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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 21 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 mai 1999

Le comité permanent des pêches auquel a été renvoyé le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre, d'une part, l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et, d'autre part, d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche, se réunit aujourd'hui à 8 h 40 du matin pour entreprendre l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance de ce matin ouverte. Nos témoins aujourd'hui représentent le ministère des Pêches et des Océans. Avant d'entendre les témoins et d'entreprendre l'étude article par article, est-ce que des honorables sénateurs ont des questions à poser?

Le sénateur Stewart: La dernière fois j'avais l'intention de poser deux questions mais je n'ai pas pu par manque de temps. Si je me souviens bien, monsieur Wiseman, vous avez fait allusion, lorsque vous nous faisiez part de votre analyse de ce projet de loi, à d'«autres accords». Je ne sais pas si vous avez dit ou pas «n'importe quel autre accord». Pourquoi l'avez-vous dit?

M. Earl Wiseman, directeur général, Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: Le projet de loi C-27 fait plus que d'accorder les pouvoirs nécessaires de mise en application aux agents canadiens des pêches pour nous permettre de nous acquitter de nos obligations en vertu de l'Accord sur le poisson des Nations Unies (APNU). Il accorde aussi l'autorité à nos agents des pêches de prendre les mesures qui s'imposent en vertu d'autres accords, tels que la Convention sur les espèces anadromes du Pacifique Nord. Il prévoit déjà des mesures en vertu desquelles les parties à cet accord, soit le Canada, les États-Unis, le Japon et la Russie, peuvent prendre des mesures à l'encontre de leurs bateaux de pêche respectifs en haute mer, s'ils interceptent du saumon. Nous possédons ce droit et nous avons l'obligation d'agir en conséquence, mais notre loi ne nous donne pas l'autorité nationale d'agir. Le projet de loi C-27 accordera cette autorité.

Le sénateur Stewart: En vertu de quel article du projet de loi?

M. Wiseman: De l'alinéa 6f).

Le sénateur Stewart: Quelqu'un devrait peut-être consigner au compte rendu le passage pertinent.

Mme Nadia Bouffard, conseillère principale, Questions juridiques et Canada-France, Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: En voici le texte:

6. Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre toute mesure d'application de la présente loi et notamment

f) mettre en oeuvre d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche auxquelles le Canada est partie, dont les mesures de préservation, de gestion ou de contrôle d'application prises sous le régime de tels traités ou ententes, et plus particulièrement [...]

Le sénateur Stewart: Lorsqu'il est question «d'ententes ou traités internationaux en matière de pêche», veut-on dire tout autre traité ou entente qui existe actuellement ou ces dispositions s'appliquent-elles à tout traité ou entente en matière de pêche qui pourrait être conclu à l'avenir?

M. Wiseman: Les deux. Il englobe ceux qui existent et il s'applique à ceux conclus à l'avenir.

Le sénateur Stewart: Par conséquent, le Parlement déléguera son autorité à l'exécutif pour rendre exécutoires des traités et ententes dont nous n'avons pas connaissance pour le moment.

M. Wiseman: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Voudriez-vous nous rappeler les raisons pour lesquelles la Loi sur la marine marchande est modifiée?

Mme Bouffard: L'APNU oblige les États du pavillon à imposer des sanctions aux bateaux de pêche qui n'observent pas les mesures de gestion ou de conservation. Il prévoit aussi la possibilité d'imposer des sanctions au capitaine et aux officiers à bord de ce navire, aux ressortissants essentiellement. Nous avons mis cette disposition en oeuvre à l'intention des officiers canadiens à bord de navires en application de la Loi sur la marine marchande du Canada parce que c'est la mesure législative en vertu de laquelle les capitaines et officiers de navires obtiennent leurs licences de pilotage.

La Loi sur la marine marchande du Canada renferme des dispositions visant à sanctionner ces «certificats» -- c'est le mot qui est employé -- au moyen d'une enquête. Les deux dispositions que l'on modifie prévoient la tenue de ces enquêtes et la sanction de ces certificats lorsque le capitaine ou les officiers à bord des navires ne se sont pas conformés aux mesures de gestion ou de conservation des organisations régionales.

Le sénateur Stewart: Cela ne modifie aucune autre disposition de la Loi sur la marine marchande du Canada, n'est-ce pas?

Mme Bouffard: Non.

Le président: À l'alinéa 6f), concernant les traités futurs, je suppose que ce sont les gouvernements qui concluent les traités et non le Parlement, n'est-ce pas? Ainsi, nous déléguerions au gouvernement des pouvoirs concernant certaines situations qui n'existent pas, à ma connaissance. En fait, c'est ce qui se passe normalement, donc il est inutile de le dire?

M. Wiseman: Le projet de loi attribue d'avance certains éléments de la Loi sur la protection des pêches côtières à certaines activités qui seraient sanctionnées en vertu des accords internationaux en haute mer. Si l'on concluait un nouvel accord ou que l'on modifie un accord existant, on n'aurait pas à s'adresser à nouveau au Parlement pour obtenir ces pouvoirs. Ils sont accordés dans le projet de loi.

Le président: Même si ce n'était pas le cas, faudrait-il quand même s'adresser au Parlement?

M. Howard Strauss, directeur, Direction du droit économique des océans et de l'environnement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: L'autorité de conclure un traité appartient bien entendu au gouvernement. Le projet de loi prévoit le droit national nécessaire à l'application, et pour cela, il faudrait s'adresser au Parlement. Afin d'appliquer et d'exécuter les traités que nous pourrions conclure à l'avenir pour assurer la conservation des pêches, il faudrait s'adresser au Parlement.

Le président: Par conséquent, nous disons au gouvernement que nous allons lui accorder le pouvoir d'appliquer des traités ultérieurs sans avoir à s'adresser à nous de nouveau à l'avenir.

M. Wiseman: Peut-être pourrais-je vous donner un exemple. Si la ratification et la mise en oeuvre de l'accord des Nations Unies tardent, le Canada pourrait conclure un accord bilatéral ou multilatéral avec plusieurs autres parties qui permettrait d'appliquer provisoirement toutes les obligations et responsabilités en vertu de l'accord des Nations Unies, même si celui-ci n'est pas encore en vigueur. Ce serait un accord que nous serions susceptibles de conclure. Faute de cette autorité, nous ne pourrions pas le faire parce que nous ne pourrions pas prendre les initiatives en haute mer que nous serions habilités à prendre avec cette mesure législative. Si nous décisions de le faire à l'avenir, nous en aurions l'autorité. Si nous décidions de conclure une entente spéciale comme celle-ci, comme l'a fait remarquer M. Strauss, qui répond aux objectifs du projet de loi lequel traite de la conservation des pêches en haute mer, en vertu du droit national nos officiers auraient le droit de prendre les mesures qui s'imposent.

