Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 19 février 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour étudier le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel, qui lui a été renvoyé pour étude.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nos témoins aujourd'hui sont les représentants de l'Union Douanes Accise.
Veuillez commencer, je vous prie.
Mme Karen Dwyer, présidente nationale intérimaire, Union Douanes Accise: Bonjour, sénateurs. J'emploierai l'abréviation CEUDA tout au long de ma présentation pour désigner l'Union Douanes Accise.
Le CEUDA représente quelque 10 000 employés de Revenu Canada, dont 2 500 sont des inspecteurs des douanes en uniforme qui seront touchés par le projet de loi C-18 puisque ce dernier les autorise à procéder à une mise en détention et à une arrestation.
Je tiens à exprimer ma gratitude aux membres du comité sénatorial pour avoir accepté d'entendre le témoignage du CEUDA. Nous sommes heureux d'être ici et nous espérons que vous trouverez notre témoignage instructif et utile.
Avant tout, le CEUDA appuie ce projet de loi. En fait, il y a plus de dix ans que le CEUDA et ses membres réclament cette mesure législative. Il y a longtemps qu'on aurait dû prendre des mesures pour combler le vide entre le moment où les inspecteurs des douanes découvrent une infraction et celui où la police peut intervenir. Pour paraphraser un porte-parole de Mothers Against Drunk Drivers, il est aberrant que des conducteurs en état d'ébriété puissent traverser des points frontaliers sans être mis en détention ou arrêtés par les inspecteurs des douanes. Il y a des décennies que le Parlement aurait dû autoriser les inspecteurs à mettre en détention et en état d'arrestation les conducteurs en état d'ébriété, les kidnappeurs d'enfants, les personnes en possession de biens volés, et les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrestation qui essaient de traverser notre frontière.
L'une de nos principales préoccupations à l'égard du projet de loi C-18, c'est le fait que, essentiellement, les inspecteurs des douanes vont devoir demain mettre sous garde et en état d'arrestation des personnes qui commettent une infraction au Code criminel, alors qu'ils ne sont pas préparés. Il leur faut donc une formation intensive dès maintenant.
Tous les inspecteurs des douanes doivent être sensibilisés à ce qui constitue un motif raisonnable aux termes de la Charte des droits et libertés. Tous les inspecteurs des douanes doivent apprendre comment se protéger et comment recourir à la force pour faire appliquer la loi. Ils ont besoin d'être initiés aux dispositions du Code criminel qu'ils seront chargés de faire appliquer. Ils ont besoin d'être sensibilisés à la responsabilité qui sera celle des inspecteurs des douanes une fois cette mesure législative adoptée. Ils ont besoin d'apprendre comment faire subir un alcootest à un automobiliste.
Les inspecteurs des douanes n'ont pas seulement besoin d'une formation. Il faut aussi leur donner les outils et l'équipement nécessaires pour faire leur travail, et ce dès aujourd'hui. Les inspecteurs des douanes auront besoin de gilets pare-balles. Les gilets pare-balles devront faire partie de l'uniforme d'inspecteur des douanes. Revenu Canada doit faire en sorte que les inspecteurs des douanes ne soient plus obligés de demander qu'on leur en fournisse.
En outre, tous les inspecteurs des douanes doivent avoir des matraques et du gaz poivré en aérosol, et ce dès maintenant.
Il y a des années que les membres du comité syndical-pratronal pour la santé et la sécurité parlent de ces problèmes avec les fonctionnaires de Revenu Canada. Nous espérons que le ministère se rend compte de l'urgence d'autant plus grande de régler ces problèmes compte tenu de ce projet de loi.
La question de savoir si les inspecteurs des douanes devraient ou non être armés semble avoir provoqué une controverse. Contrairement à ce qui a été dit à la Chambre des communes, notre gouvernement n'a pas étudié cette question récemment. La dernière étude remonte au début des années 80. Les raisons de ne pas armer les inspecteurs des douanes invoquées par le gouvernement sont assez peu convaincantes. C'est pourquoi nous demandons à ce comité d'insister auprès du gouvernement afin qu'il crée un groupe de travail pour étudier la question d'armer les inspecteurs des douanes.
Les temps ont changé depuis la dernière étude, et les inspecteurs des douanes auront affaire à une nouvelle clientèle une fois cette mesure législative adoptée. Étant donné que le gouvernement a l'intention de demander aux inspecteurs des douanes de mettre en détention et en état d'arrestation les personnes soupçonnées d'avoir enfreint le Code criminel, il ferait mieux de leur assurer une formation appropriée et de leur donner les outils nécessaires. Nous devons veiller à la protection et à la sécurité des inspecteurs des douanes et du public.
Par ailleurs, il est assez ironique que ce gouvernement présente cette mesure législative alors qu'il est en train de pousser différents modes de prestation des services. Dans beaucoup d'endroits au Canada où les bureaux de douane sont automatisés, les inspecteurs des douanes seront bientôt remplacés par des caméras dans le cadre du programme dit des différents modes de prestation des services. Ce programme va à l'encontre du rôle que l'on attend des inspecteurs des douanes une fois cette mesure législative adoptée.
Avant de terminer, je voudrais demander au comité d'annexer ce mémoire au procès-verbal de cette réunion.
La présidente: Le comité n'a pas pour coutume d'annexer des mémoires aux procès-verbaux des réunions car cela fait trop de papier. Toutefois, nous pouvons le présenter comme pièce à l'appui.
Mme Dwyer: Nous vous en serions reconnaissants.
La présidente: Nous le ferons.
Le sénateur Gigantès: On nous a dit que vous alliez recevoir une formation. Nous avons posé certaines questions et la direction nous a donné l'impression hier que vous alliez recevoir une formation complète et adéquate. Dois-je comprendre, d'après ce que vous nous dites aujourd'hui, que vous n'êtes pas d'accord avec la direction sur ce qui constitue une formation adéquate?
Mme Dwyer: Le ministère a, à l'heure qu'il est, une stratégie de mise en oeuvre. Une formation sera donnée environ toutes les deux semaines. Nous voulons nous assurer qu'elle aura lieu et que tous les inspecteurs des douanes l'auront reçue avant la mise en oeuvre de cette mesure législative. Nous craignons qu'il n'y ait certains retards et que la formation n'ait pas commencé avant la mise en oeuvre de cette mesure législative.
Le sénateur Gigantès: Le projet de loi parle d'agents des douanes désignés. Y a-t-il des inspecteurs des douanes qui ne le seront pas et qui pourraient se trouver dans la ligne de tir, pour ainsi dire? Est-ce une des choses qui vous préoccupent?
Mme Dwyer: La position de l'Union est que tous les inspecteurs des douanes nommés pour une période indéterminée doivent être désignés. Nous demandons qu'ils le soient parce que nous pensons que si certains inspecteurs ne le sont pas, cela pourrait entraîner des risques pour la santé et la sécurité tant des agents non désignés que des agents désignés.
