Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 15 juin 1998
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, bonjour. Je déclare la séance ouverte.
Au sujet du projet de loi, nous avons avec nous ce matin l'honorable Paul Martin. Merci, monsieur, de venir ici aujourd'hui. Je crois savoir que vous allez faire une brève déclaration liminaire.
Cependant, avant que vous commenciez, je vous demande si vous avez reçu notre note qui mentionne trois sujets précis qui nous préoccupent. Le premier concerne la Fondation des bourses d'études du millénaire, la deuxième, l'insolvabilité des étudiants, et la troisième, l'imposition dans les réserves.
Vous avez la parole, monsieur.
M. Paul Martin, c.p., député, ministre des Finances: Monsieur le président, j'ai été informé que vous vous intéressez à certains sujets précis. Je n'ai pas reçu de note, mais j'ai été informé.
Tout d'abord, je vous suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée témoigner devant le comité au sujet du projet de loi C-36 concernant diverses dispositions du budget. Mon collègue, Tony Valeri, a comparu ici la semaine dernière pour discuter du projet de loi. En conséquence de ces discussions et en réponse à ce que vous venez de demander, je présenterai une très courte déclaration liminaire afin de laisser plus de temps à la discussion.
Je suis heureux d'ajouter mon appui au projet de loi et de promouvoir son adoption rapide.
[Français]
Tout d'abord, comme vous le savez, ce fut le budget qui annonçait non seulement le premier déficit zéro en 30 ans, mais trois déficits zéro consécutifs pour la première fois en 50 ans.
[Traduction]
Le fait que les Canadiens aient pu équilibrer les livres en un temps relativement aussi court démontre certainement que le Canada possède des forces intrinsèques et que les Canadiens, quand ils veulent s'y mettre, peuvent accomplir des choses formidables. Il s'agit d'une grande victoire pour les Canadiens. Aucun ordre de gouvernement n'y est pour quelque chose.
Sénateurs, face aux problèmes que connaît l'Asie, à l'interdépendance de toutes les économies du monde et à la volatilité des marchés, le fait que les assises du Canada soient aujourd'hui aussi solides représente un atout qui promet un brillant avenir pour notre pays.
Bien que variées, les mesures prévues dans le projet de loi souscrivent à un but commun que le gouvernement a toujours poursuivi depuis son arrivée au pouvoir, à savoir mettre en place une économie forte et une société solidaire. Par exemple, la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances fournit aux Canadiens les moyens nécessaires non seulement pour survivre, mais aussi réussir dans la nouvelle économie du nouveau millénaire.
[Français]
Ces mesures redonnent de l'espoir aux Canadiens et aux Canadiennes. Elles vont compter pour beaucoup dans la vie de chaque travailleur. Elles amplifient la portée de la plus fondamentale des valeurs canadiennes, l'égalité des chances.
[Traduction]
En termes simples, l'acquisition des compétences et du savoir forme l'infrastructure essentielle sur laquelle reposent toutes nos aspirations en tant que pays. Voilà comment nous allons instaurer une culture de l'innovation au Canada, créer des emplois à valeur ajoutée dans l'avenir et parvenir à la qualité de vie que les Canadiens et les Canadiennes méritent. Qu'il s'agisse des cent mille jeunes Canadiens qui recevront chaque année des bourses d'études du millénaire d'une valeur maximale de 3 000 dollars chacune, de la mère seule qui est admissible à une subvention d'études qui lui permettra de retourner à l'école, de l'ouvrier qualifié qui pourra se recycler ou des parents qui pourront profiter de la subvention canadienne pour l'épargne-études pour économiser en vue de l'éducation de leurs enfants, le message contenu dans le budget est clair: tout Canadien qui veut étudier se verra donner la chance de le faire.
Je voudrais aborder maintenant d'autres importants aspects du projet de loi. Vous vous rappellerez que le budget de 1997 a annoncé le régime national de prestations pour enfants. Dans le cadre de ce régime, le gouvernement fédéral améliore la Prestation fiscale canadienne pour enfants tandis que les provinces et les territoires réaffectent les fonds pour améliorer les services et les prestations qu'ils destinent aux familles à faibles revenus, en particulier aux travailleurs économiquement faibles.
Le budget de 1997 proposait d'affecter 850 millions de dollars pour instituer une nouvelle Prestation fiscale canadienne pour enfants dès juillet prochain. En juillet dernier, le Supplément du revenu gagné a bénéficié de 195 millions complémentaires et des prestations améliorées pour enfants commenceront en juillet prochain à aider plus de 1,4 million de familles canadiennes avec 2,5 millions d'enfants. Comme le budget de 1998 l'a annoncé, les consultations menées auprès des provinces et des Canadiens ont abouti à une autre affectation de 850 millions de dollars pour améliorer la Prestation fiscale canadienne pour enfants.
Dans d'autres domaines, le projet de loi C-36 autorise la CIDC, c'est-à-dire la Corporation de développement des investissements du Canada, à vendre la part de 8,5 p. 100 des actions que le gouvernement fédéral détient dans Hibernia.
Le projet de loi C-36 comprend aussi une série de mesures fiscales, notamment une hausse des taux de la taxe d'accise fédérale applicable aux produits du tabac et une réduction de la taxe de transport aérien ainsi que des règles d'élimination de cette taxe plus tard cette année.
À d'autres égards, il permet au ministre des Finances et au ministre du Revenu national de conclure avec des gouvernements autochtones des ententes visant l'imposition de taxes.
En somme, monsieur le président, le projet de loi C-36 est un texte de nature globale qui vise à mettre en oeuvre les nombreuses et importantes mesures prévues dans le budget.
[Français]
J'aimerais terminer en soulignant une fois de plus que le projet de loi C-36 est au coeur même de la vision de l'avenir du gouvernement. Une vision qui comprend une économie plus prospère, appuyée par des régimes améliorés de sécurité personnelle. Une vision où la nation ne mesure pas sa force par des indicateurs économiques mais par la qualité de vie qu'elle accorde à tous ses citoyens et à toutes ses citoyennes. Chaque élément de ce projet de loi va contribuer à l'atteinte de cet objectif.
[Traduction]
Je crois que vous m'avez demandé d'être bref, monsieur le président. Je pense que j'ai accompli cela.
Le président: Merci, monsieur. C'est exact et je vous en sais gré.
[Français]
Le sénateur Bolduc: En ce qui concerne l'assistance financière aux institutions internationales, vous avez fait allusion à la nécessité de ménager une agence internationale de surveillance des institutions internationales des pays en développement. Une agence un peu comme celle de notre inspecteur général sur les institutions financières. Est-ce que la Bank for International Settlements ne pourrait pas agir comme organisme de certification préalable des institutions financières, de sorte que quand le FMI demandera de l'argent au pays, comme on nous demande ici d'en trouver, on aurait déjà une garantie?
Est-ce que aussi le ministère des Finances ne devrait pas s'engager à prêter de l'argent seulement quand il y a eu une certification préalable du ministère des Affaires étrangères sur la valeur de ces institutions et surtout sur le respect des droits de l'homme dans certains pays, par exemple? On sait que cela fait partie de notre politique étrangère. C'est pour cela que je vous pose la question.
M. Martin: C'est une question très pertinente, spécialement lorsqu'on regarde la situation internationale dans laquelle on oeuvre aujourd'hui.
Je pense que la Banque de règlements fait partie d'un ensemble d'institutions qui ont pour but de réglementer ou de regarder la situation financière internationale.
À part du BIS, vous avez l'association qui réglemente la sécurité des valeurs mobilières, la Réglementation de l'assurance, la Banque Mondiale, le FMI et les Banques de développement régional. Le problème que nous avons, est que toutes ces institutions ont un rôle à jouer, mais il n'y a personne qui le coordonne. Notre suggestion est qu'il faut mettre en place un organisme qui va coordonner toutes ces responsabilités sans créer de la duplication entre ces institutions.
Le problème est que chacun a une responsabilité individuelle, mais personne n'a la responsabilité de l'ensemble. C'est d'ailleurs cela qui est arrivé, je pense, en Thaïlande jusqu'à un certain point.
En ce qui concerne votre deuxième point, à savoir si on devrait prêter de l'argent à ces pays, le problème n'a pas été les prêts des gouvernements. Le problème a été vraiment les prêts des banques au secteur privé.
À cause d'un manque de transparence, d'information et de réglementation, il faut dire que beaucoup de ces pays, dans le secteur privé, ont prêté à court terme pour donner du crédit à long terme. C'est pour cela qu'ils se sont retrouvés dans le pétrin. Notre situation vise exactement le même objectif que vous avez, mais on pense que cela prend un organisme de coordination.
Le sénateur Bolduc: Depuis 30 ans, au Québec, on a un régime de bourses qui fonctionne bien, je pense que c'est assez clair. Le gouvernement fédéral a un déficit moindre, évidemment, et il utilise son pouvoir de dépenser pour s'introduire dans ce champ. Une province comme la nôtre, sensible à ces questions, est malheureuse de ce fait. Il y a une sorte d'unanimité dans la province contre ce projet de la part des étudiants, des recteurs d'université, des administrateurs, des professeurs, des syndicats, et cetera, et même de l'Assemblée nationale. Comment se fait-il que le gouvernement, aussitôt qu'il a un peu d'argent utilise son pouvoir de dépenser pour s'embarquer dans un domaine de compétence provinciale et donner une chance au premier ministre, Lucien Bouchard, de faire une élection là-dessus? Il me semble que ce n'est pas sage.
M. Martin: Tous les premiers ministres ont demandé dans un communiqué de presse, il y a à peu près un an, que les ministres des Finances et du Développement des ressources humaines, avant le dernier budget, mettent en place un régime d'aide supplémentaire et qu'on affronte la question de l'accessibilité à l'éducation de la part de leur population étudiante.
Alors nous avons répondu à cette demande. Je crois que c'est l'évidence même lorsqu'on regarde la législation que non seulement la fondation a le plein droit d'entrer en négociations, mais qu'on envisage que la fondation va s'asseoir avec la province de Québec pour utiliser les listes et le système afin de ne pas avoir de duplication et vraiment permettre une coordination entière dans ce domaine avec la province.
Le sénateur Bolduc: Est-ce que vous ne pensez pas que ce serait plus simple d'envoyer un chèque de 600 millions sur dix ans? Cela serait ajouté au 250 millions déjà dépensé sur cela. Les étudiants seraient choisis et vous pourriez leur envoyer un chèque? La gouvernement fédéral serait visible quand même.
M. Martin: Je crois que le but était vraiment de mettre en place, pour célébrer le millénaire, un projet qui était pour durer et qui touchait vraiment l'avenir du pays. Lorsque je regarde ce que d'autres pays sont en train de faire, par exemple, on aurait pu peut-être créer des monuments, des choses semblables. Vous serez d'accord avec moi que d'investir dans l'accessibilité aux compétences est plus durable et touche vraiment les besoins d'une population.
C'est pour cela qu'on l'a fait de cette façon. Je peux vous citer, sénateur Bolduc, la lettre du premier ministre indiquant très clairement que la fondation aura toute la souplesse désirée, toutes les obligations nécessaires pour entrer en négociations avec les provinces et trouver vraiment une façon de coordonner et d'opérer ensemble.
Le sénateur Bolduc: Depuis 35 ans, il n'y avait pas de condition à l'aide à l'enseignement supérieur. Cela était une politique constitutionnelle acceptée par les deux gouvernements.
Or, on introduit finalement des conditions à l'aide à l'enseignement supérieur, parce que d'abord on se dit que cela sera pour les étudiants et ensuite, on met des conditions au mérite et au besoin, et cetera. En plus, on donne un pouvoir discrétionnaire énorme à une fondation, en dehors du gouvernement, pour en définir les conditions.
Il me semble qu'on a perdu une opportunité de maintenir une politique constitutionnelle qui allait de soi, qui ne posait aucun problème dans la province de Québec. Cela a été assez mal reçu chez nous. Je pense qu'il y a un écart à la politique constitutionnelle qui n'est pas facilement acceptable. C'est pour cela qu'il y aurait moyen d'amender ce projet de loi pour le rendre acceptable à tous.
M. Martin: Le premier ministre et le ministre du Développement des ressources humaines, M. Pettigrew, ont indiqué très clairement que la fondation pourrait utiliser la liste des provinces. Il n'y aurait pas de duplication, les critères seront quasiment les mêmes. Alors si la fondation utilise la liste de la province, je pense que nous avons une situation qui va très bien fonctionner.
D'autre part, il faut dire que cela fait longtemps, lorsqu'on regarde les conseils subventionnaires, que le gouvernement fédéral subventionne les étudiants, les personnes qui font de la recherche, soit dans les sciences humaines ou les sciences sociales ou de la recherche de base scientifique. Le précédent existe déjà. Le fédéral <#0139>uvre dans ce domaine au Québec et ailleurs depuis très longtemps.
Le sénateur Beaudoin: Sur le plan du pouvoir de dépenser, on ne nie pas que le fédéral peut verser des sommes d'argent pour la culture et l'éducation. Le seul problème pratique qui se pose, on l'a vu à trois reprises depuis 30 ans, est que le pouvoir de dépenser peut entrer en conflit avec des priorités provinciales dans les champs provinciaux comme, par exemple, l'éducation.
Je pense que ce qu'on doit faire dans un cas comme cela est d'avoir un peu d'imagination, ce n'est pas mauvais, pour essayer de régler un cas pratique. Il se peut que le Québec soit peut-être une des rares provinces à penser de la sorte. Je me suis toujours demandé si on ne doit pas tout faire sur le plan des arrangements administratifs pour régler cette question.
Autrement dit, on a deux pouvoirs: la province a compétence en éducation et le fédéral a le pouvoir de dépenser. La jurisprudence à ce sujet est claire depuis 1937. Il ne reste qu'une seule question: le conflit avec les priorités provinciales. Dans l'instance, Québec est probablement le plus visé. On me dira qu'on a tenté de faire une entente avec le gouvernement provincial. Je le comprends. Il y a eu une résolution à l'Assemblée nationale, cela est une autre donnée. Est-ce qu'il ne faut pas continuer à poursuivre ces efforts pour trouver l'arrangement administratif qui va régler ce problème? Il y a peut-être plusieurs moyens d'y arriver. Je n'aimerais pas qu'on abandonne. J'aimerais qu'on soit d'accord car les pouvoirs existent. On sait ce que la Constitution dit, mais il faut arriver à un compromis à un moment donné. Il faut arriver à une entente. Je pense qu'il ne faut pas jeter la serviette dans l'arène et dire que c'est impossible.
M. Martin: Je suis entièrement d'accord avec vous. Je suis convaincu qu'il y a matière à entente. Vous avez mentionné la motion adoptée le 14 mai à l'Assemblée nationale et sur ce point je vais vous citer un passage de la lettre du premier ministre:
[...] nous avons examiné très attentivement la motion adoptée le 14 mai 1998 à l'Assemblée nationale, ainsi que celle déposée par l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale le 7 mai. L'étude de celles-ci nous amène à conclure qu'il s'agit de positions très valables et positives dont les objectifs rejoignent d'ailleurs l'esprit du projet de loi C-36. En effet, ce projet a été élaboré de manière à reconnaître le rôle, les spécificités et les programmes des provinces dans le domaine de l'aide financière aux étudiants.
Vous avez entièrement raison. On ne devrait pas lancer la serviette. La fondation, le premier ministre l'a indiqué très clairement, doit négocier avec le gouvernement du Québec et les autres provinces pour trouver un terrain d'entente, exactement comme vous venez de le dire.
Le sénateur Beaudoin: À ce moment, la motion adoptée par l'Assemblée nationale serait un point de départ qui paraît acceptable.
M. Martin: La lettre du premier ministre est assez claire. Il y a certainement dans le préambule de la motion des choses peut-être moins acceptables. Lorsqu'on regarde les trois critères établis, par exemple, cela fonctionne très bien.
Le sénateur Bolduc: Est-ce que ce serait possible, pour mettre un peu de pression sur la négociation, de dire que l'article 7 du projet de loi va créer la fondation tout de suite? Pour le reste, on va se donner trois mois pour permettre à la fondation de conclure une entente. Il va y avoir ainsi une pression additionnelle pour que le problème se règle.
M. Martin: Je pense qu'il faut adopter la législation. On a des limites de temps à respecter. En ce qui concerne la fondation, la lettre du premier ministre est très claire. En lisant la lettre du premier ministre, la fondation va reconnaître certainement l'esprit derrière les mots de la législation.
[Traduction]
Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, serait-il possible de faire déposer cette lettre auprès du comité?
M. Martin: Oui
Le sénateur Kinsella: À propos de ce principe, le sénateur Bolduc a demandé s'il est possible de prévoir dans un amendement au projet de loi que la fondation serait tenue de négocier avec les provinces. La lettre du premier ministre mentionne le même principe, soit la nécessité de ce genre de négociation.
Si je comprends bien, le projet de loi n'impose pas cette obligation au conseil d'administration de la fondation. Êtes-vous en faveur d'une autre manière d'atteindre le même objectif? Par exemple, le gouvernement du Canada doit probablement avoir un protocole d'entente qui prévoit la date à laquelle les fonds seront transférés du Trésor fédéral à la fondation. Autrement dit, il y aura un contrat, un instrument.
Serait-il possible d'inscrire dans un tel instrument que la fondation est tenue d'observer ce principe qui, selon, vous a l'appui du premier ministre et qui n'a qu'un caractère facultatif dans le projet de loi actuel?
M. Martin: Sénateur, le projet de loi prévoit que la fondation veillera, dans l'octroi des bourses, à éviter le double emploi et, en fait, à faire fond sur les besoins des provinces et à compléter les programmes existants. La fondation a un pouvoir absolu et la lettre du premier ministre dit clairement que c'est là la véritable intention du libellé du projet de loi. Ce serait très difficile d'envisager d'autres amendements en ce moment parce qu'il y a des délais à respecter.
Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, si nous ne pouvons pas suivre cette voie, que diriez-vous alors de l'instrument qui sera établi pour prévoir le transfert des fonds du Trésor à la fondation? On pourrait inscrire cette obligation dans cet instrument. Autrement dit, un amendement au projet de loi ne sera plus alors nécessaire parce que le transfert des fonds sera assorti d'une condition écrite. Voulez-vous étudier une telle solution?
M. Martin: Je l'étudierai. Nous aimerions tous certainement une solution qui appuie l'esprit du projet de loi. Je ne suis pas sûr, cependant, jusqu'à quel point elle serait obligatoire. Il faudra examiner la question et c'est certainement ce que ferai.
Le sénateur Bryden: M. Martin, notre comité a abordé la question à plusieurs reprises déjà. Si je comprends bien, le projet de loi autorise la fondation à entreprendre des négociations et à conclure des accords. L'autre côté est d'avis qu'il faut prévoir dans le projet de loi ou dans quelque autre instrument «l'obligation» pour la fondation de conclure un tel accord. Si nous prévoyions cette obligation, quelle serait la sanction en cas d'inobservation? Comment peut-on en contrôler l'application? Je vois mal comment on peut aller au-delà de ce que nous avons maintenant.
M. Martin: C'est aussi mon avis. La fondation a l'autorisation. La lettre du ministre a explicité très clairement l'intention de ce qui est écrit dans le projet de loi, mais je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin et transformer cela en une obligation.
[Français]
Le sénateur Rivest: Monsieur le ministre, cela implique qu'éventuellement, le gouvernement fédéral pourrait agir unilatéralement s'il n'y a pas d'obligation à une entente.
M. Martin: Ce n'est pas le gouvernement fédéral, c'est une fondation indépendante.
Le sénateur Rivest: Dans le nouveau concept du fédéralisme, on a le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces et le gouvernement des fondations.
M. Martin: Je pense que tout le monde est d'accord qu'il y a beaucoup davantage à avoir des fondations indépendantes.
Le sénateur Rivest: Pourquoi est-ce dans le champ des juridiction des provinces? Encore en fin de semaine, regardez au conseil général du Parti libéral du Québec, M. Ryan, un ancien ministre de l'Éducation, un homme extrêmement respecté, est encore une fois intervenu. Où est l'urgence d'adopter ce projet de loi, cette fondation? Comme le sénateur Bolduc vous l'a dit, vous pouvez créer la structure. Où est l'urgence d'avoir le projet de loi tel qu'il est? En laissant la porte ouverte, s'il n'y a pas d'entente, on va foncer dans le tas via la fondation.
Les premiers bénéficiaires de cette fondation ce sont les étudiants. Je ne sais pas si vous avez lu le mémoire extrêmement bien articulé des étudiants à ce comité. Ces premiers bénéficiaires ne veulent pas ce projet du gouvernement et on s'obstine à vouloir adopter le projet de loi.
Comme le sénateur Bolduc l'a indiqué, au Québec, politiquement, cette histoire risque d'être extrêmement dommageable. Elle l'est d'abord pour le régime de prêts et de bourses sur le plan administratif et financier. Il n'y a pas d'obligation d'entente. On pourrait faire double emploi. Le ministère de l'Éducation va cacher ses listes. Vous voyez toute la confusion que cela peut créer, on ne veut pas l'inclure dans le projet de loi. On ne propose aucun amendement. On crée un problème politique considérable au Québec dans une période et un contexte où il faudrait bien éviter d'en créer.
Je ne comprends pas cet entêtement. J'accepte le principe que le gouvernement fédéral mette de l'argent à la disposition des étudiants, mais pourquoi n'est-il pas possible de faire comme Lester B. Pearson et Jean Lesage ont fait en 1964? Leur projet n'avait-il pas de bon sens?
M. Martin: Vous m'avez posé la question sur l'urgence de l'adoption de ce projet de loi. Je peux vous dire que partout au Canada où j'ai visité les collèges et les universités, que ce soit au Québec ou ailleurs, la première question qu'on m'a posé est: pourquoi toujours attendre l'an 2000? Les étudiants veulent savoir s'ils peuvent avoir l'argent en 1999. L'urgence vient, sénateur Rivest, de la part des étudiants et des étudiantes. C'est la même chose au Québec que ce l'est ailleurs. Les étudiants reçoivent des prêts, ils veulent avoir de l'aide pour financer leurs études et ils nous demandent pourquoi nous attendons l'an 2 000.
Le sénateur Rivest: Oui, mais il y a une structure. Le sénateur Bolduc vous l'a dit, le besoin existait aussi au moment où M. Lesage et M. Pearson ont signé l'entente. Le besoin est criant, vous avez parfaitement raison. Les étudiants en sont très conscients, ils sont venus nous le dire. Mais pourquoi prendre un véhicule dont personne ne veut? Tout le monde veut aller vers la destination que vous évoquez, mais c'est un véhicule qui ne marche pas et qui crée des problèmes administratifs et politiques. Le gouvernement fédéral se tire là-dedans. Cela n'a pas de bon sens. Je sais que c'est le projet du premier ministre et il y tient, tant mieux pour lui, mais tant pis pour le régime fédéral. Au Québec, ce genre d'initiative unilatérale, c'est le destructeur de l'option fédérale et vous le savez très bien. Vous ne pourrez pas me le dire. Je ne comprends pas qu'on donne ainsi au Parti québécois et aux péquistes un excellent discours de destruction du régime fédéral. On leur donne l'occasion une nouvelle fois. Nous, les gens qui sommes de l'option canadienne, leur donnons cette option. Je ne comprends pas.
M. Martin: Tout d'abord, il faut dire que, lorsqu'on regarde les conseils subventionnaires, cela fait très longtemps que le gouvernement canadien donne des octrois aux étudiants qui poursuivent des études postsecondaires. Le précédent est là depuis certainement le temps de M. Pearson et de M. Lesage. Personne n'a dit que le fédéral ne devrait pas le faire. Au Québec, tout le monde applaudit cette initiative.
Deuxièmement, sénateur Rivest, je ne peux que répéter que selon le désir même du premier ministre, dans sa lettre et dans la législation, toute la flexibilité est là pour éviter tout double emploi et pour coopérer entièrement avec les provinces, incluant la province de Québec, dans ce domaine.
Le sénateur Rivest: Pourquoi ne pas ajouter les mots: «doit avoir une entente avec les gouvernements des provinces» comme le sénateur Bolduc vous l'a suggéré.
M. Martin: Parce que c'est une fondation indépendante. Chaque province pourrait être très différente. Le sénateur Bryden a fait le point là-dessus, et la lettre du premier ministre est très claire sur le désir du gouvernement.
Le sénateur Rivest: Si le désir ne se concrétise pas, c'est-à-dire s'il n'y pas d'entente, pour toutes sortes de raisons, le gouvernement fédéral va procéder.
M. Martin: Je ne peux pas concevoir qu'il n'y ait pas d'entente. Ce serait un non-sens parce que le Québec et les autres provinces ont tellement à gagner. On n'a pas dit au Québec que si les étudiants prennent cet argent et que le Québec ne peut pas le mettre ailleurs dans l'éducation, ils ont un échéancier énorme dans lequel ils peuvent opérer.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, je voudrais revenir à ma première question, si vous me le permettez. Vous reconnaîtrez que vous faites quelque chose de nouveau, vous introduisez des conditions dans l'aide à l'enseignement supérieur. Plus que cela, vous définissez une priorité dans l'aide à l'enseignement supérieur.
Or, ceux qui connaissent le domaine de l'éducation au niveau provincial peuvent vous garantir que la priorité n'est pas là. Les gens qui connaissent l'éducation ou l'enseignement supérieur savent que ce n'est pas la priorité.
M. Martin: Vous avez dit que vous alliez revenir à votre première question, qui concernait les institutions internationales; j'ai bien aimé cette question.
Le sénateur Bolduc: Mais il faut vous torturer un peu. Votre premier ministre a péché et j'espère que vous, quand vous serez le boss, ne ferez pas cela.
Le sénateur Rivest: C'est le seul espoir qu'il nous reste.
Le sénateur Joyal: Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur une accusation qui est faite de façon générale, que ce projet de loi c'est le projet de loi du premier ministre et que c'est une volonté du premier ministre. On est en train d'essayer, en discutant de ce projet de loi, de remettre en question les choix du premier ministre.
Je voudrais rappelé à mes collègues de l'autre côté, que dans le livre bleu, à la page 33, et je cite:
L'avènement d'une économie de l'information faisant appel à des compétences spécialisées transforme le marché du travail. Les emplois de demain exigeront presque tous une formation dépassant le niveau secondaire et nous forcent à adopter une culture fondée sur l'éducation permanente.
Ce qui suit est le programme du Parti conservateur à la dernière élection, il y a un an, et je cite:
Un gouvernement Charest permettra à plus d'étudiants de joindre les rangs collégiaux et universitaires:
en affectant 100 millions $ à un programme de bourses d'excellence, qui ouvrira les portes des études supérieures à 25 000 étudiants démunis qui auront obtenu les meilleures notes lors d'un examen couvrant des matières obligatoires;
en collaborant avec les provinces intéressées à la mise sur pied de programmes universels d'aide aux étudiants financés par le secteur privé. TOUS les étudiants auront droit à cette aide et rembourseront leurs prêts après avoir obtenu leur diplôme, suivant des modalités établies en fonction de leur revenu personnel;
Je me demande, monsieur le ministre, si on n'a pas oublié dans le débat, de reconnaître que cette réalité de l'entêtement des étudiants est une réalité dont nous partageons l'impact de part et d'autre de ce comité. Je crois que nous devons démystifier l'idée qui fait de ce projet de loi celui du premier ministre.
Lorsqu'on dit que les priorités dans le domaine de l'éducation ne doivent pas être l'endettement des étudiants, je voudrais encore une fois citer le communiqué conjoint des premiers ministres à leur réunion du mois de décembre 1997, donc il y a environ six mois. Il y a un paragraphe extrêmement précis dans ce communiqué, parlant du crédit d'impôt pour les enfants, comme vous l'avez souligné, mais dans le domaine de l'éducation, le communiqué mentionne de façon extrêmement précise l'endettement des étudiants. Je voudrais le citer pour que ce soit bien clair dans l'esprit de tout le monde. On remet en cause constamment que l'intervention dans ce projet de loi sur l'endettement des étudiants n'est pas la priorité, et je cite:
[Traduction]
Les premiers ministres sont tous d'avis qu'il est important de réduire le fardeau financier qui pèse sur les étudiants. En plus, le ministre des Finances et le ministre du Développement des ressources humaines vont accélérer les consultations tenues avec les ministres provinciaux et territoriaux de l'éducation afin de fournir au ministre des Finances les éléments dont il aura besoin pour préparer le prochain budget fédéral.
[Français]
Il me semble que lorsqu'on veut débattre de ce projet de loi, il y a des arguments qu'on peut avancer pour des effets de galerie. Mais au Sénat, nous avons l'obligation d'avoir une réflexion sobre et sereine au niveau des projets de loi qui nous viennent de la Chambre des communes.
Dans cette réflexion sobre et sereine, un des éléments qui m'apparaît des plus importants, ce sont les commentaires du vérificateur général au sujet de la Fondation pour l'innovation. Vous vous souvenez que le vérificateur général, dans son rapport annuel, a soulevé ces points, et mon collègue le sénateur Bolduc l'a également mentionné dans son discours au Sénat. Vous savez que le vérificateur général a d'énormes réserves sur le fonctionnement de la Fondation pour l'innovation. J'imagine qu'il réitérerait les mêmes réserves à l'égard de la Fondation des bourses du millénaire. Je sais qu'on ne vous a pas conseillé spécifiquement là-dessus, mais est-ce que vous êtes en mesure de répondre aux objections que l'on pourrait émettre à l'égard du fonctionnement de la fondation qui pourrait la mettre en conflit par rapport aux normes de la Loi sur l'administration financière?
M. Martin: Oui, très bien. Tout d'abord, sur votre préambule, j'ai déjà cité les premiers ministres des provinces. Vous aviez entièrement raison, c'est vraiment à la demande des premiers ministres des provinces que nous avons agi. Deuxièmement, j'avais la citation du Parti conservateur -- le sénateur Simard est souvent un peu plus partisan -- que je gardais afin de la citer moi-même. C'est certainement une initiative du premier ministre, mais tout le budget a été une initiative du premier ministre. C'est la reconnaissance que si nous voulons créer des emplois dans l'économie moderne, les compétences vont compter.
C'est pour cela que le premier ministre a voulu que l'on investisse dans la recherche et le développement. C'est pour cela qu'il a voulu qu'on crée une stratégie pour l'égalité des chances qui va beaucoup plus loin que la Fondation du millénaire. Vous avez le crédit de 17 p. 100 pour les prêts aux étudiants. Vous avez l'octroi de 3000 dollars pour des familles monoparentales où le parent, habituellement une femme, veut retourner à l'école. Il est très important d'aider les gens à retourner à l'école. Vous avez en même temps le régime épargne-étude.
