dans les succursales aurait des effets aussi dévastateurs. Les assurances I.A.R.D. tendent à être un produit acheté plutôt que vendu. Il s’agit davantage d’un produit de base, ce qui explique pourquoi on le vend plus facilement par l’intermédiaire des services bancaires électroniques. La mesure serait plus dévastatrice pour les assurances I.A.R.D. que pour l’assurance vie. (Ed Clark, le 7 octobre 1998)

Un témoin a décrit la situation au Québec, où le Mouvement Desjardin distribue également des produits d'assurance.

Notre prémisse est bien simple. On regarde notre principal concurrent au Québec, le Mouvement Desjardins, qui distribue de l’asurance-vie et de l’assurance générale. Il le fait bien, avec succès, en ayant exercé à la baisse une pression sur les primes de l’ensemble du Québec parce qu’il le fait de façon plus systématique et homogène. Il a démontré qu’en portant une attention systématique à la distribution d’assurance, on peut faire bénéficier le consommateur de primes plus basses ainsi que de méthodes de règlement des sinistres plus efficaces. C’est la prémisse qui nous amène à dire dans le reste du monde que nous sommes l’un des seul pays où la banque-assurance est vue comme étant futuriste. Cela existe partout, pas toujours avec succès, j’en conviens. (Léon Courville, 29 septembre 1998)

Un autre témoin a noté :

Manifestement, le domaine de l’assurance est sujet à controverse, et nous estimons que le rapport MacKay semble avoir débouché sur une idée raisonnable. Je peux comprendre pourquoi la Banque Nationale estime, compte tenu du marché dans lequel il évolue, qu’il s’agit d’un domaine très important, parce que essentiellement, son principal concurrent peut vendre de l’assurance en succursale. De même, nous sommes la seule institution financière non bancaire majeure à ne pas pouvoir accéder à sa clientèle. Si nous pouvions nous soustraire à la compétence fédérale, nous pourrions le faire. On semble nous imposer un traitement inhabituel. (Ed. Clark, 7 octobre 1998)

Néanmoins, les sociétés d’assurance qui acceptent les dépôts soutiennent que si toutes ces affirmations concernant des pratiques commerciales abusives et l’éminence d’un désastre pour l’industrie étaient vraies, elles se seraient déjà concrétisées dans les juridictions où les succursales vendent de l’assurance.

Étant donné que le marché est en pleine expansion, le Groupe de travail a discrédité la thèse selon laquelle le renforcement de la concurrence dans le secteur de l’assurance au Canada entraînerait inévitablement d’énormes pertes d’emploi chez les courtiers et d’autres opérateurs au sein du système. Les expériences faites au Québec et dans divers pays du monde nous montrent bien que différents types de distributeurs peuvent se côtoyer et continuer à prospérer. Les activités d’assurance menées par les banques en Europe ont très peu bouleversé le marché.

Le Québec est un bon exemple. Le Groupe de travail a fait observer que les agents d’assurances, les courtiers et les différentes sociétés continuent à y exercer fortement leur concurrence en dépit du fait que depuis dix ans les établissements de dépôt y vendent de l’assurance au détail. En fait, depuis dix ans que les Caisses populaires vendent de l’assurance multirisque, le nombre de courtiers d’assurance multirisque agréés au Québec est resté relativement stable, 216 courtiers agréés ayant disparu sur un total de 5 000. Parallèlement, le nombre d’emplois liés à l’assurance dans les Caisses populaires Desjardins a triplé, passant à 1 625 postes. (Dunbar Russell, 4 novembre 1998)

Finalement, les banques ont témoigné :

