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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LE PROCESSUS D’EXAMEN DES FUSIONS
1. La politique interdisant aux grandes institutions de s’acheter entre elles
2. Couverture, responsabilités et pouvoirs des institutions
3. Le Bureau de la concurrence et les préoccupations en matière de concurrence
4. Le BSFI et les préoccupations prudentielles
5. Le ministre des Finances et l'intérêt public
6. Approbation, surveillance et engagements exécutoires


PARTIE D

LE PROCESSUS D’EXAMEN DES FUSIONS

1. La politique interdisant aux grandes institutions de s’acheter entre elles

Introduction

Le Canada a promulgué des lois fédérales sur les fusions et les acquisitions, dans le secteur des services financier en général et dans les secteurs du commerce et des entreprises en général. Dans le passé, les fusions et les acquisitions d'institutions financières ont fait l'objet d'examens sélectifs, particuliers aussi bien que globaux, effectués par le Bureau de la concurrence, le BSIF et le ministère des Finances.

Cependant, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de processus d'examen intégré. Par exemple, on ne peut trouver nulle part, dans la politique publique relative aux institutions financières, une ligne directrice précisant les catégories de fusions qui doivent subir un examen public et, le cas échéant, par lequel de ces trois organismes gouvernementaux. En outre, il n'y a pas de politique publique qui régisse clairement les critères à respecter pour obtenir l'approbation du gouvernement en matière de sécurité et de solvabilité, ainsi que d'intérêt public. Seul, le Bureau de la concurrence possède des critères de concurrence bien établis et bien compris, mais ceux-ci dépendent beaucoup des dossiers examinés.

En ce qui concerne la politique publique actuelle sur les fusions des grandes institutions financières, comme l'indique le rapport du Groupe de travail, on se rend en général compte dans tout le secteur qu'il existe une politique officieuse interdisant aux grandes institutions de s'acheter entre elles. Le Livre Blanc de 1990 du Gouvernement du Canada, intitulé la Réforme des lois sur les institutions financières fédérales témoigne indirectement d'une telle politique quand la consolidation implique des niveaux élevés de concentration sur le marché, avec prestation de services de banque aussi bien que d'assurance-vie, sauf s'il s'agit d'une institution en sérieuse difficulté.

Finalement, ce qui est clair au sujet du processus d'examen existant, c'est que le pouvoir de décision finale sur les fusions d'institutions financières de taille grande ou moyenne, réglementées par le gouvernement fédéral, incombe au ministre des Finances. La manière dont le Ministre prend une décision, les facteurs sur lesquels il se base et les conseils qu'il demande ne font pas l'objet d'un document public.

Le Groupe de travail propose de combler en partie cette lacune en faisant des recommandations particulières de politique publique pour guider le Ministre.

 

Recommandation du Groupe de travail

45) La politique publique ne devrait pas empêcher en général les grandes institutions de conclure entre elles des ententes de regroupement, qu'il s'agisse de fusions, d'acquisitions ou d'autres formes de regroupements. La politique interdisant aux grandes institutions de s'acheter entre elles ne devrait pas s'appliquer aux institutions financières réglementées au niveau fédéral, y compris les banques de l'annexe I.

 

Opinions des témoins

Les témoins qui sont en faveur d'une politique qui permette aux grandes institutions de s'acheter entre elles ont en général fait des commentaires sur la validité des fusions comme stratégie commerciale.

Il est clair que, d'un point de vue stratégique, les fusions sont valables sur le plan commercial. Les fusions à l'intérieur d'un même marché sont d'ailleurs une solution classique, en ce sens que les entreprises désirent accroître leur part de marché et réduire leurs frais d'exploitation en éliminant des réseaux qui ont la même vocation. C'est clair. En principe je n'ai rien contre les fusions. (Peter Godsoe, le 7 octobre 1998]

Les partisans des fusions bancaires ont soutenu la recommandation du Groupe de travail d'un examen public des fusions au cas par cas.

À propos des fusions, la Banque Royale est totalement en accord avec la conclusion du rapport selon laquelle les fusions entre les institutions constituent une stratégie viable et ne doivent être interdites automatiquement. Nous soutenons également entièrement les propositions du rapport concernant l'examen des fusions au cas par cas. ( John Cleghorn, le 29 septembre 1998)

Un témoin affirme :

… nous devons comprendre de quelle façon la nouvelle entité fusionnée sera financièrement plus forte, sur son bilan, que chacune des deux banques constituantes prises séparément. Il faudrait, en particulier, qu'on puisse démontrer que la nouvelle entité a un plus grand accès aux marchés de capitaux que chacun de ses deux prédécesseurs pris séparément, pour répondre à ses propres besoins et être en mesure de traiter des affaires d'une grande diversité. La fusion va-t-elle permettre à la nouvelle entité d'obtenir ou de conserver de bonnes cotes de crédit, qui revêtent une grande importance dans ce secteur. (Michael Mackenzie, le 3 novembre 1998)

Certains témoins se sont prononcés en faveur d'une politique interdisant aux grandes institutions de s'acheter entre elles. Ils ont souligné les effets de cette concentration sur les petites institutions.

Nous craignons que... la réaction probable du gouvernement à la fusion soit une réaction à la surconcentration qui prenne la forme d’une surréglementation visant à protéger le consommateur. » Nous sommes persuadés que l’histoire nous a enseigné que c’est la concurrence, et non pas la réglementation, qui empêche les prix d’augmenter et qui donne des choix aux consommateurs. Nous ne devrions jamais oublier que la réglementation favorise fondamentalement la grande entreprise au détriment de la petite. La réglementation nuit à la concurrence parce qu’elle a en définitive pour effet de nuire au petit joueur qui vient concurrencer le gros joueur. À long terme, selon moi, cela a des effets défavorables, et non favorables, pour le consommateur. (Ed Clark, 7 octobre 1998)

D'autres témoins ont parlé de fusions possibles entre les grandes banques et les grandes compagnies d'assurance-vie à la suite d'une vague de démutualisations.

