Aller au contenu
BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 12 - Témoignages pour la séance du matin


MIRAMICHI, le mercredi 4 novembre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 heures pour poursuivre son examen de l'état actuel et des perspectives d'avenir des forêts au Canada: Étude de la forêt boréale.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue à M. Richard DeBow qui va nous présenter la position de la Fédération de la faune du Nouveau-Brunswick au sujet de l'aménagement de nos forêts. Je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu comparaître devant le comité.

M. Richard DeBow, président, Fédération de la faune du Nouveau-Brunswick: La création de la Fédération de la faune du Nouveau-Brunswick remonte à 1924. Depuis 74 ans, la Fédération représente les intérêts des sportifs, des chasseurs et des pêcheurs à la ligne de notre province. Elle compte 40 sections réparties dans la province auxquelles appartiennent environ 10 000 membres et partisans.

Les membres de la Fédération s'intéressent à toutes les facettes de la vie en plein air et oeuvrent à promouvoir une saine gestion et un usage judicieux des ressources renouvelables et non renouvelables du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada. Nos membres sont convaincus qu'il faut permettre à notre génération et aux générations futures de pouvoir continuer à jouir de ces ressources qui ont une valeur récréative, sociale, économique et esthétique.

Notre fédération et ses membres s'emploient à promouvoir la conservation au sein de la population. Des représentants de la FFNB siègent à plusieurs comités et conseils gouvernementaux tant à l'échelle provinciale que fédérale. Mentionnons à titre d'exemple certaines des activités mises en oeuvre par les sections membres de la Fédération: adoption d'un cours d'eau, mise en valeur d'un cours d'eau, école de conservation pour les jeunes, parrainage de cours de formation des chasseurs et de montage de mouches ainsi que tenue, dans toute la province, de réunions publiques sur la gestion des ressources et les questions de conservation. La Fédération a présenté par le passé sa position sur la faune et les forêts à divers organismes gouvernementaux et continuera de le faire dans l'avenir.

La province du Nouveau-Brunswick a toujours compté le plus fort pourcentage de chasseurs par habitant au Canada. J'ai cependant entendu à la radio ce matin que la province se classe maintenant au deuxième rang à cet égard. Si je ne m'abuse, Terre-Neuve nous devance maintenant.

En 1997, 82 000 chasseurs locaux -- et quelque 5 000 chasseurs de l'extérieur -- se sont adonnés à la chasse au gros et au petit gibier au Nouveau-Brunswick. Les seuls droits de permis de chasse perçus auprès des chasseurs locaux ont généré 2 millions de dollars de recettes en 1997.

Le mandat du comité est d'étudier la forêt boréale, qui n'est représentée que dans une petite partie de l'extrémité nord-ouest de la province. Comme nous n'avons pas étudié l'état particulier de cette forêt, nos observations porteront sur l'ensemble des forêts du Nouveau-Brunswick.

Parlons d'abord du principe d'aménagement des ravages de cerfs de Virginie. Notre fédération est convaincue que l'aménagement de ravages pour ces animaux est essentiel si nous voulons leur permettre de survivre à nos longs et froids hivers, en particulier lorsqu'il neige beaucoup.

Les cerfs de Virginie peuvent habituellement composer avec le froid ou une neige profonde, mais pas avec ces deux facteurs en même temps. Or, un refroidissement des températures ainsi qu'un niveau d'enneigement élevé se constatent habituellement entre le milieu et la fin de l'hiver, lorsque l'état de santé des cerfs de Virginie commence à péricliter. J'attire votre attention sur le fait que la chasse au cerf de Virginie est interdite dans six zones qui sont toutes situées dans le nord du Nouveau-Brunswick, et notamment dans la partie du Nouveau-Brunswick où se trouve la forêt boréale.

La chasse qui se pratique dans le centre du Nouveau-Brunswick est régie par des conditions distinctes. Dans cette partie de la province, on ne peut chasser que les cerfs mâles. Dans le sud, la chasse aux faons est également permise. Dans le nord de la province, où les hivers sont plus rigoureux, la protection des ravages de cerfs revêt encore plus d'importance.

Les biologiques font ressortir l'âpreté de l'hiver dans le nord de la province. Or, les cerfs de Virginie ont survécu dans cette région malgré son climat pendant la plus grande partie de ce siècle. Les conditions dans ces régions ont cependant changé. Les sociétés forestières exploitent maintenant les zones où se trouvent les ravages de cerfs de Virginie et on trouve maintenant dans ces zones des coyotes venus de l'Est. La chasse au coyote est permise au Nouveau-Brunswick, et notre fédération incite les chasseurs à s'y adonner.

Il est essentiel que les ravages de cerfs de Virginie soient protégés, en particulier sur les terres publiques, mais aussi sur les boisés privés qui sont gérés aux termes d'ententes de collaboration. On s'est rendu compte dernièrement que les ravages de cerfs de Virginie changent d'une année à l'autre. Le ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie possède des données solides sur les ravages de cerfs de Virginie sur les terres publiques et en tient normalement compte au moment d'établir les plans d'aménagement forestier en collaboration avec les détenteurs de permis d'exploitation.

Les données portant sur les ravages de cerfs de Virginie sur les boisés privés manquent cependant. Il convient donc d'établir un inventaire de ces derniers afin d'établir les mesures qui peuvent être prises pour les protéger en collaboration avec les propriétaires de ces boisés.

Il importe également de prévoir des zones tampons le long de nos cours d'eau, de nos rivières et de nos lacs. La Loi sur les terres de la Couronne du Nouveau-Brunswick définit un cours d'eau comme une étendue d'eau ayant au moins un mètre de largeur. À notre avis, cette définition n'est pas très utile en pratique. Les petits ruisseaux sont essentiels à la santé des cours d'eau puisqu'ils fournissent l'eau froide qui est nécessaire à la survie de la truite et du saumon. Les ravages de cerfs de Virginie se trouvent sur les collines de conifères protégées le long des cours d'eau et des rivières dans ces zones tampons. La protection assurée à une espèce animale permet donc aussi de protéger les ruisseaux que fréquentent la truite et le saumon.

Nous acceptons la définition très large qui est donnée au terme «faune», à savoir tout ce qui vit à l'état sauvage. Même si notre fédération s'intéresse surtout à la pêche et à la chasse, nos membres se sont toujours préoccupés de la conservation de façon générale. La santé de toutes les ressources renouvelables dépend de la santé des terres, de la qualité de l'eau et du maintien des fonctions écologiques.

La faune est une ressource dont la propriété appartient à tous les habitants du Nouveau-Brunswick. Voilà pourquoi il incombe aux citoyens de toute la province de participer à sa gestion. Il importe d'assurer la santé de l'environnement et de l'habitat de la faune et d'établir des objectifs en matière de population animale. Il importe d'établir ces objectifs en collaboration avec tous les usagers de la ressource pour ensuite être en mesure d'évaluer les besoins en habitat. Les activités d'aménagement doivent reposer sur des données scientifiques et des principes écologiques.

Un peu plus de la moitié des terres au Nouveau-Brunswick appartiennent à des propriétaires privés. Le reste appartient à l'État. Par le passé, il était possible de s'adonner à la chasse dans presque toutes les forêts. À l'heure actuelle, les propriétaires de boisés privés peuvent décider de permettre la chasse sur leurs terres à tous les chasseurs ou à ceux qui auront obtenu leur autorisation seulement. Ils peuvent aussi décider d'interdire complètement la chasse sur leurs terres. Notre fédération s'oppose catégoriquement à l'imposition de droits de chasse, que ce soit sur les terres publiques ou les terres privées.

La faune est considérée comme faisant partie du patrimoine naturel de notre province, et les habitants du Nouveau-Brunswick en ont toujours tiré de grands avantages. La personnalité et la culture de notre province reposent sur la faune et notre mode de vie fait place à une utilisation judicieuse de cette ressource. L'exploitation durable de la faune constitue un élément de notre patrimoine culturel, une raison pour laquelle nous demeurons ici et un aspect essentiel de notre mode de vie.

Voilà qui met fin à mon exposé. Avant de terminer, je devrais cependant aborder deux ou trois autres points. La stratégie sur les zones protégées du Nouveau-Brunswick fait actuellement l'objet d'un examen. Le rapport de M. Louis LaPierre sera rendu public le mois prochain. Nous convenons qu'il faut protéger des zones écologiques représentatives dans toute la province.

Comme le rapport n'a pas encore été rendu public, nous n'avons pas pu l'étudier, mais il conviendrait peut-être de se pencher sur un autre concept d'aménagement forestier qui existe en Ontario. Il s'agit de traiter toute la province comme une région et de créer à l'intérieur de celle-ci des zones représentatives flottantes. Il ne s'agit pas d'empêcher l'exploitation à perpétuité d'importantes régions. C'est une nouvelle façon d'aborder la question des zones protégées. J'ignore quelle méthode est la meilleure. Comme nous n'avons pas pu étudier ces deux méthodes, nous ne sommes pas vraiment en mesure de prendre position en faveur de l'une ou l'autre.

Relativement aux espèces menacées d'extinction, les méthodes utilisées pour protéger ces espèces devraient, à notre avis, se baser sur des faits scientifiques. Cela nous inquiète un peu de voir que les ministres ont congédié les présidents adjoints du CSEMDC. Selon nous, cela nuit au rôle autonome et scientifique du comité. Nous devons nous inquiéter si le comité ne compte que des personnes nommées par le gouvernement pour représenter le gouvernement.

Les mesures relatives aux espèces menacées d'extinction devraient être administrées en collaboration. Nous sommes d'accord quant à l'utilité d'accorder un crédit financier quelconque au propriétaire foncier pour l'indemniser des recettes perdues.

Le sénateur Robichaud: Cela m'étonne un peu de vous entendre dire que votre fédération s'oppose à la possibilité qu'on paie pour faire la chasse. Je vous explique pourquoi. Il y a quelques années et pendant de nombreuses années, j'ai chassé avec un groupe sur une ferme appartenant à quelqu'un qui avait un terrain de 5 000 à 6 000 acres. Son terrain était très bien entretenu et le propriétaire surveillait de très près qui chassait et quel genre d'activités avaient lieu sur son terrain. À mon avis, c'était le meilleur protecteur de l'environnement qui soit parce qu'il connaissait tous ceux qui étaient sur son terrain et il surveillait leurs activités de très près. Nous ne payions pas pour chasser, mais plutôt pour être logés sur sa ferme. Pourquoi vous opposeriez-vous à une telle chose?

M. DeBow: D'abord, la faune n'est pas à vendre. Deuxièmement, notre fédération se compose de gens partout au Nouveau-Brunswick. Nous considérons que nous représentons les citoyens ordinaires du Nouveau-Brunswick. Si l'on commence à payer pour pouvoir chasser, la chasse risque de devenir élitiste et c'est à cela que nous nous opposons. Je ne peux pas vraiment dire si le système dont vous avez parlé était vraiment un système de paiement pour la chasse, c'est-à-dire le paiement pour avoir accès à la chasse. Vous payiez pour être logé.

Le sénateur Robichaud: Oui.

M. DeBow: Dans le passé, les Néo-Brunswickois avaient le droit de chasser sur toute terre boisée. La situation a changé un peu au cours des années et nous avons maintenant un nouveau système qui semble fonctionner. Voyez ce qui se passe pour le saumon dans nos rivières. Dans votre région tout particulièrement, il y a de grands clubs exclusifs de pêche au saumon et le citoyen ordinaire ne peut pas faire la pêche. Il peut se promener sur la rivière en canot, mais il ne peut pas arrêter et pêcher. Nous nous opposons à un tel élitisme.

Le sénateur Robichaud: J'aurais peut-être des objections à un tel système moi aussi. Êtes-vous au courant de zones particulières de boisés privés qui devraient être protégées ou d'autres endroits ailleurs dans la province où ces zones ne sont pas protégées?

M. DeBow: Il y a un secteur près de Moncton où il y a beaucoup de cédrières et de marécages. C'est un excellent endroit pour le chevreuil l'hiver. Si vous passez par là au printemps, vous pourriez voir une centaine de chevreuils en un après-midi. Certains de nos membres habitent dans ce secteur et cela les inquiète de songer que, si le prix du cèdre, qui est maintenant favorable, continue d'augmenter, tout le cèdre sera abattu et le chevreuil cessera de passer l'hiver dans les marécages. C'est contre une telle éventualité que nous voudrions être protégés.

Une façon d'y parvenir consiste à signer des ententes de conservation. C'est quelque chose de nouveau au Nouveau- Brunswick parce que la loi à ce sujet est entrée en vigueur seulement l'année dernière. On pourrait peut-être songer à conclure de telles ententes avec les habitants de la région.

Le sénateur Robichaud: Connaissez-vous le marécage à Moncton entre Dieppe et Chartersville?

M. DeBow: Oui.

Le sénateur Robichaud: Il y a toujours des travaux de remblayage ou de remplissage dans ce secteur. Le marais se rétrécit progressivement. Il y a maintenant un centre de quilles juste au bord du marécage à un endroit qui faisait auparavant partie du marécage, je pense. Est-ce que cela vous inquiète?

M. DeBow: Nous craignons de perdre nos terrains marécageux. Le quartier Dieppe à Moncton est un exemple typique de ce genre de perte. Le plus grand centre commercial de l'Est du Canada, le Mail Champlain, a été construit en plein milieu du marais. Il a fallu des tonnes de remblai pour le construire. Nous y avons perdu des terrains marécageux.

Il y a encore beaucoup de terrains marécageux au Nouveau-Brunswick, mais ils disparaissent petit à petit. Je ne sais pas comment on peut contrôler ce genre de choses. Ce sont des terrains privés. Si par zonage on en interdit l'utilisation, cela revient à les exproprier et c'est une perte sèche pour les propriétaires. C'est un problème très délicat.

Le sénateur Robichaud: Oui. Est-ce que vous n'auriez pas le même problème avec des propriétaires de terres à bois qui abritent des habitats particuliers?

M. DeBow: Du moment que leurs plans de coupe sont planifiés, il n'y a pas de problème. En revanche, quand les prix montent, la tentation est grande de couper encore plus que d'habitude. Il faut une bonne planification. Il faut déterminer les ravages de cerfs et les autres endroits qui pour commencer ont besoin d'être plus ou moins protégés. Nous pouvons ensuite nous mettre d'accord avec les propriétaires de terres à bois pour qu'ils coupent moins dans ces endroits ou qu'ils coupent de manière sélective ou qu'après avoir coupé, ils laissent les arbres tranquilles pendant un certain temps.

La notion de ravages de cerfs en expansion est de faire de petites coupes puis de laisser la forêt s'étendre. Au fur et à mesure qu'elle s'étend, on peut de nouveau procéder à de petites coupes ici et là. Il faut désigner l'objet principal de certaines terres, les qualifier de refuge pour la faune, autoriser quelques coupes mais ne pas leur donner la priorité. L'objet principal d'une terre à bois c'est la coupe mais on peut demander aux propriétaires de les zoner, en quelque sorte.

Le sénateur Robichaud: Diriez-vous que les propriétaires privés de terres à bois sont plus conscients aujourd'hui de l'importance de ces habitats qu'ils ne l'étaient dans le passé? Il y a eu un effort d'éducation et il y a beaucoup d'exemples d'efforts. Nous avons visité hier une terre à bois. Selon moi, c'était un exemple parfait de la manière dont les propriétaires peuvent exploiter leurs terres tout en protégeant l'habitat.

M. DeBow: Il est certain que cette conscience est plus grande aujourd'hui. Elle est plus grande également chez les propriétaires de terres à bois et chez les grandes compagnies forestières. Les compagnies forestières, en particulier, le sont d'autant plus à cause des certificats exigés outre-mer. Certaines terres à bois ont été reçues en héritage et ce sont de simples entrepreneurs qui offrent de l'argent au propriétaire pour couper le bois et souvent celui-ci n'a aucune idée de sa valeur réelle. Ils coupent tout à tort et à travers et il ne reste plus rien. C'est ce genre de circonstances qui sont tragiques.

Le président: J'aimerais comprendre un peu mieux pourquoi vous êtes contre ce concept de chasse payée. Ça se fait un peu partout maintenant au Canada. Vous dites que ces propriétaires de terres à bois qui vendent tout parce qu'ils ont besoin d'argent vous inquiètent. Pourtant nous avons ici l'exemple d'un propriétaire privé qui prend des mesures pour protéger l'habitat et vous ne voulez pas que cette personne récupère une partie de ses frais en vendant des droits de chasse.

Il me semble qu'un des moyens d'aider ces propriétaires de terres à bois à préserver certaines de ces terres dont vous parlez est de les autoriser à trouver d'autres sources de revenu. Que cela soit une barrière de péage à l'entrée pour les touristes pour qu'ils puissent venir observer des vols de piverts ou qu'il faille payer pour tirer un cerf de Virginie me semble un peu la même chose. Je me demande si vous n'essayez pas de gagner sur les deux tableaux. Qu'avez-vous à répondre?