Le sénateur Lewis: Qu'entendez-vous par «période indéterminée»?
Mme Dwyer: Période indéterminée s'applique aux agents faisant partie du personnel permanent qui sont employés à temps plein ou à temps partiel, par opposition aux employés engagés pour une période déterminée ou aux étudiants.
Le sénateur Gigantès: Ils ne sont pas engagés pour une période déterminée?
Mme Dwyer: Ils ne sont pas engagés pour, disons, une période de six mois. Ils peuvent être engagés à temps plein ou à temps partiel.
Le sénateur Gigantès: Vous avez parlé des outils appropriés. À part les gilets pare-balles, quels sont les autres outils appropriés? J'en viendrai aux armes après.
Mme Dwyer: Aux réunions du comité pour la sécurité nationale et la santé, nous avons discuté de la nécessité pour le ministère de se pencher sur la question de la fourniture de matraques et de gaz poivré en aérosol aux inspecteurs des douanes. Le gaz poivré en aérosol et les matraques peuvent servir à l'attaque et à la défense. Il y a environ cinq ans que l'on mène un dialogue avec le ministère à ce sujet. Nous voulons nous assurer qu'une fois que les inspecteurs auront ces pouvoirs, ils auront les outils appropriés pour en user.
Le sénateur Gigantès: Et l'alcootest? On nous a parlé d'une boîte rouge, verte et blanche, ou une chose du genre. De quoi s'agit-il?
M. Fred Easton, président, succursale du district d'Ottawa: Il s'agit du test A.L.E.R.T. utilisé par la Police provinciale de l'Ontario pour détecter la présence d'alcool dans le sang. Il permet de savoir si la personne en question a consommé une quantité d'alcool supérieure à la quantité permise et, le cas échéant, de l'empêcher de reprendre le volant.
Le sénateur Gigantès: N'est-ce pas un ivressomètre?
M. Easton: L'ivressomètre vient après. La police se sert parfois du test A.L.E.R.T. La personne qui, soufflant dans l'appareil, dépasse la cote d'alerte, est arrêtée et la police lui fait subir le test d'alcoolémie à l'aide d'un ivressomètre.
Le sénateur Gigantès: Voulez-vous dire qu'on demande à la personne de marcher pour voir si elle titube?
M. Easton: Non. C'est une machine qui, lorsque l'on souffle dedans, permet de mesurer le taux d'alcool présent dans les alvéoles pulmonaires par rapport à une certaine échelle. Quand le taux d'alcool présent dans les alvéoles, soit le pourcentage précis de la quantité d'alcool présente dans le système, atteint 100 p. 100 milligrammes, ou un pourcentage situé entre, disons, 50 et 100, la personne se voit confisquer son permis de conduire pour une journée -- une suspension de 24 heures. Au-delà de ce niveau, on lui fait subir un test à l'aide d'un ivressomètre.
Le sénateur Gigantès: J'ai une question au sujet des armes. J'ai fait plusieurs guerres, et je n'ai pas peur des armes. Toutefois, je n'aime pas l'idée d'armer plus de fonctionnaires. Cette idée ne me plaît pas. Peut-être cela me vient-il de mon père -- un militaire plusieurs fois décoré -- qui n'a jamais eu une arme à la maison. Je me souviens que, lorsque j'étais enfant, je lui demandais pourquoi. Il me répondit: «Il n'y a rien ici qui vaille la peine de tuer un voleur.»
Qu'est-ce que ça fait si un trafiquant passe et que vous ne le tuez pas?
M. Easton: Les armes vont avec les nouveaux pouvoirs. À l'heure qu'il est, nous pouvons laisser faire. Nous pouvons laisser la personne poursuivre son chemin. Nous ne devons pas nécessairement lui passer les menottes. C'est la façon dont le ministère fonctionne actuellement. Nous pouvons laisser faire en invoquant les raisons de santé et de sécurité si la situation devient trop dangereuse.
Avec les nouveaux pouvoirs qui nous sont attribués, nous devrons procéder à une arrestation. Aux termes de la Loi sur la police, dont nous relevons essentiellement, nous sommes tenus d'aller jusqu'au bout. Si nous entamons une procédure d'arrestation, nous devons aller jusqu'au bout. À l'heure qu'il est, nous pouvons laisser la personne poursuivre son chemin. Toutefois, nous serons confrontés à des personnes armées. J'ai participé, avec les services d'immigration, à plusieurs arrestations. J'ai témoigné devant les tribunaux contre des conducteurs en état d'ébriété mais seulement dans le cadre de la Loi sur les douanes, pour aider la Police provinciale de l'Ontario. En tant qu'agents de la paix, l'arme nous sert strictement à nous défendre, pas à attaquer. Elle sert à la protection de l'agent et du public.
L'utilisation d'une arme serait permise exactement dans les mêmes circonstances qu'elle l'est pour la police. Une fois que l'on sort son arme, on est responsable.
Le sénateur Gigantès: Je me souviens de deux cas qui se sont produits en Ontario. Dans le premier cas, une patrouille de police avait demandé à un homme qui se promenait au milieu de la nuit, de s'arrêter. L'homme ayant mis la main dans sa poche, la police le tua d'un coup de feu. Dans sa main, ils ont trouvé une carte sur laquelle il était écrit «Je suis sourd-muet.» Cela n'a pas cessé de me hanter. Des années plus tard, un enfant avait volé un bonbon à Yorkville, à Toronto. Un policier lui demanda de s'arrêter. L'enfant ne le fit pas et le policier tua d'un coup de feu cet enfant de douze ans.
Quand je vois ce genre de choses, je suis allergique à l'idée d'armer plus de policiers.
M. Wayne Mercer, vice-président national, Atlantique et Québec, Union Douanes Accise: Sénateur, nous partageons vos préoccupations. Quand nous parlons d'armer des agents, nous parlons de le faire dans certains endroits si nécessaire. À l'aéroport international de Toronto, à l'aéroport international d'Halifax ou à l'aéroport international de Vancouver, un agent n'aura probablement pas besoin d'une arme car les gens auront déjà été inspectés avant l'embarquement et à leur arrivée au port d'entrée au Canada.
En revanche, une arme peut être nécessaire à l'agent qui participe avec la GRC à des opérations de surveillance sur la côte de la Nouvelle-Écosse, où les agents de la GRC et des autres forces de l'ordre sont armés. Dans ces endroits, nos agents sont considérés comme une charge inutile. Ils travaillent main dans la main avec ces gens, mais le policier a la double responsabilité de se protéger lui et l'agent de Douanes Canada, parce que, dans l'état actuel des choses, celui-ci n'a pas reçu la formation appropriée pour faire face à la situation et n'a pas l'équipement nécessaire.
Nous ne demandons pas toutefois que tous soient armés et dans certains cas, il y aura des exigences à respecter. On pourrait prévoir des armes à un bureau de douanes à un point de la frontière américaine; on ne le sait pas encore; il reste que tous ne seraient pas systématiquement armés.
