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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DE LA FORÊT BORÉALE

RÉALITÉS CONCURRENTES : LA FORÊT BORÉALE EN DANGER

 Rapport du Sous-comité de la forêt boréale du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

Le président du Sous-comité : L'honorable Nicholas W. Taylor

 La vice-présidente : L'honorable Mira Spivak

Juin 1999


Durant son étude, le Sous-comité a recueilli beaucoup de données sur la forêt boréale sous la forme de tableaux et de graphiques. Ces données comprennent des descriptions détaillées de répartition actuelle de la forêt boréale, des tendances des recettes et des dépenses provinciales, de l’utilisation d’herbicides et de pesticides, du volume des récoltes, des feux de forêt et des droits de coupe.


  MEMBRES 

LE SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DE LA FORÊT BORÉALE

36e Législature, 1997-98 - Première session

Président : L'honorable Nicholas W. Taylor

Vice-présidente : L'honorable Mira Spivak

et

Les honorables sénateurs :

Chalifoux
*Graham (ou Carstairs)
*Lynch-Staunton (ou Kinsella)
Robichaud, F., c.p.
Stratton

*Membres d'office

Les sénateurs suivants ont aussi participé aux travaux du Comité lors de son étude : Les honorables sénateurs Adams, Atkins, Cohen, Deware, Gill, Mahovlich, Rossiter, Whelan.

 

LE SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DE LA FORÊT BORÉALE

35e Législature, 1996-97 - Deuxième session

Président : L'honorable Doris Anderson

et

Les honorables sénateurs :

Spivak
Taylor

Le sénateur suivant a aussi participé aux travaux du Comité lors de son étude :

L’ honorable sénateur Gustafson.


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du mardi 18 novembre 1997 :

L’honorable sénateur Gustafson propose, appuyé par l’honorable sénateur Stratton,

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts au Canada; et

Que le Comité présente son rapport au plus tard le 15 décembre 1998.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Le Greffier du Sénat
Paul C. Bélisle

------------------

 

Extrait du Procès-verbal du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts le 19 février 1998 :

Qu’un sous-comité soit institué et qu’il soit autorisé à faire enquête sur différentes questions touchant l’exploitation de la forêt boréale et toute autre question se rattachant à la foresterie que le comité pourrait lui renvoyer de temps à autre.

Que le sous-comité soit investi des pouvoirs conférés au comité sénatorial permanent de l’agriculture en vertu des articles 89 et 90 du Règlement du Sénat, à l’exception du pouvoir de faire rapport au Sénat directement.

Que cinq (5) membres, dont trois constituent un quorum, soit désignés pour faire partie du sous-comité.

Que le sous-comité sur la forêt boréale soit composé initialement des membres suivants : les honorables sénateurs Robichaud, Spivak, Stratton, Taylor et Whelan.

Que le greffier du sous-comité soit informé des substitutions.

La motion, mise aux voix est adoptée.

 

Le greffier du Comité
Blair Armitage

------------------

 

Extrait des Journaux du Sénat du mardi 24 novembre 1998 :

L’honorable sénateur Taylor propose, appuyé par l’honorable sénateur Mahovlich,

Que, par dérogation à l’ordre adopté par le Séant le 18 novembre 1997 à étudier l’état actuel et les perspectives d’avenir des forêts au Canada, le comité permanent de l’agriculture et des forêts soit habilité à présenter son rapport au plus tard le 30 juin 1999; et

Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Après débat,

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle

----------------------

 

Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 29 avril 1999 :

L’honorable sénateur Taylor propose, appuyé par l’honorable sénateur Maloney,

Que, les documents reçus et les témoignages entendus à propos de l’exploitation de la forêt boréale durant la deuxième session de la trente-cinquième législature soient renvoyés au Sous-comité de la forêt boréale du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

 

Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle


TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

SOMMAIRE

RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

CHAPITRE 2

LES RÉALITÉS ÉCOLOGIQUES
La forêt boréale au Canada
Le changement climatique et la forêt boréale
Aperçu de la forêt boréale aujourd’hui
La "forêt fonctionnelle"
Tableau 1: Propriété, concessions et zones protégées – forêt boréale de l’ouest
Pratiques forestières
Pratiques sylvicoles
Usines et pollution
Approvisionnement ligneux et taux de coupe
Impacts cumulatifs de l’activité humaine
Tableau 2: Agents d’application de la
Loi sur les pêches - 1998
Aménagement durable de la forêt fonctionnelle
La forêt « oubliée »
La forêt « protégée »
Territoires provinciaux protégés
Parcs
Les territoires protégés protégeront-ils ce qui compte?

RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 3

LA RÉALITÉ AUTOCHTONE
Utilisation traditionnelle des terres
Autres utilisations de la forêt : Possibilités d’affaires et d’emplois
Évolution récente du partage des compétences
RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 4

LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE
Tableau 3 : EMPLOI TOTAL DANS L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
Tableau 4 : VALEUR DES VENTES DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
Tableau 5 : EXPLOITATION DES FORÊTS
Tableau 6 : L’industrie forestière canadienne, ventes et exportations, 1993-1997
Tableau 7 : Recettes fiscales provenant du secteur forestier
RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 5

LA RÉALITÉ MONDIALE
RECOMMANDATION

CHAPITRE 6

LES QUESTIONS FONDAMENTALES

ANNEXES

Annexe A - 35e législature - Visites
Annexe B - 35e législature - Témoins
Annexe C - 36e législature – Témoins et Visites
Annexe D - Résumé d’audiences


PRÉFACE

Le Sous-comité est d’avis que nous pouvons et devons élaborer des stratégies pour assurer la survie de notre forêt boréale menacée, tout en favorisant son utilisation traditionnelle et en préservant les avantages économiques et industriels.

Notre rapport traite de l’état de la forêt boréale, des menaces bien réelles à sa survie et des possibilités qui s’offrent à nous pour définir et modifier la trace laissée par l’homme. Notre étude s’inspire des conseils et de l’expérience des collectivités autochtones, de l’industrie forestière et du milieu scientifique, des groupes de protection et de conservation de l’environnement, et des autres utilisateurs de la forêt tels les touristes et les organisations de loisirs. Enfin, le Sous-comité s’est intéressé à l’expérience de la Suède et de la Finlande, pays dont la plus grande partie des forêts originales ont disparu il y a près d’un siècle et qui ont repris la production sous la forme d’une gestion intensive de forêts essentiellement privées. Il a tenu, à Ottawa et dans différents endroits du pays, de nombreuses audiences publiques où une gamme d’intervenants ont pu exprimer leurs préoccupations au sujet de la forêt boréale. Il a aussi visité des collectivités forestières et des établissements industriels partout au pays, ainsi qu’en Suède et en Finlande.

Nos recommandations ne se limitent pas à ce qui est du ressort du gouvernement du Canada. Une bonne part de nos constats et de nos suggestions ont trait aux activités des provinces, de l’industrie, des collectivités et municipalités boréales et de bien d’autres intervenants. Ceci est voulu.

Dans son rapport, le Sous-comité insiste sur un point : même s’il y a pas de solution instantanée et qu’il faut prévoir une longue période de transition pour apporter les correctifs qui s’imposent, la fenêtre des possibilités dont nous disposons pour préserver toutes les valeurs que recèle la forêt boréale se referme rapidement. Il faut passer de la parole à l’acte dans les plus bref délais.

Nicholas W. Taylor
Président


SOMMAIRE

La forêt boréale dans le monde, ressource dont le Canada est le principal gardien, est assiégée. Elle est menacée par le changement climatique qui pourrait l’anéantir en grande partie à cause de l’épuisement de la couche d’ozone et des précipitations acides. Au Canada, certaines parties de la forêt boréale sont aujourd’hui menacées par le changement climatique et la surexploitation, notamment les grandes étendues de forêt vierge et les vieux peuplements. De plus, la forêt boréale canadienne est sollicitée au point qu’elle ne saurait plus être gérée comme elle l’est actuellement. La récolte du bois, hautement mécanisée, s’accélère comme c’est le cas dans le secteur de la prospection et de l’extraction des minéraux et du pétrole. Entre temps, la forêt boréale doit continuer d’être le gîte et la source de subsistance de collectivités autochtones, l’habitat de la faune et un sanctuaire pour protéger la biodiversité et les bassins versants. Selon les consultations menées partout au pays par le Conseil canadien des ministres des Forêts ainsi que par le présent Sous-comité, il ne fait aucun doute que cette grande diversité de fonctions sont essentielles aux yeux des Canadiens à qui cette forêt appartient.

