Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 18 mars 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-18, qui modifie la Loi sur les douanes et le Code criminel, se réunit aujourd'hui, à 15 h 38, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Sénateurs, la séance est ouverte.

Nous accueillons aujourd'hui M. Michael Dagley, chef adjoint du Service de police de Windsor.

Monsieur Dagley, la parole est à vous.

M. Michael Dagley, chef adjoint, Service de police de Windsor: Honorables sénateurs, je suis très heureux de venir vous parler aujourd'hui du projet de loi C-18 au nom du Service de police de Windsor.

En tant que chef adjoint du Service de police de la ville de Windsor, en Ontario, je suis responsable de tous les services de maintien de l'ordre de cette municipalité de 200 000 âmes, qui vit à l'ombre de l'immense centre urbain qu'est Detroit, dans l'État du Michigan, aux États-Unis. La frontière entre les deux pays et ce qui s'y passe nous touchent directement tous les jours.

Je suis agent de police depuis 37 ans; j'ai travaillé 30 ans au Service de police de Windsor et sept ans comme policier dans le comté de Lancashire, en Angleterre. C'est donc le point de vue d'un policier et d'un administrateur d'expérience que vous entendrez aujourd'hui.

La ville de Windsor est dans une situation bien particulière. Elle compte deux passages frontaliers avec les États-Unis, le tunnel Windsor-Detroit et le pont Ambassador, le plus important passage frontalier terrestre au Canada. Ces deux passages frontaliers font de Windsor le point d'entrée le plus actif au Canada: en 1997, 18 millions de voyageurs sont entrés à Windsor en provenance des États-Unis. Le volume de circulation est ahurissant à ces deux passages frontaliers. Normalement le vendredi, 20 000 véhicules -- soit 15 000 voitures et 5 000 camions -- et 35 000 voyageurs traversent la frontière pour entrer à Windsor.

Aux États-Unis, trois grandes autoroutes nationales mènent à ces passages frontaliers. En fait, il n'y a que trois passages frontaliers qui passent directement par des grandes villes américaines: les deux de Windsor et un autre à Fort Erie, en Ontario.

Le projet de loi C-18 modifie la Loi sur les douanes et le Code criminel. Il va conférer aux douaniers de nouveaux pouvoirs, entre autres celui d'arrêter les conducteurs avec facultés affaiblies, les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrestation et celles associées à l'enlèvement d'enfants.

Le Service de police de Windsor approuve haut et fort le projet de loi. En fait, nous l'attendons depuis longtemps.

Nous avons l'habitude des incidents à la frontière. Au cours des cinq dernières années, les policiers de Windsor ont été appelés 2 995 fois sur le pont. C'est une moyenne de 591 appels par an et, chaque fois, l'intervention de nos policiers est d'environ 80 minutes, entre le moment où les policiers sont dépêchés sur lieux et celui où ils sont prêts à répondre à un autre appel.

En 1997, les agents de Douanes Canada ont croisé 113 personnes soupçonnées de conduite avec facultés affaiblies aux passages frontaliers de Windsor, 90 dans le tunnel et 23 au pont. Les douaniers n'avaient pas le pouvoir de les arrêter. Ils pouvaient leur demander de garer leur voiture et trouver un autre moyen de transport, ou de passer le volant à un passager sobre, ou encore ils pouvaient appeler la police pour signaler l'incident après leur départ. Le projet de loi permettrait aux douaniers d'arrêter ces conducteurs en état d'ébriété pour les empêcher de circuler dans les rues de Windsor.

Dans les cas de conduite avec facultés affaiblies, des consignes devront être adoptées. Par exemple, il pourrait y avoir un problème de responsabilité si le douanier demandait à un conducteur qu'il soupçonne de conduite avec facultés affaiblies de se rendre en voiture à un deuxième point d'inspection et qu'en chemin le conducteur frappait un piéton ou un autre véhicule.

La conduite avec facultés affaiblies est un problème inquiétant pour tous, et le service de police de Windsor prend la chose très au sérieux. Au moment où je vous parle, un des membres de notre service de police, la directrice du Centre d'urgence 911, Carole Taylor, repose dans un hôpital de Windsor victime des graves blessures qu'elle a subies à la suite d'une collision avec un chauffeur en état d'ébriété. Sa vie, celles de sa famille et de ses amis ont basculé ce soir-là.