M. DeBow: Je me fonde sur l'histoire. Pour nous c'est une forme de discrimination. Les propriétaires de terres privées dans le sud du Nouveau-Brunswick refusent l'accès aux Néo- Brunswickois du Nord qui veulent venir pour chasser. Comme il n'y a pas de cerfs dans le nord du Nouveau-Brunswick, ils viennent dans le sud du Nouveau-Brunswick pour chasser.

Le président: C'est encore une autre histoire d'autoroute à péage. Les rivalités semblent être un jeu à la mode dans les Maritimes.

M. DeBow: Nous avons toujours eu le droit de le faire, traditionnellement, et nous voudrions que cela continue. Le vrai problème c'est ce concept de discrimination, de détermination de qui a le droit de chasser et de qui n'en a pas le droit. Depuis que la chasse commerciale a été interdite au tournant du siècle, les conservationnistes s'opposent à la vente de gibier à des fins commerciales. Cela fait partie de notre philosophie.

Le sénateur Stratton: Il y a deux choses qui m'intriguent. Le Nouveau-Brunswick qui occupait la première place pour le nombre de chasseurs au Canada est passé à la deuxième. Est-ce un signe que la chasse y est en déclin comme partout ailleurs? Je sais que le nombre de chasseurs diminue au Manitoba. Est-ce que c'est la même chose au Nouveau-Brunswick?

M. DeBow: Oui. Au milieu des années 80, 110 000 permis de chasse pour gros gibier étaient vendus. L'année dernière, ce chiffre est descendu à environ 65 000.

Le sénateur Stratton: C'est spectaculaire.

M. DeBow: Oui. De 1996 à 1997, il y a eu un déclin d'environ 20 p. 100. Certains l'imputent uniquement à la réglementation sur le contrôle des armes à feu, mais il y a aussi le fait que les zones du nord du Nouveau-Brunswick sont fermées et qu'il y a moins de cerfs de Virginie au milieu du Nouveau-Brunswick. Les gens se rendent compte qu'ils ne peuvent pas vraiment beaucoup tirer de cerfs.

Je n'ai pas vérifié pour voir si c'était la même chose pour le petit gibier -- pour voir s'ils sont passés d'un permis au gros gibier à un permis pour petit gibier. Je crois que ce n'est qu'une partie de la raison. La grande raison c'est la bureaucratie gouvernementale liée au contrôle des armes à feu. Les gens ne veulent plus posséder d'armes à feu. C'est devenu trop compliqué avec les règlements. Ils vendent leurs fusils et ils arrêtent de chasser. Pour les jeunes, il est très difficile quand on a 13 ou 14 ans de suivre le cours, de le payer, de se plier à tous les règlements pour, à 16 ou à 18 ans, obtenir son permis.

Le sénateur Robichaud: Si je peux me permettre, cela ne peut pas avoir une incidence sur les chiffres dans le passé.

M. DeBow: Cela fait longtemps que le débat sur le contrôle des armes à feu a commencé. Les gens sont fatigués de voir le gouvernement intervenir et essayer de contrôler la possession d'armes à feu. La complexité du système d'acquisition de certificats pour armes à feu s'est accrue avec le temps. Autrefois, un tel certificat coûtait 10 $. Aujourd'hui c'est plus de 50 $. Il faut aussi aujourd'hui une photo sur le certificat. Le système d'enregistrement n'a pas encore commencé à fonctionner, mais cela fait déjà un certain temps que le système de certificat existe et il en faut un pour acheter une arme à feu. L'effet est indéniable.

Le sénateur Stratton: Je ne suis pas chasseur. Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par ravage? Deuxièmement, je crois que dans d'autres régions du Canada, tout particulièrement en Colombie-Britannique, les autorités essaient de relier entre eux les habitats parce que la faune ne cesse de se déplacer d'un bout à l'autre de la Colombie-Britannique.

Est-ce que ces ravages changent de place? Une fois qu'un ravage est établi, est-ce qu'il devient permanent ou finit-il par être abandonné? En d'autres termes, sont-ils mobiles?

M. DeBow: Les ravages sont des zones dans lesquelles traditionnellement, les cerfs se réfugient pendant l'hiver. Ce sont des abris de conifères qui les protègent du vent. La neige recouvre les arbres, ce qui leur offre une bonne protection naturelle. Elle les garde au chaud. Elle préserve aussi des pousses et autres petits branchages qui leur permettent de se nourrir; ils sont donc logés et nourris. Il y a des zones traditionnelles. Les cerfs de Virginie commencent généralement leur migration vers ces lieux en décembre. L'année dernière, il a neigé très tôt, et beaucoup de cerfs se sont trouvés pris en dehors de ces ravages. Je ne sais pas comment ils ont survécu.

Les ravages de cerfs évoluent avec le temps parce que la nature de la forêt change, ce qui correspond à cette notion d'aire en expansion qui empiète plus ou moins sur le paysage voisin. On ne peut pas simplement désigner une aire comme un ravage de cerfs et la réserver à cette fin parce que cette aire va croître et que les cerfs n'auront pas l'abri et la nourriture nécessaires.

Ce sont des aires qui ont été coupées et les cerfs n'y sont pas revenus. Les sociétés forestières disent, «eh bien ce n'est plus un ravage de cerfs». Bien sûr, et ce pour deux raisons: il n'y a plus aucun arbre et les cerfs ne retournent plus à cet endroit parce qu'ils n'ont pas réussi à survivre à l'hiver.

Il faut des corridors pour que le cerf puisse passer d'une aire à l'autre. On ne peut pas avoir d'énormes superficies de coupe à blanc sans accès aux différentes aires.

Le sénateur Stratton: Ma deuxième question porte sur un autre aspect. Dans le sud du Manitoba, nous avons constaté un nombre incroyable de cerfs. Ils constituent un danger pour les automobilistes car ils se font régulièrement tuer sur la route. Malheureusement, ils endommagent également les voitures. Est-ce que cela se produit ici?

M. DeBow: Il y a certainement des cerfs qui sont victimes de la route, et il y a des régions dans le sud du Nouveau-Brunswick dans le comté de Charlotte où de graves accidents se sont produits. Ils ont installé des clôtures pour empêcher les cerfs d'aller sur la route. Ils sont en train de le faire le long de la nouvelle autoroute à quatre voies dans certaines régions et nous leur demandons d'examiner d'autres régions.

Je ne crois pas que la population des cerfs augmente parce qu'il y a moins de chasseurs. Je pense que 12 000 cerfs ont été tués l'année dernière, et certaines années il y en a eu jusqu'à 24 000. Plus de 30 000 cerfs ont été tués, en 1985 mais le nombre de chasseurs à cette époque était pratiquement le double de ce qu'il est aujourd'hui. Je ne suis pas sûr que ces énormes hausses de la population de cerfs sont attribuables à la diminution du nombre de chasseurs.

Le sénateur Stratton: Hier, nous examinions différents aspects de la coupe de forêts et des plantations. Heureusement, ici la nouvelle forêt semble croître assez vite et de façon assez touffue en raison du climat plus modéré. Je crois comprendre que l'on procède à une coupe sélective dans ces plantations, plutôt qu'à une coupe à blanc. Je crois comprendre également qu'après 10 ou 12 ans, on procède à une coupe où on garde un certain nombre d'arbre dans un certain rayon. Après un certain nombre d'années, on procède à une autre coupe et on répète le processus un certain nombre d'années plus tard. Est-ce que cela est avantageux pour la faune ou les cerfs en particulier? Est-ce que cela favorise la formation de ravages de cerfs, ou est-ce que cela nuit à la faune? Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. DeBow: Je ne crois sûrement pas que cela favorise la faune, parce qu'il s'agit de la plantation d'une seule essence forestière, et que pour vivre la faune a besoin de différents types d'arbres et de végétation. Je ne crois pas qu'une aire de plantations attirera beaucoup d'animaux sauvages, qu'elle soit éclaircie commercialement ou non.

Le sénateur Stratton: Selon vous, faut-il qu'il y ait une variété de feuillus et de conifères pour permettre un mélange approprié?

M. DeBow: Il ne fait aucun doute qu'ici dans la région de Miramichi, la régénération naturelle est très bonne. On n'a pas besoin de plantations à moins que l'on veuille alimenter un moulin, à moins que l'on veuille faire pousser des arbres dans un but précis. La régénération naturelle est très bonne. Il y a certaines régions où nous devons faire une certaine plantation, mais ici il n'est pas vraiment nécessaire de procéder à une plantation à grande échelle.

Le sénateur Stratton: Les sociétés forestières nous ont dit que pour répondre à la demande croissante des années à venir, il faudra qu'environ 20 p. 100 des forêts soient plantées. Elles considèrent que la régénération naturelle ne permet pas une production suffisante. Essentiellement, une certaine superficie de notre forêt boréale serait traitée comme une ferme forestière, et on y ferait pousser des types particuliers d'arbres. Qu'en pensez-vous?

M. DeBow: Ma réaction immédiate, c'est que je ne suis pas favorable à ce genre de chose parce que pour moi les plantations sont une aire plutôt stérile plutôt qu'une aire où la faune abonde et où on trouve un mélange de conifères et de feuillus.

Le sénateur Stratton: La réalité, c'est qu'au bout du compte, il faudra recourir dans une certaine mesure aux plantations, que cela soit bien ou non. Dans les Prairies, il y a très peu d'exemples d'herbes longues. Il n'en reste que dans des régions très isolées. Il y a une seule région au Manitoba qui a été identifiée autour de la ville de Winnipeg, et qui a d'ailleurs été préservée.

La faune s'y est en fait adaptée assez bien sauf en ce qui concerne le bison. Ne croyez-vous pas que la faune dans ce cas pourrait s'adapter à une forêt plantée comme cela a été le cas dans les Prairies, où son alimentation n'était plus basée sur les herbes longues sauvages mais sur les céréales cultivées?

M. DeBow: Je pense que ces animaux iraient tout simplement ailleurs.

Le président: Une idée m'est venue lorsque vous avez présenté des arguments contre l'imposition de droits de chasse. Vos arguments s'appuyaient sur des vues traditionnelles. Il ne faut pas oublier que, traditionnellement, les gens chassaient très souvent pour manger. Maintenant la chasse est plus souvent un sport. Autrement dit, la chasse n'est plus forcément un moyen de subsistance. C'est comme n'importe quel autre sport -- l'observation des oiseaux ou assister à un match de football. Il me semble que vous demandez à un propriétaire privé de subventionner votre sport. Comment répondez-vous à cet argument?

M. DeBow: La faune au Nouveau-Brunswick appartient à toute la population du Nouveau-Brunswick, et pas simplement aux propriétaires de la terre où elle se trouve à un moment donné. L'ensemble de la population du Nouveau-Brunswick devrait y avoir accès.

Le président: L'accès à la faune et lui trouer la peau sont deux choses différentes.

M. DeBow: L'utilisation judicieuse de nos ressources naturelles est le thème sous-jacent. Si un cerf risque de mourir lentement de faim pendant l'hiver, il est nettement préférable qu'un chasseur le tue pendant l'automne.

Le président: Vous le sauvez de lui-même. Je suis un peu intrigué par vos coyotes. Je vis dans une ferme, et j'ai un boisé entre Edmonton et Fort McMurray. C'est très loin au Nord d'ici. Nous avons beaucoup de coyotes et beaucoup de cerfs. En fait, ce sont tous deux des ravageurs. Les coyotes, toutefois, semblent plutôt se nourrir de souris que de cerfs. Je pense que nous avons beaucoup moins de neige au nord de l'Alberta, bien qu'il y fasse peut-être plus froid qu'ici. Mon père est né là et selon lui il faisait toujours plus froid ici.

Le sénateur Stratton: J'en doute.

Le président: Il fait assez froid où j'habite. Je pense que la notion de ravage de cerfs ne s'applique pas là à cause de l'absence de neige. Les cerfs se déplacent. Que font les coyotes, est-ce qu'ils s'en prennent aux faons au printemps?

M. DeBow: Tout d'abord, notre coyote est nettement différent du coyote de l'Ouest.

Le président: Il est plus gros et plus vicieux.

M. DeBow: Effectivement.

Le président: Vous les avez croisés avec des chiens de traîneaux.

M. DeBow: Tout ce que je sais, c'est qu'ils sont devenus plus gros au fur et à mesure qu'ils se sont déplacés vers l'Est.

Le président: C'est la même chose pour les politiciens.

M. DeBow: Ils ne nous ont pas posé trop de problèmes jusqu'à présent. Les biologistes nous disent que lorsqu'ils examinent le crâne d'un coyote de l'Est, il est différent du crâne d'un coyote de l'Ouest. Ils sont plus gros et ils peuvent donc attaquer plus facilement un cerf.

Dans les ravages de cerfs, les bancs de neige sont très hauts et il n'y a qu'un petit sentier dont ils se servent entre l'endroit qui leur sert de refuge et l'endroit où ils vont se nourrir. Il y a eu pas mal de cas où, dans les ravages de cerfs pendant l'hiver, les coyotes allaient attaquer les cerfs. Des programmes ont été mis sur pied pour attraper les coyotes et éloigner ceux qui posent problème.

Je ne dirais pas que le problème surgit forcément au printemps et il n'est pas nécessairement confiné aux jeunes cerfs. Il y a trois à cinq ans, on a constaté que les coyotes semblaient atteindre un nombre record. Les cerfs avaient pratiquement disparu du parc national Fundy et, assurément, la chasse est interdite dans le parc. La composition des forêts du parc a effectivement changé un peu à cause des dégâts occasionnés par la tordeuse des bourgeons de l'épinette et par d'autres parasites.

Les coyotes ont décimé les cerfs dans la région du parc Fundy. Quand ils atteignent un nombre record comme dans ce cas-là, ils sont dévastateurs pour les cerfs. Ensuite, on a constaté qu'ils diminuaient en nombre. Actuellement, la population des coyotes connaît une légère hausse car dans certains secteurs où le cerf broute habituellement, il n'a pas été aperçu cet automne. Il faut dire que le froid ne s'est pas encore installé cet automne, ce qui explique pourquoi le chevreuil n'a pas encore commencé à se déplacer.

Le président: Je vais maintenant passer à autre chose. Ici, comme dans d'autres provinces, on nous a dit clairement qu'il n'y avait pas assez de secteurs protégés et qu'une trop grande partie des terres était dédiée à la coupe du bois. Certains prétendent qu'il y a trop de boisés privés. On nous a parlé des terres à bois privées qui étaient vendues, et cetera.

Dans certains pays -- notamment aux États-Unis et en Europe, et timidement dans le reste du Canada -- les gens exhortent le gouvernement à racheter les terres privées qui sont mises sur le marché afin d'en faire des secteurs protégés. Quand il s'agit de terres domaniales exploitées en vertu d'un permis, il suffit que le gouvernement rachète le permis. Dans les régions où il y a beaucoup de terres privées et peu de secteurs protégés, avez-vous essayé de convaincre le gouvernement de constituer un fonds permettant de racheter certaines terres pour les protéger? En outre, vous avez peut-être songé à convaincre vos adhérents de contribuer à une caisse publique et privée qui permettrait de racheter ces terres.

M. DeBow: Non, nous n'avons jamais vraiment pensé faire cela. La Fondation pour la protection des sites naturels du Nouveau-Brunswick fait quelque chose à cet égard, mais en général, elle se borne à acheter et à protéger de petits secteurs à des fins précises. Nous n'avons jamais songé à racheter des terres. Le ministère des Ressources naturelles nous dit depuis 15 ans que chaque arbre au Nouveau-Brunswick sera coupé tôt ou tard.

Le président: Cela devient de plus en plus courant dans le monde occidental. Qu'il s'agisse de concessions pétrolières ou minières, de l'exploitation de carrières ou d'autre chose, nous commençons à nous demander s'il ne serait pas bon de racheter les terres. C'est une bonne utilisation des deniers publics car tout le monde peut profiter d'un secteur protégé ou d'un parc.

Parlons maintenant de la participation des autochtones à votre fédération. Comme vous le savez, la Cour suprême rend des décisions donnant aux autochtones des droits de chasse et de pêche dans leurs réserves. Cela vient de l'interprétation que les tribunaux donnent à un grand nombre de premiers traités, ce qui ne s'applique peut-être pas nécessairement dans votre province, mais en tout cas dans l'Ouest. Selon moi, toute organisation qui s'occupe de la protection de la flore et de la faune devrait compter sur une participation de la part des autochtones. Votre fédération compte-t-elle une section autochtone?

M. DeBow: Malheureusement, non. Il en faudrait une et je pense que nous devons faire oeuvre éducative des deux côtés. Nous n'avons pas entrouvert la porte à cet égard. Il y a cinq ans, il y a eu une tentative lors d'une réunion, mais rien n'a abouti. Malheureusement, nous n'avons pas fait d'autres efforts par la suite.