Lorsque le budget va être oublié, dans 10 ans, le régime épargne-étude va durer comme le symbole, avec la Fondation du millénaire, de ce budget. On est prêt à mettre l'argent dans les mains des parents pour aider leurs enfants.
Le budget envisage vraiment l'égalité des chances dans une économie moderne. Ceci est très important. Il faut dire que tout cela a été l'initiative du premier ministre.
En ce qui concerne la comptabilité, le sénateur Bolduc le mentionnait, on a une différence d'opinion avec le vérificateur général, c'est aussi simple que cela. Il faut expliquer pourquoi.
Pour nous, la transparence de nos livres est cruciale. Dans le secteur privé, lorsque vous avez une obligation, vous êtes tenu de le mettre dans vos livres immédiatement. Certains disent que ce n'est pas la même chose dans le secteur public. Je pense que le secteur public a le responsabilité d'être aussi transparent sinon plus que le secteur privé. C'est la première chose.
Deuxièmement, on a une lettre du bureau de comptables Coopers, Lybranb, qui nous dit, même en faisant l'interprétation des règles dans le secteur public, que c'est vraiment une zone grise. Ils nous ont dit qu'il y avait des arguments en faveur du vérificateur général et en notre faveur. Ils ont dit que lorsqu'on se retrouve dans une zone grise, c'est vraiment la décision du gouvernement qui doit l'emporter. Je ne sais pas si vous avez cette lettre.
[Traduction]
Sénateur, avez-vous les lettres des cabinets Coopers & Lybrand et Ernst & Young?
Le président: Non, si je me souviens bien.
M. Martin: Pour répondre aux sénateurs Joyal et Bolduc, je voudrais déposer ces lettres. Grosso modo, ces cabinets disent que la divergence d'opinions entre le vérificateur général et nous est discutable. Ce n'est pas net. À notre avis, il nous incombe dans ce débat d'être aussi ouvert et aussi transparent que possible.
Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. Le ministre a dit vouloir déposer certains documents. Les avez-vous avec vous?
M. Martin: J'en doute, mais je vais m'assurer que vous les aurez avant la fin de la séance.
Le sénateur Cools: Excellent. Chers collègues, je propose que ces documents soient déposés auprès du comité.
Le président: Honorables sénateurs, est-ce d'accord pour que ces documents soient déposés auprès du comité?
Des voix: D'accord.
[Français]
Le sénateur Bolduc: En disant cela, Coopers, Lybrand mentionne que lorsqu'il y a un débat entre les pratiques comptables acceptées dans le secteur privé et l'opinion du gouvernement du jour, l'adjudication doit se faire par le gouvernement.
[Traduction]
À mon avis, ce n'est pas une façon judicieuse de le faire. Ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin d'inscrire ces paramètres dans la loi même?
[Français]
M. Martin: Il se peut que vous ayez raison. On pourrait l'étudier. Coopers, Lybrand mentionne que lorsqu'on regarde l'interprétation, dans le secteur public, c'est une zone grise. Lorsque vous avez une zone grise sur l'interprétation, le gouvernement a non seulement le droit mais la responsabilité de faire son choix. C'est cela que nous avons fait. Votre suggestion d'aller plus loin et de modifier la loi est certainement quelque chose qu'on pourrait étudier.
Le sénateur Bolduc: Dans le fond, c'est une règle qui devrait être dans la Loi sur l'administration financière parce que cela devrait faire l'objet d'un débat. Autrement, le secteur public voit des règles appliquées pour lui contraires à celles qui sont appliquées dans le secteur privé.
C'est un peu comme la Loi de la protection des consommateurs au Québec où on dit que dans le privé, vous n'avez pas le droit de dire des menteries ou des choses qui n'ont pas de bon sens. Or on sait que les partis politiques, pendant les campagnes électorales, promettent toutes sortes de choses en public et c'est le contraire de ce qui se produit dans la réalité une fois que le gouvernement arrive au pouvoir. Il décide ensuite que l'Accord de libre-échange est bon. Si la Loi sur la protection des consommateurs s'appliquait aux politiciens, il y en a qui iraient en prison.
M. Martin: Nous sommes d'accord avec l'idée que la réglementation ou l'interprétation des états financiers dans le secteur public devrait être aussi transparente que dans le secteur privé.
Vous avez beaucoup plus d'expérience politique que moi quant à votre deuxième commentaire, mais je partage votre point de vue.
[Traduction]
Le sénateur Bryden: Je voudrais maintenant aborder la question d'exclure les prêts d'études de la procédure d'insolvabilité et de faillite pendant une période de dix ans.
L'Institut d'insolvabilité et l'Association du Barreau canadien, qui sont tous deux venus témoigner devant ce comité, s'inquiètent surtout de la prolongation de deux à dix ans du délai de grâce pour le remboursement des prêts d'études.
J'ai essayé de défendre la décision en soulignant qu'il n'y a pas de dispositions expresses concernant l'insolvabilité des étudiants qui éprouvent de la difficulté à rembourser leurs prêts d'études. Pouvez-vous, vous ou vos collaborateurs, nous éclairer à ce sujet? Cela a posé un problème pour nous l'autre jour.
M. Martin: Le projet de loi C-36 prévoit, dans une de ses parties, une grande amélioration des mesures applicables aux étudiants qui ont de la difficulté avec leurs prêts d'études. Grosso modo, les modifications apportées permettent aux étudiants de continuer à bénéficier de l'allégement des intérêts lorsque leurs revenus augmentent.
Nous étendrons cet allégement aux niveaux de revenus plus élevés. Nous avons prolongé la période de remboursement en la portant de 10 à 15 ans pour ceux qui ne sont plus admissibles à l'allégement des intérêts. Cela permettra de réduire de presque du quart le montant de leurs mensualités. Nous avons aussi prolongé la période de remboursement en la portant de 30 mois à 54 mois. Et j'en passe.
La série de mesures d'allégement des intérêts et du remboursement que nous mettons en place permettra au bout du compte d'exonérer 50 p. 100 du principal du prêt de sorte qu'il n'est pas nécessaire pour les étudiants d'avoir recours à la loi sur la faillite. En fait, ce que nous voulons précisément, c'est qu'ils tiennent compte de l'allégement des intérêts plutôt que d'invoquer cette loi.
Par ailleurs, plusieurs provinces nous ont demandé justement de faire cela. Le nombre des faillites qui se produisent au cours des deux premières années est stupéfiant. Les prêts d'études ont augmenté d'environ 14 p. 100 et les faillites d'environ 35 p. 100. Comme vous le savez, certains contrôles sont nécessaires si nous ne voulons pas qu'un bon programme donne lieu à des abus.
Le président: Si vous me le permettez, j'aurais une question complémentaire à poser.
Ce que vous dites est juste, monsieur, mais l'Association du Barreau canadien estime qu'il n'y a pas de statistiques fiables à cet égard parce que les dispositions législatives ne remontent qu'à deux ans. Les représentants de cette association ont aussi fait valoir que l'on assiste à une hausse du taux de faillite dans l'ensemble de la population, à cause d'un recours accru au crédit. Ils disent que même s'il y a effectivement une augmentation des cas d'insolvabilité chez les étudiants, ces cas sont moins nombreux que ceux constatés pour l'ensemble des Canadiens moyens.
Qu'en pensez-vous?
M. Martin: Tout d'abord, sénateur, comme vous l'avez dit, les spécialistes semblent d'avis que, pendant l'essentiel des trois quarts de la dernière décennie, il y a eu une augmentation du nombre de faillites, augmentation largement attribuable à l'utilisation des cartes de crédit et probablement aussi au traumatisme causé par la récession au début de l'actuelle décennie.
Cela étant dit, certaines données récentes montrent un ralentissement dans l'augmentation du nombre de faillites, mais pas dans celle du nombre de faillites chez les étudiants. D'après les chiffres, on constate une augmentation de 14 p. 100 des prêts étudiants et une hausse de 38 p. 100 des faillites, ce qui est nettement supérieur à toute donnée comparable dans l'ensemble de la population.
Le président: Les étudiants actuels, c'est-à-dire ceux qui termineront leurs études de premier cycle avant la mise en oeuvre du fonds du millénaire, s'estiment victimes de discrimination. Les étudiants qui obtiendront leur diplôme lorsque le fonds du millénaire sera en oeuvre pourront présenter une demande pour se prévaloir de celui-ci. Par contre, ceux qui sont actuellement aux études et qui ont subi une hausse vertigineuse de leurs frais de scolarité seront visés par la disposition concernant les 10 ans. Ils se demandent évidemment pourquoi ils sont visés, pourquoi ils font l'objet d'un traitement discriminatoire, alors que les autres jeunes bénéficieront d'avantages accrus.
M. Martin: Dans une certaine mesure, c'est vrai, mais ils font aussi l'objet d'un traitement particulier qui est à leur avantage. Les étudiants qui obtiendront ainsi leur diplôme pourront se prévaloir du crédit de 17 p. 100, ce qui est loin d'être négligeable. Par ailleurs, ils seront les premiers à bénéficier du programme d'allégement des intérêts qui est considérablement amélioré et prolongé. Il est très important d'examiner quelles étaient les possibilités d'allégement des intérêts et de remboursement du principal auparavant. Toute personne impartiale reconnaîtra que les modalités sont nettement préférables maintenant.
Le président: J'en conviens, mais cela n'est pas expressément prévu dans le projet de loi.
M. Martin: L'allégement des taux d'intérêt?
Le président: En effet. Est-ce prévu dans le projet de loi même?
M. Martin: On me dit que c'est prévu dans les règlements.
Le président: C'est ce que je pensais. Les règlements peuvent toutefois être modifiés au moyen d'un décret.
M. Martin: En effet, ils pourraient l'être.
Le président: Ou par un autre ministre des Finances. C'est cela qui m'inquiète. Alors que vous faites passer de deux à dix ans la période prévue dans le projet de loi, l'allégement des taux d'intérêt est prévu par règlement et, si quelqu'un d'autre vous succède comme ministre des Finances ou que des changements surviennent, les règles imposées aux étudiants pourraient changer. Voilà où je veux en venir.
Le sénateur Forest: Monsieur le ministre, comme vous le savez, je m'intéresse vivement à la question de l'enseignement postsecondaire. Notre comité sénatorial chargé d'étudier cette question s'est déplacé partout au Canada pour interviewer des étudiants, des recteurs et des gens du milieu des affaires canadien. Il est vrai que le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis et celui présenté l'an dernier ont tenu compte des préoccupations des étudiants relativement aux prêts qui leur sont consentis et à leurs taux d'intérêt, tout comme les programmes d'études pour lesquels les parents pourront économiser. Tous ces aspects sont positifs, et nous nous en réjouissons.
Il est peut-être intéressant de signaler que, dans toutes les provinces sauf au Québec, on a réclamé une présence fédérale plus importante dans le secteur de l'éducation. Nous n'avons pas réglé ce problème.
Comme vous l'avez dit vous-même, nous avons tous à coeur que les étudiants du Québec puissent se prévaloir du fond du millénaire d'une manière qui sera très avantageuse pour eux. Nous sommes conscients qu'il est impossible d'apporter des modifications en ce moment, mais pouvez-vous nous donner, ainsi qu'aux étudiants du Québec, l'assurance que l'on examinera toutes les solutions possibles lors des négociations, de manière à faire en sorte que les besoins des étudiants de cette province soient pris en considération au même titre que ceux des étudiants de toutes les autres provinces?
Pouvez-vous transmettre ce message au premier ministre?
M. Martin: Oui, je peux certainement le faire et je le ferai. Je puis vous dire que l'objectif ultime du premier ministre, du Cabinet et du caucus est de faciliter l'accès à l'éducation de centaines de milliers d'étudiants canadiens, de leur faciliter la tâche, de leur donner les moyens non seulement de survivre, mais aussi de réussir dans un contexte économique qui sera très difficile, mais enthousiasmant. Je vais certainement transmettre votre message, sénateur.
Le sénateur Forest: C'est très important. Je vous remercie.
Le sénateur Kinsella: Dans un tout autre ordre d'idées, monsieur le ministre, à la page 52 du projet de loi, vous proposez de modifier la Loi sur l'assurance-emploi en prévoyant de nouvelles dispositions à l'article 96. Si j'ai bien compris, ce que vous proposez essentiellement, c'est d'offrir, en 1999 et en l'an 2000, un incitatif pour encourager l'embauche de travailleurs de moins de 25 ans. Ce genre de mesure sociale comporte toutefois des risques.
Cela n'aura-t-il pas pour effet d'encourager les employeurs à mettre à pied des travailleurs de plus de 25 ans pour les remplacer par d'autres de moins de 25 ans? Cet aspect doit vous préoccuper aussi, car vous avez prévu dans le projet de loi que le remboursement des cotisations sera annulé si un organisme compétent détermine qu'un employeur a congédié un employé pour se prévaloir de pareil incitatif. Je suis curieux de savoir quel genre d'organisme compétent vous avez en tête. S'agirait-il de la Commission des droits de la personne ou souhaitez-vous que les dispositions en ce sens s'inscrivent dans les conventions collectives qui traitent d'ancienneté, de licenciements et d'embauche? Avez-vous fait des études à ce sujet? Vous proposez d'accorder un encouragement ou une réduction des cotisations aux entreprises qui embaucheront des gens de moins de 25 ans, mais il y a là un risque que vous semblez vous-même appréhender.
Pouvez-vous apporter quelques éclaircissements à cet égard?
M. Martin: Sénateur, de toute évidence, il y aura énormément d'entreprises qui se prévaudront de ces dispositions. Si certains abusent des dispositions proposées, il est évident que les employés lésés s'en plaindront et que le gouvernement interviendra très rapidement.
Permettez-moi de répondre à ce que je crois être l'essentiel de votre question, question très importante d'ailleurs.
Comme vous vous en souviendrez peut-être, certaines dispositions d'un budget antérieur exemptaient de petites et moyennes entreprises du paiement des cotisations d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi. Ces dispositions sont restées en vigueur pendant deux ans. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, les chambres de commerce, le CCCE et d'autres regroupements d'entreprises pour résoudre un certain nombre de problèmes. Comment encourage-t-on les entreprises à embaucher des gens qui, autrement, seraient considérés comme étant inemployables? Comment les encourage-t-on à embaucher des personnes handicapées physiquement? Comment les encourage-t-on à embaucher de jeunes Canadiens?
Pendant la période de consultations, les inquiétudes au sujet du taux de chômage élevé chez les jeunes sont ressorties clairement, et il nous fallait trouver des mesures incitatives. À la lumière de nos discussions avec les syndicats et avec les associations d'entreprises, nous avons constaté que la seule solution consistait à mettre en oeuvre des projets pilotes en ce sens. C'est ce que nous sommes en train de faire. J'espère que ces mesures seront efficaces, mais nous acquerrons du même coup un ensemble de connaissances qui nous permettront justement de répondre aux questions que vous soulevez, et je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Le sénateur Kinsella: La Commission des droits de la personne, organisme qui s'occupe des dispositions législatives interdisant la discrimination fondée sur l'âge au Canada, participe-t-elle au processus?
M. Martin: Nous avons tenu des consultations à ce sujet. Nous n'avons pas consulté la commission, mais nous avons demandé des avis juridiques à cet égard. On nous a dit que cela ne contrevenait pas à la loi. Nous-mêmes, nous nous préoccupions de cela.
Le président: J'ai une question liée à la partie 4 du projet de loi proposé. Une bande iroquoise nous a présenté un exposé dans lequel elle s'est inquiétée des droits qui sont conférés aux bandes et qui les autorisent à imposer des taxes sur les ventes d'alcool, de tabac et de carburant dans les réserves. Cette bande a expliqué que, en vertu de la Loi sur les Indiens, le fait d'être exempté des taxes dans les réserves est un droit individuel. Nous essayons de comprendre les effets de cette partie du projet de loi et les raisons pour lesquelles la bande a fait un exposé en ce sens. Nous ne comprenons pas bien les motivations derrière tout cela. Pourriez-vous éclairer nos lanternes?
M. Martin: Je vais essayer. Je ne veux pas qu'on m'accuse de mal interpréter ce que les témoins en question vous ont dit, mais si je puis risquer une hypothèse, je dirais que ces témoins estiment peut-être que si les Indiens sont exemptés des impôts en vertu de la Loi sur les Indiens, pareille imposition va à l'encontre de la loi. Je pense que c'est peut-être là leur position. Ce n'est toutefois pas la nôtre. Ce n'est pas ainsi que nous interprétons la loi.
Je vais exprimer une opinion personnelle. Il y a probablement 100 000 domaines dans lesquels je ne suis pas spécialiste, et c'est là l'un d'eux.
Je pense que Sa Majesté a peut-être craint que les gouvernements ne se servent de leurs pouvoirs d'imposition pour annuler les traités. Or, ce n'est pas le cas lorsque les taxes sont imposées par les bandes elles-mêmes. La situation est tout à fait différente.
Cela ne va pas à l'encontre de la Loi sur Indiens. En fait, c'est probablement une étape essentielle de l'évolution vers l'autonomie gouvernementale, car les intéressés peuvent ainsi générer des recettes provenant de l'intérieur.
Le président: Le temps prévu pour les questions est écoulé, mais je sais que bien d'autres questions restent en suspens.
Le ministre a-t-il le temps de répondre à d'autres questions et est-il disposé à le faire?
M. Martin: Cela dépend des questions.
[Français]
Le sénateur Rivest: Si je comprends bien, ce que le premier ministre vous a demandé de nous dire au sujet de son projet de bourses du millénaire, c'est qu'il ne souhaite aucun amendement.
M. Martin: D'abord, le point soulevé par le sénateur Joyal est très important. C'est un projet du gouvernement qui fait partie de l'égalité des chances et de la philosophie de base selon laquelle on développe une économie moderne. Ce n'est pas le désir du premier ministre d'amender le projet de loi. Le temps nous met dans une position où nous ne sommes pas en mesure d'accepter un amendement.
Le sénateur Rivest: Je vous pose la question parce qu'il y a le président de la CSN qui vient témoigner devant nous cet après-midi et on rencontre aussi des gens du gouvernement du Québec, mais je comprends que c'est à peu près inutile. M. Chrétien ne veut pas de modifications à son projet. Il le veut tel quel. Il nous renverse.
M. Martin: Il faut passer la législation parce qu'il y a beaucoup de mesures et beaucoup d'actions du gouvernement qui dépendent de cette législation.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Comme nous avons rarement l'occasion de poser des questions au ministre des Finances, je vais commencer par une question d'ordre général.
Monsieur le ministre, comment se fait-il que, malgré le fait que nos assises économiques ne soient pas si mauvaises, et compte tenu de la baisse de la valeur du dollar canadien, nous ne soyons pas davantage concurrentiels sur la scène internationale?
M. Martin: Sénateur, vous avez soulevé une question très judicieuse et importante.
Selon les critères de différents organismes internationaux qui s'intéressent à la compétitivité, le Canada s'en tire relativement bien. Quoi qu'il en soit, je trouve votre question tout à fait pertinente par rapport à la productivité.
Je puis répondre à votre question de bien des façons. Premièrement, selon les données non scientifiques sur la productivité, nous nous en tirons assez bien. J'ai rencontré récemment les représentants d'une association de manufacturiers. Ils pensent que leur productivité s'améliore considérablement. J'ai rencontré des représentants de l'Association canadienne de technologie de pointe qui partagent aussi cet avis. La plupart des fournisseurs de services et des firmes d'ingénierie voient une amélioration. Les statistiques, sénateur, ne montrent toutefois pas cette amélioration, et c'est pour cette raison que votre question est tout à fait pertinente.
Aux États-Unis, Allan Greenspan et d'autres ont dit que les mesures de la productivité ne sont tout simplement plus représentatives de la productivité réelle. Comment mesure-t-on la productivité dans une industrie de services? Comment mesure-t-on la productivité provenant d'une foule d'instruments financiers qui, de toute évidence, sont une force de production dans un monde en rapide évolution?
Je pense, sénateur, qu'il y a deux facteurs à considérer. Premièrement, nos mesures sont clairement dépassées et, deuxièmement, nous devons faire un bien meilleur travail pour évaluer la productivité. Cela étant dit, la productivité joue évidemment un rôle capital par rapport à la capacité de notre économie d'améliorer le niveau de vie de notre société et à notre capacité de nous mesurer au reste du monde.
Je pense que nous avons beaucoup à faire. Nous devons investir dans l'éducation et les activités de recherche et développement et maintenir nos impôts le plus bas possible.
Sénateur, vous avez soulevé ce qui pourrait fort bien être la question fondamentale par excellence pour l'économie canadienne.
Le sénateur Cools: Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité ce matin. Je vous sais également gré de l'empressement et de la disponibilité que vous avez montrés à notre endroit. En fait, monsieur le ministre, vous vous êtes plié à notre horaire et vous vous êtes donné passablement de mal aujourd'hui. Je voudrais aussi vous remercier d'avoir répondu à bon nombre des préoccupations sérieuses soulevées par les membres de l'autre côté.
Je vous suis personnellement reconnaissante des mesures novatrices contenues dans le projet de loi C-36. C'est un projet de loi original et créatif. Il tente de placer l'argent directement dans les mains de ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire les étudiants eux-mêmes. Je vous sais gré de ces mesures novatrices, et c'est ma façon à moi de vous dire personnellement merci.
Enfin, au nom des Canadiens, je vous félicite du travail extraordinaire que vous avez accompli en mettant de l'ordre dans les finances publiques de notre pays. Cela dit, vous ne comparaissez pas très souvent devant notre comité. Je vous invite donc à venir nous rencontrer fréquemment.
M. Martin: Si vous continuez à parler ainsi, je viendrai aussi souvent que vous le voudrez!
Le président: Je vous remercie infiniment, monsieur Martin.
Nous allons maintenant entendre des représentants de la Société canadienne du cancer. M. Rob Cunningham a une brève déclaration préliminaire à faire, après quoi nous passerons à la période des questions.
Avant d'aller plus loin, je vous signale que, jeudi, nous avons demandé les modifications de la Chambre des communes. Nous avons prié le greffier de demander une réponse. Nous avons maintenant cette réponse. Elle n'est qu'en anglais pour l'instant et nous devons attendre la traduction avant de pouvoir la diffuser. Nous pouvons étudier les points à l'ordre du jour d'aujourd'hui; je pense que cela ne devrait pas poser de problème.
La parole est à vous, monsieur Cunningham.
[Français]
M. Rob Cunningham, avocat, analyste principal des politiques, Société canadienne du cancer: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis aussi l'auteur du livre Smoking Mirrors, The Canadian Tobacco War.
Au nom de la Société canadienne du cancer, j'appuie l'augmentation de la taxe sur les cigarettes et les bâtonnets de tabac proposée dans le projet de loi C-36.
[Traduction]
Il est très positif de ramener les taxes sur le tabac à leur niveau d'avant 1994, année où elles avaient été réduites; c'est un pas dans la bonne direction. Nous félicitons le ministre des Finances, M. Martin, des dispositions qu'il a proposées dans ce projet de loi pour accroître les taxes et nous reconnaissons aussi les efforts qu'ont déployés le ministre de la Santé, M. Allan Rock, et celui du Revenu national, M. Herb Dhaliwal, efforts qui ont été à l'origine de cette annonce.
Nous considérons que des taxes plus élevées sur le tabac sont une composante essentielle et importante d'une stratégie globale visant à réduire le tabagisme dans l'ensemble de la population et chez les adolescents.
Pour situer les choses dans une juste perspective, disons que le projet de loi prévoit une augmentation de la taxe fédérale d'accise de 60 cents la cartouche de 200 cigarettes dans quatre provinces -- soit l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard -- et de 40 cents la cartouche, au Nouveau-Brunswick. Si l'on tient compte des hausses correspondantes dans les provinces, l'augmentation totale est de 1,20 $ dans quatre provinces, et de 80 cents, au Nouveau-Brunswick. Malgré ces augmentations, en Ontario et au Québec, les taxes sur la cartouche de cigarettes restent de 16 $ inférieures à ce qu'elles étaient avant la réduction des taxes de 1994.
Dans les documents qui vous ont été remis, il y a un graphique tiré du Globe and Mail qui compare les taxes avant et après la hausse prévue dans le projet de loi actuellement à l'étude et avant la réduction des taxes de 1994.
Les documents comprennent aussi une carte qui montre les prix comparatifs de vente au détail d'une cartouche de cigarettes dans différentes provinces et dans les États américains voisins. On peut voir à quel point les prix de vente au détail en Ontario et au Québec restent inférieurs à ceux de certains États américains voisins comme le Michigan et l'État de New York. Cela nous laisse donc une marge de manoeuvre pour imposer une hausse des taxes sur le tabac encore plus importante, sans pour autant occasionner des risques de contrebande. On constate aussi des différences de prix considérables entre les provinces de l'Ouest du Canada et les États américains.
Nous sommes déçus que, dans les quatre ans qui se sont écoulés depuis la réduction des taxes annoncée en février 1994, les provinces de l'ouest ou Terre-Neuve n'aient pas augmenté les taxes sur les produits liés au tabac. Nous déplorons aussi le fait que les feuilles de tabac et le tabac pour les rouleuses n'aient pas fait l'objet d'une hausse de taxe et qu'aucune mesure n'ait été prise pour interdire la vente de tabac dans les boutiques hors taxes, comme cela sera interdit dans les pays de l'Union européenne, à compter de 1999.
Nous avons distribué aux membres du comité un prototype de paquet. Nous proposons cela au gouvernement afin qu'il diffuse davantage d'information aux consommateurs -- à la fois sur les poisons que contient le produit et sur les mises en garde au chapitre de la santé. À l'intérieur du paquet, on voit la représentation visuelle d'un des effets sur la santé qui, en l'occurrence, met en garde contre les risques de gangrène. Sur le paquet, vous remarquerez aussi un exemple de timbre qui est susceptible d'être amélioré et qui pourrait montrer les taxes acquittées selon les provinces. Cela contribuerait à régler le risque de contrebande interprovinciale. Le ministre du Revenu, M. Herb Dhaliwal, a dit qu'il étudiait cette possibilité. Des pourparlers sont en cours avec les provinces, et nous félicitons le ministre ainsi que le gouvernement de cette initiative.
[Français]
Au sujet de la quatrième partie du projet de loi, nous appuyons les mesures imposant une taxe sur une réserve imposées par un conseil.Cela va améliorer les efforts pour réduire le tabagisme chez les Amérindiens, lequel, à l'heure actuelle, est beaucoup plus élevé qu'il ne l'est pour la population en général. Cela est causé par l'accessibilité et le prix moins élevé des cigarettes. Ces mesures aideront à contrôler la contrebande parce que les prix ne seront pas différents sur les réserves et cela donnera également des revenus au conseil.
[Traduction]
Avant de répondre à vos questions, je voudrais formuler deux observations. La première a trait aux bâtonnets de tabac. Le projet de loi commence à refermer une échappatoire qui permet que le taux de taxe sur les bâtonnets de tabac soit inférieur au taux de taxe sur les cigarettes. Les sociétés de tabac font preuve de beaucoup d'imagination lorsqu'il s'agit de protéger leurs ventes. Elles ont imaginé ce produit tout simplement pour éviter le taux de taxe applicable aux cigarettes. Ces bâtonnets sont des cigarettes pré-formées qui sont vendues avec les tubes de papier. Un petit appareil permet d'insérer le bâtonnet dans le tube. Comme la première société à vendre ce produit a vu ses ventes augmenter, Imperial Tobacco a réagi vers la fin de 1997 en mettant en vente son propre produit, qui est un bâtonnet de tabac auquel est fixé un filtre. Il suffit au consommateur de coller un papier sur le filtre pour avoir une cigarette. Selon Imperial Tobacco, ce produit devrait être assimilé à un bâtonnet de tabac. Pour ma part, je dirais qu'il s'agit bel et bien d'une cigarette. Revenu Canada estime, du moins pour le moment, qu'il s'agit de bâtonnets de tabac, c'est pourquoi un taux de taxe inférieur s'applique à ce produit.
Il y a une échappatoire. Je remercie le gouvernement de commencer à la refermer. Cependant, nous espérons que le prochain budget l'éliminera complètement.
Pour ce qui est de la contrebande et du rôle des fabricants, un reportage du fifth estate de janvier 1998 révélait des informations troublantes sur les liens entre les fabricants, les cadres et la contrebande. À l'époque, notre organisation et d'autres aussi ont demandé une enquête policière sur les fabricants de tabac et nous restons convaincus qu'une telle enquête s'impose et que la contrebande a été un problème très grave ces dernières années.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Monsieur, lorsque Jake Epp était ministre de la Santé, le gouvernement avait beaucoup augmenté les taxes, mais elles ont été abaissées en 1994. Ce retour en arrière a été justifié par la contrebande. Je suis d'accord avec vous et je suis tout à fait en faveur de l'élimination de ce produit, mais nous avons appris que nous ne pouvons augmenter les taxes que jusqu'à un certain niveau. Passé un certain seuil, la contrebande surgit. Je suis du Manitoba et même là, des gens ont été condamnés à payer des amendes et à purger des peines d'emprisonnement pour être allé aux États-Unis acheter des cigarettes afin de les passer en contrebande en Ontario.
Reconnaissant que l'on ne peut pas interdire de fumer, quels autres moyens que les taxes pourraient dissuader les gens de fumer? Si j'étais fumeur, je mettrais mes cigarettes dans un étui à cigarettes pour ne pas avoir à lire le message d'avertissement sur les paquets originaux. Sachant que la prohibition ne fonctionne pas, sachant que des taxes élevées ne fonctionnent pas, quel est, à votre avis, la stratégie à long terme qui permettrait d'amener les gens à cesser de fumer?
M. Cunningham: La contrebande a été un très grave problème en 1993. Au cours de cette année-là, de 25 à 30 p. 100 des cigarettes vendues au Canada étaient des produits de contrebande. Nous avions recommandé des mesures autres que la réduction de la taxe sur le tabac pour juguler la contrebande.
Au Canada, de 90 à 95 p. 100 des produits illégaux sur le marché provenaient des usines des fabricants canadiens. Ceux-ci étaient des complices. Ils exportaient aux États-Unis en sachant très bien que leurs produits reviendraient immédiatement au Canada illégalement.
Une augmentation du taux de la taxe plus marquée que ce qui est proposé dans le projet de loi n'entraînerait pas de contrebande parce que les prix dans les États américains voisins de l'Ontario et du Québec sont plus élevés que dans ces provinces. Il n'est pas nécessaire que nous abaissions les taxes.