Mme Bouffard: Il s'agit d'une autorité réglementaire. Les règlements qui seraient adoptés ne devraient pas déborder le cadre de la législation actuelle. Nous ne pourrions pas créer des pouvoirs autres que ceux qui existent déjà.

Le président: Donc, vous ne pourriez pas par exemple aller dire aux autorités américaines que vous voulez rediviser le banc Georges en diverses sortes de sections?

Mme Bouffard: Non, ce n'est pas l'objectif.

Le sénateur Mahovlich: Il ne s'agit pas d'une question complémentaire, mais d'un sujet de préoccupation que j'ai éprouvé en quittant la réunion la semaine dernière ou la semaine d'avant. Vous avez dit que le seul pays qui était autorisé à pêcher sur le banc du littoral occidental était Cuba. Vous avez dit ensuite que le Portugal pêchait au large des bancs de Terre-Neuve. Est-ce que ces deux pays pêchent là ou n'y en a-t-il qu'un seul?

M. Wiseman: J'avais commencé à répondre à la question et à soulever le problème de Cuba quand nous sommes passés à autre chose.

Permettez-moi de préciser les choses. D'abord, il y a deux pays, peut-être trois, qui ont des droits de pêche dans les eaux canadiennes. Cuba s'y trouve. La France aura des droits de pêche au nom de Saint-Pierre-et-Miquelon. Troisièmement, il est possible que des thoniers japonais soient autorisés à pêcher dans nos eaux à l'automne. Ils obtiennent traditionnellement des quotas de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Il ne s'agit pas de quotas canadiens. Ces trois pays pourront pêcher à l'intérieur de la limite de 200 milles du Canada.

Le sénateur Mahovlich: S'agit-il d'accords internationaux?

M. Wiseman: Oui.

Le sénateur Mahovlich: Ce ne sont pas des accords canadiens?

M. Wiseman: Non. Il existe un accord bilatéral avec Cuba et un avec la France et nous avons aussi un accord bilatéral avec le Japon. Le Japon pêche en vertu de quotas internationaux. Les Français pêchent des quotas négociés, aux termes d'un procès-verbal qui date de 1994, en partie par le sénateur Robichaud. Les Cubains pêchent en réalité pour des compagnies canadiennes. Ils ne pêchent pas en vertu d'un quota cubain. Ils pêchent en vertu d'un quota de développement canadien. Ce sont les trois pays qui pourraient obtenir des permis.

La Russie pourra peut-être aussi avoir quelques navires munis d'une licence pour pêcher en vertu du programme de développement du merlu argenté. À ma connaissance, aucun contrat n'a été signé, mais c'est une possibilité. Ce sont les pays qui pourraient pêcher à l'intérieur de la limite de 200 milles du Canada.

Les membres de l'OPANO ont le droit de pêcher à l'extérieur de la limite de 200 milles, en haute mer. Le Portugal est membre de l'Union européenne laquelle est membre de l'OPANO, et par conséquent le Portugal a le droit de pêcher en haute mer à l'extérieur de notre limite de 200 milles. Les Portugais ont obtenu des quotas légitimes et ils pêchent en conformité des règles et règlements de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-ouest.

L'Espagne et le Japon y pêchent aussi. Les îles Féroé et l'Islande également. Les États baltes ont également des bateaux qui pêchent la crevette. Un certain nombre de pays pêchent dans cette zone. Mais tous respectent les contrôles et les occasions de pêche légitimes prévues par l'OPANO.

Le sénateur Stewart: Vous avez une excellente carte. Pouvez-vous nous dire, par exemple, à quels endroits les îles Féroé vont pêcher la crevette?

M. Wiseman: La pêche à la crevette se pratique surtout dans la zone des 3M. On y pêche aussi le flétan du Groenland le long de cette section du nez des Grands Bancs et un peu là également. C'est là que la pêche fondamentale se pratique.

Le sénateur Adams: J'aimerais que le gouvernement du Canada conclue un accord avec les États-Unis concernant l'exportation de certaines espèces de mammifères.

À l'heure actuelle, les Inuits de l'Alaska vendent des peaux de phoques à des acheteurs américains. Cependant, ce n'est pas le cas des Inuits canadiens qui ne peuvent pas vendre des peaux de phoques, de l'ivoire ou même des sculptures en ivoire aux États-Unis.

Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon dont nous pourrions amorcer des négociations avec les États-Unis? J'ai fait part au ministre de ma préoccupation la dernière fois où il a comparu devant notre comité. Je sais que certaines provinces ont conclu des accords pour l'exportation de peaux de phoques et d'autres produits de mammifères marins.

Je sais que certaines provinces ont une sorte d'accord libre-échangiste. Comment cela fonctionne-t-il?

M. Wiseman: Les États-Unis ont la Marine Mammal Protection Act, qui interdit l'importation de produits de mammifères marins. Les Inuits canadiens produisent des produits de mammifères marins qui sont chassés dans le Nord tout comme les Inuits de l'Alaska, comme vous l'avez fait remarquer. On peut importer le produit de l'Alaska au sud du 48e parallèle, tandis que le produit canadien n'est pas autorisé à entrer aux États-Unis à cause des restrictions imposées en vertu de la Marine Mammal Protection Act. C'est une question qu'on a soulevé avec les États-Unis, elle préoccupe non seulement les chasseurs du Nord mais aussi ceux qui participent à la chasse aux phoques. C'est une question à laquelle travaille le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avec les États-Unis en vue d'exempter le produit canadien de l'application de la Marine Mammal Protection Act et de trouver des moyens d'importer le produit canadien surtout celui des peuples du Nord.

Le président: L'accord sur le poisson des Nations Unies utilise l'expression «sérieuses raisons», lorsqu'il s'agit d'arraisonner un navire. Dans la mesure canadienne on utilise l'expression «motifs raisonnables». Par conséquent, le projet de loi C-27 n'est pas nécessairement conforme à l'APNU. D'autres pays pourraient-ils employer des expressions différentes? En pareil cas cela ne dénote-t-il pas une certaine incohérence dans la façon dont certains pays envisageront l'APNU et notre façon à nous de le concevoir. Respectons-nous le cadre des mesures de l'APNU?