Le président: Merci beaucoup, monsieur DeBow. Votre exposé nous a été très utile.

Monsieur Spinney, nous sommes ravis de vous accueillir de nouveau. Vous avez plusieurs cordes à votre arc.

M. Tom Spinney, directeur, Direction de la gestion des forêts, ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick: Je ne sais pas si c'est vrai, mais on m'a demandé de venir ce matin vous expliquer notre régime de gestion des terres domaniales ici au Nouveau-Brunswick. Pendant les 20 prochaines minutes, je vais essayer de le faire.

Avant d'entrer dans les détails, je tiens à vous donner une idée de ce que représentent les terres domaniales du Nouveau- Brunswick. La superficie totale de la province est d'environ 7 millions d'hectares. Il faut savoir qu'environ 8 p. 100 de cette superficie est boisée. De toutes les provinces du Canada, le Nouveau-Brunswick est la province la plus boisée. Ainsi s'explique en grande partie la place vitale qu'occupe l'exploitation forestière dans notre économie et notre mode de vie.

On constate d'après cette diapositive que l'État, la province, possède environ la moitié du territoire. Quant au reste essentiellement, il s'agit pour 30 p. 100 de boisés privés et, pour 20 p. 100, de terres industrielles en franche tenure. Celles-ci sont privées. Les propriétaires en sont de grandes compagnies d'exploitation forestière, au nombre de quatre essentiellement: Avenor, Irving, Fraser et Georgia-Pacific. Pour compléter le tableau, l'État fédéral est aussi propriétaire de terres dans cette province, et elles représentent environ 1 p. 100 du territoire.

Dans le reste de mon exposé, je m'en tiendrai à la gestion des terres domaniales. Je voudrais vous donner une idée de l'origine de l'actuel régime de gestion forestière en vous décrivant le genre de difficultés que nous gérons, comment nous nous y prenons, et certains des résultats obtenus.

Comment le régime actuel s'est-il développé? Tout a commencé en 1974 avec l'Étude sur les ressources forestières. C'est le gouvernement qui avait commandé une étude. Chez les industriels et au sein du gouvernement, on reconnaissait de façon générale que si les choses étaient maintenues telles quelles, que si l'on continuait à favoriser au même rythme le développement de l'industrie forestière, on atteindrait un moment critique où la capacité d'exploitation dépasserait de beaucoup la durabilité des ressources.

L'Étude sur les ressources forestières devait donc analyser la situation et formuler des recommandations pour y remédier. Cela a abouti en 1992 à une nouvelle loi provinciale, la Loi sur les terres et forêts de la Couronne -- qui constitue le fondement du régime qui est le nôtre aujourd'hui. Ce régime est en place depuis 1982.

La Loi sur les terres et forêts de la Couronne prévoit l'octroi de permis d'exploitation des terres domaniales. Les terres domaniales sont exploitées en vertu de 10 permis et chacun des détenteurs -- une compagnie industrielle -- respecte les normes de gestion établies par le gouvernement.

Le gouvernement et les compagnies d'exploitation forestière ont conclu une entente d'exploitation des forêts, laquelle est renouvelée tous les cinq ans. Cette entente établit les responsabilités du détenteur de permis et du gouvernement pour ce qui est de l'aménagement des terres domaniales faisant l'objet du permis.

On exige que des plans de gestion soient établis pour l'exploitation de ces terres domaniales et c'est là un des éléments majeurs de notre régime et le fondement de l'accord d'exploitation forestière. À vrai dire, le plan de gestion est l'instrument clé qui dicte la mise en oeuvre de l'exploitation forestière sur les terres de la Couronne.

Il est important de se rappeler que suivant cette méthode, le gouvernement établit les objectifs de gestion. Ce ne sont pas les sociétés qui les établissent. Cela est capital. Par exemple, c'est le gouvernement qui décide si les terres de la Couronne seront exploitées exclusivement pour le bois, sans tenir compte de quoi que ce soit d'autre, ou si la faune et la qualité de l'eau seront pris en compte. C'est le gouvernement qui prend cette décision et non les sociétés. Nous avons des objectifs pour ce qui est de la coupe du bois et pour les autres volets. Je développerai ces aspects-là au fur et à mesure de mon exposé.

Le gouvernement fixe donc des objectifs à l'industrie. Quand je dis «industrie», je parle des détenteurs de permis. Il incombe ensuite à ces derniers de mettre au point des stratégies permettant d'atteindre les objectifs fixés. Ils y parviennent grâce à des plans de gestion qui sont présentés au gouvernement pour examen et approbation.

Permettez-moi de vous parler davantage du plan de gestion. Au cours de la phase de planification, on établit des prévision sur 80 ans pour la coupe du bois comme pour l'habitat de la faune. La période envisagée s'étend donc sur 80 ans.

L'exploitation et l'habitat sont tous deux cartographiés pour les 25 années à venir. Il s'agit de documents d'application concrète en ce sens qu'ils permettent de vérifier que les prévisions et les suppositions incluses dans le processus de planification de l'aménagement sont effectivement réalisées.

Les plans de gestion sont mis à jour tous les cinq ans. Il s'agit là d'un élément clé. Les plans ne sont pas simplement mis à jour tous les cinq ans, mais entièrement refaits. Ainsi, de nouveaux objectifs peuvent y être incorporés au fur et à mesure qu'évolue la pensée du gouvernement et de la société. Il est ainsi possible d'inclure les nouvelles données au fur et à mesure qu'elles sont recueillies et de faire en sorte que le plan de gestion suive l'évolution de la pensée.

Les plans d'exploitation annuelle sont dressés à partir de ces plans de gestion: ils décrivent dans le détail les activités qui seront réalisées sur le terrain au cours de l'année à venir. Les plans d'exploitation sont dressés par les détenteurs de permis et soumis à l'approbation de nos bureaux régionaux. Notre personnel suit la mise en oeuvre des activités prévues dans les plans d'exploitation afin de s'assurer qu'elles correspondent aux plans et qu'elles sont conformes à tous les règlements gouvernementaux.

Je vous fais un bref historique de la planification de l'aménagement. J'ai dit que nous avions débuté en 1982 avec la Loi sur les terres et forêts de la Couronne. Le plan d'aménagement ou de gestion que représentait cette loi était rudimentaire en comparaison avec ce que nous avons aujourd'hui. À l'époque, nous avions un vieil inventaire forestier, si bien que notre base de données laissait beaucoup à désirer. Nous n'avions pas vraiment de bonnes informations sur des éléments comme les ravages de cerfs de Virginie. Nous avons donc arbitrairement réduit l'assise forestière de 15 p. 100 afin de tenir compte de certains de ces éléments dont nous savions devoir tenir compte, mais pour lesquels nous n'avions pas toutes les informations voulues. J'ai bien dit qu'il s'agissait d'une approche assez rudimentaire comparativement à celle que nous avons aujourd'hui.

Puis, nous avons eu le plan de 1987 -- après un intervalle de cinq ans -- et, pour ce plan-là, nous avions un nouvel inventaire forestier. Nous avions aussi de bonnes données géographiques et en ce qui a trait aux ravages de cerfs de Virginie qui avaient été recueillies au cours des cinq années précédentes. Tous les ravages étaient localisés. Nous savions quelle était la largeur des zones tampons que nous voulions mettre en place le long des cours d'eau, si bien que nous avons pu cartographier ces zones tampons et les inclure aussi dans le plan d'aménagement.

En 1992, nous avons tracé notre premier «plan d'aménagement intégré de ressources», avec lequel nous avons pu progresser encore davantage. Dans ce plan, nous avions prévu le rétablissement d'habitats fauniques à l'intérieur de forêts sempervirentes aciculifoliées mûres. Nous prévoyions aussi le maintien des ravages de cerfs de Virginie. En fait, nous avions prévu d'élargir ces ravages pour en faire des zones d'hivernage dirigé à superficie plus grande. L'idée était d'essayer de gérer l'aménagement de ces aires plus grandes pendant un certain temps afin de maintenir les ravages de cerfs de Virginie qui s'y trouvaient. Nous y avions aussi incorporé des zones tampons et des réserves naturelles.

Le plan d'aménagement le plus récent est le quatrième que nous avons réalisé. Il a été mis en place en 1997. Encore là, nous avons inclus des objectifs relatifs aux forêts de conifères mûres, aux ravages de cerfs de Virginie, aux zones tampons et aux réserves naturelles. Nous y avons aussi inclus un nouvel objectif, appelé biodiversité.

En outre, dans le cadre du processus qui a mené au plan de 1997, nous avons mis au point une présentation uniformisée des plans d'aménagement. Il est ainsi bien plus facile de comparer les plans d'aménagement des divers détenteurs de permis, et les plans peuvent ainsi être bien mieux compris, du moins nous l'espérons, du grand public.

Je reprends rapidement les objectifs que j'ai mentionnés. Le premier était les forêts de conifères mûres. Si nous aménagions les forêts sans penser aux habitats, nous ciblerions en premier les peuplements les plus vieux. C'est assez évident, il me semble. La pratique normale serait de couper les vieux arbres et de laisser les jeunes arbres continuer à croître jusqu'à ce qu'ils atteignent leur maturité.

Nous suivions d'ailleurs cette pratique à la lettre, si bien que nos biologistes et d'autres se sont préoccupés de ses conséquences à long terme, car nous aurions fini par éliminer tous les vieux peuplements. Nous sommes conscients du fait qu'un certain nombre d'espèces ont besoin d'un habitat de ce genre pour survivre.

Nous nous sommes fixé cet objectif dès 1992. Il exige que 10 p. 100 des conifères dans chaque zone visée par un permis soient maintenus à l'état de maturité. La proportion de conifères mûrs doit être maintenue pour toujours -- pas nécessairement au même endroit pour toujours, mais la proportion de 10 p. 100 doit être maintenue pour les espèces qui en dépendent, et ce, en fonction de certaines configurations spatiales précises.

Vous voyez sur cette carte provinciale la répartition des peuplements mûrs, qui représente, au total, quelque 250 000 hectares. Les peuplements servent d'habitats à des espèces comme la martre d'Amérique et à une vingtaine d'autres espèces.

Le deuxième objectif concerne la création d'aires d'hivernage pour les cerfs de Virginie. Nous avons voulu prévoir une aire plus grande autour de ces ravages où les cerfs se rassemblent l'hiver. L'objectif est d'aménager ces aires de manière à assurer un équilibre entre les classes d'âge sur une certaine période, dans l'espoir de préserver l'habitat dans une partie de l'aire en question. Pour ce faire, nous avons recours, assez curieusement, à la coupe dans ces aires afin d'améliorer l'habitat.

À l'heure actuelle, 270 000 hectares sont maintenant groupés dans ces aires à l'échelle de la province. On en retrouve principalement dans la partie nord de la province, où l'habitat devient plus critique. En dirigeant l'aménagement de ces ravages, nous espérons fournir à la population de cerfs de Virginie les abris et les aliments dont elle a besoin pour l'hiver.

L'objectif suivant vise les zones tampons le long des cours d'eau. En créant ces zones tampons, nous cherchons à protéger l'habitat du poisson et les cours d'eau eux-mêmes. La largeur des zones tampons varie entre 30 et 150 mètres, bien qu'elle puisse parfois être plus grande. Elles sont exigées le long de tous les cours d'eau dont la largeur dépasse un demi-mètre, et parfois aussi le long des cours d'eau moins larges. La coupe dirigée est autorisée dans certains endroits de ces zones tampons, selon des principes semblables à ceux que nous appliquons aux aires d'hivernage de cerfs de Virginie. Le but est de maintenir l'intégrité de la zone tampon à long terme.

Bien entendu, si nous n'en coupons pas du tout, tous les arbres finiront par tomber à un moment donné. Nous tentons de pratiquer des coupes sélectives. Vous avez vu hier les signes de la régénération qui se fait sous les peuplements. Si nous pouvons éclaircir un peu les peuplements et permettre au soleil d'atteindre le sol, les jeunes pousses pourront grandir. L'objectif est de se retrouver avec différentes classes d'âge dans les zones tampons.

Je vous parlerai aussi brièvement des réserves naturelles. Il s'agit de zones où aucune coupe n'est effectuée. Dans certains cas, la coupe est tout simplement interdite -- comme dans le cas des réserves écologiques que nous avons ici. Dans d'autres, nous avons de petites aires protégées qui sont uniques en leur genre, un peu comme ce que nous avons vu hier à Sheephouse Falls. Les caractéristiques sont donc semblables à celles de Sheephouse Falls. À l'intérieur de chaque zone visée par un permis, il y a un certain nombre de ces réserves que nous tentons de protéger. Enfin, il y a des pentes très abruptes où il n'est tout simplement pas possible de pratiquer la coupe.

J'ai dit que, dans le cadre de la planification de l'aménagement que nous avons faite en 1997, nous avons adopté pour la première fois l'objectif de la biodiversité. Je suis le premier à reconnaître qu'il s'agit là d'un objectif tout à fait rudimentaire. Par ailleurs, nous ne savions pas -- et nous ne le savons toujours pas -- exactement comment nous y prendre à cet égard. Notre planification est toujours en cours d'élaboration. Les opinions divergent quant à l'approche qu'il convient d'adopter. Quoi qu'il en soit, l'approche que nous avons adoptée en 1997 était d'exiger que, dans chaque zone visée par un permis, la répartition actuelle des grands types de couvert forestier -- conifères, conifères/feuillus, feuillus/conifères et feuillus -- soit maintenue avec des variations de 10 p. 100 tout au plus. Il s'agit d'un objectif rudimentaire en matière de biodiversité, mais c'est le mieux que nous pensions pouvoir faire à l'époque.

Nous travaillons maintenant au plan d'aménagement de l'an 2002. Nous accordons une attention toute particulière à l'élaboration d'un objectif plus significatif et axé sur l'écosystème afin d'assurer la biodiversité. Le travail à cet égard est toujours au stade préliminaire, et je ne peux donc pas vous dire ce que sera l'objectif que nous adopterons pour 2002. Dans un an, nous devrions toutefois savoir à quoi il ressemblera.

Le système de planification de l'aménagement que nous avons ici évolue avec le temps. Tous les cinq ans, nous avons la possibilité d'y incorporer un nouvel objectif ou développer davantage un objectif déjà existant. Au fur et à mesure que nous en apprenons davantage au sujet des sciences forestières, nous pouvons incorporer ces données dans le système de planification tous les cinq ans.

Je ne veux pas laisser de côté la question de l'approvisionnement en bois. Si le bois ne nous intéressait pas, nous ne nous occuperions peut-être pas du tout de prévoir des plans d'aménagement. Il y a un certain nombre de choses que je tiens à vous dire au sujet de notre objectif en ce qui a trait à l'approvisionnement en bois et à la façon dont cet objectif est incorporé au processus de planification. D'après les prévisions, nous atteindrons le creux de la vague pour ce qui est du matériel sur pied dans 20 ans.

Sur l'acétate, on parle d'une pénurie dans 20 ans. Il ne s'agit pas d'une pénurie; ce sera tout simplement le creux de la vague pour le matériel sur pied. Nous déterminons les quantités d'arbres qui peuvent être coupés, et ce, depuis 1982, de manière à ce que nous atteignions le creux de la vague dans 20 ans. Cela ne veut pas dire que nous n'aurons pas d'arbres que nous pourrons couper dans 20 ans, mais que nous aurons atteint le creux de la vague à ce moment-là et que, à partir de là, le matériel sur pied s'accroîtra et nous aurons une plus grande marge de manoeuvre pour ce qui est de répartir les différentes utilisations qui peuvent être faites de nos forêts.

Il est important, par ailleurs, de souligner que l'application de pratiques sylvicoles nous permet de maximiser les quantités d'arbres qui peuvent être coupés chaque année. Le niveau de coupe est calculé à un niveau qui permet d'assurer la durabilité sur une période de 80 ans. Nous contrôlons chaque année le niveau de coupe afin de nous assurer de ne pas dépasser le maximum autorisé.

Je passe brièvement en revue ce que nous avons abordé jusqu'à maintenant. Les plans d'aménagement sont dressés tous les cinq ans. Le dernier remonte à 1997. Ce plan comprenait des objectifs relativement aux forêts de conifères, aux aires d'hivernage des cerfs de Virginie, aux zones tampons, à la biodiversité et aux réserves naturelles. Le niveau de coupe est déterminé pour une période de 25 ans, et ce niveau représente la quantité maximale d'arbres qui peuvent être coupés. Nous ne faisons pas plus que cela.

