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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages pour la séance du matin


OTTAWA, le mardi 6 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a été saisi du projet de loi C-29, Loi portant création de l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, avant d'entamer ce matin l'étude du projet de loi C-29, qui a pour objet de créer l'Agence Parcs Canada, je voudrais mentionner qu'en parcourant les journaux ce matin, j'ai eu l'impression que le Sénat ne faisait rien du tout aujourd'hui. Pourtant, lorsque je regarde notre programme, je constate que beaucoup de comités siègent dans la journée.

Ce matin, nous recevons des témoins du ministère du Patrimoine canadien. Je leur souhaite la bienvenue. M. Lee est le sous-ministre adjoint. La parole est à vous, monsieur Lee.

M. Tom Lee, sous-ministre adjoint, Parcs Canada: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être ici ce matin pour vous présenter quelques observations préliminaires. Je ne parlerai pas très longtemps. Je veux simplement vous donner un avant-goût du projet de loi.

Considérons Parcs Canada. La plupart d'entre vous ont déjà eu des contacts avec cet organisme d'environ 5 000 personnes. Parcs Canada a des opérations à quelque 170 endroits différents du Canada, depuis l'extrémité de la côte est à Bonavista jusqu'à l'extrémité de la côte Ouest, depuis l'île Ellesmere dans le Grand Nord jusqu'à Pointe-Pelée dans le Sud. Nous nous occupons de 36 parcs nationaux, de 130 sites historiques nationaux et d'un certain nombre d'aires marines de conservation. Nous accueillons chaque année 23 à 25 millions de visiteurs, y compris des visiteurs étrangers. Nos sites opérationnels ont un impact économique d'ensemble qui dépasse les deux milliards de dollars par an et se manifeste principalement dans le secteur touristique.

Le projet de loi C-29 est une mesure d'organisation conçue pour donner à Parcs Canada certains pouvoirs qui vont lui permettre de servir les Canadiens d'une manière plus efficace qu'à l'heure actuelle. Le projet de loi n'a pas pour objet de définir un mandat. Je soulève ce point parce qu'au cours des travaux de comité précédents, certains témoins souhaitaient inclure pour examen des éléments reliés au mandat de Parcs Canada. Le mandat de l'agence ne se fonde pas particulièrement sur sa loi d'organisation. Il se base plutôt sur différentes lois particulières que l'agence est chargée d'administrer.

La Loi sur les parcs nationaux définit le mandat de l'agence en ce qui concerne les parcs nationaux et précise la façon dont ces derniers doivent être administrés. La Loi sur les lieux et monuments historiques définit le mandat relatif aux lieux historiques nationaux. La Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales précise ce qu'il y a à faire dans le cas des gares patrimoniales.

L'agence sera responsable d'un bon nombre de politiques, reliées surtout à la mise en oeuvre de la politique archéologique nationale, qui traite de l'activité archéologique sur les terres publiques fédérales, et de la politique sur les bâtiments patrimoniaux fédéraux. Il s'agit, dans ce dernier cas, d'une politique du Conseil du Trésor qui impose de faire examiner la valeur patrimoniale de tous les bâtiments fédéraux de plus de quarante ans et, dans la mesure du possible, de conserver les bâtiments ayant une telle valeur. La coopération fédérale-provinciale dans le domaine des rivières du patrimoine canadien fait également l'objet d'une politique dont l'agence est responsable.

Le mandat de l'agence découle donc de ces lois particulières. Le projet de loi dont le comité est saisi établit une structure organisationnelle et des pouvoirs précis permettant de s'acquitter des différents éléments du mandat.

Le projet de loi vise à apporter des améliorations dans un certain nombre de secteurs. Il met en place une organisation législative, l'objectif étant d'assurer une certaine stabilité organisationnelle à un programme dont l'histoire a été marquée par une grande mobilité. La responsabilité de ce programme a été confiée successivement à plusieurs ministères différents. Les changements aussi fréquents qu'imprévus de la structure organisationnelle n'ont pas facilité la mise en oeuvre du programme, loin de là. Le projet de loi crée un établissement public dont l'un des objectifs est de réaliser la stabilité recherchée.

Le projet de loi cherche en outre à simplifier la structure et à mettre de l'ordre dans les affaires de l'agence. Une fois qu'il aura été mis en vigueur, nous aurons un organisme qui relève directement du ministre, sans passer par une bureaucratie hiérarchisée. Sur le plan interne, nous serons en mesure de nous organiser de façon à déléguer les pouvoirs décisionnels aussi près que possible des opérations sur le terrain.

Permettez-moi d'ajouter, pour la gouverne du comité, qu'il n'y aura aucun changement dans les dimensions politiques. Le ministre demeure le seul responsable de l'orientation politique de base et de la direction d'ensemble de tous les aspects opérationnels. Toutefois, dans la structure que nous prévoyons, il y aura une «déstratification» interne.

Le troisième grand aspect du projet de loi porte sur les pouvoirs financiers, dont je vais vous exposer les principaux éléments. L'un des éléments les plus importants, c'est ce que j'appellerais un budget continu de deux ans nous permettant, au besoin, de reporter des fonds d'une année sur l'autre à des fins d'exploitation. Le deuxième élément, c'est la conservation des recettes. L'agence prévoit que ces recettes s'élèveront à environ 25 p. 100 de son budget. C'est à peu près là que nous en sommes actuellement. À long terme, nous nous attendons à ce qu'environ 75 p. 100 des fonds dont l'agence a besoin consistent en crédits parlementaires. C'est en gros la structure financière prévue.

Le troisième grand élément, dans le domaine des pouvoirs financiers, c'est la création d'un compte permanent des nouveaux parcs et lieux historiques. C'est un compte où seront déposés les crédits votés, par exemple pour de nouveaux parcs ou sites historiques, et tout revenu provenant de la vente de biens, pour réinvestissement dans le réseau des parcs. C'est là un nouvel élément.

Après les pouvoirs financiers, le quatrième élément du projet de loi concerne les ressources humaines. Je sais que le comité voudra des détails sur cet aspect, mais je vais commencer tout simplement par dire que le projet de loi accorde à l'agence le statut d'employeur distinct et lui confie un certain nombre de fonctions, comme la classification des emplois, la négociation des conventions collectives, la politique de recrutement et d'avancement, et cetera.

Le dernier élément du projet de loi porte sur différents pouvoirs administratifs. Nous aurons, par exemple, la possibilité de simplifier le processus d'acquisition de terrains ou de vente de biens et différents autres pouvoirs relatifs aux achats.

Le projet de loi diffère des autres mesures législatives concernant des agences dont le Sénat a été saisi auparavant. Ce n'est pas un projet de loi commercial. Autrement dit, son principal objet n'est pas de nous permettre de conserver nos recettes. Comme je l'ai déjà dit, Parcs Canada demeure responsable des différents mandats que lui confient les lois qu'il doit administrer. Le projet de loi n'est pas un moyen de privatisation ou de commercialisation des parcs.

Monsieur le président, voilà qui met fin à mes observations préliminaires. J'espère avoir réussi à vous donner un aperçu général du projet de loi.

Le président: Je vous remercie.

Le sénateur Kenny: Je suis heureux de vous revoir, monsieur Lee. Nous avons apprécié votre témoignage devant ce comité à d'autres occasions. Nous sommes heureux de vous recevoir encore avec vos collègues.

Ma première question est la suivante: de quelle façon la création de cette nouvelle agence va-t-elle améliorer l'administration de nos parcs?

M. Lee: J'aimerais vous parler de certaines choses que les directeurs des parcs pourront faire désormais, mais qu'ils ne pouvaient pas faire dans le passé. Tout d'abord, comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, il y a la façon dont l'organisation est structurée et dont elle s'acquittera de ses fonctions au jour le jour. Dans un cadre ministériel ordinaire, il y a une structure hiérarchique dans laquelle, pour prendre une décision, un directeur de parc local doit passer d'abord par les services régionaux de l'administration centrale, puis par les services ministériels et peut-être même par le ministre, si la décision doit être prise à ce niveau. Dans la structure qui serait mise en place en vertu du projet de loi, le directeur local qui doit obtenir une autorisation pourra directement s'adresser au premier dirigeant de l'organisation, c'est-à-dire le directeur général. L'agence sera débarrassée des vieilles structures régionales. Elle aura deux bureaux, l'un à Calgary et l'autre à Halifax, mais il s'agira de bureaux d'une dizaine de personnes. Ils seront là pour veiller à assurer une coordination appropriée avec les autres ministères. Ils ne seront pas là pour mettre des bâtons dans les roues aux directeurs de parc qui ont besoin de faire approuver une décision par moi-même ou par le ministre. En donnant au personnel local la possibilité d'obtenir des réponses rapides, de donner au public les renseignements voulus et d'agir sans tarder, nous aurons dans une grande mesure surmonté les obstacles que crée une situation hiérarchique.

Les pouvoirs financiers prévus dans le projet de loi constituent le deuxième élément important. Avec la possibilité de fonctionner dans le cadre d'un budget de deux ans, les gestionnaires pourront mieux planifier et organiser leurs activités. Cette année supplémentaire est extrêmement importante pour les cadres. La possibilité de reporter les fonds d'une année sur l'autre nous permet de prendre des décisions très différentes de celles qu'on est tenté de prendre un 27 mars, par exemple, lorsqu'il reste un dernier million de dollars à dépenser dans les trois prochains jours, faute de quoi on l'aura perdu. Nous aurons la possibilité de garder cet argent et de nous en servir au cours de l'exercice suivant.

Le fait qu'on puisse conserver les recettes modifie considérablement l'approche de chaque directeur de parc quand il faut établir un budget. Pour dire les choses très simplement, on accorde beaucoup plus d'attention aux coûts et au contrôle des coûts, on se préoccupe beaucoup plus de veiller à ce que les niveaux de recettes établis pour chaque parc soient compatibles avec le nombre de visiteurs à servir. C'est un régime de responsabilisation que nous établissons là.

Je voudrais aussi parler du nouveau régime de ressources humaines et, en particulier, des pratiques de recrutement et de la procédure de grief. Étant habilité à faire son propre recrutement, Parcs Canada n'aura plus à passer par le système de la Commission de la fonction publique, qui est plutôt long. Ce n'est plus nécessaire puisque, par nature, nous formons une organisation stable. Nous recrutons essentiellement aujourd'hui le même genre d'employés que nous le faisions il y a 5 ou 10 ans. Dans notre cas, il n'est vraiment pas nécessaire que chaque poste passe par tout le processus d'examen hiérarchique pour être doté.

Enfin, en ce qui concerne les ressources humaines, un certain nombre des procédures actuelles de grief seront remplacées par la nouvelle procédure, mais il n'y aura pas de répercussions négatives. Nous travaillons avec les syndicats pour élaborer une procédure de grief rapide et efficace, qui ne laisse pas traîner les problèmes pendant deux ou trois ans, et qui permette de prendre une décision aussi équitable pour l'employeur que pour l'employé.

Je pense exprimer là le point de vue de ceux qui sont responsables au jour le jour de la bonne marche des opérations.

Le sénateur Kenny: C'est en gros ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire, monsieur Lee. La réorganisation que vous décrivez aurait pu se faire sans créer une nouvelle agence. Au sujet des contrôles financiers, c'est-à-dire l'horizon de deux ans et la possibilité d'aliéner des biens, je crois savoir que certaines mesures avaient déjà été prises au sujet du dernier point. Il y a quelques années, une entente avait été conclue avec le Conseil du Trésor pour que Parcs Canada puisse conserver une partie du produit de la vente de certains biens. Pourquoi n'avez-vous pas essayé de faire une réorganisation ou d'établir un nouveau système vous permettant d'aller au-delà de l'exercice actuel d'un an tout en continuant à faire partie de l'administration fédérale?

M. Lee: Cela soulève la question de savoir si le gouvernement est disposé à accorder ce genre de pouvoir à toute la fonction publique. Je ne me crois pas autorisé à en parler directement.

Le sénateur Kenny: Est-ce que je me trompe en disant que Parcs Canada pouvait conserver une partie de ses recettes ou une partie du produit de la vente de ses biens dans le passé?

M. Lee: Nous avons été autorisés à prendre certaines mesures provisoires en attendant l'approbation du statut d'agence. Nous conservons, par exemple, les recettes provenant des droits acquittés par les visiteurs. Nous avons pu, dans le cas de certains sites, virer certains loyers à des comptes renouvelables. Ces mesures ont été accordées, mais elles n'étaient pas permanentes. D'autres n'existaient pas encore. Dans quelques cas, nous nous étions entendus avec les Travaux publics pour conserver le produit de la vente de certains biens, mais nous n'avons pas vraiment ce pouvoir pour le moment.

L'autre élément important porte sur le produit de la vente de biens intellectuels, comme des livres, des publications, et cetera. Nous avons besoin de conserver ces recettes pour rééditer le matériel et le mettre à la disposition du public. À l'heure actuelle, nous devons payer ces frais en puisant dans nos crédits.

Le président: J'aimerais développer les points que vous avez déjà soulevés, sénateur Kenny, parce que j'ai mon point de vue là-dessus.

Le sénateur Kenny: J'ai encore une question à poser sur ce sujet, puis quelques autres questions sur le personnel.

Le président: Peut-être pourrions-nous poursuivre l'examen de la question du bien-fondé du projet de loi parce que j'ai moi-même beaucoup de questions à poser là-dessus. Veillez poursuivre.