Le deuxième thème que j’aimerais aborder est celui de la concentration en matière de services financiers... Nous arguerions quant à nous qu’aujourd’hui, les services financiers débordent des activités bancaires ou des services particuliers que peut assurer une seule catégorie d’institution. Les services financiers sont en réalité une question d’accès à des fonds par des particuliers, des entreprises et des institutions financières. En ce qui concerne l’avenir, nous croyons que le ministre et les auteurs des politiques publiques futures devraient s’inquiéter si les banques, au lieu de prendre de l’expansion à l’échelle mondiale pour livrer directement concurrence à leurs compétiteurs mondiaux, proposent de poursuivre leur expansion à l’échelle nationale, par exemple en prenant le contrôle des cinq plus grosses compagnies d’assurance-vie. Il s’agit là d’un scénario particulièrement réaliste découlant de la démutualisation recommandée des compagnies d’assurance-vie, qui éliminerait un obstacle actuel à la reprise par les banques de quatre des cinq premières compagnies d’assurance-vie. (David F. Banks, 4 novembre 1998)

D'autres témoins se sont inquiétés des fusions entre les grandes compagnies d'assurances sur la vie. Ils se sont prononcés en faveur de restrictions sur de telles fusions.

Nous allons peut-être un peu trop vite, mais dans notre secteur, on suppose déjà que peu après la démutualisation et cette période intérimaire de trois ans, il pourrait y avoir des fusions entre ces sociétés. Les questions qui s’appliquent au secteur des banques — tout au moins les questions de politique gouvernementale — devraient s’appliquer de la même façon à l’industrie de l’assurance-vie. Il faudrait peut-être plutôt dire que la politique du gouvernement devrait limiter les fusions entre les compagnies d’assurance-vie lorsqu’on a l’impression qu’il y a peut-être un peu trop de concentration dans notre secteur. Voilà vraiment ce que nous voulons dire. (William A. Black, 21 octobre 1998)

D'autres expriment un point de vue différent.

La Canada-Vie elle-même a joué une part active dans tout cela, avec huit acquisitions amicales faites au cours des six dernières années. Et il y en a une en cours — celle de la Crown Life. Je cite ces exemples pour deux raisons. Premièrement, les pressions en faveur du changement demeurent aussi fortes, et la taille des institutions financières de par le monde connaît une croissance géométrique. Deuxièmement, le Canada ne peut se cacher le fait qu’il y a consolidation dans l’industrie des services financiers. La consolidation tient à deux facteurs. Il y a trop de joueurs présents à une époque où le marché des produits d’assurance-vie classiques déclinent, alors que les entreprises établies dans le domaine font face à de nouveaux concurrents non traditionnels, particulièrement dans le domaine de l’accumulation de la richesse. Les fonds communs de placement et les banques sont de gros joueurs dans le domaine en question. (David A. Nield, 2 novembre 1998)

 

Conclusions

Le Comité pense que les fusions des grandes institutions financières réglementées au niveau fédéral posent au pays des dilemmes importants de politique.

Le Comité recommande que les grandes banques et les grandes compagnies d'assurance ne puissent pas s'acheter les unes les autres.

Cette recommandations n'est pas motivée par le désir de retourner aux piliers isolés de la politique d'avant 1922. En fait, en matière de produits et de services que les banques et les compagnies d'assurance offriront dans un avenir proche, le Comité envisage une destruction plus grande de ces piliers.

Cette recommandation est motivée par la conviction du Comité que s'il se produisait une fusion des compagnies d'assurances et des banques majeures, cela occasionnerait une concentration trop grande de pouvoir économique dans trop peu de mains. Le Comité n'aime pas l'idée de réduire le secteur des services financiers à uniquement quatre ou cinq entreprises.

Le Comité pense que, dans une société pluraliste, il est essentiel qu'il existe une multitude de décideurs puissants. En outre, permettre une concentration excessive dans toute la gamme de services financiers pourrait créer un niveau de risque systémique inacceptable. Il pourrait en résulter une situation dans laquelle la trop grande taille des institutions interdirait moralement toute faillite.

En 1992, on a assisté dans le secteur financier à une élimination presque totale des sociétés de fiducie indépendante. Le secteur des courtiers indépendants en valeurs mobilières a également été rapidement dominé par les banques, après que le gouvernement de l'Ontario ait supprimé, en 1987, la restriction sur les placements des autres institutions financières dans les courtiers en valeurs mobilières.. On ne devrait pas permettre la même situation dans le secteur de l'assurance-vie. Cela ne veut pas dire que les banques ne devraient pas avoir le droit d'acheter des petites compagnies d'assurance, ce qu'elles peuvent faire à l'heure actuelle.

Cela ne veut pas non plus dire que les compagnies d'assurance ne devraient pas avoir le droit d'acheter des petites banques. À l'heure actuelle, seule une compagnie d'assurance à capital largement réparti peut posséder une banque de l'annexe II, alors qu'en vertu de la proposition du Comité, n'importe quelle compagnie d'assurance pourrait acheter une petite banque. La recommandation du Comité signifie simplement qu'une grande institution ne pourrait pas acheter une autre grande institution d'un autre pilier.

Cette recommandation ne devrait imposer aucune contrainte importante sur l'évolution des grandes entreprises. La plupart des dirigeants de services financiers qui ont témoigné devant le Comité ont dit que leur intérêt principal était une consolidation dans leur propre industrie plutôt qu'entre piliers. Ils ont bien précisé que c'est une consolidation à l'intérieur d'un pilier qui amène le plus d'efficience et de réduction des coûts, et pas la consolidation entre piliers.

Le Comité recommande que la recommandation 45 du Groupe de travail soit modifiée comme suit :

La politique publique ne devrait pas empêcher de façon générale les grandes institutions de conclure entre elles des ententes de regroupement, qu'il s'agisse de fusions, d'acquisitions ou d'autres formes de regroupements, à une exception près. La politique interdisant aux grandes institutions de s'acheter entre elles ne devrait pas s'appliquer aux institutions financières réglementées au niveau fédéral, sauf dans le cas d'une ou de plus d'une compagnie d'assurance-vie se regroupant avec une ou plus d'une grande banque de l'annexe I.