M. Wiseman: Très certainement. Les expressions que nous employons sont à peu près les mêmes. Mme Bouffard a expliqué la semaine dernière que les mots que nous employons sont plus forts, ce sont des mots que comprennent nos tribunaux et qui cadrent avec la Charte des droits et des libertés du Canada.

Le véritable problème est l'effet de ces mots, c'est-à-dire les initiatives que nous prendrons. Si les initiatives que nous prenons sont jugées par une autre partie comme étant incompatibles avec le libellé de l'APNU, celle-ci pourra contester notre interprétation en actionnant les mécanismes de règlement des différends.

Si vous voulez avoir de plus amples explications, Mme Bouffard pourra vous les fournir.

Le président: Je voulais simplement m'assurer que les dispositions étaient respectées. Il peut y avoir une différence entre certains des règlements concernant le contact par exemple lorsque nous parlons de trois jours et les règlements d'autres pays. J'essaie simplement d'établir s'il y a une sorte de cohérence en l'occurrence.

M. Wiseman: Pour ce qui est des mots employés, ils ont essentiellement le même effet. Par contre l'effet est tout à fait différent lorsqu'il s'agit de trois ou dix jours. Le fait est que l'APNU réclame trois jours ouvrables. C'est cette durée qu'il faut mesurer. Par conséquent, si une autre partie déclare avoir le droit de rester pendant 10 jours, et qu'ils y soient restés pendant cinq jours, ils auraient agi de façon incompatible avec leurs obligations aux termes de l'APNU.

Le président: Qu'arrive-t-il maintenant au projet de loi C-29, qui était entré en vigueur en 1994? Est-ce qu'il va simplement expirer ou s'étioler?

M. Wiseman: Le projet de loi C-27 modifie la Loi actuelle sur la protection des pêches côtières. Les dispositions du projet de loi C-29 sont conformes à la Loi actuelle sur la protection des pêches côtières et ne sont pas du tout affectées par le projet de loi actuel.

Deuxièmement, le projet de loi C-29 a un effet significatif en ce sens que depuis sa proclamation en 1994, il est parvenu à empêcher tous les navires battant pavillon qui sont couverts par les règlements, ceux avec pavillon de complaisance et les bateaux sans nationalité, de pêcher au nez et à la queue du Grand Banc. Dès que ce projet de loi a été proclamé et qu'une notification a été adressée à ces navires, ils sont partis et ils ne sont jamais revenus. Ils savent que s'ils revenaient, ils s'exposeraient à des poursuites de la part du Canada.

Par conséquent, la mesure a parfaitement réussi à empêcher ces navires de pêcher au large du nez et de la queue du Grand Banc.

Le président: Malgré tout, si je me souviens le projet de loi C-29 a soulevé des préoccupations sérieuses, par exemple en Espagne, c'était comme agiter le chiffon rouge. Vous savez qu'historiquement dans ce pays ça peut causer des difficultés. Donc, le projet de loi existe toujours. Je ne veux pas du tout donner à entendre qu'il faudrait l'abolir, mais il a été considéré par certains pays comme incompatible avec l'ordre public international. S'agit-il de notre part d'une décision consciente ou cela va-t-il causer des problèmes de cet ordre?

M. Wiseman: Les opinions de l'Espagne sont compréhensibles, puisque nous avions modifié les règlements en vertu de ces dispositions pour y ajouter l'Espagne et le Portugal en 1995. Nous nous sommes servis de ces règlements pour saisir le Estai qui a provoqué la guerre du turbot. Il est compréhensible que les Espagnols n'en soient pas satisfaits parce qu'on a utilisé cette mesure législative contre l'un de leurs navires. La résolution de la crise du turbo en 1995 a énormément contribué à faire en sorte que ce genre de situation ne se reproduirait pas.

L'APNU a fait même plus en nous donnant les outils nécessaires.

Le sénateur Robichaud: Les modifications apportées à la Loi sur la protection des pêches côtières par le projet de loi C-29, pourraient toujours être utilisées dans les cas où des États qui n'étaient pas partie à un accord sur les pêches ou qui ne font pas partie d'une association régionale, passeraient par les mailles du filet. Nous pourrions utiliser ces dispositions pour les poursuivre.

M. Wiseman: En vertu de l'ancien projet de loi C-49, il y a une autorité réglementaire. Nous devrions citer les États, comme on le fait en vertu du projet de loi actuel, et les faire figurer sur une liste. Actuellement, six pays figurent sur cette liste. Si nous jugeons que c'est peine nécessaire, nous pourrions toujours ajouter d'autres pays. Pour le moment, il ne semble pas que l'on juge nécessaire de le faire.

Bien entendu, l'un de nos premiers objectifs, c'est de faire du lobbying auprès d'autres pays pour en arriver à obtenir davantage de ratifications de l'APNU, pour que cet accord devienne la norme internationale.

Le président: Mon recherchiste vient de me signaler que le Portugal et l'Espagne ne figurent pas sur la liste. Les règlements peuvent faire changer cela presque n'importe quand. Le drapeau rouge a été amené, et la corrida est terminée.

M. Wiseman: Le drapeau rouge a été amené en 1995, par suite de l'accord conlu à la fin de la crise du flétan.

Le sénateur Stewart: Je veux revenir sur le libellé, c'est-à-dire sur le terme «sérieuses» par opposition au terme «raisonnables». Si je comprends bien ce que nous avons entendu jusqu'ici, ces deux mots sont considérés comme pratiquement équivalents. Je ne connais pas la jurisprudence des pays qui utilisent le mot «sérieuses» dans leurs procédures judiciaires normales. Quand j'entends le mot «sérieuses» -- peut-être que cela a quelque chose à voir avec mes antécédents -- pour moi, il signifie une démonstration, ce qui en philosophie est ce qu'on fait en géométrie. Vous prouvez de façon concluante. C'est sérieux. Il n'y a pas de place pour le doute. C'est une démonstration. C'est une évidence.

Tandis que le mot «raisonnables» laisse la porte ouverte au doute; il s'agit du genre de preuve qu'une personne raisonnable considère comme suffisante pour une action future.

Le sénateur Mahovlich: C'est le compromis.

Le sénateur Stewart: Non. C'est comme se lancer dans une nouvelle production agricole, ou acheter des actions. Vous faites un pari très astucieux, mais vous ne pouvez pas démontrer que l'action va prendre de la valeur.