Nous recommandons une stratégie globale pour réduire la consommation de tabac. Les taxes ne sont qu'un outil. L'uniformisation des paquets et des avertissements plus sévères sont un autre moyen. Nous préconisons des programmes d'information pour tous. À cet égard, je remercie le Sénat d'avoir adopté le projet de loi S-13, sur la responsabilité de l'industrie du tabac, qui reconnaît les avantages de telles initiatives pour réduire la consommation de tabac, particulièrement chez les jeunes. L'interdiction de fumer sur les lieux de travail et dans les lieux publics a aussi des répercussions. Nous préconisons une intervention sur tous les fronts. Les taxes ne sont qu'un élément d'une stratégie globale.
Le sénateur Moore: Comment fonctionne cette contrebande? De toute évidence, son moteur est l'argent, le profit. Cependant, vous dites que le produit part des Canada à destination des États-Unis et revient au Canada. En utilisant votre carte, pouvez-vous me donner un exemple de province qui expédie aux États-Unis -- montrez-moi dans quel État -- un produit qui revient illégalement au Canada?
M. Cunningham: Essentiellement, il y a quatre grandes usines au Canada dont trois sont situées au Québec: deux à Montréal et une à Québec. L'autre se trouve à Guelph, en Ontario. Selon un scénario, les cigarettes partent d'une usine de Montréal à destination du nord de l'État de New York.
Le sénateur Moore: Et elles sont vendues combien?
M. Cunningham: À l'exportation, les taxes canadiennes et américaines ne s'appliquent pas. Les choses fonctionnaient ainsi avant que les taxes canadiennes soient réduites. Elles sont vendues entre 8 et 10 $ la cartouche. Pour l'exportation, les fabricants vendaient au prix coûtant. Dans bien des cas, ils payaient même les taxes américaines. Ils exportaient sur de supposés marchés hors taxe, à toutes fins utiles inexistants. La demande traditionnelle est de trois quarts de milliard de cigarettes canadiennes par année aux États-Unis, mais nous avons vu les fabricants faire passer leurs exportations à 18 milliards d'unités en 1993 sans qu'il y ait augmentation correspondante de la demande. Selon certaines indications, 80 p. 100 de la contrebande se serait faite par la réserve d'Akwesasne, qui chevauche l'Ontario, le Québec et l'État de New York. De là, les cigarettes de contrebande prenaient la direction de différentes régions du Canada. Cependant, le plus gros pourcentage de cigarettes de contrebande était vendu au Québec.
Le sénateur Forest: Y avait-il contrebande dans les deux sens?
M. Cunningham: Non. Les cigarettes partaient du Canada vers le nord de l'État de New York.
Le sénateur Moore: Sans aucune taxe, ni américaine ni canadienne?
M. Cunningham: C'est exact.
Le sénateur Moore: Est-ce normal?
M. Cunningham: Lorsque les cigarettes sont exportées sur un marché hors taxe, oui, c'est normal.
Le sénateur Moore: Que voulez-vous dire par «un marché hors taxe»?
M. Cunningham: Ce sont des magasins situés près de la frontière. Traditionnellement, c'est un marché trop petit pour absorber autant de cigarettes. On peut exporter certaines quantités de produits vers les États-Unis sans devoir payer les taxes canadiennes ou américaines. Le problème c'est que les quantités étaient complètement disproportionnées.
[Français]
Le sénateur Rivest: Les mesures annoncées par M. Landry d'imposer une taxe aux distributeurs et aux grossistes me semblent être dans la bonne direction. Ne croyez-vous pas que cela pourrait favoriser l'importation de cigarettes américaines au Québec?
M. Cunningham: Non, pour les produits importés des États-Unis ou de tout autre pays, nous avons l'obligation de payer les mêmes taxes.
Le sénateur Rivest: Je comprends, mais les cigarettes qui sont importées par la voie de la contrebande?
M. Cunningham: Non, je pense ces mesures vont améliorer la situation. Vous voulez dire l'importation illégale?
Le sénateur Rivest: Oui.
M. Cunningham: Non, parce que le produit est imposé au moment où il entre au Canada. Il sera plus difficile de le vendre sur la réserve et cela va diminuer l'opportunité pour le contrebandier.
Le sénateur Rivest: La mise en route est difficile parce que les porte-parole de la communauté autochtone ont été contre cette mesure. Je ne sais pas comment elle sera mise en vigueur.
M. Cunningham: Les détaillants ont leur propre licence et s'ils contreviennent à la loi, ils perdent leur licence.
Le sénateur Rivest: Quant aux mesures d'éducation à l'école, est-ce que la Société canadienne du cancer a mis en place des programmes spécifiques contre le tabagisme?
M. Cunningham: Oui.
Le sénateur Rivest: Dans les provinces?
M. Cunningham: Oui.
Le sénateur Rivest: Êtes-vous satisfait de la façon dont on communique ce message aux enfants et aux jeunes?
M. Cunningham: Selon nous, on pourrait faire plus pour augmenter les programmes d'éducation antitabac auprès des jeunes, c'est pourquoi nous appuyons le projet de loi S-13. On a différentes façons de communiquer avec les jeunes, par exemple à l'école, à la télévision, dans les films, sur les panneaux publicitaires, et cetera. En Californie et au Massachusetts, on a obtenu beaucoup de succès avec un programme antitabac bien financé qui se poursuit année après année.
Le sénateur Rivest: Il y a un accroissement, entre autres, chez les jeunes filles où la consommation du tabac continue d'augmenter malgré ces programmes.
M. Cunningham: Plusieurs facteurs influencent le niveau de tabagisme. Un qui est très important est le prix. Il y a eu un sondage au Québec indiquant que le tabagisme parmi les étudiants a augmenté de 19 p. 100 à 38 p. 100 entre 1991 et 1996.
Le sénateur Rivest: La loi interdit aux jeunes de moins de 18 ans de s'acheter des cigarettes. Au Québec, il n'y a pas moyen d'aller dans une tabagie -- j'imagine que c'est la même chose dans le reste du Canada -- sans avoir de jeunes adolescents qui nous demandent d'acheter un paquet de cigarettes pour eux. C'est illégal de faire cela?
M. Cunningham: Les lois des provinces varient, mais la loi fédérale interdit aux adultes de faire cela dans un endroit public.
[Traduction]
Le sénateur Forest: Je m'intéresse beaucoup à la carte où on compare le prix des cigarettes entre les provinces et les États voisins. Je suis de l'Alberta, où la cartouche coûte 41 $. Au Montana, juste au sud, elle coûte 24 $. Dans l'Est, c'est l'inverse. Au Québec, la cartouche coûte 30 $ tandis qu'au Maine, elle coûte 36 $. Je m'interroge sur la cause et les répercussions de cette situation.
M. Cunningham: En 1994, le gouvernement fédéral et cinq provinces ont réduit leur taxe sur le tabac. Cependant, les quatre provinces de l'Ouest et Terre-Neuve ne l'ont pas fait. Comme nous le voyons, les prix dans ces provinces sont beaucoup plus élevés que dans les États américains voisins.
L'Ontario et le Québec sont parmi les provinces où la réduction de la taxe a été la plus marquée. Le prix de vente au détail est passé de 48 $ la cartouche à environ 23 $. Mais il y a eu quelques augmentations depuis ce temps. C'est ce qui explique les différences de prix actuelles.
Le sénateur Forest: Au Montana, la cartouche coûte 24 $ tandis qu'elle coûte 41 $ en Alberta. Je sais que la province n'est pas très peuplée, mais y a-t-il beaucoup de contrebande?
M. Cunningham: Non. Les fabricants de tabac admettent que, en pourcentage du marché, il n'y pas beaucoup de contrebande entre les États-Unis et le Canada en ce moment. Il y a un peu de contrebande interprovinciale entre l'Ontario et le Québec. En Colombie-Britannique, j'ai vu des rapports faisant étant d'une situation plus sérieuse. Néanmoins, en termes de pourcentage du marché, la contrebande reste très modeste et ne se compare en rien à ce qui existait avant les réductions de taxes de 1994.
Le président: Merci d'être venu, monsieur. Comme vous pouvez le voir par nos questions, nous sommes dans votre camp.
Le sénateur Cools: Puis-je poser une question sur le Budget des dépenses supplémentaire (A)? Je dois en parler au Sénat. Apparemment, il est en traduction quelque part. J'aimerais que le comité le présente maintenant et l'approuve afin qu'il soit devant le Sénat ce soir. Je pourrais aborder demain le projet de loi C-46. Nous attendons le budget depuis une semaine.
Le président: Je rappelle que nous avons reporté le sujet parce que nous étions trop occupés pour l'aborder.
Le sénateur Cools: Oui. Le débat au Sénat a été reporté.
Le président: Le dépôt du rapport n'est pas une grosse affaire.
Le sénateur Cools: Le comité pourrait adopter le rapport avant de se présenter au Sénat. Nous l'aurions cet après-midi. Il doit être présenté ce soir.
Deuxièmement, je regarde l'horaire prévu pour aujourd'hui. Si j'ai bien compris ce que nous avons convenu jeudi dernier, nous devions entendre des témoins à 14 h 45 puis procéder à une étude article par article du projet de loi. Selon le dernier avis, nous avons une brève séance technique avec des représentants du Québec entre 15 et 16 heures. Le problème, c'est que je prévoyais m'absenter de cette réunion.
Le président: Nous avions convenu de les entendre. Nous avons pensé qu'ils pourraient venir plus tôt, mais c'était l'heure qui leur convenait le mieux. Nous ajournerons donc à 14 h 45, nous rencontrerons ces gens du Québec, puis nous reprendrons notre réunion de façon formelle à 16 heures pour une étude article par article.
Ces témoins veulent passer en revue les aspects techniques du projet de loi. Nous avons accepté simplement parce qu'il est plus convenable de les rencontrer que de ne pas les rencontrer. Si nous ne les rencontrions pas, la question prendrait une coloration politique.
Le sénateur Cools: Je n'ai aucune objection.
Le président: Ils ne veulent pas nous rencontrer dans une réunion publique, aussi allons-nous ajourner notre séance.
Le sénateur Cools: Donc, il ne s'agit pas d'une séance d'information.
Le président: Il s'agit d'un examen. Après nous pourrons poser des questions. Ils nous présenteront leur point de vue sur la question.
Le sénateur Rivest: Ils veulent expliquer comment fonctionne le système actuel ainsi que ses difficultés techniques. Ce sont des fonctionnaires qui font partie d'une délégation du Québec à Ottawa.
Le sénateur Cools: J'ai une réunion du comité des affaires sociales à 16 heures.
Le président: Nous avions fait savoir à tout le monde que nous allions nous réunir toute la journée, jusqu'à 19 h 30. C'est ce que nous allons faire. Cela a toujours été notre intention parce que nous essayons d'être le plus coopératif possible pour faire une étude approfondie du projet de loi.
Le sénateur Cools: Je ne doute pas de votre esprit de collaboration.
Le président: C'est un sous-ministre du Québec qui vient nous rencontrer.
Mesdames et messieurs, nous avons un calendrier serré à respecter. Je vous demande de poursuivre.
Alice McCaleb, de la Bande indienne de Kamloops, veuillez nous présenter les gens qui vous accompagnent, puis présenter votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions.
Mme Alice McCaleb, membre de la Bande indienne de Kamloops: Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'avoir la possibilité de comparaître devant votre comité aujourd'hui. Mon avocat, Kelly Harvey Ross, ainsi que Roger Obonsawin m'accompagnent.
Kelly Ross présentera le premier exposé.
M. Kelly Ross, conseiller, Bande indienne de Kamloops: Je veux présenter le premier mémoire écrit. Je crois que les sénateurs ont le texte entre les mains.
Je propose de parcourir le sommaire puis d'exposer les grandes lignes du différend qui oppose les membres de la Bande indienne de Kamloops à son chef et à son conseil.
Le 11 juin 1998, Cora Joan Anthony, membre de la Bande indienne de Kamloops, a demandé à la Cour fédérale, conformément aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, un contrôle judiciaire de la résolution adoptée le 27 juin 1997 par le chef et le conseil de la Bande indienne de Kamloops. Le texte des plaidoyers et de l'affidavit à l'appui de Cora Anthony sont joints en annexe pour que vous les preniez en considération à une date ultérieure.
Les motifs du contrôle sont les suivants: l'intimé a agi sans compétence ou a outrepassé celle-ci, selon les termes de l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale; l'intimé n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter, aux termes de l'alinéa 18.1(4)b); l'intimé a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier, aux termes de l'alinéa 18.1(4)c); l'intimé n'a pas respecté les articles 4.1, 4.2, 10.3, 12 et 13 du Règlement de la bande intitulé «Kamloops Indian Band Rules Governing Band Meetings By-law No. 1996-2» et adopté en vertu des alinéas 81(1)c), 81(1)d) et 81(1)g) de la Loi sur les Indiens.
Il est allégué que, dans l'état actuel des choses, l'intimé a violé les normes minimales régissant les principes d'équité procédurale et de justice naturelle que tous les offices, commissions et tribunaux fédéraux doivent respecter lorsqu'une personne est dépossédée de biens personnels ou lorsque ceux-ci sont confisqués.
Plus précisément, lorsque l'intimé a adopté la résolution, à minuit le 24 juin 1997, en présence de seulement 27 membres de la bande, il a violé les dispositions sur les avis et sur le quorum ainsi que les règles de procédure de la bande qui donnent à un membre le droit de répliquer à une motion le privant de ses biens personnels, niant par le fait même aux membres de la bande le droit d'être entendus et de présenter des mémoires sur la résolution.
Les préoccupations des membres de la bande peuvent se résumer ainsi: La Cour suprême du Canada a déclaré que le revenu personnel des Indiens inscrits vivant dans une réserve constitue un bien personnel et est donc exempté de l'impôt sur le revenu des particuliers.
L'intimé n'a jamais consulté les membres de la bande sur la partie 4 du projet de loi C-36 et n'a jamais expliqué les conséquences de cette partie avant le 10 juin 1998, dans un dossier d'information.
L'intimé avait en sa possession une ébauche du règlement intitulé: «Kamloops Indian Band Sales Tax By-law 1998» depuis le 4 février 1994, mais n'a jamais soumis ce document aux membres de la bande pour qu'ils l'examinent et en discutent lors d'une réunion de la bande.
Lors de la réunion de la bande du 24 juin 1997, il n'a jamais été question du règlement sur l'imposition.
Contrairement à l'obligation qui lui est faite de soumettre ce document aux membres de la bande, comme il est mentionné au paragraphe 5, l'intimé n'a jamais donné préavis du fait que la question de l'imposition serait inscrite à l'ordre du jour de la réunion du 24 juin 1997 et serait mise aux voix.
Par conséquent, les membres de la bande n'ont jamais eu la possibilité de tenir un débat approfondi sur le règlement d'imposition.
Les règles de procédure de la bande fixent le quorum à 50 personnes. Lorsque le règlement sur l'imposition a été présenté par le conseiller principal, vers minuit, il n'y avait que 27 personnes présentes. Selon la coutume, lorsqu'il n'y a pas quorum lors d'une réunion de la bande, la rencontre est transformée en réunion d'information.
Il y a actuellement 120 membres qui s'opposent au règlement sur l'imposition et estiment que l'intimé n'a jamais obtenu des membres de la bande le pouvoir nécessaire pour adopter ce règlement.
À notre humble avis, l'exemption de l'impôt accordée par l'article 87 de la Loi sur les Indiens ne peut être levée qu'après avis en bonne et due forme, débat et consentement éclairé des membres de la bande.
C'est là la norme minimale à respecter en regard des principes d'équité procédurale et de justice naturelle en common law.
Les faits sont détaillés aux paragraphes 8 à 28 de notre mémoire. Je les résume rapidement en insistant tout particulièrement sur les questions d'équité procédurale et de justice naturelle.
Le comité doit garder à l'esprit que, aux termes des règlements de la bande concernant les réunions de celle-ci, l'ordre du jour doit être communiqué à l'avance. Cela n'a pas été fait.
Les règles de procédure fixent le quorum à 50 personnes pour la tenue d'un vote. Lors de la réunion du 24 juin 1997, il n'y avait pas quorum.
Troisièmement, le revenu des Indiens inscrits qui vivent dans une réserve est exempté de l'impôt, un point c'est tout. Si on envisage de lever cette exemption -- en l'occurrence à l'égard de la Bande indienne de Kamloops --, nous estimons qu'il faut en donner préavis aux membres et leur permettre d'exprimer leur point de vue.
J'attire également l'attention du comité sur les deux dispositions dérogatoires qui entrent en conflit. L'article 87 de la Loi sur les Indiens figure au paragraphe 26 du mémoire. On y lit:
Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale [...]
Le paragraphe 59(1) du projet de loi C-36 commence par ces mots:
Malgré l'article 87 de la Loi sur les Indiens [...]
À notre humble avis, les deux dispositions dérogatoires que je viens de mentionner ne lèvent pas l'exemption de l'impôt dont bénéficient les membres de la bande. Voici pourquoi. L'expression «Nonobstant toute autre loi fédérale» de l'article 87 de la Loi sur les Indiens s'applique également à la partie 4 du projet de loi C-36.
Dans la cause Nowegijick c. la Reine, la Cour suprême du Canada a déclaré que, s'il existait une ambiguïté entre deux lois ou s'il y avait une ambiguïté dans une loi concernant les Indiens inscrits, en particulier à l'égard du régime d'imposition des Indiens inscrits, cette ambiguïté devait être tranchée en faveur des Indiens. À notre humble avis, puisque le paragraphe 59(1) du projet de loi est en conflit avec l'article 87 de la Loi sur les Indiens, une simple lecture des deux textes permet de conclure que ce dernier a préséance et que les membres de la bande restent exemptés de l'impôt.
Pour ce qui est des principes de justice naturelle et d'équité procédurale, le paragraphe 38 de notre mémoire énonce les trois facteurs qui doivent entrer en ligne de compte au moment de déterminer si un organisme administratif doit respecter ces principes.
Le devoir général d'agir avec équité dépend de trois facteurs: la nature de la décision à rendre par l'organisme administratif; le rapport entre l'organisme et l'individu; l'effet de la décision sur les droits de l'individu.
Dans l'affaire Cardinal c. Établissement Kent la Cour suprême du Canada a déclaré que, lorsque ces trois éléments sont présents, un organisme public qui prend des décisions est tenu au devoir général d'équité.
Quant à la nature de la décision, celle que l'intimé a prise était de nature finale et précise, car elle levait l'exemption de l'impôt dont bénéficient les membres de la Bande indienne de Kamloops conformément à l'article 87 de la Loi sur les Indiens.
Le deuxième élément qui entre en ligne de compte, est le rapport entre le requérant et l'intimé.
Dans l'affaire Leonard c. Gottfriedson, le tribunal a déclaré ceci:
[...] le chef et les conseillers d'une bande sont en situation de confiance par rapport à la bande dans un contexte général, aux actifs de celle-ci et à ses membres.
Nous estimons que le conseiller principal a rompu ce lien de confiance en ne donnant pas préavis de la possibilité que les membres de la bande perdent leur droit à être exemptés des taxes sur le tabac, le carburant et l'alcool, ce qui est dans l'intérêt général de ces membres, et en négligeant de donner à ceux-ci la possibilité d'être entendus et d'exprimer leur opinion sur la partie 4 du projet de loi C-36 et sur le règlement sur l'impôt dans le cadre d'une réunion de la bande.
À notre humble avis, la question des répercussions de la résolution sur le requérant peut être tranchée de façon sommaire. Le droit à l'équité procédurale existe seulement lorsque la résolution est importante et a de grandes répercussions sur l'individu.
À l'article 87, les biens meubles d'un Indien sont exemptés d'impôt. Les biens de la bande indienne comme tels ne sont pas mentionnés. Il est clair que ce sont les biens personnels d'un Indien qui sont exemptés d'impôt. L'article 87 donne donc un droit individuel à une exemption d'impôt. La résolution et la partie 4 du projet de loi visent à lever cette exemption sans que les membres de la bande aient bénéficié des principes d'équité procédurale et de justice naturelle.
Dans l'affaire Sheard c. Chippewas of Rama First Nation Band Council, il était question d'une résolution adoptée par le chef et le conseil de bande pour expulser de la réserve un Blanc marié à une membre de la bande. Le couple s'est adressé à la Cour fédérale pour faire renverser cette résolution sous prétexte qu'elle était contraire aux principes d'équité procédurale et de justice naturelle. Comme il est déclaré au paragraphe 47 de notre mémoire, leur requête a été accueillie et la résolution a été invalidée.
Les principaux éléments de cette cause sont énumérés au paragraphe 48 de notre mémoire. Le tribunal a exprimé l'opinion qu'aucun élément de preuve n'établissait que cette résolution était devenue un règlement aux termes de l'article 81 de la Loi sur les Indiens. L'Indien non inscrit a été expulsé le jour même de l'adoption de la résolution.
Le tribunal a exprimé l'opinion que la résolution était de nature administrative, car elle ne découlait d'aucun pouvoir législatif.
Le sénateur Moore: Pourriez-vous, s'il vous plaît, reprendre à partir du paragraphe 46 de votre mémoire, car je ne suis pas certain de comprendre l'importance de cette cause.
M. Ross: Dans cette affaire, le chef et le conseil avaient adopté une résolution de nature administrative. Elle n'avait aucune valeur en droit. Sans le pouvoir de la loi, le chef et le conseil ne pouvaient pas expulser un Blanc qui n'était pas membre de la bande. En invoquant la résolution, le chef et le conseil avaient prétendu détenir le pouvoir nécessaire pour expulser cette personne de la réserve. La Cour fédérale a déclaré que la résolution était de nature purement administrative et ne constituait pas un acte judiciaire parce qu'elle ne s'appuyait sur aucun texte de loi. Le seul moyen d'expulser cette personne consistait à adopter un règlement officiel, qui n'aurait pas été approuvé par le ministre des Affaires indiennes en vertu de l'article 81 de la Loi sur les Indiens.
Est-ce que cette explication vous éclaire?
Le sénateur Moore: Oui, je comprends mieux.
M. Ross: Dans l'affaire Sheard, la cour a également déclaré que, puisque les droits d'un Indien inscrit et d'un Indien non inscrit étaient visés, les requérants avaient droit à un minimum d'équité procédurale. Ils auraient dû recevoir préavis de la réunion d'octobre 1995, être informés de la nature des plaintes et avoir la possibilité de répliquer.
Si on applique cette décision au cas des membres de la Bande indienne de Kamloops, on voit que, puisque l'exemption dont ils bénéficient aux termes de l'article 87 était levée, ils avaient droit à un minimum d'équité procédurale. Ils auraient dû recevoir préavis de la réunion du 24 juin 1997 où la question de la taxation devait être abordée; ils auraient dû être informés de la nature de la réunion et de la possibilité que l'exemption dont ils bénéficiaient soit levée; et ils auraient dû avoir la possibilité de répliquer, de discuter et de se prononcer dans le cadre d'un vote. Tous ces droits leur ont été refusés. Bref, ce sont les griefs des membres de la bande en ce moment. La résolution sur la taxation sans représentation a été adoptée au milieu de la nuit et sans qu'il y ait quorum. Beaucoup de membres de la bande, et le comité aussi nous l'espérons, estiment que c'était antidémocratique.
Lorsque vous voulez lever l'exemption d'impôt dont bénéficie une personne, celle-ci devrait avoir le droit d'exprimer son opinion sur votre intention, ce qui constituerait la norme minimale d'équité procédurale et de justice naturelle.
Au paragraphe 49 de sa décision, le tribunal déclare que, puisqu'il n'y a pas eu préavis de la réunion ni divulgation de l'information motivant les plaintes, et que, puisque les requérants n'ont pas eu la possibilité de réagir, l'affaire était assimilable à la cause Cardinal c. Établissement Kent où la Cour suprême du Canada a jugé nécessaire d'affirmer que nier le droit à une juste audition doit toujours invalider une décision, qu'un tribunal appelé à effectuer un contrôle judiciaire arrive ou pas à la conclusion qu'une audience aurait vraisemblablement fait varier la décision.
La Cour suprême a déclaré que le droit à une juste audience doit être vu comme un droit indépendant et absolu qui trouve sa justification fondamentale dans la justice procédurale et qui appartient à toute personne touchée par une décision de nature administrative.
Au paragraphe 51, le tribunal ajoute, à l'égard du règlement d'imposition, qu'il n'y a pas eu préavis, que les membres de la bande n'ont pas eu la possibilité de réagir ou de débattre de ce règlement lors de la réunion du 24 juin 1997, et que, à première vue, la décision aurait été renversée par la division de première instance de la Cour fédérale.
Sachez qu'un contrôle judiciaire a commencé le 11 juin 1998. Celui-ci s'appuie sur le fait que le texte de la résolution et le texte du règlement n'ont été communiqués qu'une semaine à l'avance.
Mes clients voudraient que la partie 4 du projet de loi C-36 soit rejetée sans amendements. Sinon, nous voudrions que cette partie soit modifiée pour obliger le chef et le conseil à soumettre la question des taxes à un référendum aux termes du règlement de la bande sur les référendums. Ce référendum serait tenu par scrutin secret et son résultat déciderait si le règlement est adopté ou pas. Bref, ce sont les réparations que mes clients demandent. Ils sont exposés dans nos mémoires.
Les amendements que nous proposons à l'article 59 seraient conformes à la résolution adoptée par le conseil le 27 juin 1997, c'est-à-dire que c'est la Bande indienne de Kamloops, et pas son chef ni son conseil, qui imposerait les taxes. Si vous lisez attentivement la résolution du 27 juin 1997, vous verrez que c'est ce qu'elle dit. C'est la voie à suivre.
Le texte de la résolution dit clairement que c'est la Bande indienne de Kamloops, c'est-à-dire ses membres, qui imposerait la taxe à l'issue d'un référendum. Le chef et le conseil ne détiennent pas seuls le pouvoir. Selon moi, cela est clairement établi dans la résolution du 27 juin 1997.
Je termine là-dessus. Merci de m'avoir donné la possibilité d'exposer notre point de vue cet après-midi.
Le sénateur Forest: Ce matin, notre président a porté la question à l'attention du ministre. Cependant, je crois qu'il n'a pas compris si les taxes visaient la bande ou un seul membre de la bande. Les témoins ont clarifié ce point.
Le président: Ce matin, j'ai demandé au ministre si les personnes protégées par la Loi sur les Indiens étaient exemptées de l'impôt lorsqu'ils vivent dans les réserves. Il a dit que oui -- corrigez-moi si je me trompe --, mais a exprimé l'opinion qu'il n'y avait pas, en l'occurrence, d'infraction à la loi. En fait, il s'agit ici de permettre aux bandes indiennes de collecter des impôts de leurs membres comme étape sur la voie de l'autonomie administrative.
Le sénateur Forest: Je crois que le coeur de la question, c'est que les membres des bandes ne peuvent pas être assujettis à l'impôt, mais ce sont les bandes qui créent ces impôts.
Je voulais revenir à la question que vous avez soulevée ce matin. Si je me fie à mes connaissances en droit -- et je me suis beaucoup occupé des droits individuels --, il ne peut pas y avoir deux dispositions dérogatoires entrant en conflit l'une avec l'autre.
Le président: C'est exact.
Le sénateur Forest: Pour être légale, cette partie du projet de loi devrait être amendée.
Le président: Nous devons décider ce que nous voulons faire et, si nous voulons faire quelque chose, il faut déterminer comment obtenir une opinion.
Deuxièmement, les témoins ont déclaré que le quorum était fixé à 50 personnes, mais que seulement 27 étaient présentes. Comment peut-on vérifier cela?
Troisièmement, est-ce que notre décision deviendra une interprétation juridique? Devons-nous demander une opinion juridique? Comment devons-nous aborder toute la question?
Le sénateur Bryden: Votre mémoire a été bien préparé. Cependant, il conviendrait mieux devant un tribunal.
Il contient certaines allégations que nous n'avons aucun moyen de vérifier. Le président l'a déjà mentionné. Nous ne sommes pas en mesure de convoquer de nouveaux témoins pour vérifier vos déclarations.
Vous avez fait allusion aux dispositions dérogatoires. Vous avez déclaré qu'une simple lecture du texte révélait que les membres de la bande étaient encore exemptés de l'impôt. Vous avez ajouté que votre position s'appuyait sur l'idée que la partie de l'article 87 de la Loi sur les Indiens qui dit «nonobstant toute autre loi fédérale» inclut également la partie 4 du projet de loi C-36. Selon vous, s'il y a ambiguïté entre l'article 87 de la Loi sur les Indiens et la partie 4 du projet de loi C-36, cette ambiguïté doit être tranchée en faveur de la Bande indienne de Kamloops.
Je dirai personnellement que le projet de loi C-36 n'est pas encore une loi. Selon votre position, s'il devient loi, les tribunaux déclareront que les deux lois ne peuvent pas coexister et que l'article 87 de la Loi sur les Indiens prime.
M. Ross: C'est exact.
Le sénateur Bryden: Si votre interprétation est exacte, alors cette partie du projet de loi C-36 serait inopérante. Je ne tomberai pas dans les arguments juridiques. Vous avez eu la possibilité de vous préparer, et moi pas. Cependant, je crois que l'article 83 de la Loi sur les Indiens permet de recueillir des fonds auprès des membres pour les besoins de la bande.
Les porte-parole des Iroquois qui étaient ici l'autre jour ont déclaré qu'ils ne croyaient pas que c'était pour cela. Je dois dire qu'il est pratiquement impossible pour le comité de revenir en arrière et de disséquer tout ce qui a été dit puis de tout remettre ensemble, particulièrement devant votre conviction, probablement justifiée, que, si vous avez raison, le projet de loi ne pourra pas être maintenu de toute manière.
Le président: Je comprends et je ne suis pas nécessairement en désaccord, mais nous avons rejeté le projet de loi dit «Son of Sam» pour des raisons semblables. Allons-nous adopter un projet de loi ou une partie de projet de loi même si nous ne sommes pas certains qu'il est constitutionnel? Si nous voulons bien faire notre travail, il nous appartient d'examiner les enjeux et de nous assurer qu'il n'y a pas de conflit avec la Loi sur les Indiens et, deuxièmement, de vérifier s'il y avait quorum ou pas. Ce sont les deux questions cruciales. Nous avons peut-être tout simplement besoin d'une interprétation juridique de la constitutionnalité des dispositions dérogatoires conflictuelles. Ce ne serait pas trop difficile à obtenir. Je ne suis pas certain, mais je crois que cela fait partie de nos responsabilités. Je ne crois pas que nous devrions adopter le projet de loi sous prétexte que nous n'avons pas le temps de régler la question qui nous est soumise. Il est important que nous nous en occupions.
Par conséquent, si vous avez des preuves relatives au quorum ou à l'absence de quorum à présenter au comité, veuillez vous exécuter. Nous devrons également décider ce que nous ferons au sujet des dispositions dérogatoires.