Nous avons l’avantage d’offrir d’une manière plus systématique des produits qui nécessitent moins de magasinage, qui offrent un meilleur prix et qui permettent au consommateur d’être stimulé. Par exemple, vous pouvez recevoir de la Banque Nationale l’assurance de la Croix Bleue parce que vous allez en voyage. C’est quand même bien que l’on puisse vous la présenter. Vous n’y avez peut-être pas pensé. Il me semble qu’on vous rend un service, vous n’êtes pas obligé de prendre cette assurance. Plus on offre de choix aux consommateurs, mieux il s’en sortira. Plus il y aura de concurrents, plus il en sera ainsi. Le système de distribution d’assurance pourrait être amélioré. Les caisses populaires, les banques et les institutions financières dans d’autres pays l’ont démontré. ((Léon Courville, 29 septembre 1998)

 

Conclusions

Les banques et les compagnies d’assurance-vie visent surtout à fournir des services financiers, de gestion du patrimoine et d’investissement.

Le Comité estime que l’assurance incendie, accidents et risques divers (IARD), qui est essentiellement un « pur produit de protection contre le risque », n’entre dans aucune de ces catégories. Ce type d’assurance ne présente aucune des caractéristiques de gestion du patrimoine ou d’investissement que comporte l’assurance-vie. Le Comité en arrive donc à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de modifier les règles actuelles qui, tout en permettant aux banques de détenir une compagnie d’assurances IARD, leur interdit de vendre ce type d’assurance dans leurs succursales.

Contrairement à l’assurance IARD, l’assurance-vie est un service de gestion du patrimoine. La logique voudrait donc que les banques soient autorisées à vendre des produits d’assurance-vie dans leurs succursales.

Les recommandations du Comité comportent cependant des changements notables pour l’industrie de l’assurance-vie d’ici un an ou deux, surtout à la suite de la démutualisation et de leur accès au système de paiements. Le Comité croit que l’industrie de l’assurance-vie aura besoin de temps pour s’adapter à ces changements avant de faire face à une nouvelle concurrence de la part des banques, si celles-ci étaient autorisées à vendre des produits d’assurance-vie dans leurs succursales. Il lui faudra notamment du temps pour mettre au point de nouveaux produits qui offrent plus de choix aux consommateurs. Le Comité croit probable, comme nous l’avons vu, que bon nombre de ces nouveaux produits feront partie des services bancaires de base.

Une fois la période d’adaptation terminée, le passif-dépôts des compagnies d’assurance-vie (expliqué plus haut sous la rubrique « Accès au système de paiements ») devrait être garanti par la SADC; il faudrait aussi envisager, en même temps, d’uniformiser les règles du jeu et d’éliminer en pratique la distinction entre banques et compagnies d’assurance-vie en permettant aux premières de vendre de l’assurance-vie dans leurs succursales. Il faudrait, entre-temps, maintenir l’interdiction faite aux banques de vendre de l’assurance-vie dans leurs succursales.

Il existe toutefois une catégorie de produits d’assurance-vie que l’on devrait permettre aux banques d’offrir immédiatement. Il s’agit des rentes viagères, qu’il y aurait lieu d’autoriser les banques à offrir aux clients dont le REÉR arrive à maturité (c.-à-d. lorsque le titulaire du régime décide de le convertir en un fonds de revenu de retraite ou y est contraint par les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu). Les banques ne devraient être autorisées à proposer ces produits qu’aux clients qui détiennent un REÉR chez elles, et seulement au moment où ce REÉR arrive à maturité.

Les banques pourraient alors, mais pas avant, faire l’une des trois choses suivantes :

    1. offrir une rente viagère à versements à son client;
    2. transférer le dossier du client à un agent, un courtier ou une compagnie d’assurances pour conclure la transaction avec le client; ou
    3. renvoyer le client à un agent, un courtier ou une compagnie d’assurances de son choix pour conclure la transaction.

Cette proposition serait plus commode pour les consommateurs; les gens qui détiennent un REÉR dans une banque pourraient acheter des rentes viagères d’une de ses succursales, au lieu de devoir prendre contact avec une compagnie d’assurance-vie, un agent ou un courtier.