La jurisprudence d'autres pays signataires de cet accord est-elle ainsi faite qu'il est parfaitement évident que lorsqu'ils utilisent le mot «sérieuses», ils veulent dire ce que nous voulons dire par le mot «raisonnables»?

Mme Bouffard: Je ne crois pas que nous ayons évalué suffisamment les critères ou les normes de l'autre pays exigés pour exercer les pouvoirs de police. Ce que je peux dire, c'est que les tribunaux canadiens ont créé à la lumière de la Charte des droits et libertés une norme qui est très élevée. À moins de les prendre sur le fait, je ne crois pas qu'on puisse exiger une preuve au-delà de tout doute raisonnable -- ce qui est la norme requise au tribunal quand vous voulez prouver le bien-fondé de la cause -- démontrant que le délit a été commis. C'est une question de degré. Les tribunaux canadiens, comparativement à ceux d'autres pays dans le monde, ont exigé que la norme soit assez élevée.

Le sénateur Stewart: Envisageons l'avenir et demandons- nous: quand surviendra une première controverse au sujet du sens de «sérieuses» par rapport à celui de «raisonnables», où cette controverse aura-t-elle lieu et qui en déterminera l'issue?

Mme Bouffard: Probablement le mécanisme de règlement des différends que prévoit l'accord.

M. Wiseman: La toute première fois où cela pourrait survenir, ce serait dans le cas où nous prendrions une mesure qu'une autre partie trouverait injustifiée, ce qui l'inciterait à nous relancer. Nous aurions une discussion bilatérale sur l'interprétation des termes, pour voir si nous pourrions déterminer quelle mesure prendre en fonction de son interprétation et de la nôtre.

Après en être venus à une entente, nous pourrions agir, et tout serait réglé. Faute d'entente, il faudrait peut-être tenir d'autres discussions dans une organisation multilatérale ou faire appel à un mécanisme de règlement des différends. Cela fait toutefois partie d'un continuum servant à régler les différends ou à fixer l'interprétation, le cas échéant.

Le sénateur Stewart: Je présume que les États-Unis utilisent le terme «raisonnables», de même que le Royaume-Uni. Des problèmes pourraient surgir dans les pays hors du régime de common law.

Mme Bouffard: En effet.

Le sénateur Rochichaud: Pour faire suite à cette question, quelle version de l'APNU a la préséance, la version française ou la version anglaise, ou ont-elles la même autorité? Dans le texte anglais on dit: «following boarding and inspection when there are clear grounds», et dans la version française on dit: «il y a de sérieuses raisons de penser».

On parle de «sérieuses raisons». Cela ne veut pas dire «clear». Pourrions-nous invoquer le texte français plutôt que le texte anglais?

Mme Bouffard: Pour ce qui est de la loi, les deux versions ont évidemment le même poids. Aucune n'a préséance sur l'autre.

M. Strauss: Les six langues du libellé de l'accord international ont la même valeur.

Le sénateur Robichaud: L'article 20 dans la version anglaise de l'APNU dit: «where there are reasonable grounds for believing that a vessel». Il y a un manque d'uniformité dans l'APNU, parce qu'on utilise à la fois «reasonable grounds» et «clear grounds».

Le sénateur Stewart: En effet, mais il se peut fort bien qu'en pratique cela signifie la même chose, et je crois que c'est ce qu'on nous dit.

Mme Bouffard: En effet.

Le sénateur Perrault: «Sérieuses» n'est pas la même chose que «raisonnables».

Le sénateur Mahovlich: D'après le dictionnaire, le sens est différent.

Le sénateur Robichaud: C'est pourquoi les avocats font beaucoup d'argent.

Le sénateur Stewart: En ce bas monde, nous devons mettre certaines choses à l'épreuve, et dans ce cas-ci laissons le temps faire son oeuvre.

Le sénateur Perrault: C'est un acte de foi.

Le sénateur Stewart: J'ai une question à poser au sujet de la pêche au thon rouge que les Japonais pratiquent dans l'Atlantique Nord. Je vis à peu près à six milles de l'endroit où on a attrapé le plus gros des thons rouges. Je vous assure que cette pêche est tout un événement chez moi.

Nous avons toutefois un quota. J'ai oublié ce qu'il est, mais il n'est pas très élevé. Nos pêcheurs, quand ils entendent dire que les Japonais -- et il y a probablement ici de l'exagération -- ramassent les thons rouges à la drège, ils s'agitent passablement. Auriez-vous quelque chose à dire qui pourrait leur donner raison, ou encore les calmer?

M. Wiseman: Je pourrais peut-être mentionner quelques faits, puis ils pourront tirer leur propre conclusion.

Les Japonais n'utilisent pas de drèges, de filets dérivants, ni aucune technologie de ce genre dans l'Atlantique Nord-Ouest quand ils pêchent le thon. Ils utilisent des palangres, c'est-à-dire essentiellement le même genre d'engin que les bateaux de pêche canadiens.

Le sénateur Stewart: Quand vous parlez de «palangre», voulez-vous dire une ligne munie de plusieurs hameçons?

M. Wiseman: Oui. Le thon et l'espadon sont des espèces de poissons grands migrateurs. Selon le droit de la mer et la Convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, ces espèces sont exploitées dans leur aire de dispersion, c'est-à-dire à l'intérieur des zones de 200 milles des États côtiers et en haute mer. On les considère comme un tout, par exemple parce que l'aire de dispersion du thon rouge de l'Ouest s'étend du golfe du Mexique jusqu'au large des côtes de Terre-Neuve. Ils ont un cycle annuel. Ce que nous ne savons pas, c'est si quelques-uns traversent l'Atlantique et font partie du stock de thon rouge de l'est dans la partie est de l'Atlantique et dans la Méditerranée. Il y a aussi des stocks de thon rouge du sud dans l'Atlantique et dans le Pacifique.

Les États-Unis, le Japon et le Canada sont les grands pays pêcheurs de thon rouge dans l'Atlantique Ouest. Ils pêchent le thon rouge depuis toujours. Ils possèdent les plus grandes parts des quotas qui sont distribués par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. De petits quotas, quatre tonnes par pays, ont été donnés aux Bermudes et à Saint-Pierre.

Ces quotas peuvent être pêchés par les parties dans toute l'aire de dispersion du poisson. Si le stock traverse une zone de 200 milles, l'État côtier peut alors soit en autoriser, soit en interdire la pêche dans sa zone.