J'examinerai assez rapidement la partie qui suit. Si vous avez des questions par la suite, je serai heureux d'y répondre. Je ne veux pas entrer trop dans le détail quant à la façon dont le processus d'élaboration des plans d'aménagement se déroule. Les cinq éléments clés du processus sont les suivants: données de l'inventaire forestier, courbes de rendement, activités après coupe, définition de l'habitat et modèle de l'approvisionnement en bois. J'explique brièvement chacun de ces éléments.

En ce qui a trait tout d'abord aux données de l'inventaire forestier, nous avons depuis 1987 un inventaire établi au moyen de SIG. Nous avons un processus de mise à jour qui prévoit que, chaque année, nous refaisons le travail pour un dixième de la province. Il s'agit donc en quelque sorte d'un inventaire roulant sur 10 ans. Les données de l'inventaire ont donc tout au plus 10 ans. Nous faisons chaque année la mise à jour de l'inventaire en ce qui a trait à la coupe et aux activités sylvicoles. L'inventaire nous fournit des informations sur les grandes catégories d'espèces ainsi que sur la répartition selon l'âge et la classe.

Les courbes de rendement sont l'élément qui permet vraiment de prédire quelle sera la croissance des forêts. Elles permettent de déterminer l'évolution des forêts, leur croissance et leur décroissance. Ces courbes sont obtenues à partir d'informations que nous recueillons sur les forêts et qui remontent au tout début des années 50. Nous avons des courbes de rendement pour les peuplements naturels et les peuplements dirigés, les plantations par exemple.

La ligne que vous voyez sur le graphique est une courbe de rendement typique: le peuplement croît jusqu'à ce qu'il arrive à maturité, puis il commence à décroître. Nous disons que, à partir de ce moment-là, le peuplement est «trop mûr». Dans certains cas, la décroissance est beaucoup plus radicale, mais la courbe de rendement que vous voyez là est une courbe typique.

Nous contrôlons chaque année les rendements afin de vérifier l'exactitude des données que nous avons utilisées pour nos prévisions. Nous comparons les niveaux de coupe réels avec les prévisions de rendement.

Je vous parle brièvement maintenant de la définition de l'habitat faunique. S'inspirant des ouvrages existants sur les diverses espèces fauniques, nos biologistes ont établi une définition du type d'habitat forestier dont chacune a besoin au point critique de son développement. Ils ont donc défini l'habitat en fonction des caractéristiques du peuplement forestier. En comparant ces caractéristiques avec les courbes de rendement, nous pouvons déterminer pendant combien de temps un peuplement donné pourra fournir à l'espèce faunique en question l'habitat dont elle a besoin.

Par exemple, sur ce graphique, on constate que cette espèce faunique aurait besoin du genre d'habitat qu'on trouverait dans ce peuplement où les arbres auraient de 50 à 60 ans. Ce genre de peuplement constituerait un habitat pour cette espèce pendant cette période, mais pas avant et pas après. On ne peut donc pas compter sur ce genre de peuplement pour abriter la faune sauf à ce moment-là.

Un autre élément est l'activité après la coupe. Cela permet de voir comment de nouveaux peuplements se développeront après la coupe. Ce genre de renseignement est essentiel pour gérer la ressource forestière et la ressource faunique, comme vous le comprendrez facilement.

Les éléments dont j'ai parlé, c'est-à-dire l'inventaire, les courbes de rendement, la définition de l'habitat et les activités après coupe, sont réunis dans un modèle informatique de gestion forestière. Cela permet de mettre à l'essai diverses méthodes de gestion.

Vous pouvez fixer à peu près n'importe quel objectif. Vous pouvez dire que vous voulez simplement gérer les ressources fauniques, par exemple, et voir quels seront les résultats, ou encore que vous voulez gérer uniquement les ressources forestières. Vous pouvez fixer les niveaux que vous jugez appropriés. À partir de là, nous pouvons établir la quantité de ressources forestières et d'habitats. Bien sûr, la quantité d'habitats doit correspondre à nos objectifs. On s'occupe de la récolte des ressources forestières une fois qu'on a atteint l'objectif pour l'habitat.

Je voudrais vous donner quelques résultats du processus de planification de l'aménagement. Nous avons déjà parlé de la coupe permise. C'est la limite fixée pour la récolte. En 1997, on a abouti à un approvisionnement en résineux de 3,6 millions de mètres cubes par année et de 1,6 million de mètres cubes de bois dur par année. C'est la coupe permise. C'est le niveau auquel on peut récolter de façon durable chaque année. Il importe de noter ici qu'il s'agit de la coupe permise une fois que les objectifs autres que ceux de l'industrie forestière sont atteints. Ces objectifs ont été pleinement respectés et c'est la quantité de bois qu'on peut récolter par la suite.

En plus de la coupe permise, il y a un programme complet de sylviculture. Nous dépensons environ 28 millions de dollars par année depuis quelques années pour financer la sylviculture sur les terres de la Couronne. C'est beaucoup d'argent pour une petite province comme le Nouveau-Brunswick. Cela représente près de la moitié du budget d'exploitation total annuel du ministère. C'est un investissement important pour nous.

La sylviculture se fait sous forme de plantation ou d'espacement. Vous pouvez voir les résultats de la méthode d'espacement dans les jeunes peuplements que nous avons, un peu comme nous avons pu voir ce qui se passait au moment des opérations de sciage pour l'espacement hier. On fait aussi de la plantation dans les zones plus petites, soit de la plantation complète, soit de la plantation de remplissage. Je n'entrerai pas dans les détails parce que je pense que vous avez eu une description de ces opérations hier.

L'exemple suivant explique pourquoi nous faisons de la sylviculture et pourquoi nous y investissons tellement. Si nous n'avions jamais fait de sylviculture dans la province, nous aurions maintenant une coupe permise de résineux de 1,5 million de mètres cubes, mais à cause de ce que nous avons fait dans le passé, nous pouvons abattre 3,6 millions de mètres cubes par année. La sylviculture a donc eu un effet marqué. Si nous projetons dans l'avenir, une fois que nous aurons dépassé le creux de la vague dans le matériel sur pied qui se produira dans une vingtaine d'années, la possibilité de coupe commencera à augmenter. Dans 40 ans, nous atteindrons 5,1 millions de mètres cubes si tous les autres objectifs sont maintenus au niveau actuel. Bien entendu, si nous adoptons une stratégie de région protégée, une partie des peuplements ne pourront plus produire et le volume baissera. Je ne fais que comparer en fonction des objectifs actuels.

Pour résumer, la possibilité de coupe est calculée grâce au modèle d'approvisionnement en bois tous les cinq ans dans le cadre de la planification de gestion. On projette les zones de récolte sur une période de 25 ans pour pouvoir être certains qu'il y aura toujours des secteurs où l'on pourra faire la récolte. Le niveau de la récolte est maintenu à la possibilité de coupe. Ce niveau n'est pas dépassé. Dans le cadre du processus de planification de l'aménagement, nous tenons compte des autres valeurs ou objectifs fixés par le gouvernement. C'est le gouvernement qui fixe ces objectifs qui sont ensuite intégrés au processus de planification de l'aménagement.

Si vous ne retenez qu'une chose parmi tout cela, ce devrait être que le système de gestion des terres de la Couronne se fonde sur le principe de la durabilité. Je pense que c'est le facteur clé pour nous. Nous avons un système qui nous permettra d'atteindre les objectifs fixés. À mesure que nous fixerons de nouveaux objectifs, ceux-ci influeront sur diverses autres valeurs et utilisations des forêts, mais nous continuerons à respecter avant tout le principe de la durabilité.

Le sénateur Robichaud: Merci de ce bon exposé. C'était très bien fait et vous nous avez fourni beaucoup de renseignements. Vous avez donné certains chiffres pour la possibilité annuelle de coupe, ou PAC. C'est uniquement pour les terres de la Couronne, n'est-ce pas?

M. Spinney: C'est exact. Tout ce que j'ai dit portait sur les terres de la Couronne.

Le sénateur Robichaud: Avez-vous tenu compte des terres à bois du secteur privé pour établir la possibilité annuelle de coupe? Avez-vous autant de renseignements là-dessus que sur les terres de la Couronne?

M. Spinney: Non. Voulez-vous savoir si nous avons un système de gestion des boisés privés comme celui des terres de la Couronne?

Le sénateur Robichaud: D'une certaine façon, oui.

M. Spinney: Je vais essayer de vous répondre. Nous n'en avons pas parce que nos renseignements sur ces boisés ne sont pas aussi fiables que ceux que nous avons sur les terres de la Couronne. La principale raison, cependant, c'est que nous n'avons pas compétence pour gérer les terres du secteur privé de la province. Le gouvernement provincial ne peut pas le faire. La gestion de ces terres nous préoccupe.

D'après les données que nous possédons, nous savons que, dans certaines régions de la province, les boisés du secteur privé sont surexploités par rapport au niveau d'exploitation durable. Je ne peux pas vous dire de combien parce que nous n'avons pas de données exactes. Je pense cependant que la plupart conviendront, même les propriétaires de boisés eux-mêmes, qu'il y a surexploitation dans certaines régions.

Jusqu'ici, nous avons essayé de nous attaquer au problème d'une façon que je qualifierais de douce au lieu d'utiliser des règlements. Nous essayons de remédier à la situation grâce à un programme d'éducation, mais c'est un processus à long terme. Nous essayons aussi d'offrir des incitatifs. Nous finançons un programme de sylviculture chaque année pour les boisés du secteur privé et cela se fait depuis déjà quelques années. Cela devrait aider, mais ce n'est qu'une partie du problème.

Même si la situation nous inquiète, la province n'a pas pour l'instant compétence pour réglementer ce que font les propriétaires du secteur privé. Je pense aussi qu'il y aurait beaucoup d'opposition à de tels règlements.

Le sénateur Stratton: Je voudrais poser une question supplémentaire. Est-ce que ce ne serait pas à l'avantage de tout le monde, y compris les propriétaires de boisés et surtout les compagnies de l'industrie forestière, qu'on puisse exercer un certain contrôle ou au moins avoir la collaboration des propriétaires de boisés?

Vous me dites que l'on ne pourra pas fournir à la longue les volumes que réclament les compagnies forestières s'il y a une surcoupe dans les boisés du secteur privé. On va finir par manquer de bois dans la province et il y aura plus de pressions pour relever le volume de la coupe sur les terres de la Couronne. Je ne vois pas pourquoi les trois secteurs n'essaient pas de s'entendre. On nous a dit hier qu'il y a une surcoupe alarmante. Qu'en pensez-vous? Projette-t-on quelque chose pour s'attaquer au problème?

M. Spinney: Je suis d'accord. Ce serait à l'avantage de toutes les parties en cause d'arriver à une entente. Vous avez demandé pourquoi nous ne nous consultons pas. Les trois secteurs se sont réunis à maintes reprises au cours des cinq dernières années pour essayer de s'entendre sur quelque chose de logique et d'acceptable. La seule chose qui en est ressortie, c'est qu'il ne serait pas acceptable sur le plan politique de réglementer ce que les particuliers font sur leurs propres terres.

Les activités auxquelles souscrivent les propriétaires de boisés sont celles que j'ai déjà mentionnées et que nous effectuons déjà, à savoir notamment la sylviculture ou l'éducation. Il est vrai que si l'on permet que la surcoupe se poursuive, cela pourrait se traduire en bout de piste par une pénurie de bois, ce qui finirait par imposer des pressions sur les autres sources d'approvisionnement.

Le président: Quelqu'un s'est-il intéressé sur les conséquences que cela pouvait avoir sur l'impôt sur le revenu et à la façon dont cela pourrait être utilisé pour éviter la plus-value ou éviter de brader les terrains? Parfois, ce type de mesure sert à encourager les propriétaires à garder leurs terrains pour le bois, sans que cela soit nécessairement une mesure punitive. La mesure pourrait être considérée sous un angle positif, pour ce qui est des déductions qui pourraient être éventuellement permises.

Ainsi, nombre de propriétaires de terrains privés peuvent avoir des revenus d'autres sources, comme de leur travail à la scierie, notamment. Je ne sais pas s'ils peuvent déduire les coûts et débours de l'exploitation de leurs lots privés de leur revenu de salaire. J'en doute, mais j'ai l'impression que l'on pourrait aider à secouer les choses quelque peu. Disons au gouvernement que si le Canada veut avoir beaucoup de forêts et assurer la pérennité de sa production forestière, il faudrait peut-être qu'il jette un coup d'oeil à la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu et que ce serait bénéfique pour le Canada.

Le sénateur Robichaud: Vous êtes en train d'enlever les mots de la bouche du témoin.

Le président: J'essaie simplement d'avoir l'appui du témoin, pour qu'il nous aide à dépoussiérer la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu.

M. Tom Spinney: Comme cela est de compétence fédérale, ce n'est pas de mon ressort. Je sais néanmoins que l'on a signalé certains problèmes. Le système fiscal actuel n'incite pas, d'une part, à une gestion durable à long terme. Notre ministère et la Fédération des propriétaires de boisés, à qui j'ai parlé hier soir, ont soulevé la question auprès du comité fédéral des finances. Mais je n'en sais pas plus.

Le président: Merci, je tenais à vous l'entendre dire officiellement.

Le sénateur Robichaud: Nous formons un sous-comité qui étudie la forêt boréale. Nous nous intéressons donc à la forêt boréale du Nouveau-Brunswick. La forêt boréale est-elle traitée différemment des autres forêts? Considérez-vous tout le territoire du Nouveau-Brunswick comme une seule forêt gigantesque, ou accordez-vous une attention particulière à la partie boréale de la forêt -- qui se trouve plus haut dans le nord -- contrairement à ce que vous feriez pour la forêt acadienne?

M. Tom Spinney: Vous savez sans doute que notre forêt compte très peu de forêt boréale, qui représente à peine 2 p. 100 de son territoire. Je ne crois pas que l'on puisse faire de différence entre la forêt boréale, la forêt acadienne ou tout autre genre de forêts.

Chaque forêt compte diverses composantes. Nous tentons donc de gérer la forêt de façon à ce que cela soit compatible avec la composante principale de la forêt en question. La forêt boréale est caractérisée par la présence de résineux, d'épinettes, de sapins et aussi de quelques pins gris. Il est sans doute vrai que certains traitements accordés spécifiquement à la forêt boréale, comme la régénération forestière, différeront de ceux qui s'appliqueront dans d'autres types de forêts.

Nous ne décidons certainement pas, une fois par année, de traiter de telle façon la forêt boréale et de traiter de telle autre façon la forêt acadienne. Nous nous demandons quelles sont les véritables caractéristiques de la forêt. L'ensemble de la forêt est une base forestière, et nous tentons d'atteindre les objectifs que j'ai mentionnés en imposant des conditions de niveau de peuplement qui ont du sens. Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Robichaud: Oui. Le gouvernement entretient d'excellentes relations avec les détenteurs de permis installés sur les terres publiques. D'une certaine façon, il faut s'assurer que les plans proposés sont suivis.

M. Spinney: Oui, nous le faisons. Je répète que nous avons lancé ce système en 1982, et que la croissance a été difficile. Toutefois, l'industrie forestière et le gouvernement s'étaient à l'époque demandé de façon concertée si le système avait en effet de sens. Je crois que l'industrie avait constaté qu'à tout le moins, le système assurait une sécurité à long terme de l'approvisionnement ainsi qu'une gestion forestière rationnelle, ce qui l'avait convaincue. Toutefois, au cours des premières années, il a bien fallu aplanir les divergences d'opinions. Mais depuis, je crois que nous avons développé d'excellentes relations de travail, puisque, dans la plupart des cas, nous semblons viser tous à obtenir les mêmes résultats.

Le sénateur Robichaud: Beaucoup de terres boisées appartiennent à M. Irving au Nouveau-Brunswick. Que fait-il au juste? Ce sont des terres privées et non pas des terres de la Couronne. J'imagine qu'il a des permis.

M. Spinney: Oui.

Le sénateur Robichaud: Vous ignorez ce qu'on abat sur les terres qui ne font pas partie des boisés privés ou des terres de la Couronne?

M. Spinney: Si vous pouvez vous remettre en mémoire la diapositive que je vous ai montrée, les terres en question font partie des terres industrielles en franche tenure. Le système utilisé par les propriétaires en franche tenure pour gérer leurs terres est très semblable à celui qu'on utilise pour les terres de la Couronne. On fixe des objectifs pour l'habitat faunique et la qualité de l'eau, par exemple, mais sauf pour certains règlements environnementaux, ces objectifs ne sont pas fixés par le gouvernement.

Rien dans le règlement ne stipule que l'industrie ne peut pas abattre plus que la coupe permise. Par ailleurs, ces secteurs sont gérés selon les principes de l'exploitation durable. Essentiellement, c'est à l'avantage de l'industrie qu'ils le soient. C'est la source d'approvisionnement la plus sûre pour l'industrie. C'est celle que l'industrie peut le mieux contrôler et c'est donc à son avantage de s'assurer qu'elle est exploitée de façon durable.