Le sénateur Kenny: Je voudrais surtout vous demander de vous mettre pendant quelques instants dans la peau d'un utilisateur. Si ce projet de loi est adopté, de quelle façon les parcs serviront-ils mieux une famille en visite l'été prochain?

M. Lee: Il y aura une amélioration parce que, grâce à l'organisation que nous voulons mettre en place, nous pourrons assurer les services à un coût moindre que dans le passé. Nous devons le faire parce que les réductions de programme nous ont laissé moins d'argent que par le passé. Il ne faut pas perdre de vue que Parcs Canada a subi des coupures budgétaires d'environ 100 millions de dollars et qu'on lui demandait en même temps de continuer à servir les Canadiens. Nous croyons pouvoir le faire. C'est là que, je l'espère, les Canadiens ne verront aucun changement. L'objectif n'est pas de faire baisser le niveau de service. Nous voulons garder ouverts tous les parcs et les sites, pendant toute la saison et sans réduire les heures d'ouverture.

Le sénateur Kenny: Êtes-vous en train de dire au comité que si nous n'approuvons pas le projet de loi, vous allez réduire les heures d'ouverture, couper les services et même fermer certains sites?

M. Lee: Je n'irai pas si loin. C'est là une décision que le gouvernement devra prendre.

Ce qu'on m'a demandé de faire, c'est de mettre en place une organisation qui puisse assurer ces services à un coût considérablement moindre. L'agence et la nouvelle structure constituent un moyen d'atteindre cet objectif.

Le sénateur Taylor: Au sujet des coûts réduits, je trouve difficile de croire que vous êtes actuellement si peu rentables que vous ne pouvez plus exploiter les parcs en respectant votre budget. À moins que vous n'ayez l'intention, dans la nouvelle organisation, de donner vos opérations à contrat et de cesser de vous occuper du régime de retraite de votre personnel permanent. Envisagez-vous de réduire le personnel et de passer des contrats à l'extérieur pour faire baisser vos coûts?

M. Lee: Non. Nous avons examiné la question des contrats, il y a deux ans. Nous avons établi une liste d'activités d'entretien pour voir si des membres de notre personnel étaient intéressés à faire ces travaux à contrat et si cela pouvait nous permettre de réaliser des économies. Nous avons constaté qu'il n'était pas possible de faire autant d'économies qu'on aurait pu le croire. En fait, nous n'avons donné à contrat que très peu de services. Le total n'atteignait qu'environ 200 000 $ sur l'ensemble de notre budget.

Le sénateur Taylor: Si vous ne donnez pas de contrats à l'extérieur et ne mettez personne à pied, où prendrez-vous vos prétendues «économies»?

M. Lee: Je ne parlerai pas de «mettre à pied» des gens, mais, dans le processus de compression que nous avons subi ces quatre dernières années -- et que nous sommes en train de terminer --, nous avons réduit notre niveau de dotation de plus de 800 personnes.

Le sénateur Taylor: J'ai passé cela en revue avec le gouvernement de l'Alberta et Parcs Alberta. Les résultats sont désastreux. Le public a été trompé. Parce qu'il ne disposait pas du personnel nécessaire, le gouvernement provincial a fermé beaucoup de petits parcs et de zones de pique-nique que les familles fréquentaient. Je me méfie beaucoup des coupures.

Vous allez nous dire que vous aviez du personnel en surnombre et que vous faites cela pour ramener l'effectif à un niveau normal et pour vous maintenir dans la structure. Est-ce bien cela? N'auriez-vous pas pu, dans l'ancienne structure, réduire le personnel aussi facilement que vous pouvez le faire maintenant?

M. Lee: Non. Dans l'ancienne structure, nous devions assumer les frais généraux intégrés au niveau ministériel et dans les structures régionales. C'était coûteux.

Le président: Monsieur Lee, si vous deviez mener votre raisonnement jusqu'à sa conclusion logique, vous diriez que la seule façon de continuer à s'occuper du réseau des parcs consisterait à le privatiser. C'est ce qui s'est passé en Alberta. Comme l'a mentionné le sénateur Taylor, l'Alberta a adopté la même approche. Beaucoup de régions ont été privatisées. Est-ce là en réalité la première étape d'une privatisation de nos parcs? Je sais bien que le ministre dit non, mais c'est la conclusion inévitable à laquelle j'arrive en vous écoutant.

M. Lee: Ce n'est pas la première étape... il n'est pas question de privatisation. Nous n'avons pas l'intention de privatiser les parcs. Les parcs du Canada ne sont pas à vendre, à personne.

Rien dans le projet de loi ne modifie le mandat fondamental énoncé dans la Loi sur les parcs nationaux. Ceux d'entre vous qui connaissent cette loi savent sûrement qu'il s'agit d'une mesure législative qui protège très fortement l'intérêt public et le maintien d'une bonne gestion publique des parcs.

Si vous avez suivi ce que les médias ont dit ces deux ou trois dernières années au sujet des parcs nationaux, vous devez savoir que nous avons pris des mesures pour empêcher ce que certains considèrent comme une tendance à la commercialisation.

Les aspects particuliers reliés à l'étude de Bow Valley dans le parc national de Banff, par exemple, en témoignent bien. Vous ne trouverez pas d'indices de privatisation en examinant ce que nous avons fait depuis trois ou quatre ans. Nous avons confié au secteur privé des services valant environ 200 000 $ en très petits contrats. Je veux parler de contrats d'une vingtaine de milliers de dollars. Ceux qui s'intéressent à l'écologie ont pu constater un mouvement positif dans l'ensemble des politiques visant à protéger l'environnement dans les parcs.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Lee, je ne vois rien dans le projet de loi qui impose à l'agence de maintenir les normes existantes.

Je viens de Terre-Neuve où se trouve le plus beau parc du pays, Gros-Morne. Je suis très satisfaite de la façon dont Parcs Canada s'en est occupé. J'y reviens chaque année et je peux donc constater à quel point le parc a été amélioré. De petits ponts ont été construits à la fois pour protéger l'environnement et pour embellir le parc, tout en maintenant l'esthétique des lieux.

Qu'est-ce qui nous garantit que la nouvelle agence ne sacrifiera pas l'environnement pour faire des économies?

M. Lee: Je suis bien d'accord avec le sénateur au sujet du parc national du Gros-Morne. Ce n'est pas seulement un parc canadien, c'est un parc mondial. Il est absolument magnifique, extra- ordinaire.

Quant à la protection de la qualité de ce parc, l'agence aura évidemment cette responsabilité, comme Parcs Canada. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, l'obligation de protéger les parcs est prévue dans la Loi sur les parcs nationaux. Le mandat de l'organisation n'a pas changé en ce qui concerne les parcs nationaux.

Le sénateur Spivak: Monsieur Lee, pour mettre les choses dans une plus vaste perspective, je dirais que les Canadiens s'identifient à leurs parcs, qui font partie de leur identité propre. Pourtant, nous voyons partout s'exercer de très fortes pressions tendant à limiter la protection et à favoriser le développement dans beaucoup de régions. Dans ma propre province, le Manitoba, les parcs provinciaux sont ouverts à l'exploitation minière et forestière, même les parcs les plus éloignés et les plus sauvages.

De toute évidence, vous ne feriez pas cela en l'absence de compressions budgétaires. Voilà une agence qui doit trouver des sources de revenus pour maintenir ses services.

Je ne vois, par exemple, aucune protection contre la «Disneyfication», c'est-à-dire contre la création de parcs thématiques destinés à produire des revenus. Je ne vois rien qui puisse limiter l'accès aux régions écologiquement fragiles. Bien sûr, on ne peut pas tout prévoir.

Quelles mesures particulières de protection pourraient justifier la création de cette agence, plutôt que le maintien de la présence symbolique du gouvernement du Canada pour sauvegarder cette denrée de plus en plus rare dans le monde que représentent les zones naturelles intactes? Quelles dispositions précises du projet de loi assurent cette protection?

M. Lee: L'obligation de protéger les parcs nationaux figure dans la Loi sur les parcs nationaux. Permettez-moi, cependant, de passer en revue quelques autres éléments applicables du projet de loi.

Sur le plan commercial, les principaux éléments de croissance dans les parcs nationaux sont associés aux villes et aux collectivités. En juin dernier, la ministre a annoncé qu'un système serait mis en place pour contrôler et gérer cette croissance. À cette fin, des modifications seront apportées à la Loi sur les parcs nationaux, précisant le maximum de développement commercial qui serait permis dans les villes et les collectivités établies à l'intérieur des parcs nationaux. Vous verrez donc les mesures de protection dont vous parlez dans les modifications qu'il sera proposé d'apporter à la Loi sur les parcs nationaux, et non dans le projet de loi à l'étude. Cela a été annoncé en juin dernier.

L'autre élément important des opérations commerciales dans les parcs est surtout relié à la construction d'établissements hôteliers dans les parcs des Rocheuses.

En juin dernier, la ministre a annoncé qu'un comité serait formé, en vertu de la Loi sur les parcs nationaux, pour examiner la nature et l'orientation de ce développement et pour recommander des lignes directrices appropriées à appliquer dans les zones commerciales.

Plus de 95 p. 100 de l'activité commerciale dans les parcs est régie par deux éléments dont la ministre a annoncé la modification en juin dernier.

Le projet de loi à l'étude comprend des dispositions qui accroissent la responsabilité dans un certain nombre de secteurs. Premièrement, un résumé du rapport de l'agence sera déposé au Parlement qui disposera, pour la première fois, d'un rapport traitant spécifiquement de Parcs Canada. À l'heure actuelle, le rapport de Parcs Canada n'occupe que quelques pages dans un grand rapport ministériel. À l'avenir, nous rendrons compte de nos activités au Parlement d'une manière beaucoup plus complète.

Deuxièmement, l'agence sera soumise à un examen annuel de la part du vérificateur général. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Troisièmement, un rapport sur l'état du patrimoine sera déposé au Parlement tous les deux ans. Il existe déjà une telle disposition dans la Loi sur les parcs nationaux, mais cela ne comprend pas nécessairement toute la gamme de nos responsabilités, par exemple les sites historiques.

Un rapport sera déposé au Parlement tous les deux ans pour rendre compte de l'état des parcs nationaux et des sites historiques. Le projet de loi prévoit en outre le dépôt au Parlement du plan directeur des sites historiques nationaux. Jusqu'ici, seuls les plans directeurs des parcs nationaux étaient déposés.

L'objectif fondamental de ces rapports est de donner aux parlementaires et aux Canadiens une indication claire de l'orientation prévue pour chaque parc et site historique.

Il y a également un nouveau mécanisme de reddition de comptes. En effet, le projet de loi impose à l'agence d'organiser tous les deux ans une table ronde où seront invités des groupes d'intérêt particuliers et où les Canadiens pourront exprimer leur point de vue sur le programme et les activités de l'agence. De plus, le projet de loi impose au ministre de répondre dans un délai prescrit aux recommandations de la table ronde.

Ce sont là d'importants mécanismes de responsabilisation inscrits dans la mesure législative à l'étude pour assurer une reddition de comptes appropriée.

Le sénateur Spivak: De quelle façon les membres du public peuvent-ils faire part officiellement et à temps de leur opposition?

Ensuite, le ministre a-t-il le pouvoir d'intervenir dans le processus administratif lorsqu'il s'agit d'un parc en particulier, en dehors de l'examen général annuel des opérations de l'agence?

M. Lee: Dans le cas de parcs particuliers, le public peut intervenir avant qu'une décision ne soit prise au stade de l'examen des plans directeurs. C'est à cet égard que nous nous distinguons des organisations provinciales. Nous sommes obligés d'établir des plans directeurs, de les mettre à jour tous les cinq ans et de procéder en consultation et d'une manière transparente. Ces plans doivent également être déposés au Parlement.

Le personnel de l'agence n'a pas la possibilité de faire de changements fondamentaux dans l'orientation des parcs nationaux sans consultations et sans que le public ne soit au courant et n'ait donné son point de vue.

Le président: Je vais poursuivre sur le même point, monsieur Lee. En examinant le projet de loi, je me rends compte que vous y avez inclus des dispositions positives quant aux activités de Parcs Canada. Les mécanismes de reddition de comptes sont très importants. Je conçois combien cette mobilité dont vous parlez a pu être difficile. Cette mesure pourrait effectivement assurer une certaine stabilité à vos services.

J'ai cependant l'impression que toutes ces questions peuvent être réglées sans créer une nouvelle agence. Pourquoi en avons-nous besoin? J'ai passé en revue vos cinq points, j'ai examiné vos arguments relatifs à la responsabilité. En un sens, c'est un moyen de décharger le gouvernement de ses responsabilités. J'ai vu des gouvernements qui s'entouraient d'agences tampons qui tiennent le ministre à l'écart des premières lignes.

C'est le ministre, ici, qui a le pouvoir ultime, et je m'en félicite puisqu'il s'agit après tout de notre patrimoine national. Je n'ai rien à redire à cela. Ce n'est pas là une agence autonome. C'est, bien plus qu'autre chose, une agence de mise en oeuvre. Toutefois, cette agence va tenir le ministre éloigné d'un cran de plus du public. Dans ce cas, je suis en faveur d'une responsabilité directe du ministre.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est en réalité une mesure financière. Grâce à lui, si les droits imposés aux utilisateurs augmentent, c'est l'agence qu'on blâmera, pas le ministre. Ce n'est pas un projet de loi favorable aux consommateurs parce qu'il élimine une responsabilité ou la rend moins directe. Je ne comprends donc pas pourquoi vous prétendez que cette mesure est nécessaire, à moins que vous n'agissiez pour des raisons financières ou dans le but politique d'écarter le ministre des premières lignes.

Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Lee: En ce qui concerne la responsabilité ministérielle, vous avez dit que l'agence relève directement du ministre et que l'organisation n'est pas protégée par un conseil d'administration ou par des liens plus distants. Je voudrais assurer au comité qu'il n'y a là aucune tentative d'écarter la ministre ou de la décharger de ses pouvoirs et responsabilités. En fait, je suppose que je pourrais affirmer que la ministre sera encore plus près. Sur le plan administratif, elle a certainement un pouvoir plus direct d'orientation, elle est également plus près des gens par suite des responsabilités que lui imposent des mécanismes tels que la table ronde biennale.

Ni le comité ni les Canadiens ne devraient s'inquiéter d'une quelconque intention cachée visant à soustraire les parcs et les lieux historiques nationaux au contrôle de la population, par l'intermédiaire du Parlement et du gouvernement. Ce n'est pas du tout là l'intention du projet de loi.

Vous dites que c'est une mesure financière. Ma réponse, c'est que nous essayons de servir les Canadiens à un coût moindre. Je crois qu'il est non seulement utile, mais important de le faire. Le projet de loi donne à l'agence des moyens de servir le public en dépensant moins. Toutefois, il ne vise pas à faire de Parcs Canada un organisme autofinancé. Voilà pourquoi ce n'est pas une mesure financière. En ce moment, je crois que nos recettes, à quelques exceptions près, n'augmenteront que dans une faible mesure.

Grâce au pouvoir de report que nous assurerait le projet de loi, l'agence sera en gros financée à 25 p. 100 par ses recettes et à 75 p. 100 par des crédits parlementaires. Dans notre vision de l'avenir financier de cet organisme, nous ne prévoyons aucun mécanisme qui modifierait sensiblement dans un proche avenir le rapport entre les recettes et les crédits parlementaires.

Le président: Si le gouvernement décidait de réduire encore le budget d'une manière assez sensible, alors les 25 p. 100 devraient nécessairement monter. Autrement dit, il vous faudrait augmenter vos recettes pour maintenir les services. Voyez-vous d'autres solutions?

M. Lee: Ce serait le choix du gouvernement, mais je crois qu'il existe quand même des limites en pratique. Dans la mesure où les recettes dépendent des droits imposés -- par exemple, les droits d'entrée et de camping -- , les mécanismes de contrôle sont très sérieux. Ces droits sont soumis à des consultations publiques. Ils doivent passer par un processus de consultation. Je peux décrire ce processus, si le comité le souhaite.

Par tradition et à cause de la nature de ces régions, elles doivent rester accessibles aux Canadiens. Nous ne pouvons pas recourir à un mécanisme de fixation des prix pour chasser les gens d'endroits qui leur appartiennent. Les Canadiens ne le permettraient pas. De toute façon, cela n'a aucun lien avec l'objet du projet de loi.

Le sénateur Kenny: En quoi le projet de loi diffère-t-il de la Loi sur la CCN?

M. Lee: La principale différence est que la CCN est beaucoup plus loin du ministre que l'agence. Il y a une relation hiérarchique directe entre le premier dirigeant de l'agence et le ministre, sans compter qu'il n'y a pas de conseil d'administration. Sur le plan de la structure et de la régie, c'est une différence fondamentale.

Le sénateur Kenny: Il me semble que chaque fois qu'il y a une difficulté à la CCN, la ministre s'en décharge sur M. Beaudry en disant: «La CCN est indépendante. Nous ne pouvons pas nous occuper de cette question.» Et, de son côté, M. Beaudry continue à agir en secret, à son habitude.

Qu'y aura-t-il de différent dans ce cas? Ne sommes-nous pas simplement en train de créer une plus grosse organisation?

M. Lee: Je n'ai vraiment rien à répondre à cela. Je tiens seulement à dire que la ministre ne pourra pas faire ce genre de déclaration en s'appuyant sur le projet de loi. La ministre dirait: «Le directeur général relève de moi et je suis responsable tant de l'orientation que de la gestion opérationnelle de l'agence.»

Le sénateur Kenny: D'après vous, la ministre et ceux qui lui succéderont ne pourront pas nous dire: «Cette agence est indépendante et je ne peux donc pas lui donner des ordres»?

M. Lee: C'est exact.

Le sénateur Buchanan: En toute franchise, je ne vois pas à quoi rime ce projet de loi. On nous dit que les Canadiens en profiteront grâce au maintien des services dans les parcs et les sites historiques. Pour moi, cela ne veut pas dire grand-chose. Les Canadiens profiteront si on crée de nouveaux parcs et de nouveaux sites et s'il y a plus de responsabilité.

Est-ce qu'on a rendu des comptes aux Canadiens au fil des ans? Et aujourd'hui? Je crois qu'on l'a fait. De quelle façon les Canadiens vont-il profiter maintenant de la création de nouveaux parcs et de l'expansion de parcs et de sites existants? Je croyais que cela faisait déjà partie du mandat actuel, de même que le maintien des services dans les parcs et les sites historiques. C'est ce qui m'ennuie.

En Nouvelle-Écosse, nous avons les plus beaux parcs nationaux de tout le pays. Je ne devrais pas dire cela. Je dirai plutôt que nous avons deux des plus beaux parcs du pays. En effet, si je parlais du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, les habitants de l'ouest de la province seraient fâchés parce que le parc national Kejimkujik est aussi très beau. Nous avons également Louisbourg et Redoute-York. Je n'irai pas plus loin.

Dans notre petite province, ces parcs attirent beaucoup de visiteurs. Les touristes aiment particulièrement le parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, la forteresse de Louisbourg, la Redoute-York et Kejimkujik. Le nombre de visiteurs augmente constamment. Qu'est-ce que le projet de loi à l'étude fera de plus pour les parcs nationaux de la Nouvelle-Écosse? Si je comprends bien, Parcs Canada a pour mandat de continuer à assurer un meilleur service à nos touristes, au public et à nos provinces, et cela ne changera pas.

Il y a une chose que je vois là: c'est la réduction du nombre de personnes qui travaillent dans nos parcs. Ce n'est pas une bonne chose. Nos étudiants comptent sur les emplois dans les parcs l'été. Les gens y trouvent des emplois à temps partiel et à temps plein. Nous essayons depuis des années d'augmenter le nombre de touristes qui viennent chez nous. Nous essayons de prolonger la saison, qui va actuellement de juillet à août, pour qu'elle s'étende de juin à septembre et peut-être même de mai à octobre. Les gens aiment beaucoup visiter ces parcs nationaux pendant l'automne.

Pouvez-vous me donner l'assurance que ce projet de loi ne réduira pas les services dans les parcs nationaux, ne raccourcira pas la saison, ne diminuera pas le nombre d'employés et surtout pas le nombre d'étudiants qui travaillent l'été? Si c'est là l'objectif du projet de loi, alors je n'y vois aucun avantage. J'y vois plutôt des inconvénients. L'expansion du tourisme rapporte constamment beaucoup de nouvelles recettes à la province. Nous avons eu une saison extraordinaire cette année. Cela signifie de nouvelles recettes annuelles pour les restaurants, les hôtels et aussi pour tous les parcs nationaux et provinciaux. Je trouverais inadmissible qu'un projet de loi comme celui-ci vienne réduire les services que nous offrons dans nos parcs, raccourcir la saison, réduire le nombre d'employés ou faire autrement du tort, parce que nous avons besoin de ces nouvelles recettes.

M. Lee: Je peux assurer au comité que le projet de loi ne vise ni à réduire davantage les coûts ni à réduire les services. Il a plutôt pour objet de nous aider à maintenir les services.

Au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons dû rechercher des moyens de maintenir les services tout en réduisant sensiblement les coûts. Il y a eu des compressions d'effectifs -- comme je l'ai dit, nous avons dû nous passer des services d'environ 800 personnes -- , mais tout cela a déjà été fait l'année dernière. L'an prochain, nous aurons notre première saison d'exploitation complète aux nouveaux niveaux budgétaires établis pour nous. Les changements de personnel, d'heures d'ouverture ou de saison ont déjà eu lieu. Les services assurés cette année représentent le niveau de service que nous voulons maintenir. Le projet de loi nous donnera des moyens pour le faire.

Je voudrais dire, une fois de plus, que beaucoup des éléments du projet de loi représentent des suggestions de membres du personnel qui m'ont dit et ont dit aux rédacteurs du projet de loi: «Si nous pouvions faire cela de telle manière plutôt que de telle autre, nous pourrions aller plus vite et travailler plus efficacement.» Nous n'avons pas besoin d'autant d'employés dans les bureaux régionaux que nous en avions dans le passé et nous pouvons continuer à faire fonctionner les parcs et les sites historiques. Voilà à quoi sert le projet de loi dans ce contexte. Il ne s'agit donc pas d'une mesure destinée à réduire l'effectif.

Le sénateur Buchanan: J'ai surtout eu affaire à des gouvernements provinciaux dans les trente dernières années. Comment les gouvernements provinciaux ont-ils réagi à l'annonce de la création de la nouvelle agence?

M. Lee: Nous avons eu des réactions des gouvernements des provinces qui ont un grand réseau de parcs, comme nous-mêmes, c'est-à-dire l'Ontario et la Colombie-Britannique. Les parcs ont beaucoup d'éléments communs par leur nature, leur genre et leur étendue. Les services provinciaux des parcs ne sont pas aussi importants que Parcs Canada, mais ils ont le même genre de responsabilités. Les deux organismes provinciaux en question sont également en train d'évoluer. Parcs Ontario a fait quelques changements semblables à ce qui est proposé dans le projet de loi à l'étude, mais sans aller aussi loin. L'Ontario, par exemple, n'a pas adopté le statut d'employeur distinct, mais a pris beaucoup des mesures qui se trouvent dans le projet de loi. Les choix que nous avons faits sont en outre à l'étude en Colombie-Britannique. La province a établi un processus d'examen organisationnel et a publié un premier rapport préliminaire. Les autres provinces pourraient s'intéresser à certains éléments, mais leur organisation est très différente de celle de Parcs Canada. À l'exception de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, les provinces n'ont pas en général des organismes distincts s'occupant des parcs. Dans beaucoup de cas, ce sont des services des ministères des ressources naturelles, des forêts ou des terres. En ce moment, l'Ontario est la seule province qui ait un organisme distinct responsable des parcs. La Colombie-Britannique en est presque au même point.

Le sénateur Taylor: Le chiffre de «5 ans» revient souvent ici. S'agit-il d'un processus irréversible ou bien fera-t-il l'objet d'un examen dans cinq ans? Si les choses ne vont pas bien, sera-t-il facile de revenir au point où nous sommes aujourd'hui?

M. Lee: Le projet de loi en soi est permanent. Cela étant dit, il comprend différents mécanismes de reddition de comptes en matière de finances et de politiques. Si les choses vont mal à l'agence, le gouvernement ou un parlementaire peut demander des mesures correctives.

Le sénateur Taylor: Ce que nous faisons n'est donc pas irréversible. Nous pouvons revenir en arrière?

M. Lee: C'est exact. Toutefois, ce n'est pas une loi d'une durée limitée.

Le sénateur Kenny: J'aimerais passer brièvement maintenant à des questions de personnel. Monsieur Lee, lorsque je vois un projet de loi comme celui-ci qui porte création d'une agence, ma réaction instinctive est de me dire qu'il s'agit d'une bombe à neutrons. Autrement dit, quand elle aura explosé, les bâtiments seront intacts, mais il n'y aura plus personne à l'intérieur. Ce ne sera peut-être pas aussi dramatique, mais je me demande s'il n'y a pas des intentions cachées, si, dans quelque temps, les employés de Parcs Canada ne se retrouveront pas avec moins de droits, de protection, d'avantages sociaux et de perspectives qu'aujourd'hui. M. Hindle, de l'Institut professionnel de la fonction publique, doit comparaître à 10 h 30. Est-ce que vous-même ou l'un de vos collaborateurs pourriez passer en revue les préoccupations exprimées par les syndicats en général -- je suppose qu'il y en a plus d'un en cause -- et nous donner une idée de votre réaction pour que nous soyons mieux préparés à recevoir M. Hindle?

M. Lee: Je vais demander à Mme Bergeron de répondre à cette question, mais permettez-moi d'abord de vous dire que nous travaillons en étroite collaboration avec nos syndicats sur les questions relatives à l'agence et que nous avons des relations de travail positives avec eux. Si vous jetez un coup d'oeil au site Internet de l'AFPC, qui représente en gros 90 p. 100 de nos employés, vous constaterez que l'Alliance appuie l'idée de l'agence. L'IPFP a certaines idées qui vont au-delà de l'agence et qu'il exprimera à la table de négociation. Toutefois, dans le cadre du travail que nous faisons, nous avons d'excellentes relations avec l'IPFP. Je crois que M. Hindle pourra le confirmer.

Je vais maintenant laisser Mme Bergeron vous donner une idée de ce qui se passe dans ce domaine. Elle pourra probablement répondre à vos questions.