Nos relations avec le Japon durent depuis longtemps et sont positives. Ce pays est le plus grand marché du monde pour le thon, particulièrement le thon rouge. Il est aussi le deuxième marché pour nos produits de la pêche, sans compter qu'il est l'un de nos meilleurs alliés pour ce qui est de la conservation. Ainsi, il y a plusieurs années, il a renoncé à des hausses de quotas pour le thon au profit des Canadiens et des Américains, qui ont pu ainsi pêcher davantage de thon à un moment où les quotas étaient à la baisse. Il a aussi collaboré avec l'OPANO et d'autres forums internationaux en matière de conservation.

Pour différentes raisons, notamment nos relations historiques, nous avons toujours autorisé la flottille japonaise, qui peut suivre le thon le long de la côte est de l'Amérique du Nord, à envoyer un petit nombre de ses bateaux capturer, au maximum, 25 p. 100 de son quota au moment où il traverse les eaux canadiennes.

Cette pêche n'a vraiment pas lieu près de l'endroit où vous vivez, sénateur. Elle se déroule bien au-delà de 20 milles, et généralement plus près de la limite de 200 milles. Elle suit surtout les contours des Bancs. L'année dernière, je crois qu'un ou peut-être deux bateaux japonais sont venus dans notre zone. Depuis que nous avons établi notre zone de 200 milles, en 1977, nous avons toujours eu pour politique d'autoriser les bateaux japonais à venir dans notre zone.

Quand ils sont dans notre zone, ils doivent emmener avec eux un observateur canadien qu'ils paient. L'observateur canadien s'assure que les prises sont bien déclarées, que les pêcheurs ne prennent que ce qu'ils sont autorisés à pêcher, et que leurs méthodes de pêche respectent toutes les règles. S'ils utilisaient des engins illégaux ou entreprenaient ou dissimulaient une activité contraire aux règles de la CICTA ou aux règles de pêche canadiennes, on pourrait intenter des poursuites.

De fait, il y a environ deux ans, nous avons intenté des poursuites contre un bateau japonais qui prélevait les ailerons des requins qu'il attrapait comme prises accessoires. La loi canadienne interdit de prélever les ailerons de requin et de se débarrasser ensuite du corps. Il faut conserver l'animal en entier. Les pêcheurs ont été poursuivis, traduits devant un tribunal et ont dû payer une amende. Leurs activités sont limitées. Leurs méthodes de pêche sont conformes aux règles canadiennes et respectent les quotas internationaux, et ne gênent absolument pas les pêcheurs canadiens. Même si les Japonais n'étaient pas autorisés à pêcher dans notre zone, les pêcheurs canadiens n'auraient pas un seul poisson de plus, ou un quota accru. Les pêcheurs japonais respectent leur quota.

Le sénateur Stewart: Les pêcheurs japonais sont-ils les seuls qui sont autorisés à pêcher dans notre zone?

M. Wiseman: À l'heure actuelle, oui. Il y a de nombreuses années, nous autorisions quelques autres pays à pêcher le requin dans nos eaux, mais nous avons mis fin à cela. Les requins sont victimes d'une surpêche. Aucun pêcheur étranger n'est autorisé à pêcher le requin dans nos eaux.

Le sénateur Perrault: Je suis généralement très satisfait du projet de loi dont nous sommes saisis. C'est une mesure que nous aurions probablement dû prendre il y a des années. Je suis très satisfait des témoignages que j'ai entendus.

Le président: Ma question concerne l'article 4, qui modifie le paragraphe 7.01(2) de la loi. Cet article dit:

Subsection (1) does not affect any powers the protection officer may have in the case of

Le texte s'arrête ici. Toutefois, la version française dit ce qui suit:

[Français]

Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du garde-pêche en cas de poursuite d'un bateau entamée dans les eaux de pêche canadiennes.

[Traduction]

Dans le texte français, la phrase est complète, tandis que ce n'est pas le cas dans la version anglaise.

Mme Bouffard: Ce problème est dû à la réimpression de la version de la Chambre des communes. La version anglaise originale déposée à la Chambre des communes comprenait les mots: «... in the case of hot pursuit». Nous nous sommes demandé si c'est bien une erreur typographique.

Mme Barbara Reynolds, greffière du comité: Je viens tout juste de demander conseil à Heather Lank là-dessus. Elle m'a demandé de revérifier auprès du légiste pour voir s'il s'agit d'une erreur d'impression, ou si le comité a apporté un amendement, ou encore si un amendement a été apporté à la troisième lecture. La version anglaise officielle que nous avons, qui est signée par Richard Greene, et qui dit: «As passed by the House of Commons», s'arrête après les mots: «... in the case of». C'est tout.

Le sénateur Stewart: Il s'agit d'un projet de loi qui modifie, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

Le sénateur Stewart: On pourrait soutenir que le reste de la phrase se trouve dans la loi.

Mme Bouffard: Cela ne fait pas partie de la loi originale.

Le sénateur Stewart: Alors nous avons vraiment un problème.

Mme Bouffard: Je soupçonne que le problème est dû à la réimpression du projet de loi, parce que ces mots se trouvaient dans la version originale déposée à la Chambre des communes. Je ne suis pas certaine pour ce qui est de la procédure ici.

M. Wiseman: Ces mots figurent dans la version française.

Le président: Pour une raison ou pour une autre, les exemplaires que nous avons ici, signés par Richard Greene, indiquent bien qu'il a reçu tel quel le projet de loi de la Chambre des communes. Je fais référence au document que nous avons ici, et que j'allais signer aujourd'hui en prévision de notre rapport au Sénat.

Mme Bouffard: Il doit y avoir une procédure pour les modifications de forme.

Le président: Je propose que nous invitions notre légiste à venir nous dire ce que nous devrions faire. Nous devrons peut-être proposer un amendement à l'étape du rapport ou à la troisième lecture. Je ne sais pas si le projet de loi doit être retourné à la Chambre des communes. Si nous l'adoptions tel quel, au Sénat, alors nous nous trouverions en effet à l'amender; et il faudrait le retourner à la Chambre.

Mme Reynolds: Je vais convoquer le légiste. Je crois que la question à poser, c'est: s'agit-il d'une modification de forme? Le légiste s'occupe habituellement des accents qui manquent, des coquilles. Dans ce cas-ci, il manque quelques mots, et il s'agit de juger si une correction serait considérée comme une modification de forme ou comme un amendement. Avec votre consentement, je vais le faire venir.

Mme Bouffard: Cela vous serait-il utile si je vous donnais lecture de ces mots?

Le président: Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Stewart: Notre procès-verbal serait peut-être plus facile à comprendre.