Face à tant de sollicitations, d’attentes et de menaces, les Canadiens doivent trouver des moyens nouveaux et plus efficaces de gérer l’activité humaine dans la forêt boréale afin de concilier les réalités concurrentes que sont la conservation des ressources, le maintien du mode de vie et des valeurs des collectivités boréales, et la prospérité économique.

Le Sous-comité est d’avis que nous pouvons et que nous devons élaborer des stratégies qui contribueront à assurer la survie de notre forêt assiégée tout en y favorisant les utilisations traditionnelles et en générant des retombées économiques. Il est aussi d’avis qu’il est important de s’engager très bientôt dans cette voie avant qu’il ne soit trop tard.

Pour concilier toutes les réalités concurrentes de la forêt boréale sans compromettre davantage la survie de la forêt, le Sous-comité recommande que la forêt boréale soit répartie en trois types de zones distincts. Une zone serait gérée intensivement, suivant le modèle scandinave, à des fins de production de fibres. À en juger par les exemples dont le Sous-comité a été témoin en Scandinavie, on pourrait, par une gestion intensive, octupler au moins la production canadienne actuelle de bois. Au bois et aux fibres fournis par les zones de gestion intensive pour approvisionner les usines pourrait s’ajouter le bois des peuplements durables des boisés privés, y compris celui des terres agricoles marginales reboisées aux limites de la forêt. On pourrait aussi accroître l’utilisation de fibres de rechange. Les zones de gestion intensive pourraient par exemple être limitées à quelque 10 à 20 pour cent de la superficie totale de la forêt boréale.

Le deuxième type de zone, d’une superficie plus grande, serait géré moins intensivement : on y maintiendrait un choix relativement naturel d’arbres d’essences et d’âges variés de façon à protéger la biodiversité de la forêt. Y serait aussi admise toute la gamme des collectivités et utilisateurs de la forêt, y compris les chasseurs et trappeurs autochtones, ainsi que les pourvoyeurs et canoéistes.

Le troisième type de zone, d’une superficie d’au moins 15 à 20 pour cent de la forêt boréale, serait constitué en zones protégées et comprendrait des zones utilisées traditionnellement par les Autochtones pour la récolte de bois, des zones écologiques représentatives et des habitats fauniques importants.

La population exige de plus en plus qu’on tienne compte de ses préoccupations dans les décisions concernant l’utilisation des forêts. Le Sous-comité lui donne raison et est d’avis que des représentants de tous les intervenants forestiers, locaux ou régionaux, devraient participer à la désignation des zones susmentionnées. Selon lui, la gestion de la forêt devrait être confiée à des compagnies forestières aux termes d’une tenure à long terme marquée au coin d’une bonne gestion et d’une participation importante de la collectivité au processus de vérification et de décision. La tenure de terres publiques serait sujette à des vérifications périodiques rigoureuses qui seraient menées par des experts qualifiés avec l’aide de représentants de la population locale. Les lois en matière de conservation s’appliqueraient également aux forêts tant publiques que privées.

Le Sous-comité constate que la mise en œuvre du système de désignation recommandé ici ne peut se faire instantanément : elle exigera un certain temps et une collaboration étroite entre les différentes autorités en cause. Toutefois, il est convaincu qu’il faut se fixer un tel objectif à long terme et s’empresser dès maintenant de l’atteindre. Tout en poursuivant cet objectif, le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités, surtout à l’égard des Autochtones. Le régime fiscal doit servir d’instrument pour favoriser l’adoption de pratiques forestières écologiques.

