Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 8 - Témoignages pour la séance du 21 mai 1998 (avant-midi)


OTTAWA, le jeudi 21 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des Pêches se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour étudier les questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre premier témoin de ce matin est Sarah Huskilson, présidente de l'Eastern Shelburne Fishermen's Association. Mme Huskilson est aussi mairesse de Lockeport. Au cours des dernières années, elle a été l'une des plus ardentes opposantes à l'attribution de permis à quota individuel transférable. Votre Honneur, nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir partager avec nous vos vues sur la question de la privatisation. Nous avons beaucoup discuté des inconvénients des QIT et de la privatisation, mais nous cherchons actuellement à colliger un peu plus d'information sur les solutions de rechange aux QIT: si vous pouviez aborder cette question dans vos commentaires, nous l'apprécierions vivement.

Son Honneur Sarah A. Huskilson, présidente, Eastern Shelburne Fishermen's Association: Honorables sénateurs, j'ai fourni à la greffière du comité une transcription d'un exposé que j'ai présenté l'année dernière à l'Université St. Mary's. Je ne reviendrai pas sur ce document; vous l'avez devant vous. Les faits qu'on y retrouve sont importants. Essentiellement, j'y fais état de l'iniquité du régime de QIT et de quota individuel communautaire. Je n'insiste pas sur ce point puisque les renseignements figurent dans la documentation.

Les préoccupations de l'organisation que je représente n'ont pas trait à quelques poissons seulement. Les pêcheurs côtiers à la ligne et à l'hameçon luttent pour leur survie de pêcheurs dans la pêcherie de la côte Est. Les petites collectivités côtières vivent des moments difficiles en raison du repli économique causé par les règlements et les politiques de gestion du MPO.

Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, les stocks de poisson ne posent pas de problèmes. Même si le CCRH affirme que, du point de vue des quotas, les stocks de morue ont diminué, nous avons en fait des stocks excédentaires de morue, d'aiglefin et de goberge. Toutefois, l'information présentée au CCRH reposait sur une enquête dans le cadre de laquelle on a identifié des bateaux de pêche à QIT et à QI qui avaient rejeté du poisson en mer. Comme, dans ces navires, on ne retient que les poissons de grande taille, certaines classes annuelles étaient absentes. Les poissons de grande taille sont ceux qu'on peut commercialiser, de sorte qu'on rejette les petits par-dessus bord. C'est ce qu'on appelle la pêche «sélective». On la pratique dans tout le secteur, et elle est destructive.

Les pêcheurs de l'Inshore Defence Federation, de l'Eastern Shelburne Fishermen's Association, et de la South West Nova Fixed Gear Association, de la Professional Fishermen's Conservation Association et de la South West Fishermen's Rights Association ont une solution qui aura pour effet de rendre la pêche équitable et qui assurera la survie de nos petites collectivités côtières. Cette solution, c'est la «Case départ». L'exposé que j'ai présenté à l'Université St. Mary's s'intitule «Case départ».

Aux termes de la «Case départ», tous les poissons de fond alloués dans la région de Scotia-Fundy seront récoltés suivant un régime concurrentiel, par des propriétaires-exploitants, dans le cadre d'un effort de pêche contrôlé, établi en fonction des jours en mer. On assurera à chacun un accès équitable et des chances égales. Dans le cadre du programme, les pêcheurs bénéficieront, en ce qui a trait à la gestion, de la coopération du MPO et des pêcheurs côtiers indépendants. Le MPO doit mettre en pratique les principes de la conservation et les faire respecter, en plus d'effectuer des contrôles à quai. Il incombera aux pêcheurs de tenir des carnets de voyage précis.

Même s'il peut s'agir d'une solution simple, on a consacré beaucoup de temps et d'efforts à «Case départ». Les apports sont venus de toute la Nouvelle-Écosse de même que de Terre-Neuve et du Labrador. Un échantillonnage considérable des pêcheurs de la côte Est croient que «Case départ» fonctionnera. Le plan permettra la survie de nos petites collectivités côtières, des pêcheurs indépendants à la ligne et à l'hameçon et de la pêche canadienne, tout en préservant les stocks.

L'avantage, c'est qu'on assurera la survie économique des collectivités côtières du comté de Shelburne grâce à la viabilité des stocks de poissons de fond dans la région de Scotia-Fundy. La plupart des pêcheurs de la région de Scotia-Fundy sont titulaires de multiples permis. Dans le plan, on préconise une politique interdisant les divisions de permis: on s'assure ainsi que le temps consacré à l'exploitation d'une espèce ne peut être consacré à l'exploitation d'autres espèces. Les pêcheurs ne peuvent pas faire deux choses en même temps. Par conséquent, l'effort de pêche sera réparti sur un plus large éventail d'espèces pour des périodes plus brèves. La théorie du MPO, selon laquelle un trop grand nombre de pêcheurs se disputent un trop petit nombre de poissons, n'aurait plus aucun fondement. Le plan fonctionnera de façon efficiente et efficace à titre de stratégie de pêche axée sur des permis multiples.

L'industrie et nos collectivités sont fermement convaincus que «Case départ» est la solution aux problèmes de la pêche sur la côte Est.

Une fois les stocks reconstitués, le plan pourra aussi s'appliquer à la pêche côtière à Terre-Neuve. Comprenez bien cependant que les pêcheurs du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse pêchent depuis 450 ans. Nous n'avons pas cessé de pêcher.