Le sénateur Gigantès: Madame la présidente, nous avons besoin de plus de détails.
La présidente: Mme Dwyer voulait ajouter quelque chose.
Mme Dwyer: Merci. J'aimerais donner quelques éclaircissements au comité. Tout ce que notre union demande, c'est qu'un groupe de travail mène une étude pour savoir si les inspecteurs de douanes doivent être armés. Nous ne nous prononçons pas sur ce point. Toutefois, aucune étude n'a été faite depuis 1980 et nous pensons qu'il est temps que le gouvernement du Canada se penche sur le problème. C'est notre position, comme l'indique notre mémoire. Nous proposons que le gouvernement du Canada forme un groupe de travail à cet effet.
Le sénateur Gigantès: Le projet de loi ne prévoit pas de vous armer, n'est-ce pas?
Mme Dwyer: Sous son libellé actuel, non.
Le sénateur Gigantès: Devrions-nous proposer de mener une telle étude, madame la présidente? Pourrions-nous demander aux témoins du gouvernement de nous parler de cette étude?
La présidente: Cela en vaut certainement la peine si l'information dont ils disposent remonte à 1980.
[Français]
Le sénateur Pépin: Vous acceptez le nouveau projet de loi mais vous êtes inquiet et réticent. Hier des témoins nous ont dit qu'il y avait une bonne collaboration entre les corps policiers et les douaniers et que vous auriez une période d'entraînement de six mois et un budget important réservé à tout cela. Lorsque je vous entends ce matin, j'ai un peu la perception contraire. Vous voulez être entraîné mais vous êtes inquiet. Vous dites que vous allez avoir deux semaines seulement d'entraînement, si j'ai bien compris. Vous exigez d'avoir de l'aérosol au poivre et dans certains cas, vous aimeriez aussi avoir une arme.
Lorsque l'on nous a parlé du travail que vous faites maintenant et du travail que vous aurez à faire selon la nouvelle loi, on nous a dit que la nouvelle loi faciliterait votre travail. L'échange entre les policiers actuels et vous semblait déjà fonctionner.Vous pourrez arrêter quelqu'un, le mettre en cellule, appeler un policier et le policier fera les autres procédures. Il semble y avoir des réticences à ce projet de loi. Avez-vous travaillé à l'élaboration du projet de loi de loi ? Avez-vous travaillé avec vos futurs collègues policiers? Est-ce que vous avez échangé de l'information pour connaître la nature de vos problèmes? Où sont les difficultés? Pensez-vous que cela va fonctionner? La perception que j'ai aujourd'hui est différente de celle d'hier.
[Traduction]
Mme Dwyer: Nous demandons une étude afin de savoir s'il est possible d'armer les inspecteurs des douanes; une telle étude serait à jour et remplacerait celle de 1980.
Les questions relatives à la formation et à la possibilité d'utiliser des matraques et du gaz poivré en aérosol sont à l'ordre du jour de notre comité national en matière de santé et de sécurité depuis de nombreuses années. Nous rencontrons de hauts fonctionnaires de Revenu Canada au sein de ce comité pour débattre de ces questions.
Nous craignons que la formation ne soit pas en place avant la mise en oeuvre de ce projet de loi. Nous voulons faire en sorte que le gouvernement prévoit cette formation pour ceux qui mettront cette loi en application, une fois le projet de loi adopté. Nous allons travailler avec le ministère pour que tout cela se matérialise, mais il reste que le ministère doit se rendre compte de l'urgence de la situation.
[Français]
Le sénateur Pépin: Vous mentionnez des gens de Revenu Canada. Je parlais plutôt des policiers. Vous allez avoir d'autres droits qui ressemblent à ceux des policiers. Avez-vous déjà eu des échanges avec les corps policiers au sujet de votre travail? Est-ce que vous avez certaines réticences parce que l'on nous a assuré que votre travail va être facilité par la nouvelle loi; vous allez pouvoir procéder à des arrestations tandis qu'avant, vous deviez laisser courir les contrevenants et les policiers devaient les rattraper plus tard. Au niveau de la collaboration entre les policiers et les douaniers, est-ce que vous avez eu des échanges?
[Traduction]
Mme Dwyer: L'Union Douanes Accise n'a pas débattu de la question avec les agents de police, alors que le ministère en a débattu avec la GRC et d'autres agents de police au Canada.
M. Mercer: La collaboration a été excellente; nous avons discuté de certains points avec l'Association canadienne des policiers dont le président a d'ailleurs travaillé dans un bureau de douanes pendant quelques jours afin de se rendre compte du travail que nous effectuons et ainsi, comprendre nos préoccupations.
Nous avons actuellement affaire avec des compétences relevant de la GRC; nous servons d'adjoints et c'est justement le problème. Nous travaillons bien en collaboration, mais nous inquiétons au sujet de la sécurité. Si je suis dans le port de Halifax avec un agent de police de Halifax, je ne bénéficie pas de la même protection que lui; c'est ce qui m'inquiète.
Le sénateur Pépin: Parce que vous n'êtes pas armé.
M. Mercer: Je n'ai pas l'équipement dont il dispose. Je mets deux vies en péril à ce moment-là -- la mienne et la sienne. C'est ce qui nous inquiète. Il doit me protéger, car je n'ai pas l'équipement voulu. Je possède l'expertise et les compétences pour fouiller un navire à la recherche de produits de contrebande; il possède l'expertise qui lui permet de détenir l'élément criminel que nous pouvons confronter. Nous voulons que nos agents soient correctement équipés et formés pour faire efficacement le travail que l'on attend d'eux.
[Français]
Le sénateur Pépin: Vous n'êtes pas convaincu que l'entraînement qu'ils vont recevoir va être suffisant?
M. Mercer: C'est vrai, je ne suis pas convaincu. Mais il faut comprendre que nous sommes la première personne qui entre en contact avec le contrevenant. Une équipe spécialisée a besoin de tout l'équipement et de tout l'entraînement tout de suite, pas demain. Tous nos douaniers ont besoin d'entraînement.
Par exemple, à Halifax, aujourd'hui, un douanier travaille au port, demain, il travaillera à l'aéroport et dans les jours suivants, il travaillera seulement au bureau. On ne peut pas dire à un douanier de travailler uniquement au port d'Halifax. Demain, si un douanier n'est pas disponible, on va utiliser quelqu'un qui n'a pas eu l'entraînement et qui ne sait pas comment utiliser l'équipement.
Le sénateur Pépin: Combien de temps croyez-vous que cela peut prendre pour que tout le monde soit entraîné avant que la loi ne soit appliquée et que les gens se sentent en sécurité pour travailler?