En tirant ces conclusions, le Sous-comité ne prétend pas qu’il faut adopter intégralement le modèle scandinave. Malheureusement, il reste très peu de forêt vierge dans cette partie du monde. Le Sous-comité est cependant d’avis que nous pouvons apprendre beaucoup de l’expérience acquise par les Scandinaves en matière de gestion forestière intensive et l’adapter à nos zones de gestion intensive. Ce faisant, nous pourrons ensuite soutenir une industrie forestière prospère tout en maintenant intactes de grandes étendues de forêt boréale dont nous avons encore la chance de nous enorgueillir. C’est ainsi que nous pourrons gagner sur les deux tableaux.


RECOMMANDATIONS

  • Afin de concilier toutes les demandes concurrentes sur la forêt boréale, le Sous-comité recommande qu’on envisage sérieusement un régime forestier fondé sur les paysages et reconnaissant trois catégories dans la forêt boréale. La première, pouvant atteindre 20 pour cent du territoire de la forêt boréale, serait aménagée intensivement pour la production de bois. La deuxième, comptant pour la plus grande partie du territoire, serait aménagée moins intensivement à diverses fins, mais viserait essentiellement à préserver la biodiversité. La troisième, pouvant atteindre jusqu’à 20 pour cent du territoire, serait constituée en zones protégées pour en préserver la valeur hautement écologique et culturelle.

 

    • Que, pour conserver son caractère sauvage à la forêt boréale, ressource canadienne précieuse et en voie de disparition, on complète au plus tard en 2002 le réseau de zones protégées, dont le parachèvement était prévu avant la fin de 2000.
    • Que le gouvernement fédéral s’empresse de délimiter, de créer et de protéger entre temps six nouveaux parcs nationaux dans la zone de forêt boréale.
    • Que le gouvernement fédéral n’émette pas de permis de coupe ou autres dans les zones prévues pour des parcs, coordonne ses ministères pour que chacun sache où se trouvent ces zones et encourage les provinces à en faire autant.
    • Que, une fois créés, les parcs nationaux et provinciaux soient vraiment protégés contre toute activité industrielle.
    • Que le gouvernement fédéral commence à négocier avec les provinces un accord officiel engageant les parties à gérer écologiquement les parcs et leurs environs.
    • Qu’on crée et applique des normes limitant la densité des routes et des sentiers en fonction de l’endroit, dans la forêt boréale.
    • Que des zones tampons soient prévues entres les aires de coupe et les parcs pour ne pas perturber les écosystèmes des parcs.
    • Que, dans les zones protégées et les forêts aménagées, les gouvernements veillent à la préservation de l’habitat des grands mammifères en tenant compte de leurs besoins de superficie minimale et de contiguïté de territoires.

 

  • Le gouvernement fédéral doit utiliser son pouvoir constitutionnel en matière de droits autochtones, de pêche, d’espèces menacées, d’oiseaux migrateurs, d’eaux navigables et d’évaluation environnementale pour jouer pleinement son rôle à l’égard des forêts boréales du Canada.
    • Que le Canada se dote d’une Loi sur les espèces en péril rigoureuse reconnaissant l’importance de protéger l’habitat dont dépend la survie de ces espèces, comme le font les États-Unis depuis les années 60.
    • Que, dans la partie de la forêt boréale située près de la ligne des arbres, pour laquelle il n’y a pas encore de bonnes méthodes sylvicoles, on interdise la coupe.
    • Que, pour protéger la forêt boréale, le gouvernement fédéral applique rigoureusement la Loi sur les pêches et la Loi sur les oiseaux migrateurs, et utilise ses pouvoirs d’évaluation environnementale pour empêcher l’exploitation non écologiques des forêts et traiter des impacts interprovinciaux.
    • Qu’on limite les coupes dans les vieux peuplements de la forêt boréale, qui sont essentiels à la préservation de la biodiversité, on en limite la coupe.