Le sénateur Cools: Peut-être devrions-nous décider des mesures que nous prendrons à cet égard sans trop empiéter sur le temps accordé aux témoins.
Le sénateur Moore: Mme McCaleb ou M. Ross, pourriez-vous nous dire combien de membres compte la Bande indienne de Kamloops?
M. Ross: Il y en a environ 900. Je voudrais profiter de l'occasion, si vous me le permettez, pour répondre à la question du président sur le quorum. Cora Anthony a présenté une déclaration sous serment au comité avec les documents. Elle déclare qu'il n'y avait que 27 membres de la bande à la réunion. Je me rends bien compte que cela ne suffit peut-être pas au président, mais des éléments de preuve sur l'absence de quorum ont bel et bien été présentés au Sénat. Il s'agit d'une déclaration sous serment qui n'a pas encore été soumise au tribunal chargé du contrôle judiciaire, mais qui le sera.
Le président: Il serait bien que vous ayez pu soumettre une liste.
M. Ross: Malheureusement, la façon dont le procès-verbal est rédigé révèle que les noms ont été enregistrés au début de la réunion, mais plus le temps passait, moins il y avait de monde. À moins que quelqu'un demande officiellement que l'on vérifie s'il y a quorum, on ne vérifie pas.
Le président: Il n'y a pas eu de vote inscrit?
M. Ross: Non. Si je me souviens bien, le vote s'est fait à mains levées, la majorité l'emportant. Ce fut tout.
Le sénateur Moore: Les 900 habitants de la réserve ont-ils tous le droit de voter?
M. Ross: Selon les règles de procédure de la bande, toute personne de plus de 18 ans a le droit de voter, ce qui donne 536 électeurs admissibles sur les 900 membres.
Le sénateur Moore: Avez-vous une idée du nombre d'électeurs admissibles qui ont reçu un avis les informant que ce sujet serait discuté lors de la réunion et ferait l'objet d'un vote?
M. Ross: Zéro.
Le sénateur Moore: Un préavis de combien de temps aurait dû être donné?
M. Ross: Deux semaines.
Le sénateur Moore: Au sujet du quorum -- le président a abordé la question -- il est bien de 50 selon les règlements de la bande?
M. Ross: Oui.
Le sénateur Moore: Est-ce que 50 membres doivent être présents au début de la réunion ou pendant toute la durée de la réunion?
M. Ross: D'après ce que je comprends, c'est le nombre qu'il faut pour commencer officiellement la réunion. Lorsque le chiffre de 50 participants est atteint, il y a quorum. Il pourrait y avoir 40 personnes présentes puis 10 personnes qui arrêtent en passant et cela donnerait le quorum. Lorsqu'il y a 50 personnes présentes, je crois comprendre qu'il y a quorum et que les motions inscrites à l'ordre du jour peuvent être mises aux voix.
Le sénateur Moore: Donc, si l'exemple que vous donnez est correct, la réunion peut officiellement commencer sans qu'il y ait le minimum requis de 50 membres de la bande dans la salle.
Mme McCaleb: Les membres de la bande ont déjà interrogé le chef Jules à ce sujet. D'après notre interprétation du règlement, il doit y avoir 50 personnes présentes pour qu'il y ait un vote. La réunion peut commencer sans qu'il y ait quorum, mais pour qu'une motion soit mise aux voix, il faut qu'il y ait 50 électeurs admissibles de physiquement présents.
Le sénateur Moore: Que ce soit au début de la réunion ou pendant son déroulement, il faut qu'il y ait au moins 50 électeurs admissibles de présents en personne pour qu'il y ait un vote. Les procurations ne sont pas acceptées.
Mme McCaleb: Nous avons des procès-verbaux de réunions générales de la bande que le chef Jules a transformées en réunions d'information parce qu'il n'y avait pas quorum. C'est pour cette raison que nous l'avons interrogé à de nombreuses reprises. J'imagine que tout dépend du dossier qu'il veut faire avancer, parce que parfois il agit ainsi et d'autres fois non. On l'a interrogé à plusieurs reprises à ce sujet. Il doit y avoir 50 personnes en âge de voter et habilités à voter pour qu'il y ait un vote, peu importe le sujet abordé.
Le sénateur Moore: Mme McCaleb, vous êtes bien membre de la Bande indienne de Kamloops?
Mme McCaleb: C'est exact.
Le sénateur Moore: Occupez-vous des fonctions officielles au sein de la bande?
Mme McCaleb: Non, je suis simple membre.
Le sénateur Moore: M. Ross, êtes-vous conseiller juridique de la bande?
M. Ross: Non, je suis l'avocat de Cora Anthony.
Le sénateur Moore: C'est cette femme qui a intenté une poursuite devant la Cour fédérale?
M. Ross: Oui. Il lui était impossible d'être présente aujourd'hui et je la représente. Je suis aussi au service d'Alice McCaleb, mais on a décidé que seule Cora Anthony serait nommée dans la demande de contrôle judiciaire.
Le sénateur Moore: Mme McCaleb, avez-vous reçu préavis de la réunion?
Mme McCaleb: Parlez-vous de la réunion du 24 juin 1997?
Le sénateur Moore: Oui.
Mme McCaleb: J'ai dû en recevoir un, oui.
Le sénateur Moore: Recevez-vous normalement l'ordre du jour des réunions?
Mme McCaleb: Oui.
Le sénateur Moore: Cet article était-il inscrit à l'ordre du jour?
Mme McCaleb: Non.
Le sénateur Moore: Est-il habituel que des sujets importants soient ajoutés à l'ordre du jour après le début de la réunion? Assistez-vous régulièrement aux réunions?
Mme McCaleb: J'y assiste régulièrement.
Le sénateur Moore: Vous vous intéressez aux affaires de la bande, n'est-ce pas?
Mme McCaleb: Oui, parce que j'ai une entreprise sur la réserve et que je dois rester informée des modifications apportées aux règlements. Je suis donc de près les affaires de la bande. J'examine les ordres du jour pour voir quels sujets seront abordés.
Le sénateur Moore: Vous avez reçu préavis de la réunion, mais l'ordre du jour n'était pas précisé. Est-ce bien cela?
Mme McCaleb: Il n'y avait rien sur l'impôt et les taxes.
Le sénateur Moore: Avez-vous assisté à la réunion?
Mme McCaleb: Non.
Le président: L'avis est annexé à la déclaration sous serment.
Mme McCaleb: Comme vous pouvez le voir, nous devions avoir une réunion le 23 juin. Cette réunion a été annulée parce qu'il n'y avait pas quorum. Elle a été reportée au 24 juin et l'ordre du jour de la réunion du 23 juin n'a pas été suivi. Il y a tout simplement eu une réunion le 24 juin. Rien ne permettait aux membres de savoir qu'ils seraient appelés à voter sur la question, ni même de quoi il s'agissait.
Le sénateur Moore: Pourquoi nous retrouvons-nous dans une telle situation? Pourquoi croyez-vous que les choses se sont passées comme vous le dites puisque le sujet est d'une telle importance pour le fonctionnement de la bande aux termes de la Loi sur les Indiens?
Mme McCaleb: Cela s'est produit parce qu'il ne nous a jamais informés.
Le sénateur Moore: Je sais, mais pourquoi? Que se passe-t-il donc?
Mme McCaleb: J'ai appris ce qui se passait en lisant dans le journal l'annonce de Nelson Riis, qui déclarait que la Bande indienne de Kamloops percevrait une taxe de vente de 7 p. 100 des Indiens inscrits et non inscrits et que le chef Jules avait signé une entente avec le gouvernement fédéral pour pouvoir imposer cette taxe.
J'ai téléphoné au bureau de M. Riis pour lui demander si je pouvais prendre connaissance de cette entente. Il m'a envoyé la partie 4 du projet de loi C-36. Je lui ai demandé de quoi il s'agissait et il m'a répondu que c'était l'essentiel de l'entente. Je lui ai alors demandé ce que cela signifiait et il m'a répondu: «Le comité des finances a rencontré le chef Jules. Si vous ne savez pas qui fait partie de ce comité, Alice, sachez que ce sont des députés de tout le Canada. Moi-même et plusieurs autres députés avons demandé au chef Jules s'il avait obtenu le consentement de sa bande. Il a dit que oui, qu'il y avait eu plusieurs réunions sur le sujet et que tout le monde l'appuyait.»
J'ai demandé à M. Riis de me remettre le compte rendu des délibérations du comité des finances, ce qu'il a fait. J'en ai pris connaissance, puis j'ai envoyé des lettres à votre comité, à l'honorable Paul Martin, au Comité des finances, au bureau de M. Riis, à la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jane Stewart, et même au bureau du premier ministre Chrétien, parce que les affirmations du chef Jules ne peuvent pas être validées.
Nous n'avions aucune idée des répercussions du projet de loi C-36 et elles ne nous ont jamais été expliquées. Il y a environ trois semaines, j'ai vu pour la première fois la résolution que le chef et le conseil de la bande ont signée. Quelqu'un l'avait reçue le 20 mai et me l'a montrée. Nous en avons tiré des doubles.
Le sénateur Moore: Elle est vieille de presque un an.
Mme McCaleb: Absolument personne ne l'avait vue avant.
Le sénateur Bryden: La situation devient de plus en plus claire pour moi. Je ne crois pas que c'est à notre comité qu'il appartient de fouiller ce qui a été présenté comme étant la position de la bande. Nous entendons les témoins nous dire que ce qui a été dit au ministère des Finances et au comité des finances ne correspond pas à ce qui s'est passé. Il y a eu déclaration trompeuse.
Je suggère que cet après-midi nous tentions d'obtenir un avis d'une personne compétente au sein du ministère des Finances sur la constitutionnalité et la légalité du projet de loi. Nous n'avons pas à nous prononcer comme tel, mais il nous faut avoir l'assurance que nous ne faisons pas quelque chose d'illégal ou d'anticonstitutionnel. C'est peut-être discutable, mais nous ne pouvons pas nous y opposer.
Le président: C'est exactement ce que je dis.
M. Ross: La partie 4 du projet de loi est peut-être légale. Je présume qu'elle l'est, mais elle est politiquement inacceptable. Le processus suivi est antidémocratique du début à la fin. C'est ce qui est au coeur de l'affaire.
La résolution a été adoptée le 24 juin 1997 et caché aux membres de la bande jusqu'au 10 juin 1998. De plus, le texte du règlement sur la perception des taxes n'a même pas été communiqué aux membres de la bande. Ils ne l'ont pas encore aujourd'hui. À mon avis, c'est fondamentalement antidémocratique. Il est injuste que les membres de la bande aient à payer une taxe sur laquelle ils n'ont rien eu à dire, qu'ils n'ont pas pu débattre et sur laquelle ils n'ont pas pu voter.
Si la Chambre des communes ou une législature provinciale tentait d'imposer une taxe en suivant le même modèle, cela déclencherait un tumulte. À mon avis, c'est ce qui se passe au sein de la Bande indienne de Kamloops. Il y a un tumulte et il se déplace de la côte Ouest à la côte Est du Canada. C'est une constante dans les témoignages des Premières nations devant le comité. Le projet de loi et la façon dont les choses ont été faites suscitent une vague de ressentiment.
Pour le moment, nous demandons aux membres du comité d'étudier notre mémoire à fond s'ils le peuvent. Nous aimerions que la question du quorum soit réglée. Au paragraphe 8 de la déclaration sous serment de Cora Anthony, elle affirme qu'il n'y avait que 27 membres de la bande de présents.
Le sénateur Sparrow: Qui dicte le règlement intérieur des réunions du conseil de bande? Entre-t-il dans les règlements du ministère des Affaires indiennes?
M. Ross: Oui.
Le sénateur Sparrow: Donc, votre bande n'a pas fixé elle-même le quorum. Ce quorum est fixé par voie de règlement, n'est-ce pas?
M. Ross: Il y a deux questions en jeu. Il y a un règlement qui régit les réunions du conseil de bande, qui se rattache à la Loi sur les Indiens, et il y a les règlements que la bande peut formuler elle-même pour régir ses réunions. Il y a les réunions du conseil de bande et les réunions de la bande, qui regroupent les membres de la bande eux-mêmes. Il y a deux types distincts de réunion qui sont régis par deux types distincts de règlement.
Le sénateur Sparrow: Qui a fixé le quorum à 50 membres?
M. Ross: C'est la bande.
Le sénateur Sparrow: Est-ce que cela figure dans le règlement interne écrit?
M. Ross: Oui. C'est dans la déclaration sous serment de Cora Anthony, qui est annexée à notre mémoire.
Le sénateur Sparrow: Le ministère des Affaires indiennes a-t-il joué un rôle dans cette réunion? Est-il en mesure de dire qu'il s'agissait d'une réunion ou d'une résolution qui n'avaient pas été légalement autorisée?
M. Ross: Je crois comprendre que le ministère des Affaires indiennes n'a pas participé au processus parce qu'il s'agit d'un projet de loi de finances. Par conséquent, si ce projet de loi avait été piloté par le ministère des Affaires indiennes plutôt que par le ministère des Finances, il aurait pu y avoir des problèmes de procédure. Je ne connais pas les détails de ces choses. Tout ce que je sais, c'est qu'ils ont jugé plus sûr d'associer la mesure législative à un projet de loi de finances, tout d'abord, pour respecter les règles et la procédure de la Chambre des communes et ensuite pour la mettre à l'abri des contestations comme la nôtre et pour la faire adopter par la Chambre des communes.
Le sénateur Sparrow: Si un organisme qui fait autorité pouvait déclarer que, en procédant comme elle l'a fait, la bande a adopté illégalement une résolution ou a à tout le moins agi en contravention de ses propres règles, cela suffirait pour retrancher les dispositions du projet de loi. Si c'est bien le cas, nous devrons convoquer quelqu'un du ministère des Finances devant notre comité. De son côté, le ministère des Affaires indiennes pourrait être aux prises avec l'aspect légal de la résolution. Je crois que c'est un élément assez crucial.
Monsieur le président, pouvez-vous vous aussi envisager cela?
Le président: Je ne pense pas que nous puissions aller de l'avant avant d'avoir obtenu des avis.
Le sénateur Cools: Peut-être, monsieur le président, pourrions-nous prendre quelques minutes pour discuter de ce que nous devons faire dès que nous aurons fini l'audition de ces témoins.
Le président: Le sénateur Bryden suggère que nous convoquions quelqu'un du ministère des Finances pour nous donner un avis sur la constitutionnalité de la loi et quelqu'un du ministère des Affaires indiennes pour nous donner, comme l'a suggéré le sénateur Sparrow, un avis sur la question du quorum et sur la légalité de la résolution. Nous pourrons, espérons-le, obtenir deux avis sur chaque aspect. Je crois que nous le devons. Je ne pense pas que nous pouvons nous permettre de ne rien faire.
Le sénateur Cools: Je soulève la question maintenant pour que le comité puisse communiquer avec le ministère des Affaires indiennes afin qu'il nous envoie quelqu'un bientôt.
Le sénateur Sparrow: Je dois admettre que je n'ai pas étudié le projet de loi, mais pourquoi n'y est-il fait allusion qu'à la bande de Kamloops? Pourquoi pas toutes les bandes indiennes du Canada? Quels sont les précédents?
M. Ross: Je n'ai pas de réponse à vous donner, sauf pour vous dire que le précédent a été établi par la Bande indienne de Westbank et de Cowichan. En 1997, une loi semblable se rapportant au tabac et à l'essence a été adoptée. Je ne peux pas me prononcer sur le processus suivi, mais c'est le précédent sur lequel s'appuie le projet de loi actuel. Je ne pourrais pas dire pourquoi toutes les bandes indiennes du Canada ne sont pas visées. Peut-être est-ce au ministère des Finances de répondre à cette question.
Je vous présente maintenant M. Eugene Meehan.
Le président: Êtes-vous prêt à commencer, M. Meehan?
M. Eugene Meehan, conseiller juridique, Bande indienne de Kamloops: Je travaille avec le conseiller juridique sur cette cause et je suis venu vous faire part de notre opinion.
Vous avez raison de dire que, en règle générale, l'article 87 de la Loi sur les Indiens exempte les Indiens de payer l'impôt sur le revenu fédéral sur leurs biens détenus dans les réserves. Quant à l'article 83, certaines bandes ont le pouvoir de faire adopter des projets de loi de crédit, peut-être en vue de l'atteinte de l'autonomie administrative.
En conclusion, nous disons que nous sommes prêts à mettre de côté notre qualité de juriste et nous vous demandons de mettre de côté votre qualité de sénateurs pour vous arrêter au véritable fond de l'affaire. En somme, tout se ramène à une question de démocratie. Les Américains ont fait une révolution parce qu'ils ne voulaient pas de taxation sans représentation. C'est la même chose en l'occurrence. Nous ne voulons pas d'une nouvelle révolution américaine. Nous voulons une solution canadienne et nous comptons sur les honorables sénateurs à cet égard. Du point de vue juridique, la taxation sans représentation est l'équivalent d'un parlement qui adopterait en fin de session une TPS fédérale ou une taxe de vente provinciale sans consulter la population ou les députés élus. Cela n'a aucun sens.
Certaines questions de fait peuvent et doivent être étudiées dans un autre cadre, mais ce que vous pouvez faire ici aujourd'hui c'est de vous pencher sur la constitutionnalité de ces dispositions. L'absence de représentation appropriée équivaut à l'absence de constitutionnalité. C'est la raison pour laquelle nous témoignons devant vous aujourd'hui. Votre tâche ne consiste pas, comme l'a dit le président, à laisser passer quelque chose qui n'est pas constitutionnel. L'absence de représentation équivaut à l'absence de constitutionnalité.
M. Ross: Je dois malheureusement quitter maintenant. J'ai un autre engagement pris antérieurement. Je vous remercie de votre temps et, au besoin, je serai heureux de présenter d'autres mémoires.
Le sénateur Sparrow: Avant que vous ne quittiez, proposez-vous, en tant que groupe, que la partie 4 du projet de loi soit complètement supprimée, ou y a-t-il un amendement qui pourrait corriger la situation?
M. Ross: Du point de vue de mon client, la partie 4 doit être éliminée.
Le président: Ou tout au moins retardée.
M. Ross: Oui, jusqu'à ce que l'on ait la chance d'examiner la question.
M. Roger Obonsawin, président, O. I. Group of Companies: Je veux déposer des mémoires qui s'opposent à ce projet de loi et qui ont été soumis le 13 juin par le conseil tribal Carrier Sekani, ainsi qu'une résolution de l'assemblée des chefs de l'Ontario, qui s'est tenue dans la réserve de West Bay, du 2 au 4 juin 1998. Je tiens aussi à exprimer clairement mon opposition à ce projet de loi.
Nous avons déjà fait cette démarche à titre d'entreprise et à titre de peuple autochtone. Ces projets de loi font de nous un peuple de hors-la-loi. À l'heure actuelle, la plus importante industrie de croissance chez les autochtones est celle qui consiste à s'opposer aux décisions unilatérales qui nous sont imposées sans consultation et au mépris total des engagements pris historiquement.
La question a été posée de savoir pourquoi il en était ainsi. Le ministre des Finances a décidé -- et il l'a répété à plusieurs reprises -- que le gouvernement forcerait les Indiens à payer des impôts. Est-ce la façon de diriger un pays?
Chaque année, un nombre croissant d'autochtones sont marginalisés et contraints de vivre en marge de la société, à cause de ce genre d'initiatives. La demande dont vous êtes saisis aujourd'hui peut vous sembler un don du ciel, étant donné qu'un chef autochtone vous demande de faire en sorte que sa collectivité paie des impôts. Quel revirement de situation! Toutefois, vous avez aussi devant vous des mémoires provenant d'un grand nombre de membres de cette même collectivité qui s'opposent à cette proposition.
La question à l'étude est celle des impôts. On n'a qu'à songer au Boston Tea Party pour comprendre que les mesures d'imposition n'ont jamais fonctionné lorsque les citoyens s'y sont opposés. Si le projet de loi est adopté sans consulter adéquatement les collectivités des Premières nations et sans avoir un consensus, vous serez directement responsable de l'augmentation considérable du nombre de contrevenants au sein de nos collectivités. Je dis cela parce que je sais ce qui se passe. Cette mesure va créer un fossé encore plus grand entre nos deux nations.
Est-ce tout ce qui compte dans les relations entre les Premières nations et le gouvernement canadien? Le gouvernement canadien, avec l'aide de quelques personnes, impose-t-il simplement sa volonté à notre peuple, tandis que le reste d'entre nous s'oppose? Quelle voie est-on en train de choisir? Le gouvernement n'a-t-il rien retenu de l'expérience des écoles résidentielles, d'Oka, de Gustafsen Lake ou d'Ipperwash? La Cour suprême ordonne constamment au gouvernement fédéral -- que ce soit dans la décision Sparrow ou d'autres -- de consulter les peuples autochtones avant de leur imposer des changements qui vont avoir une incidence sur leur vie. Le gouvernement continue d'ignorer cette requête, mais il va en payer le prix.
Un nombre croissant d'autochtones ne tiennent pas compte des lois de ce pays, non pas parce qu'ils veulent agir de la sorte, mais plutôt parce qu'ils n'ont pas le choix. Si vous approuvez ce projet de loi aujourd'hui, vous allez non seulement faire des contrevenants d'un bon nombre des membres de la collectivité du chef Jewel, mais vous allez aussi perpétuer le processus d'aliénation des Premières nations.
Le projet de loi parle d'autonomie. On n'assure pas l'autonomie en percevant des impôts, mais plutôt en produisant des ressources et en vendant des biens et des services. C'est cela l'autonomie. C'est à cela que nous travaillons, et non pas à des activités fictives.
Compte tenu que ce mouvement va en s'amplifiant, si vous adoptez le projet de loi, vous contribuerez à nous faire enfreindre des lois que nous estimons être injustes à notre endroit. Nous continuerons de combattre les politiques fédérales tant et aussi longtemps que le gouvernement ne changera pas sa politique à l'égard des autochtones et sa façon de traiter ceux-ci.
Le sénateur Sparrow: Pouvez-vous me donner un exemple du genre d'infractions auxquelles vous faites allusion?
M. Obonsawin: J'étais l'un des membres de la bande qui a occupé les bureaux de Revenu Canada.
Je suis un contrevenant. Le premier ministre nous a envoyé une lettre dans laquelle il disait avoir tenu des consultations appropriées relativement à ce dossier. Nous contestons maintenant devant les tribunaux cette affirmation du premier ministre, en invoquant la liberté d'accès à l'information. Monsieur le président, il n'y a pas eu de consultations. Je suis un contrevenant parce que j'ai enfreint la loi. Le gouvernement, quant à lui, a violé ses propres règles. Il n'y a pas eu de consultations, et la Loi sur l'accès à l'information nous a donné raison sur ce point. La Loi sur la gestion des terres ne jouissait pas de l'appui des collectivités autochtones et nous avons dû intervenir. Combien de fois faudra-t-il le faire? Pourtant, nous sommes perçus comme des renégats. Monsieur le président, cette époque est révolue.
Le président: Il y ici deux personnes qui peuvent nous donner leur interprétation en ce qui a trait aux deux questions qui ont été soulevées. Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Comme vous le savez, nous essayons d'étudier ces questions de la façon la plus rapide et la plus juste possible.
M. Meehan: Pourriez-vous aussi nous communiquer ces avis juridiques?
Le président: J'espère convoquer ces personnes dès maintenant, avec le consentement du comité.
J'invite MM. Yvon Carrière et Marc Grandisson à se joindre à nous.
M. Marc Grandisson, agent principal de la législation de l'impôt, Division de la politique fiscale intergouvernementale, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Il semble que deux grandes questions ont été soulevées: celle du quorum lors de la réunion du mois de juin, et l'existence de deux clauses dérogatoires.
En ce qui a trait au quorum, il importe de ne pas confondre les réunions auxquelles on a fait allusion ici. Comme l'ont mentionné des témoins qui ont pris la parole avant moi, la réunion concernant laquelle la question du quorum a été soulevée était une réunion de membres de bande, et non pas une réunion du conseil de bande. C'est la raison pour laquelle ce sont les règlements administratifs de la bande sur les réunions internes qui doivent s'appliquer, et non la Loi sur les Indiens.
Il en est ainsi en raison de la politique du gouvernement en ce qui a trait à l'exercice des pouvoirs d'imposition par les Premières nations. Comme un témoin l'a aussi mentionné, le précédent à cet égard se trouve dans la mesure législative adoptée l'an dernier à l'égard des bandes indiennes de Westbank et de Cowichan. Lorsque le gouvernement a manifesté sa volonté de négocier de telles ententes ou d'adopter de telles lois, il a d'abord dû décider comment il allait traiter avec les Premières nations. Il fut décidé de traiter de gouvernement à gouvernement, c'est-à-dire que nous ne demandons pas aux gouvernements autochtones de tenir des référendums avant d'adopter des lois fiscales, étant donné qu'en général ceux-ci n'adoptent pas de telles mesures pour le simple plaisir d'imposer, mais qu'ils le font plutôt pour fournir des produits et des services améliorés aux membres et aux citoyens. Nous supposons que les Premières nations voudraient imposer leurs membres pour les mêmes raisons. Par conséquent, comme dans tout gouvernement démocratique, le point important ici c'est que si les membres d'une bande ne sont pas satisfaits du fait que leur conseil de bande ait décidé de prélever une taxe, ils peuvent voter contre leur conseil aux prochaines élections et faire abroger le règlement administratif qui prévoit cette mesure fiscale.
Nous étions tenus d'adopter la mesure législative. Nous avons demandé au conseil de bande de nous fournir une lettre d'intention portant que celui-ci demandait au gouvernement fédéral d'adopter une mesure législative qui permettrait au conseil de prendre un règlement administratif pour imposer une telle taxe.
La réunion de juin 1997 fut convoquée par le conseil de bande, sans aucune intervention de la part du gouvernement fédéral. Nous n'avons jamais demandé au conseil de bande de convoquer une réunion de bande. C'est la Première nation qui a fait cette demande.
La question du quorum n'est pas pertinente, étant donné que la réunion n'était pas pertinente du point de vue légal. Le projet de loi C-36 stipule que c'est le conseil de bande, et non les membres de la bande, qui peut prendre un règlement administratif imposant une taxe. C'est la seule exigence légale imposée au gouvernement de la bande. Le conseil de bande n'a pas encore pris de règlement administratif, et personne n'a vu un tel règlement puisque le projet de loi n'a pas encore été adopté et que le conseil n'a pas encore le pouvoir de prendre une telle mesure.
Si le projet de loi C-36 est adopté, le conseil de bande aura alors l'autorisation légale de prendre un règlement administratif. Encore une fois, c'est le gouvernement élu de la bande qui prendrait un tel règlement. Ce règlement sera assujetti aux dispositions de la Loi sur les Indiens, ce qui signifie que la réunion du conseil de bande devra être convoquée de la façon prévue et qu'il faudra qu'il y ait quorum. Encore une fois, nous parlons d'une réunion du conseil de bande et non d'une réunion des membres de la bande.
Le règlement administratif doit être approuvé par le ministre des Finances pour que la taxe entre en vigueur, et une entente de perception de cette taxe devra être conclue entre le Canada et la Première nation. Je répète que cette entente n'existe pas encore, parce que le pouvoir de conclure un tel accord est renfermé dans le projet de loi. Il reste beaucoup d'étapes à franchir avant que la taxe puisse être imposée. Or, ces étapes ne peuvent être franchies que si le projet de loi est adopté.
La rencontre de juin 1997, au cours de laquelle l'imposition d'une taxe a pu être ou ne pas être discutée est un événement d'ordre interne qui ne concerne que la bande. Le gouvernement fédéral n'a rien à voir avec cette réunion. L'issue de celle-ci n'a aucunement influencé la décision d'adopter une loi qui permettrait à la bande d'imposer une taxe.
Pour ce qui est de la question du quorum, celle-ci n'est pas vraiment pertinente. Personne n'a jamais prétendu que l'imposition était une mesure facile, et nous ne pouvons imposer aux Premières nations un fardeau fiscal plus lourd que celui que nous nous imposons. S'il était nécessaire que les électeurs votent unanimement ou majoritairement en faveur de chaque taxe que le gouvernement veut modifier ou imposer, le pouvoir de gouverner de ce dernier serait compromis. Le gouvernement de la Bande indienne de Kamloops, c'est-à-dire le conseil de bande, sera jugé aux prochaines élections relativement à la façon dont il aura appliqué la nouvelle taxe et dépensé l'argent pour fournir de meilleurs services aux membres de la bande. Il s'agit véritablement d'une approche de gouvernement à gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous disons que, en ce qui nous concerne, la question de quorum lors de la réunion de juin 1997 n'est pas pertinente.
Le sénateur Sparrow: Dans ce cas, pourquoi les dispositions du projet de loi font-elles uniquement allusion à la Bande indienne de Kamloops?
M. Grandisson: Dans le passé, ainsi que l'a mentionné un autre témoin, des lois optionnelles ou habilitantes qui pouvaient s'appliquer à toutes les bandes au pays ont fait l'objet d'une opposition ou ont été plus difficiles à faire adopter. Les bandes elles-mêmes estimaient qu'une Première nation avait plus de chances de faire adopter une telle mesure législative en procédant sur une base individuelle. C'est la raison pour laquelle l'an dernier seules les bandes indiennes de Cowichan et de Westbank nous ont demandé qu'on leur accorde le pouvoir d'imposer une taxe.
C'est de cette façon que nous avons procédé. Cette année, c'est la Bande indienne de Kamloops qui nous a présenté la même requête.
Le sénateur Sparrow: Comme y a-t-il de bandes indiennes au pays?
M. Grandisson: Environ 600.
Le sénateur Sparrow: Par conséquent, nous parlons d'environ 600 mesures législatives.
M. Grandisson: Non, pas nécessairement. Nous parlons seulement des bandes intéressées à imposer une taxe. Il va de soi que si, après un bout de temps, un plus grand nombre de bandes présentent une telle demande, que le processus s'améliore et que les Premières nations elles-mêmes demandent à avoir une loi-cadre -- ainsi que vous l'avez laissé entendre plus tôt -- cette voie serait celle qu'il faudrait suivre.
Le sénateur Moore: Vous dites que le projet de loi renferme des dispositions habilitantes qui, si elles sont adoptées, permettront à la bande de prendre un règlement administratif.
M. Grandisson: C'est exact.
Le sénateur Moore: Ce règlement ne serait pas pris par les membres, mais bien par le conseil de bande.
M. Grandisson: Oui.
Le sénateur Moore: Par une certaine majorité?
M. Grandisson: Il faut que ce soit par une majorité des membres du conseil de bande.
Le sénateur Moore: C'est-à-dire une majorité d'une voix? La taxe pourrait ensuite être perçue?