Mme Wendy Bergeron, directrice, Bureau national des ressources humaines, ministère du Patrimoine canadien: Comme M. Lee l'a mentionné il y a quelques instants, nous avons établi à Parcs Canada, au cours des 10 derniers mois, un processus nous permettant de collaborer étroitement avec nos syndicats, ainsi qu'avec nos employés, pour concevoir le nouveau régime de ressources humaines de l'Agence Parcs Canada. Ce processus comprend cinq groupes de travail conjoints syndicaux-patronaux où se retrouvent des cadres opérationnels et des employés opérationnels qui sont également des délégués syndicaux. Les cinq groupes cherchent à définir le nouveau cadre et les nouvelles procédures de dotation de l'agence, le nouveau cadre de classification, un nouveau système de règlement des plaintes et les principes pratiques qui guideront les relations que nous aurons entre nous, comme employés de l'Agence Parcs Canada. Les groupes de travail syndicaux-patronaux relèvent d'un comité directeur syndicat-patronal regroupant des représentants nationaux de nos agents négociateurs, y compris des représentants de l'IPFP ainsi que de la composante nationale et de la composante transports de l'AFPC.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous nous parler brièvement des préoccupations que vous ont exprimées les syndicats et de votre réaction à ces préoccupations?

Mme Bergeron: Au comité parlementaire, l'IPFP s'est dit inquiet du fait que les employés de l'agence ne seront pas assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas les détails du système des ressources humaines de la fonction publique, cette Loi régit actuellement le recrutement et la dotation dans la partie de la fonction publique pour laquelle le Conseil du Trésor est l'employeur. L'IPFP craignait qu'en dehors de la Loi, les nominations à l'agence ne se feraient plus au mérite ou pourraient faire l'objet d'interventions partisanes. L'Institut s'inquiétait également du fait que les employés ne pourraient plus recourir à la procédure d'appel de la Commission de la fonction publique pour se plaindre d'irrégularités ou de vices touchant des mesures particulières de dotation.

Pour répondre aux préoccupations reliées à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, nous avons élaboré, avec la collaboration de nos syndicats et de nos employés, une série de valeurs et de principes en ressources humaines qui sont mentionnés dans le projet de loi, à titre de charte devant régir le fonctionnement de l'agence.

Ces valeurs et principes comprennent les notions traditionnelles de mérite et d'impartialité de la fonction publique. Grâce à des consultations avec le personnel, nous avons établi un ensemble de valeurs et de principes qui guideront non seulement le fonctionnement du cadre et du régime de dotation, mais aussi tous les autres fondements de notre système de ressources humaines, comme le système de classification, la procédure de recours et le remplacement des directives du Conseil national mixte.

Le sénateur Kenny: Sur ce plan, est-ce que vos employés et vos syndicats sont satisfaits de votre réaction?

Mme Bergeron: Je crois qu'ils le sont. Bien sûr, vous pourrez poser la question directement, mais tous les rapports provenant du comité directeur et des groupes de travail syndicaux-patronaux ne témoignent de rien d'autre que de l'appui accordé au processus conjoint d'édification que nous avons mis en place.

Quant à la procédure d'appel de la Commission de la fonction publique, l'un des groupes de travail syndicaux-patronaux que j'ai mentionnés est en train d'élaborer une procédure de recours dans le cadre de laquelle les employés insatisfaits d'une mesure de dotation ayant entraîné une promotion pourront s'adresser à une tierce partie indépendante, comme c'est le cas au sein de la fonction publique. Nous espérons que notre procédure de recours aboutira à des décisions plus rapides que celle de la CFP, qui doit entendre une multitude d'appels venant de toute la fonction publique.

L'IPFP s'est également inquiété du fait que le personnel des employeurs distincts, comme l'Agence Parcs Canada, n'a plus accès à la Commission des relations de travail dans la fonction publique en cas de différends reliés à des licenciements non disciplinaires, tels qu'un renvoi pour incompétence. Encore une fois, nous travaillons en collaboration avec des représentants syndicaux nationaux pour concevoir une procédure de recours donnant accès à une tierce partie indépendante en cas de renvoi, si les employés sont insatisfaits de la décision prise par la direction.

Nous croyons pouvoir réussir à concevoir un système qui permettra des décisions plus rapides. Il n'est pas rare, dans le système actuel, qu'il faille attendre deux ou trois ans pour qu'une affaire passe devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Nous essayons de concevoir un système plus rationnel pouvant donner des résultats plus rapides.

Le sénateur Kenny: Y avait-il un deuxième domaine que vous souhaitiez aborder?

Mme Bergeron: M. Lee me rappelle que nos collègues des syndicats estimaient que la classification et la dotation devraient être assujetties à la négociation collective. Nous croyons, de notre côté, que le genre de structure que nous proposons continue à faire partie de la fonction publique. L'agence relève directement d'un ministre, comme M. Lee l'a indiqué. À titre d'employeur distinct, elle demeure assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui ne permet pas d'inclure les questions de classification et de dotation dans la négociation collective.

Le sénateur Kenny: Vous avez mentionné à deux reprises que les syndicats ont exprimé ces préoccupations devant les comités de l'autre endroit. Je suppose que vous avez encore des discussions directes avec eux. Y a-t-il d'autres points de désaccord?

Mme Bergeron: Je ne le crois pas. Nous tenons des réunions mensuelles avec nos collègues, les représentants nationaux des syndicats. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de désaccords au cours des 10 derniers mois. À mon avis, il est normal et sain d'exprimer son désaccord. Toutefois, nous n'avons jamais atteint le stade de l'impasse. Nous avons toujours été capables d'en arriver à des arrangements mutuellement acceptables avec nos collègues des syndicats. Il ne faut pas perdre de vue en effet que, des deux côtés, nous avons à coeur les intérêts des employés de Parcs Canada.

Le sénateur Kenny: Vous seriez donc surprise si M. Hindle venait se plaindre de ce qui se passe actuellement?

Mme Bergeron: Je serais surprise qu'il exprime les mêmes préoccupations qu'à l'autre comité parlementaire, mais, bien sûr, il est libre de dire ce qu'il veut.

Le président: J'aimerais passer à un point différent, monsieur Lee. C'est une question qui se pose près de chez moi, une question qui a déjà été soulevée devant ce comité: la participation des intervenants au processus de décision de Parcs Canada.

Le comité s'est beaucoup occupé de Banff. Nous avons produit un rapport sur les endroits particuliers. Nous avons rencontré le groupe Banff-Bow Valley, que nous félicitons pour son rapport. Nous avons eu l'impression que le comité avait écouté tous les points de vue disparates des écologistes, des gens d'affaires, et cetera. Ils ont réussi à produire ce qui nous a semblé être un excellent rapport. À ce moment, la ministre avait dit la même chose.

Lorsque vous avez présenté votre plan directeur du parc national de Banff, la ministre a eu des propos très positifs au sujet du processus. En fait, elle a dit dans son message que le plan directeur du parc national de Banff constitue un plan d'action pour le XXIe siècle. Plus loin dans le rapport, la section traitant du concept de gestion ouverte expose un certain nombre de mesures clés. Je vais d'ailleurs en mentionner quelques-unes. L'une d'elles proposait d'adopter un processus clair et transparent pour l'examen des projets de développement. Une autre, d'inviter le public à examiner les modifications proposées de l'utilisation des parcs. Le texte disait que chacun a un intérêt à défendre dans les parcs et que le public devrait donc participer au processus de décision. De même, le fait de réunir les différents intervenants est extrêmement important. Le comité s'est montré favorable à cette façon de résoudre des problèmes souvent très difficiles et controversés concernant l'exploitation des parcs.

Ayant suivi le plébiscite organisé à Banff au sujet du développement de la région, qui bénéficiait de l'appui énergique de la population locale, j'ai vu la ministre décider unilatéralement, en allant à l'encontre de ce processus démocratique. Faire ainsi abstraction de l'opinion des gens n'est pas un bon moyen de définir la politique publique.

Je ne vois rien dans le projet de loi qui nous protège contre le genre d'intervention que nous avons vu à Banff et que je considère comme une approche très négative de la part de la ministre. Je ne vois rien qui garantisse que vous aurez le genre de formule ou de processus de base qui a si bien réussi dans cet exemple jusqu'à ce que la ministre intervienne.

J'ai été surpris par les observations de votre ministère -- c'est vous qui avez signé le document -- et de votre ministre au sujet de l'importance de ce processus. Vous dites que le projet de loi contient des dispositions qui garantissent la tenue de consultations au sujet des parcs. J'aimerais savoir ce que vous en pensez parce que c'est une question très controversée dans ma province.

M. Lee: Je voudrais d'abord parler du travail du comité. Je sais qu'il a eu l'occasion d'examiner le travail fait à Bow Valley.

Monsieur le président, vos observations au sujet du plan directeur sont également appréciées. Ce travail a été extrêmement difficile à faire. Le rapport de Bow Valley comprenait quelque 500 recommandations que nous avons reçues au terme d'un processus public. J'ai présidé les réunions. J'ai discuté avec ces gens, je leur ai dit: «Voilà notre réaction, mais, avant qu'une décision soit prise, avez-vous un point de vue à exprimer?»

On nous a donc fait part de certaines préoccupations, comme celles qui ont trait à la route. Nous avons dû modifier notre position pour en arriver à une décision mutuellement satisfaisante. C'était un bon exemple de consultation.

Cela étant dit, la situation à Banff a été très difficile à régler. Pour faire des changements, il a fallu que la ministre prenne position d'une façon très énergique.

En ce qui concerne le plan communautaire et l'action prétendument unilatérale de la ministre, j'aimerais signaler qu'un processus avait été mis en place avec la participation du secrétaire d'État aux parcs et la mienne. Il y a eu des réunions bilatérales avec le conseil municipal et différentes personnes, y compris des habitants de la région, des gens d'affaires et des représentants de groupes environnementaux. Nous avons tenté d'amener ces groupes à prendre une décision concernant la ville de Banff qui reflète fortement l'intérêt tant local que national.

Les critiques que nous avons entendues avaient trait au processus. Les individus ont des points de vue différents, mais une décision a été prise et a été annoncée en juin. Je veux citer le maire, qui était ici ce jour-là. Il a dit que la décision du gouvernement permettait aux deux parties de sortir gagnantes du conflit.

Tout le monde était gagnant au sujet du plan communautaire de Banff, même si on peut penser que le processus ne s'est pas toujours bien déroulé. Mais on ne peut pas dire que c'était par manque de consultation. Ce genre de difficultés peut se produire. La décision annoncée était courageuse et décisive.

Il faudra travailler le détail de certaines questions pour mettre en oeuvre la décision prise en juin dernier. Le gouvernement a dit qu'il voulait faire un certain nombre de choses pour ménager des espaces publics dans le centre de Banff et pour y développer davantage de programmes axés sur l'interprétation, l'éducation et l'environnement à l'intention des visiteurs.

Nous devons travailler sur ces questions avec les entreprises que touche la décision. Des discussions sont déjà en cours. J'espère qu'elles pourront se poursuivre dans un esprit de coopération.

Le président: Monsieur Lee, je ne tiens pas à m'attarder particulièrement sur la situation de Banff. Je voulais simplement la donner comme exemple d'un processus approprié.

On envisage de proposer un amendement qui imposerait à la nouvelle agence, chaque fois qu'elle présenterait le plan directeur de n'importe quel parc du Canada, de passer par un processus de consultation du public qui, à mon avis, manque dans le projet de loi. Qu'en pensez-vous?

M. Lee: Je n'ai pas le projet de loi devant moi, mais j'avais l'impression que l'obligation de consulter y figurait d'une façon très explicite. Un groupe de défense de l'environnement m'a même fait savoir que, dans ce cas, le projet de loi était complet sur le plan des mécanismes de consultation.

Je ne sais pas s'il est nécessaire ou souhaitable de préciser davantage les choses, mais je crois bien que l'élément consultation est très présent aussi bien dans le projet de loi que dans nos politiques actuelles.

Le président: Je parle du plan directeur de n'importe quel parc qui nécessiterait un processus de consultation, en vertu de la loi. Je n'ai pas trouvé de dispositions à ce sujet. Pourriez-vous m'indiquer l'article, s'il vous plaît?

M. Lee: J'en ai pour quelques instants.

Le président: Bien sûr.

M. Lee: Je vais demander à mes collaborateurs de m'aider.

Le sénateur Spivak: Pendant que cela se fait, je voudrais vous poser une question. On me dit que les comptes d'entreprise de l'agence recevront des fonds du Trésor et qu'ils peuvent accumuler un déficit annuel atteignant 8 millions de dollars. Cela est nouveau pour moi. Je ne sais pas ce que sont ces comptes d'entreprise. Pouvez-vous nous l'expliquer? Combien y en a-t-il actuellement? Où sont-ils? Quel genre de services assurent-ils? Quels déficits ou excédents ont-ils générés dans le passé? En vertu de quelles dispositions de la loi ont-ils été créés? Comment sont-ils définis dans la loi?

M. Lee: Je vais parler d'une façon générale de la nature de ces comptes. Nous exploitons un certain nombre d'opérations sur une base de recouvrement intégral des coûts. À cet égard, elles fonctionnent donc comme des entreprises. Les éléments compris dans les comptes d'entreprise englobent six localités: Wasagaming dans le parc national du Mont-Riding, Waskesieu dans le parc national de Prince-Albert, le parc national de Jasper, Lake Louise à Banff, Waterton dans le parc national des Lacs-Waterton et Field dans le parc national Yoho. Il y a également deux établissements: le terrain de golf de Cape Breton Highlands et les sources thermales des parcs des Rocheuses. Ces comptes ont été établis pour que les fonds perçus reviennent à ces établissements. Ils reçoivent l'argent sur une base de recouvrement des coûts non seulement pour le fonctionnement, mais aussi pour les immobilisations. Ainsi, s'il est nécessaire de réaménager les sources thermales, on peut emprunter puis rembourser. Voilà comment ces comptes fonctionnent.