 

  • Que le régime fiscal soit adapté pour favoriser un aménagement durable des forêts.
    • Que des avantages fiscaux soient accordés aux propriétaires de boisés qui renoncent à couper leur bois pour protéger les espèces menacées ou leur habitat.
    • Que des avantages fiscaux soient accordés pour favoriser le reboisement des terres agricoles marginales.
    • Que les propriétaires de petits boisés ne soient plus imposés sur le potentiel commercial du bois sur pied, mais uniquement une fois le bois coupé et les recettes réalisées.
    • Que les propriétaires de petits boisés puissent verser les recettes de l’exploitation de leur bois dans des comptes en fidéicommis portant intérêt, à l’abri de l’impôt, jusqu’à cet argent soit retiré et utilisé à des fins autres que l’aménagement durable des boisés.
    • Que le gouvernement fédéral examine le traitement fiscal des boisés transmis de génération en génération au sein d’une famille. Actuellement, certains propriétaires de boisés prétendent devoir exploiter leur bois pour pouvoir payer l’impôt sur ces transactions familiales, au mépris de la conservation des boisés familiaux.
    • Qu’on revoie les conditions d’admissibilité au supplément de revenu garanti des personnes âgées qui sont propriétaires de boisés et qui, dans la situation actuelle, peuvent être incitées ou forcées à « liquider » leur actif forestier.
    • Que le gouvernement fédéral modifie le traitement des dépenses d’aménagement forestier des propriétaires de petits boisés, qui prennent parfois des décennies à rapporter. Revenu Canada maintient toujours que de telles dépenses doivent produire régulièrement des revenus sur un horizon de plusieurs années pour démontrer qu’il y a « espoir raisonnable de profit ». En foresterie, l’horizon doit être plus long.
    • Que le ministre des Finances envisage de modifier le régime des pertes agricoles restreintes pour tenir compte qu’il faut plus de temps pour réaliser un profit en foresterie.
    • Que les gouvernements encouragent les entreprises à investir dans la fabrication de produits à valeur ajoutée à partir du bois canadien.

 

Autres Recommendations :

    • Que le gouvernement fédéral finance un inventaire national exhaustif des forêts, des sols forestiers et des organismes du sol.
    • Que des données sur les écosystèmes soient recueillies et versées dans la Base nationale de données sur les forêts. Le Sous-comité a eu de la difficulté à étudier certaines questions parce que les données sont en général soit nationales, soit provinciales. Les données spécifiques sur la forêt boréale sont difficiles à trouver.
    • Que toute utilisation d’herbicides et de pesticides chimiques dans la forêt boréale soit progressivement éliminée dans les plus brefs délais.

 

  • Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le Service canadien des forêts et les autres organismes fédéraux assument leur part des responsabilités du gouvernement fédéral à l’endroit de la nation métisse et des Premières nations dans leurs programmes portant sur les questions forestières autochtones.
    • Que les gouvernements n’accordent aucun permis de coupe aux compagnies forestières sur les terres traditionnelles utilisées par les peuples autochtones depuis des siècles ou dans des zones de revendications territoriales sans respecter les plus récentes décisions des tribunaux. Le Sous-comité est également favorable à un règlement rapide des revendications territoriales.
    • Que les provinces reconnaissent l’obligation fiduciaire de l’État de protéger et d’honorer les droits des Autochtones comme étant une responsabilité partagée en matière de foresterie, ce qui comprend l’obligation des gouvernements de participer aux négociations entre les peuples autochtones et les représentants de l’industrie forestière.
    • Que les utilisations traditionnelles des terres par les Autochtones soient prises en compte dans la planification de toute région boisée qui fait l’objet de telles utilisations ou de toute activité forestière qui pourrait compromettre les droits issus de traités des Autochtones.
    • Que des mécanismes permanents et évolutifs soient prévus pour créer des partenariats entre le gouvernement, l’industrie et les peuples autochtones en matière de formation en foresterie, de démarrage d’entreprises, d’accès à des territoires forestiers et de création d’emplois.

 

  • Que le gouvernement et l’industrie conjuguent leurs efforts pour favoriser la fabrication de produits du bois à valeur ajoutée dans les collectivités forestières et ainsi créer plus d’emplois dans le secteur forestier.
    • Qu’on renforce les programmes de recyclage visant à permettre aux travailleurs forestiers déplacés de demeurer dans leur collectivité sans devoir quitter le secteur.

 

  • Que le Canada prône internationalement l’intégration des nombreux systèmes de certification forestière qui, isolément, sont moins efficaces.