M. Grandisson: Oui.
Le sénateur Moore: Puis cette taxe reviendrait au ministère des Finances?
M. Grandisson: C'est exact.
Le sénateur Moore: Dans ce cas, le conseil de bande peut percevoir la taxe.
M. Grandisson: En plus de conclure un accord de perception avec le Canada. Le règlement administratif ne peut entrer en vigueur que si un tel accord a été conclu avec le Canada.
Le sénateur Moore: Vous avez dit que, normalement, lorsqu'un gouvernement impose une taxe et qu'il ne gouverne pas bien, les électeurs vont se débarrasser de lui aux élections suivantes. Dans ce cas-ci, le gouvernement c'est le conseil de bande. En général, une campagne électorale est menée en prenant l'engagement de faire certaines choses ou de prendre certaines mesures, telles que l'imposition d'une taxe. Cela a-t-il été le cas ici?
M. Grandisson: Je ne suis pas au courant.
Le sénateur Moore: Vous ne le savez pas?
M. Grandisson: Non.
Le sénateur Moore: Il me semble que l'on procède à l'inverse. Si des personnes sont candidates à une élection et que l'on connaît leurs intentions, il n'y a pas de problème si, une fois élues, ces personnes font ce qu'elles avaient dit. Si elles ne le font pas, ou si elles ne le font pas bien, les électeurs votent contre elles aux élections suivantes. Ces derniers ne donnent pas carte blanche à leurs élus pour faire tout ce qu'ils désirent. Les électeurs n'aiment pas qu'une mesure législative soit adoptée sans qu'ils aient leur mot à dire en tant que groupe, que ce soit au niveau d'un quartier ou dans une réserve. Mon raisonnement est-il juste?
M. Grandisson: Vous soulevez un bon point. Toutefois, si nous décidons de traiter avec les Premières nations comme avec des gouvernements -- ainsi que nous le faisons avec les provinces -- nous ne vérifions pas, avant de conclure un accord, quel était le programme électoral du parti maintenant au pouvoir afin de savoir ce que celui-ci avait promis au cours de la campagne électorale. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'en général le parti élu met son programme en oeuvre.
Le sénateur Moore: Le parti élu applique son programme. Il n'oserait pas trop s'éloigner de celui-ci, parce que serait un suicide politique.
M. Grandisson: Ceci nous ramène directement à la raison pour laquelle nous adoptons une approche de gouvernement à gouvernement. Si le conseil de bande s'engage dans la voie de ce que vous avez appelé le suicide politique, libre à lui. Si nous adoptons une approche de gouvernement à gouvernement, nous ne pouvons commencer à étudier tous les programmes électoraux des élections précédentes -- qui ont pu se tenir quelques années auparavant -- afin de vérifier si telle ou telle mesure est mentionnée. Si nous traitons les conseils de bande comme des gouvernements, c'est ainsi que les choses se passent. Les conseils doivent vivre avec les conséquences de leur geste, s'ils adoptent une taxe d'une façon qui ne plaît pas aux membres de leur bande.
Le président: Passons à la deuxième question, soit celle de la constitutionnalité.
M. Yvon Carrière, conseiller juridique, division du droit fiscal, direction juridique, ministère des Finances: Je vais traiter de la disposition d'exemption. Il est vrai que l'article 87 de la Loi sur les Indiens renferme une disposition portant que celle-ci s'applique, nonobstant toute autre loi. Toutefois, il n'est si inhabituel d'avoir une disposition d'exemption générale suivie d'une disposition d'exemption particulière qui dit que, nonobstant la disposition antérieure, telle ou telle mesure s'applique. Tel est le but de l'article 59 du projet de loi. Si nous adoptions toute autre position, il serait alors impossible de modifier l'article 87 de la Loi sur les Indiens, parce que toute autre disposition qui modifierait ou abrogerait celui-ci serait inopérante.
Je ne sais pas si mon explication est suffisamment claire ou si elle vous satisfait.
Le président: Vous dites essentiellement que, nonobstant la disposition d'exemption, il n'y a pas de problème.
M. Carrière: Je dis qu'il y a deux principes ici. La seconde disposition a normalement préséance. Si vous avez une disposition d'exemption et que, un peu plus loin, vous insérez une autre disposition d'exemption, c'est cette dernière qui a préséance. La disposition plus précise est primordiale. Celle-ci fait expressément allusion à l'article 87 de la Loi sur les Indiens, de sorte qu'elle exprime l'intention du Parlement de faire en sorte que cet article ait préséance.
M. Meehan: Honorables sénateurs, je m'oppose à l'avis qui vous a été donné, parce que ce n'est pas un avis juridique. Deux points ont été mentionnés. Le premier est que la seule obligation du gouvernement fédéral est d'adopter une mesure législative. Ce n'est pas du tout le cas. Le gouvernement fédéral n'est aucunement tenu d'adopter une mesure législative. C'est une décision politique prise par le gouvernement. Deuxièmement, il y a la déclaration portant que nous adoptons une approche de gouvernement à gouvernement avec la bande indienne et qu'il y a risque de suicide politique. Ce n'est pas un avis juridique, mais plutôt une déclaration politique faite au nom du gouvernement.
Les deux conseillers juridiques sont venus ici pour vous fournir des avis juridiques sur la constitutionnalité de la mesure. Je n'ai pas entendu une seule allusion à la Charte des droits et libertés. Nous vous demandons simplement, au nom de la bande indienne, d'envisager la tenue d'un référendum. Les questions importantes pour l'avenir du pays font l'objet de référendums. Il s'agit ici d'une question spéciale qui appelle des mesures spéciales.
Le président: Je vous signale que nous n'acceptons pas leurs déclarations comme un exposé des faits. Nous les acceptons plutôt à titre d'information. J'espère que vous comprenez cela.
M. Meehan: Oui, mais j'espère que vous considérerez ces déclarations comme une expression de leur contenu et non comme des avis juridiques.
[Français]
M. Gérald Larose, président, Confédération des syndicats nationaux: D'abord je voudrais vous remercier de nous accueillir. Les personnes qui m'accompagnent sont MM. Éric Morin, président du comité confédéral des jeunes à la CSN, Pierre Bonnet, du Service de la recherche à la CSN et Pierre Patry, président de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, affiliée à notre organisation.
Ce n'est pas tous les jours qu'on se déplace à Ottawa et surtout au Sénat, c'est déjà une illustration de l'importance de la question que nous allons débattre. Nous sommes intéressés à cette question parce que la CSN est une organisation qui regroupe des centaines de milliers de parents. C'est aussi une organisation qui compte 245 000 membres dont 20 p. 100 oeuvrent dans le secteur de l'éducation.
Les professeurs universitaires qui sont affiliés à une organisation syndicale le sont à la CSN. Nous regroupons la majorité, c'est-à-dire 85 p. 100 des chargés de cours dans les universités du Québec, la majorité des professeurs dans les cégeps, la majorité du personnel de soutien dans les cégeps, de l'élémentaire et du secondaire. Cette question nous touche donc dans notre quotidien.
Nous avions la certitude, quand nous nous sommes présentés devant le comité de la Chambre, qu'il y avait des solutions disponibles pour régler le contentieux qui existait concernant les bourses du millénaire. À notre grande surprise, le projet de loi C-36 a été adoptée sans aucune modification substantielle et à l'encontre de la volonté de toutes les parties au Québec. Je rappelle qu'il y a au Québec une coalition non seulement des partis politiques, mais aussi de tous les groupes qui oeuvrent dans l'éducation, que ce soit les recteurs d'université, les fédérations patronales dans le secteur de l'éducation, les organisations syndicales, les organisations étudiantes et même les associations du secteur manufacturier. Tout le monde est d'accord avec les propositions que nous avions acheminées au comité de la Chambre.
Normalement lorsqu'on fait une loi, c'est pour résoudre des problèmes. Si nous avions identifié au Québec des problèmes particuliers d'accès aux études postsecondaires faute d'appui économique, nous aurions compris qu'il puisse y avoir un projet de loi C-36. Si nous avions compris qu'il y avait un étouffement telles des dettes pour les étudiants au Québec, on aurait pu comprendre qu'il y ait une loi C-36.
Tout le monde constate que la situation vécue au Québec, particulièrement l'accès aux études postsecondaires, n'est pas un problème majeur. Comme société, nous avons pris un certain nombre de mesures pour faciliter les études postsecondaires. Je rappelle que nous avons créé un réseau gratuit de cégeps qui couvre deux ou trois ans d'études postsecondaires. Les frais de scolarité sont de 110 $ en moyenne par année. Nous avons mené bataille par-dessus bataille pour contenir les frais de scolarité au niveau universitaire, ce qui fait qu'au Québec, le taux moyen des frais de scolarité est de 1 700 $, alors que la moyenne canadienne est de 3 200 $. Nous avons aussi élaboré un régime de prêts et de bourses qui fait qu'en moyenne, les étudiants qui y ont droit terminent leurs études avec un taux d'endettement de 11 000 $, alors que la moyenne canadienne est de 25 000 $.
Toutes ces mesures sont des choix de société et des choix que la société québécoise a financés en partie par les fonds qui viennent du fédéral.
Ces dernières années, au Québec comme dans bon nombre de sociétés, on a vu un certain nombre de mesures visant le redressement des finances publiques s'exprimer par des coupures dans le secteur de l'éducation. En fait, un milliard et demi ont été coupés dans le réseau collégial et 329 millions dans le secteur universitaire, ce qui grève, d'une certaine manière, l'accès aux études postsecondaires.
Le gouvernement fédéral lui-même, pour fins de redressement de ses finances publiques, a procédé à des réductions dans les transferts qui s'expriment nécessairement par des réductions dans les provinces au niveau de l'éducation. Nous avons pour thèse que s'il y a de l'argent disponible, il devrait l'être pour maintenir l'intégrité des réseaux secondaires, collégials et universitaires. Effectivement, on peut aussi bonifier le régime des prêts et des bourses pour les étudiants, mais compte tenu des sommes qui traditionnellement ont été consacrées à ce volet pour les 10 dernières années, c'est en moyenne 5 p. 100 de plus qui a été consacré à la bonification du régime des prêts et des bourses. Alors comme on a fait un effort colossal de ce côté, on s'attend, s'il y a des fonds disponibles pour l'éducation, à ce qu'on puisse les réinjecter en bonne partie dans les réseaux.
Pour nous le projet de loi C-36 ne correspond pas à un besoin criant pour le Québec. Donc on a souhaité que l'argent soit rendu disponible au Québec par une procédure qui s'est avérée très efficace depuis 38 ans, l'entente Pearson-Lesage. Cette entente, quand on a des sommes d'argent qu'on veut rendre disponibles pour les étudiants, permet de les transiter par le Québec, notamment par son régime de prêts et bourses.
Cette proposition satisfaisait l'objectif déclaré. On a compris qu'à l'occasion du passage à l'année 2000, il puisse y avoir une opération canadienne visant les étudiants. On pourrait en débattre, mais nous on ne remet même pas cela en question. C'est le choix du gouvernement.
Il y a des solutions pour rendre visible cette opération du gouvernement. Une d'elles consisterait en ce qu'un certain nombre de bourses dévolues aux étudiants du Québec soient identifiées comme des bourses en provenance du gouvernement fédéral.
Contre toute attente, le gouvernement a décidé d'adopter le projet de loi C-36 sans l'amender, ce qui aura pour résultat le dédoublement d'un régime sophistiqué de prêts et de bourses. On nous a soumis qu'un régime d'allocation des bourses du fédéral va signifier une perte de mille bourses par mois pour les étudiants, rien que pour administrer tout le régime.
On estime que les fonds disponibles devraient servir un objectif de démocratisation des études et non pas des bourses au mérite.
Alors on sait qu'on est à la dernière étape. On pense que le Sénat devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour que des méthodes de gestion éprouvées dans le passé et qui ont fait l'objet d'une entente fédérale-provinciale entre le gouvernement Lesage et le gouvernement Pearson à l'époque puissent s'appliquer. On pense que la situation est trop importante, l'argent trop rare pour qu'on ne puisse pas l'utiliser à meilleur escient. On parle de la portion québécoise, soit un montant d'environ 650 millions. Ce n'est pas négligeable.On pense que le maximum doit être fait pour que le gouvernement, sans mettre le feu dans la prairie et casser la baraque, tout simplement en utilisant une entente qui a déjà fonctionné pendant 38 ans, puisse permettre à la société québécoise d'atteindre ses objectifs tout en permettant au gouvernement canadien d'atteindre aussi les siens qui sont de souligner d'une manière particulière le passage à l'an 2000. J'arrête là pour répondre à un certain nombre de questions.
Le sénateur Rivest: Je tiens à vous remercier d'être venu. Je sais que vous représentez des gens qui sont très impliqués dans le domaine de l'éducation, en particulier en enseignement collégial et universitaire. Le fait que le président de la CSN se déplace va illustrer pour nos collègues toute l'importance que l'ensemble de la population québécoise attache à cette question.
Dans votre mémoire, vous avez parlé du droit de retrait. Je me suis totalement rallié à cette idée. D'autant plus que, comme vous l'avez signalé, cela s'est pratiqué dans des champs de juridiction qui ont toujours appartenu au Québec. Il me semble que l'éducation est un domaine où on pouvait utiliser le droit de retrait sans équivoque, mais semble-t-il que ce n'est plus possible aujourd'hui pour des raisons d'ordre philosophique ou à cause de la conception du fédéralisme canadien qui domine à Ottawa.
Pour la CSN, c'est le droit de retrait. Les étudiants qui sont venus témoigner devant nous étaient aussi en faveur du droit de retrait. C'est également la position du gouvernement du Québec. Dans la lettre qu'il a envoyée à M. Bouchard à la suite du bris des négociations, M. Chrétien dit que le gouvernement du Québec n'a qu'à demander le droit de retrait, mais qu'il ne lui accordera pas. On ne sait pas pourquoi, mais il paraît que cela ne se fait plus. Par contre, il dit que la résolution de l'Assemblée nationale adoptée par tous les partis politiques est très valable. Quelle est l'opinion de la CSN au sujet de cette deuxième solution aux problèmes soulevés par la fondation?
M. Larose: Nous avons débattu, avec tous les partis politiques du Québec, la position adoptée par l'Assemblée nationale. On a compris que l'ensemble des partis estimait qu'on ne pouvait pas dédoubler un régime qui existe déjà. Il faut donc prévoir, dans le projet de loi C-36, un aménagement particulier qui ferait en sorte qu'on transite, par le régime existant, des sommes qu'on veut rendre disponibles. À mon avis, c'est la même chose qu'appliquer le droit de retrait. La querelle a existé au début des années 60 et le sénateur Joyal était alors président de la FAGEQ où on débattait de ces questions. M. Lesage sollicitait l'appui des étudiants pour gagner la bataille. Ce débat a été réglé.
Le sénateur Rivest: Même le sénateur Joyal?
M. Larose: Oui, on était tous du même bord. J'espère qu'on l'est encore. On sent qu'il y a peut-être une autre conception du fédéralisme. Cela nous amène sur un autre débat. Je voudrais vous aviser qu'on vient de régler la question de la main-d'oeuvre. Je ne sais pas si vous voulez nous redonner un bâton pour continuer la bataille, mais j'ai l'impression que c'est du même ordre. Alors qu'on a réglé la question de la main-d'oeuvre, on va se faire donner un relais sur une matière encore plus évidente. Je ne comprends pas. L'argent est rare et on n'a pas le droit de le gaspiller comme on s'apprête à le faire en dédoublant un régime qui s'est avéré performant. On ne le dira peut-être pas assez, mais la société québécoise a assumé ses responsabilités à l'égard des moins fortunés qui n'ont pas accès aux études postsecondaires.
Le sénateur Bolduc: Supposons qu'on ne peut pas avoir de droit de retrait politique comme vous l'avez proposé -- qui selon moi était la formule idéale et qui aurait été réalisable -- est-ce qu'on pourrait aller vers une solution qui serait une sorte de droit de retrait administratif? Si les gens de la fondation sont raisonnables, ils vont se rendre compte qu'il y a un système qui marche au Québec et ils vont tenter de conclure une entente avec le gouvernement du Québec. Dans le projet de loi, étant donné que c'est un organisme autonome du gouvernement, ce dernier s'enlève le pouvoir de négocier parce que aussitôt que la fondation est créée, c'est la société qui va conclure une entente.
Si cette société, par une modalité administrative, nous garantissait que les paramètres dans la motion de l'Assemblée nationale vont être respectés, est-ce que cela serait une solution, peut-être pas aussi satisfaisante, mais qui serait pratique et raisonnable? Deuxièmement, le choix est fait par le régime provincial et troisièmement, le gouvernement fédéral transmet un chèque au nom des personnes choisies.
M. Larose: Cela me pose un problème d'ordre diplomatique et démocratique. Je ne conçois pas que le gouvernement du Québec doive négocier ses prérogatives avec une société privée. C'est une sacrée glissade. Je suis surpris que le gouvernement fédéral se prête à ce jeu. C'est marchander, au plan philosophique, des principes de base de notre société démocratique. J'ai beaucoup de difficulté avec cela.
Le sénateur Bolduc: Dans l'ordre réel des choses, il s'agit de 600 millions sur 10 ans. C'est 60 millions par année et le gouvernement du Québec met déjà 250 millions par année dans son régime. On monterait à 310 millions. C'est évident que c'est mieux. Cela fait un montant additionnel. Si on le met dans l'éducation cela veut dire qu'en termes de financement de l'enseignement supérieur, cela donne une marge de jeu aux institutions. Cela serait positif sur ce plan sauf qu'au point de vue des principes, cela ne vous fait pas sauter en l'air.
M. Larose: Non. Combien de problèmes difficiles on ne serait pas alors tenté de faire gérer en sous-traitance par des sociétés privées? Ce n'est pas un progrès pour nos démocraties. C'est même une perversion. Je ne cautionnerais pas cela.
Le sénateur Bolduc: En 1964, le gouvernement fédéral a dit qu'il y aurait une clause de droit de retrait et que les provinces pourraient prendre l'argent. Depuis ce temps, même dans les paiements de péréquation, il n'y a jamais eu de conditions pour le financement de l'enseignement universitaire. On donne de l'argent au gouvernement du Québec et s'il dit que cela va dans les bourses, cela va dans les bourses et s'il dit que cela va aux institutions, cela va aux institutions et s'il dit qu'il met ces fonds dans la recherche, cela va dans la recherche.
En introduisant ce régime, on se trouve à modifier la politique constitutionnelle acceptée depuis 35 ans et à dire qu'à l'avenir, il y a une priorité dans l'enseignement supérieur, soit le financement des étudiants. Il y a une condition, c'est d'avoir du mérite, d'être compétent, et cetera. Est-ce que cela ne vous paraît pas un changement important dans la pratique constitutionnelle?
M. Larose: Je dirais que c'est contraire à nos propres intérêts. Je le rappelle, il y a une entente des étudiants, des organisations syndicales, des organisations patronales et des recteurs d'universités. On est tous d'accord sur un point: s'il y a un retour du gouvernement fédéral, il y aura de l'argent qui sera réinjecté dans les réseaux et il y en aura un peu pour bonifier le régime. On est même d'accord pour bonifier un peu le régime.
Tout le monde est d'accord pour dire qu'au niveau de l'aide aux étudiants, nous avons fait plus d'efforts que quiconque. Ce n'est pas la priorité des priorités. Si le gouvernement fédéral nous impose d'aider les étudiants encore plus, on trouve qu'il ne se mêle pas de ses affaires. Surtout, il vient nous nuire parce que son argent est aussi le nôtre.
On n'est pas d'accord pour que notre argent ne soit pas efficace. On pense qu'en éducation, au moment où on se parle, après avoir vécu près de deux milliards de dollars de réductions budgétaires, il est temps qu'on y remette de l'argent. On pense qu'on sert mieux l'ensemble des étudiants si on en remet dans les réseaux plutôt que d'en remettre la totalité en bourses aux étudiants. C'est l'analyse qu'on fait.
Le sénateur Rivest: On essaie de convaincre nos collègues. On essaie de leur expliquer concrètement -- bien sûr avec des euphémismes -- que dans ce domaine, on est unique. Il me semble que c'est tout à fait évident et vous l'avez très bien démontré. C'est notre propre réalité du système d'éducation et on la bousille.
Dans la lettre envoyée par le premier ministre du Canada à M. Bouchard, à la suite des prix de négociation, il dit sèchement et je cite:
Il est malheureux de constater que ni vos négociateurs ni votre ministre n'ont fait d'autre proposition que celle d'un droit de retrait avec compensation.
Après, il écrit un beau paragraphe:
Néanmoins, nous avons examiné très attentivement la motion adoptée le 14 mai 1998.
Comme si c'étaient deux choses différentes. Il ne se prononce pas sur la qualité de la motion. Il la trouve intéressante. Vous l'avez bien souligné. Pour rendre possible le respect -- si on ne veut pas appeler cela le droit de retrait parce qu'on ne peut pas -- cela prend une ouverture et une base législative dans le projet de loi C-36, donc un amendement quelconque. Moi qui suis de nature très optimiste, ce matin, je suis devenu très pessimiste parce qu'un bon garçon comme le ministre des Finances nous a dit qu'en pratique, il n'y avait pas d'amendement possible. Il semblerait que M. Chrétien tienne à son projet tel qu'il est en ce moment. Je lui ai dit que M. Larose s'en venait et qu'il faudrait peut-être le prévenir qu'il s'en vient sur un mur.
Qu'est-ce que cela va donner? Ce n'est pas une question mais un commentaire, parce que je sais que vous êtes d'accord avec moi. Je laisse mes collègues de l'autre côté essayer de trouver dans leur milieu une solution quelconque pour eux-mêmes parce qu'on risque d'aboutir à un gaspillage d'argent alors qu'il y a des besoins dans le domaine de l'éducation.
Le sénateur Joyal: En débutant, je voudrais vous dire qu'à l'époque où nous étions tous les deux militants dans les collèges au Québec, il y avait deux objectifs qui sont toujours demeurés prioritaires, dont celui de l'accès à l'éducation. À cette époque, il n'y avait pas de système public au niveau collégial ni au niveau universitaire. Toutes les universités au Québec étaient privées.
D'autre part, les frais de scolarité étaient des frais généraux dans le système et par rapport à la capacité des Québécois de payer, cela représentait un obstacle à l'accès à l'éducation. La CSN, dirigée à l'époque par votre prédécesseur, Jean Marchand, avait fait siens ces objectifs. Je suis heureux aujourd'hui de vous entendre là-dessus. M. Pépin qui lui a succédé, M. Rodrigue et vous-même avez toujours défendu ces objectifs. Il y a une continuité historique qu'il me plaît de souligner.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un problème particulier. Le rôle du gouvernement canadien est d'exercer une certaine forme de redistribution des ressources au Canada selon les priorités qu'il a définies dans son mandat. Il se soumettra par la suite d'une façon régulière aux électeurs qui sanctionneront ou confirmeront ce mandat. Comment le rôle du gouvernement canadien peut-il être concilié avec l'objectif non seulement louable mais fondamental du gouvernement québécois de maintenir la priorité de sa définition du système d'éducation dans la province?
Nous appliquons une formule très simple, comme celle que nous revendiquions il y a 34 ans, celle d'un transfert de paiement de points d'impôt et d'argent comptant. Comme vous l'avez souligné, le total transféré depuis 34 ans représente près de 1,4 milliard de dollars. Cela a certainement permis au gouvernement du Québec de poser un geste particulier, celui d'instaurer des bourses, alors que dans le reste du Canada il y a un système de prêts. Cela a permis au gouvernement du Québec de faire un rattrapage au niveau de l'accessibilité et de confirmer ce principe comme étant la pierre angulaire du développement du système d'éducation au Québec.
À l'époque, le Québec choisissait de se donner un système beaucoup plus généreux à l'égard des étudiants que ne le faisait le reste du Canada en finançant un système de prêts. C'était la base du droit de retrait, un peu comme dans le Régime de pensions du Canada et le régime de pension du Québec. Cela donnait au Québec la chance de prioriser les objectifs de développement.
Dans le cas auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, les universités au Québec semblent privilégier une avenue où, comme le disait le sénateur Bolduc, nous permettrions au gouvernement du Québec d'utiliser une certaine marge de manoeuvre. Vous pouvez faire le scénario suivant: le gouvernement du Québec pourrait, à la limite, ne rien changer à son système de bourses, simplement identifier le montant correspondant de la bourse fédérale et laisser une opération nette en récupérant les montants correspondants pour les réinvestir ailleurs. Le gouvernement du Québec pourrait ne pas bonifier le système de bourses simplement en soustrayant le montant fédéral correspondant.
Le sénateur Rivest: Juste une précision. Prenez le sens de la résolution de l'Assemblée nationale, ce n'est pas cela. Cela dit qu'on va le faire.
Le sénateur Joyal: Non, mais je fais des hypothèses de règlement pour essayer de voir comment on pourrait protéger la marge de manoeuvre complète du Québec.
Dans la lettre que le premier ministre du Québec et Mme Marois ont fait parvenir aux étudiants, vendredi dernier, on soulignait qu'il y aurait un montant correspondant qui servirait à l'amélioration du système de bourses et de prêts aux étudiants, les autres montants pouvant être redirigés là où seraient les priorités, que ce soit dans l'équipement, l'accessibilité des programmes, et cetera. Il y a plusieurs façons d'utiliser les montants correspondants, et c'est évidemment le gouvernement du Québec qui le ferait.
Est-ce qu'en pratique, le gouvernement du Québec pourrait garder sa marge de manoeuvre et définir ses priorités tout en conservant au gouvernement canadien sa capacité de redistribuer l'argent pour les étudiants? L'argent atteindrait quand même les étudiants dans le contexte des choix que le gouvernement du Québec pourrait faire.
Premièrement, on peut aller plus loin en faisant ce que l'Assemblée nationale nous a proposé: en définitive, il s'agit de faire une sorte d'identification du budget global. Vous l'avez fait vous-même, c'est relativement facile à faire. On peut prendre le facteur de la démographie étudiante au Québec versus la démographie au Canada -- comme l'Assemblée nationale le disait. Cela serait peut-être plus favorable au Québec. Peut-être qu'au lieu d'avoir 24, on aurait 26 ou 27. Prenons un facteur démographique quelconque, soit la population canadienne, soit la population étudiante.
Deuxièmement, assurerons-nous que la liste des étudiants admissibles soit la liste du Québec et qu'en définitive ce soit le Québec qui fasse l'évaluation des besoins. Le test du Québec est, à mon avis, juste. D'ailleurs la loi prévoit que dans toutes les mesures du possible la fondation devrait prendre les indications d'évaluation des provinces. D'une certaine façon, elle le spécifie d'une manière claire.
Troisièmement, cela permettrait, d'une façon générale, au gouvernement d'acquérir sa visibilité et de faire les choix qui s'imposent. Est-ce qu'il n'y a pas une solution à ce problème? J'essaie de voir comment on pourrait en arriver à définir quelque chose de concret qui nous permette de faire en sorte que s'il y a des fonds supplémentaires, comme vous le dites, on puisse les utiliser le plus rapidement possible parce que le système en a besoin.
M. Larose: Quand on a commencé à travailler en coalition, on a d'abord procédé à l'analyse des objectifs du gouvernement canadien. Est-ce que son objectif était de répondre à un besoin québécois? On pense qu'il y a un problème canadien en ce qui concerne l'endettement des étudiants. Moi-même je reçois des groupes d'étudiants qui viennent du reste du Canada, certains finissent leurs études avec une dette de 40 000 $. Je pense qu'il y a un problème canadien. Je n'ai aucun doute là-dessus. Ce n'est pas vrai que nous avons un problème québécois à ce niveau.
Donc, on a constaté que l'objectif très précis, déclaré, c'est l'an 2000. Le gouvernement canadien veut être présent auprès des étudiants du Canada. C'est un objectif auquel il a droit. On s'est entendu entre nous pour que le gouvernement canadien atteigne cet objectif. Après cela on dit: «Time out». Où est le problème à utiliser une formule qui est pratiquée depuis 38 ans? C'est quoi le problème? Je me dis qu'à partir du moment où le gouvernement -- en plus souverainiste du Québec -- tombe d'accord avec nous pour rendre visible le gouvernement canadien, c'est déjà, je vous dirais, une petite révolution. Ils sont d'accord. Pourquoi chercher la chicane? Parce que cela fait 38 ans que l'on fonctionne ainsi. Il y a de l'argent qui vient de chez vous et puis on transite. Alors, je me dis que s'il n'y a pas de problème, ne cherchons pas la chicane. C'est notre présentation. Le reste sera compliqué, très compliqué.
J'avoue que je redécouvre le système des prêts et bourses. Je peux vous dire qu'on a un régime au point. C'est un régime que l'on peaufine d'année en année. Trois autres mesures vont être appliquées à des gens qui sont dans des conditions spéciales. C'est vraiment une mécanique complexe. Moi, je me dis: ne réinventons pas la roue. On a atteint l'objectif du gouvernement fédéral, mais ne nous crêpons pas le chignon! On va continuer encore 10 ans, après 38 ans, cela fera 48 ans. Je ne cherche pas la chicane plus que cela, même si ma profession est parfois d'en provoquer. Là-dessus je ne voudrais pas qu'on se chicane.
Le sénateur Bolduc: Au sujet de ce que vous disiez au sujet des prêts et bourses chez nous, un des problèmes qui avait été soulevé est que le fait que l'on n'avait pas le raffinement dans les modes de remboursement et le «timing» du remboursement. Il y a des étudiants pour qui cela coûte plus cher qu'à d'autres d'aller à l'université. Des facultés sont plus dispendieuses, par exemple, pour les dentistes.
Par contre, il y a aussi le fait qu'à la fin de leurs études, 10 ans après, en majorité, ils gagnent plus que le monde ordinaire dans le système. Il faut faire attention. Si les modes de remboursement sont ajustés, il y a moyen de faire en sorte que les médecins, les avocats et les dentistes, donc le groupe dont les études coûtent le plus cher, si on les comptait dans les coûts, le 40 000 $ baisserait peut-être à 22 000 ou 23 000 $ parce qu'ils font partie du groupe le plus capable de rembourser. Si on arrange le système du «timing» du remboursement des bourses, autrement dit un récent diplômé qui exerce une profession moins payante, par exemple, un travailleur social -- je pense que c'est moins payant que d'être dentiste, tout le monde serait d'accord -- pourrait avoir une période plus longue pour rembourser sa dette. Cela fait partie des ajustements que Québec voulait faire et auxquels il veulent procéder. Je pense que le gouvernement fédéral veut faire la même chose.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites: pourquoi changer quelque chose qui est en train de se raffiner et de fonctionner.