Mme Bouffard: Ce que j'ai ici, c'est une copie de la motion que le gouvernement a déposée en comité, et qui s'arrête aux mots: «in the case of», mais qui était censée modifier la disposition du projet de loi déposé à la première lecture qui se lit: «... that began while the vessel was in Canadian fisheries waters».

Le président: Cela me paraît important. Ce texte correspond à la version française. Pour une fois, donnons préséance au texte français.

Le sénateur Robichaud: Je ne m'en étais pas rendu compte parce que je lisais la version française. Qu'allons-nous faire?

Le président: Nous avons convoqué notre légiste. Quelqu'un essaie de le rejoindre actuellement. Nous avons deux options. La première, ce serait que le légiste paraphe les amendements. Il devrait cependant expliquer ce que signifie ce processus. La deuxième option, ce serait de rédiger un amendement, ce qui signifierait que le projet de loi devrait retourner à la Chambre des communes. Mais quelle que soit l'option que nous allons choisir, nous ne devrions pas le faire sans l'avis de notre légiste.

Je viens tout juste de parler à Deborah Palumbo, qui n'a pas le pouvoir de parapher les amendements. C'est à nous de le faire, mais je crois que nous devrions nous en abstenir, si vous êtes d'accord.

Le sénateur Stewart: Est-ce la seule erreur?

Le président: Non, de fait nous venons de trouver une autre erreur, à l'article 8, qui modifie le paragraphe 16.2(3). Dans la version anglaise, ce paragraphe compte deux alinéas, a) et b), qui ne figurent pas dans la version française.

Le sénateur Robichaud: La version française du paragraphe (3) englobe ce qui figure dans les alinéas a) et b) de la version anglaise.

Le président: Vraiment?

[Français]

Le sénateur Robichaud: On peut lire:

Il est réputé avoir obtenu l'autorisation si l'État du pavillon ne répond pas [...]

Cela, c'est la partie A. Ensuite:

[...] y répond mais n'enquête pas à fond [...]

Mme Bouffard: Sénateur Robichaud, la version française reflète la version anglaise.

Le président: Il manque les parties A et B?

Mme Bouffard: Non.

Le président: C'est reflété dans le texte?

Mme Bouffard: Oui, c'est cela. C'est une question de style.

[Traduction]

Le président: Pourquoi la version anglaise comprendrait-elle des alinéas a) et b), mais non pas la version française?

Je vais suspendre la séance jusqu'à l'arrivée du légiste.

La séance est suspendue.

La séance reprend à 10 h 15.

Le président: Honorables sénateurs, nous avons convoqué notre légiste, si vous vous souvenez bien, il y a environ 20 minutes, mais il semble qu'il est trop occupé pour pouvoir venir tout de suite. Il s'occupe actuellement d'une affaire plus importante dont est saisi le comité de la régie interne. Je suis tenté de me demander ce qui est si important pour que ce projet de loi-ci soit mis en suspens.

Nous avons pu trouver une salle de réunion libre dans l'édifice du Centre, la salle 160-S, où nous allons reprendre notre séance et voir si nous pouvons y faire venir notre légiste.

J'ai signalé l'importance de ce dont nous sommes saisis aujourd'hui, et le légiste en est conscient.

Honorables sénateurs, la séance est suspendue et reprendra dans la salle 160-S à 10 h 45.

La séance est suspendue.

La séance reprend à 10 h 45.

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons notre légiste, M. Mark Audcent. Il va nous expliquer ce qu'il est possible de faire au sujet du paragraphe 7.01(2) des amendements.

M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, Sénat du Canada: Honorables sénateurs, peut-être pourrais-je commencer par vous expliquer comment je comprends les faits, pour m'assurer qu'il n'y ait aucun malentendu à ce sujet.

Il semble qu'il y a eu un amendement à la Chambre des communes. Cet amendement figure bel et bien dans la version française et reflète la décision de la Chambre des communes modifiée et envoyée au Sénat.

Il semble que la version anglaise de la motion adoptée à la Chambre des communes est inexacte parce qu'ont été supprimées deux lignes qui étaient dans le projet de loi déposé à la Chambre des communes et que la Chambre n'a pas ordonné de supprimer. À la suite d'une erreur mécanique ou technique, elles ont été supprimées en violation de l'ordre de la Chambre des communes.

Est-ce ainsi que tous vous comprenez les faits?

Le président: Oui.

M. Audcent: Il y a deux façons de corriger le projet de loi.

La première, c'est de corriger le projet de loi par un amendement. Si vous voulez procéder ainsi, vous pouvez corriger une petite chose, ou vous pouvez apporter d'importants changements.

La deuxième façon, c'est de corriger le projet de loi en faisant appel à vos hauts fonctionnaires. Toutefois, il s'agit ici de «corriger une erreur dans le texte original», et il est évidemment très difficile de faire ce genre de corrections. Par conséquent, je dois décider si cette option s'offre à vous.

Une erreur dans le texte original ne peut pas être corrigée s'il y a la moindre possibilité d'aller contre la volonté du Parlement. Dans ce cas-ci, la volonté de la Chambre des communes a été d'adopter l'amendement; par conséquent, sa volonté est bien connue et publique.

Pour ce qui est de la volonté du Sénat, il semble qu'il n'avait pas le choix. Il y a une phrase incomplète dans la version anglaise, et pourtant dans la version française la volonté du Sénat est correctement exprimée sur papier. J'aurais cru que cela se résumait à une erreur technique, mais si selon votre volonté et votre jugement nous devrions procéder ainsi, nous pouvons le faire.

Quand un projet de loi a été examiné par les deux Chambres du Parlement, les corrections d'erreurs dans le texte original doivent être approuvées par les hauts fonctionnaires de chaque Chambre. En tant que haut fonctionnaire du Sénat, il me semble que, compte tenu des faits, on pourrait corriger cette erreur en assurant tout simplement la concordance de la version anglaise et de la version française. Toutefois, nous devons aussi nous assurer que le conseiller législatif de la Chambre des communes est d'avis que cette erreur pourrait faire l'objet d'une correction officielle. Je crois qu'il serait d'accord, mais il me faudrait encore cinq ou dix minutes pour pouvoir le rejoindre et obtenir sa permission.

Le président: Je vous en prie, faites donc.

Le sénateur Robichaud: Je suis d'avis qu'on peut la corriger de cette façon. Nous avons un projet de loi qui reflète, du moins dans sa version française, la volonté de la Chambre des communes et ce que nous voulons faire ici. Je crois que nous devrions procéder de la façon que vous venez de nous suggérer.