Nous savons que des conducteurs en état d'ébriété rentrent à Windsor par la frontière. Pour atténuer le problème, nous avons mis sur pied des programmes RIDE, dans le cadre desquels les agents de police vont travailler au complexe douanier à la sortie du tunnel pour venir en aide aux agents des douanes et aux administrateurs du tunnel.

Ces policiers sont payés directement par la Windsor-Detroit Tunnel Corporation et utilisent les auto-patrouilles du Service de police de Windsor. Il y a aussi des policiers qui travaillent à salaire ou à contrat au Bureau d'immigration de Windsor de nuit, la fin de semaine. Ils y sont affectés pendant leurs heures de repos et sont alors payés directement par Immigration Canada.

Je peux vous dire que la population serait scandalisée d'apprendre qu'on laisse circuler dans les rues de Windsor des personnes soupçonnées de conduire avec facultés affaiblies. Je ne critique pas les douaniers qui n'ont pas le pouvoir de les arrêter, mais il est rassurant de savoir que cette lacune dans l'application de la loi va bientôt être corrigée.

Est-il dangereux de travailler aux postes frontaliers canadiens? Les douaniers ont-ils besoin de plus de formation pour exercer les nouveaux pouvoirs qui leur seront conférés?

On dit qu'une image vaut mille mots. Permettez-moi alors de répondre à ces deux questions en vous montrant une photo prise par un journaliste du Windsor Star au moment où un agent de police de Windsor procédait à une arrestation au pont Ambassador. L'individu, qu'on croyait armé, essayait d'entrer au Canada caché dans le coffre arrière d'une voiture.

Oui c'est dangereux. Oui, les douaniers devront recevoir une formation pour remplir leur nouveau mandat.

J'aimerais formuler certaines réflexions sur la formation.

J'ai eu l'occasion de lire les mémoires soumis à votre comité par des représentants du ministère du Revenu et de l'Union Douanes Accise. J'ai pu constater que les deux groupes reconnaissent que la formation est nécessaire. Pour eux, une formation de deux semaines suffirait à préparer les inspecteurs des douanes à l'exercice de leurs nouvelles fonctions. Je me suis permis de discuter de la question avec les responsables de notre service de formation qui jugent effectivement que ce serait suffisant.

Dans le cadre d'une entente de partenariat entre notre service de police et le collège St. Clair de Windsor, notre centre de formation, dont je suis très fier, est installé sur le campus du collège où il profite des installations et de l'expertise de cet établissement d'enseignement. J'estime que nous pouvons fournir localement la formation dont les douaniers ont besoin pour s'acquitter de leurs nouvelles fonctions. J'ai d'ailleurs écrit aux responsables de Revenu Canada, à Windsor, pour les rencontrer à ce sujet. C'est une occasion pour le Service de police de Windsor de fournir une formation à nos nouveaux partenaires dans la prévention du crime.

Pour exercer leurs nouvelles fonctions, les douaniers devraient être équipés de gaz poivré et de matraques parce que les risques d'altercations avec les personnes arrêtées seront accrus. Cela exigera une formation. Nos policiers doivent suivre une formation d'appoint sur l'usage de la force une fois par année.

En Ontario, la Loi sur les services policiers oblige les policiers qui emploient la force quelle qu'elle soit à remplir un formulaire à cet effet. Cette mesure nous permet d'évaluer la façon dont nos policiers agissent quand ils arrêtent des personnes violentes. Je proposerais qu'une mesure semblable soit adoptée par le Service des douanes pour l'évaluation et le contrôle des nouveaux pouvoirs conférés à leurs agents.

Je sais qu'à Windsor, les agents de Douanes Canada remplissent un formulaire quand ils utilisent des menottes. C'est en quelque sorte la même chose.

Il faudrait également donner une formation sur l'utilisation de l'alcootest routier. Cet appareil n'est pas obligatoire mais il est accessible. Dans la majorité des cas, les douaniers pourront juger par eux-mêmes de la sobriété des conducteurs.

Les douaniers devraient recevoir une nouvelle formation sur la présentation et la conservation des preuves parce qu'ils auront peut-être à témoigner plus souvent qu'avant devant les tribunaux.

Le délai d'intervention est un autre problème qui a semblé soulever des inquiétudes d'après les exposés présentés à votre comité. Je peux vous assurer que la ville de Windsor traite en priorité les incidents impliquant des personnes en détention. Nous sommes heureux de pouvoir travailler avec le Service des douanes pour limiter la menace que représentent les conducteurs en état d'ébriété. Nous entretenons déjà des liens étroits avec Douanes Canada et je ne vois pas pourquoi cela changerait.