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

Une vaste forêt de conifères s’étale comme un manteau sur les épaules des contrées les plus septentrionales de la terre—la Sibérie, l’Alaska, le Canada et la Scandinavie. Tirant son nom de Boréas, le dieu grec des vents du Nord, la forêt boréale compte pour près du tiers des terres boisées de la planète et a été qualifiée du plus grand écosystème du monde. Elle renferme également les plus vastes étendues de marais et de lacs dans le monde. À l’instar d’autres forêts de la planète, elle est de plus en plus sollicitée par l’activité humaine. Comme en faisait état la Commission mondiale sur les forêts et le développement durable :

« Nous épuisons le capital naturel de la planète beaucoup plus rapidement qu’il ne se renouvelle. Au lieu de nous satisfaire de l’« intérêt » du « capital naturel », nous empruntons auprès des collectivités plus pauvres et des générations futures. »(1)

Le Canada a un rôle important à jouer dans ce domaine, étant l’un des principaux gardiens de l’écosystème de la forêt boréale. Du Yukon et du nord-est de la Colombie-Britannique, cette forêt s’étend sur le nord des Prairies et le sud des Territoires du Nord-Ouest, le nord de l’Ontario et du Québec, et les régions boisées du Labrador et de Terre-Neuve. Un lambeau pénètre même dans le nord du Nouveau-Brunswick.

Contrairement aux forêts des États-Unis, de la Scandinavie et de la plupart des autres nations, celles du Canada sont publiques; à peine 6 pour cent sont privées. Les forêts du pays relèvent à 71 pour cent des provinces et à 23 pour cent du gouvernement fédéral(2). Le Nouveau-Brunswick, où le pourcentage de forêt privée approche 50 pour cent, est l’exception au Canada pour ce qui est de la forêt boréale.

La forêt s’étend essentiellement sur des terres publiques gérées par les provinces, mais le gouvernement fédéral est responsable de nombreuses questions liées aux forêts : responsabilité fiduciaire à l’endroit des peuples autochtones, protection des espèces menacées et des oiseaux migrateurs, gestion des eaux navigables et des pêches, évaluations environnementales, et avancement de la recherche et de la technologie en foresterie. Son rôle comme signataire de la Convention sur la biodiversité de 1992 et son engagement de Kyoto à réduire les émissions de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone) sont aussi étroitement liés à la gestion de nos ressources forestières.

Cette grande « forêt du Nord », habitat de l’orignal et du loup, du caribou et de l’ours, constitue notre grande nature, notre frontière sauvage et la patrie d’un grand nombre d’Autochtones du Canada. La faune, les arbres, les lacs et les rivières qui s’y trouvent appartiennent à tous les Canadiens—patrimoine public de biodiversité dont peu d’autres pays peuvent s’enorgueillir.

Depuis des siècles, ce patrimoine a été le fondement même du développement de notre pays. Avant que des colons européens ne s’établissent dans ce qui est devenu le Canada, les Autochtones chassaient, pêchaient et trappaient dans les forêts et défrichaient de petites parcelles pour faire pousser des cultures. Ils vivaient en harmonie avec la forêt et n’exerçaient sur elle aucun impact à grande échelle. Lorsque des colons européens se sont établis au XVIIe siècle, ils ont commencé à défricher les forêts pour aménager des exploitations agricoles. La forêt était vue comme un obstacle au peuplement ainsi que comme une source commode de matériaux de construction. Au XVIIIe siècle a débuté le commerce du pin blanc avec l’Europe, et surtout l’Angleterre qui en faisait des mâts de bateau pour sa grande flotte navale. Entre temps, une industrie du sciage est née au Canada pour répondre au besoin grandissant de bois de construction des nombreux établissements qui se développaient au Canada et le nord-est des États-Unis. Les exportations vers l’Europe ont continué d’augmenter. Pendant cette période, l’approche à la gestion forestière en a été une d’exploitation non réglementée des ressources. Les arbres avaient une valeur économique une fois abattus, et il fallait de toute façon les abattre pour laisser place aux établissements qui se développaient. Les approvisionnements étaient inépuisables car les forêts semblaient illimitées,(3)(4)