Le sénateur Robichaud: Vous pensez qu'elle l'est?

M. Spinney: Oui.

Le président: Les terres industrielles en franche tenure prennent-elles de l'expansion? L'industrie peut-elle racheter les boisés privés?

M. Spinney: Ce serait difficile de répondre oui ou non à cette question. À ma connaissance, les grandes compagnies forestières ne rachètent pas tellement de boisés privés. Depuis cinq ans, ce sont des entrepreneurs de coupe qui achètent les boisés. Ils achètent essentiellement le boisé pour faire la coupe et je dois admettre que j'ignore ce qui arrive au boisé par la suite.

Le sénateur Robichaud: Ils l'abandonnent tout simplement.

M. Spinney: Dans certains cas, oui.

Le président: Comment ces entreprises ont-elles pu obtenir tellement de terres industrielles en franche tenure? Les ont-elles achetées à la Couronne ou à la Reine? D'où viennent toutes ces terres?

Le sénateur Stratton: Vous pourriez peut-être nous faire l'historique de la situation. Comment cela a-t-il commencé?

M. Spinney: Je ne suis pas certain de pouvoir vous répondre. Je vous dirai uniquement ce que je sais. Je ne peux pas m'avancer davantage. Dans le passé, de grandes parcelles de terres dans la province ont été octroyées, par exemple, à la Compagnie de chemin de fer du Nouveau-Brunswick. Ce n'est qu'une hypothèse, mais j'imagine que c'était pour financer la construction de voies ferrées ou bien comme garanties.

Le président: C'est ce qu'on a fait partout dans l'Ouest. Après avoir obtenu ces parcelles de terrains pour construire une voie ferrée, la compagnie de chemin de fer déclarait faillite. Les administrateurs rachetaient ensuite la terre pour un dollar et le gouvernement se retrouvait avec un chemin de fer qui n'était pas construit.

M. Spinney: Au moins une partie de ces terres en franche tenure a été achetée par ces compagnies dans le passé. Je ne peux pas vraiment vous donner de renseignements exacts sur la totalité de ces terres.

Le sénateur Robichaud: Quel genre de pressions l'industrie exerce-t-elle sur votre ministère relativement à la possibilité annuelle de coupe?

M. Spinney: Tout d'abord, la possibilité annuelle de coupe elle-même est établie selon un processus que nous guidons, mais elle est fixée par les détenteurs de permis. C'est l'industrie qui calcule la possibilité de coupe. Bien sûr, nous nous assurons qu'elle le fait correctement et que le chiffre est réaliste.

L'industrie fait partie du processus et je pense que c'est un élément essentiel. Quand vous faites une analyse du matériel ligneux, vous en arrivez à un certain chiffre. Quand nous nous entendons pour dire que tout a été calculé de la façon appropriée, il n'est pas question que l'industrie exerce des pressions pour dépasser la possibilité annuelle de coupe.

Le sénateur Robichaud: Cela dépend de l'attitude de l'industrie. Si l'industrie a besoin de fibre et peut la vendre à bon prix, elle peut avoir tendance à dire que vos calculs relatifs à la croissance sont en dessous de la vérité.

M. Spinney: Je comprends ce que vous dites, mais l'industrie participe vraiment au système de gestion et nous avons de bons rapports avec elle. Nous nous entendons sur la possibilité de coupe dans le cadre du processus de planification de l'aménagement. L'industrie n'exerce pas de pressions pour dépasser ce chiffre.

Les pressions nous viennent de la centaine de scieries que nous avons dans la province et portent sur la partie de la possibilité annuelle de coupe que reçoit chacune d'elles. Bien sûr, tout le monde en veut toujours plus. Une scierie nous dira que nous devrions en enlever à telle scierie pour en donner plus à telle autre pour toutes sortes de raisons.

Le sénateur Robichaud: Vous êtes certain qu'il ne se passera pas dans le secteur forestier quelque chose comme ce qui est arrivé au secteur du poisson de fond? On avait fait certaines projections et les scientifiques donnaient des avertissements, mais l'industrie disait de son côté: «Nous pensons pouvoir prendre plus de poissons.» Tout à coup, nous avons constaté que nos pêcheurs avaient trop pris de poissons et que d'autres facteurs avaient contribué à la surpêche. Êtes-vous certain qu'il ne peut pas y avoir de problème de ce genre?

M. Spinney: Je peux vous répondre deux choses. D'abord, il est beaucoup plus facile de compter les arbres que les poissons. Vous pouvez aller dans la forêt les voir. Vous pouvez retourner tous les ans et voir à quel rythme ils poussent. Vous pouvez mesurer les effets d'autres choses sur les arbres beaucoup plus facilement que pour le poisson.

Deuxièmement, et c'est une chose que j'ai essayé de souligner tantôt, on refait tous les calculs pour la possibilité annuelle de coupe et la planification de gestion tous les cinq ans. S'il intervenait un facteur dont nous n'avions pas tenu compte au départ, nous pourrions l'incorporer dans notre planification à ce moment-là. Pour répondre à votre question, je suis effectivement certain de nos chiffres.

Le sénateur Stratton: Vous ne tenez pas compte des boisés privés. Cela semble être le principal problème.

M. Spinney: Oui, je comprends. Ce que je viens de dire ne porte que sur les terres de la Couronne. Il y a encore toute la question des boisés privés à régler.

Le président: Si j'ai bien compris, 25 p. 100 du bois qui arrive aux scieries vient de boisés privés.

M. Spinney: Le chiffre est de 25 à 30 p. 100.

Le président: On ne nous a rien dit aujourd'hui à propos des détenteurs de permis et des sous-traitants. J'ai peut-être mal compris, mais il me semble avoir entendu hier que, lorsque vous octroyez un permis, le détenteur de ce permis doit faire affaire avec un certain nombre de sous-traitants, c'est-à-dire des propriétaires des scieries ancestrales ou des bûcherons de la région. Pouvez-vous nous en dire plus long?

M. Spinney: Pour chacun des 10 permis, il y a ce que nous appelons des sous-détenteurs de permis en plus du détenteur lui-même. Il s'agit de propriétaires de scieries ou d'installations de transformation dans chaque région. Quand nous déterminons la possibilité annuelle de coupe, nous la répartissons officiellement entre toutes les scieries de la province. Chaque détenteur et chaque sous-détenteur de permis en reçoivent une partie.

Le président: Est-ce calculé en fonction de leur capacité?

M. Spinney: C'est établi en fonction de leur capacité et de la mesure dans laquelle ils comptaient sur le bois de la Couronne dans le passé. Dernièrement, nous tenons compte aussi de la valeur ajoutée et nous essayons en même temps de favoriser la création et le maintien d'emplois dans la province. Ce sont les facteurs qui entrent en ligne de compte. Un sous-détenteur de permis a le droit d'obtenir une certaine quantité du détenteur de permis chaque année. Le détenteur de permis doit subvenir aux besoins du sous-détenteur et il existe des ententes officielles pour confirmer l'existence du sous-détenteur.

Le président: Cela m'a plutôt l'air d'un mariage obligé. Ce n'est pas que la plupart des gens plaignent les détenteurs de permis, mais arrive-t-il qu'un détenteur de permis se retrouve à faire office d'intermédiaire pour un groupe de sous-détenteurs? Quelle ampleur tout cela peut-il prendre?

M. Spinney: Il y a deux ou trois sous-détenteurs importants dans la province. Mais dans la plupart des cas, leur entreprise est beaucoup plus petite que celle d'un détenteur de permis. Cependant, vous avez raison de parler de mariage forcé. En réalité, la Loi sur les terres et forêts de la Couronne confère au ministre le pouvoir d'ordonner à un détenteur de permis d'émettre un sous-permis.

Le président: Cela se fait-il de façon transparente? Existe-t-il un processus d'appel? Si le sénateur Robichaud et moi-même achetions une scierie et que nous soyons très amis avec le premier ministre de la province, pensez-vous que nous pourrions doubler le contingent?

M. Spinney: Dois-je répondre à toutes ces questions?

Le président: Puisqu'on a parlé de mariage forcé, nous voulons simplement savoir quoi faire avec les enfants.

M. Spinney: Je peux aborder cette question en partie, du moins. Il va de soi que la répartition des allocations de bois aux sous-détenteurs de permis se fait à la lumière des besoins de toutes les autres scieries. Nous sommes très conscients du fait que chaque scierie de la province a besoin d'un fournisseur de bois d'oeuvre pour être viable. Il arrive sans doute rarement -- ou même jamais -- que l'on enlève à une usine un volume tel qu'elle ne peut plus continuer ses opérations.

Le sénateur Robichaud: Les petites scieries ne doivent-elles pas se battre constamment pour obtenir des billots de sciage?

M. Spinney: À mon avis, elles s'en tirent beaucoup mieux maintenant qu'avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les terres et forêts de la Couronne car à l'heure actuelle, elles bénéficient d'une allocation officielle. S'il s'agit de billots de sciage pour leur usine dont elles ont besoin, c'est ce qu'elles reçoivent. Elles savent avant le début de l'année quel volume de bois de sciage elles pourront obtenir des terres de la Couronne. Ensuite, il va de soi qu'elles doivent s'approvisionner à d'autres sources pour le reste.

Le sénateur Stratton: Je voudrais brièvement revenir à la question de l'habitat faunique. Au sujet d'une diapositive, vous avez parlé de coupe à blanc de 500 mètres ou plus. Est-ce exact?

M. Spinney: Non. Cette diapositive illustrait une forêt de conifères mûres et on y parlait de la configuration de cet habitat.

Le sénateur Stratton: Il faut que l'aire de coupe ait une superficie minimale de 500 mètres.

M. Spinney: Oui.

Le sénateur Stratton: Y a-t-il des limites à la longueur et à la largeur d'une aire de coupe à blanc?

M. Spinney: Ici, la limite est de 100 hectares. La taille moyenne d'une aire de coupe à blanc dans la province est d'environ 32 hectares.

Le sénateur Stratton: Je voudrais relier cela à la faune. Il va de soi que les animaux n'aiment pas les grands espaces ouverts car ils sont davantage propices au chablis. Au sujet des ravages de cerfs, essentiellement, vous dites que vous encouragez les sociétés d'exploitation forestière à les conserver à l'état naturel pour que les arbres n'y poussent pas en trop grand nombre et deviennent des forêts, ce qui les rendrait inutilisables pour les cerfs. Est-ce juste?

M. Spinney: C'est juste.

Le sénateur Stratton: Ils sont conservés de cette façon, mais qu'en est-il des liens? Lorsqu'on a un ravage de cerfs, il y a des coupes autour et aussi des refuges d'animaux sauvages. Tout cela est interrelié. Les autorités provinciales ont-elles réfléchi à cela? Prévoit-on quelque chose?

M. Spinney: Oui, on a réfléchi à ce problème. À cet égard, il faut aussi mentionner les zones tampons pour assurer la protection des cours d'eau. Dans bien des cas, ils offrent cette conductivité. Je ne suis pas biologiste, de sorte que je m'éloigne un peu de mon champ d'expertise, mais les biologistes me disent que ce n'est pas un facteur primordial pour un cerf, bien que ce le soit pour d'autres espèces d'animaux sauvages.

Le président: Pour ce qui est de la participation des autochtones à vos plans quinquennaux, je crois que la solution que vous avez trouvée a consisté à imposer un autre mariage forcé, soit dire aux détenteurs de permis qu'ils devraient céder 4 à 5 p. 100 de leur superficie de coupe à la population autochtone. C'était en quelque sorte une situation ponctuelle. A-t-on effectué une planification à long terme? Semble-t-il que ce soit à peu près la façon dont on réglera le problème à l'avenir?

M. Spinney: C'est une solution ponctuelle, une solution à court terme. Je ne pense pas que quiconque sache exactement comment tout cela évoluera à long terme. Vous avez sans doute entendu dire qu'un groupe de travail avait été créé ici pour examiner la question autochtone. Il devrait présenter son rapport au début de 1999, et nous y trouverons sans doute des indices sur les orientations futures à prendre. À ce stade-ci, nous pouvons envisager le même genre d'ententes d'exploitation forestière que nous avons négociées cette année avec les collectivités des Premières nations. Elles devraient être reconduites l'an prochain, au même niveau.

Le président: J'ai une brève question technique au sujet de la zone de chablis. Dans une zone de protection où il y a énormément de chablis puisqu'on y trouvait des anciens peuplements, le rôle de filtre des cours d'eau que joue la forêt s'en trouve-t-il perturbé?

M. Spinney: Parlez-vous des zones tampons de protection des cours d'eau?

Le président: Oui. Supposons que vous ayez une zone tampon autour d'un ruisseau où les arbres auraient vieilli et auraient été abattus par le vent parce qu'on ne leur a pas donné assez d'espace.

M. Spinney: Il faudrait poser cette question à des biologistes. Selon eux, une forêt de chablis où les arbres sont couchés par terre vaut mieux qu'une forêt pleine de traces de débusqueuse. Je pense qu'ils ont raison. Nous essayons d'exploiter les terres boisées de façon à ce que ni l'une ni l'autre de ces éventualités se produisent.

Le président: Je vous remercie beaucoup d'être venu. Votre présentation était des plus intéressantes. Je suppose que si nous vous appelons au moment de la rédaction de notre rapport final, vous serez prêt à répondre à notre appel.

M. Spinney: Certainement.

Le président: Merci. Bonne chance avec vos mariages. Nous accueillons maintenant M. David Coon du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick.

M. David Coon, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick: Je suis heureux de pouvoir vous parler aujourd'hui et je sais que tous les intervenants du Nouveau-Brunswick sont ravis d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité. Il est formidable que le sous-comité sénatorial soit venu dans notre province pour entendre ce que les citoyens et les représentants des diverses organisations ont à dire au sujet de l'état de nos forêts.

J'essayerai d'être bref, ce qui n'est pas facile pour moi, compte tenu de mon intérêt pour le sujet. J'aurais bien aimé avoir un débat avec M. Spinney aujourd'hui. Ensuite, nous aurions pu avoir une discussion très animée.

Le président: Il a déjà assez de problèmes avec ses mariages.

M. David Coon: Quoi qu'il en soit, je vais faire quelques observations, mais je respecterai grosso modo mon plan original.

Le Conseil de conservation est un regroupement de citoyens du Nouveau-Brunswick créé en 1979. Il s'intéresse à la conservation des ressources et au maintien des collectivités qui dépendent de l'exploitation des matières premières.

Nos membres sont chapeautés par un conseil d'administration composé de trois personnes de la région de Miramichi. L'une d'elles, Normand Richardson, est ici aujourd'hui. Il est entrepreneur en exploitation forestière, propriétaire d'un lot boisé et cultivateur d'arbres de Noël. Si vous voulez acheter des couronnes ou des arbres de Noël avant de partir, je suis sûr qu'il prendra vos commandes. Il livre n'importe où.

Voilà le genre d'organisation qui est la nôtre. Nous faisons beaucoup de travail dans le secteur des ressources, nous préconisons une approche écologique optimale de la gestion des ressources ainsi qu'une participation locale accrue au processus de décision qui concerne les ressources dont dépendent les collectivités dont c'est l'unique moyen de subsistance.

On vous a déjà expliqué ce matin que les forêts du Nouveau-Brunswick n'étaient pas essentiellement boréales, mais acadiennes. La forêt acadienne est une forêt fascinante, notamment en raison de sa grande diversité. Elle regroupe quelque 32 espèces d'arbres différentes, plus que tout autre type de forêt en Amérique du Nord à notre latitude. Il existe de multiples communautés ou types de forêt au sein de la forêt acadienne.

Les écologistes forestiers du ministre des Ressources naturelles qui travaillent pour M. Spinney diraient sans doute qu'il existe de 30 à 40 types de forêt différents dans la province. On compte 10 types de base, qui englobent les forêts qui s'apparentent le plus à des forêts de type boréal, situées en haute altitude dans les Appalaches -- ce que nous appelons les hautes terres du Nouveau-Brunswick -- ou encore dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, dans la partie extrême adjacente au Québec. Il y a également de riches forêts de feuillus, des forêts mixtes, des forêts de cèdres et des forêts qui combinent l'épinette rouge et les bois-francs nordiques.

Ce qui est intéressant au sujet de nos forêts, c'est qu'elles sont situées dans une zone de transition entre les forêts de feuillus du sud de la Nouvelle-Angleterre et les forêts boréales de l'est du Québec. Cela crée un système très intéressant. Chaque fois qu'on est en présence d'une transition écologique entre deux régions, des choses intéressantes se produisent.