M. Larose: On n'avait pas de problème donc on n'avait pas besoin d'une nouvelle solution. On est en train de créer un problème et on recherche des solutions qui vont être compliquées à ajuster. Ne créons pas de problème et on n'aura pas besoin de nouvelles solutions. Tout le monde s'est montré disponible pour rencontrer l'objectif déclaré de la visibilité. À partir de cela, c'est du bon fédéralisme.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je voulais simplement remercier la CSN de s'être présentée. On savait que vous faisiez partie de la coalition. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de lire en entier votre mémoire, mais j'ai lu la conclusion. Je dois vous dire que j'ai servi à mes amis d'en face au Sénat le premier paragraphe de votre conclusion. C'est à peu près textuellement la même chose. Cela est indéfendable d'autant plus que, comme tout le monde le dit et le redit, au Québec, il y a un système de bourses et de prêts. D'ailleurs, l'an dernier, j'ai été membre d'un comité sur l'enseignement postsecondaire qui s'est promené à travers le Canada. Un peu partout les gens nous ont dit qu'au Québec, les étudiants étaient mieux parce que c'était la seule province avec un système de prêts et bourses et ils enviaient les étudiants du Québec. Tout à coup, je ne comprends pas que le Québec et le gouvernement fédéral soient en rivalité pour copier une chose qui existe déjà au Québec.
J'ai cru comprendre qu'aujourd'hui les premiers ministres vont faire des représentations pour qu'on augmente les paiements de transfert. Les provinces et les citoyens déplorent que le système d'éducation, particulièrement au niveau de l'éducation postsecondaire, se détériore parce que les ressources ne sont plus là. Toutes les provinces doivent faire face également à ce qui se passe dans le système de santé. Je n'ai pas besoin de vous faire des dessins. S'ils ont trop d'argent, qu'ils l'utilisent pour les système de la santé des provinces. Il n'y a rien qui aurait empêché les provinces d'instaurer leur propre système de bourses et de prêts. Je pense qu'il y a des prêts dans certaines provinces. Les provinces auraient pu instaurer un système de bourse avec l'argent que le gouvernement fédéral leur donnerait à titre de paiement de transfert.
Je ne sais pas si nous allons pouvoir convaincre le gouvernement. Je pense que l'on va continuer le plus longtemps possible pour au moins faire adopter quelques amendements. Sur le débat de fond, je pense qu'on a ici autour de la table le meilleur témoin, le sénateur Bolduc, qui a vécu toutes ces choses et là cela n'a plus d'importance. Je vous remercie, d'être venu et on va continuer à se battre dans la mesure de nos moyens.
Le sénateur Joyal: Cela fait plusieurs années que vous dirigez la CSN et votre principale responsabilité est de négocier et de résoudre des conflits parfois extrêmement difficiles, et malgré tout, vous réussissez à passer au travers. Je ne veux pas en mentionner quelques-uns mais j'ai celui de Métro à l'esprit, donc des conflits qui s'éternisent devant les tribunaux et qui sont extrêmement pénibles de façon générale.
Est-ce que vous connaissez M. Monty, le président de la fondation qui a été nommé? Avez-vous déjà négocié avec lui?
M. Larose: Pas directement, non.
Le sénateur Joyal: Vous connaissez de façon générale la façon dont l'entreprise a été menée et comment elle a évolué, car vous vivez comme moi au Québec.
Est-ce qu'en pratique, indépendamment de toutes les questions constitutionnelles, il n'y a pas moyen de s'entendre lorsque l'on respecte certains points? Comme on le mentionnait tantôt, le montant global ne pose pas vraiment de problèmes comme tels, le dernier point de l'accord non plus, la visibilité est reconnue par le gouvernement du Québec. La loi mentionne que dans la mesure du possible, on devrait tenir compte de la liste des besoins évalués par les provinces selon les critères qu'elles ont mis en place lorsque cela existe déjà au Québec. Est-ce que la marge n'est pas relativement mince? Elle pourrait amener une forme d'entente administrative satisfaisante à la fois pour le gouvernement canadien et celui du Québec. Cela se peut-il, selon votre expérience pratique des conflits très grands, beaucoup plus complexes que ceux-là, et sauf tout le respect que je dois aux étudiants et à toutes les questions administratives qu'il peut y avoir là-dedans?
M. Larose: La marge peut sembler mince, mais en même temps, elle est immense. Vous faites allusion aux relations de travail. Le sénateur Rivest connaît fort bien ce secteur parce qu'on a eu à y traiter bien des dossiers. Je me sens un peu comme devant l'article 45 du Code du travail du Québec, à savoir, quand il y a un changement dans la structure juridique de l'entreprise, si la convention continue à exister ou non. Faut-il signer avec le sous-traitant ou le donneur d'ouvrage? J'ai l'impression qu'on veut renier l'article 45 et refiler cela à un sous-traitant. J'aurais beau signer ce que je veux avec le sous-traitant, mais le vrai décideur, c'est qui? J'estime qu'en matière d'éducation, le vrai décideur est l'État du Québec. Dans ce cas-ci, l'État du Québec doit négocier avec l'État canadien.
Je ne me sens pas très à l'aise d'aller négocier avec un sous-traitant que de toute manière, on pourra changer demain matin. Là, c'est M. Monty, mais avant, c'était M. Landry. En cette matière, on n'est pas sur un terrain sûr. Ces prérogatives, dans une société démocratique, appartiennent à l'État.
Si M. Monty voulait se prêter à l'exercice qui dirait que le gouvernement fédéral règne de cette manière, on pourrait parler à M. Monty, mais à mon avis, c'est l'État canadien qui est responsable.
Le sénateur Rivest: J'ai écouté M. Monty vendredi soir à l'émission Maisonneuve à l'écoute. Il a dit qu'il était là pour administrer les choses et qu'il n'entrerait pas dans le domaine politique.
Le sénateur Joyal: J'étais avec votre prédécesseur, M. Marchand, lorsqu'il qui était ministre du Travail durant le conflit avec les gars de Lapalme. Vous vous souvenez de cet épisode. Monseigneur Lafontaine agissait comme intermédiaire entre vous-même et le gouvernement canadien pour trouver une solution à un conflit qui était extrêmement complexe.
Je ne veux pas mettre en relief qu'un tel est fondé de telle chose ou non, mais si on essaie d'appliquer toutes les questions juridiques sur la base de tous les concepts juridiques, on peut compliquer l'affaire à l'extrême et rendre cela plus laborieux, et cela peut prendre 30 ans. Si on veut solutionner un problème où on reconnaît que les éléments de solution sont sur la table, il reste une question de principe et je sais qu'elle est importante. Mais il peut y en avoir une et je n'imagine pas la solution, je ne suis pas en train de discuter avec vous dans une chambre de la solution. Il pourrait y avoir une entente qui dirait que le gouvernement canadien reconnaît la responsabilité exclusive du gouvernement du Québec conformément à l'article 92(13) de la Constitution. Il y a moyen de signer des documents qui confirment la responsabilité respective des parties tout en acceptant des formules d'amendement ponctuelles et circonstancielles.
Excusez-moi d'utiliser une expression sexiste, mais quand deux montagnes veulent se rencontrer, ce n'est pas possible, mais deux personnes peuvent le faire et essayer d'en arriver à une entente. Il pourrait y avoir un moyen d'arriver à un compromis acceptable entre le gouvernement du Québec, dans la reconnaissance de sa compétence exclusive à déterminer ses choix, et le gouvernement canadien dans sa responsabilité de redistribuer les revenus qu'il tire de son pouvoir de taxation au Canada. C'est dans ce contexte que j'essaie de voir comment on pourrait aménager une forme de compromis acceptable aux parties en cause. Il ne s'agit peut-être pas d'accepter les principes les plus extrêmes en essayant de voir comment en fait on peut régler le problème.
M. Larose: On est en face d'un problème de reconnaissance syndicale, selon notre jargon. Les parties ne veulent pas se reconnaître dans leurs responsabilités. Quand un patron ne veut pas reconnaître le syndicat, c'est très compliqué de négocier. Dans ce cas-ci, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas le syndicat. Le vrai syndicat, c'est le Québec dans les circonstances. Il voudrait négocier avec quelqu'un d'autre. S'il n'y a pas reconnaissance des parties, il n'y a pas une entente qui va tenir la route. Je soumets qu'il n'y a pas de problème. Le problème n'existe pas, on crée un problème. Pour solutionner le problème que l'on crée, on va s'adresser à M. Monty qui, de toute manière, ne pourra pas nous satisfaire parce qu'il ne pourra pas dire: «Oui, je reconnais la Constitution, et cetera, cela n'a rien à voir là-dedans». C'est le gouvernement canadien qui doit le faire.
Il n'y a pas de problème, n'en créons pas, et on n'aura pas besoin de trouver d'autres solutions, surtout que nos prédécesseurs, du temps bucolique du Canada, ont trouvé une solution qui a marché 38 ans. Notre premier ministre veut des drapeaux, on va lui en donner à la hauteur de sa contribution. On a été clair là-dessus. Il y en a qui nous cherchent des poux parce qu'il n'y a pas d'autres problèmes à solutionner.
Le sénateur Joyal: Le sénateur Rivest nous disait qu'il avait entendu M. Monty. Prenons pour acquis qu'il a exprimé sa position, à savoir qu'il ne veut pas négocier. Le premier ministre du Canada, dans sa lettre du mois de mai, dit que nous sommes à regret de constater que les négociations ont été rompues. Pour paraphraser votre exemple, est-ce qu'il n'y a pas là une volonté de la part du gouvernement canadien de reconnaître l'autre partie? M. Monty se met de côté et veut que l'on règle le problème politique aux paliers gouvernementaux. Le premier ministre du Canada dit dans sa lettre du mois de mai qu'il est prêt à appuyer les négociations. La résolution de l'Assemblée nationale semble une base de discussion raisonnable. Est-ce qu'on ne devrait pas les inviter pour conclure une entente sur la base de la reconnaissance de leurs responsabilités respectives?
M. Larose: Du gouvernement canadien et du gouvernement québécois, je suis d'accord.
Le sénateur Joyal: Exactement.
M. Larose: On est embêté avec une loi qui a été adoptée, je ne connais pas trop la mécanique.
Le sénateur Joyal: La loi n'est pas adoptée. Le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes et il est devant nous actuellement.
M. Larose: Tout à fait. Je ne sais pas si je révèle des secrets, mais après chacune des séances de négociations, la coalition tenait une conférence téléphonique avec ses négociateurs. On a suivi cela au jour le jour après chacune des séances de négociations. Quand la position de l'Assemblée nationale a été connue, tout le monde s'est entendu sur l'interprétation. On a dit: demandons au gouvernement canadien de soumettre une proposition qui tienne compte de cette position. Le gouvernement canadien a dit qu'il n'y avait pas de proposition, qu'il n'y en aurait pas, c'est le projet de loi C-36.
Alors on a été obligé de constater qu'il n'y aurait pas de négociations. On était ouvert à toutes sortes de solutions qui passaient dans le cadre d'une négociation de gouvernement à gouvernement. Il fallait que le gouvernement canadien avance une proposition où on ferait en sorte que le régime existant servirait de véhicule pour sa propre opération. Ce n'était pas très compliqué. J'ai compris que le gouvernement canadien n'a pas voulu changer la proposition qu'il a mise sur la table, le projet de loi C-36. On a constaté qu'il n'y aurait pas de négociations.
Le sénateur Joyal: Le seul point que j'aimerais ajouter est que, dans la lettre du premier ministre, il est mentionné qu'il y avait quand même une série de rencontres prévues le 15 et le 17 mai. Je prends pour acquis que ce que vous dites est la position du gouvernement canadien. Il se peut que, dans des rencontres subséquentes -- il y a toutes sortes de gens qui se rencontrent autour des négociateurs, vous-même en êtes et il y en a d'autres --, à un moment ou l'autre, il y ait des déblocages. Vous savez comment cela fonctionne. Il y a toutes sortes de représentations d'éléments différents autour de la table et parfois, une situation qui n'a pas l'air de bouger finit par débloquer. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que l'on reprenne les discussions le plus rapidement possible, puisque, selon l'interprétation que vous donnez, du côté d'une des parties, il ne semblait pas y avoir une volonté de bouger? Dans tout ce débat, il y a toutes sortes d'arguments ou d'options intermédiaires qui sont avancés et qui parfois peuvent représenter un consensus acceptable.
Larose: Puisque j'ai une certaine expérience de ces choses, oui, je crois qu'il est possible que la négociation reprenne, mais pas au niveau des mandataires. On a compris que les mandataires avaient épuisé leur mandat. Il faut que la rencontre ait lieu au niveau des donneurs de mandats. Cela veut dire les ministres en question. Si MM. Pettigrew et Chrétien veulent ramener cela à leur palier -- et je soumets qu'on est en matière constitutionnelle -- on va applaudir. Ce sont eux qui peuvent changer la donne et procéder aux ouvertures.
[Traduction]
Le sénateur Moore: M. Larose, vous avez dit au début qu'il y a un certain nombre de façons qui permettraient au gouvernement fédéral d'avoir la visibilité qu'il souhaite avoir au Québec relativement à ce programme.
Pourriez-vous fournir des exemples de la façon dont cette visibilité pourrait être assurée?
[Français]
M. Larose: La méthode est toute simple. On proposait par exemple,que s'il y avait 3, 5 ou 10 millions de dollars disponibles pour des bourses octroyées aux étudiants du Québec, le gouvernement québécois pourrait, en octroyant des bourses à ses propres étudiants, tirer l'équivalent de ces 3, 5 ou 10 millions de dollars et faire en sorte que ces bourses soient identifiées comme provenant du gouvernement fédéral, dans le cadre de la fondation du millénaire.
[Traduction]
Le sénateur Moore: Voulez-vous dire qu'ils fourniraient des fonds équivalents?
Le sénateur Bolduc: Non. Ce n'est pas ce qu'il a dit.
[Français]
M. Larose: Non. Supposons qu'il y a 10 millions de dollars de bourses par année pour les étudiants en provenance du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Québec pourrait choisir au hasard autant d'étudiants pour totaliser ces 10 millions de dollars et dire aux étudiants que la bourse qu'ils ont obtenue provient du gouvernement fédéral. Alors nous avons une visibilité totale.
[Traduction]
Le sénateur Moore: Avez-vous d'autres exemples?
[Français]
M. Larose: À mon avis, c'est la meilleure façon de rendre visibles les bourses du millénaire. On n'a pas l'impression qu'il faudrait faire une campagne télévisée, il s'agirait plutôt que les étudiants qui reçoivent l'argent sachent qu'il vient du gouvernement fédéral.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous vous sommes gré d'être venus ici aujourd'hui. Vos témoignages nous ont été très utiles.
Le comité suspend ses travaux.
OTTAWA, le lundi 15 juin 1998
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 16 h 35 pour examiner le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi.
Je propose que l'on aborde la partie 1 du projet de loi C-36. Nous avons distribué, pour la gouverne des honorables sénateurs, les amendements qui ont été proposés à la Chambre des communes. Ces amendements portent sur toutes les parties de la mesure législative.
Vous voulez peut-être que l'on jette un coup d'oeil rapide sur ces amendements afin de voir si vous avez des préoccupations relativement à certains d'entre eux.
Le sénateur Cools: Je propose:
Que l'on passe maintenant à l'étude de la partie 1, articles 2 à 46.
Le sénateur Lavoie-Roux: J'ai un amendement à proposer relativement à l'article 8.
Le président: Nous étudions la partie 1, articles 2 à 46. Y a-t-il des amendements à ces articles? Si les sénateurs le souhaitent, nous pouvons procéder partie par partie. Toutefois, si nous étudions, par exemple, la partie 1, articles 2 à 46, nous pourrons discuter de tout article qui, selon nous, devrait faire l'objet d'un amendement.
Le sénateur Cools: Lorsqu'un honorable sénateur veut proposer un amendement, peut-être pourrions-nous disposer des articles de la Partie 1.
Le président: Nous ne le savons pas avant d'arriver à ces articles.
Sénateur Bolduc, avez-vous des amendements?
Le sénateur Bolduc: Oui. Je propose que le projet de loi C-36, à l'article 10a), soit modifié par substitution, aux lignes 34 et 35, de ce qui suit:
de l'éducation postsecondaire, les besoins de l'économie canadienne et la gestion de placements.
Cet amendement réglerait la question de la compétence des administrateurs, qui devraient satisfaire à trois critères, plutôt qu'à deux.
Le sénateur Lavoie-Roux: C'est une bonne idée. Après tout, ces personnes doivent administrer un budget de deux milliards de dollars, et ce chiffre pourrait encore grimper.
Le sénateur Cools: Le sénateur Bolduc demande que l'article 10 soit modifié de façon à garantir au public que les membres du conseil d'administration auront les connaissances nécessaires en gestion de placements.
D'une façon générale, on s'attend des membres d'un conseil d'administration qu'ils soient compétents dans la gestion des budgets et des ressources financières qui leur sont confiés. Selon moi, le libellé de l'article sur la nomination des administrateurs sous-entend déjà que ceux-ci doivent avoir cette compétence. C'est mon premier point.
L'article 10 et les autres dispositions pertinentes du projet de loi se fondent sur la prémisse selon laquelle un administrateur doit être compétent pour gérer les affaires d'une entreprise, d'une société ou d'une fondation. Le critère de la compétence est implicite.
Le sénateur Bolduc: Je ne veux pas débattre de cette question. À mon avis, il est évident que des personnes qui administrent un budget de 2,5 milliards de dollars doivent s'y connaître en gestion de placements. C'est tout ce que j'ai à dire. Il s'agit d'une exigence fondamentale, comme c'était le cas dans le projet de loi C-2. Je ne veux pas faire tout un plat de cette question.
Le sénateur Lavoie-Roux: L'idée est tellement bonne.
Le sénateur Bolduc: L'idée est bonne, mais je ne veux pas en débattre durant cinq heures.
Le sénateur Cools: Il me semble pourtant que vous voulez en discuter.
Le sénateur Bryden: Ce n'est pas tout à fait comme dans le cas du projet de loi C-2, étant donné qu'il s'agit ici d'un fonds de 2,5 milliards de dollars qui sera complètement dépensé sur une période de 10 ans. En outre, les fonds, qui proviendront vraisemblablement du secteur privé, seront fort probablement affectés à des fins précises. Les responsabilités et les qualifications des membres du conseil sont véritablement liées à la distribution des fonds, de sorte que les administrateurs doivent connaître le milieu de l'éducation et ainsi de suite. C'est pour cette raison que je n'appuie pas l'amendement proposé.
Le sénateur Forest: Monsieur le président, je comprends l'objectif de l'amendement, mais il me semble que si les administrateurs possèdent les connaissances nécessaires concernant le monde de l'éducation postsecondaire et les besoins de l'économie canadienne, ils s'y connaîtront aussi en gestion de placements. Il me semble que cette connaissance fait partie des deux autres.
Le président: Ma seule préoccupation est qu'étant donné qu'il s'agit du secteur de l'éducation, il faut tirer le maximum du fonds et le faire fructifier le plus possible. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il serait utile d'avoir des administrateurs qui ont de l'expérience dans la gestion de placements. Vous ne pouvez banaliser en disant que 2,5 milliards de dollars c'est bien peu en comparaison du Régime de pensions du Canada. C'est une somme importante et il faut en faire la meilleure utilisation possible pour le plus grand bénéfice des étudiants.
Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien lever la main.
Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien lever la main.
L'amendement est rejeté.
Sénateur Bolduc, avez-vous d'autres amendements?
Le sénateur Sparrow: Peut-on proposer maintenant l'adoption des articles 2 à 10?
Le président: Je ne pense pas qu'on puisse le faire maintenant.
Le sénateur Sparrow: Il faudra bien en finir avec ces articles. Commençons par l'article 1 et voyons si des amendements sont proposés, puis passons à l'article 2.
Le président: J'essaie d'accélérer un peu le processus. Si nous y allons article par article, ce sera plus long.
Le sénateur Sparrow: De toute façon, nous devons revenir à l'étude article par article.
Le président: Je sais, mais à la fin des articles 2 à 46, vous pouvez déposer une motion pour faire adopter ceux-ci.
Le sénateur Cools: Nous devons le faire ici.
Le sénateur Bryden: Je suis d'accord avec le président. Nous devrions être en mesure d'étudier soigneusement ces articles. S'il y a des amendements à l'article 3, nous nous en occuperons. Ensuite, nous pouvons déposer une motion afin de faire adopter tous les articles.
Le président: Avant d'en arriver là, nous devons passer en revue chaque amendement possible pour chaque article du groupe d'articles 2 à 46. C'est ce que je propose. Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Bolduc: J'ai quelques autres amendements, y compris un amendement à l'article 29, dont nous avons beaucoup discuté et que tous ici connaissent bien. À l'heure actuelle, le paragraphe (1) se lit en partie comme suit:
Lorsqu'elle est convaincue que cela est conforme à sa mission, la fondation peut conclure avec un ministre provincial un accord...
Je propose:
Que le projet de loi C-36, à l'article 29, soit modifié par substitution, aux lignes 37 et 38, page 14, de ce qui suit:
«est conforme à sa mission, et si cela est demandé par un ministre provincial en particulier, la fondation doit conclure avec le ministre provincial un»
Nous avons longuement discuté de cet article.
Le président: Y a-t-il débat?
[Français]
Le sénateur Rivest: Je voudrais signaler à nos collègues que cet amendement rencontrerait exactement les vues que l'honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada, a exprimées dans la lettre qu'il adressait au premier ministre du Québec, l'honorable Lucien Bouchard.
M. Chrétien disait, en parlant de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale qu'il avait examiné très attentivement la motion adoptée telle que déposée et que son étude nous amène à conclure qu'il s'agit là de positions très valables et positives et qui rejoignent les objectifs.
En obligeant la fondation à négocier, au sens de l'amendement du sénateur Bolduc, nous ne ferions en somme que traduire le désir de l'honorable premier ministre du Canada.
[Traduction]
Le sénateur Bryden: Encore une fois, cela n'a rien de nouveau pour nous. La position qui, je pense, a été clairement exprimée par le ministre aujourd'hui, est que cet article se veut une disposition habilitante qui, comme le dit le sénateur Rivest, permet à la fondation de conclure un accord, mais ne l'oblige pas à le faire.
Nous sommes d'avis que l'on ne peut forcer la fondation à conclure un tel accord sans inclure toutes sortes de déclarations relativement à ce qui se passerait si la fondation ne concluait pas d'accord. Par conséquent, nous n'appuyons pas l'amendement proposé.
[Français]
Le sénateur Rivest: Est-ce que cela voudrait dire que la fondation pourrait être mise en oeuvre au Québec, compte tenu de la réalité particulière du Québec, sans qu'il y ait accord du Québec? Si on met «may», cela suppose que s'il n'y a pas d'accord, on va quand même aller de l'avant.
[Traduction]
Le sénateur Bryden: Je ne suis pas d'accord. Il pourrait ne jamais y avoir d'entente. J'imagine que beaucoup de pressions seront exercées des deux côtés afin de trouver une façon de dépenser 600 millions de dollars.
Le sénateur Rivest: Mais s'il n'y a pas d'accord, le gouvernement fédéral ira de l'avant.
Le sénateur Bryden: Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais que mes honorables collègues comprennent que le fait de ne pas avoir d'accord entraînerait toutes sortes de conséquences politiques.
Le sénateur Bryden: Sénateur Bolduc, je suis certain que d'autres personnes sont aussi conscientes que nous des conséquences politiques.
Le sénateur Cools: J'aimerais discuter du deuxième amendement proposé par le sénateur Bolduc. Je m'oppose à cet amendement au motif que tout projet de loi qui crée une fondation devrait certainement laisser la gestion et l'administration de la fondation à son conseil d'administration. Le libellé actuel du projet de loi laisse amplement le loisir à la fondation de conclure les accords qu'elle souhaite. Je crois vraiment que nous devrions respecter les processus collectif et démocratique qui seront appliqués au sein de la fondation elle-même.
Le sénateur Tkachuk: J'inviterais l'auteur de la motion à expliquer l'article 29.
Je suis d'accord avec le sénateur Bolduc en ce qui a trait au danger politique, mais si la Saskatchewan veut que ses étudiants obtiennent des bourses en fonction de leurs besoins plutôt que de leur mérite, et que le Nouveau-Brunswick dit que les bourses accordées dans cette province doivent l'être uniquement en fonction du mérite, nous nous retrouvons avec deux points de vue opposés. Si vous êtes le meilleur étudiant dans votre domaine, vous obtiendrez une bourse. La loi s'applique-t-elle aux résidents de la province? En d'autres mots, un étudiant de Saskatoon qui vient d'une famille riche et qui a une moyenne académique de 98 p. 100 peut-il présenter une demande à une université du Nouveau-Brunswick? Au Nouveau-Brunswick, les bourses sont attribuées en fonction du mérite, tandis que la Saskatchewan accorde uniquement des bourses à ceux qui n'ont pas d'argent. Si une personne du Québec fait une demande à l'université de la Saskatchewan, cette personne est-elle exclue si elle a de l'argent? C'est ce qui semble être sous-entendu. Je ne sais pas comment les intéressés parviendront à un accord. Toutes les provinces s'opposent à cette disposition.
Le sénateur Bolduc: Je ne veux pas reprendre toute la discussion que nous avons eue cet après-midi. C'est exactement ce dont nous avons discuté avec les représentants du gouvernement du Québec. Ceux-ci nous ont donné une explication technique du projet de loi. Ils sont d'avis que les critères d'attribution des bourses sont déjà renfermés dans d'autres dispositions de la mesure législative. Nous ne pouvons toucher à cela.
J'irais plus loin que la proposition que j'ai faite il y a quelques moments. Il y a eu unanimité à l'assemblée nationale du Québec relativement à trois principes. J'ai posé une question à ce sujet au conseiller technique et j'ai laissé entendre que, si nous pouvions inclure ces paramètres dans l'article 29 du projet de loi, cette mesure permettrait peut-être de limiter le secteur dans lequel une bourse pourrait être accordée. Celui-ci a répondu que même dans un tel cas, le gouvernement provincial n'accepterait pas cet article. À mon avis, il avait une position bien arrêtée. J'avais cru que si nous pouvions fixer ces paramètres dans la loi, cela réglerait le problème. Cette personne n'était pas d'accord. Par conséquent, je ne vais pas aller aussi loin que cela aujourd'hui.
Si un ministre provincial demande un accord, la fondation serait tenue de s'entendre, au terme de négociations, avec le ministre. L'accord en question réglerait le problème de la mobilité interprovinciale. Nous avons déjà cela au Québec. Nous avons des bourses. Je pense que certaines d'entre elles sont destinées aux étudiants qui viennent de l'extérieur de la province. Ces bourses ne sont pas accordées exclusivement aux Québécois. La province a aussi conclu des ententes avec neuf ou dix universités aux États-Unis. Les étudiants de l'étranger viennent à Laval et à Montréal, et ils paient les mêmes frais de scolarité que les autres étudiants. De même, lorsque nos étudiants vont au Massachusetts, par exemple, ils paient aussi les mêmes frais.
Le sénateur Tkachuk: À qui la loi s'appliquerait-elle? Le sénateur Bryden pourrait peut-être répondre à cette question. Si la province de la Saskatchewan retient le besoin comme critère et que l'Ontario se fonde plutôt sur le mérite, à qui la loi s'appliquera-t-elle, à l'étudiant ou à l'école? Autrement dit, un étudiant qui serait victime de discrimination parce que ses parents ont les moyens de lui payer des études universitaires pourrait-il faire une autre demande en Ontario? Se verrait-il dans l'impossibilité d'obtenir une bourse d'études du seul fait qu'il est doué et a des moyens financiers? Dans ce cas, nous aurions un régime de bourses d'entretien plutôt que de bourses d'études.
Le sénateur Bryden: Le régime des bourses d'études vise les étudiants, non pas la province ou l'établissement d'enseignement. L'objectif premier est énoncé à l'article 5 du projet de loi. Je crois que cela répond directement à votre question. Le paragraphe 5(1) stipule:
...la fondation a pour mission d'accorder des bourses d'études à des étudiants qui ont besoin d'aide financière et qui font la preuve de leur mérite.
Il y a deux critères d'admissibilité.
Le sénateur Tkachuk: À l'article 29, le critère d'évaluation du besoin financier et du mérite n'est pas fondé sur l'article 5, mais sur des ententes entre la fondation et les provinces. C'est contradictoire. Une province pourra décider qu'un étudiant a un besoin financier s'il est âgé de 18 ans, qu'il a quitté le domicile et n'est plus sous la responsabilité de ses parents. Une autre province pourrait estimer qu'il importe peu que l'étudiant ait plus de 18 ans si ses parents ont les moyens de lui payer des études. La province pourrait tout de même appliquer aux parents le critère du besoin.
Je ne vois pas comment la loi s'appliquera. C'est ce que je voulais dire.
Le sénateur Bryden: Nous avons bien assez discuté de cela.
Le sénateur Tkachuk: Je sais, mais vous ne m'avez toujours pas répondu; la discussion n'a donc pas été utile.
Le sénateur Bryden: La meilleure explication que je puisse donner est que la fondation peut, aux termes de l'article 29 et à condition que les deux critères, c'est-à-dire les deux objectifs énoncés à l'article 5 soient respectés, négocier avec une province le niveau du besoin et le degré de mérite. C'est, essentiellement, ce qui est ressorti des discussions que nous avons eues avec les fonctionnaires du Québec.
Le sénateur Tkachuk: Chaque province peut être différente, cependant.
Le sénateur Bryden: Il doit y avoir uniformité, afin d'éviter le double emploi. Nous ne voulons pas être obligés de refaire tout le système. Il ne doit pas y avoir de différences importantes.
Le sénateur Tkachuk: Voici un exemple précis. Supposons que mes parents ont un revenu annuel de 50 000 $. Aux termes de l'entente signée avec la Saskatchewan, je ne serais pas admissible. En Ontario cependant, la limite admissible est de 75 000 $ par année. La loi m'interdirait-elle de faire une demande en Ontario et de tirer profit de la définition ontarienne du besoin, ou est-ce que la loi vise l'établissement d'enseignement? Comment est-ce que ça fonctionne? Pourrai-je faire une demande en Ontario?
Le sénateur Bryden: C'est comme le rôle d'imposition. Le lieu de résidence détermine l'admissibilité d'une bourse d'étude. Le fait que l'étudiant utilise sa bourse d'étude pour aller étudier en Ontario, par exemple, est autre chose.
Le fait que vos parents fassent 50 000 $ par année ne serait pas déterminant pour les fins d'évaluation de votre besoin financier. Je suis sûr qu'on tient également compte d'autres circonstances. Vivez-vous ailleurs que chez vos parents? Vos parents sont-ils divorcés et paient-ils deux pensions alimentaires? Plusieurs facteurs seraient retenus.