Le président: Les membres du comité sont-ils d'accord pour dire que cela refléterait la volonté de la Chambre des communes et celle du Sénat?

Le sénateur Stewart: J'ai une question à poser au sujet de la procédure selon laquelle nous avons été saisis de ce projet de loi, procédure que M. Audcent nous a expliquée.

Le projet de loi dont nous avons été saisis aurait été signé, je crois, par le greffier de la Chambre des communes. Êtes-vous en train de nous dire qu'il a signé un projet de loi incomplet?

M. Audcent: Oui. Il arrive de temps en temps que nous ayons des projets de loi incomplets, et la meilleure voie à suivre pour les hauts fonctionnaires, c'est de ne jamais faire de correction de forme si cela peut modifier le sens. Si le sens peut être modifié, alors on ne peut pas et on ne devrait pas faire de correction de forme.

Le sénateur Stewart: Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez parlé de la volonté du Sénat. Vouliez-vous dire la volonté de la Chambre des communes?

M. Audcent: Non, sénateur, je voulais dire la volonté du Sénat.

Le président: À la deuxième lecture.

M. Audcent: Oui. Le projet de loi vous a été renvoyé. La version française est complète et a du sens.

Le sénateur Stewart: Nous savons que la deuxième lecture concerne généralement le principe du projet de loi. Pouvons-nous dire que cet article, dans son libellé actuel, exprime la volonté arrêtée du Sénat? J'en doute, du moins pour ce qui est de la version anglaise. C'est un point mineur.

M. Audcent: Je crois qu'il s'agit ici d'un principe fondamental, sénateur, c'est-à-dire jusqu'où peut aller une correction faite par le personnel, ou une correction de forme, ou encore une correction d'une erreur dans le texte original. Il faut suivre la bonne voie. Nous ne vivons pas dans un monde parfait, et les projets de loi ne sont pas toujours parfaits. Si nous insistons pour tout faire au moyen de motions, il y aura des projets de loi qui nous feront regretter cette décision. Je crois personnellement que la bonne voie à suivre est la suivante: y a-t-il la moindre possibilité que nous modifiions le sens aux yeux d'un intéressé?

Ce qui me réconforte, c'est que vous avez la version française. Je pense à l'autre Chambre seulement en tant qu'elle accepterait de signer la correction, ou que son haut fonctionnaire accepterait de la signer. Elle a déjà eu le bon libellé. Elle est dans une position avantageuse, c'est-à-dire qu'elle a un ordre de la Chambre dont le libellé était déjà dans son projet de loi. C'est plus difficile pour le Sénat parce que nous n'avons jamais vu le texte anglais original. Par contre, nous avons le texte français. Je crois que je peux faire la correction en tant que haut fonctionnaire, si telle est votre volonté.

Le sénateur Stewart: Quelle est la tradition quand on fait une correction de ce genre? Serions-nous tenus de faire rapport de la situation au Sénat?

M. Audcent: Vous n'êtes pas tenus de le faire selon la tradition, mais vous pourriez le faire si vous le vouliez.

Le sénateur Stewart: À quel stade du processus la compétence des légistes pour faire des changements de ce genre s'arrête-t-elle?

M. Audcent: À la sanction royale, sénateur. Quand une erreur est découverte, des corrections seront apportées aux projets de loi qui ont été examinés par les deux Chambres. La correction, encore une fois, ne peut modifier le sens en aucune façon.

Le sénateur Stewart: Si une erreur était découverte après la troisième lecture dans les deux Chambres, où cela figurerait-il?

M. Audcent: Il existe un document qui s'appelle «le parchemin», qui est le projet de loi original. Il serait publié en tant que texte adopté et donné au ministère de la Justice pour qu'il le reproduise.

Le sénateur Meighen: Je veux bien que la Chambre des communes et le Sénat doivent signer, mais est-il bien nécessaire que le haut fonctionnaire de la Chambre des communes signe avant que nous fassions la correction? Autrement dit, pourquoi ne pas la faire dès maintenant, puis demander à M. Audcent de la remettre au haut fonctionnaire de la Chambre des communes? S'il ne signe pas, nous ne nous en porterons pas plus mal; s'il le fait, le travail sera terminé.

Le président: J'aimerais pouvoir éviter ce genre d'ambiguïté, si possible, parce que le projet de loi se trouverait ainsi relégué à une place indéterminée au Feuilleton. J'aimerais régler la question ce matin.

Le sénateur Robichaud: Nous avons reçu un exemplaire imparfait du greffier de la Chambre des communes qui n'exprimait pas la volonté de cette Chambre. Nous voulons que le greffier corrige le texte pour indiquer vraiment ce qui s'est produit et pour qu'il corresponde aux motions adoptées au comité et à ce qui avait été accepté en troisième lecture, ce que cet exemplaire ne fait pas.

Le président: Je veux m'assurer que nous avons réglé cette question comme il faut. Nous ne voulons pas procéder par la voie des amendements ce qui prolongerait l'affaire pendant plusieurs semaines. Nous voulons procéder à une correction rédactionnelle du projet de loi. Dans ces circonstances, je prie alors notre légiste de se mettre en rapport avec le légiste de la Chambre des communes pour voir si l'on peut obtenir les signatures nécessaires afin que ce texte exprime la volonté de la Chambre des communes et du Sénat. En présence de cette situation, nous allons interrompre la séance jusqu'à ce que M. Audcent ait pu se mettre en contact avec son homologue.

M. Audcent: Honorables sénateurs, je vous ferai connaître le résultat dans 10 minutes. Si j'ai pu le contacter, j'aurai une réponse à vous soumettre.

Le comité suspend ses travaux.

La séance reprend à 11 h 15 du matin.

Le président: Honorables sénateurs, M. Audcent est de retour et je suppose qu'il a une réponse à nous donner.

M. Audcent: Honorables sénateurs, j'ai réussi à parler au conseiller législatif en chef de la Chambre des communes qui est responsable des corrections à apporter au projet de loi. Lui et ses collaborateurs ont examiné l'erreur qu'ils ont qualifié d'erreur d'impression et ils m'ont informé qu'ils seraient prêts à apporter une correction au texte initial du projet de loi. Si le Sénat le fait, ils feront de même.

Le président: En théorie, monsieur Audcent, allez-vous signer le document ce matin ou cela se fera-t-il plus tard?