À bien des égards, la diversité est le grand atout de nos forêts. Elle permet à celles-ci de résister aux effets environnementaux, comme les changements climatiques, et nous offre une riche gamme de produits. Du point de vue de l'exploitation forestière, la forêt acadienne est mieux en mesure de faire face aux changements climatiques en raison de la grande diversité des espèces qui y croissent naturellement, par opposition à la forêt boréale, qui ne compte qu'un nombre limité d'espèces. La majeure partie de la forêt boréale ressentira les effets du changement climatique de façon négative. Nous devons déterminer quelles espèces nous devons soutenir ici, notamment dans le contexte de l'évolution du climat, et nous devons faire en sorte d'organiser nos pratiques de gestion forestière afin de ne pas leur nuire.

J'ai un imprimé du ministère des Ressources naturelles qui montre la diversité des types de forêt qui existent dans la province. La gestion forestière me rappelle l'histoire des aveugles et de l'éléphant. Selon l'endroit où l'on se trouve, on estime que la forêt devrait être gérée de telle ou telle façon. Ainsi, la forêt entoure la région de Chatham. Si l'on va dans une autre région de la province, c'est différent. Il convient donc d'adopter des approches différentes selon l'endroit de la province dont il est question.

D'ailleurs, cela correspond à la perspective universitaire. La perspective est en train de changer radicalement à l'Université du Nouveau-Brunswick, qui est une école de foresterie reconnue au Canada, et même en Amérique du Nord. Auparavant, la notion de gestion forestière évoquait dans l'esprit des gens un archétype de forêt. Cela commence à changer énormément. En effet, cela découlait d'une vision en noir et blanc, par opposition aux nombreuses couleurs qui apparaissent sur le graphique que je vous ai montré.

La diversité est fondée sur les changements relatifs aux types de sol, à la température, au climat, à l'élévation, à l'inclinaison, et cetera. L'approche globale fait problème, surtout si l'on souhaite assurer la gestion et l'exploitation de la forêt d'un point de vue écologique, ce qui suppose de tenir compte de la biodiversité, et maintenir la santé écologique de la ressource.

Sur ce graphique figurent les 10 principaux groupes de types de forêt de notre province. Il permet de voir certaines des espèces dominantes dans chaque cas. À l'échelle de la province, on obtient diverses combinaisons et permutations de cela. Dans la perspective de la biodiversité, nous nous inquiétons du fait qu'à l'heure actuelle les pratiques d'exploitation et de sylviculture perpétuent et intensifient des tendances qui ont pris naissance au siècle dernier. On privilégie davantage un mélange d'espèces de type boréal et on effectue une sélection qui va à l'encontre des autres espèces qui sont typiques de la forêt acadienne.

L'autre caractéristique remarquable de nos forêts est leur histoire. Ces forêts font l'objet d'une exploitation intensive depuis 1805. Napoléon avait bloqué les ports de la Baltique, qui constituaient la principale source de bois d'oeuvre pour la Grande-Bretagne. Les Britanniques ont donc pensé à s'approvisionner en bois d'oeuvre au Canada, et principalement au Nouveau-Brunswick. La première région exploitée a été ma région d'origine, le comté de Charlotte, et ensuite, Miramichi et les autres régions de la province.

Chose intéressante, l'intensité de l'exploitation forestière menée au cours de la première moitié du XIXe siècle a imposé à la forêt des changements dont l'effet se fait encore sentir aujourd'hui. Cela est difficile à croire étant donné que tout cela se faisait manuellement. L'exploitation a dû être très intense car dans sa foulée, la grande épinette rouge a pratiquement disparu. Pour ce qui est de l'épinette rouge de haute qualité de diverses tailles dans la province, on n'en trouve pratiquement plus. Même chose pour le pin blanc.

Dans les années 1840, la viabilité de nos forêts et l'exploitation forestière dans la province ont suscité des débats qui ont fait rage à l'Assemblée législative. Il est fascinant de lire certains de ces débats. À un moment donné, le lieutenant-gouverneur s'en est même mêlé. Je ne sais pas si cela était orthodoxe sur le plan politique à l'époque, mais néanmoins, il l'a fait. Ces débats remontent loin dans le temps. Ce ne sont pas des enjeux qui ont fait surface dans la foulée du mouvement environnemental moderne. Ils portaient directement sur la question de la viabilité de nos forêts.

À notre avis, de nombreux changements positifs sont en train de se produire. Sur la scène internationale, je pense que l'accord sur la biodiversité, qui a été signé et ratifié par le Canada, aura des répercussions positives sur le Nouveau-Brunswick et l'ensemble des forêts du Canada. En outre, l'accord sur la forêt fédérale, s'il est en oeuvre comme prévu, aura lui aussi d'importantes répercussions.

Évidemment, les travaux d'un comité comme le vôtre sont tout aussi importants. Il est opportun et encourageant que des représentants du gouvernement soient à l'écoute des Canadiens dans ce dossier. D'ailleurs, la population réclame une meilleure gestion de nos forêts, et ses attentes semblent être là pour rester.

À notre avis, les pratiques forestières actuelles minent la santé écologique de nos forêts, suppriment des emplois et compromettent les débouchés économiques futurs pour nos enfants. En effet, l'équilibre est rompu. On met trop l'accent sur le volume de production. On est obnubilé par la volonté d'extraire le bois des forêts et de l'acheminer aux scieries au coût le plus bas possible.

Ce qui est important, c'est la viabilité, le maintien des forêts. Nous devons agir dans une perspective axée sur la durabilité de la ressource. Qu'il s'agisse de conserver un inventaire de fibres, de maintenir la disponibilité d'un approvisionnement de bois, cela relève de la même discussion, et c'est plus simple. D'ailleurs, il y a d'intéressants débats sur le sujet.

Par ailleurs, si nous souhaitons maintenir une forêt saine, c'est différent. En l'occurrence, il faut se soucier de l'intégrité des sols et des processus écologiques qui régissent la forêt, du cycle des nutrients qui nourrissent le tapis forestier. Lorsqu'intervient cet aspect fonctionnel, la discussion est beaucoup plus compliquée.

Nous en savons très peu sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers car il faut une centaine d'années pour qu'une forêt se développe. La durée de vie des espèces d'arbres individuels va de 100 à 400 ou 500 ans dans le cas de la pruche au Nouveau- Brunswick. Lorsqu'il est question de viabilité, il faut regarder loin vers le passé et vers l'avenir.

Après avoir examiné les indicateurs existants, nous sommes convaincus que nous n'assurons pas la viabilité des forêts du Nouveau-Brunswick sur les terres de la Couronne. Je parle ici de ces terres d'un point de vue écologique.

Je suis convaincu que nous avons le meilleur système de planification de l'aménagement gestion forestier du pays. Le ministère des Ressources naturelles a mis au point la meilleure classification écologique des terres, et ses experts sont nombreux. Contrairement à ce que disait M. Spinney, certains de ses collaborateurs ont les connaissances spécialisées qui leur permettent d'examiner la conservation de la biodiversité dans le contexte de la gestion du bois d'oeuvre. Il s'agit d'une expertise sans pareille nulle part ailleurs au pays. Nous sommes très bien positionnés pour apporter certains changements ici.

D'un point de vue écologique, nous affirmons que nous ne favorisons pas la viabilité de nos forêts, et il y a des indicateurs qui le démontrent. Il suffit d'examiner le mélange des espèces. En fait, deux experts forestiers du ministère des Ressources ont prononcé une allocution l'année dernière devant l'Association canadienne des pâtes et papier. Leur document établissait une comparaison de la composition actuelle des espèces par rapport à celles du passé. Ils ont constaté que les pratiques forestières actuelles semblent perpétuer les tendances du passé, en ce sens qu'elles réduisent la fréquence et l'abondance d'une vaste gamme d'espèces d'arbres dans notre forêt.

Les espèces qui ont été réduites sont le plus souvent des espèces d'arbres qui vivent longtemps et qui ne prospèrent pas bien dans les zones de coupe à blanc. Ces arbres poussent généralement plus lentement et par conséquent ils sont souvent victimes du distançage et de l'éclaircissage. Certaines des espèces ainsi touchées englobent la pruche, le cèdre, l'épinette rouge, l'érable à sucre, et cetera. Ces espèces déclinent en abondance et en fréquence. Parallèlement, on constate une augmentation sensible des espèces comme le sapin baumier, l'épinette blanche et le peuplier, toutes espèces qui prospèrent dans des zones de coupe à blanc et en plein soleil, qui ont de courts cycles de vie et qui croissent rapidement.

D'ailleurs, nous ne constatons pas uniquement le déclin d'espèces d'arbres en particulier, mais de types de forêts tout entiers. L'automne dernier, Mme Judy Loo, du Service canadien des forêts, a présenté un exposé à une conférence sur la foresterie tenue dans le cadre de la Table ronde des premiers ministres provinciaux. Elle a signalé le déclin des forêts mixtes dans la province ainsi que des forêts de cèdres.

Chose certaine, les forêts des riches terres ont commencé à décliner il y a très longtemps, lorsque certains des meilleurs emplacements ont été défrichés pour l'agriculture. Cependant, ce déclin s'est poursuivi, au fur et à mesure que ces régions étaient converties en plantations ou en d'autres types de forêts.

Nous sommes témoins de ce qui se passe. D'importants changements dans la composition des espèces de la couverture forestière -- les types de communautés forestières -- auront évidemment des répercussions sur les autres espèces qui y vivent. Les pertes enregistrées au niveau de la distribution, de la fréquence et de l'abondance de ces types de forêt auront manifestement des incidences sur la faune et la flore. Dans la perspective du maintien de la biodiversité et de l'intégrité écologique de la forêt, il est évident que nous allons dans la mauvaise direction.

Il y a également d'autres indicateurs. M. Reed Noss, qui est un biologiste écologique renommé en Amérique du Nord, dresse une liste dans le contexte de la foresterie. On y trouve des facteurs comme la distribution des peuplements par âge, la diversité structurelle, la densité routière, la fragmentation, les espèces fragiles et les régimes perturbateurs. Selon lui, il s'agit de savoir quelle orientation prendre. Se dirige-t-on vers ce que nous appelons «une situation plus naturelle» en ce qui a trait à ces indicateurs ou vers une situation qui n'est pas du tout naturelle? Lorsque j'emploie le terme «naturel», je ne parle pas de parc. Je parle de la composition naturelle et des structures naturelles qu'il convient d'encourager dans l'exploitation forestière et la sylviculture dans la province.

Manifestement, à tous ces égards, nous perdons du terrain. La province compte de très jeunes forêts, des systèmes très simplifiés, plus fragmentés, un vaste réseau routier, sans compter que les espèces fragiles ont de sérieux problèmes dans la province.

Je voudrais mentionner le caribou et le loup, non pas parce qu'il s'est passé quoi que ce soit ces dernières années, mais parce qu'il est intéressant de noter que contrairement à d'autres régions du pays, nous avons perdu nos grands prédateurs il y a longtemps. Il n'y a plus de loups depuis les années 30. Et l'un des principaux ongulés de la province, le caribou, qui traditionnellement était beaucoup plus commun que le chevreuil, a disparu de la province.

D'ailleurs, leur disparition a toutes sortes d'implications pour le système. Leur départ a causé une réaction en chaîne. Nous n'avons pas les fonds nécessaires pour faire des recherches sur le terrain à cet égard, et c'est probablement le cas de la plupart des autres provinces. N'empêche que c'est malheureux. Nous n'avons effectué aucun relevé biologique dans la province. Il n'en existe aucun.

Pour que les forêts de la Couronne puissent être davantage viables, il faut établir un meilleur équilibre entre la quête d'une forte production de fibres et le maintien et la restauration de l'intégrité écologique de la forêt. Or, cela exige que l'on modifie les pratiques d'exploitation forestière et de sylviculture. Cela signifie qu'il faut utiliser une gamme beaucoup plus variée de pratiques d'exploitation et de sylviculture.

Ce qui est bien, c'est que bon nombre de ces pratiques, outre qu'elles sont mieux adaptées à l'être humain que les machines, ajoutent une valeur à nos forêts. On parle beaucoup de valeur ajoutée dans le secteur, mais cette valeur ajoutée intervient surtout à l'étape de la transformation. Pour véritablement ajouter de la valeur à la forêt, il faut accroître la diversité des espèces disponibles. S'il s'avère que nous sommes en train d'éliminer certaines espèces, nous devrions sans doute faire des efforts pour les revitaliser.

La taille des arbres que l'on peut récolter et d'autres facteurs, tout cela ajoute de la valeur au bois. Les interventions sylvicoles et certaines méthodes de récolte peuvent encourager la croissance d'une plus grande diversité d'essences et d'un mélange d'arbres plus naturel, en termes d'essences et de tailles.

Le système que nous avons mis en place consiste à essayer de sortir le bois de la forêt et de l'amener à l'usine au plus bas coût possible. Pour ce faire, le processus est très mécanisé, très efficient et très impressionnant du point de vue de l'efficience économique.

Bien sûr, pour rendre possible cette mécanisation très poussée, il faut défricher complètement la forêt. Après, on a le choix entre laisser les arbres repousser naturellement, ou bien planter des arbres et épandre des herbicides. C'est actuellement la situation sur les terres domaniales. Si nous changeons de cap, la récolte fondée sur la sylviculture emploiera plus de gens et exigera une gestion plus pointue.

Par contre, du côté de la transformation, notre industrie est essentiellement axée sur le volume. Nous avons de petites exploitations qui ne fonctionnent pas comme cela, mais dans l'ensemble, l'industrie est dominée par les pâtes et papiers, le bois de charpente, et cetera. Toute évolution de cette industrie, actuellement uniquement axée sur le volume, en direction d'une industrie comportant davantage de valeur ajoutée, provoquera des changements qui auront des répercussions à long terme.

Nous avons actuellement une occasion en or de réorienter le secteur forestier de la province pour le rendre plus écologiquement durable. Le MRNE a les outils voulus et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons un excellent système de planification de l'aménagement forestier. Nous avons un système de classification écologique des terres et c'est vraiment l'outil de planification que l'on peut mettre à profit pour s'attaquer aux préoccupations relativement à la conservation de la diversité biologique dans le cadre de notre plan de gestion du bois.

Nous devons savoir ce que nous avons sous la main, à quoi ressemble le paysage de ce point de vue, et savoir comment cela influe sur le type de récolte et de sylviculture que nous faisons. Le ministère possède ces renseignements. Il est intéressant de constater qu'à l'origine, ce système a été mis au point pour la planification des zones protégées où tout bûcheronnage était interdit, mais il se prête très bien à cette situation. Je pense qu'il sera utilisé encore davantage à l'avenir pour aider à mettre au point des plans de gestion forestière qui contribueront à conserver la biodiversité.

Il est évident que nous utiliserons toujours la grande majorité de nos forêts pour appuyer le bien-être économique de nos collectivités. Cela veut dire que nous devons apprendre à extraire du bois de la forêt de manière à conserver et rétablir la diversité biologique, si nous voulons maintenir durablement la santé de nos forêts.

À notre avis, l'une des façons d'apporter des améliorations sensibles à cet égard est d'inculquer un sentiment d'intendance à l'égard de nos terres domaniales et d'habiliter davantage les gens des localités forestières quand il s'agit de prendre des décisions sur la gestion des ressources. Nous avons fait la promotion de certaines idées en matière de gestion communautaire des forêts. J'ai fait remettre des copies d'un document intitulé «Working With the Woods», où on explique certaines notions. Je vous ai également fait remettre copie d'un document de discussion sur la façon de concilier les droits des autochtones et les problèmes de gestion communautaire de la forêt et la gestion écologique. Les détails se trouvent en fait dans le document intitulé «We Are All Here To Stay», que je vous invite tous à lire.

Je ne veux pas discuter de gestion communautaire dans mon exposé, parce que c'est un très vaste sujet. C'est tout un changement par rapport à la situation antérieure. Essentiellement, nous envisageons de transférer certaines responsabilités publiques du niveau provincial au niveau local. Au niveau local, les gens sont plus proches, sont plus intéressés à long terme à l'évolution des forêts de l'endroit et ont des intérêts plus diversifiés à l'égard de ce qui se passe dans leurs forêts, à cause des rapports étroits qu'ils entretiennent avec la forêt.

Je vais maintenant aborder les questions autochtones. Dans notre réflexion au sujet de l'exploitation forestière communautaire, il nous est apparu clairement depuis maintenant quelques années que le seul moyen de provoquer des changements sur les terres domaniales, c'est de faire en sorte que les peuples autochtones puissent exercer leur droit de coupe sur les terres domaniales. Ils l'ont fait et ils se sont aussi adressés aux tribunaux. Cela a ouvert la porte et beaucoup de gens qui travaillent dans les bois disent que la prochaine étape sera la création d'un nouveau régime. Ce nouveau régime permettra aux non-autochtones d'avoir accès aux terres domaniales, pour y vivre, y travailler et y gagner leur vie.