Les choix s’en trouveraient aussi accrus pour répondre aux besoins des personnes âgées en matière d’épargne-retraite. Les groupes de défense des consommateurs ont fait valoir, dans le passé, que les personnes âgées pourraient avoir du mal à établir des rapports avec des agents d’assurance avec lesquels ils n’ont encore jamais traité. Les rentes viagères, dont la vente est actuellement interdite aux banques, constituent donc un instrument financier auquel les consommateurs n’ont pas eu suffisamment accès.

Cette proposition ouvre aussi la porte à des prix plus compétitifs. Le prix d’achat d’une rente viagère sera peut-être moindre pour le client d’une banque qui y détient un REÉR s’il continue de traiter avec le même groupe de sociétés.

Le Comité reconnaît que sa proposition aura un impact restreint sur les courtiers et agents d’assurance-vie. Les travaux de recherche réalisés par le Groupe de travail révèlent toutefois une tendance à la vente de certains produits commerciaux comme les polices d’assurance temporaire et les rentes viagères par des canaux de distribution moins onéreux que les agents de carrière. La proposition va donc dans le sens de la transformation actuelle du système traditionnel des agents d’assurance-vie en un réseau davantage axé sur les services d’experts-conseils.

Cette proposition va aussi dans le sens de ce qui se produit ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, par exemple, au moins cinq grandes compagnies canadiennes d’assurance-vie offrent actuellement des rentes viagères par le biais de banques américaines.

Le Comité croit que cette proposition a aussi l’avantage de constituer un ballon d’essai qui permettra d’acquérir une expérience concrète des marchés et d’entrevoir l’impact que pourrait avoir le fait d’autoriser les banques à vendre de l’assurance-vie au détail si un tel changement de politique était apporté dans trois ans.

 

4. Crédit-bail de véhicules légers

Contexte

À l’heure actuelle, les institutions financières constituées au niveau fédéral (banques, sociétés de fiducie et sociétés d’assurance) ne peuvent louer à bail des véhicules légers, soit directement soit par l’intermédiaire de filiales. Dans les révisions de 1980 à la Loi sur les banques, on a établi le seuil d’interdiction à 21 tonnes. Toutefois, les coopératives de crédit et les caisses populaires, qui sont régies par les lois provinciales, peuvent louer à bail des véhicules dans toutes les provinces sauf à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick. Les sociétés de fiducie constituées au niveau provincial ont également des pouvoirs de crédit-bail dans la plupart des provinces.

Pour le Groupe de travail MacKay, le débat entourant cette question a porté en grande partie sur l’impact qu’aurait l’activité de nouveaux concurrents sur les protagonistes déjà en place, plutôt que sur les conséquences ultimes pour les consommateurs. D’après le Groupe de travail, la seule situation où les consommateurs ne profiteraient pas de l’arrivée de nouveaux concurrents est la suivante : (1) si les nouveaux participants sont capables de dominer le marché et qu’ils fixent les prix de manière anticoncurrentielle; ou (2) si les nouveaux participants pratiquent des ventes liées avec coercition ou abusent de renseignements personnels. Ces aspects négatifs pourraient éventuellement neutraliser les aspects positifs d’un meilleur choix et de la concurrence dans les prix.

Le Groupe de travail MacKay a examiné tous les arguments avancés par les différents intervenants et conclu que, dans l’ensemble, les avantages d’un meilleur choix du consommateur dépassent largement les inconvénients qui pourraient résulter d’une perturbation du marché des concessionnaires. Par conséquent, il propose qu’on modifie les articles 417 et 464 de la Loi sur les banques ainsi que les articles équivalents de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et de la Loi sur les sociétés d’assurances, de façon à supprimer l’interdiction qui touche actuellement la location à bail de véhicules de moins de 21 tonnes.

 

Recommandations du Groupe de travail

21) Sous réserve de l’adoption de dispositions appropriées en matière de protection des renseignements personnels et de ventes liées, les sociétés d’assurance-vie et les institutions de dépôts réglementées au niveau fédéral devraient être autorisées à louer à bail des véhicules légers, y compris des automobiles, aux consommateurs.