Le sénateur Tkachuk: C'est précisément ce que je veux dire. Je serais victime de discrimination parce que ma province appliquerait des critères différents de ceux d'une autre province.
Le sénateur Bryden: Je ne le crois pas. Si vous lisez le projet de loi attentivement, vous verrez qu'il vise à être le plus équitable possible, mais à éviter le double emploi tout en accordant le plus de latitude possible.
Le président: Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose au sujet de cet amendement? Comme il n'y a personne, quels sont ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement?
Quels sont ceux qui sont contre?
Je déclare la motion rejetée, à la majorité des voix.
Le sénateur Lavoie-Roux: J'espère avoir un peu plus de chance, mais s'il est déjà décidé qu'il en sera de même pour tous les autres amendements, aussi bien abandonner tout de suite.
Honorables sénateurs, je propose:
Que le projet de loi C-36 soit modifié, à l'article 8, page 5, par substitution, aux lignes 6 à 8, de ce qui suit:
«b) cinq personnes -- dont deux personnes qui fréquentent un établissement admissible -- .»
Je rappelle que le conseil comptera au moins 15 membres si, du moins, nous nous en remettons au texte constitutif prévu. Ils ont demandé qu'il y ait plus d'un étudiant au conseil. Les étudiants pourraient venir de deux provinces différentes. Ils pourraient discuter ensemble de l'opportunité de donner suite à des mesures.
Le sénateur Bolduc: Cela figure déjà dans le projet de loi.
Le président: L'amendement à l'alinéa b) stipule: «cinq personnes -- dont deux étudiants...»
Le sénateur Lavoie-Roux: Exactement.
[Français]
Le sénateur Rivest: C'est pour garantir la représentation des étudiants.
[Traduction]
Le bon sens le veut. Les honorables sénateurs sont-ils en faveur ou contre la motion? Quels sont ceux qui sont en faveur du bon sens?
Le sénateur Lavoie-Roux: Nous ne risquons pas de mettre tout le projet de loi en danger en prévoyant la présence de deux étudiants au lieu d'un seul au conseil, qui en compte 15. Les étudiants sont les principaux intéressés.
Le président: Le sénateur Bryden pourrait peut-être nous expliquer pourquoi le conseil compte «un étudiant»?
Le sénateur Bryden: Cet article prévoit la nomination des premiers membres du conseil. Le conseil sera composé du président, nommé par le gouverneur en conseil. Ce dernier nomme ensuite cinq membres, dont un étudiant qui fréquente un établissement admissible. Il y en a donc quatre autres.
La loi n'empêche pas le gouverneur en conseil de nommer un autre étudiant, s'il le juge opportun. Cette disposition du projet de loi constitue simplement une garantie que les cinq personnes qui sont nommées initialement pour former le conseil comptent au moins un étudiant.
Ce projet de loi revêt une importance exceptionnelle, en particulier pour les étudiants. Dans un pays aussi étendu que le nôtre, qui compte une population diversifiée et de nombreux établissements, dont des établissements d'éducation supérieure, il n'est pas déraisonnable de prévoir la présence d'au moins un étudiant parmi les cinq premiers membres du conseil.
Le sénateur Lavoie-Roux: Dans ce cas, pourquoi pas deux?
Le sénateur Bryden: Pourquoi pas cinq?
Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne demande pas qu'il y en ait cinq, mais deux.
Le sénateur Cools: Le sénateur Bryden a bien expliqué que rien n'empêche la nomination de plus d'un étudiant, mais que le conseil devra obligatoirement en compter au moins un.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je vous rappelle que cette demande a été faite à plusieurs reprises par des étudiants. Je crois que ce ne serait que logique d'y donner suite.
Le président: Honorables sénateurs, nous en avons pris note.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous devriez avoir honte!
Le président: La motion est rejetée à la majorité des voix.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je désire présenter une autre motion d'amendement.
Je propose d'amender l'article 27 du projet de loi C-36. Je fais l'effort de parler en anglais pour que vous compreniez, mais cela ne semble pas donner beaucoup de résultats.
L'amendement vise l'alinéa c). Je propose:
Que le projet de loi C-36 soit modifié, à l'article 27, page 14, par substitution, aux lignes 17 à 19 de ce qui suit:
«de premier cycle universitaire ou de niveau inférieur».
[Français]
[...] poursuite des études en vue d'obtenir un grade, un diplôme ou un certificat.
[Traduction]
Cet amendement aurait pour effet de supprimer la restriction relative au premier cycle universitaire.
Des étudiants nous ont fait valoir que le niveau de maîtrise...
Le président: La proposition vise-t-elle le niveau de la maîtrise ou celui du doctorat?
Le sénateur Lavoie-Roux: Seulement la maîtrise. Les étudiants estimaient qu'il fallait l'inclure. Lorsque quelqu'un poursuit des études universitaires de nos jours, il est presque impératif d'obtenir une maîtrise pour trouver un emploi.
Le sénateur Rivest: C'est très important dans le contexte de la mondialisation.
Le sénateur Lavoie-Roux: Nous supprimerons les mots «de premier cycle universitaire ou de niveau inférieur».
[Français]
On enlèverait simplement le premier cycle universitaire, ce serait simplement la première partie de la phrase: [...] poursuite des études en vue de poursuivre un grade, un diplôme ou un certificat.
[Traduction]
L'amendement supprimerait la fin de la phrase. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de donner des explications, puisque cela a déjà été fait à plusieurs reprises en comité.
Sénateur Bryden, avez-vous une objection?
Le sénateur Bryden: Mais certainement!
Le sénateur Lavoie-Roux: J'en étais sûre.
Le sénateur Bryden: J'aimerais que quelqu'un prenne la parole à ma place.
Le sénateur Forest: Je reconnais que les bourses d'études et bourses d'entretien sont nécessaires à tous les niveaux d'éducation, mais pour rendre l'enseignement universitaire et post-secondaire accessible aux jeunes, le premier cycle est de la plus grande importance. S'ils parviennent à franchir cette étape, ils pourront peut-être compter sur une aide accrue par la suite et nous aurons davantage de fonds pour étendre le programme. Je reconnais que les étudiants ont besoin d'aide, mais je crois qu'il faut dépenser l'argent là où c'est le plus nécessaire.
Le sénateur Bryden: Je voudrais faire une observation au sujet d'une information que j'ai reçue ce matin. En un an, le CRSNG, la fondation nationale de recherche qui octroie les bourses d'études, disposera d'un montant maximum de 500 millions de dollars. C'est un demi-milliard de dollars injectés dans l'enseignement postsecondaire. Et cet organisme n'est pas le seul à accorder de l'aide. Les étudiants reçoivent de l'aide, sénateur Lavoie-Roux.
Le président: Le Conseil de recherches médicales, par exemple, verse environ 8 $ 26 par habitant. Aux États-Unis, c'est 66 $. Si vous demandez une subvention au Conseil de recherches médicales pour effectuer une étude, vos chances d'obtenir une subvention sont actuellement d'une sur cinq; elles étaient de deux ou trois sur cinq auparavant. L'argument du secteur médical ne tient pas. C'est ce qui nous préoccupe. Voilà mon point de vue sur la question.
Si vous rejetez l'amendement, il nous incombera de dénoncer énergiquement le grave sous-financement des études aux niveaux de la maîtrise et du doctorat. Les étudiants de ces niveaux s'en vont aux États-Unis. Ils quittent le Canada et c'est ce qui nous préoccupe.
Si le débat est terminé, je vais mettre la motion aux voix.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Le président: La motion est rejetée à la majorité des voix.
Le sénateur Rivest: Il n'y a pas d'abstention?
Le président: Le sénateur Milne n'a pas droit de vote.
Le sénateur Lavoie-Roux: J'ai eu tellement de succès que je crois que je vais m'abstenir pour l'instant. Je suis heureuse de ne pas siéger de l'autre côté; ceux d'en face sont incapables de présenter une motion qui contribue à améliorer le projet de loi. Je n'ai jamais vu pareil comportement de toute ma carrière politique.
Le sénateur Bolduc: Je voudrais présenter un amendement qui ajoute l'article 42.1, à la page 19 du projet de loi. La motion stipule:
Que le projet de loi C-36 soit amendé, à la page 19, par adjonction, après la ligne 26, de ce qui suit:
«42.1 Le conseil doit constituer un comité d'investissement, qui devra:
a) remplir les fonctions que le conseil lui déléguera;
b) approuver l'embauche des directeurs des investissements ayant le pouvoir discrétionnaire d'investir les avoirs de la fondation;
c) rencontrer les administrateurs et employés de la fondation pour discuter de l'efficacité des politiques d'investissement du conseil et du degré de réalisation des buts poursuivis par la fondation;
d) exiger de la direction qu'elle applique les méthodes nécessaires pour:
(i) contrôler l'application des politiques, normes et méthodes d'investissement du conseil, et
(ii) s'assurer que le personnel de la fondation se conforme à la loi et aux politiques, normes et méthodes d'investissement du conseil; et
e) examiner, évaluer et approuver les méthodes de la direction visées à l'alinéa d).»
Puisqu'il s'agit d'un groupe d'investissement ayant des responsabilités en matière d'investissement, il paraît indiqué qu'il y ait un comité d'investissement. Nous nous sommes fondés sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada comme précédent.
Le sénateur Bryden: S'agit-il d'un nouveau paragraphe (3)?
Le sénateur Bolduc: Oui, à l'article 42.1. La création d'un comité d'investissement en vertu de la loi contribuerait à améliorer le projet de loi.
Le président: Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire?
Le sénateur Bryden: Brièvement, je répondrai à peu près la même chose que ce que j'ai dit au sujet des connaissances et compétences des membres du conseil, mais j'ajouterai ce qui suit: le conseil et la fondation ont les caractéristiques d'une personne morale aux fins de la loi, de sorte qu'il ne leur est pas interdit de créer un comité d'investissement, si cela contribue à faciliter la réalisation des objectifs poursuivis par la fondation.
Le sénateur Bolduc préférerait que cette disposition fasse partie du projet de loi, mais dans sa forme actuelle, le projet de loi n'empêcherait pas la chose.
Le président: Étant donné que la fondation gérera 2,5 milliards de dollars, est-ce que la création d'un comité d'investissement ne vous apparaît pas comme une bonne chose?
Le sénateur Bryden: Dans certaines circonstances, ce serait utile et souhaitable.
Parfois, il est également souhaitable que le conseil nomme lui-même les gestionnaires chargés de gérer les investissements. Je ne suis pas contre ce que vous dites, mais je ne crois pas que cela nécessite un amendement au projet de loi.
Le sénateur Cools: Précisément, le conseil peut agir sans qu'il soit nécessaire d'amender le projet de loi.
Le président: Toutefois, rien ne garantit que le conseil le fera. C'est la crainte du sénateur Bolduc, et elle m'apparaît fondée.
D'autres observations au sujet de cet amendement?
Le sénateur Tkachuk: Cette préoccupation est fondée, car l'article 42 stipule: «doit constituer un comité de vérification». Il n'est cependant pas nécessaire de le spécifier puisque le conseil pourrait constituer un comité de vérification sans que le projet de loi ne l'exige, n'est-ce pas?
Le sénateur Bryden: Il y a peut-être ici quelqu'un qui connaît mieux que moi le droit des sociétés. La loi oblige peut-être les sociétés canadiennes ou les organismes ayant les caractéristiques d'une société, à créer un comité de vérification. On me corrigera si je me trompe.
Le sénateur Tkachuk: Une société publique serait obligée de constituer un comité de vérification, mais pas une société sans but lucratif, du moins pas si la loi ne le prévoit pas.
Le sénateur Cools: J'estime, en toute déférence, que le paragraphe 42(1) est un atout, car non seulement est-il conforme au droit public, au droit administratif, aux règles de fonctionnement et d'administration des entreprises, mais il correspond parfaitement aux préoccupations du Parlement en matière de responsabilité financière. À mon avis, ce paragraphe vient renforcer l'idée de surveillance du Parlement dans le domaine financier. C'est légèrement différent de l'amendement.
Le sénateur Tkachuk: Vous allez un peu loin, sénateur Cools.
Le sénateur Cools: En tant que membres du comité sénatorial permanent des finances nationales, il nous incombe de veiller à ce que le gouvernement dépense de façon judicieuse. Je n'ai aucune objection à inclure cette disposition dans le projet de loi.
Le président: Dans ce cas-ci, ce n'est pas tellement cette question qui se pose, puisque nous pensons tous que s'il est possible de parvenir à une entente, l'argent sera bien dépensé en l'investissant dans les étudiants. La vraie question concerne l'investissement de cet argent, à court et à long terme, durant la durée de la loi.
Ce serait manquer de perspicacité que d'agir à l'aveuglette, sans créer de comité. Si nous ne réglons pas cette question rapidement, surtout compte tenu de la situation qui prévaut en Asie, nous risquons de commettre de graves erreurs. Je crois qu'il est indispensable d'inclure cette disposition dans le projet de loi. Sinon, le comité pourrait, puisqu'il s'occupe d'éducation et d'octroi de bourses d'études, mettre l'accent sur cet aspect plutôt que sur la meilleure façon d'utiliser les 2,5 milliards de dollars.
Ce genre de distorsion pourrait se produire, aux dépens de l'autre aspect de la question. C'est d'une importance cruciale.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le président, j'ai une certaine expérience d'autres institutions, les compagnies d'assurances, par exemple. Comme vous le savez, les enseignants représenteront probablement la majorité des membres du conseil. Or, ils ne sont pas réputés pour leurs connaissances en matière d'investissement. J'ai siégé au sein du conseil de plusieurs compagnies d'assurances et même là, j'ai vu peu de personnes qui s'y connaissaient en matière d'investissement. Une compagnie d'assurances doit non seulement être capable de vendre des polices d'assurances, mais posséder également un plan ou une stratégie d'investissement.
Je crois que c'est plus prudent. Je n'ajouterai rien de plus, car j'ai traité de la question au Sénat, durant le débat à l'étape de la deuxième lecture.
Le sénateur Bryden: La question est justifiée. Comme le sénateur Bolduc, je fais partie de comités d'investissement et de régimes de pensions de grandes sociétés. Normalement, ces entreprises ont des comités d'investissement. Dans les autres cas, le conseil traite directement avec les administrateurs, par l'intermédiaire du comité exécutif ou autrement. Ce que je dis, c'est que rien n'empêche le conseil de le faire. Je comprends ce que disent les sénateurs Bolduc et Stratton.
Le sénateur Bolduc: Ma crainte est que le conseil se contente d'embaucher quelqu'un d'un organisme d'investissement pour s'occuper de la question. Ce ne serait pas une bonne façon de s'acquitter de ses responsabilités. Il y a même des sociétés multinationales qui procèdent de la sorte. Je suis moi-même membre de quelques-uns de ces conseils. Ces sociétés traitent souvent avec des conseillers en investissement de diverses entreprises, puis comparent les résultats. C'est une façon de faire, mais ce n'est pas la meilleure. C'est pourquoi j'estime que cet amendement améliorerait le projet de loi.
Le président: Nous devrions recommander fermement, pour les fins du compte rendu, l'adoption de cet amendement. Honorables sénateurs, quand le dollar australien vaut moins de 60 cents, que le dollar canadien subit les assauts que l'on sait, que l'économie asiatique se détériore au lieu de s'améliorer et que le yen japonais s'effondre face au dollar américain, il y a sérieusement lieu de s'inquiéter. Sans un comité qui puisse suivre la situation de près et intervenir rapidement, nous risquons de perdre très rapidement beaucoup d'argent. C'est, en définitive, notre crainte et nous devons le faire savoir.
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
La motion est rejetée à la majorité des voix.
Le sénateur Bolduc: Je désire présenter un dernier amendement, qui est probablement le plus important. Il concerne l'article 133, le tout dernier article du projet de loi.
Je propose:
Que le projet de loi C-36 soit modifié, à l'article 133, page 79, par substitution, à la ligne 35, de ce qui suit:
«133. Les articles 2 à 46 et 127 à 232 entrent en vigueur.»
Le président: Sénateur Bolduc, nous sautons à la partie 13.
Le sénateur Bolduc: Il y a un lien.
Le président: Avec la partie 1?
Le sénateur Bolduc: Oui. Autrement dit, le gouverneur en conseil a le pouvoir de décider de la date d'entrée en vigueur de la loi uniquement en ce qui concerne la gestion internationale des institutions financières. C'est le sens de l'article 133.
Nous pourrions y ajouter l'article 2, celui qui crée la fondation, et tous les articles de la partie 1 du projet de loi, soit les articles 2 à 46, devraient alors entrer en vigueur. L'institution financière internationale serait créée non seulement par décret du gouverneur en conseil, mais également en vertu de la partie 1.
Comprenez-vous ce que je veux dire? Autrement dit, ces articles créeraient immédiatement la fondation. Nous avons fait de nombreuses propositions, les témoins ont soumis de nombreuses suggestions et nous avons étudié le projet de loi en profondeur. Si nous adoptons cet amendement, cela laissera au gouvernement peut-être deux ou trois mois de plus, sans dépasser le mois de septembre. La comptabilité du gouvernement n'en serait pas affectée. Les 2,5 milliards de dollars seraient toujours là, mais nous pourrions améliorer le projet de loi. Le gouvernement serait en mesure de presser la fondation de conclure des ententes avec les gouvernements provinciaux. Ce serait grandement utile. Autrement, nous nous retrouverons dans un carcan.
La question revêt une grande importance pour le Québec. Vous avez entendu ce que les témoins en ont dit. Il serait possible d'assurer l'entrée en vigueur de l'article concernant les bourses d'études du millénaire, sur décret du gouverneur en conseil, dans une délai de trois mois, par exemple. Il appartiendrait ensuite à la fondation et aux provinces de s'entendre.
Le nouveau président du conseil de cette compagnie, que je connais fort bien d'ailleurs -- bon et sage, c'est l'homme de la situation --, négocierait sûrement avec le gouvernement et le problème serait en partie réglé. Il ne le serait pas complètement, étant donné ce qu'a dit M. Larose, mais au moins il y aurait un accord.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, ce que vous dites se rapporte à ce que disait le sénateur, mais nous sommes en train d'étudier la partie 1, les articles 2 à 46.
Le sénateur Bolduc: C'est ce que vise mon amendement.
Le président: La seule façon de traiter l'amendement que propose le sénateur Bolduc consiste à se reporter à la disposition en question. Or, je sais qu'elle ne se trouve pas dans les articles 2 à 46.
Le sénateur Cools: Nous devons l'inclure dans le libellé de la motion.
Le sénateur Bolduc: Je ne voudrais pas vous imposer des restrictions. Nous devrions peut-être attendre et consulter le ministre des Finances. Il a fait des observations à cet égard ce matin et nous devrions pouvoir le consulter.
Le sénateur Cools: Ma question concerne la procédure. Nous sommes en train d'étudier la partie 1, les articles 2 à 46, n'est-ce pas?
Le président: Je propose que nous mettions cet amendement de côté pour l'instant, parce qu'il touche un si grand nombre de dispositions du projet de loi et que, à mesure que nous avancerons, il y aura peut-être d'autres amendements à proposer concernant cette disposition. Quand nous arriverons à la partie 13, nous reviendrons sur cet amendement.
Il y a une énigme ici, sénateur Bryden, l'avez-vous vue?
Le sénateur Bryden: Je ferai simplement remarquer que l'article 133 porte sur des articles concernant des accords internationaux, entre autres. C'est une bonne raison pour laisser la question en suspens. Certains, même parmi nos collègues, sont intervenus sur ce projet de loi en demandant pourquoi nous ne rendons pas cet argent disponible maintenant et pourquoi nous n'augmentons pas le montant. Si nous en faisions une décision du gouverneur en conseil, je pense qu'il y aurait autant de ministres provinciaux de l'Éducation qui s'en inquiéteraient que d'autres qui s'en réjouiraient.
Le sénateur Bolduc: Ma réponse à cela, monsieur le président, c'est que l'argent serait mis à leur disposition aujourd'hui. Nous pouvons établir la fondation aujourd'hui, mais je demande que nous attendions deux ou trois mois pour faire pression sur le système. Il n'est pas question de garder l'argent pendant toute l'année. Mais je comprends ce que le ministre des Finances voulait dire en parlant de ses engagements budgétaires. Sauf erreur, il disait que, si nous faisions cela, nous l'aiderions. Je n'entends pas vous acculer au mur. Attendons et voyons si nous ne pouvons pas consulter le ministre.
Le ministre -- quand je l'ai interrogé sur la motion -- a dit qu'il serait d'accord avec le premier ministre et, bien sûr, que la motion venant de l'assemblée législative était un bon point de départ pour un débat. Si c'est le cas, je suppose que M. Monty va essayer de conclure un accord avec le gouvernement provincial. Si nous appliquons un peu de pression pendant deux ou trois mois, soit jusqu'en septembre, ils pourront peut-être faire quelque chose. On ne sait jamais.
Le sénateur Bryden: On peut tirer ce que l'on veut d'une conversation. Pour ma part, j'ai pensé que le ministre disait qu'il n'y aurait pas vraiment de pression pour négocier tant que ce projet de loi ne serait pas adopté et tant que la fondation ne serait pas en mesure de faire son travail. Voilà ce que j'ai compris.
Monsieur le président, comment allez-vous procéder?
Le président: Je vais poser la question au comité. L'amendement est devant nous. Voulez-vous vous prononcer sur cet amendement tel qu'il est présenté actuellement?
Le sénateur Cools: Dans ce cas, nous devons disposer de la question dont nous sommes saisis, qui est l'étude de la partie 1, des articles 2 à 46. Nous devons passer à l'autre partie du projet de loi.
Le président: Mais seulement les aspects qui touchent la partie 1.
Le sénateur Cools: Nous devons néanmoins proposer maintenant ce dont nous avons convenu, les articles 2 à 46.
Le président: Bien sûr, mais nous disons que l'amendement se rapportant à l'article 133 touche une certaine disposition de la partie 1. C'est la seule chose dont nous parlons. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de changer toute la perspective de départ. À mesure que progressons, nous devons convenir que nous traitons l'article 133 seulement en ce qui concerne l'entrée en vigueur des articles 2 à 46 et 127 à 132.
Le sénateur Bolduc: En d'autres termes, on ajouterait les articles 2 à 46. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Le président: Je pense que nous pouvons le faire.
Le sénateur Bryden: Plus précisément, cela signifie qu'il n'y aura aucun changement tant qu'il n'y aura pas de proclamation par le gouverneur en conseil. Autrement dit, la fondation ne sera pas créée, il n'y aura pas d'élection de membres et il n'y aura pas de négociation, puisqu'il n'y aura aucune base pour négocier.
Bien des gens remettront en cause ce que nous faisons. Ce sont surtout des gens de notre côté qui veulent savoir pourquoi nous attendons la réglementation et pourquoi le gouverneur en conseil devrait déterminer quel est le moment approprié. D'habitude, quand un projet de loi est adopté, à moins d'une solide justification -- ce qui doit être le cas ici, compte tenu des accords internationaux auxquels s'appliquent les articles 127 à 132 --, il entre en vigueur quand il est proclamé.
Le sénateur Bolduc: Oui, mais de nombreux projets de loi entrent en vigueur par suite de la prise d'un décret.
Le sénateur Bryden: La question est fondamentale. Nous sommes en train de décider s'il faut reporter de trois mois la création de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire et son financement.
Le sénateur Bolduc: Nous pouvons faire cela au Sénat. Cela permettrait de consulter le ministre. Je peux discuter.
Le sénateur Bryden: Nous ne pouvons certainement pas accepter d'amender le projet de loi ici. Cependant, je vais discuter avec le ministre et nous verrons si cette question peut être réglée quand le projet de loi sera soumis au Sénat.
Le président: Nous allons probablement le présenter de nouveau.
Le sénateur Bryden: C'est exact.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions sur cet amendement?
Le débat étant terminé, que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre l'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: L'amendement est rejeté, à la majorité des voix.
Y a-t-il d'autres amendements concernant la partie 1?
Le sénateur Tkachuk: J'ai un amendement. Je propose:
Que les articles 2 à 46 de la partie 1 du projet de loi C-36 soit supprimés, parce qu'ils sont contraires à l'esprit de l'article 92 de la Loi constitutionnelle sur les compétences provinciales.
Cette partie du projet de loi C-36 porte sur l'éducation, sur le financement des études. La mesure vise non seulement les bourses, mais aussi les programmes de bourses. Le projet de loi ne prévoit pas l'octroi de bourses selon le mérite, il fait fond sur la situation financière. Par exemple, l'étudiant qui réussit recevrait un chèque du gouvernement, pas parce qu'il est le meilleur en son domaine, mais parce qu'il manque d'argent.
À mon avis, cela revient à aider directement les habitants de ma province et des autres provinces à fréquenter l'université ou un autre établissement postsecondaire, ce qui ne relève franchement pas de la compétence du gouvernement fédéral.
Je sais que des provinces ont donné leur accord. Mais cela me rappelle le principe voulant que chaque homme ait son prix. Cela ne veut pas dire que ces provinces ont raison, mais qu'elles acceptent de marchander. Certains premiers ministres provinciaux ont cédé au gouvernement fédéral, parce que le chèque était prêt et parce qu'il est difficile de refuser des bourses, de ne pas donner de l'argent à des étudiants démunis. Bien sûr, tout le monde veut donner de l'argent aux étudiants qui sont dans le besoin et permettre au plus grand nombre de Canadiens de fréquenter l'université. Toutefois, une telle mesure de la part du gouvernement fédéral ne ferait qu'exacerber les tensions entre les provinces et le gouvernement fédéral. Elle ne ferait rien pour l'unité nationale. Il me semble que le gouvernement fédéral irriterait ainsi ceux qui tiennent à protéger les compétences qui ont été accordées aux provinces par la Loi constitutionnelle de 1867. Dans un certain sens, ce projet de loi permettrait de contourner la Constitution et autoriserait le gouvernement fédéral à faire quelque chose qu'il ne devrait pas faire.
Je doute qu'il soit conforme à la Constitution que les provinces s'associent pour établir une fiducie nationale permettant la création d'une milice. Ce serait illégal, parce que cela ne relève pas de leur compétence.
Je n'ai pas entendu tous les témoignages présentés aujourd'hui, mais j'ai pu poser des questions cet après-midi. De nombreuses questions que soulève le projet de loi restent sans réponse. C'est un mauvais projet de loi. Il est mal rédigé et illogique. Il est impossible de déterminer qui est admissible. Nos jeunes ne seront pas traités équitablement.
Peu m'importe que le sénateur Bryden ou le gouvernement vante ce projet de loi, je sais que, lorsque les responsables provinciaux et fédéraux en auront fini avec cette mesure, le jeune de la Colombie-Britannique ne sera pas traité comme le jeune du Nouveau-Brunswick, et c'est inacceptable quand il s'agit de distribuer des fonds fédéraux. Si les provinces veulent traiter différemment leurs étudiants, qu'elles le fassent, mais cela ne peut s'appliquer à l'argent venant des impôts fédéraux.
D'après les réponses que j'ai eues à mes questions sur les articles 5 à 27 du projet de loi, je sais qu'il y aura de la discrimination. Les jeunes de ma province ne seront pas traités comme les jeunes d'une autre province. C'est inacceptable.
Il y a un moyen de contourner ce problème, c'est de laisser les provinces gérer elles-mêmes les fonds. Si elles voulaient améliorer le sort de leur population, quel mal y aurait-il? Envoyons-leur un chèque et laissons-les gérer l'argent. Les discussions sur l'investissement, les vérifications et les projets de loi n'aident pas les jeunes qui doivent s'instruire. Envoyons un chèque aux provinces et laissons-les gérer les fonds. Laissons le ministère des Finances investir l'argent et écrire les chèques. Laissons les jeunes étudier, permettons le traitement égal de tous les Canadiens et laissons chaque province gérer à sa façon l'éducation, qui n'est pas un domaine de compétence pour le gouvernement fédéral, les bureaucrates fédéraux ou les gens nommés par le gouvernement fédéral.
La question a souvent été ressassée, mais je trouve qu'il est important d'y revenir encore.
J'espère que ma motion recevra l'appui de mes collègues au moins.
Le sénateur Losier-Cool: Si je comprends bien, la motion que vous proposez abolirait complètement la création de la fondation du millénaire.
Le sénateur Tkachuk: C'est exact.
Le sénateur Losier-Cool: J'avais bien compris, alors.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions?
Comme il n'y en a pas, j'invite ceux qui sont en faveur de l'amendement à dire oui.
Que ceux qui sont contre l'amendement veuillent bien dire non.
L'amendement est rejeté à la majorité des voix.
Y a-t-il d'autres amendements concernant la partie 1?
Des voix: Non.
Le président: S'il n'y a pas d'autres amendements à la partie 1, je propose que nous suspendions la séance pour dîner, une fois que nous aurons adopter ces articles.
Le sénateur Bryden: Je suppose que la plupart des amendements que les honorables sénateurs veulent proposer portent sur la partie 1 du projet de loi.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous ne pouvez rien prévoir.
Le sénateur Bryden: S'il y a autant d'amendements visant d'autres parties du projet de loi, nous devrions peut-être suspendre la séance pour souper. Par contre, s'il reste peu d'amendements, pourquoi ne finirions-nous pas maintenant? Je vous laisse décider. De ce côté-ci, nous n'avons aucun amendement à proposer.
Le sénateur Rivest: Y a-t-il des amendements sur d'autres parties du projet de loi?
Le président: Oui, il y en a.
Les parties 4 à 10 me préoccupent. Dans le cas de la partie 4, nous devrions discuter deux mémoires de groupes des Premières nations. Je voudrais qu'il y ait une discussion claire et exhaustive sur la légitimité de leurs préoccupations.
Je voudrais aussi que nous étudiions la partie 10 du projet de loi, qui porterait de deux à dix ans la période pendant laquelle l'étudiant ne peut être libéré de la dette que constitue son prêt étudiant. Même si le ministre a dissipé quelques-unes de nos inquiétudes aujourd'hui, la question continue de me préoccuper. J'aimerais que nous en discutions.
Le sénateur Bryden: Le Sénat siège à 19 h 30. C'est donc une question de temps.
Le sénateur Lavoie-Roux: Nous perdons du temps maintenant.
Le président: Sénateur Bryden, je propose que nous adoptions les articles 2 à 46 de la partie 1 avant d'aller manger.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, je propose: Que les articles 2 à 46 soient adoptés, sans propositions d'amendement.
Le président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
Le président: La motion est adoptée avec dissidence.
Passons maintenant à la partie 2.