Cette mesure va-t-elle accroître le travail de nos policiers? Oui, bien sûr, mais j'aime mieux que nos policiers prennent le temps d'aller arrêter un conducteur avec facultés affaiblies aux passages frontaliers que de les voir se rendre sur les lieux d'un accident mortel ailleurs dans la ville, accident qu'on aurait pu prévenir en adoptant ce projet de loi.

Le Service de police de Windsor a à coeur la sécurité de nos citoyens. Nous nous efforçons de réduire le crime et nous nous faisons un devoir de travailler avec nos partenaires pour assurer la sécurité de la population.

J'approuve le projet de loi et j'attends avec impatience son adoption.

Je serais heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

La présidente: J'aimerais apporter certaines précisions au sujet de la photo que vous avez fait circuler, et que tous les membres du comité ont vue, photo qui montre un policier de Windsor qui tient un suspect dans le coffre arrière d'une voiture et pointe son arme sur lui.

M. Dagley: Oui. C'est un véhicule portant une plaque d'immatriculation du Michigan.

Le sénateur Bryden: Vous avez parlé d'équiper les agents de gaz poivré et de matraques.

M. Dagley: Oui.

Le sénateur Bryden: Vous ne recommanderiez pas qu'ils puissent porter des armes à feu?

M. Dagley: Non pas du tout. J'ai lu que le comité avait parlé d'étudier la question qui ne l'a pas été depuis 1980. Je ne recommande pas que les agents soient armés. C'est à d'autres que moi d'en décider.

Une fois que les nouveaux pouvoirs auront été conférés, je suis sûr qu'on surveillera la situation de près. On révisera peut-être nos positions après un an, mais pour l'instant ce n'est pas ce que je recommande.

Le sénateur Bryden: Le gaz poivré est un moyen de défense à tout le moins.

M. Dagley: Qui est tout à fait nécessaire, oui.

Le sénateur Bryden: J'imagine que la plupart des échanges se feront d'assez près.

M. Dagley: Oui. Je sais que les douaniers ont accès à des menottes, mais je pense que chacun d'entre eux devraient en avoir.

Les douaniers risqueront plus souvent de se retrouver dans des situations dangereuses après l'adoption du projet de loi. S'ils essaient d'arrêter un conducteur avec facultés affaiblies dans une voiture où se trouvent trois ou quatre passagers en état d'ébriété, quelqu'un pourrait réagir. Je pense que ça arrive.

Ils pourraient aussi être équipés -- et je ne sais pas si beaucoup d'entre eux le sont déjà -- d'un gilet pare-balles. Ces gilets sont très utiles pour se protéger des balles, mais aussi des coups de couteau, de verre cassé et d'autres armes. On devrait aussi envisager d'en fournir.

Le sénateur Bryden: Diriez-vous que dans une situation difficile, le meilleur moyen de défense de vos forces policières est le temps d'intervention?

M. Dagley: Oui.

Le sénateur Bryden: Quel est habituellement votre délai d'intervention?

M. Dagley: Normalement, nous répondons très rapidement aux appels. Le tunnel se trouve seulement à deux coins de rue du poste de police. Beaucoup d'agents de la paix sont affectés au centre-ville, surtout entre 9 heures le soir et 3 heures le matin, période plus critique.

Le délai d'intervention est bon. Il est probablement plus court qu'au pont Ambassador, mais il est aussi assez bon à cet endroit.

Pour la conduite avec facultés affaiblies, Windsor compte actuellement 14 techniciens à l'alcootest. Nous ne pourrions probablement jamais avoir plus de quatre d'entre eux sur la route à la fois, et quatre est peut-être même beaucoup.

Quand un de ces spécialistes doit se rendre sur les lieux d'une arrestation, il en a pour environ une heure et demie. Si j'ai bien compris les nouveaux pouvoirs qui seraient conférés, les douaniers pourraient détenir une personne soupçonnée de conduite avec facultés affaiblies en attendant qu'un policier de la ville soit dépêché sur les lieux pour prendre la relève et soumettre le conducteur à l'alcootest.

Je ne sais pas dans quelle mesure notre charge de travail augmentera. Je pense que nous serons très occupés après l'adoption du projet de loi, jusqu'à ce que les Américains se rendent compte qu'ils vont se faire arrêter s'ils traversent la frontière en état d'ébriété.