[Traduction]
Mme Dwyer: Nous avons près de 2 500 inspecteurs des douanes et près de 1 000 autres employés sont au niveau de surintendant. Vous devez comprendre qu'avant de devenir inspecteur des douanes, il faut suivre un programme de 14 semaines au collège Rigaud. La formation supplémentaire prévue durerait environ deux semaines; il est facile de calculer combien de temps il faudrait pour former les 2 500 inspecteurs des douanes. Si je comprends bien, la mise en oeuvre est prévue pour 1999; par conséquent, si nous commençons à nous entendre avec le ministère dès aujourd'hui, il est probable que tout le monde peut recevoir la formation nécessaire.
Le sénateur Pépin: Ce serait possible de le faire en l'espace de six mois. Nous allons nous pencher sur la question.
Le sénateur Moore: J'aimerais reprendre les questions du sénateur Pépin au sujet des chiffres. Nous avons reçu un document d'information de Revenu Canada dans lequel il est indiqué que ce nouveau pouvoir d'intervention immédiate serait limité aux agents qui ont affaire avec ceux qui cherchent à entrer au Canada; il s'agit de 2 000 à 2 500 membres de l'effectif total de 3 200. Aucun étudiant qui travaille comme agent des douanes ne sera touché.
Quel est le bon chiffre: 2 000 ou 2 500? Vous avez uniquement fait mention de 2 500 inspecteurs.
Mme Dwyer: Je vous ai donné le nombre approximatif de notre effectif, soit 2 500 inspecteurs des douanes. Je ne peux pas expliquer ce dont parle le ministère ici, car nous avons des inspecteurs des douanes qui se trouvent dans des unités postales et qui n'ont pas de contact avec le grand public. Leurs cycles de travail sont différents et sans aller dans trop de détails, je dirais qu'ils travaillent par roulement et qu'ils peuvent travailler à un point d'entrée à un moment donné au cours de l'année.
Le sénateur Moore: Disons qu'il s'agit de 2 500 inspecteurs. Combien parmi eux devraient devenir agents désignés en vertu de cette loi?
Mme Dwyer: Selon nous, tous les inspecteurs des douanes nommés pour une période indéterminée devraient être désignés -- les 2 500.
Le sénateur Moore: Vous avez dit qu'il y en a également 1 000 au niveau de surintendant.
Mme Dwyer: Autant que je sache, le ministère assurera leur formation également.
Le sénateur Moore: Par conséquent, 3 500 personnes vont être formées. Vont-elles toutes recevoir l'équipement nécessaire dont vous parlez, soit le gaz poivré en aérosol et les matraques? Est-ce que les 3 500 vont recevoir le même genre de formation?
Mme Dwyer: Nous aimerions que les 2 500 membres reçoivent la formation complète et qu'ils puissent utiliser des matraques et du gaz poivré en aérosol dans les secteurs où cela s'avère nécessaire, effectivement.
Le sénateur Moore: D'après notre discussion d'hier, je croyais que seulement certains agents des douanes travaillant dans des ports d'entrée clé ou dans des ports où l'on sait que nos lois sont violées auraient besoin de cette formation et de cet équipement, y compris une arme. Je ne croyais pas que cela s'appliquait à «tous».
La présidente: Je pense que l'on nous a dit hier que sur les 3 500 inspecteurs des douanes -- deux tiers d'entre eux, soit près de 2 500 -- seraient désignés. Il s'agirait de ceux qui sont sur la ligne de front, plutôt que ceux qui sont à l'intérieur.
Le sénateur Moore: Vous utilisez l'expression «nommé pour une période indéterminée». Voulez-vous parler de chaque employé: à temps partiel, à plein temps, et permanent à temps partiel?
M. Mercer: L'expression «nommé pour une période indéterminée» désigne l'employé de Revenu Canada. L'expression «nommé pour une période déterminée» s'applique à l'employé à contrat, c'est-à-dire à celui dont la période d'emploi expire et doit être renouvelée. Nous ne parlons pas de ces employés. Nous parlons des employés permanents de Revenu Canada. Nous avons des employés saisonniers nommés pour une période indéterminée comme dans votre région de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse. Ils arrivent le 15 avril et repartent le 15 octobre, mais il s'agit d'employés nommés pour une période indéterminée, puisqu'ils ont ce travail pour le reste de leur vie, dans la mesure où ils veulent travailler pour Revenu Canada et où ils possèdent toutes les qualités requises.
Le sénateur Moore: Vous avez cité l'exemple de l'aéroport de Halifax où les agents de la GRC sont armés. Êtes-vous en train de dire qu'il faut que les agents des douanes de l'aéroport soient formés et armés de la même façon?
M. Mercer: Bien sûr, dans certains secteurs, il ne sera peut-être pas nécessaire que les agents aient tout l'équipement, mais dans d'autres, ils auront peut-être besoin de plus d'équipement. Nous demandons que l'on mène une étude pour déterminer et désigner ces secteurs. Je donne l'exemple d'un aéroport, car tout voyageur qui prend un avion presque n'importe où au monde passe par tout un processus de sécurité avant de monter à bord -- tests des métaux, et cetera, sans compter que ses bagages sont passés au scanner.
L'aéroport est un exemple où il ne sera peut-être pas nécessaire d'avoir tout l'équipement; toutefois, si vous vous trouvez à un port frontalier à proximité d'une grande ville américaine dont le taux de criminalité est élevé, il peut s'avérer indispensable d'avoir tout l'équipement prévu. La désignation est quelque chose qui fait peur; en effet, les agents des douanes ne peuvent pas faire leur travail si seulement certains d'entre eux -- et pas tous -- sont désignés.
Tous les agents doivent respecter les mêmes règles et la même loi; ils doivent donc avoir la même formation pour faire leur travail correctement.
Le sénateur Moore: Aucune étude n'a été faite à ce sujet depuis 1980?
La présidente: C'est ce que l'on nous dit.
Le sénateur Moore: Il semble que l'on mette la charrue avant les boeufs. Ne devrions-nous pas avoir des renseignements plus à jour afin de pouvoir envisager les demandes de la gestion et de l'union?
La présidente: Cela me semble raisonnable.
Le sénateur Gigantès: Parfois, la gestion ne pense pas qu'il soit nécessaire d'armer les agents des douanes.
Mme Dwyer: Je le répète, nous demandons tout simplement une étude afin de voir s'il est possible d'armer les inspecteurs des douanes. Nous avons des données qui datent du début des années 80, or nous arrivons à l'an 2000. Les données d'il y a 20 ans ne sont parfois pas valides et c'est pour cela que nous recommandons au comité de demander au gouvernement de créer un groupe de travail afin d'examiner s'il est possible d'armer les inspecteurs des douanes.
Le sénateur Moore: Quel était l'effectif des douanes il y a 20 ans?
M. Mercer: Beaucoup moins important qu'aujourd'hui.
Le sénateur Moore: Combien y avait-il d'inspecteurs à l'époque?
Mme Dwyer: Je n'ai pas ces données ici, mais je pourrais vous les communiquer.
Le sénateur Moore: Propose-t-on une formation à l'heure actuelle?
Mme Dwyer: Chaque inspecteur des douanes nommé pour une période indéterminée doit suivre une formation de 14 semaines avant de pouvoir occuper son poste.