Les comptes en sont à différents stades de mise en oeuvre. Le compte des sources thermales est pleinement opérationnel, de même que celui de Cape Breton Highlands. Ceux des localités sont à différents stades et certains éléments sont encore en discussion avec les autorités locales. Nous sommes encore loin de la limite d'emprunt de 8 millions de dollars, mais nous l'atteindrons quand nous aurons terminé la mise en oeuvre.

Le sénateur Spivak: Ce serait comme une marge de crédit remboursable?

M. Lee: C'est exact.

Le sénateur Spivak: Y a-t-il de l'intérêt?

M. Lee: Oui.

Le sénateur Spivak: Est-ce que ces comptes existent depuis longtemps?

M. Lee: Non. Le premier, celui des sources thermales, a été créé en 1994 ou 1995.

Le sénateur Spivak: La question n'est peut-être pas pertinente, mais je vais quand même la poser. Est-ce là juste un aspect de l'appareil de recouvrement des coûts qui semble envahir tout le gouvernement fédéral?

M. Lee: Non.

Le sénateur Spivak: J'ai vu cela dans d'autres comités. Les résultats ne sont pas toujours extraordinaires, comme dans le cas du ministère de la Santé.

M. Lee: Permettez-moi de mentionner deux choses concernant ces comptes. D'abord, je ne crois pas que personne s'attende à ce qu'un service comme le golf soit subventionné par les contribuables canadiens. Ce service a donc été établi sur une base de recouvrement des coûts. Le second élément concerne les localités. Jusqu'en 1995, les Canadiens avaient toujours subventionné l'infrastructure et les frais de fonctionnement des villes. À notre avis, il s'agit de localités comme toutes les autres localités de l'Alberta, du Manitoba, de la Colombie-Britannique ou de la Saskatchewan. Elles devraient donc avoir le même système de comptabilité financière que les autres. Le fait qu'elles se trouvent dans un parc national n'impose pas aux contribuables de les subventionner.

Le sénateur Spivak: Ces comptes se limitent donc à cela?

M. Lee: Oui.

Le sénateur Spivak: Je suppose que l'Agence Parcs Canada pourrait utiliser cet argent à d'autres fins et, si ces opérations sont en difficulté, vous auriez à les renflouer comme si vous étiez un fonds de couverture à long terme ou quelque chose de ce genre.

M. Lee: Nous ne sommes pas encore sur les grands marchés financiers.

Le sénateur Spivak: C'est un genre d'utilisation assez limité.

M. Lee: Oui. C'est très particulier. Je ne veux pas compromettre les décisions futures de quiconque, mais nous n'envisageons actuellement aucune expansion. Il est difficile d'envisager d'autres applications de ce régime dans le réseau des parcs. Il s'agit de cas très particuliers. Le terrain de golf du parc national Fundy n'a pas encore un compte de ce genre, mais il en aura peut-être un jour. Ce sont essentiellement des opérations semblables qui font l'objet de ces comptes.

Le sénateur Spivak: L'intérêt est-il calculé au taux préférentiel du gouvernement?

M. Lee: Non, c'est un taux fixe. Ce n'est pas un taux privilégié.

Le président: Le temps attribué à M. Lee et à ses collaborateurs est écoulé.

Le sénateur Cochrane: J'aurais aimé aborder quelques-unes des autres questions, mais je vais m'en tenir à un sujet particulier.

Monsieur Lee, nous n'avons aucun détail sur la transition vers l'agence. Par exemple, combien coûtera la création de l'agence? Une fois qu'elle aura été établie, combien faudra-t-il dépenser chaque année pour l'administrer? Quel genre de personnel aurez-vous? Quelle proportion des coûts sera financée par les utilisateurs des parcs? Nous n'avons pas de réponse à ces questions. Pouvez-vous m'éclairer?

M. Lee: Oui. Je vais avoir les chiffres dans un instant. Je demande à M. Tremblay de répondre à votre question au sujet de la consultation du public sur les plans directeurs.

M. Laurent Tremblay, directeur exécutif pour le Québec, ministère du Patrimoine canadien: À l'article 32, la loi mentionnée est la Loi sur les parcs nationaux. Le paragraphe 5(1.4) de la Loi dit: «Le ministre favorise, dans les cas indiqués, la participation du public, à l'échelle nationale, régionale et locale, à l'élaboration de la politique et des plans de gestion des parcs ainsi que des autres mesures qu'il juge utiles.»

Le président: Je ne crois pas que cet article réponde à ma question. Je l'ai déjà lu. Il traite de ce qui doit se faire après l'établissement d'un site historique national. Je veux parler des parcs qui existent aujourd'hui. Cet article n'en parle pas. Ce n'était pas à cela que je pensais.

Je veux parler des plans directeurs ou des modifications des plans directeurs dans les parcs existants et de la manière dont ces plans sont modifiés. À mon avis, il faudrait que la loi impose des audiences et la participation du public avant que ces plans soient modifiés ou que de nouveaux plans soient adoptés. L'article 32 mentionne une période de cinq ans après l'établissement d'un site historique national ou d'une autre zone protégée.

M. Lee: Monsieur le président, l'article dit ceci: «Le ministre favorise... la participation du public... à l'élaboration de la politique et des plans de gestion des parcs...»

Le président: De quel article s'agit-il?

M. Lee: Je suis en train de citer la Loi sur les parcs nationaux.

Le président: Quand vous avez parlé de l'article 32, j'ai pensé qu'il s'agissait du projet de loi à l'étude.

Monsieur Lee: Non. Je dis que le point que vous soulevez est couvert par la Loi sur les parcs nationaux elle-même.

Le président: Pouvez-vous me lire encore une fois cet article?

M. Lee: Oui. C'est le paragraphe 5(1.4) de la Loi sur les parcs nationaux, qui est ainsi libellé:

Le ministre favorise, dans les cas indiqués, la participation du public, à l'échelle nationale, régionale et locale, à l'élaboration de la politique et des plans de gestion des parcs [...]

C'est là la politique générale de l'agence ou, plus précisément, de Parcs Canada. Elle s'applique aussi aux plans directeurs et aux autres questions que le ministre juge utiles.

Monsieur le président, vous avez raison de dire que les consultations ne sont pas explicitement prévues dans le projet de loi à l'étude, mais je crois qu'elles le sont bel et bien dans la Loi sur les parcs nationaux.

Le président: Ce que vous venez de me lire est facultatif, pas obligatoire.

M. Lee: On pourrait l'interpréter ainsi. La disposition dit bien «favorise», mais elle précise «dans les cas indiqués».

Le président: Est-ce donc obligatoire ou facultatif? C'est comme un avocat qui jouerait sur les mots.

M. Lee: Je crois que l'expression «dans les cas indiqués» se rapporte à la participation du public à l'échelle locale, régionale ou nationale. De toute évidence, s'il s'agit d'un endroit comme Banff, tous les niveaux sont en cause. Toutefois, si c'est un petit problème qui se pose dans un lieu historique local, à un seul endroit, on n'aurait peut-être pas besoin d'aller jusqu'à l'échelle nationale, parce qu'il n'y a pas lieu de le faire. Voilà comment j'interprète la disposition. La ministre «favorise», elle doit donc le faire, mais elle a une certaine discrétion pour déterminer l'ampleur des consultations, qui dépendrait de la nature de la question qui se pose à l'agence.

Le président: Je vous remercie.

Le sénateur Cochrane: Je ne suis pas très satisfaite de certains des détails que vous m'avez donnés au sujet de la transition. Voudriez-vous poursuivre? L'agence doit être établie ici, à Ottawa, n'est-ce pas?

M. Lee: Oui.

Le sénateur Cochrane: Combien cela coûtera-t-il d'établir l'agence? Quels seront vos frais d'administration, puis vos frais de dotation? Pouvez-vous me donner ces détails?

M. Lee: Oui. Je n'ai pas encore répondu à votre question, mais je vais le faire maintenant parce que j'ai les détails devant moi. Les frais de l'agence sont calculés en fonction des réductions globales qui se sont produites. Sur une base nette, la réduction globale des coûts de Parcs Canada s'élève à 104 millions de dollars. Il s'agit d'une réduction annuelle. Nous avons également des coûts annuels reliés à l'établissement de l'agence qui se chiffrent à 2,8 millions de dollars, mais, dans l'ensemble, la réduction globale du programme de Parcs Canada est de 104 millions de dollars moins 2,8 millions de dollars, ce qui donne en gros 101,2 millions de dollars. C'est ce qui s'est produit, c'est la situation courante. Les coûts ponctuels reliés à l'établissement de l'agence, qui comprennent la mise en place des systèmes et procédures dont Mme Bergeron a parlé, comme les consultations avec les syndicats, s'élèvent à environ 4,9 millions de dollars sur deux ans.

Le sénateur Cochrane: Vous avez, il me semble, une grosse somme pour ouvrir l'agence. Vous avez mentionné la région de Halifax. Ces bureaux régionaux vont-ils être éliminés parce que les décisions seront maintenant prises ici, à Ottawa, par le directeur général?

M. Lee: Non. Permettez-moi de vous expliquer l'organisation actuelle parce que les changements de structure ont déjà été réalisés dans les régions qui, en ce moment, font partie du ministère. Parcs Canada était une partie du changement. Nous avons déjà eu des bureaux régionaux complets à Vancouver, Calgary, Winnipeg, en Ontario, au Québec et à Halifax. Ces bureaux, à l'exception de ceux de Calgary et de Halifax et, dans une moindre mesure, celui de Québec, ont en pratique déjà disparu. Les bureaux régionaux que nous avions à Winnipeg, à Vancouver et en Ontario ont été éliminés il y a deux ans.

Le sénateur Cochrane: Il ne vous en reste plus que trois?

M. Lee: Nous avons deux bureaux régionaux, l'un à Halifax et l'autre à Calgary. Comme je l'ai déjà mentionné, environ 10 à 12 personnes y travaillent. Laurent Tremblay est notre directeur général pour le Québec et nous avons un autre poste équivalent pour tout le réseau des parcs des Rocheuses, au niveau de directeur général. Toutefois, je voudrais vous répéter, sénateur, que les programmes de réduction sont déjà en place et que ce qui existe actuellement devrait être maintenu.

Le sénateur Cochrane: Combien d'employés aurez-vous au bureau d'Ottawa?

M. Lee: Au total, le bureau d'Ottawa compte environ 200 employés. Toutefois, nous avons d'autres employés dans la région. Notre organisation comprend un certain nombre de centres de services un peu partout au Canada, où travaillent nos archéologues, nos planificateurs, nos historiens, nos ingénieurs, et cetera. L'un de ces centres se trouve à Ottawa, mais il ne fait pas vraiment partie de la structure d'Ottawa. Il compte plutôt parmi les centres de services de l'Ontario.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous réintégré dans le bureau d'Ottawa le personnel des bureaux qui ont été fermés, ou bien engagez-vous du nouveau personnel ici?

M. Lee: Les compressions ont été faites à l'échelle locale. Les personnes touchées ont soit bénéficié d'offres de retraite anticipée soit été réaffectées à d'autres postes. Je ne crois pas me tromper en disant que personne n'a été mis à pied, renvoyé ou licencié.

Mme Bergeron: C'est exact.

M. Lee: Tout cela s'est déjà produit. Les 600 à 800 personnes que j'ai mentionnées ont accepté une retraite anticipée offerte par le gouvernement ou ont obtenu un autre poste vacant dans l'organisation, mais l'effectif total a diminué.

Le sénateur Cochrane: Vous avez répondu à ma question. Aucune de ces personnes n'est employée ou ne sera employée par l'agence.

M. Lee: Non. Le bureau d'Ottawa a lui aussi subi des compressions d'environ 30 p. 100. Les seuls postes transférés à Ottawa consistaient en quelques fonctions de personnel auparavant exécutées à huit endroits différents ou dans six centres régionaux. Nous ne pouvions pas décentraliser ces fonctions vers la trentaine de sites sur le terrain que nous avons, parce qu'il est impossible de répartir six personnes entre autant de sites. Très peu d'employés sont venus à Ottawa, mais les réductions de personnel et de locaux faites à l'administration centrale ont été plus importantes que dans les bureaux locaux.

Le sénateur Cochrane: Ma crainte, dans le cas de cette agence comme dans celui de beaucoup d'autres services gouvernementaux, c'est qu'il y a trop de personnel d'état-major, et pas assez d'employés au bas de l'échelle pour faire le vrai travail. Je ne veux pas du tout dire qu'il n'y rien à faire au sommet de la pyramide, mais, dans beaucoup trop de cas, il y a trop en haut et pas assez en bas. Voilà mon inquiétude.

M. Lee: Sur le plan théorique, sénateur, je suis bien d'accord avec vous, mais ce n'est pas ce genre d'organisation que nous créons. Tout examen de Parcs Canada, dans sa forme actuelle, ou de l'agence, comme nous sommes en train de la constituer, révélerait que l'organisation se distingue justement par l'absence de ce gros état-major, par l'absence de cette bureaucratie d'Ottawa ou de toute autre bureaucratie qui empêcherait les gens sur le terrain de faire leur travail. Je peux vous affirmer que je suis très vigilant à cet égard. Comme je l'ai dit aux membres des bureaux régionaux qui restent, leur rôle n'est pas de constituer un échelon de plus dans le processus opérationnel de décision.