(a) Les institutions de dépôts dont l’actif des actionnaires est inférieur à 5 milliards de dollars devraient être autorisées à louer à bail des véhicules légers dès que les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels et aux ventes liées entreraient en vigueur.

(b) Ce nouveau pouvoir devrait être accordé à toutes les autres sociétés le 1er janvier 2002.

 

Opinions des témoins

Les témoins en faveur des recommandations du Groupe de travail ont dit :

Nous pensons que les banques devraient être autorisées à se lancer dans ce secteur. Nous croyons que cela résulterait en un marché plus concurrentiel, ce qui bénéficiera aux consommateurs ... Si les banques veulent y aller, et elles ont les bilans qui leur permettent d’obtenir de l’argent meilleur marché, alors je leur souhaite bonne chance. (David F. Banks, 4 novembre 1998)

C’est pourquoi, disent-elles, les enquêtes indépendantes indiquent que les consommateurs appuient leur participation au marché du crédit-bail automobile :

Le rapport MacKay a révélé que 77 p. 100 des Canadiens ont dit vouloir avoir le choix d’acheter leur assurance de compagnies d’assurances, de banques, ou d’autres institutions. Même chose pour la location de véhicules. Cependant, je crois que celle-ci est plus intéressante, parce que les taux y sont plus élevés. Ils sont de 1,2 p. 100 plus élevés que ceux aux États-Unis, où les banques sont autorisées à faire la location de véhicules. (A. Charles Baillie, 2 novembre 1998)

De l’autre côté du débat se trouvent les sociétés de crédit-bail des constructeurs et des concessionnaires d’automobiles.

L’industrie automobile s’oppose déjà depuis longtemps à l’entrée des banques dans le crédit-bail automobile : c’est un fait bien connu. Cette opposition va du fabricant jusqu’au concessionnaire. Nous pensons que si les banques sont autorisées à entrer sur ce marché, il en résultera à long terme une réduction de la concurrence, une diminution des choix offerts à la clientèle, une baisse des coûts de crédit-bail, des répercussions néfastes pour les concessionnaires automobiles présents dans presque toutes les localités de ce pays, et une perturbation de l’ensemble de l’industrie automobile. (Maureen Kempston Darkes, 2 novembre 1998)

Ces conclusions s’appuient sur les éléments suivants :

C’est une perspective très sombre pour ce qui est aujourd’hui une industrie très saine et productive. Nous pensons que l’irruption des banques dans le crédit-bail automobile entraînerait ces conséquences pour six raisons.

Premièrement, le crédit-bail n’est pas la même chose qu’un prêt. Les restrictions imposées actuellement aux banques tiennent compte de cette distinction. Le crédit-bail suppose la propriété du véhicule, ce qui comporte une responsabilité à l’égard du risque résiduel et la gestion du risque des créances. Tout cela exige un engagement envers l’industrie automobile que les banques n’ont tout simplement pas.

Deuxièmement, les banques pourraient utiliser l’avantage au niveau du coût des fonds qui leur est donné par la loi pour évincer du marché leurs concurrents. De plus, il n’est pas viable pour les sociétés de financement de se transformer en banques afin de livrer concurrence sur un pied d’égalité. En effet, le coût de l’entrée sur le marché bancaire est exorbitant, ainsi que d’autres témoins l’ont déjà signalé au Comité.

Troisièmement, grâce à leur position dominante sur le marché des services financiers, les banques ont coutume de capturer des parts de marché et d’évincer les concurrents dans les nouveaux marchés par le recours aux produits d’appel. Une telle politique ne représente pas un appui à long terme de l’industrie automobile et entraînerait une diminution de la concurrence et une hausse correspondante des prix à la consommation.

Quatrièmement, si les banques étaient autorisées à offrir du crédit-bail, les concessionnaires locaux seraient placés en concurrence avec les mêmes institutions de dépôts qui leur fournissent la plus grande part de leur crédit d’exploitation. Ce serait un conflit d’intérêts flagrant.