Dans le cas d'une entreprise en sérieuse difficulté, il faudrait faire une exception. Le Comité fait la recommandation suivante :

Dans le cas d'une grande compagnie d'assurance ou d'une grande banque de l'annexe I en sérieuse difficulté qui n'a pas d'autre acheteur, ainsi que le confirme le ministre des Finances, le gouverneur en conseil peut annuler l'interdiction de combinaison imposée sur toute autre grande banque de l'annexe I ou sur toute grande compagnie d'assurance-vie, respectivement.

 

2. Couverture, responsabilités et pouvoirs des institutions

Introduction

En vertu de la politique actuelle, la plupart des fusions proposées d'institutions financières réglementées au niveau fédéral peuvent faire l'objet d'un examen par trois organismes fédéraux : le ministère des Finances, le BSIF et le Bureau de la concurrence (le Bureau). Le ministère des Finances peut procéder à un examen de toute fusion et le Bureau peuvent procéder à un examen de toute fusion où l'actif de l'une des parties excède le seuil de 400 millions de dollars d'actif et l'actif acquis ou consolidé de l'une et des deux parties dépasse 35 millions et 70 millions de dollars, respectivement. Le BSIF peut examiner toute fusion où l'une des parties au moins est réglementée au niveau fédéral. Le Bureau de la concurrence peut aussi surveiller les associations d'institutions financières non réglementées

Des transactions vastes, relativement complexes, comme celles des quatre banques à charte à l'heure actuelle en cours d'examen, peuvent s'avérer difficiles sur le plan administratif, à cause de l'importance des ressources requises.

Le Groupe de travail pense que le Bureau, avec des modifications mineures des Lignes directrices pour l'application de la Loi, est bien placé pour examiner les risques d'effritement de la concurrence et d'abus dus à la position dominante que présentent les fusions proposées dans le secteur des services financiers.

Le Groupe de travail identifie le BSIF comme la bonne agence pour aviser le ministre en matière de risque systémique supplémentaire, s'il y en a un, présenté par des regroupements particuliers d'entreprises.

Le Groupe de travail propose que le ministère des Finances devienne responsable d'entreprendre un examen de l'intérêt public de ces catégories de propositions. Pour les institutions les plus grandes réglementées au niveau fédéral, comme certaines banques de l'annexe I et certaines compagnies d'assurance-vie sur le point de se démutualiser, il devrait également y avoir une exigence de transformer l'examen de l'intérêt public en un processus officiel complet. Ce processus engagerait directement le public et comprendrait une évaluation d'incidence de l'intérêt public.

Finalement, c'est le ministre qui a le dernier mot. Il approuve ou désapprouve toute proposition de fusion présentée par des institutions financières réglementées au niveau fédéral, tout en s'appuyant sur les conseils présentés par le Bureau, le BSIF et le Ministère.

Le Groupe de travail recommande également que, dans le cas d'une approbation ministérielle conditionnelle à certaines actions correctrices visant à réduire les risques de concurrence destructive ou de stabilité financière, on pourrait imposer une surveillance après la fusion et des dispositions obligatoires assorties de sanctions

 

Recommandations du Groupe de travail

46) Les regroupements d'entreprises mettant en cause une entreprise financière réglementée au niveau fédéral devraient être examinés par a) le Bureau de la concurrence, aux termes de la Loi sur la concurrence, du point de vue des effets sur la concurrence, b) le Bureau du surintendant des institutions financières, sous l'angle des questions prudentielles et c) le ministre des Finances, dans l'optique générale de l'intérêt public. Les renseignements nécessaires aux évaluations devraient être partagés entre ces instances, sous le sceau de la confidentialité, dans le cadre du processus d'examen.

 

Opinions des témoins

Le Comité n'a reçu que quelques commentaires de fond sur le processus d'examen lui-même, tel que proposé par le Groupe de travail. Ces témoins se sont prononcés contre une bureaucratie trop lourde.

Dans le contexte, je crois que le cadre de réglementation qui est actuellement à l’étude devrait servir à encourager et à favoriser la plus grande liberté de choix et la plus grande innovation possible. Une liberté de choix marquée par la prudence certes, mais une liberté de choix tout de même. Il est prudent et nécessaire de protéger l’intérêt public légitime, particulièrement quand il s’agit de s’assurer que nous disposons d’entreprises financières qui sont fortes et concurrentielles. Il est également nécessaire que le cadre de réglementation reconnaisse et serve à encourager la liberté de choix en garantissant que les règles d’engagement ne sont pas inutilement bureaucratiques, restrictives ou lourdes. (David A. Nield, 2 novembre 1998)

Certains témoins ont parlé de la durée que prend le processus actuel d'examen de fusion de banques.

Les auteurs du rapport MacKay se penchent brièvement sur la question accessoire du processus de réglementation. À l’heure actuelle, nous sommes désavantagés par rapport à nos concurrents américains. La fusion la plus importante et la plus lourde de conséquences dans le secteur des services financiers, entre la Citibank et la Traveller’s, a été approuvée en cinq mois et demi. Elle a eu d’énormes conséquences tant aux États-Unis qu’au niveau international. Il est certain qu’il faut redéfinir le système canadien et élargir la discussion au processus de réglementation, parce que l’examen du projet de fusion entre la Banque de Montréal et la Banque Royale en est maintenant à son neuvième mois. Nous croyons qu’il durera encore de six mois à un an, au moins. (Jason Clemens, le 28 octobre  1998)

 

Conclusions

Le présent Comité, comme le Groupe de travail, pense qu'il ne devrait pas exister d'interdiction générale contre les regroupements d'institutions financières. Cependant, ceux-ci ne devraient pas se faire automatiquement. Le Comité est en faveur d'un examen approfondi des fusions qui ont une grande incidence sur le secteur canadien des services financiers. Le Comité est en faveur de la recommandation du Groupe de travail relative à une implication des institutions pour examiner les fusions d'institutions financières réglementées au niveau fédéral

 

3. Le Bureau de la concurrence et les préoccupations en matière de concurrence

Introduction

En novembre 1997, le Bureau a entamé une consultation publique pour évaluer comment appliquer ses Lignes directrices pour l'application de la Loi, avec ou sans modification, aux deux projets de fusion de banques de l'annexe I. Au terme de l'exercice, il a publié, le 15 juillet 1998, d'un document intitulé Lignes directrices pour l'application de la Loi : Fusionnements de banques.