Nous sommes là pour nous occuper des grands problèmes qui surviennent dans l'Ouest, dans le Canada atlantique ou au Québec, pas pour contrôler les faits et gestes du directeur du parc du Gros-Morne.

Le sénateur Cochrane: Je m'inquiète lorsque j'entends parler de «flexibilité accrue» et d'«efficacité accrue». Je m'inquiète parce que les mots du genre «efficacité» évoquent souvent une réduction du nombre d'employés. Avez-vous l'intention de donner du travail à contrat? Je sais que vous avez déjà répondu à cette question, mais je m'inquiète quand même.

Le président: Je vous remercie, chers collègues.

Monsieur Lee, c'est toujours un plaisir pour ce comité de vous recevoir et de vous entendre nous parler avec une telle franchise.

Honorables sénateurs, nos témoins suivants sont les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. La parole est à vous.

M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Merci, monsieur le président. Merci, honorables sénateurs, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité aujourd'hui.

L'Institut professionnel est le plus grand syndicat représentant les professionnels de l'administration fédérale. Nous représentons, dans l'ensemble, 36 000 professionnels travaillant tant pour le gouvernement fédéral que pour les gouvernements du Manitoba et du Nouveau-Brunswick. Nos membres viennent d'un large éventail de disciplines. Nous sommes ici surtout pour parler au nom d'environ 400 biologistes, spécialistes de la recherche historique, gestionnaires de systèmes d'ordinateurs et aux autres professionnels touchés par le projet de loi C-29 dont vous êtes saisis.

Nous vous présentons aujourd'hui le même mémoire, avec les cinq mêmes recommandations, que nous avions présenté le 30 avril dernier au ccomité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Nous n'y avons apporté aucune modification parce que le rapport de ce comité n'a pas tenu compte de nos préoccupations. En fait, sur 29 points au sujet desquels le comité du patrimoine canadien a proposé des amendements, 16 portaient entièrement ou en partie sur la modification du nom de l'agence envisagée pour le faire passer d'Agence canadienne des parcs à Agence Parcs Canada. Même si nous appuyons cette recommandation et qu'elle a également été formulée par nos collègues de l'Alliance de la fonction publique, qui avaient comparu en même temps que nous le 30 avril, ce n'est pas vraiment une question très importante pour nos membres.

Nous aimerions également évoquer une préoccupation que nous n'avions pas mentionnée lors de notre comparution devant la Chambre. Les employés ont reçu l'assurance qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois par suite de la création de l'agence. Tous les employés qui occupent des postes devant être transférés à l'agence recevront des offres d'emploi de celle-ci. L'agence respectera la garantie d'emploi de deux ans qui figure dans l'actuelle directive du Conseil du Trésor sur le réaménagement des effectifs. Nous croyons que ce délai de deux ans est trop court. L'employeur s'est montré disposé à négocier une convention collective et une nouvelle politique sur le réaménagement des effectifs et à définir un nouveau système de classification. Nous craignons fort que le délai prévu de deux ans ne suffise pas pour faire tout cela, ce qui laisserait nos membres sans protection si l'employeur procédait à une importante réorganisation.

Nous voulons, par conséquent, recommander que la garantie d'emploi soit maintenue jusqu'à la mise en vigueur de la politique sur le réaménagement des effectifs, des conventions collectives et d'un système classification. Cette recommandation ne figure pas dans le mémoire que vous avez devant vous, mais c'est une préoccupation que nous tenons à exprimer.

Je passe maintenant au mémoire lui-même dont je ne lirai qu'un certain nombre de passages importants. Je vais commencer par la partie II qui traite du concept de la diversification de la prestation des services et de l'Agence Parcs Canada. Nous suivons de près l'évolution du concept de la diversification de la prestation des services depuis qu'il a été annoncé dans le budget de 1996. Nous avons établi un comité spécial pour examiner les initiatives fondées sur ce concept et avons également adopté un énoncé de principes sur la diversification de la prestation des services que nous avons joint à notre mémoire. Les études de l'Institut ont mis en lumière beaucoup de préoccupations sérieuses au sujet de l'agence envisagée, des préoccupations qui s'appliquent également aux initiatives de diversification qui se poursuivent.

Ce qui nous préoccupe le plus, c'est la question de savoir si la diversification de la prestation des services constitue la meilleure solution aux problèmes que connaît le gouvernement dans certains secteurs. Nous croyons que lorsque des problèmes sont découverts, le gouvernement devrait d'abord envisager de les régler par des changements internes avant de se lancer dans des réformes radicales du mode de prestation des services.

Le Conseil du Trésor a défini des critères pour l'adoption de la diversification de la prestation des services, mais il n'a pas montré d'une façon claire comment les critères devraient être appliqués. Une solution faisant appel au concept peut être justifiée dans certains cas, mais nous croyons qu'il faut le prouver avant d'adopter des mesures législatives. La diversification de la prestation des services ne peut pas être adoptée pour des motifs strictement idéologiques.

La nouvelle Agence canadienne des parcs devra, entre autres, protéger les exemples significatifs du patrimoine naturel et culturel du Canada dans les parcs nationaux, les lieux historiques nationaux et les aires marines de conservation, mettre ce patrimoine en valeur par des programmes d'interprétation et d'éducation pour le public, et assurer l'intégrité écologique et commémorative comme préalable à l'usage des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux.

Dans les notes de synthèse qui accompagnent le projet de loi, il est précisé que, dans la foulée des compressions gouvernementales, le Programme Parcs Canada a vu ses crédits réduits d'environ 104 millions de dollars annuellement tout en continuant à atteindre ses objectifs et que les pouvoirs conférés par le projet de loi visent à aider la nouvelle agence à atteindre ces objectifs.

En principe, la nouvelle agence aura une plus grande flexibilité dans la gestion de ses revenus, des contrats conclus et des biens immobilisés. Qui plus est, elle aura l'entière responsabilité des négociations collectives et de la gestion de ses ressources humaines. En ce qui a trait aux négociations collectives, toutefois, l'article 15 du projet de loi prévoit que les négociations collectives seront conformes au mandat de négociation approuvé par le président du Conseil du Trésor.

Le fondement initial de cet engagement tient compte du fait que les crédits annuels ont été réduits de 104 millions de dollars, ce qui se traduit par la nécessité d'un fonctionnement plus efficace. Nous soutenons que la plupart de ces réductions d'effectifs ont déjà eu lieu et que la prestation des services en subira les conséquences, peu importe la façon dont on procédera à la mise en place de la structure. Où est le plan d'entreprise qui justifie une modification si radicale? La structure présentée dans le projet de loi C-29 laisse de nombreuses questions sans réponse. Nous soulèverons certaines de ces questions aujourd'hui.

Le gouvernement a conclu que la manière la plus efficace de gérer nos parcs et autres trésors nationaux passe par l'intermédiaire d'une nouvelle agence établie sous la bannière de la diversification de la prestation des services. Il est toutefois difficile de savoir à quel point cette nouvelle agence sera efficace et à qui elle rendra des comptes. Le projet de loi désigne d'abord un ministre qui devra répondre de la nouvelle agence et de son orientation devant le Parlement.

Le projet de loi permet également au ministre de déléguer ses pouvoirs, sauf celui d'édicter des règlements, mais, en pratique, il ne précise pas du tout de quelle manière cela se fera. Il devra y avoir un conseil consultatif d'intervenants pour conseiller le ministre, le cas échéant, mais il n'est nullement fait mention d'un conseil d'administration pour surveiller les opérations ou la stratégie de l'agence. Il importe de souligner que les employés ne sont pas mentionnés comme étant des intervenants éventuels.

L'article 16 rend le directeur général responsable de l'établissement d'une charte qui énonce les valeurs et principes régissant, au sein de l'agence, la prestation des services au public et la gestion des ressources humaines. Cette charte sera rendue publique. Au cours des derniers mois, un groupe de travail syndical-patronal s'est affairé à concevoir un code d'éthique des ressources humaines pour cette nouvelle agence. Nous croyons que ce document sera incorporé à la charte. Mais qu'est-ce qui empêchera le directeur général, ses mandataires ou ses prédécesseurs de modifier unilatéralement ce code ou cette charte? Qui peut nous assurer que les employés continueront d'être consultés?

Le directeur général fait établir au moins tous les cinq ans, par une organisation externe, un rapport sur la compatibilité de son régime de ressources humaines avec les valeurs et principes qui doivent régir la gestion de ses ressources humaines. C'est à l'article 35. Le projet de loi ne prévoit que cet examen périodique quinquennal pour faire respecter la charte, mais qui s'en chargera entre-temps?

Nous croyons qu'un délai de cinq ans entre les examens est bien trop long. La Loi devrait exiger des rapports plus fréquents, comme celui sur l'état des parcs nationaux qui devra être déposé au Parlement tous les deux ans, conformément à l'article 31 du projet de loi, ou le plan d'entreprise qui le sera chaque année, comme le prévoit l'article 33.

D'après l'alinéa 8f), l'agence peut conclure des contrats, acheter ou vendre des biens et prendre toute autre mesure utile pour la réalisation de sa mission. De plus, le ministre peut lui déléguer le pouvoir d'établir des frais d'accès conformément aux directives du Conseil du Trésor. Encore une fois, l'agence n'est pas vraiment indépendante du Conseil du Trésor.

Voilà qui ne fait qu'embrouiller davantage la hiérarchie des responsabilités. Aux termes de l'article 13, le directeur général a le pouvoir exclusif de superviser et de diriger le travail et les employés de l'agence. Il peut également nommer les employés. Nous reviendrons sur cette question tout à l'heure.

Il semble que la nouvelle agence fera partie du gouvernement selon le bon vouloir du ministre ou lorsque des questions seront posées à la Chambre. Le reste du temps, elle sera dirigée de manière indépendante par un directeur général qui recevra à l'occasion l'avis d'un conseil consultatif et fera l'objet d'une évaluation périodique du vérificateur général.

Le pouvoir de diriger l'agence qui est conféré au ministre compétent paraît aller à l'encontre des pouvoirs du directeur général. Il semble que les contrôles budgétaires seront confiés au Conseil du Trésor, mais que l'établissement des frais dépendra du ministre, puisque cela imposera de prendre des règlements. En outre, aux termes de l'article 15, le directeur général sera habilité, dans le cadre d'un mandat de négociation approuvé par le président du Conseil du Trésor, à conclure des conventions collectives avec les agents négociateurs.

Alors, que se passe-t-il vraiment? L'agence jouira-t-elle d'une autonomie véritable ou est-elle destinée avant tout à créer de nouvelles voies pour la sous-traitance et la diminution du nombre d'employés? Les questions de responsabilisation dont nous avons fait état constituent-elles un précédent pour de futures agences fondées sur le principe de la diversification de la prestation des services ou le gouvernement fera-t-il marche arrière pour préciser qui sera responsable de quoi? L'Institut professionnel admet qu'il convient de regrouper le service des parcs dans un organisme dont le mandat et les ressources ne seront pas tributaires des besoins et de l'orientation d'un ministère de plus grande taille.

Toutefois, nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé de ce nouveau genre d'agence hybride qui chevauche la structure gouvernementale. Nous sommes inquiets pour nos propres membres qui, semble-t-il, n'auront que les inconvénients des deux mondes lorsqu'il s'agira de relations de travail.

Nous sommes également préoccupés par les conséquences pour les Canadiens dont les parcs nationaux, les lieux historiques nationaux et les aires marines de conservation relèveront de cette nouvelle agence. Nous demandons au comité de porter une attention toute particulière aux questions suivantes.

Premièrement, quels avantages l'agence proposée offre-t-elle par rapport à la gestion actuelle que fait Parcs Canada de ces ressources nationales? Deuxièmement, dans la nouvelle structure de l'agence, qui sera réellement responsable, le ministre compétent, le directeur général ou le Parlement? Troisièmement, est-ce que c'est le directeur général ou le ministre qui sera comptable au Parlement de l'utilisation de l'argent des contribuables? Quatrièmement, le Parlement sera-t-il en mesure de surveiller les opérations de l'agence? Cinquièmement, l'agence établira-t-elle son budget de manière indépendante ou fera-t-elle l'objet d'une révision et peut-être de réductions imposées par le ministre ou par le Conseil du Trésor?

Je voudrais maintenant passer pendant quelques instants aux répercussions du projet de loi sur les relations de travail. L'Institut représente la grande majorité des professionnels qui travaillent actuellement pour Parcs Canada et qui travailleront pour la nouvelle agence une fois qu'elle sera créée. À l'heure actuelle, tous les employés nommés par la Commission de la fonction publique sont réputés être des employés du Conseil du Trésor. En vertu du projet de loi C-29, cependant, les employés qui seront transférés à l'Agence canadienne des parcs ou qui y seront nommés par la Commission de la fonction publique seront au service de l'agence elle-même. L'Institut s'inquiète de ce que cela impliquera sur le plan des relations du travail. Nous proposons des amendements qui répondront à ces préoccupations, tout en préservant l'objet de la loi, qui est de créer un employeur distinct habilité à négocier ses propres conditions d'emploi, sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor. Sans les amendements proposés, les employés de l'agence perdront un grand nombre de droits importants dont jouissent actuellement les autres fonctionnaires fédéraux et ce, sans raison apparente. Les membres du comité devraient être conscients que les mêmes droits sont en jeu, non seulement pour les 4 000 employés fédéraux et plus qui travailleront pour la nouvelle agence, mais également pour des milliers d'autres fonctionnaires.