M. Audcent: Nous allons obtenir un exemplaire du texte initial du projet de loi et y insérer la correction que je parapherai. Je l'enverrai alors à la Chambre des communes où la correction sera aussi paraphée, ce qui doit se faire avant la sanction royale. Le projet de loi doit être présenté pour la sanction royale avec les corrections apportées au texte initial.

Le président: Je veux m'assurer de bien comprendre. Le projet de loi que je vais déposer cet après-midi au Sénat ne portera pas le paraphe du légiste.

M. Audcent: Vous allez faire rapport du projet de loi sans amendement.

Si ce projet de loi était modifié, je ne pourrais pas le faire parce que je ne suis qu'un agent. Vous seul pouvez modifier le bill. Le fait que l'on apporte une correction au texte initial ne signifie pas que l'on modifie le projet de loi. Par conséquent, je ne pense pas que vous vous heurtiez à un problème de chronologie.

Le sénateur Stewart: Arrive-t-il souvent que les hauts fonctionnaires des deux Chambres apportent des modifications au texte initial d'un projet de loi avant qu'il n'ait franchi l'étape de la troisième lecture? Mon hypothèse, non fondée, me porte à croire que cela se passerait normalement après la troisième lecture. Cependant, nous avons décelé une erreur et nous faisons rapport d'un projet de loi défectueux. En dépit de ce que notre président déclarera peut-être au Sénat, le public conclura que nous n'avons pas décelé cette erreur évidente.

M. Audcent: En réponse à votre première question, je suis gêné d'avouer que c'est la deuxième fois récemment que j'ai dû comparaître devant un comité à propos d'une erreur rédactionnelle. Même s'il s'agit d'un événement relativement rare, deux cas viennent de se produire coup sur coup. Ce problème est plus fréquent une fois que les deux Chambres ont fait franchir l'étape de la troisième lecture à un projet de loi avant qu'il ne reçoive la sanction royale. C'est à ce moment-là que nous nous apercevrions de ces erreurs. Souvent, ce sont les fonctionnaires du ministère de la Justice qui nous les signalent et nous devons alors décider si l'erreur nuit au sens du projet de loi.

Le sénateur Stewart: Supposez que l'on pose une question au président à propos du paragraphe 7.01(2) des amendements. La phrase n'est pas complète et pourtant nous faisons rapport du projet de loi. En réalité nous prions le Sénat de donner la troisième lecture à un projet de loi qui est incomplet. Que répond le président du comité en pareil cas?

M. Audcent: Peut-être voudrez-vous inclure dans votre rapport une mention indiquant que j'ai consenti à ce que le texte initial du projet de loi soit modifié par l'ajout des mots suivants... Le président voudra peut-être le signaler dans son discours lorsqu'il fera rapport du projet de loi afin qu'il en soit mention officiellement.

Le sénateur Robichaud: On trouve des phrases incomplètes tout au long du projet de loi.

Le sénateur Stewart: Je le sais. C'est ainsi que j'ai essayé au début de m'expliquer la chose.

Le président: À l'étape du rapport, selon la procédure, le président fait simplement rapport du projet de loi sans amendement. Si le président mentionne qu'un article du projet de loi est remanié, à défaut d'un meilleur mot, cela modifie les règles régissant la façon dont nous faisons rapport.

M. Audcent: Je crois que vous pouvez procéder de l'une ou l'autre façon, sénateur. C'est à vous qu'il incombe de décider comment vous voulez informer le Sénat de cette correction, soit que vous le faisiez dans votre rapport ou que vous le mentionniez dans votre discours. Libre à vous.

Le président: Je préférerais que cela figure au compte rendu au lieu de devoir le faire à l'étape de la troisième lecture. Après avoir soumis le rapport sans amendement, j'aimerais inclure une note disant qu'il y a un léger changement.

Le sénateur Stewart: Peut-être pourrions-nous faire rapport du projet de loi sans amendement mais avec une observation. On pourrait rédiger une observation appropriée. Nous n'avons pas à nous considérer comme des rédacteurs. Vous, le parrain du projet de loi et un membre de l'opposition pourraient rédiger cette observation. Cela devrait faire l'affaire.

Le président: Il faudrait le faire immédiatement, aussitôt la séance levée, parce qu'on doit faire rapport du projet de loi cet après-midi.

Le sénateur Robichaud: J'y consens mais nous faisons rapport d'un projet de loi sans amendement.

Le président: Nous faisons rapport d'un projet de loi non modifié, mais qui renferme des lacunes et est mal rédigé.

Le sénateur Robichaud: Ce n'est pas le projet de loi en soi qui a des lacunes. L'exemplaire que nous avons ne correspond pas au projet de loi qui a été adopté par la Chambre des communes. C'est une simple erreur d'impression.

Le sénateur Stewart: Sous sa forme actuelle, le projet de loi est mal rédigé et c'est là le problème. Cependant, il serait très facile de rédiger quelques phrases d'explication.

Le président: C'est une affaire bénigne mais il faut la régler comme il faut. Si je fais rapport du projet de loi sans amendement, je préférerais signaler la correction avant qu'un autre sénateur ne soulève le problème.

Le sénateur Perrault: C'est une erreur typographique.

Le président: Je préfère que le Sénat sache que nous savons que le projet de loi renferme une petite lacune mais qui est en voie d'être corrigée.

Le sénateur Robichaud: Vous devez surveiller vos paroles.

Le président: Si vous êtes d'accord, sénateur Robichaud, nous nous rencontrerons après la réunion.

Le sénateur Cook: Il s'agit d'une erreur rédactionnelle plutôt que d'un changement.

Le président: C'est une erreur d'impression ou rédactionnelle.

Nous allons nous entendre sur un libellé pour rédiger l'observation.

J'accepterai une motion consentant à cette façon de procéder, c'est-à-dire apposer la signature sur le texte initial du projet de loi.

Le sénateur Perrault: J'en fais la proposition.

Le sénateur Meighen: J'appuie la motion.

Le président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accepter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Y a-t-il des questions à propos des articles du projet de loi?

Le sénateur Stewart: Je propose que tous les articles du projet de loi soient réservés.

Le sénateur Meighen: J'appuie la motion.

Le président: Vous plaît-il honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat avec une observation?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Je tiens à remercier nos témoins de la patience dont ils ont fait preuve ce matin et tout au long de l'étude ce projet de loi. Il a peut-être semblé parfois que nous cherchions la petite bête, mais c'était toujours avec les meilleures intentions.

La séance est levée.(null)


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