Cinquièmement, le crédit-bail est un élément vital du secteur automobile, alors qu’il ne représente qu’une activité secondaire pour les banques. La location à bail, et particulièrement le crédit-bail à des taux de faveur pouvant atteindre 0 p. 100, un niveau inconnu des banques dont le taux descend rarement sous le taux préférentiel, a été mise sur pied et popularisée par les constructeurs et leurs sociétés de financement affiliées comme moyen de rendre les véhicules plus abordables. Cela était particulièrement important au cours de la période allant de 1988, année où les ventes ont atteint 1,5 million de véhicules, jusqu’en 1995 où les ventes sont tombées à moins de 1,2 million d’unités. Sans le crédit-bail, il est tout à fait possible que le marasme aurait duré beaucoup plus longtemps entraînant la fermeture d’un plus grand nombre de concessionnaires et la perte des emplois correspondants dans tout le pays. Les banques apporteraient-elles un soutien similaire à l’industrie en période de récession économique? On peut en douter. Si les banques sont autorisées à pratiquer le crédit-bail et à éliminer la concurrence, y compris de nombreux petits concessionnaires, le secteur disposera de moins d’outils pour soutenir les ventes et l’activité économique.

Enfin, les sociétés de financement affiliées aux constructeurs appuient les concessionnaires de diverses façons autres que le crédit-bail, tel que le financement des stocks, le financement du crédit-bail, le financement d’équipements, le financement hypothécaire et des crédits d’exploitation. Pour certains concessionnaires déboutés par les banques, elles sont le prêteur de dernier recours. (Maureen Kempston Darkes, 2 novembre 1998)

Les concessionnaires automobiles ont souscrit à ces arguments à l’encontre de la participation des banques au marché du crédit-bail.

Les banques ont accès à nos renseignements les plus confidentiels, dont les portefeuilles de location-vente actuels, les dates de renouvellement des contrats et les données sur les paiements. En les laissant entrer en concurrence avec les petites entreprises, on créerait un sérieux conflit d’intérêts. Elles auraient un avantage injuste et on peut se demander ce que cela aurait comme effet sur les ventes liées, compte tenu de ce qu’elles sauraient sur les antécédents financiers et les habitudes d’achat des consommateurs.

Dans son document de référence qui porte sur la location, le Groupe de travail dit essentiellement que si la location est un marché hautement compétitif, les banques ne parviendront pas à dominer le secteur ou à se l’approprier. Mais le fait est que les banques, vu leur taille et leurs ressources, ont la capacité de dominer le marché, et que les consommateurs en feront finalement les frais. De même, le Groupe de travail se trompe complètement lorsqu’il affirme que ce sont les services de location des constructeurs qui seront les plus touchés, plutôt que les concessionnaires. D’une part les sociétés de location des concessionnaires feront face à une pénurie de crédit et d’autre part elles perdront de leur valeur puisque les banques feront l’acquisition de parts de marché de court terme. Les sociétés de location indépendantes des concessionnaires seront les premières à fermer leurs portes. Nous dépendons des banques pour obtenir les capitaux qui nous permettent de louer nos véhicules directement de nos services de location, qui sont très rentables et constituent une partie vitale de nos activités, surtout en période de ralentissement de l’économie. Ils nous procurent un flot régulier de contrats et ne sont pas aussi cycliques que les ventes. (Gordon Hoddinott, 1er octobre 1998)

Par contre, les banques soutiennent que le crédit-bail est simplement une forme différente de prêt et qu’elles ne veulent pas se lancer dans le vente en gros ou au détail d’automobiles.