Au début du XIXe siècle, le commerce florissant des pâtes et papiers s’est ajouté au commerce du bois et les recettes provenant des permis, des droits de coupe et des autres frais d’utilisation imposés à une industrie forestière fébrile devinrent, pour les provinces, essentiels au financement de leur développement économique. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 reconnut ce fait en donnant aux provinces de l’est le contrôle des ressources naturelles, dont les forêts, leur permettant ainsi de conserver tous les revenus provenant des terres publiques provinciales. Ces droits aux ressources forestières ont été accordés après le développement de l’ouest.

Les gouvernements provinciaux continuent encore de tirer directement et indirectement des revenus importants d’industries forestières. (voir tableau 7, p. 68) Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que des voix ont commencé à s’élever devant la vitesse à laquelle les forêts disparaissaient. Après tout, elles n’étaient peut-être inépuisables. C’est à cette époque que les premières grandes réserves forestières ont été créées et que d’autres territoires ont été mis de côté pour être préservés dans leur état boisé naturel. L’aménagement forestier s’est mis à changer considérablement, la science ayant fait de grands pas et l’État ayant créé des organismes et des ministères pour contrôler l’industrie.

Cette « ère de conservation » a été suivie dans les années 1930 à 1980 par une politique d’aménagement axée sur le maintien du « rendement durable » du bois, visant à respecter un équilibre entre croissance nette et exploitation.(5)

Il est amplement démontré que les utilisations et les pratiques de gestion actuelles de la forêt détruisent notre patrimoine, que nous abattons trop d’arbres sur de trop grandes superficies et que nos politiques forestières ont été mauvaises. Pourtant, sur papier, le Canada mène une politique inspirée de l’aménagement durable. Ces visions contradictoires peuvent-elles être toutes les deux bonnes? Qu’en est-il de l’aménagement forestier durable au Canada aujourd’hui? Sommes-nous sur la bonne voie et vers où nous mène-t-elle?

Le Sous-comité de la forêt boréale a entrepris cette étude afin de répondre à ces questions. Il a examiné en particulier les questions liées à l’environnement, aux Autochtones et aux enjeux internationaux.

Nous avons été désarçonnés par l’ampleur et la complexité des enjeux que pose la forêt boréale aujourd’hui – changement climatique, droits ancestraux et issus de traités, commerce international et biodiversité. Nous avons constaté que la façon dont les gens évaluent la forêt boréale évolue et que la gestion forestière au pays fait l’objet d’une importante réévaluation.

Bien des Canadiens seraient étonnés de voir tout ce qui se passe aujourd’hui dans la forêt boréale. Les activités qui s’y pratiquent ne se limitent pas à la seule exploitation industrielle des forêts, mais s’étendent également à la mise en valeur des ressources énergétiques, au défrichement de terres agricoles, à la construction de routes et à des activités récréatives et touristiques dans un milieu auparavant inaccessible. Ces activités se sont développées sur une grande échelle depuis quelques décennies.

Ce bourdonnement d’activité s’est accompagné ces dernières années d’une activité tout aussi intense dans les conseils d’administration et les conseils municipaux où des personnes préoccupées par la forêt ont cherché à baliser la route de l’équilibre entre l’exploitation et la conservation. Le Service canadien des forêts et le Conseil canadien des ministres des forêts ont fait produire deux plans quinquennaux successifs (stratégies nationales sur les forêts) en consultation avec le public. Fondée sur une vision, des principes et des plans d’action à l’égard des forêts canadiennes, ils constituent une étape importante vers l’aménagement forestier durable. Le Conseil canadien des ministres des forêts définit comme suit l’objectif de « l’aménagement forestier durable » est :

« d’entretenir et d’améliorer à long terme la santé des écosystèmes forestiers au bénéfice de tous les êtres vivants, autant au niveau national qu’international, tout en assurant à la génération actuelle et aux générations futures des bonnes perspectives environnementales, économiques, sociales et culturelles ».(6)