Le gouvernement provincial a créé un groupe de travail autochtone dont faisaient partie le juge La Forest, ancien juge de la Cour suprême, et le juge provincial Graydon Nicholas; ce groupe de travail était chargé de faire des recommandations sur l'exploitation de la forêt par les autochtones. Je m'attends à ce que le rapport soit publié en décembre. Il sera intéressant de voir la différence entre les ententes provisoires et les recommandations définitives de la commission. Ce sera un point tournant dans la gestion des terres domaniales de la province. On verra. C'est une période passionnante.

J'ai dit que nous sommes convaincus qu'il faut diversifier les méthodes sylvicoles sur les terres domaniales, afin d'en mieux conserver et d'en restaurer la diversité biologique, d'en maintenir l'intégrité écologique et de préserver la santé de nos forêts. Cette diversité existe déjà dans les boisés privés exploités dans la province. Vous avez entendu Jean-Guy Comeau hier soir. Il a été récipiendaire de notre prix Milton F. Gregg de la conservation l'année dernière. Milton Gregg a été notre premier président honoraire.

En visitant notre province, vous pourrez voir des exemples remarquables d'exploitation forestière dans les boisés privés. Toutefois, il y a assurément des problèmes dans certains de ces boisés. On peut trouver des cas de surcoupe dans les boisés privés, comme il en existe sur les terres domaniales. Quand on les critique localement pour cela, les entrepreneurs privés disent qu'ils n'agissent pas différemment de ce qui se fait sur les terres domaniales. En termes de récolte, ils ne font rien de différent et ils posent la question: pourquoi s'en prendre à nous?

J'ai encore une chose à dire au sujet des boisés privés. C'est une situation qui est quelque peu exaspérante pour nous tous, propriétaires de boisés privés. Au Nouveau-Brunswick, les propriétaires de boisés privés sont légion. À tire de propriétaire d'un boisé, si je décide de défricher une partie de mon boisé pour y planter des bleuets ou des pommes de terre, ou bien pour élever des moutons, c'est mon droit le plus légitime.

Dans l'ensemble de la province, nous avons établi une capacité de transformation du bois qui est très supérieure à notre capacité d'approvisionner ce réseau. Le bois qui pousse dans les boisés privés est pris en compte dans l'inventaire de l'approvisionnement de notre secteur de transformation du bois. Mais c'est mon boisé et c'est mon bois et je dois pouvoir décider de ce que je veux en faire, pourvu que je laisse des zones tampons et que je respecte sur ma terre toutes les règles imposées par la province.

Cela crée une dynamique très intéressante et les propriétaires de boisés sont devenus les boucs émissaires parce que la famille Irving considère que ce bois lui appartient et parce que Repap considère que ce bois lui appartient. À leurs yeux, ce bois devrait aller directement dans leurs usines et nulle part ailleurs. Comment osez-vous vendre ce bois de l'autre côté de la frontière, au Maine, parce que vous en obtenez un meilleur prix là-bas. Comment osez-vous vendre sur le marché et essayer de tirer plus d'argent de votre bois, au lieu de le leur vendre à eux, parce que cette pratique nuit à l'approvisionnement en bois.

Je dis cela pour vous montrer à quel point nous sommes serrés dans notre approvisionnement en bois et à quel point nous avons une surcapacité dans cette province. L'ancien ministre des Ressources naturelles aimait à dire que sur chaque arbre dans cette province, un nom est gravé, et c'est le nom de Irving, de Repap ou d'une autre des nombreuses compagnies qui survivent à même nos forêts et qui, de plus en plus, importent du bois dans la province.

Vous avez comparé l'exploitation forestière à la situation de la morue, et il y a en effet une ressemblance. À Terre-Neuve, on s'est retrouvé avec une capacité de transformation du poisson très supérieure à la capacité de la mer de fournir ces usines. Nous en sommes maintenant au même point au Nouveau-Brunswick. Nous avons une capacité de transformation du bois beaucoup trop importante par rapport au nombre d'arbres dans les forêts et à la capacité de nos forêts de les approvisionner. Nous sommes donc coincés, car tout ce que nous pourrions tenter de faire pour rétablir la biodiversité ou protéger l'intégrité écologique dans le cadre des plans de gestion des boisés, ou pour tenter de protéger d'autres valeurs, par exemple en créant des zones protégées, tout cela ne ferait qu'exacerber le problème.

L'ancien doyen des Sciences forestières à l'Université du Nouveau-Brunswick a dit que nous sommes au bord du précipice en ce qui a trait à l'approvisionnement en bois. Le moindre événement imprévu nous ferait basculer. Nous avons maintenu l'approvisionnement des usines en fibres, mais seulement en feignant de ne pas voir le besoin de maintenir l'intégrité écologique de nos forêts et de conserver la biodiversité. Nous sommes ainsi en train de nous endetter, nous accumulons une dette écologique.

Je pense que nous commençons seulement à nous en rendre compte. Par conséquent, nous réclamons des changements en profondeur dans la façon dont les terres domaniales sont gérées. J'ai trouvé intéressant d'entendre la réponse de Tom Spinney quand vous lui avez demandé comment les grandes entreprises industrielles géraient leurs terres; il a répondu que leur gestion ressemblait passablement à celle des terres domaniales. Si tel est le cas, que fait-on de l'intérêt public?

Je m'attendrais à ce qu'une compagnie gère des terres privées de façon quelque peu différente que les terres de propriété commune, que l'on appelait autrefois «Terres de la Couronne réservées aux Indiens». En fait, les deux sont gérées de façon semblable parce qu'elles sont gérées en vue de l'atteinte d'objectifs semblables.

Ce que nous disons, c'est que dans le cas des terres domaniales, il faut respecter un bien meilleur équilibre que ce que nous avons réussi à faire jusqu'à maintenant. Il faut une participation plus large au processus décisionnel pour ce qui est de fixer les buts et les objectifs, lesquels dictent à leur tour la façon dont les détenteurs de permis vont élaborer leurs plans de gestion de la forêt.

Les buts et objectifs qui sont fixés tous les cinq ans pour les terres domaniales sont établis sans aucune consultation. Il n'y a aucun processus public. Tous les cinq ans, on évalue la performance du détenteur de permis. Il n'y a aucun processus public dans cette évaluation. Nous avons dû nous adresser aux tribunaux il y a quelques années pour en appeler d'une demande d'accès à l'information qui nous avait été refusée. Nous voulions obtenir la première série d'évaluations, afin de voir dans quelle mesure les détenteurs de permis d'exploitation des terres domaniales respectaient leurs obligations envers les habitants du Nouveau-Brunswick.

Je vais m'en tenir là. J'ai parlé plus longtemps que prévu, mais c'est une grande question et je voulais aborder un certain nombre de domaines. Votre comité a un mandat très large et je voulais aborder tour à tour un certain nombre d'éléments. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie d'être venu. C'est assez intéressant, parce que nous entendons une telle diversité d'opinions en nous déplaçant à travers le pays. Dans votre plan d'action pour la conservation des terres domaniales, je vois un énoncé tout simple: «Arrêtez d'implanter des plantations d'arbres sur les terres domaniales». Combien d'usines y a-t-il au Nouveau-Brunswick?

M. Coon: Cela dépend de ce que vous voulez dire par usine. Vous parlez d'usines de pâtes et papiers?

Le sénateur Stratton: Je parle de toutes les usines de produits forestiers.

M. Coon: Il y a neuf usines de pâtes et papiers, 10 si l'on compte celle qui fabrique du papier à partir de tissu. Il y a des centaines de scieries, quoique leur nombre a tendance à diminuer. Certaines sont très petites, d'autres très importantes. Une poignée de scieries traitent la majeure partie du bois.

Le sénateur Stratton: Ces usines doivent employer pas mal de monde.

M. Coon: L'emploi a beaucoup diminué dans la forêt et aussi dans la transformation. Les scieries sont de plus en plus grosses, et il y a de moins en moins de petites et moyennes scieries. Les usines ont subi beaucoup de changements technologiques, car on s'efforce d'atteindre à la plus grande efficience possible. L'emploi a diminué dans le secteur forestier.

Le sénateur Stratton: Ce secteur emploie encore un assez grand nombre de gens.

M. Coon: Bien sûr. Le secteur forestier est le pivot de l'économie du Nouveau-Brunswick. C'est le principe vital de nos collectivités. Il n'y a absolument aucun doute là-dessus. C'est pourquoi il est tellement difficile de tenir un débat public sur cette question. Dans tellement de localités, les gens ont peur de dire le fond de leur pensée sur ce qui se passe, parce que leur emploi, l'emploi de leur femme ou de leurs enfants dépend de ce secteur. Par conséquent, les compagnies dominent complètement le discours public.

Le sénateur Stratton: Nous devons maintenir les emplois, pas seulement les forêts. Compte tenu de tous les renseignements dont on dispose sur l'emploi, ne conviendrait-il pas d'établir un certain équilibre, et de réserver un certain pourcentage des forêts aux plantations?

M. Coon: Je ne suis pas du tout certain que les plantations créeraient plus d'emplois que ne le feraient de nouvelles méthodes sylvicoles. Je sais que de telles modifications emploieraient plus de gens que les plantations n'en emploient actuellement. Pour ce qui est des plantations, il faudrait un processus public dans cette province pour établir les buts et objectifs relativement aux terres domaniales. Si l'on décide, dans le cadre de ce processus, qu'un certain pourcentage des terres domaniales doivent être réservées aux plantations ou transformées en champs de pommes de terre ou quoi que ce soit, eh bien soit, discutons-en et prenons une décision. À l'heure actuelle, la conversion des forêts en plantations se poursuit sans relâche dans les terres domaniales de la province et il n'y a aucun doute que cela fait problème du point de vue de l'écologie.

Le sénateur Stratton: Vous dites que les gens devraient être employés dans la sylviculture et que l'objectif ultime est d'assurer un certain volume de bois. Comment la sylviculture peut-elle contribuer sensiblement à cet objectif? Si vous dites que nous ne devons pas avoir de plantations, que nous devrions plutôt mettre au point de nouvelles méthodes sylvicoles, ou utiliser une autre méthode pour récolter les ressources de manière à protéger la croissance, comment pouvons-nous soutenir les volumes dont nous avons besoin, assurant ainsi la conservation des emplois? En quoi la sylviculture nous permettrait-elle de faire cela?

M. Coon: C'est justement l'objectif de la sylviculture.

Le sénateur Stratton: Je comprends.

M. Coon: Le reboisement, c'est de la sylviculture. L'espacement, c'est de la sylviculture.

Le sénateur Stratton: Je comprends tout cela. Les compagnies disent que, pour obtenir des gains de productivité et de volumes, il faut qu'il y ait des plantations. Vous, vous dites qu'il faut faire de la sylviculture. Mais si en me promenant par ici, je constate qu'il y a partout des plantations et qu'on fait pousser beaucoup d'arbres, comment puis-je accepter votre assertion que la sylviculture permettrait de produire le même volume? Essentiellement, c'est de cela qu'il est question.

M. Coon: On n'obtiendrait peut-être pas exactement le même volume. À un moment donné, il faut établir une limite quant au volume de bois que l'on peut faire pousser dans un paysage donné, tout en maintenant son intégrité écologique. Faisons de la sylviculture et récoltons de manière à accroître la production jusqu'à cette limite, mais pas au-delà.

Le sénateur Stratton: Il ne peut manquer d'y avoir des pressions pour dépasser cette limite, en utilisant des plantations. Il y a des pressions.

M. Coon: Bien sûr.

Le sénateur Stratton: Dans ce cas, n'est-il pas possible d'envisager tout cela et de dire: «bon, très bien, la réalité économique, c'est les emplois»? Ne pourrions-nous accepter un certain pourcentage de plantations? Nous avons entendu d'autres groupes conservationnistes affirmer qu'il n'y a pas de mal à faire des plantations, mais qu'il faut imposer une limite. Certaines compagnies forestières disent qu'il faudrait peut-être fixer cette limite à 20 p. 100. Certains conservationnistes disent que c'est trop, qu'il faudrait plutôt ramener cela à 10 p. 100. Vous, vous venez nous dire catégoriquement qu'il ne doit y avoir «aucune plantation».

M. Coon: Absolument. Je dis non, tant que nous n'aurons pas un processus public permettant de faire participer les habitants du Nouveau-Brunswick à la discussion sur la conversion des terres domaniales en plantations. Évidemment, nous avons déjà beaucoup de plantations sur les terres domaniales.

Il est clair qu'il ne doit y avoir aucune nouvelle plantation. Ce sont des terres domaniales. Ce ne sont pas des terres privées. Il y a des conséquences négatives quand on transforme les forêts en fermes forestières, tout comme si l'on transformait des forêts en champs de pommes de terre, pour ce qui est de la santé écologique de la forêt. C'est la clé.

La pression ne vient pas du désir de conserver des emplois, parce que des emplois disparaissent constamment dans nos usines. Pour des raisons commerciales, on prend constamment des décisions qui font disparaître des emplois. Si des emplois disparaissent pour des raisons environnementales, on dirait que, pour quelques raisons, cela semble moins moral que si les mêmes emplois disparaissent pour des raisons commerciales. Il y a quelque chose qui cloche.

La pression est exercée par les compagnies forestières qui doivent être le plus compétitives possible sur le marché international et doivent rivaliser avec des concurrents dans d'autres régions du monde et dans d'autres régions du Canada. Si ces compagnies pouvaient fonctionner avec 10 personnes au lieu de 500, elles le feraient. La question n'est pas de conserver des emplois. Si les emplois étaient un objectif plus important dans notre planification de gestion forestière, nous agirions différemment.

Le sénateur Stratton: Il faut quand même se préoccuper de rentabilité. Une compagnie est responsable devant son actionnaire, lequel exige un rendement sur son investissement. Il peut dire par exemple qu'il y a trop d'emplois dans la conservation et que l'on fait trop de sylviculture; les profits sont faibles, nous ne sommes pas compétitifs face à telle ou telle autre compagnie. Telle est la réalité économique, n'est-ce pas?

M. Coon: En effet. La responsabilité du gouvernement est de dire que, quand il s'agit des terres domaniales, il faut tenir compte de l'intérêt public et de l'intérêt écologique et il faut un meilleur équilibre. On s'attendrait donc à ce que la gestion des terres industrielles en franche tenure soit très différente de la gestion des terres domaniales. Il est évident que l'intérêt public est plus limité pour les terres industrielles, parce qu'il s'agit d'une propriété privée et non pas publique.

Le sénateur Stratton: Vous n'avez pas d'objection à ce que l'on fasse des plantations sur les terres industrielles en franche tenure.

M. Coon: Non, pas plus que sur les boisés privés. C'est leur propriété. S'ils veulent faire des plantations, ils en feront. S'ils veulent planter des patates, ils planteront des patates.

Le président: En somme, vous dites qu'il ne manque pas d'endroits où l'on peut faire de nouvelles plantations, notamment les terres industrielles et les boisés privés, et qu'en conséquence, les terres qui sont de propriété publique ne doivent pas faire l'objet de plantations. Il y a plein d'autres endroits dans la province pour cela.

M. Coon: Oui, c'est raisonnable.

Le sénateur Robichaud: Monsieur Coon, si vous étiez chargé de fixer la possibilité de coupe annuelle sur les terres domaniales, quelle serait la différence par rapport à ce qui se fait actuellement?

M. Coon: Il y aurait deux différences. Nous sommes partenaires dans le réseau des forêts modèles, y compris la forêt modèle de Fundy, qui est parrainée par les Irving. Des lignes directrices intégrant des objectifs de biodiversité comme élément clé ont été mises au point pour la gestion de la récolte dans cette forêt.

On a fait une analyse de ces types de forêt dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Cette analyse ne peut pas nécessairement s'appliquer dans l'ensemble de la province, parce que les forêts sont différentes. Dans cette région de la province, cela aurait pour résultat de réduire la possibilité de coupe annuelle d'environ 20 p. 100, selon les paramètres appliqués. C'est intéressant. Cela veut dire que si nous voulons conserver cette forêt en santé, il faudrait en fait réduire sensiblement la récolte annuelle.

Comme M. Spinney l'a signalé, notre possibilité de coupe annuelle est actuellement très élevée. Aujourd'hui, elle est de 3,6 millions de mètres cubes en comparaison de 1,5 s'il n'y avait pas de sylviculture. Ce niveau annuel est possible parce qu'il est fondé sur ce qui pourrait arriver à l'avenir. Ce n'est pas fondé sur les arbres qui poussent aujourd'hui. Le chiffre de 1,5 million de mètres cubes est fondé sur ce qui pousse aujourd'hui, c'est-à-dire la quantité de bois que l'on peut extraire, d'après ce qui pousse aujourd'hui.

Le sénateur Robichaud: M. Spinney a dit que c'est fondé sur une anticipation de 85 ans et que l'on vérifie périodiquement.