Le directeur des enquêtes et recherches (le directeur) du Bureau fera part au ministre et aux parties aux fusions proposées de son opinion sur les aspects des fusions qui concernent la concurrence dès qu’il aura terminé son enquête. Après étude des préoccupations du ministre en matière d’intérêt public, le directeur et les parties intéressées détermineront s’il vaut la peine de chercher des correctifs aux craintes du directeur à l’égard de la concurrence (s’il en a). Une fois ces correctifs négociés et adoptés, ils devraient, aux termes de la Loi sur les banques, être approuvés par le Tribunal de la concurrence et le ministre.

Le Groupe de travail estime que la démarche générale du Bureau est valable. Mais comme le directeur n’a apporté aucune modification importante aux LDF, le Groupe de travail lui a fait savoir que certaines autres dimensions de la transaction justifiaient un examen plus poussé, notamment les besoins particuliers des petites et moyennes entreprises (PME), des clients qui dépendent du service en succursale — qui tendent à acheter tous leurs services au même endroit —, et les marchés ruraux, où les consommateurs ont un choix limité de solutions de rechange en matière de fournisseurs de services financiers. Enfin, le Groupe de travail a recommandé au directeur de se montrer vigilant, comme il l’avait fait dans l’affaire Interac, et d’examiner de près les ententes de constitution de réseaux de l’industrie bancaire pour en déceler l’incidence possible sur la concurrence dans le secteur des services financiers.

 

Recommandations du Groupe de travail

47) En ce qui concerne l'évaluation à évaluer par le Bureau de la concurrence :

(a) Le Groupe de travail souscrit à la démarche générale proposée par le directeur des enquêtes et recherches dans son mémoire de novembre 1997 au Groupe de travail, modifiée par les Lignes directrices pour l'application de la Loi : Fusionnements de banques publiées le 15 juillet 1998;

(b) Le Groupe de travail convient en particulier que le directeur ne devrait pas évaluer les projets de fusion dans l'ordre où ils lui sont soumis mais, plutôt, étudier tous les projets de fusion pris individuellement et dans leur ensemble, pour permettre au Bureau de rendre sa décision;

(c) Le directeur devrait tenir tout particulièrement compte des préoccupations, en matière de concurrence, des petites et moyennes entreprises, des utilisateurs de financiers personnels qui peuvent encore dépendre du service en succursale, et des marchés régionaux où les solutions de rechange sont limitées en matière de fournisseurs de services financiers;

(d) le directeur devrait tenir compte des nouveaux choix concurrentiels qui existent déjà pour certaines gammes de produits ou qui risquent d'être offerts par la suite de l'apparition de nouveaux canaux de distribution et à la libéralisation de la politique publique;

(e) le directeur devrait, au besoin, chercher des mesures de redressement;

(f) le directeur devrait, lors de l'examen des projets de fusion et dans l'exercice des autres responsabilités qui lui incombent aux termes de la Loi sur la concurrence, évaluer la mesure dans laquelle les modalités d'accès aux réseaux et leur fonctionnalité entravent la concurrence.

 

Opinion des témoins

Le Comité a reçu peu de témoignages sur le processus d'examen du Bureau.

Au sujet des fusions, le rapport nous fournit le contexte nécessaire pour les examiner par l’intermédiaire du Bureau de la concurrence ou de tout autre organisme équivalent agissant en faveur de l’intérêt public. À mon avis, il faut être extrêmement prudent au moment de tirer la ligne sur le plan des marchés et des industries. Autrement dit, j’éviterais de circonscrire uniquement les services de caisse et les opérations bancaires de détail. En effet, il faut se pencher sur l’ensemble du marché et l’ensemble de l’industrie des services financiers. (Colin Dodds, 20 octobre 1998)

Un autre témoin a questionné le bien-fondé des deux ans de durée pour évaluer les réponses de concurrents à une augmentation de prix non transitoire en cas de monopole théorique

Il y a une autre recommandation que je voudrais commenter parce qu’elle pourrait avoir un effet néfaste sur la portée de la législation que vous élaborerez pour refondre le secteur. Il s’agit de la recommandation 47, dans laquelle le Groupe de travail souscrit à la politique du Bureau de la concurrence à l’égard de l’examen des fusionnements de banques. Nous ne nions certes pas le caractère essentiel d’un examen par le Bureau. Ce qui nous préoccupe, c’est la politique du Bureau consistant à limiter à deux ans son examen de l’incidence de la technologie sur la concurrence. Nous vivons dans un monde où la technologie change à chaque jour et transforme le marché. Et vous, sénateurs, serez appelés à élaborer une législation qui sera en vigueur pendant de nombreuses années. Nous croyons qu’un examen de deux ans est loin d’être assez long pour élaborer une législation visant un aussi long terme. Nous vous mettons aussi en garde contre le risque de trop réglementer le secteur, eu égard à la vitesse à laquelle l’environnement change. Les entreprises du secteur ont besoin de souplesse pour s’adapter à un environnement aussi compétitif. (A. Charles Baillie, 2 novembre 1998]

Finalement, peu de témoins ont questionné le bien-fondé de dessaisissements par les banques comme stratégie corrective. La plupart pensent que des actifs mobiliers peuvent être transférés très facilement, mais pas la clientèle.

C’est une chose que de vendre des installations ou d’exiger qu’une institution se départisse de certaines des siennes. C’en est une autre que de réussir à transférer les activités qui se déroulent dans une succursale ou la clientèle qui y est servie. En fait, les banques canadiennes sont si solidement établies grâce à leurs réseaux nationaux, à la variété de produits qu’elles offrent, aux vecteurs qu’elles utilisent pour accéder aux goussets des consommateurs canadiens — qu’il s’agisse d’hypothèques, de prêts, de cartes de crédit ou de l’un ou l’autre de la foule de services qu’elles assurent maintenant —, qu’elles constituent, à n’en pas douter, des concurrents très forts, très bien organisés et très difficiles à déloger pour tout nouveau venu dans le marché des services financiers. (Harvie Nagley, président, le 3 novembre 1998)

 

Conclusions

Le Comité soutient la démarche générale d'examen adoptée par le Bureau. Il prie néanmoins instamment le Bureau de tenir compte de la dynamique de ce secteur quand il fait son analyse. L'innovation technique et la mondialisation, ainsi que la réforme réglementaire, continuent à abolir plusieurs obstacles techniques, institutionnels et réglementaires à l'entrée dans ce secteur. Les nouveaux réseaux de distribution électronique réduisent considérablement le coût d'entrée dans le secteur des services financiers.