Le sénateur Moore: Je voulais savoir si une formation est proposée dans le contexte de ce projet de loi. Une formation préliminaire, préparatoire, est-elle offerte aux 2 500 employés en question?
La présidente: Y a-t-il une formation en matière de santé et sécurité?
Mme Dwyer: En consultation avec l'union, le ministère se prépare à offrir deux semaines de formation à tous les inspecteurs des douanes sur le terrain. Le processus est lancé, mais n'est pas encore mis au point pour l'instant.
Le sénateur Moore: La réponse est donc non, aucune formation n'est offerte en ce moment. Vous êtes tout simplement en train de monter le programme?
Mme Dwyer: Oui, effectivement.
Le sénateur Moore: Il n'est pas offert actuellement.
Mme Dwyer: C'est exact.
Le sénateur Berntson: J'aimerais savoir combien d'agents des douanes ont été blessés ou tués dans l'exercice de leurs fonctions au cours de la dernière décennie.
M. Mercer: Trois inspecteurs des douanes ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions; deux par suite d'inondations dans la province du Nouveau-Brunswick et le troisième dans un accident de voiture dans le nord de la Colombie-Britannique.
Je ne peux pas dire combien ont été blessés à un poste de douane. Je n'ai pas ces statistiques ici, mais nous pouvons faire des recherches et transmettre ces renseignements au comité.
Le sénateur Berntson: Ce serait utile, puisque le comité se demande s'il est nécessaire de donner des armes à feu aux agents des douanes.
Quelles sont les répercussions de l'abolition de la police du port sur les agents des douanes?
M. Mercer: C'est une question politique, sénateur, et j'y répondrai à l'extérieur de cette salle.
Le sénateur Berntson: Si je comprends bien, votre réponse est négative. Merci.
Le sénateur Watt: Vous avez dit que ce projet de loi ne prévoit que deux semaines de formation et vous vous inquiétez également du fait qu'il ne sera adopté avant le début de la formation. Je comprends dans une certaine mesure votre inquiétude au sujet de la formation et de la nécessité pour les agents des douanes d'avoir l'équipement nécessaire pour se protéger et protéger le public.
Mon fils a suivi une formation d'agent de police dans l'Arctique et a vécu une expérience semblable à celle que vous décrivez. Il pouvait procéder à des arrestations et devait faire tout le travail nécessaire, mais il n'était pas équipé pour ce faire. Personne ne dure très longtemps dans une situation comme celle-là. La sécurité finit toujours par prendre la priorité, ce qui est très important.
D'après moi, nous allons finir par fournir l'équipement nécessaire pour des raisons de sécurité, puisque beaucoup de criminels traversent notre frontière. Vous avez dit que cela doit se faire avant la promulgation de cette loi. En ce qui concerne les coûts, pensez-vous que l'on cherche à fusionner les agents des douanes et les agents de police?
Mme Dwyer: Le rôle d'un inspecteur des douanes est pour l'instant différent de celui d'un agent de police, par conséquent, je ne vois pas comment cela pourrait arriver. Le projet de loi C-18 permet à l'inspecteur des douanes de faire le nécessaire pendant une période de temps minime en attendant l'arrivée d'un agent de police au point d'entrée.
Le sénateur Watt: Je le comprends bien, mais les inspecteurs ne recevront pas la formation nécessaire leur permettant d'agir en tant qu'agents de police. Deux semaines de formation seulement sont prévues, alors qu'il en faudrait beaucoup plus; en effet, tout agent de police devrait recevoir la formation nécessaire. Si nous faisons une étude de faisabilité, je crois que nous devrions aller un peu plus loin que ce qui est prévu par ce projet de loi.
Mme Dwyer: Il y a du vrai dans ce que vous dites. Nous demandons qu'une étude soit faite pour savoir s'il faut armer les inspecteurs des douanes. Dans le cadre de cette étude, il faudra se pencher sur les coûts et sur toutes les fonctions des inspecteurs des douanes. C'est en 1980 qu'une étude de ce genre a été faite la dernière fois et il est fort probable qu'une nouvelle étude s'impose aujourd'hui, compte tenu des nouveaux rôles confiés aux inspecteurs des douanes depuis 20 ans.
Le sénateur Watt: Ce qui nous a été dit hier n'est pas tout à fait exact dans le sens où les agents des douanes ne pourront pas exercer le pouvoir prévu par ce projet de loi avant expiration d'une période d'attente. D'une part, les agents des douanes devront agir en tant qu'agents de police; d'autre part, ils devront attendre que la police prenne la situation en main. À mon avis, vous avez le droit d'avoir tout l'équipement et toute la formation nécessaires, mais je crois que vous devriez suivre une formation de policier. Je ne pense pas que nous devrions prendre le risque d'armer des gens qui ne sont pas complètement formés.
Madame la présidente, il me semble qu'il faut envisager de prolonger la période de formation. Pour ma part, je ne pense pas pouvoir faire confiance à des gens qui n'ont reçu que deux semaines de formation.
La présidente: Autant que je sache, ce projet de loi ne cherche pas à transformer les agents des douanes en agents de police et ne vise pas à les armer. Les témoins que nous avons devant nous demandent que l'on fasse une nouvelle étude sur la formation ainsi que sur l'équipement. Il reste que ce projet de loi ne vise pas à armer les agents des douanes.
Le sénateur Watt: Je crains que si nous adoptions ce projet de loi, nous nous retrouvions plus tard le dos au mur. Nous devons pouvoir faire confiance aux gens qui sont armés. Ce projet de loi ne leur donnera pas d'armes, or, c'est ce qu'ils demandent. Je crois qu'il faut aller un peu plus loin et faire en sorte qu'ils reçoivent la même formation que celle offerte aux agents de police. La question est très grave.
La présidente: Le comité est habilité à recommander de la formation et des études de faisabilité, mais l'armement des agents des douanes ne relève pas de son mandat actuel. C'est une question distincte.
Le sénateur Lewis: Quand j'ai examiné le projet de loi pour la première fois, je l'ai lu très rapidement et j'ai eu l'impression qu'il visait à habiliter les agents désignés à agir comme agents de la paix. Cependant, je remarque, à la page 16 de votre mémoire, que vous dites:
Le fait est que les inspecteurs des douanes auront la responsabilité douteuse de placer en détention d'éventuels délinquants violents.
Selon le projet de loi à l'étude, l'agent désigné aura les pouvoirs et les obligations d'un agent de la paix. En d'autres mots, il pourra non seulement agir comme un agent de la paix, mais il en aura aussi l'obligation. Voilà qui cadre avec ce que vous dites. Vous estimez qu'il devrait peut-être être armé et qu'il faudrait certes lui donner plus de formation. C'est bien cela?