Dans son budget de 1996, le gouvernement a annoncé son intention de créer trois nouveaux employeurs distincts pour s'occuper non seulement de la gestion des parcs, mais également de l'inspection des aliments et des fonctions actuellement confiées à Revenu Canada. On estime qu'ensemble, ces trois nouveaux employeurs distincts emploieront environ 48 000 fonctionnaires fédéraux. Ce nombre dépasse largement les quelque 18 500 personnes qui, au moment de la présentation du budget, étaient au service des employeurs distincts créés par le gouvernement fédéral. Il semble maintenant que ces trois nouveaux employeurs distincts seront soumis au régime législatif qui s'applique à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. On songe même à créer d'autres employeurs distincts qui seront soumis au même régime.

Je vais passer sur les détails du cadre législatif pour en arriver aux recommandations que nous souhaitons formuler, puis aux questions et réponses.

L'Institut professionnel recommande des amendements particuliers du projet de loi C-29 afin d'assurer que les employés de l'Agence canadienne des parcs ne sont pas inutilement privés d'importants droits qui sont acquis au reste des fonctionnaires fédéraux. Premièrement, pour respecter l'intention du Parlement, qui est d'accorder à l'agence la latitude de constituer et de négocier son propre régime de relations de travail, le projet de loi C-29 devrait être amendé de manière à soustraire l'agence à l'article 7 et au paragraphe 69(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ainsi, les agents négociateurs seront en mesure de négocier les questions qui relèvent actuellement de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Deuxièmement, il faudrait ajouter au projet de loi une disposition prévoyant que, par dérogation aux alinéas 92(1)b) et c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les employés de l'agence peuvent renvoyer à l'arbitrage les griefs concernant non seulement des mesures disciplinaires entraînant une sanction pécuniaire, mais également les griefs se rapportant au licenciement, à la suspension ou à la rétrogradation pour des raisons disciplinaires ou non.

Troisièmement, si notre première recommandation n'est pas retenue, l'agence pourrait être assujettie au Code canadien du travail ou encore demeurer sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique pour conserver à la Commission de la fonction publique son rôle d'arbitre impartial en cas d'appel.

Dans les notes de synthèse qui accompagnent le projet de loi, il est précisé que l'agence a choisi de demeurer assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique au lieu d'opter pour le Code canadien du travail parce que celui-ci s'applique aux organismes à vocation commerciale. Ce n'est certes pas le cas des Musées nationaux qui sont régis par le Code et qui fournissent aux Canadiens des services semblables à ceux de Parcs Canada, sans être des organismes à vocation commerciale.

De fait, l'Agence canadienne des parcs est appelée à devenir un organisme de gestion foncière qui devra commercialiser une partie de ses opérations, car elle ne peut compter sur un financement si elle souhaite étendre ses opérations.

D'ailleurs, l'Institut représente des employés d'autres organismes sans but lucratif comme l'Hôpital général de Weeneebayko et l'Hôpital indien de Fort Qu'Appelle, tous deux régis par le Code.

En janvier 1990, les musées canadiens de la civilisation, de la nature, des sciences et de la technologie et celui des beaux-arts ont été constitués en sociétés. À notre avis, l'expérience tant de l'Institut que des employeurs démontre que le climat des relations de travail est demeuré positif sous le régime du Code.

Quatrièmement, l'article 35 devrait être modifié de façon à imposer au directeur général de produire tous les deux ans un rapport sur la compatibilité de son régime de ressources humaines avec les valeurs et principes qui doivent régir la gestion des ressources humaines de l'agence.

Notre dernière recommandation, c'est qu'un mécanisme soit établi afin de permettre aux employés de l'agence d'être mutés à des postes de la fonction publique et de se présenter à ses concours. Le mécanisme permettrait aussi aux fonctionnaires de poser leur candidature à des postes à l'agence à titre de candidats internes. De cette façon, la mobilité et les chances d'avancement des employés seraient accrues et l'agence pourrait profiter d'un plus grand bassin de candidats. D'après les notes de synthèse du ministère sur le projet de loi, l'agence a choisi de demeurer assujettie à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique surtout pour permettre aux employés de continuer à profiter des possibilités d'emploi dans la fonction publique. Cependant, il n'y a aucune garantie à cet égard.

Si le projet de loi C-29 est adopté sans être amendé pour tenir compte des préoccupations que nous avons soulevées, un fragment important de la fonction publique fédérale devra faire son deuil de son caractère impartial et de l'assurance que l'embauche respectera le principe du mérite. Les employés perdront foi en ce nouvel organisme parce qu'ils ne jouiront plus d'aucune protection dans les questions de dotation.

Nous demandons respectueusement aux membres du comité de ne pas laisser les choses se passer ainsi. Même à ce stade avancé, vous avez encore le pouvoir d'apporter ces amendements mineurs qui s'imposent pour dissiper nos craintes.

Le sénateur Cochrane: Vous inquiétez-vous de ce qui pourrait arriver aux employés saisonniers et à contrat de Parcs Canada?

M. Hindle: Les employés saisonniers ne sont pas en général couverts par les conventions collectives négociées avec l'employeur. Nous nous inquiétons bien sûr de la façon dont un employeur doté de pouvoirs aussi étendus pourrait traiter des employés à court terme. Toutefois, ce n'est pas un important sujet de préoccupation pour nos membres dont la période d'emploi est assez longue.

Le sénateur Cochrane: Je crois savoir que l'AFPC appuie ce projet de loi. Pourquoi le fait-elle, à votre avis? Pourquoi l'Alliance a-t-elle un point de vue différent du vôtre? Pourquoi n'a-t-elle pas des préoccupations, comme vous?

M. Hindle: L'AFPC a aussi des préoccupations. Peut-être l'Alliance a-t-elle à s'occuper de plus grands problèmes. Elle a sûrement des préoccupations, mais elle ne croit probablement pas que le gouvernement est disposé à entendre des points de vue sur une vaste gamme de questions, y compris les répercussions sur ses membres de projets de loi portant création de nouvelles agences.

L'AFPC croit que c'est avec l'agence qu'il faut traiter, peu importe ce qui se dit devant un comité sénatorial ou un comité de la Chambre des communes. Elle a bel et bien des préoccupations qu'elle a exprimées devant le comité des Communes. Peut-être en fait s'est-elle montrée plus pragmatique que l'Institut professionnel.

Nous avons de sérieuses réserves au sujet du concept lui-même, à part les questions particulières de relations de travail que nous avons soulevées. Toute cette idée qui consiste à fragmenter le gouvernement pour former de petites agences, de petits employeurs qui ne sont pas vraiment distincts, mais qu'on appelle distincts, pourrait sérieusement compromettre notre capacité de représenter nos membres. Nous nous inquiétons de ce qui se produira si cette tendance se maintient et va encore plus loin dans l'administration fédérale.

Le sénateur Kenny: Je voudrais poser une question au président. Avons-nous ou non invité des représentants de l'AFPC et ont-ils déjà comparu devant nous? Qu'ont-ils dit lorsqu'ils ont comparu?

Le président: Nous avons invité l'Alliance, mais elle s'est excusée.

Le sénateur Kenny: Monsieur Hindle, je veux bien croire que l'Alliance a d'autres chats à fouetter. Toutefois, nous formons ici un comité parlementaire. Habituellement, lorsque des gens sont inquiets, ils viennent nous le dire.

M. Hindle: Habituellement, ils le font. Je ne prétends pas parler au nom de l'Alliance de la fonction publique. Je vous donne simplement mon impression, qui se fonde sur des conversations que j'ai eues avec des cadres de l'Alliance. Ils s'inquiètent bien sûr de la fragmentation de l'administration. Je ne sais pas pour quelle raison précise ils ont décidé de ne pas comparaître ici, je ne sais pas non plus pour quelle raison précise ils pourraient appuyer la création d'une Agence canadienne des parcs, sauf qu'il est justifié de sortir Parcs Canada du giron d'un grand ministère pour lui donner une certaine autonomie.

Le point de vue que nous cherchons à exprimer dans notre mémoire, c'est que le modèle choisi n'est pas celui qui convient le mieux. Il faudrait soit créer un véritable ministère sous le contrôle du gouvernement du Canada, soit établir un authentique employeur distinct sous le régime du Code canadien du travail. Le projet de loi C-29 propose en fait de placer l'agence à moitié dans l'administration fédérale et à moitié, à l'extérieur. À notre avis, c'est tout à fait inacceptable.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le président, je suis d'accord avec l'une des recommandations que ce monsieur a proposées, celle qui demande qu'on établisse un mécanisme permettant aux employés de l'agence d'accéder aux mutations et aux concours de la fonction publique. Cela favorise les bonnes relations dans une organisation et la transmission des connaissances entre les employés. Cela favorise le partage. Je crois que c'est une bonne recommandation.

Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Hindle, on a mentionné l'AFPC. J'ai eu l'occasion de lire le mémoire qu'elle a présenté au comité de la Chambre au sujet du projet de loi. J'ai eu l'impression que l'Alliance trouvait relativement positif le processus mis au point en ce qui concerne le régime des ressources humaines.

Vous avez parlé de l'élaboration d'un code de ressources humaines, sur lequel vous avez travaillé parallèlement au projet de loi. Vous vous inquiétez du maintien de ce code et de la possibilité de le réviser. Est-ce que je me trompe? Je sais que vous ne parlez pas au nom de l'AFPC, mais on peut supposer que c'est également là son point de vue.

M. Blair Stannard, vice-président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, avec votre permission, je vais aborder quelques-uns de ces points. L'AFPC a un problème très différent à cause de la nature de ses membres. L'Alliance compte beaucoup d'employés à temps partiel et d'employés occasionnels. Nous représentons les professionnels, qui sont en général des employés nommés pour une période indéterminée.

L'une des situations qui pourraient survenir à l'agence, si elle est créée dans la forme prévue, s'est produite récemment à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui est un organisme du même genre. On ne sait pas encore, d'une manière définitive, quels employés iront à l'Agence Parcs Canada et lesquels resteront au Patrimoine canadien. On ne sait pas encore quels services seront achetés au Patrimoine canadien et lesquels seront donnés à contrat à l'extérieur.

Au Patrimoine canadien, il y a une activité parallèle visant à donner à contrat une grande partie du travail informatique, par exemple. Je crois que le contrat totalise près de 140 millions de dollars sur sept ans. Cela représente environ 80 p. 100 du budget actuel d'informatique.

Dans une agence, si on a un petit groupe de professionnels -- dans ce cas, je crois qu'une centaine d'informaticiens du Patrimoine canadien travaillent pour Parcs Canada --, il est nécessaire d'établir un mécanisme permettant de recruter ces gens et de les maintenir en fonction.

La situation à l'Agence canadienne d'inspection des aliments était la suivante: les informaticiens du gouvernement fédéral -- dont la grande majorité appartiennent au groupe CS -- étaient parvenus à une entente provisoire avec le Conseil du Trésor du Canada, par suite de laquelle ils avaient obtenu des salaires et des avantages sociaux sensiblement supérieurs à ceux des informaticiens de l'agence.

Dans les 24 heures, les informaticiens de l'agence ont fait savoir à la direction que s'ils n'obtenaient pas des conditions équivalentes, ils donneraient tous leur démission et reviendraient dans la fonction publique. L'agence risquait donc de perdre tout son contingent d'informaticiens du jour au lendemain. Le président de l'agence a donc téléphoné au président de l'IPFP pour voir s'il y avait quelque chose à faire.

Un autre facteur compliquait la situation: comme il s'agissait d'une petite agence, elle avait conclu des ententes pour obtenir la fusion des unités de négociation. Par conséquent, les informaticiens ne se trouvaient même pas dans une unité de négociation distincte. Ils faisaient partie d'une grande unité de professionnels.

Si l'agence devait aller de l'avant avec un régime assujetti à la LRTFP mais non à la LEFP, sans un type quelconque d'échanges professionnels garantis avec la fonction publique, elle pourrait se trouver confrontée à des situations du même genre, à cause du jeu des forces du marché. De nos jours, il n'y a pas beaucoup d'informaticiens qui courent les rues à la recherche d'un emploi. Je crois que nous le savons tous.

Le gouvernement fédéral nous a dit que, d'après ses propres chiffres, il a 3 000 postes vacants. Pourquoi quelqu'un voudrait-il aller travailler pour une petite agence si cela doit lui couper à jamais l'accès à ces 3 000 postes?

Je crois que les agences reconnaissent maintenant l'existence de ce genre de problème. Elles essaient de trouver un moyen -- soit entre employeurs distincts soit entre ces employeurs et le gouvernement fédéral -- d'assurer le perfectionnement et la progression professionnelle des employés, pour être en mesure de les garder. De nos jours, ce sont en effet des compétences essentielles.

Nous avons un moyen très simple d'inclure cette protection dans le projet de loi. Ce serait un moyen de plus d'assurer la continuité des opérations sans que le directeur général ait à téléphoner en catastrophe au syndicat pour demander s'il y a quelque chose à faire pour ne pas perdre tous ses professionnels dans un secteur clé.

C'est un défi. Je ne connais pas la solution, mais je sais qu'en ajoutant une disposition dans le projet de loi, on permettrait aux employés d'être beaucoup plus à l'aise. Il est fort possible que la direction actuelle soit pleine de bonne volonté et de bonne foi, mais si la protection n'est pas inscrite dans le projet de loi, qu'est-ce qui garantit aux employés qu'il en sera de même des équipes de gestion futures?

Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Hindle, j'ai cru vous entendre dire, au début de vos observations, que vous aviez travaillé sur un code de ressources humaines. J'ai même cru comprendre que vous en étiez satisfait. Ai-je mal compris?

M. Hindle: C'est exact, sénateur. Nous avons eu de bonnes discussions avec la direction et avec ceux qui travaillaient à l'établissement de l'agence et avons fait de bons progrès. En toute franchise, nous avons eu avec eux de bien meilleures discussions qu'avec les gens qui se sont occupés de l'établissement de l'Agence d'inspection des aliments, meilleures en fait que les discussions que nous avons actuellement, maintenant que l'agence est opérationnelle.

Nos discussions avec Parcs Canada ont été très ouvertes et utiles. Nous n'acceptons quand même pas encore le concept sur lequel se fonde le projet de loi. Cela ne nous empêche pas de trouver courtois et efficaces les gens avec qui nous avons traité.

Le président: Je précise, pour le compte rendu, que j'ai ici un exemplaire du mémoire présenté au comité de la Chambre des communes par l'Alliance de la fonction publique du Canada. L'Alliance y dit que l'objet du mémoire est d'appuyer avec certaines réserves l'esprit du projet de loi C-29 portant création de l'Agence Parcs Canada, qui doit fonctionner indépendamment des autres ministères. Il est donc officiel, monsieur Hindle, que l'Alliance appuie le projet de loi avec des réserves.

M. Hindle: Oui.

Le sénateur Spivak: Nous aimerions savoir ce que vous pensez du fait que les employés d'employeurs distincts sont traités différemment en vertu de l'article 92 de la LRTFP quand ils présentent des griefs contre des suspensions, des rétrogradations ou des renvois non disciplinaires. Cela a été corrigé par une ordonnance distincte qui infirme cette exclusion dans le cas de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Vous recommandez qu'on fasse la même chose dans ce cas. C'est une mesure très importante, n'est-ce pas? On voit cela se produire dans les différends non disciplinaires entre la direction et les employés.

M. Hindle: C'est en effet très important. Il est exceptionnel, dans le domaine des relations syndicales-patronales et des relations employés-employeur, qu'une affaire en arrive au point où elle prend une telle importance. Lorsqu'on en arrive à une étape grave, nous croyons que le recours à la Commission des relations de travail constitue le mécanisme le plus indiqué, si l'agence doit rester à moitié à l'intérieur et à moitié à l'extérieur de l'administration fédérale. Nous recherchons des dispositions semblables à celles qui ont été adoptées dans le cas de l'Agence d'inspection des aliments.

Le sénateur Spivak: Accordez-vous beaucoup d'importance à ce facteur, croyez-vous que ce soit quelque chose que le comité devrait recommander?

M. Hindle: Oui, sénateur.

Le sénateur Spivak: L'alinéa 8b) du projet de loi autorise l'agence non seulement à acheter, mais aussi à vendre, à échanger ou à autrement aliéner des biens. Qu'en pensez-vous? Si l'agence avait des difficultés financières, cette disposition l'autoriserait à vendre quelques parcs nationaux ou sites patrimoniaux. Est-ce que je me trompe?

M. Hindle: C'est bien comme cela que je comprends ces mots dans leur sens le plus élémentaire. Oui, il est concevable que l'agence puisse vendre un parc.

Le sénateur Spivak: Est-ce qu'il s'agit là d'un nouveau pouvoir? N'a-t-il pas toujours existé dans la loi initiale?

M. Hindle: Il faudrait, je crois, que le gouvernement intervienne pour que cela puisse se faire. Le projet de loi éloignerait le gouvernement d'un cran en donnant ce pouvoir à l'agence.

Le sénateur Spivak: Je suis sûre que l'agence n'a pas du tout l'intention d'agir ainsi. Toutefois, si cela devait se produire par suite d'un manque de fonds, le gouvernement pourrait dire que le pouvoir de décision appartient à l'agence.

M. Hindle: Cela pourrait sûrement arriver.

Le sénateur Spivak: Où est la protection? J'aurais dû poser cette question à notre dernier groupe de témoins.

Le président: Vous pourrez la poser au ministre lorsqu'il comparaîtra demain.

M. Hindle: Ce serait sans doute plus indiqué.

Bref, sénateur, je dirais que je partage votre inquiétude.

Le président: J'ai encore de la difficulté à comprendre pourquoi ce projet de loi nous est présenté. Je trouve que beaucoup de ses aspects positifs auraient facilement pu être mis en oeuvre par voie réglementaire ou en modifiant la loi actuelle. Le projet de loi comporte sans conteste beaucoup d'aspects positifs que je crois très utiles.

M. Hindle: Tout à fait d'accord.

Le président: Cependant, je ne suis pas convaincu que nous avons besoin d'une agence pour profiter de ces avantages. Je ne comprends pas le vrai motif de la création de cette agence. Je poserai la question au ministre demain, mais je voudrais avoir votre avis, si vous en avez un, au sujet du vrai motif de ce projet loi.

M. Hindle: Je peux bien vous donner un avis, mais ce ne sera que cela, un avis.

Nous ne savons pas non plus pourquoi le gouvernement veut déplacer des parties de la fonction publique pour les transférer dans ces nouvelles agences. Il y aurait, paraît-il, un désir de réduire le nombre de «fonctionnaires» pour pouvoir dire aux Canadiens que l'administration publique est plus petite, beaucoup plus petite que sous les gouvernements précédents.

En réalité, le gouvernement ne fait que déplacer des fonctionnaires, tels qu'ils sont définis dans la loi, vers un secteur public plus vaste, sans leur accorder la protection à laquelle on s'attendrait s'ils n'avaient pas été fonctionnaires.

Notre point de vue général, c'est que si on donne le statut d'employeur distinct, il vaut mieux aller jusqu'au bout et placer les gens en cause sous le régime du Code canadien du travail.

Bien sûr, le Code nous cause certaines difficultés. Nous comprenons qu'il ne comprend pas les mêmes mécanismes de règlement des différends par la négociation collective que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Toutefois, en contrepartie, le Code canadien du travail offre la possibilité de tout discuter dans le cadre de la négociation collective. Autrement dit, nous pouvons inclure dans la négociation n'importe quel aspect des conditions d'emploi d'une personne travaillant sous le régime du Code canadien du travail.

Les Musées canadiens et l'Énergie atomique du Canada ont été placés sous le régime du Code canadien du travail. C'est une loi différente, mais elle permet aux parties de régler ensemble leurs différends.

Bref, à notre avis, le gouvernement veut donner aux Canadiens l'impression que l'administration publique est plus petite. Il reste à voir s'il réussira à réduire vraiment l'administration et les dépenses. C'est toujours le contribuable qui paie la facture, que ce soit pour l'agence ou pour Parcs Canada, dans sa forme actuelle au sein de l'administration publique.

Le président: J'ai presque l'impression, dans une certaine mesure, que c'est un exercice de relations publiques.

M. Hindle: Vous avez bien raison.

Le président: J'ai toujours cru que plus il y avait d'unités de négociation, mieux cela valait pour vous. Avec de plus petits groupes, vous pouvez négocier séparément et les jouer les uns contre les autres. La multiplication des unités de négociation joue à l'avantage des syndicats. Est-il plus avantageux pour vous de négocier avec une autre agence plutôt que de garder de plus grandes unités de négociation?

M. Hindle: Il y a probablement une possibilité d'avantage, mais il y a aussi l'inconvénient d'une organisation plus complexe à gérer et de frais administratifs supplémentaires à assumer pour les agents négociateurs afin de traiter avec plus d'un employeur.

Je vais vous donner un exemple. Nous avons 29 unités de négociation dans la fonction publique fédérale. Elles représentent en gros 29 000 de nos 36 000 membres. Cela changera une fois que le gouvernement aura mise en oeuvre la Norme générale de classification. Avec les mêmes 29 000 employés, nous allons probablement tomber à cinq unités de négociation. Chacune sera donc beaucoup plus grande et aura plus de prestige. Nous dépenserons également moins pour administrer les conventions de cinq unités de négociation par rapport à 29.

Mais, ce faisant, nous aurons perdu une chose: la possibilité de traiter de problèmes particuliers au nom de membres particuliers. Par exemple, notre groupe des services infirmiers, actuellement accrédité à titre d'unité de négociation distincte, sera rattaché à une plus grande unité, celle des soins de santé. Les infirmières et infirmiers se trouveront donc dans le même groupe que les médecins, les pharmaciens, les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes, les psychologues et d'autres. Il est clair qu'avec la création de plus grandes unités, il deviendra difficile de parler de questions intéressant particulièrement les infirmières à la table de négociation.

En même temps que des avantages, il y aura des inconvénients. C'est une question d'équilibre. C'est la même chose quand nous parlons du Code canadien du travail. Là aussi, il y a des compromis à faire. Le Code contient moins de mécanismes de règlement de différends, mais permet de négocier une plus vaste gamme de questions à la table. Nous jouons six d'un côté et une demi-douzaine de l'autre.

Le président: Avez-vous une préférence?

M. Hindle: Nous préférons le Code canadien du travail. Nous aimerions, en fait, discuter d'une plus vaste gamme de questions à la table de négociation.

Le sénateur Spivak: Vous notez qu'en vertu de l'article 8, l'agence peut, dans l'exercice de ses fonctions, signer des contrats, des accords ou d'autres ententes. Cela veut-il dire qu'elle peut donner du travail à contrat à l'extérieur?

M. Hindle: Oui.

Le sénateur Spivak: Croyez-vous que cela fasse partie de la tendance qu'il y a, dans le secteur privé, à donner du travail à contrat pour réaliser des économies d'échelle? Dans l'administration, cependant, on le fait souvent pour pouvoir prétendre qu'on a réduit la fonction publique, alors qu'il y a en même temps une meute de consultants qui s'occupent de toutes sortes de choses, ce qui, en définitive, revient probablement au même.

Que pensez-vous de toute cette mentalité d'entreprise, de tout ce travail donné à contrat? À part sa valeur inhérente, que vaut tout cela dans le secteur public?

M. Hindle: Nous avons de sérieuses réserves au sujet du travail donné à contrat. Nous reconnaissons volontiers qu'il y a des cas où on a besoin d'une expertise tellement spécialisée qu'il faut aller la chercher à l'extérieur de la fonction publique. Il arrive aussi qu'on ait des questions qu'il faut régler très rapidement, ce qui nécessite d'engager un grand nombre de personnes dont on n'aura plus besoin une fois le travail fait. Voilà les situations où il convient de recourir à du personnel à contrat.

Nous craignons que le gouvernement ait adopté cette approche -- au moins en partie par suite de six années de restrictions salariales dont cinq avec des augmentations nulles -- parce qu'il est incapable de recruter et de garder des professionnels hautement compétents, les salaires, la rémunération et les conditions d'emploi offerts n'étant pas comparables à ceux de l'entreprise privée.

Les ministères se sont donc retrouvés dans la situation où ils avaient besoin de professionnels hautement compétents pendant de longues périodes, mais étaient incapables de les payer aux taux du marché. Ils ont trouvé un moyen de les payer à ce taux en recourant à des contrats. Cela revient à dire que nous avons des gens dans la fonction publique qui font essentiellement les mêmes fonctions, mais dont les conditions de travail et la rémunération sont différentes.

Notre position face au gouvernement a toujours été la suivante: si vous êtes disposés à payer un certain montant à un entrepreneur possédant certaines compétences, pourquoi ne voulez-vous pas payer le même montant à un fonctionnaire? Bien sûr, il faut tenir compte de tous les avantages sociaux qui accompagnent le statut de fonctionnaire. Ces avantages représentent en gros 30 p. 100 du salaire. Toutefois, nous trouvons de nombreux cas où le montant payé pour des services contractuels dépasse sensiblement le salaire d'un fonctionnaire équivalent majoré de 30 p. 100. Il y a des cas où l'entrepreneur reçoit plus du double du salaire correspondant en tenant compte des avantages sociaux.

Le sénateur Spivak: Compte tenu du fait que le gouvernement s'est engagé à assurer de bons emplois permanents à ses citoyens, croyez-vous que cette tendance à créer des agences aide le gouvernement à atteindre cet objectif ou, au contraire, va à l'encontre de l'objectif?

M. Hindle: Je ne suis pas sûr. Nous n'en savons pas suffisamment sur les nouvelles agences pour pouvoir dire si elles ont un financement suffisant pour offrir des emplois continus à long terme.

Mais je crains fort que les emplois continus à long terme soient en danger. La création même des agences soulève la question fondamentale de savoir dans combien de temps ce gouvernement ou le gouvernement suivant voudra modifier leur structure. Il n'y a pas de doute que les employés se trouveront dans un milieu de travail moins sûr que celui de la fonction publique.

Le président: Pour être juste, monsieur Hindle, il faut dire que l'agence pourrait assurer à vos employés une stabilité qu'ils n'avaient pas lorsqu'on les plaçait dans un ministère un jour, puis dans un autre le lendemain, ce qui semble avoir été le lot quotidien de Parcs Canada. L'agence apporte un élément de stabilité, ce qui est positif, vous ne croyez pas?

M. Hindle: Cela aussi est une possibilité.

Le président: Seulement une possibilité.

M. Hindle: C'est une possibilité. Je ne dis pas que c'est probable.

Le président: Nous naviguons dans des eaux plutôt inconnues.

M. Hindle: C'est ce que j'essaie de déterminer.

Le président: Nous allons maintenant lever la séance jusqu'à 13 heures cet après-midi. Nous recevrons alors le témoin suivant.

La séance est levée.


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