M. Coon: D'après les divers types de sylviculture qui sont appliqués, on obtient des crédits, en un sens. On peut en couper davantage aujourd'hui, en fonction de ce que l'on croit qu'il se produira à l'avenir, en fonction de cette forme de sylviculture.

La réalité, c'est que nous ne savons pas vraiment ce qui se passera à l'avenir. Nous pouvons seulement faire des estimations éclairées. Nous pouvons prévoir une marge d'erreur et dire que, pourvu que nous n'ayons pas d'incendies de forêt de grande envergure, d'infestations de la tordeuse des bourgeons, ou de chablis de grande étendue, et pourvu que les pluies acides ne viennent pas ralentir la croissance de la forêt, alors la quantité que l'on coupe aujourd'hui est probablement acceptable. Si l'une ou l'autre de ces éventualités arrive, en rétrospective, on pourra dire que nous avons trop coupé.

En un sens, c'est un pari que nous faisons. Nous fondons nos prédictions sur l'évolution future de l'approvisionnement en bois, en fonction de la sylviculture que l'on pratique aujourd'hui. Cette sylviculture nous permet de couper aujourd'hui plus de bois, par rapport à ce que l'on pourrait faire autrement, si vous me suivez.

Le sénateur Robichaud: Oui, je vous suis. Je croyais que ces gens-là avaient relativement confiance dans leurs données et dans les pratiques utilisées pour maintenir ce niveau de récolte. Il est vrai que des incendies peuvent survenir, mais nous avons des moyens de lutter contre cela dans une certaine mesure. Pour ma part, je croyais qu'ils étaient confiants et j'ai une certaine confiance en eux.

M. Coon: Dites-moi ceci: jusqu'où peut-on prévoir l'avenir avec une précision quelconque? Oui, si l'on prétend dire ce qui se passera dans cinq ans, je suppose que c'est possible. Il peut même être possible de prédire 10 ans à l'avance. Toutefois, je ne crois pas qu'il soit possible de prédire ce qui se passera dans 80 ans avec le moindre degré d'exactitude.

Il est évident que tous ces efforts de sylviculture auront une incidence positive nette sur le volume de bois disponible. Il n'y a pas de doute là-dessus. Toutefois, c'est difficile à quantifier au point de pouvoir dire que l'on peut couper telle quantité de bois supplémentaire aujourd'hui, en raison d'un avenir que nous supposons. L'important est de savoir si l'on est prudent ou optimiste. Fait-on preuve de prudence, de circonspection?

Certains pourraient soutenir -- et soutiennent effectivement -- que cette coupe annuelle autorisée n'est pas très prudente. Elle est plus élevée qu'elle ne devrait l'être. Nous devrions avoir une marge d'erreur plus grande et faire moins confiance à ces prédictions quant à ce qui va se passer dans 80 ans, parce que dans le monde de la nature, il est très difficile de prédire l'avenir.

Je rappelle que c'est exactement ce qui s'est passé dans la pêche. Les gestionnaires se sont amusés avec leurs modèles. Dans cette forme de gestion, fondée sur des modèles, des poissons virtuels, des arbres virtuels, des projections, et cetera, surtout quand on s'en remet aux politiciens, le degré de certitude semble toujours plus élevé, parce qu'il y a des chiffres. Par exemple, 3,6, c'est un beau chiffre. Les modèles ne méritent pas qu'on leur fasse confiance à ce point, à cause du facteur temps.

Dans le sud-est de la province, si l'on voulait vraiment gérer les forêts de manière à ne pas compromettre leur santé écologique et leur biodiversité, on envisagerait plutôt une réduction d'environ 20 p. 100 de la possibilité de coupe annuelle, ce qui est une réduction importante.

Le sénateur Robichaud: Oui, c'est très important. Que feriez-vous des gens qui seraient touchés? Cela, nous pouvons le prédire; c'est-à-dire qu'il y aurait beaucoup d'agitation sociale si le gens ne pouvaient plus aller travailler dans la forêt.

M. Coon: Les gens pourraient encore aller travailler dans la forêt. Il y aurait du travail en masse dans la forêt. Le problème se situerait du côté des usines. Le Nouveau-Brunswick est actuellement dans une situation très difficile. Nous coupons des arbres à un rythme très supérieur à ce qu'il faudrait pour maintenir la diversité biologique de nos forêts et pour maintenir leur santé écologique. Autrement dit, nous coupons trop d'arbres, si notre préoccupation est de maintenir la santé de la forêt. Si nous décidons de continuer de couper au même rythme et selon les mêmes méthodes de coupe, la santé de nos forêts continuera de se dégrader.

Ce n'est pas seulement la quantité que nous coupons, mais aussi la façon dont nous coupons et nos pratiques sylvicoles. Quelles sont les répercussions de cela, et sommes-nous disposés à accepter ces conséquences?

J'ai déjà décrit certaines conséquences. Nous assistons à un déclin de l'abondance et de la distribution de certaines essences d'arbres, des arbres d'une certaine taille et de certains types particuliers de forêt. On verra aussi des fléaux comme la pullulation de la tordeuse des bourgeons. Cela arrive déjà. Ces pullulations deviendront beaucoup plus intenses que jamais et plus coûteuses à combattre parce que la diversité qui, normalement, en limiterait la portée dans les limites du raisonnable, la diversité qui agit comme un agent antiparasitaire naturel, est en train de se perdre. On en paie le prix.

Bien sûr, on ne peut pas prévoir toutes les conséquences de la mauvaise santé écologique des forêts causée par la perte de diversité biologique, mais on peut en identifier quelques-unes.

Le sénateur Robichaud: Ne peignez-vous pas un tableau très sombre de ce qui pourrait arriver à l'avenir? Dans le passé, il y a eu d'importantes infestations de tordeuses des bourgeons. Les méthodes de coupe n'étaient pas les mêmes. Les forêts n'étaient pas dans l'état où elles sont aujourd'hui, mais nous avions quand même d'importantes infestations et nous nous en sommes sortis.

M. Coon: Il est clair que l'intensité et la durée des infestations ont augmenté de façon très marquée avec le temps et cette évolution a été influencée par nos activités et par la nature de la forêt aujourd'hui en comparaison de son état antérieur. Il est clair que cette tendance va se poursuivre, à moins que nous ne réussissions à l'enrayer. Comme vous le savez, il en coûte très cher de lutter contre ces fléaux, non seulement financièrement, mais aussi sur le plan politique. Songez seulement aux programmes d'épandage, par exemple.

Ce qu'il faut faire, en réalité, c'est maintenir et rétablir une forêt dont la structure et la composition sont plus naturelles, et tenir compte de cela dans les méthodes de récolte et de sylviculture. Voilà ce que nous disons. Il est évident qu'aujourd'hui, nous sommes très loin de cet objectif.

M. Spinney a mentionné qu'ils ont fixé un objectif de biodiversité dans le cadre du plan quinquennal qu'ils élaborent actuellement. Cela posera un défi politique intéressant. Jusqu'où faut-il aller? Nous savons que la décision a été prise de ne pas inscrire sur la liste des espèces en voie de disparition, aux termes de la législation en vigueur dans la province, toute une série d'espèces qui, d'après les scientifiques, sont bel et bien menacées d'extinction. La plupart de ces espèces sont des plantes et la décision de ne pas les inscrire a été prise parce que l'on craignait que cela nuirait aux activités d'exploitation forestière dans la province.

Nous avons hâte de voir ce qu'il adviendra des recommandations et de la façon dont on intégrera tout cela dans le plan de gestion des forêts du Nouveau-Brunswick. Qu'est-ce qui sera accepté en fin de compte, et en quoi cela différera-t-il de ce que les scientifiques ou les écologistes forestiers recommandent? C'était la même chose dans le dossier de la marte des pins, dont l'habitat était constitué de conifères arrivés à maturité, et aussi dans le dossier des 25 autres espèces dont Tom Spinney nous a parlé. Les mesures que l'on a finalement prises différaient beaucoup des propositions originales.

En un sens, c'est très bien si les compromis sont faits dans l'arène politique, pourvu que ces choix politiques soient faits dans l'intérêt public. Si, par contre, les choix sont faits au niveau technique ou bureaucratique, avant même d'atteindre une tribune publique, il est possible que l'on fasse des compromis acceptables.

Le sénateur Robichaud: Vous dites «possible».

M. Coon: La question est de savoir à quel point on fait confiance aux gens qui oeuvrent en coulisses. Dans quelle mesure leur faites-vous confiance? Voilà la question.

Le sénateur Robichaud: Vous dites que nous sommes loin de l'objectif que vous souhaitez atteindre, mais que nous nous en rapprochons. Peut-être que nous ne progressons pas aussi vite que vous le voudriez, mais l'on accorde aujourd'hui plus d'attention à la biodiversité que dans le passé. Avant, on n'en entendait pas beaucoup parler.

M. Coon: Il est indéniable qu'il y a une évolution en ce sens. Nous le constatons et nous trouvons cela encourageant. En fait, je fonde beaucoup d'espoir sur l'évolution future de la gestion forestière dans la province.

Le revers de la médaille, toutefois, c'est que d'une manière ou de l'autre, nous sommes dans le pétrin au Nouveau-Brunswick pour ce qui est de la transformation. Si nous ne faisons rien, nous verrons une rationalisation radicale de l'industrie, du point de vue commercial. Sur le plan des forêts, nous devons réfléchir et nous demander si ce que nous faisons aujourd'hui correspond à ce qu'il faut faire, compte tenu de ce qui se passera dans 60 ans.

Nous restreignons nos choix en favorisant un nombre relativement restreint d'espèces, au détriment d'autres espèces d'arbres qui pourraient être commercialisées ou offrir des produits valables. Nous favorisons les arbres d'une certaine taille et d'un certain âge, par opposition aux autres arbres. Nous prenons une forêt diversifiée, peuplée d'arbres d'âge très divers, et nous la rationalisons et la simplifions pour qu'elle corresponde aux exigences économiques d'aujourd'hui.

Nous planifions pour une période de 80 ans et, comme l'a dit M. Spinney, nous ne pouvons pas vraiment savoir quelles seront les forces économiques ou les conditions du marché dans 80 ans. À court terme, les gens de l'industrie estiment qu'il y aura une grande rationalisation au Canada et au Nouveau-Brunswick, que des scieries fermeront leurs portes et que nous ne serons plus en mesure de faire concurrence efficacement aux scieries des régions situées plus au sud, où les arbres croissent plus rapidement.

Notre organisation des terres domaniales pour répondre aux besoins d'aujourd'hui nous sera-t-elle aussi profitable à l'avenir? Même du point de vue économique, je prétends que non. Nous sommes en train de limiter nos options.

Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé du caribou. Il n'y a plus de caribous au Nouveau-Brunswick. Leur disparition est-elle due à la perte de leur habitat ou à une surexploitation?

M. Coon: Le caribou a été extirpé. Je n'ai pas parlé du loup et du caribou dans le contexte de l'exploitation forestière. Je les ai mentionnés car je trouvais que c'était intéressant et que cela ajoutait un peu de saveur au sujet. Le fait qu'il n'y ait plus de caribous ou de loups au Nouveau-Brunswick depuis des années est un sujet qui me tient à coeur. Il n'y en a plus, mais nous ne pensons pas aux raisons de leur disparition.

Le cas du caribou est intéressant. Ce qui s'est produit, c'est qu'on a déboisé les terres pour que les gens puissent s'y établir et pratiquer l'agriculture. D'autres terres ont été déboisées en raison du type d'exploitation forestière pratiquée. Les cerfs aiment bien ce genre d'habitat et leur nombre s'est grandement accru.

On sait que le cerf est le vecteur d'un vers parasite. On a créé un habitat favorable aux cerfs, ce qui a favorisé l'augmentation de leur population et a accru leur proximité aux troupeaux de caribous. Mais le vers parasite a tué les caribous. Les orignaux sont également affectés par ce parasite, mais leur habitat est différent de celui du cerf.

En outre, les caribous semblent préférer les habitats de peuplement plus vieux qui ont été éliminés en grande partie il y a longtemps au Nouveau-Brunswick. C'est pour ces raisons qu'on croit que le caribou est disparu.

Le sénateur Stratton: C'est un peu la même chose que pour le bison.

Le sénateur Robichaud: Vous les avez tous tués.

Le sénateur Stratton: Nous les avons tous tués.

M. Coon: Ce n'est pas la faute des gens. Il ne fait aucun doute que nous aurions pu coexister avec les caribous et les loups au Nouveau-Brunswick. Cela n'a pas été le cas, c'est bien triste. Dans le cas du caribou, la culpabilité est indirecte, puisque l'habitat s'est accru indirectement, et non intentionnellement. Les populations de cerf ont augmenté et c'est en partie pour cette raison que les caribous ont disparu.

Le problème du loup est différent. On offrait des primes pour l'abattage des loups. Les coyotes ont remplacé les loups.

Le sénateur Robichaud: Nous avons également des primes pour la chasse au phoque, et nous n'avons jamais pu nous en débarrasser.

Le président: En fait, j'ai entendu précédemment qu'il y avait eu des croisements entre les loups et les coyotes ici, ce qui avait produit des coyotes plus gros et plus méchants.

M. Coon: Les coyotes sont des animaux fascinants. Du point de vue social, ils sont très différents de vos coyotes de l'Ouest. Ils chassent en horde. Leur comportement social est beaucoup plus semblable à celui du loup. C'est très intéressant.

Le président: Votre but est de protéger davantage les espèces. Vous avez fait valoir un argument intéressant lorsque vous avez dit que l'exploitation forestière des 200 dernières années avait contribué à éliminer bon nombre des espèces moins attirantes qui avaient, en fait, un rôle très important à jouer. Ces espèces auraient pu produire des odeurs ou des produits chimiques qui auraient limité la propagation de la tordeuse de l'épinette. Votre but, c'est qu'il y ait davantage d'espèces. Ne pourrait-on pas également atteindre cet objectif en créant des zones protégées dans la province?

M. Coon: Je ne le crois pas. Ces zones protégées créeraient en fait des espèces d'îlots. Elles ne représenteront que 2 p. 100 ou 4 p. 100 de la superficie -- quel que soit le chiffre, ce sera minime.

Le président: Vous me semblez bien exigeant. Vous voudriez que les établissements commerciaux réduisent leurs coupes pour obtenir diverses espèces qu'ils ne peuvent pas utiliser.

M. Coon: Dans de tels cas, ils devront peut-être importer davantage.

Le président: Vous avez dit quelque chose d'intéressant au sujet de la participation du public. Ce n'est pas que je pense que votre point de vue ou celui de quelqu'un d'autre doit nécessairement l'emporter, mais avez-vous songé au système de l'Ontario? On a récemment adopté en Ontario un système qui prévoit une vérification tous les cinq ans. Il s'agit d'une vérification indépendante et ni le gouvernement ni l'industrie ne contrôlent le Comité de vérification. Il peut y avoir des groupes comme le vôtre et d'autres genres de groupes aussi, bien sûr, au sein de ce comité. Vous devriez peut-être communiquer avec vos collègues ontariens pour voir comment fonctionne ce système. Cela pourrait vous donner un point de départ et vous permettre de participer à la prise de décision.

M. Coon: Cela semble intéressant. Je pense qu'il y aura de plus en plus de discussions à ce sujet dans la province. À mon avis, le débat va devenir plus général. Je pense que c'est ce qui s'annonce. C'est presque arrivé la dernière fois qu'on a annoncé le plan de cinq ans.

Le président: Comme on l'a constaté récemment aux États-Unis, on ne peut jamais prévoir le résultat des élections.

Le sénateur Stratton: Où en êtes-vous dans votre lutte contre les herbicides? Vous voulez qu'on cesse d'utiliser des herbicides. On a maintenant fixé une date limite en Ontario et au Québec.

M. Coon: La seule façon de s'attaquer au problème des herbicides est de s'attaquer aux plantations. Si l'on fait du reboisement, on a besoin d'herbicides. C'est inévitable. Si vous voulez reboiser, vous avez besoin d'herbicides.

D'après moi, environ 75 p. 100 des herbicides utilisés dans la province sont utilisés dans les aires de reboisement. S'il n'y avait pas d'aires de reboisement sur les terres de la Couronne, on éliminerait 75 p. 100 du besoin d'herbicides. Cela dépend du genre de pratiques forestières utilisées. Je ne pense pas qu'on puisse décider de ne pas utiliser d'herbicides si l'on continue d'appliquer les mêmes méthodes. Certains des offices de commercialisation du bois de la province n'ont pas de règles relatives aux herbicides, ce qui est plutôt curieux. De toute façon, c'est ainsi que nous envisageons la question des herbicides.

Le président: Merci beaucoup d'être venus. Je sais que ceux qui font partie d'organismes comme le vôtre prennent sur leurs heures de travail pour venir témoigner devant un comité comme le nôtre. Nous vous en remercions.

La séance est levée.


Haut de page