Mme Dwyer: Nous demandons que l'on étudie la possibilité d'armer les inspecteurs des douanes, mais nous estimons qu'entre temps, on pourrait leur donner certains outils comme des matraques et des gaz poivrés. Il faut être formé pour bien exécuter ses tâches, quelles qu'elles soient. Nous insistons sur le fait qu'il faut former les gens et qu'il faut les former dès maintenant, pas dans un an. Il faudrait que la formation se donne tout de suite.
Le ministère a un document qui décrit une stratégie de mise en oeuvre des pouvoirs d'agent. Le comité pourrait peut-être l'obtenir de Revenu Canada.
Le sénateur Lewis: Vous avez parlé de l'étude. D'après ce que vous avez dit, j'en déduis que le syndicat a réclamé du ministre ou du ministère une étude. Toutefois, pareille étude se ferait plus tard, à une date indéterminée. Appuyez-vous le projet de loi dans sa forme actuelle?
Mme Dwyer: Le CEUDA appuie effectivement le projet de loi parce que les inspecteurs des douanes sont parfois obligés de détenir et d'arrêter des conducteurs aux facultés affaiblies. Selon nous, il faudrait aussi leur donner le pouvoir de détenir et d'arrêter des personnes aux postes frontières en cas de rapt. Actuellement, nul n'en a le pouvoir; il n'y a pas de rapport entre les deux situations.
M. Easton peut vous expliquer ce que la Loi sur les douanes autorise actuellement l'agent des douanes à faire concernant les conducteurs aux facultés affaiblies.
M. Easton: Actuellement, selon la Loi sur les douanes, la Charte des droits et libertés nous interdit de détenir quelqu'un. Essentiellement, cette personne a le droit d'agir comme bon lui semble si nous n'avons pas de raison de la détenir en vertu, par exemple, d'un ordre de saisie.
Il est parfois possible de retarder son départ en la soumettant à toutes nos formalités. Si nous soupçonnons la personne d'avoir des facultés affaiblies, nous communiquons avec le service policier compétent et surveillons la personne dans l'immeuble en attendant l'arrivée de la police. Cette personne n'est jamais placée en détention. Elle est libre de partir. Si elle décide qu'elle ne veut pas attendre, elle peut partir.
Nous effectuons de la surveillance parce que, lorsqu'une cause de conduite avec facultés affaiblies est entendue par le juge, il faut qu'il y ait eu protection et contrôle des éléments de la preuve. Tout ce que nous assurons, c'est la continuité à partir du moment où la personne quitte son véhicule jusqu'à l'arrivée de la police.
Si la personne quitte l'immeuble, nous l'avisons que nous allons appeler le service policier compétent. Les policiers arriveront le plus vite possible ou essaieront d'intercepter la personne sur l'autoroute, quand elle aura quitté le poste.
Au Manitoba, un agent a confronté des motocyclistes. Il a suivi la procédure que je viens de vous décrire, mais les motocyclistes ont décidé de partir. Un mille plus loin, l'un d'entre eux a fait une chute de sa motocyclette et s'est tué.
J'ai été policier pendant 13 ans. J'ai suivi des cours de formation donnés tant par la GRC que par la Ville de Winnipeg. Je connais la différence entre les fonctions de l'agent des douanes et celles du policier. Il est difficile de ne pas outrepasser son mandat. La plupart des services policiers croient que nous sommes des policiers. Quand ils arrivent sur place, ils s'étonnent d'apprendre que nous n'avons pas arrêté le suspect, que nous ne l'avons pas accusé, que nous ne l'avons pas avisé de ses droits, et ainsi de suite. Quand ils apprennent que la personne est demeurée sur les lieux de son propre gré ou parce qu'on l'a menacée d'appeler la police, ils ne portent pas d'accusation s'il n'y a pas eu continuité de la surveillance. Ils ne feront rien sauf, peut-être, reconduire la personne chez elle ou lui faire passer un test A.L.E.R.T. et suspendre son permis de conduire pour une journée. De plus, rien ne garantit que cette personne demeurera à la maison, une fois qu'on l'y aura reconduite. Ces personnes sont des clients assidus.
Un des sénateurs a mentionné que certains ports sont dotés d'un plus grand nombre d'agents. L'expérience nous a appris que les délinquants ne sont pas stupides. S'ils apprennent que les agents d'un port particulier ont été formés pour traiter de cas comme les leurs, ils iront à un autre port ou ils franchiront la frontière à un port où il n'y a pas d'agent. Ils apprennent cela assez vite.
[Français]
Le sénateur Joyal: Ce qui me préoccupe d'abord est au niveau de la formation des officiers. Ce que je sais généralement de la formation des policiers, c'est qu'avant de former un policier, il y a un processus d'évaluation qui est extrêmement rigoureux. Les jeunes candidats doivent avoir certaines caractéristiques physiques et ils doivent passer un test psychologique. Enfin, il y a une série d'évaluations qui sont faites avant de choisir un candidat à la formation de policier, d'agent de la paix.
On se trouve dans une situation différente où on va choisir parmi les agents des douanes un certain nombre de personnes auxquelles on dira que dorénavant, ils entreprendront une formation d'agent de la paix.
À ce moment-ci, nous allons faire du rattrapage. C'est-à-dire que nous allons donner à des agents des douanes, la fonction de policier et pour ce faire, nous allons leur donner une formation. On devra les évaluer. Il y a des agents des douanes qui sont d'excellents agents de douanes dans le contexte actuel, mais qui ne seraient pas nécessairement des agents de la paix selon les critères d'évaluation d'une école où on forme des agents de la paix. C'est la première question.
La deuxième question est reliée aux propos du sénateur Watt. Ce que je sais généralement de la fonction publique, c'est que les fonctions sont évaluées et classifiées à un certain niveau et y correspond une échelle de salaire. Ce qu'on fera, on ajoutera aux responsabilités des agents des douanes une responsabilité d'agent de la paix.
Dans ma logique, si on leur donne une fonction additionnelle, cela devrait normalement se répercuter sur l'échelle salariale ou dans la rémunération que les personnes peuvent recevoir. Ils auront un service professionnel additionnel à rendre.
Comme le disait tantôt notre témoin, si maintenant ils ont une responsabilité d'agent de la paix et que des personnes se présentent aux frontières, pour reprendre le même exemple que tantôt, sous l'effet de boisson ou de narcotique, l'agent de la paix a une responsabilité très précise à ce moment. Ils auront des responsabilités professionnelles additionnelles qui devraient se refléter sur l'échelle de salaire. Je ne sais pas mais je présume.
Donc je voudrais dans un deuxième temps savoir de nos témoins si je suis correct de conclure de cette façon ou si je suis dans l'erreur. J'aimerais savoir sur le plan du salaire quel impact cela aura. Suite aux questions que nous avions hier par rapport à vos collègues américains, avez-vous l'occasion de voir comment ce processus de formation d'agent de la paix est initié à l'origine lorsque l'on engage des douaniers? Est-ce que tous les douaniers, lorsque ils sont engagés chez nos voisins américains sont aussi des agents de la paix ou si, comme je crois le comprendre, certains ne sont qu'agents douaniers et d'autres agents douaniers et agents de la paix? Quelle forme de sélection fera-t-on dorénavant des candidats? Je constate qu'il y a beaucoup de nouveaux agents douaniers.