Le sénateur Bolduc voudrait que nous traitions maintenant toutes les parties du projet de loi, sauf la partie 4, parce qu'il a un conflit d'horaire. Si nous pouvions traiter toutes les parties en gardant la partie 4 pour la fin, le sénateur partira et, si vous le voulez bien, nous reviendrons plus tard sur la partie 4.
Le sénateur Cools: Je propose: Que la partie 2 du projet de loi, soit les articles 47 à 57, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Y a-t-il des amendements?
Je voudrais m'assurer que tous les sénateurs ont la possibilité de proposer des amendements. Comme il n'y a aucun amendement, la Partie 2 est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
La partie 3 s'intitule «Retraite anticipée -- Suspension de l'indemnité de cessation d'emploi». Est-ce que tous les sénateurs comprennent bien de quoi il est question? Y a-t-il des amendements?
Le sénateur Cools: Je propose: Que la partie 3, soit l'article 57, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Y a-t-il opposition? Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
Comme convenu, nous ne traiterons pas la Partie 4 maintenant.
Nous passons donc à la partie 5, «Subvention canadienne pour l'épargne-études». Y a-t-il des amendements à la partie 5, soit les articles 72 à 75? Tous les sénateurs comprennent bien ce qui est proposé?
Le sénateur Cools: Je propose: Que la partie 5, soit les articles 72 à 75, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
La partie 6 intitulée «Accords d'application avec des gouvernements autochtones», soit les articles 76 à 79 inclusivement, modifierait la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Y a-t-il des amendements?
Le sénateur Cools: Je propose: Que la partie 6, soit les articles 76 à 79 inclusivement, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le sénateur Lavoie-Roux: De quoi est-il question?
Le sénateur Cools: Il est question des accords administratifs avec les gouvernements autochtones.
Le président: Honorables sénateurs, est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Adoptée.
Quant à la partie 7, nous la laissons également de côté pour l'instant.
Passons à la partie 8 qui s'intitule «Taxe de transport aérien», soit les articles 84 à 90 inclusivement, et qui modifierait la Loi sur la taxe d'accise.
Le sénateur Cools: Je propose: Que la partie 8, soit les articles 84 à 90 inclusivement, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Y a-t-il opposition? Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Cools: Dans la mesure où un vote clair est enregistré.
Le président: Nous pouvons l'adopter à l'unanimité.
Nous passons maintenant à la partie 9, «Régime national de prestations pour enfants», soit les articles 91 à 97 modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et l'article 98 modifiant la Loi sur les allocations spéciales pour enfants.
Le sénateur Cools: Je propose: Que la Partie 9 du projet de loi, intitulée Régime national de prestations pour enfants, c'est-à-dire les articles 91 à 98 inclusivement, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Y a-t-il opposition?
Aucun sénateur ne semble s'opposer. Qui est en faveur? Qui est contre?
Adoptée.
La partie 10 du projet de loi s'intitule «Prêts aux étudiants». Je me reporte aux articles 99 et 100 qui modifient la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, aux articles 100 à 102 qui modifient la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et à l'article 103 et l'amendement concernant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Comme d'autres, j'étais préoccupé du fait que l'on porte le délai de deux à dix ans. Une décision préalable est entrée en application le 1er avril. Cependant, un peu plus de deux ans de l'entrée en vigueur de cette décision, une autre décision porterait le délai de deux à dix ans. Cela m'inquiète beaucoup parce qu'il n'y a pas eu assez de temps pour compiler des statistiques, comme l'a fait remarquer l'Association du Barreau canadien. Nous devrions prévoir au moins un peu de temps encore pour pouvoir mieux évaluer les résultats de cette mesure.
Divers témoins ont fait état d'une nette augmentation. Cependant, nous ignorons si cette augmentation est due à la hausse vertigineuse des frais de scolarité ou simplement à l'utilisation de crédit par l'ensemble des consommateurs. Nous entendons des opinions contradictoires à cet égard.
Je propose:
Que le projet de loi C-36, à l'article 133, soit modifié par substitution, à la ligne 35, page 79, de ce qui suit:
«133(1) L'article 103 entre en vigueur deux ans après le jour où cette loi a reçu la sanction royale;
(2) Les articles 127 à 132 entrent en»
L'idée est de donner plus de temps.
Les étudiants actuellement inscrits au premier cycle pourraient obtenir leurs diplômes l'an prochain, avant que la fondation du millénaire n'entre en vigueur. Ils sont liés aujourd'hui par des prêts-étudiants élevés. À l'extérieur du Québec, les prêts s'élèvent en moyenne à 25 000 $, ce qui est renversant. J'ai donné l'exemple d'un étudiant qui a consacré six ans à la faculté d'architecture pour décrocher un emploi ne lui rapportant que 20 000 $ par année. Comment cet étudiant peut-il rembourser un tel prêt en respectant les modalités prévues?
Comme le ministre, le sénateur Bryden et d'autres l'ont fait remarqué, des mesures seront proposées dans les règlements pour alléger le fardeau de ces étudiants. Cependant, les règlements peuvent être modifiés instantanément sur décision du ministre, sans que le Parlement soit consulté. Le ministre des Finances peut changer d'idée. Des modifications peuvent être apportées par suite de pressions. Les étudiants n'ont aucune garantie de pouvoir s'en sortir aisément.
En termes simples, je dirai que les décisions concernant cette disposition sont arbitraires. S'il est possible de modifier la disposition pour porter le délai de deux à dix ans seulement deux ans et deux mois environ après son entrée en vigueur, qu'est-ce qui empêchera une modification des règlements deux mois après leur mise en application? D'après moi, rien ne s'y opposera. Les étudiants devront composer avec cela. Nous leur imposons un lourd fardeau d'endettement et d'énormes frais de scolarité élevés toujours en hausse, puis nous les attaquons avec ce délai de dix ans. C'est vraiment impensable. Ils obtiendront leurs diplômes avant l'entrée en vigueur de la Fondation du millénaire.
Le sénateur Bryden: On connaît bien ma position là-dessus. De nombreuses dispositions ont été proposées, y compris la possibilité de déduire les intérêts de tous les prêts-étudiants, tant provinciaux que fédéraux, de l'impôt sur le revenu.
Monsieur le président, concernant votre exemple du diplômé en architecture qui a une dette de 25 000 $, il est possible de lier le montant de sa dette à seulement 15 p. 100 de son revenu. Il est possible de verser des paiements à titre gratuit, ce qui pourrait couper de moitié le montant total du prêt. Ce sont des dispositions qui sont en place et qui sont envisagées.
Selon un de vos arguments, une partie du processus relève des règlements adoptés par décret. Le fait qu'on recourt aux règlements et qu'on pourra y recourir l'an prochain pour apporter des modifications n'est pas nécessairement mauvais. Vous avez parlé de la volatilité du dollar et des investissements, de ce qui se passe dans le monde et de ce qui arriverait demain, si nous portions nos taux d'intérêt à 12 p. 100 pour venir en aide au dollar canadien. Il n'est pas toujours mauvais de gérer par voie de réglementation.
Il est clair d'après toutes les mesures du budget et de la plupart des dispositions de ce projet de loi que le gouvernement en place -- pas seulement le ministre des Finances -- est décidé à donner aux étudiants la possibilité d'être concurrentiels, tant au niveau de la nouvelle société de l'information que de l'économie mondiale.
J'ai fait remarquer plus tôt que, le ministère croit, après avoir ciblé des correctifs précis, qu'il est bon d'inclure le prêt dans les dispositions sur la faillite. Le fait de l'inclure permet une double compensation.
Le président: Je crains que cette position donne trop de latitude au gouvernement. Les possibilités ne sont pas très grandes pour les étudiants. C'est vraiment une inquiétude.
Y a-t-il d'autres interventions?
Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien lever la main.
Tous ceux qui sont contre?
Je déclare l'amendement rejeté à la majorité des voix.
Nous traitons maintenant de la Partie 10, soit les articles 99 et 100 modifiant la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, les articles 101 et 102 modifiant la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et l'article 103 modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 10, soit les articles 99 à 103 inclusivement, soit adoptée, sans propositions d'amendement.
Le président: Tous ceux qui sont en faveur?
Tous ceux qui sont contre?
Adoptée, avec dissidence.
La Partie 10 est adoptée avec dissidence. Nous passons à la Partie 11.
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 11 du projet de loi, intitulée «Remboursement de la cotisation syndicale», ou l'article 104, soit adoptée sans propositions d'amendement.
Le sénateur Rivest: Encore une fois sans propositions d'amendement? Est-ce possible qu'il n'y a aucun amendement?
Le président: Le sénateur Bryden pourrait peut-être fournir des explications sur cet article.
Le sénateur Bryden: Cet article exempte l'employeur et l'employé des cotisations à l'assurance-emploi dans le cas de Canadiens de 18 à 24 ans embauchés en 1999 et 2000. Il ne permet pas toutefois à un employeur de congédier un employé dans le but de bénéficier de cette disposition.
Le président: La seule préoccupation que soulève cette partie concerne l'exécution de la disposition, dans le cas d'un congédiement. C'est le seul élément qui ait donné lieu à des discussions.
Le sénateur Bryden: Dans certains cas, il existe une protection dans la convention collective.
Le sénateur Tkachuk: Quelle est le bien-fondé de cet article?
Le sénateur Bryden: La disposition devrait faciliter l'entrée des jeunes de 18 à 24 ans sur le marché du travail. Je devine votre intention et je n'engagerai pas un débat là-dessus.
Le sénateur Tkachuk: Je voudrais simplement savoir si le remboursement des cotisations d'assurance-emploi stimulera la création d'emplois. Cela va à l'encontre de ce que disait le ministre des Finances ces deux dernières années. Il faisait allusion à cela en parlant d'une charge sociale qui, lorsqu'elle augmente, nuit à la création d'emplois. Il a changé d'idée à cause de l'excédent budgétaire et il a recommencé à dire qu'une baisse des cotisations d'assurance-emploi crée des emplois. Est-ce bien ce qu'il dit? Je ne voudrais pas lui attribuer à tort des paroles. Je trouve cela contradictoire.
Le sénateur Bryden: Puisque vous n'étiez pas ici ce matin, vous devriez lire le compte rendu. Je ne voudrais pas le citer de travers.
Le sénateur Tkachuk: Quelle est la réponse?
Le sénateur Bryden: Je ne pense pas qu'on lui ait posé la question et je ne voudrais pas lui faire dire des choses.
Le président: Cette question ne lui a pas été posée ce matin. Le ministre a mis l'accent sur les trois éléments que nous avions soulevés.
Le sénateur Tkachuk: Dans le cas d'un chômeur de 19 ans, c'est un incitatif pour l'embaucher. Si le père d'un jeune de 19 ans perd son emploi à l'âge de 52 ans, est-ce que cela fait une différence? Il y a seulement l'âge qui entre en ligne de compte.
Le président: C'est de la discrimination fondée sur l'âge.
Le sénateur Tkachuk: Nous apportons des incitatifs fondés sur une cotisation d'assurance, qui est une charge sociale. Nous le faisons en réduisant cette charge sociale pour que le jeune décroche un emploi, de préférence à un travailleur plus qualifié qui a un an ou deux de plus.
Le sénateur Bryden: Le ministre a dit qu'on avait vérifié si la disposition pouvait donner lieu à une discrimination fondée sur l'âge et qu'on avait eu l'assurance que la disposition n'était pas contraire à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Si cette disposition permet à des jeunes de 18 à 24 d'entrer sur le marché du travail, parce que les employeurs créent un grand nombre d'emplois, la prochaine fois on pensera aux travailleurs de 58 ans, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: Il faudrait réduire les cotisations pour créer des emplois pour tous les Canadiens. Ce genre de mesure a échoué dans le passé. Les gouvernements sont déjà intervenus dans l'économie avec de telles mesures qui sont discriminatoires contre certains groupes. Si ce n'est pas de la discrimination fondée sur l'âge, qu'en serait-il si on se fondait sur le sexe? Serait-il acceptable de proposer une disposition semblable s'il s'agissait d'aider un grand nombre de chômeuses?
Le sénateur Bryden: Le sujet pourrait faire l'objet d'une intéressante discussion, en raison des nombreux programmes d'action positive. Le sénateur Tkachuk ne semble pas reconnaître l'action positive.
Le sénateur Tkachuk: Ne me faites pas dire des choses. Je veux entendre vos réponses, et non votre interprétation de ce que je pense.
Le sénateur Bryden: J'ai répondu au meilleur de ma connaissance.
Le sénateur Tkachuk: Je veux voir cela au compte rendu.
Le président: Avec un montant tellement considérable, qui devrait atteindre les 16 milliards de dollars, la meilleure façon de créer des emplois consiste à réduire radicalement les cotisations d'assurance-emploi. Je sais que vous ne le ferez pas, de sorte qu'il est inutile d'en parler. Je déclare officiellement que nous sommes d'avis que c'est pourtant le moyen le plus efficace.
Y a-t-il d'autres interventions à cet égard?
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 11, «Remboursement de la cotisation syndicale», soit l'article 104, soit adoptée sans propositions d'amendement.
Le président: Tous ceux qui sont en faveur?
Tous ceux qui sont contre?
La motion est adoptée avec dissidence.
Passons à la partie 12, «Supplément et allocations», soit les articles 105 à 119 modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, l'article 120 modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et les articles 121 à 124 modifiant la Loi sur les allocations aux anciens combattants. Y a-t-il des observations?
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 12, soit les articles 105 à 124 inclusivement, soit adoptée sans propositions d'amendement.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je vais m'abstenir, parce que je doute que cette partie, qui est très importante pour une grande partie de la population canadienne, a fait l'objet d'une étude approfondie. Tous les témoins que nous avons entendus ont parlé de la Fondation du millénaire. Mais il n'y a eu aucun représentant du groupe touché par cette partie.
Le président: Est-ce qu'un sénateur pourrait fournir des explications sur les prestations dont il est question dans ces articles?
Le sénateur Bryden: D'abord, la période prévue pour la présentation d'une demande de Supplément de revenu garanti coïncide avec celle de la déclaration de revenu aux fins d'impôt. Le projet de loi échelonne cette période sur trois mois. Cela s'applique non seulement au SRG et au programme de sécurité de la vieillesse, mais aussi au programme des allocations aux anciens combattants. Voilà en gros de quoi il s'agit.
Si je n'en ai pas parlé avant, c'est qu'il n'en avait pas été question. J'ai quelque regret de le faire maintenant. Il y a toutefois une disposition prévoyant l'arrondissement du montant de récupération.
Le président: Si vous n'en aviez par parlé, sénateur Bryden, je l'aurais fait.
Le sénateur Bryden: Si 150,90 $ doivent être déduits du chèque de SRG, on ne déduit que 150 $. Le montant de la récupération est arrondi, au lieu de correspondre exactement au montant gagné. La mise en oeuvre de ce système plus rationnel et convivial a entraîné une modification, de sorte qu'il en coûte 1 $ -- ou un montant quelconque -- pour le faire automatiquement. Le montant total est de l'ordre de huit millions de dollars.
Le ministre s'est engagé à ne pas aller de l'avant. À l'automne, on présentera un projet de loi -- rien ne presse puisque l'entrée en vigueur n'est pas prévue avant juillet de l'an prochain -- , pour veiller à ce que l'arrondissement, ou l'automatisation, n'ait aucune répercussions sur le revenu des personnes âgées.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi ne faisons-nous pas la modification tout de suite? Nous ferons ce qu'il veut et nous éliminerons cette disposition.
Le sénateur Bryden: Le ministre soutient que la disposition entrera en vigueur seulement plus tard.
Le sénateur Tkachuk: Il passe son temps à dire qu'il a fait une erreur et qu'il faut attendre. Pourquoi n'agit-il pas comme il faut du premier coup? Nous pourrions nous dispenser de cela.
Le sénateur Bryden: Nous ne sommes pas tous parfaits, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: Le ministre des Finances ne l'a pas dit tant que les choses ne se sont pas corsées à la Chambre. Il s'est ensuite rendu compte qu'il s'était fait prendre. Voilà ce qu'il en était.
Le sénateur Bryden: Je ne le dirais peut-être pas en ces termes
Le sénateur Tkachuk: Ce sont ceux que j'ai choisis.
Le sénateur Bryden: C'est bien. Selon le document, le projet de loi demeurerait intact, mais le gouvernement présenterait à l'automne des modifications qui annuleraient certaines parties du projet de loi C-36, lequel n'entrerait pas en vigueur avant juillet 1999, de toute manière. Il l'a dit, et c'est ce qu'il fera.
La chose est en train de se faire. Au lieu de retenir le projet de loi afin de le modifier, puis de le renvoyer, il a dit qu'il agirait de la sorte et personne n'aura à en souffrir.
Le président: Merci. Y a-t-il des questions?
Le sénateur Tkachuk: Cela concerne les projets d'articles 105 à 124. Nous pourrions déposer le tout, n'est-ce pas?
Le sénateur Cools: Non, nous ne le pourrions pas.
Le sénateur Tkachuk: Nous pourrions peut-être attendre jusqu'à l'automne. Le ministre pourra alors faire ce qu'il veut, ce qui est la bonne chose à faire.
Le sénateur Cools: Nous sommes saisis d'une question.
Le président: Vous êtes saisis de la question et vous vouliez qu'elle soit mise aux voix. Si, toutefois, un sénateur désire présenter un amendement, il devrait pouvoir le faire.
Le sénateur Cools: Il devrait avoir présenté un amendement.
Le président: J'ai demandé s'il y avait des propositions d'amendement et vous avez proposé, sénateur Cools, que je mette d'abord la partie aux voix et que je demande ensuite s'il y avait des propositions d'amendement. Nous avons décidé de procéder de cette façon, sénateur. Je demande maintenant s'il y a des motions d'amendement.
Le sénateur Tkachuk: Je propose que nous supprimions ces articles.
Le sénateur Cools: J'ai compris très clairement que l'honorable sénateur n'avait aucune motion à présenter.
Le sénateur Tkachuk: J'ai expliqué plutôt la raison pour laquelle les amendements ont été présentés. Nous devrions tenir le vote et les motions pourraient ensuite être présentées.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion du sénateur Tkachuk, qui propose de déposer la partie...
Le sénateur Cools: Non pas déposer, mais supprimer.
Le sénateur Tkachuk: En effet, la supprimer, s'en débarrasser.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le sénateur Tkachuk: Quels sont qui sont en faveur des personnes âgées? Quels sont ceux qui sont contre?
Le président: La motion est rejetée à la majorité des voix.
Le sénateur Cools: Je propose que les articles 105 à 124, partie 12, soient adoptés sans amendement.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: La motion est adoptée à la majorité des voix.
Nous passons maintenant à la partie 13, «Aide financière aux institutions financières et aux États étrangers».
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 13, intitulée «Aide financière aux institutions financières et aux États financiers», composée des articles 125 à 133, soit adoptée sans amendement.
Le président: Y a-t-il des observations ou des propositions d'amendement? La seule réserve exprimée à ce sujet se rapportait aux droits de la personne.
Le sénateur Bolduc: Nous avons cependant fait part au ministre de ce que nous avions à dire.
Le président: Oui.
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 13, composée des articles 125 à 133, soit adoptée sans amendement.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: La motion est adoptée à la majorité des voix.
Il reste maintenant les parties 4 et 7.
La partie 4 concerne la Première nation de Kamloops. Deux questions ont été présentées et examinées par la première nation et par le ministère des Finances. La première concernait le quorum et la seconde, la réunion de la bande, par opposition à celle du conseil. Les fonctionnaires du ministère des Finances ont expliqué qu'ils avaient reçu une opinion juridique selon laquelle, puisqu'il s'agissait d'une réunion de bande, la question n'avait aucun intérêt pratique. Il incombait au conseil de bande de prendre la décision, ce qu'il a fait. Cela répondait à cette partie de la question.
Le second sujet de préoccupation était relié à la Loi sur les Indiens. L'interprétation de la loi, et je signale que je ne suis pas un spécialiste en la matière, soulevait une question de constitutionnalité. Il s'agissait de savoir si une personne vivant sur une réserve pouvait être assujettie à une taxe imposée par le conseil de bande sur le territoire de la réserve. Cette question a posé un problème.
Le conseiller juridique du ministère des Finances était clairement d'avis qu'il n'y avait pas de conflit, alors que la bande soutenait qu'il y avait contradiction. J'essaie de donner l'interprétation la plus objective possible, puisque le sénateur Bryden a pris l'initiative.
Les représentants de la bande semblaient se fonder sur des points de droit concernant le quorum et le vote, plutôt que sur des points de droit tirés de la Loi sur les Indiens, qu'ils semblaient moins bien connaître. Ai-je bien résumé la question? L'attaché de recherches m'a dit que la bande iroquoise avait des doutes au sujet de la constitutionnalité.
La question est de savoir si nous acceptons l'opinion juridique du conseiller juridique du ministère des Finances au sujet de la Loi sur les Indiens. J'ai des réserves. Je voudrais en déposer cette partie, car nous n'avons pas entendu suffisamment d'opinions au sujet de la constitutionnalité. Nous avons reçu l'avis d'un représentant du ministère des Finances. J'aimerais qu'un spécialiste de la Loi sur les Indiens nous dise si la présence d'une disposition de dérogation dans le projet de loi est constitutionnelle. L'argument avancé est que cette disposition l'emporte sur celle de la loi.
Le sénateur Bryden: La question de la constitutionnalité ne se pose pas, en ce sens que s'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans cette disposition du projet de loi, elle ne serait pas considérée comme contraire à la Constitution. L'article 87 de la Loi sur les Indiens dit, essentiellement, que «nonobstant toute autre loi fédérale, les dispositions suivantes s'appliquent». C'est l'article 87. Or, le projet de loi dit également, relativement à la disposition concernant le transfert fiscal, que «nonobstant toute autre loi, les dispositions suivantes s'appliquent.» Cette mesure remplace la TPS.
Sauf erreur, et je ne suis pas un spécialiste de la question même si j'ai déjà cru que je l'étais, le ministère de la Justice a déjà adopté comme point de vue qu'une disposition de dérogation à une situation précise l'emporte sur une disposition d'application générale de la Loi sur les Indiens. Cette loi est une loi du Parlement; elle n'est pas une loi constitutionnelle. Elle peut donc être modifiée comme toute autre loi.
Si on examine ces deux dispositions ensemble, je crois que dans le cas de la première disposition, le Parlement visait expressément cette taxe, cette recommandation faite par la bande indienne. C'est pourquoi il dit que, nonobstant ce que prévoit la Loi sur les Indiens, cette disposition s'appliquera dans ce cas précis. À ma connaissance, cette disposition l'emportera sur la disposition d'application générale de la loi dans presque tous les cas. Si le Parlement l'avait voulu, il aurait pu abroger l'article d'application générale. Il a plutôt choisi d'avoir recours à un article qui s'appliquait dans un cas précis. Je n'ai pas eu la chance d'effectuer des recherches à ce sujet, mais j'ai eu le temps d'y réfléchir. Je crois que cette disposition est fondée.
L'autre élément qui me fait penser de la sorte est que la personne qui présentera la requête à la cour fera valoir le même argument, mais à l'inverse. Elle fera valoir que, dans ce cas, en mettant cette disposition dans le projet de loi, nous dérogeons à la disposition d'application générale et que nous ne devrions pas pouvoir le faire. Le droit du Parlement d'agir de la sorte ne serait pas remis en question. La question porterait plutôt sur l'opportunité de procéder de cette façon. C'est ainsi que je comprends la chose. J'ignore si le sénateur Rivest est de mon avis.
Je ne crois pas que nous agissions à l'encontre de la Constitution. Je souscris à une interprétation ancienne, selon laquelle là où le législateur à le pouvoir de modifier une disposition générale, il peut le faire dans un cas d'application précise. C'est ce que je comprends.
Le sénateur Tkachuk: La chose ne me préoccupe pas vraiment. S'il y a un problème, je suis sûr que le ministre s'en occupera à l'automne, comme il le fera des autres parties du projet de loi.
Le président: S'il y a une chose que j'admire chez les autochtones, c'est qu'ils ne lâchent pas. Quand ils estiment qu'un changement s'impose, ils y voient.
Je m'incline devant la sagesse du sénateur Bryden et je ne présenterai pas d'amendement, car je sais qu'il serait rejeté. Je crois que cette question n'a aucun intérêt pratique.
Sénateur Cools, nous passons à la partie 4.
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 4, «Taxes de vente de certaines Premières nations», sections 1 et 2, articles 58 à 71, soit adoptée sans amendement.
Le président: Quels sont ceux qui sont en faveur de la motion?
Quels sont ceux qui sont contre?
La motion est adoptée à la majorité des voix.
Le sénateur Tkachuk: Puis-je ajouter quelque chose? Je ne veux pas donner l'impression que je ne m'oppose pas à la motion. Je suis contre du point de vue du principe général d'un projet de loi omnibus, et non pas parce que je n'aime pas les libéraux.
Le président: Je hais les projets de loi omnibus.
Le sénateur Moore: Maintenant que nous avons terminé la partie 4, je n'en ai pas parlé parce que je ne voulais pas vous influencer, mais j'ai discuté des articles de dérogation avec le sénateur Beaudoin avant la pause. Il n'a pas entendu tous les arguments, mais il était clairement d'avis qu'une disposition de dérogation visant un cas précis l'emporte sur la disposition de dérogation générale. Cela vous rassurera peut-être.
Le président: Sénateur Cools, nous terminons avec la partie 7.
Le sénateur Cools: Je propose que la partie 7, «Produits du tabac», articles 80 à 83, soit adoptée sans amendement.
Le président: Quels sont ceux qui sont en faveur de la motion?
Quels sont ceux qui sont contre?
La motion est adoptée à la majorité des voix. Merci, mesdames et messieurs.
L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Le sénateur Cools: Je croyais avoir dit 1. Je suis heureuse que vous l'ayez remarqué.
Le président: Le sénateur Cools a le dernier mot. Elle avait précédemment proposé l'adoption de l'article 1.
Nous devons maintenant approuver le projet de loi en entier.
Le sénateur Cools: Je propose que le projet de loi C-36 soit adopté en entier, sans amendement.
Des voix: Avec dissidence.
Le sénateur Cools: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi.
Honorables sénateurs, je me demande s'il serait possible de faire rapport du projet de loi ce soir.
Le président: Non, nous n'avons pas le rapport.
Le sénateur Cools: Il n'y a pas d'amendements. Il n'y a qu'une ligne.
Le sénateur Lavoie-Roux: Combien vous a-t-on payé pour faire adopter ce projet de loi aussi rapidement?
Le sénateur Cools: Nous pourrions faire rapport du projet de loi ce soir. Il n'y a qu'une ligne. Ce serait peu de chose.
Le président: J'essaie de régler la question logistique. Nous avons deux autres choses à l'ordre du jour.
Le sénateur Cools: Il nous reste deux choses à voir. D'abord le rapport sur le Budget des dépenses supplémentaire (A), puis deux projets de loi de crédits.
Normalement, je ne demanderais pas aux honorables sénateurs de faire rapport aussi rapidement, car ce serait difficile. Toutefois, ce rapport ne pose aucune difficulté. Il n'a qu'une ligne. Ce serait possible. J'aimerais que nous fassions rapport du projet de loi ce soir.
D'accord?
Le président: Vous avez un bon argument. D'accord, nous en ferons rapport.
Le sénateur Cools: Nous avons terminé l'étude du projet de loi C-36.
Le président: Je n'ai pas pris la parole au sujet du projet de loi C-36, ni donné avis. J'ai l'intention de prendre la parole au sujet du projet de loi C-36.
Le sénateur Cools: Ce soir, nous nous limitons à présenter le rapport au Sénat. Vous ne pouvez pas prendre la parole au sujet du projet de loi.
Le président: Je comprends. Je signale simplement que je n'ai pas pris la parole au sujet du projet de loi.
Le sénateur Cools: C'est entendu. Nous faisons rapport du projet de loi ce soir.
Nous avons le rapport du comité sur le Budget des dépenses supplémentaire (A). Le Sénat est actuellement saisi de deux projets de loi de crédits, les projets de loi C-45 et C-46. Ce rapport devrait être adopté maintenant et déposé ce soir au Sénat, afin que nous puissions prendre la parole à ce sujet et en terminer l'étude demain.
Le sénateur Tkachuk: Faites comme vous voulez, monsieur le président.
Le sénateur Bryden: Le comité a pratiquement terminé ses travaux. La présentation de ces deux rapports au Sénat ne met pas fin à la discussion.
Le président: Je comprends bien. Je ne conteste pas cela. J'ai posé la question parce que la semaine dernière, au sujet du Budget des dépenses supplémentaire, le sénateur Cools a demandé que nous ne fassions pas rapport parce qu'elle était trop occupée. Je veux m'assurer que les deux projets de loi peuvent passer à l'étape suivante. Voilà ma préoccupation. Je veux m'assurer qu'il ne reste aucun sujet à examiner quand les rapports seront présentés.
Le sénateur Cools: Absolument aucun.
Le président: Vous devez aborder votre Budget des dépenses supplémentaire.
Le sénateur Cools: Par conséquent, je propose:
Que le rapport dont nous sommes saisis, c'est-à-dire le rapport de ce comité sur le Budget des dépenses supplémentaire (A), soit adopté.
Des voix: D'accord.
Le sénateur Cools: Nous avions déjà convenu de présenter notre rapport il y a de cela dix jours.
Le président: Je sais.
Le sénateur Cools: Il y a juste un autre point au sujet du deuxième projet de loi. Nous étudions en ce moment le projet de loi sur le Budget des dépenses supplémentaire, ensuite ce sera le projet de loi sur le budget des dépenses principal. Je compte intervenir au sujet de ce dernier projet de loi ce soir.
Le président: Quand est-ce que nous l'avons reçu?
Le sénateur Cools: Cela fait quelque temps que nous avons le budget des dépenses principal. Nous avons présenté un rapport provisoire.
Le président: Je n'étais pas ici, j'étais en voyage.
Le sénateur Cools: Nous avons présenté le rapport provisoire le 26 mars. Nous pouvons continuer à étudier le budget des dépenses principal, mais le projet de loi peut avancer.
Le président: Nous ne voulions pas présenter de rapport final; nous n'avons pas fini notre étude.
Le sénateur Cools: Je ne demande pas un rapport final. Le projet de loi C-45 doit avancer. Il n'est pas nécessaire de présenter un rapport final. Nous pouvons continuer d'étudier le budget des dépenses principal, mais le projet de loi C-45 peut avancer. La raison pour laquelle je soulève ceci, c'est que lorsque nous prenons la parole au sujet du projet de loi C-45 à la Chambre, nous pouvons dire que nous continuons notre étude du budget des dépenses principal. Entre-temps, le gouvernement peut avoir son argent.
Le président: C'est parfait, à condition que cela ne retarde pas notre étude.
La séance est levée.