 

4. Le BSFI et les préoccupations prudentielles

Introduction

Le Groupe de travail a loué les pratiques d'examen des fusions du BSIF et a recommandé que le Bureau de la concurrence soit prêt à utiliser du personnel du BSIF pour son expertise spécialisée et sa connaissance du secteur. Le Groupe de travail, fort de la preuve statistique qui a démontré que le Canada a eu moins de création de banques et moins de faillites de banques que la plupart des pays industrialisés, pense que le BSIF ne devrait pas tenter d'assurer que les institutions financières ne fassent jamais faillite et qu'en examinant les fusions de grandes institutions financières, le BSIF devrait concentrer son attention sur la doctrine voulant que les grandes institutions ne puissent pas faire faillite.

 

Recommandations du Groupe de travail

48) En ce qui concerne l'évaluation à effectuer par le BSIF :

(a) le surintendant devrait s'efforcer de définir les nouveaux risques prudentiels auxquels la transaction projetée pourrait donner lieu;

(b) le BSIF devrait être disposé à prêter son aide au Bureau de la concurrence, notamment par des détachements de personnel, de manière que le Bureau dispose de compétences spécialisées suffisantes, possédant l'expérience de l'industrie et la sensibilité nécessaire à ses besoins, pour évaluer et protéger l'intérêt public du point de vue de la concurrence.

 

Opinion des témoins

Un témoin a averti que le processus réglementaire doit demeurer puissant et que de plus grandes banques sont plus fortes.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question où vous demandez ce qui se passerait si l’une d’elles faisait faillite, il faut encore une fois voir les raisons qui font que les banques font faillite. À de nombreux égards, l’histoire montre qu’être « trop petit pour survivre » constitue un plus gros problème que d’être « trop gros pour échouer », si l’on peut se fier aux différentes faillites bancaires qui ont eu lieu depuis le XIXe siècle. Pour vous donner un exemple, aucune grande banque n’a fait faillite au Canada depuis 1920, ce qui veut dire que le Canada a réussi à passer les années 30 sans qu’une grande banque fasse faillite. Nous avons dans notre pays un régime extraordinaire de surveillance et de réglementation. Les deux institutions concernées ont la meilleure cote. À elles deux, elles ont un capital de base de 25 milliards de dollars à leur actif avant que l’on puisse parler de perte imminente. Il me semble que lorsqu’on regroupe des banques qui sont solides au départ, on réduit le risque de faillite. (Matthew Barrett, 8 octobre1998)

Le surintendant, par contre, a indiqué que la preuve sur la taille des banques et la solvabilité financière n'est pas concluante.

En général, je crois qu’il est très difficile de répondre simplement à la question de savoir si des facteurs comme la taille, le rayonnement géographique ou la participation à certains secteurs d’activité accroît ou réduit le risque. Je crois que ce qui s’est produit dans le monde à ce chapitre ne permet pas de conclure dans un sens ou dans l’autre. (John Palmer, 3 novembre 1998)

En outre, le surintendant a interprété les recommandations du Groupe de travail comme une suggestion que le BSIF devrait accepter davantage de risques pour les institutions financières de plus petite taille.

Dans son rapport, le Groupe de travail affirme, sauf erreur, que nous devrions être disposés à accepter que les petites institutions financières courent un peu plus de risques. Quant aux grandes institutions, il recommande qu’elles continuent d’avoir un grand nombre d’actionnaires et qu’elles soient libres de liens commerciaux, recommandations importantes, à notre avis, dans la mesure où il s’agit de réduire les risques. Par contre, en ce qui concerne les petites institutions financières, le Groupe de travail nous recommande d’être disposés à accepter que des institutions qui ont des liens commerciaux aient peu d’actionnaires. Il est donc prêt à accepter que les petites institutions courent plus de risques. (John Palmer, 3 novembre 1998)

Cependant, certains témoins ont estimé que, pour les banques les plus grandes, les fusions bancaires posent un risque important car les institutions restantes ne sont probablement pas capables de reprendre tous les éléments d'une grande banque ayant fait faillite sans l'aide des contribuables.

Quant à la question des entreprises « trop grosses pour échouer », si l’une des cinq banques devait faire faillite, est-ce que les quatre autres, le gouvernement, les compagnies d’assurances et les autres pourraient se la partager, comme on le fait depuis 1920, et régler tout cela sans qu’il en coûte un cent aux contribuables? Probablement pas. (Peter Godsoe, 7 octobre1998)

En matière d'évaluation d'une proposition de fusion, il y a peu de critères à considérer.

Habituellement, nous essayons ensuite de savoir si la qualité des facteurs de réduction du risque, les systèmes de contrôle du risque, la capitalisation et les réserves sont à la hauteur du risque inhérent aux activités de l’institution, si le risque et les mesures de sûreté s’équilibrent, de manière à ce que le risque net, pour ainsi dire, soit acceptable sous le rapport de la sûreté et de la solidité financière générale de l’institution. Il est clair, par exemple, qu’il arrive très souvent que l’expansion de la portée géographique des activités d’une institution en réduise réellement le risque en le diversifiant. Dans d’autres cas, elle peut créer des problèmes de contrôle si elle n’est pas bien effectuée et occasionner des surprises. Cela s’est produit dans d’autres pays. (John Palmer, 3 novembre1998]

 

Conclusions

Le Groupe de travail a mis l'accent sur l'importance de cet aspect du processus d'examen des fusions et a demandé aux parties concernées de ne pas le sous-estimer. Le public accorde une priorité très élevée à la sécurité et à la santé financière du secteur des services financiers, en particulier quand il s'agit de fonctions bancaires fondamentales. Le présent Comité leur accorde tout autant d'importance.