Au poste frontière que j'utilise, j'ai dit au gérant: je vois toujours des jeunes recrues. Forcément cela se répercutera au niveau de l'embauche. Comment cette gestion des nouveaux candidats se fera-t-elle en termes de recrutement et de formation par rapport à vos collègues américains avec lesquels vous êtes dans le même périmètre?
[Traduction]
Mme Dwyer: Vous avez posé trois questions. Je répondrai à la deuxième qui concerne la classification et la rémunération.
Il ne fait aucun doute qu'il faudrait rédiger une nouvelle description des tâches des inspecteurs des douanes. Leurs fonctions changeront. J'étais ici hier en tant qu'observatrice quand les porte-parole du ministère ont fait leur exposé. Ils ont affirmé que le niveau de classification ne changerait pas. J'ignore si c'est le cas. Nous ferons en sorte que la description inclut les nouvelles fonctions de l'inspecteur des douanes. Il faudra en saisir un comité de classification.
Nous ignorons si la rémunération de ces agents sera ajustée, mais il est certain que leur description d'emploi sera révisée.
Le sénateur Joyal: Ne pourriez-vous pas évaluer les répercussions budgétaires de ce changement, le montant qu'il représente?
Mme Dwyer: Je serais incapable de le faire. Il faut s'en remettre à tout un processus, et de nombreux comités se pencheraient sur la question avant que ne soit prise une décision. Cela ne s'est pas produit encore.
La présidente: Ce n'est pas notre problème, de toute façon.
Le sénateur Joyal: J'en conviens, mais j'aimerais tout de même savoir. Si le projet de loi à l'étude est adopté, il faudrait savoir quelles en sont les répercussions financières. Il faudra bien que quelqu'un paie la facture. Les contribuables aussi aimeraient savoir. En tant que contribuable, j'aimerais en être informé.
M. Easton: Je vais répondre à votre question concernant la situation aux États-Unis par rapport à la nôtre. Je ne sais pas tout de la formation qui est donnée aux agents américains. Par contre, je sais que, l'été, la majorité d'entre eux sont des enseignants qui font ce travail en attendant la rentrée scolaire. Bon nombre d'entre eux achètent leurs propres armes. Ils sont autorisés à avoir toute une panoplie et ils semblent acheter celles qui leur plaisent. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire à cet égard.
M. Mercer: Quant à votre première question concernant les désignations, il faudra voir qui sera désigné selon la classification.
Nous sommes d'accord avec vous qu'il faut que nos inspecteurs aient le bon profil psychologique. Ils devront recevoir la bonne formation et satisfaire aux exigences physiques de l'emploi. Cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi nous réclamons l'exécution de ces études.
Nous souhaitons aussi faire en sorte que nos agents aient le matériel voulu. Vous semblez ne parler que d'armes à feu. Nous préférons parler de matériel convenable. Nous ne prônons pas que chaque agent travaillant pour Douanes Canada aux postes frontières ait son arme. Ce n'est pas ce que nous avons demandé. Nous avons demandé qu'il ait constamment l'équipement voulu pour faire le travail qu'on lui demande de faire.
Nous avons un merveilleux établissement de formation pour les inspections en mer à Halifax et nous fournissons aux agents les outils voulus pour détecter les bateaux qui font de la contrebande. Nous fournissons le bon équipement et une formation complète aux agents de tout le Canada. Ces agents font très bien leur travail.
Les inspecteurs des douanes américains suivent notre cours. Nous demandons uniquement que nos agents aient des chances égales. Qu'on leur donne le bon équipement et la bonne formation, et ils feront leur travail avec efficacité. C'est tout ce que nous demandons.
Nous ne réclamons pas le genre de grosse arme à feu qu'utilisent les agents des douanes américains au New Hampshire. Nous réclamons qu'on nous donne le bon équipement qui peut varier, des menottes aux fusils. C'est tout.
La présidente: En réponse à une question posée hier au sujet de l'incidence de ces nouvelles tâches sur la classification des employés, M. Girard a affirmé qu'après une analyse poussée, on avait jugé qu'il n'y avait pas d'incidence. Il a ajouté qu'il s'agissait d'un ajout à un pouvoir existant, d'une simple amélioration. Il a ensuite dit que la différence que cela entraînerait en termes de points de classification au sein de l'appareil fédéral est minimale et qu'elle n'entraînera pas de changements dans la classification ou la rémunération de ces employés.
Avez-vous des commentaires à nous faire à ce sujet?
Mme Dwyer: Il faudrait rédiger une nouvelle description d'emploi qui inclurait ces nouvelles fonctions. Cela n'a pas encore été fait. Avant d'évaluer la classification, il faut rédiger une nouvelle description d'emploi. Nous ignorons si le poste sera classé à un niveau supérieur. La nouvelle description d'emploi n'a pas encore été rédigée.
Le sénateur Gigantès: Le Conseil du Trésor n'a-t-il pas entrepris de décloisonner un peu les tâches propres à chaque niveau de classification?
Mme Dwyer: Il s'agit d'une question distincte. Le Conseil du Trésor est effectivement en train d'élaborer une norme de classification universelle s'éloignant de la norme actuelle. Cependant, la nouvelle norme n'a pas encore été adoptée.
Le sénateur Gigantès: Savez-vous si les agents des douanes britanniques ont des armes?
Mme Dwyer: Je l'ignore.
Le sénateur Gigantès: Pourriez-vous vous renseigner, à savoir s'ils ont des armes à feu, des gaz poivrés, des vestes de Kevlar, des matraques?
Mme Dwyer: Nous pouvons certes aller aux renseignements.
Le sénateur Lewis: Ils en ont probablement à leur disposition.
Le sénateur Gigantès: Vous avez parlé d'employés permanents. Qu'en est-il des employés nommés pour une durée déterminée? Faut-il comprendre que ces employés ne seront pas désignés comme agents de la paix? J'ajoute, pour les collègues qui ignorent tout de la fonction publique, que l'employé nommé pour une durée déterminée est embauché pour une période fixe, par exemple d'un an.
Mme Dwyer: À ce stade-ci, les employés nommés pour une durée déterminée ne seraient pas désignés. Ce ne sont pas des employés permanents de Revenu Canada.
Le sénateur Gigantès: Je vous remercie.
Madame la présidente, il faudrait peut-être demander l'avis de la GRC, qui sait ce qui se passe à la frontière lorsqu'elle travaille en tandem avec les agents des douanes.
La présidente: Je crois qu'un groupe de policiers de frontière qui ont l'habitude de traiter d'incidents frontaliers figurent sur la liste de témoins suggérés dont est convenu le comité directeur, l'autre jour. Nous pourrons leur poser ces questions.