Nous avons commencé à mettre en pratique les principes de la conservation il y a 25 ans: nous avons alors fermé certains secteurs. Le régime a fonctionné de façon très efficace. Nos stocks d'aiglefins, de morues et de goberges se sont régénérés parce que nous avons désigné des secteurs où il était interdit de pêcher, des secteurs qui étaient communément appelés «clôturés».

Ainsi, nos stocks sont toujours en bonne santé. En raison de la politique de gestion axée sur les régimes de quotas, de QI, connue sous le nom de quotas individuels transférables, et des allocations aux entreprises, de nombreux étrangers viennent pêcher dans nos eaux côtières. Je puis citer de nombreuses statistiques à l'appui de ce que j'avance. Il est tout à fait ridicule d'avoir octroyé en février un permis à 22 chalutiers-usines congélateurs qui ont pêché au large de Terre-Neuve. Je suis triste pour les petites collectivités côtières de Terre-Neuve, avec lesquelles je suis en contact au moins une fois toutes les deux semaines. Je discute avec leurs représentants. J'ai aussi parlé avec les groupes autochtones du Labrador. Ils sont extrêmement troublés par la situation actuelle. Ils ont eux aussi le sentiment de perdre leurs collectivités côtières. Dans cette lutte, les Autochtones se joignent à nous. Nous luttons pour la survie de nos petites collectivités côtières et pour un mode de vie toujours viable.

Voici les statistiques pour le comté de Shelburne. En 1995, le taux de chômage était de 11 à 12 p. 100; en 1996, il était de 19 p. 100; aujourd'hui, dans le comité de Shelbourne il est de 34 p. 100. Le problème ne s'explique pas par l'absence de poisson. Il s'explique par le fait que le MPO n'autorise pas les pêcheurs du comté de Shelburne à pêcher en raison du régime injustifiable qu'il a mis en place. Aucune mesure législative n'a été prise à l'appui de ce que fait le ministère. Sur ce point, les pêcheurs contesteront le gouvernement. Toutefois, ce dernier a mis en place un régime discriminatoire qui a un effet dévastateur sur les pêcheurs et les collectivités côtières du comté de Shelburne.

Le MPO dit que le régime est dirigé par l'industrie. Eh bien, non, c'est plutôt le contraire. Le MPO est en train de sortir l'industrie du secteur de la pêche. Ce sont les pêcheurs côtiers qui sont «dirigés».

Les statistiques que j'ai en mains vous montreront que le comté de Shelburne a débarqué plus de poissons de fond et plus de coquillages et de crustacés que toute autre région côtière du Canada, qu'il s'agisse de la côte du Pacifique, de la côte de l'Arctique ou de la côte de l'Atlantique. Au fil des décennies, le comté de Shelburne a toujours débarqué plus de poissons, de coquillages et de crustacés. En janvier 1997, il y avait ainsi, dans le seul comté de Shelburne, 2 390 permis, toutes espèces confondues.

S'il y a une flottille de pêche toujours viable, c'est bien celle du comté de Shelburne, vous le voyez bien, et c'est pourquoi nous avons été frappés en premier par le régime de QI beaucoup plus rapidement que tout autre secteur. Étant donné les 2 390 permis exploitables, le MPO veut donc éliminer, dans l'ensemble du comté de Shelburne, les pêcheurs côtiers indépendants. Une fois qu'on nous aura cassé les reins, le reste suivra, parce que nous ne sommes pas si nombreux. Aujourd'hui, c'est le comté de Shelburne qui fait la force de la pêcherie de la côte Est, et c'est pourquoi le comté de Shelburne a été l'hôte de tous les projets pilotes destructifs que le MPO a mis sur pied pour imposer ce régime injustifiable.

Je sais que mon temps est limité, et je n'ai abordé que quelques-uns des principaux problèmes, mais nos dirigeants municipaux sont extrêmement préoccupés par l'économie du comté de Shelburne parce que -- comprenez-le bien -- la pêche est notre principale industrie. Elle l'était hier, elle l'est aujourd'hui et elle le sera demain. Nous éprouvons des difficultés, oui, tout comme de nombreuses régions du Canada. Prenez le cas de Terre-Neuve. J'ai été à Terre-Neuve. Au cours des huit derniers mois, je me suis rendue dans les petits ports isolés, et j'ai parlé aux pêcheurs de même qu'aux dirigeants communautaires. Je suis en contact avec le Labrador, avec les communautés autochtones du Labrador. Je suis en contact avec le Nouveau-Brunswick, toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Ce qu'on me dit, c'est que tout cela n'est pas nécessaire. Nous n'avons rien fait de mal, et pourtant on nous punit. Ce que je dis à mes interlocuteurs, c'est qu'on s'apprête à privatiser une ressource publique, ici, au Canada. Il s'agit de la privatisation mondiale de la pêche, mouvement dont la Banque mondiale et les grandes compagnies se font l'apôtre, comme je l'ai constaté à Terre-Neuve en septembre, à l'occasion du Sommet de la mer, auquel j'ai assisté.

Je suis allée à Toronto, même si le MPO a tout fait pour m'empêcher de m'y rendre, pour représenter les pêcheurs et lutter pour l'établissement d'un code canadien de conduite en vue d'une pêche raisonnable. Dans l'exposé que j'ai préparé pour l'Univ

Haut de page