Les banques s’occupent de crédit-bail depuis un examen de la Loi sur les banques dans les années 70. Nous nous sommes portés acquéreurs d’une société de crédit-bail dans les années 70 parce que nous étions autorisés à le faire. Nous n’avons pas été autorisés à louer des véhicules légers, ce qui nous place dans une situation différente de celle de nos principaux partenaires commerciaux. Nous ne sommes pas intéressés à fabriquer des automobiles ni à nous lancer dans la vente en gros d’automobiles. Nous voulons simplement offrir un financement à nos clients. Nous avons été autorisés à nous occuper d’avions, de navires et de véhicules lourds. Ce n’est qu’une autre forme de services financiers, et c’est certainement la façon dont c’est perçu aux États-Unis. (John E. Cleghorn, 29 septembre 1998)

Les banques font également un plaidoyer selon la perspective canadienne :

Les institutions canadiennes devraient avoir le droit de proposer le crédit-bail pour les automobiles. En effet, le crédit-bail automobile est, par ordre d’importance, le deuxième achat ou crédit à la consommation et il est contrôlé par des étrangers. GE Capital, une société qui est plus grande que la Banque Royale, peut louer des automobiles au Canada, alors que la Banque Royale ne peut le faire. Cette situation est tout simplement incroyable et il faudrait y remédier. Cela ne me paraît absolument pas normal, car le Canada empêche ainsi ses propres institutions financières de faire des affaires. D’autre part, les consommateurs en bénéficieraient, car si la Banque Royale peut offrir de meilleures conditions que GE, pourquoi ne pas l’autoriser à le faire? (Larry M. Pollock, 28 octobre 1998)

 

Conclusions

La seule chose qui justifierait des modifications législatives pour permettre aux institutions de dépôt de se lancer dans le crédit-bail automobile serait qu’un tel changement de politique avantage les consommateurs. Actuellement, les institutions de dépôt sont autorisées à faire de la location-bail de toutes sortes de véhicules, sauf des automobiles. Il va de soi que si de nouvelles institutions étaient autorisées à faire du crédit-bail automobile, la concurrence augmenterait sur ce marché. Mais encore faudrait-il, pour avantager les consommateurs, que cette concurrence accrue se traduise par une baisse des prix de location.

Le Comité reconnaît qu’il est impossible de garantir une baisse des prix, même si la concurrence s’intensifie. Le poids de la preuve dont dispose le Comité sur cette question porte toutefois à croire qu’une concurrence accrue entraînerait une baisse des prix sur le marché du crédit-bail.

Les faits suivants sont à prendre en considération :

  • Dans son rapport annuel de 1997, General Motors rapporte que la baisse des recettes au titre des ventes au détail et de la location de voitures sur le marché américain et sur le marché international entre 1996 et 1997 était imputable aux pressions de la concurrence sur le marché.
  • Le Canada est le seul grand pays industrialisé où les banques ne sont pas autorisées à faire du crédit-bail automobile.
  • Lorsque les banques ont pénétré sur le marché hypothécaire et sur celui des fonds communs de placement, la concurrence sur ces marchés s’est intensifiée.

Tout cela porte à croire qu’il serait dans l’intérêt des consommateurs de permettre aux institutions de dépôt de se lancer sur le marché du crédit-bail automobile puisque cela se traduirait pour eux par une baisse des coûts.

Le défi pour le Comité était de trouver moyen d’énoncer une politique qui permettrait aux banques de s’engager sur le marché du crédit-bail automobile sans exposer les concessionnaires d’automobiles à une concurrence déloyale.

Il fallait pour cela parer aux principales inquiétudes des concessionnaires automobiles avant d’apporter tout changement aux politiques en matière de crédit-bail automobile. La solution adoptée doit donc empêcher les institutions de dépôt de court-circuiter les concessionnaires pour acheter des automobiles directement du fabricant à des fins de crédit-bail ou de conclure une entente d’approvisionnement exclusive avec un gros concessionnaire au détriment des petits concessionnaires. Elle doit aussi limiter la fonction des institutions de dépôt exclusivement à la prestation d’un service financier, le financement de baux financiers en l’occurrence, et non pas à négocier le prix d’achat d’une automobile directement ou indirectement avec le client, ou à se lancer dans la vente d’automobiles neuves ou d’occasion.