Le Comité est en faveur des recommandations du Groupe de travail sur le rôle du BSIF dans le processus d'examen des fusions.

 

5. Le ministre des Finances et l'intérêt public

Introduction

L'aspect final du processus d'examen des fusions est le pouvoir discrétionnaire du ministre des Finances à l’égard des décisions relatives aux fusions. Seules les fusions d’institutions financières réglementées au niveau fédéral qui ne sont pas assujetties aux conditions de préavis contenues dans la Loi sur la concurrence échappent à l’obligation d’obtenir l’aval du Ministre. Cependant, ces fusions doivent déjà et devraient être approuvées par le BSIF.

Le Groupe de travail recommande que le Ministre tienne compte de l’intérêt public avant d’approuver ou de rejeter tout projet de fusion d’autres grandes institutions financières réglementées au niveau fédéral. Étant donné que l'incidence potentielle d’une fusion sur l’intérêt public augmente généralement avec la taille des institutions concernées, le Groupe de travail a conclu que les cas qui concernent de grandes institutions devraient être plus transparents et que le public devrait participer directement au processus d’examen.

Il propose plus précisément la création d'un processus d’examen de l’intérêt public pour les institutions financières réglementées au niveau fédéral qui, à la suite d'un regroupement d'activités, produiraient une entreprise où l'avoir des actionnaires serait supérieur à 5 milliards de dollars et où l'avoir des actionnaires dans chacune des parties à la fusion serait supérieur à un milliard de dollars. Ce processus officiel prévoirait la participation du public et forcerait les parties à soumettre une évaluation détaillée d'incidence sur l’intérêt public, comprenant leur plan d’entreprise et leurs objectifs, ainsi que les avantages et les coûts de la fusion pour le public.

Le Groupe de travail recommande la liste suivante, non exhaustive, d'éléments dont il faudrait tenir compte dans l’examen de l’intérêt public dans un contexte de projets de fusion de banques de l’Annexe I :

· les coûts et les avantages prévus pour la clientèle de particuliers et de PME;

· les répercussions régionales;

· la compétitivité internationale;

· l’emploi;

· l’adoption de technologies innovatrices;

· l’établissement d’un précédent;

· d’autres considérations d’intérêt public.

Le Ministre aurait aussi le pouvoir d'ordonner un processus d’examen de l’intérêt public pour tous les autres propositions de fusions

 

Recommandations du Groupe de travail

49) En ce qui concerne l’évaluation à effectuer par le ministre des Finances :

(a) L’autorisation du ministre devrait être nécessaire pour tous les regroupements d’entreprises mettant en cause une ou plusieurs institutions financières réglementées au niveau fédéral, sauf pour les transactions entre institutions réglementées au niveau fédéral qui ne nécessitent pas un avis préalable d’après la Loi sur la concurrence, ces transactions devant être approuvées par le surintendant du BSIF.

(b) Si plusieurs institutions dont au moins une est réglementée au niveau fédéral proposent de se regrouper pour former une entreprise dont l’avoir des actionnaires serait supérieur à 5 milliards de dollars et que chacune des institutions parties au projet de regroupement ait un avoir des actionnaires d’au moins 1 milliard de dollars, le ministre devrait ordonner la tenue d’un processus d’examen de l’intérêt public en bonne et due forme avant de déterminer s’il convient ou non d’autoriser le projet de transaction. Le ministre devrait pouvoir demander la tenue du processus d’examen de l’intérêt public dans le cas des autres transactions s’il le juge bon.

(c) Le ministre devrait publier des lignes directrices en matière de processus d’examen de l’intérêt public pour décrire le mécanisme. Les parties à la fusion projetée devraient, aux termes des lignes directrices, fournir une évaluation détaillée de l’incidence sur l’intérêt public (i) décrivant leur plan d’entreprise et leurs objectifs, (ii) indiquant clairement les coûts et les avantages de la transaction projetée pour la nation et le public, en tenant compte notamment des considérations exposées en d) ci-après et des autres facteurs que le ministre pourrait prescrire, et (iii) exposant les mesures de redressement ou d’atténuation de ces coûts ainsi que les assurances relatives aux avantages en question que prévoient les parties à la transaction projetée.

L’évaluation de l’incidence sur l’intérêt public devrait être accessible au public, afin que celui-ci ait la possibilité de formuler ses commentaires, pendant un délai raisonnable à spécifier par le ministre. Celui-ci devrait rendre sa décision sur le projet de transaction le plus vite possible après l’expiration du délai accordé au public pour formuler ses commentaires.

(d) Pour déterminer s’il convient ou non d’approuver la transaction projetée, le ministre devrait tenir compte des recommandations du directeur et du surintendant ainsi que des points de vue exprimés dans le cadre du processus d’examen de l’intérêt public, à la lumière de toutes les considérations pertinentes relatives à l’intérêt public, notamment :

(i) les coûts et les avantages de la transaction projetée pour la clientèle de particuliers ainsi que pour les petites et moyennes entreprises;

(ii) les effets régionaux de la transaction projetée;

(iii) son incidence sur la compétitivité internationale;

(iv) ses effets sur l’emploi;

(v) son impact sur l’adoption de technologies innovatrices;

(vi) la mesure dans laquelle l’approbation de la transaction projetée peut créer un précédent.

50)Les parties à la transaction projetée devraient s’efforcer de structurer leurs propositions afin qu’elles soient compatibles avec l’intérêt public. Toutes les parties devraient s’efforcer d’établir un équilibre entre a) les intérêts des institutions, p. ex. l’amélioration de l’efficience et de la compétitivité grâce à la fusion projetée, et b) l’intérêt public, p. ex. le maintien de la concurrence sur les marchés, ainsi que la minimisation des coûts et la maximisation des avantages du point de vue de l’intérêt public. Le ministre devrait être disposé à collaborer avec les parties à la transaction projetée pour les aider à structurer les transactions ayant d’importants effets sur l’intérêt public d’une manière qui soit la plus conforme possible à ce dernier.