Mme Dwyer: Pour ce qui est des employés nommés pour une durée déterminée, le syndicat a toujours eu pour principe qu'ils devraient tous être des employés permanents.
Le sénateur Moore: J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Roy, c'est-à-dire parler de formation et de période de formation. Monsieur Easton, vous êtes peut-être celui qui pourra me renseigner.
Mme Dwyer a mentionné une période de formation de 14 semaines. Cette période, ou une partie de celle-ci, comprend-elle une formation quasi policière qui pourrait être utile si le projet de loi à l'étude était appliqué et que l'on acquiesçait à vos désirs? Vous dites que vous avez suivi la formation de la GRC et celle de la police de Winnipeg. Se comparent-t-elles avantageusement à ces cours de formation? Ces 14 semaines suffisent-elles ou faut-il prévoir davantage?
M. Easton: La formation que j'ai reçue à Rigaud, au Québec, nous apprend comment assumer nos véritables fonctions douanières, dans un bureau -- comment agir avec les importateurs et les exportateurs, par exemple. Il ne serait pas difficile d'intégrer les fonctions policières à cette formation.
La formation des policiers de Winnipeg n'est pas beaucoup plus longue. Elle inclut un cours de combat au sol et de la formation sur les armes à feu et la conduite des véhicules quelques fois par semaine. On pourrait facilement intégrer ce genre de formation au cours de Rigaud.
La formation suivie par les agents de la GRC est plus poussée. Elle dure six mois. Soit que vous réussissez, soit que vous échouez. C'est la même chose à Winnipeg, mais la formation là-bas -- tout comme à Rigaud -- inclut beaucoup d'instruction sur la façon de remplir des formulaires en raison des nombreux arrêtés municipaux à faire respecter et d'autres petites questions techniques qui relèvent de la ville. La formation prodiguée à Winnipeg ne durait pas beaucoup plus que 14 semaines.
On pourrait rapidement modifier les installations de Rigaud de manière à pouvoir offrir cette formation.
Le sénateur Moore: Le programme actuel de formation pourrait être modifié ou adapté. Deux semaines de plus seraient-elles suffisantes pour former une nouvelle recrue? Selon vous, l'employé actuel aurait-il besoin de deux autres semaines de formation?
M. Easton: Il suffirait d'ajouter au cours l'aspect traitant du Code criminel, soit les motifs raisonnables et probables plutôt que les simples soupçons, les pouvoirs d'arrestation, le recours excessif à la force et le reste. On pourrait probablement les ajouter à la formation de deux semaines qu'ils choisissent. Sur une période de 14 semaines, vous pourriez offrir deux cours d'une heure sur le véritable combat au sol, par exemple sur des techniques d'immobilisation et ainsi de suite.
Le sénateur Moore: Qui donne la formation?
M. Easton: La GRC et la Ville de Winnipeg ont leurs propres formateurs.
Le sénateur Moore: Qui donnerait la formation aux agents désignés?
M. Easton: Je ne le sais pas.
Mme Dwyer: Nous essayons encore de voir qui assurerait la formation des inspecteurs des douanes. Nous avons pour position qu'il faudrait que ce soit une personne ayant une compétence reconnue en la matière.
Le sénateur Moore: Parlez-vous de personnes qui forment des policiers? Il faudrait que les formateurs connaissent la nature de votre travail en vue d'y adapter la formation.
Mme Dwyer: La formation concernant la protection corporelle a été élaborée en commun par un policier et des fonctionnaires des Douanes pour faire en sorte de couvrir les besoins et les fonctions d'application de la loi ainsi que les besoins de protection corporelle des Douanes. Durant la période de formation de deux semaines, une semaine est consacrée aux nouveaux pouvoirs.
Le sénateur Moore: Votre syndicat est-il d'avis que tous les agents désignés devraient recevoir la même formation?
Mme Dwyer: C'est effectivement notre position.
Le sénateur Moore: J'entrevois des risques accrus. Quelqu'un a-t-il examiné la protection additionnelle qu'il faudrait offrir sur le plan de l'assurance et l'éventuel accroissement de coûts que cela entraînerait?
Mme Dwyer: C'est aux fonctionnaires du ministère qu'il faut poser la question. Je suis sûre qu'ils y ont pensé. Quant à nous, nous souhaitons faire en sorte que nos inspecteurs sont bien renseignés sur leurs nouvelles responsabilités suite à l'entrée en vigueur du projet de loi à l'étude.
La présidente: Dans votre mémoire, vous affirmez qu'il faudrait prévoir au moins deux personnes par poste de travail dans les ports où il n'y en a actuellement qu'un seul. Des témoins nous ont affirmé hier que les plus grands criminels entrent habituellement au pays par les grands ports. J'aimerais que vous m'en disiez davantage au sujet de vos sources de préoccupation dans les petits ports.
M. Easton: Il est possible que de nombreux délinquants passent effectivement par les grands ports afin de profiter de l'anonymat qu'offrent les plus grands nombres. Les risques d'être repérés dans un grand port sont beaucoup moindres, j'imagine. Pour ma part, je travaille dans un port d'importance moyenne. Je n'ai jamais travaillé dans un port comme celui de Windsor. Dans les petits ports, le principal problème à surveiller en vertu des pouvoirs accrus sera le côté santé-sécurité. Quand on procède à une arrestation, le danger croit exponentiellement selon la distance à laquelle se trouvent les renforts. Notre préoccupation concerne la santé et la sécurité afin d'éviter que quelqu'un ne soit blessé ou tué.
La présidente: Vous prétendez que le ministère n'a pas accepté d'inclure dans l'uniforme les gilets pare-balles et qu'il n'est pas disposé à en offrir à tous les inspecteurs des douanes. Y voyez-vous une raison? Quel est le problème, selon vous?
M. Easton: D'après moi, le problème, c'est le coût. Ces gilets coûtent environ 900 $ pièce.
Le gilet pare-balles ne protège pas uniquement des balles; il est aussi efficace contre les coups et les couteaux. Je me souviens avoir été attaqué, quand j'étais policier, avec une bouteille de bière. Le gilet n'a même pas été déchiré. La bouteille s'est brisée. Voir le gilet pare-balles comme une protection contre les armes à feu uniquement en limite la valeur. Ces gilets vous protègent aussi de l'assaillant qui vous roue de coups.
Le sénateur Joyal: Les agents des douanes américains ont-ils des gilets pare-balles?
M. Easton: J'ignore si c'est l'employeur qui les fournit, mais certains agents en portent.
Le sénateur Joyal: Combien d'agents des douanes seront désignés si le projet de loi à l'étude est adopté dans sa forme actuelle?
La présidente: Le ministère nous a précisé que les deux tiers environ des quelque 3 500 agents des douanes seraient désignés, c'est-à-dire environ 2 500 d'entre eux. Les témoins sont d'accord avec ces chiffres.
Comme il n'y a plus de questions, je tiens à remercier les témoins de leur exposé. Nous en tiendrons certainement compte.
La séance est levée.