En ce qui concerne le détail du fonctionnement des mécanismes de crédit-bail automobile des institutions de dépôt, le Comité croit possible d’élaborer une politique en la matière qui réponde à toutes les préoccupations des concessionnaires d’automobiles. Selon le Comité, les consommateurs devraient pouvoir acheter un véhicule ou prendre des arrangements de crédit-bail chez le concessionnaire de leur choix. Dans leurs rapports avec les consommateurs dans le contexte du crédit-bail automobile, les institutions de dépôt  :

· ne devraient pas pouvoir, en tant que bailleur, imposer des conditions au sujet de l’identité ou de l’emplacement du vendeur du véhicule. Cela veut dire que les baux financiers des institutions de dépôt seront offerts par le biais des concessionnaires et que les consommateurs devraient pouvoir négocier ces contrats de crédit-bail chez le concessionnaire de leur choix;

· ne devraient pas pouvoir conclure des ententes stratégiques avec des concessionnaires ou des constructeurs d’automobiles en vue d’offrir leurs produits en exclusivité. Cela veut donc dire qu’elles ne pourront pas court-circuiter un concessionnaire en particulier ou empêcher celui-ci d’offrir les mêmes produits que ses concurrents;

· ne pourront pas agir comme mandataires du vendeur ou de l’acheteur du véhicule. Ainsi, les institutions de dépôt ne devraient pas pouvoir conclure des ententes dans lesquelles elles achètent ou vendent des automobiles pour le compte d’un consommateur ou d’un concessionnaire.

Les concessionnaires ont aussi exprimé des inquiétudes au sujet des éventuels conflits d’intérêts des banques qui, tout en assurant le financement, entreraient en compétition avec eux et leurs programmes de crédit-bail. Il y a lieu de rappeler à cet égard que les concessionnaires ne sont pas limités aux banques pour combler leurs besoins financiers. Toute une gamme d’autres sources de financement (sociétés de fiducie, coopératives de crédit, compagnies d’assurances et compagnies de financement) s’offrent à eux. On pourrait aussi faire valoir que la relation entre les compagnies de financement des fabricants et les concessionnaires est semblable en ce sens que ces compagnies les financent, tout en leur faisant concurrence pour les baux négociés par ces concessionnaires.

Les fabricants et les concessionnaires d’automobiles ont aussi prétendu que l’entrée des banques sur le marché du crédit-bail nuirait sensiblement à la rentabilité des compagnies de financement des fabricants, réduisant ainsi leur aptitude à servir de prêteurs de dernier ressort aux concessionnaires qui desservent un marché à faible intensité et à ceux dont la cote de crédit est marginale, surtout en période de repli économique. Certains concessionnaires pourraient ainsi, a-t-on laissé entendre, se faire évincer du marché. Les compagnies de financement des fabricants sont toutefois poussées à continuer de financer les concessionnaires pour maintenir leurs réseaux de distribution. Il n’a pas été démontré, par ailleurs, que la participation des banques affaiblirait les compagnies de financement des fabricants, compte tenu surtout des vastes ressources de leur société-mère.

Le choix se résume donc à adopter une ligne de conduite qui, selon les témoignages entendus par le Comité, avantagerait les consommateurs par une réduction des prix, ou à maintenir le statu quo. En limitant la concurrence des compagnies de financement des fabricants (surtout en dehors du Canada), cette dernière option permettrait à celles-ci de continuer de pratiquer des prix plus élevés qu’aux États-Unis.

Devant un tel choix, le Comité recommande d’autoriser les banques à faire du crédit-bail automobile dans des conditions qui répondent aux inquiétudes des concessionnaires d’automobiles. Ces conditions obligeront les banques à s’en tenir strictement à fournir un service financier, et ne leur permettront donc pas de se lancer dans la vente d’automobiles neuves ou d’occasion.


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