 

Opinions des témoins

Certains témoins ont dit au Comité que les recommandations du Groupe de travail donneraient au ministre des Finances des pouvoirs importants, voire même excessifs, en matière d'examen de fusions. Un témoin s’est interrogé sur le besoin de créer un processus d’examen de l’intérêt public, compte tenu des pouvoirs dont disposent déjà le Bureau de la concurrence et le BSIF.

Le groupe MacKay suggère de modifier le régime de réglementation pour le simplifier et lui permettre de mieux répondre aux contraintes de temps. (...) Aux États-Unis, c'est un rôle d'arbitre. (...) la raison d'être de l'intervention du ministre n'est pas expliquée clairement, étant donné qu'il existe déjà deux organismes compétents qui sont en mesure de produire des rapports à la fois sur les effets des fusions quant à l'application de la règle de prudence par les banques et sur l'efficacité de la concurrence. (...) Il ne suffit pas de décrire ou d'expliquer le rôle du ministre; il faut en discuter, et se demander quelle est l'utilité de lui accorder un rôle aussi prépondérant. (Jason Clemens, 28 octobre 1998)

D’autres témoins tenaient absolument à ce que le public ait son mot à dire dans tout projet de fusion.

Il est essentiel que les consommateurs canadiens aient leur mot à dire tandis que l’on décide de la « portée » des évaluations de l’intérêt public afin de veiller à ce que le processus réponde comme il se doit aux questions pertinentes. Il est essentiel que les banques assument le coût de ces examens et que ces coûts ne soient pas répercutés sur les usagers des services bancaires. (Jennifer Hillard, 30 septembre 1998)

Un témoin a signalé que le processus d’examen de l’intérêt public ne tenait aucun compte de la dimension internationale.

De par leur nature même, les fusions exigent beaucoup de temps de la part de la direction et beaucoup d'énergie de la part de l'organisation. De même, elles sont coûteuses. Il paraît inutile d'ajouter à cela un lourd processus d'examen de l'intérêt public dans le cas des fusions d'une envergure relativement faible. Le processus d'examen de l'intérêt public tient compte de l'intérêt public au Canada même. Si ce n'est d'une brève mention de la question de la compétitivité internationale, les critères semblent passer sous silence les intérêts légitimes de nos actionnaires à l'étranger, ce qui, selon les circonstances, pourrait se révéler injuste. (David A. Nield, 2 novembre 1998)

 

Conclusions

Toute fusion de grandes institutions financières réglementées au niveau fédéral présente d’importantes implications pour l’intérêt public. Aussi, le Groupe de travail recommande un processus d'examen de l’intérêt public comme condition préalable à l’approbation d’un projet de fusion par le ministre. Même le ministre ne pourrait pas en exempter les parties concernées. Il pourrait, par contre, imposer cet examen à des projets de fusion d’institutions de moindre importance. Les fusions d’institutions réglementées au niveau fédéral qui aboutiraient à des entreprises ayant un actif inférieur au seuil fixé par le Bureau de la concurrence à l’égard des obligations de préavis (400 millions de dollars) sont les seules qui échappent totalement à ce processus d’examen, car on considère qu’elles ont des effets négligeables sur l'intérêt public.

Les conditions précises du processus d'examen de l’intérêt public seraient fixées par le Ministre, qui enjoindrait aussi aux parties de produire une évaluation d’incidence sur l’intérêt public. Certains éléments de cette évaluation seraient obligatoires, mais le ministre aurait le pouvoir d’en ajouter d’autres s’il le juge opportun.

Le Comité pense que si deux institutions financières veulent fusionner, il faut considérer trois catégories de questions :

  1. les questions de politique de la concurrence,
  2. les questions des risques,
  3. les questions de gérance (le Groupe de travail les appelle des questions «d'intérêt public»).

Le Comité pense qu'il faut traiter ces questions l'une après l'autre.

Les exigences que le Bureau de la concurrence soit satisfait qu'une fusion proposée ne nuise pas à la concurrence et que le BSIF soit satisfait qu'elle ne pose aucun problème de risques sont des conditions préalables nécessaires à toute procédure de fusion. Tant que ces conditions nécessaires ne sont pas satisfaites, il est inutile de traiter les autres questions de gérance qui s'appliquent aux institutions financières.

Les processus actuels du Bureau de la concurrence et du BSIF, y compris les lignes directrices sur les fusions publiées par le Bureau au début de cette année, semblent être raisonnables. Cependant, le Comité n'a pas fait une étude approfondie des lignes directrices publiées et, par conséquent, ne peut pas les commenter en détail.

Une fois la fusion approuvée par le Bureau de la concurrence (probablement après des négociations intenses avec les parties au projet pour résoudre les problèmes posés au Bureau par les demandes initiales de fusion) et par le BSIF, le Comité pense que le processus de gérance devrait commencer immédiatement.

On ne devrait exiger le processus d'examen d'imputabilité de gérance que pour les propositions de fusions concernant deux grandes institutions financières. Comme les propositions du Comité interdiraient les fusions concernant une grande banque et une compagnie d'assurance-vie, les seules propositions pour lesquelles le processus d'imputabilité de gérance serait exigé seraient celles de fusion entre deux grandes banques ou deux grandes compagnies d'assurance-vie.

Le Comité pense que ce processus devrait commencer par des déclarations d'imputabilité de gérance par les parties à la fusion. Ces déclarations devraient traiter de l'incidence de la fusion sur chacun des critères d'intérêt public suivants, proposés par le Groupe de travail :

  • les coûts et les avantages prévus pour la clientèle de particuliers et les petites et moyennes entreprises;
  • les répercussions régionales;
  • la compétition internationale;
  • l'emploi;
  • l'adoption de technologies innovatrices;
  • l'établissement d'un précédent;
  • toute autre considération d'intérêt public que le ministre ou les candidats à la fusion estiment appropriés.