En 1992, le Canada est devenu le premier grand pays à adopter un accord sur les forêts. Les 25 organismes signataires (la Coalition pour la Stratégie nationale sur les forêts) sont un vaste regroupement de gouvernements, fédéral, provinciaux et territoriaux, de syndicats, de l’industrie, de groupes autochtones, de groupes de défense de l’environnement, d’universitaires et d’organismes privés propriétaires de boisés. Ils ont supervisé la mise en œuvre de deux stratégies quinquennales nationales sur les forêts et établi le contexte d’un deuxième accord canadien sur les forêts qui a été signé en 1998 par 39 organismes. Dans cet accord, les signataires confirment que

« Nous aménagerons nos forêts de façon à intégrer toute une gamme d’usages et de valeurs, dont la production de matière ligneuse, les habitats fauniques, et les étendues en parcs et à l’état sauvage ».(7)

Les chercheurs du Service canadien des forêts ont établi un ensemble de critères et d’indicateurs pour mesurer les progrès de l’aménagement forestier durable.

Les provinces, signataires de l’Accord, se sont engagées à préparer leur propre plan d’action dans le cadre de la Stratégie nationale sur les forêts, avec une importante participation du public; certaines ont des codes de pratiques pour les opérations forestières. Les signataires de l’industrie ont aussi préparé des plans d’aménagement forestier durable.

Il semble donc que nous en sommes maintenant au point où ces notions de transformation éventuelle sont répandues dans le milieu forestier. Cependant, les institutions, les plans de gestion et les pratiques forestières sur le terrain n’ont guère changé, dans la plupart des cas.

Le changement de cap ne saute pas immédiatement aux yeux dans la forêt. Nombre de décisions prises aujourd’hui auront un impact sur la forêt dont hériteront les petits-enfants de nos petits-enfants, et non sur la forêt actuelle. Toutefois, c’est la situation actuelle qui inquiète bien des gens. Il flotte un sentiment d’urgence, une impression, du moins dans certaines régions de la forêt boréale, que le temps est compté pour sauver certains éléments vitaux dont la forêt assure le maintien, tels les habitats fauniques, les bassins versants et les « puits de carbone ». Nous avons l’impression de mettre rapidement fin à certains des nombreux avantages et services que la forêt offre à la population et auxquels cette dernière s’attend.

Le Sous-comité a aussi entendu beaucoup de témoignages sur l’importance qu’aura toujours la forêt pour la prospérité économique du pays. Même si l’aménagement a changé au fil des ans, l’industrie forestière occupe toujours un des premiers rangs dans la vie économique du Canada. Des centaines de milliers de Canadiens travaillent directement ou indirectement dans le secteur forestier dont la contribution à la balance commerciale du pays est de 30 milliards de dollars par année. C’est ce qu’on appelle la « réalité économique » d’une demande croissante.

Concilier les réalités écologiques et économiques de la forêt boréale est un défi énorme. Toutefois, au cours de la présente étude, le Sous-comité a relevé d’autres « réalités » qu’il faut ajouter à l’équation et équilibrer en fin de compte. Celle dont le Sous-comité a entendu le plus parler et à l’égard de laquelle le gouvernement fédéral pourrait jouer un grand rôle est la « réalité autochtone ». Au Canada, bien des Autochtones vivent encore dans la nature. La forêt boréale est leur milieu de vie, et sa santé est essentielle à leur survie. Ils doivent participer davantage à l’aménagement de leurs forêts et retirer davantage de la richesse qu’elle génère. Le gouvernement fédéral a la responsabilité, négligée ou oubliée selon bien des gens, de représenter les Autochtones auprès des provinces qui établissent des plans de mise en valeur de nos forêts.

Au cours de l’étude, le Sous-comité a également été sensibilisé de près à la « réalité internationale » des pratiques forestières. Important acteur dans le commerce international des produits de la forêt, le Canada doit satisfaire aux demandes de plus en plus pressantes des consommateurs et leur prouver, probablement par une certification reconnue internationalement, qu’il gère ses forêts d’une manière écologique.

Le présent rapport est le fruit de nos recherches. Nous espérons qu’il suscitera un débat public sur le meilleur sort à réserver à ce patrimoine commun.


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