Les déclarations d'imputabilité de gérance devraient être alors soumis au public, afin qu'ils les commente, soit au cours d'audiences publiques, soit au moyen de soumissions écrites du public, envoyées au ministre dans des délais prescrits. Si le processus d'audiences publiques est adopté, ces audiences devraient être dirigées par des fonctionnaires du ministère des Finances. Cela évitera une politisation inutile du processus d'imputabilité de gérance.

Une fois terminé ce processus d'examen public, la décision d'approuver ou de refuser la fusion appartient au ministre des Finances.

L'ensemble de ce processus d'examen doit avoir un échéancier précis, comme en Suisse où tout ce processus ne peut prendre plus de trois mois. Le processus d'examen ne doit pas s'éterniser.

Aux États-Unis aussi bien qu'au Royaume-Uni, les organismes qui correspondent au Bureau de la concurrence et au BSIF ont un délai fixe pour terminer ces processus. Le Comité se rend compte qu'il est nécessaire de conserver une certaine souplesse dans les délais nécessaires au Bureau et au BSIF pour examiner une demande de fusion, mais le gouvernement devrait établir un échéancier d'examen, après consultation avec les organismes responsables.

De même, les partisans de la fusion devraient avoir une durée déterminée, probablement environ un mois, pour déposer leurs déclarations de gérance. La période de commentaires du public ou d'audiences publiques devrait avoir une autre durée déterminée, d'environ deux mois, au cours de laquelle aurait lieu la consultation. Le ministre devrait avoir un autre mois pour prendre sa décision finale.

Le Comité pense que le processus décrit ci-dessus rencontre les critères essentiels d'un processus d'examen gouvernemental :

  • le processus est clair et est connu d'avance par les entreprises concernées;
  • le processus a un échéancier très serré à toutes ses étapes d'accomplissement;
  • le processus est aussi objectif que possible.

 

6. Approbation, surveillance et engagements exécutoires

Introduction

Les pouvoirs discrétionnaires du ministre ne consistent pas seulement à approuver ou à rejeter un projet de fusion. Le Groupe de travail pense que le ministre devrait considérer la présentation d’un projet de fusion comme une occasion de réaménager le secteur dans l’intérêt public. Il convient de structurer le processus d’examen de façon à obtenir diverses options autres que celles proposées par les parties projetant de fusionner. Le ministre peut ainsi imposer des conditions à une fusion qu’il approuverait.

Le Groupe de travail recommande également que le ministre ait le pouvoir d’obtenir des engagements exécutoires pour s’assurer que les parties au projet de fusion respectent l’intérêt public. Il faudrait, bien sûr, mettre en place un régime de surveillance et d’exécution. Le BSIF s’occuperait de la surveillance, et il faudrait modifier la loi pour permettre au gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, de donner des ordres à l’égard des engagements pris. Les tribunaux devraient avoir le pouvoir de faire exécuter ces ordres et d’imposer des sanctions en cas d’inobservation d’un engagement, notamment des amendes lourdes aux institutions financières, ainsi qu’à leurs agents et à leurs administrateurs et des sanctions pénales lorsqu’une directive du gouverneur en conseil n’est pas suivie.

 

Recommandations du Groupe de travail

51) Les fusions entre grandes institutions financières devraient être permises dans la mesure où, après l’application des mesures de redressement ou d’atténuation éventuellement nécessaires, le ministre est d’avis que les marchés restent concurrentiels, que la transaction ne soulève aucune préoccupation importante en matière de solidité ou de fiabilité et qu’elle est conforme à l’intérêt public.

 

51) Le ministre devrait être autorisé par la loi à exiger des parties à la transaction projetée des engagements exécutoires en matière de concurrence et à l’égard des autres considérations d’intérêt public :

  1. Le ministère des Finances suivrait le respect de ces engagements et ferait rapport régulièrement au ministre qui, de son côté, ferait rapport au Parlement.
  2. Le gouverneur en conseil devrait avoir le pouvoir, sur la recommandation du ministre des Finances, de donner des ordres à l’égard des engagements pris, notamment l’ordre de cesser un acte ou celui d’exécuter un acte, si le ministre le juge nécessaire pour corriger la situation lorsqu’un engagement n’est pas respecté.
  3. Des sanctions sévères devraient être prévues en cas de non-respect des engagements pris par les parties à la fusion projetée ainsi que des ordres donnés par le gouverneur en conseil.

 

Opinions des témoins

Un témoin a mis en doute la nécessité et l’utilité des amendes et des sanctions qui pourraient être imposés qui ne tiendraient pas compte des engagements pris par les parties.

Le Rapport MacKay recommande des pénalités, des amendes, des peines de prison ou d’autres sanctions pénales très lourdes pour les conseils d’administration et les sociétés elles-mêmes si elles n’atteignent pas certains objectifs établis. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, comme tous les autres, le marché des services financiers est un marché dynamique. Par conséquent, les banques et les entreprises de services financiers devront réagir de manière à gérer leurs fonds avec prudence, compte tenu de l’évolution des conditions du marché. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’application de peines et d’amendes de ce genre serait problématique, de même que les restrictions relatives aux mouvements de fonds à la fermeture de certaines opérations et à la mise à pied d’employés. Les institutions bancaires ne pourront pas appliquer la règle de prudence si les conseils d’administration et les sociétés elles-mêmes sont passibles de peines et d’amendes de ce genre. (Fazil Milhar, 28 octobre 1998).

 

Conclusions

Le Comité est conscient qu’en proposant ces recommandations, le Groupe de travail tente de donner au processus d’examen des fusionnements une souplesse encore plus grande.

Dans le cas où le directeur soulève des objections relatives à la concurrence que ne permettent pas d’atténuer suffisamment les règles sur la concurrence, plutôt que rejeter le projet de fusion, le ministre pourrait dorénavant négocier avec les parties au projet d’autres conditions et engagements. Celles-ci pourraient comprendre, par exemple, des taux plus élevés d’approbation des prêts aux petites entreprises et des restrictions à des mises à pied ainsi qu'à la fermeture de succursales dans les régions rurales, qui procureraient des avantages socio-économiques à la population canadienne.

Le Comité est en faveur des recommandations du Groupe de travail qui donnent au ministre le pouvoir de maximiser les avantages à la population canadienne s'il approuve une proposition de fusion.


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