Si, après un certain temps, le projet de loi continue d'entraîner un trop gros surcroît de travail pour le Service de police de Windsor, ou les autres services policiers du Canada, on pourrait peut-être autoriser les douaniers à faire subir l'alcootest ou encore augmenter le nombre de policiers aux postes de douanes. Il faudrait ensuite déterminer qui paierait le service bien sûr.

Le sénateur Bryden: J'en suis bien conscient. Je me préoccupe de la sécurité des agents de la paix dans ces circonstances. Ce n'est pas tant les conducteurs aux facultés affaiblies qui représentent un danger que les personnes qui font l'objet d'un mandat d'arrestation ou celles qui essaient de faire traverser la frontière illégalement à des enfants. Les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrestation, en particulier, peuvent être armées et dangereuses.

À votre avis, les douaniers devraient-ils essayer de détenir ces personnes ou simplement les identifier et peut-être essayer de les retenir jusqu'à l'arrivée des policiers. Je peux imaginer des situations très délicates comme celle du suspect dans le coffre arrière de la voiture.

M. Dagley: J'imagine qu'ils vont tout mettre en oeuvre pour les détenir dans l'espoir que les policiers vont arriver rapidement.

L'incident dont la photo fait état aurait pu être très pénible. La voiture avait déjà traversé la frontière plusieurs fois et le Service des douanes la surveillait. Quand la voiture est arrivée, le douanier a indiqué au conducteur qu'il devait subir une deuxième inspection et, pour une raison quelconque, le conducteur lui a fait comprendre qu'une personne se trouvait dans le coffre arrière et qu'il pensait qu'elle avait une arme. Nous sommes arrivés très rapidement et le conducteur a en quelque sorte collaboré. Il n'allait pas s'enfuir dans ces circonstances.

La personne cachée dans le coffre de la voiture n'avait finalement pas d'arme à feu.

Je pense que les douaniers, investis de leurs nouveaux pouvoirs, essaieraient de détenir une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrestation jusqu'à ce que nous arrivions.

Ce n'est pas à moi de dire s'il devrait y avoir des agents armés à la frontière.

Le sénateur Bryden: Ce n'est pas ce que je préconise. Les risques augmentent de façon exponentielle quand les gens sont armés.

M. Dagley: Il est certain que les risques vont augmenter pour les douaniers, mais nous devons leur donner les outils nécessaires et la formation pertinente.

Le sénateur Bryden: Ne faudra-t-il pas faire preuve de jugement dans presque tous les cas? Le douanier doit apprendre à déterminer s'il peut essayer de détenir une personne ou s'il doit demander de l'aide parce que la situation est trop dangereuse.

M. Dagley: Ça peut dépendre de la personne. La plupart des douaniers sont très consciencieux et je pense qu'ils vont essayer de détenir ce genre d'individu. Je ne peux pas croire qu'ils laisseraient partir quelqu'un quand ils savent qu'il fait l'objet d'un mandat d'arrestation, conduit une auto volée ou a commis une infraction quelconque.

Le sénateur Gigantès: Des douaniers qui ont comparu devant nous ont décrit les armes que les douaniers américains possèdent. Ça semblait très impressionnant. Si vous détenez quelqu'un qui est recherché, qu'on dit armé et dangereux, est-ce qu'un gilet pare-balles, du gaz poivré et une matraque suffisent? L'équipement dont disposent les douaniers est-il suffisant si le suspect commence à tirer sur eux?

M. Dagley: Non, pas s'il commence à tirer. Mais si les douaniers sont au courant de la situation, ils doivent réagir, maîtriser l'assaillant et lui passer les menottes. Ils peuvent aussi utiliser du gaz poivré.

Si un avis de signalement existe au sujet du véhicule et que le suspect est armé et dangereux, j'espère qu'il y aura un mécanisme en place. En fait, je sais qu'il y en a un parce que la police va se rendre sur les lieux rapidement. Les douaniers vont tout essayer pour retenir cette personne, peut-être même sans éveiller ses soupçons. Ils peuvent peut-être simplement lui demander de se ranger sur le côté un instant.

Le sénateur Gigantès: Vous ne recommandez pas que les douaniers soient armés.

M. Dagley: Personnellement non.

Le sénateur Gigantès: C'est un point de vue britannique que j'approuve. C'est une attitude beaucoup plus britannique qu'américaine.

M. Dagley: Peut-être mais, après avoir passé 37 ans dans la police, je trouve qu'il y a déjà assez d'armes à feu en circulation.

Le sénateur Gigantès: Je suis heureux de vous l'entendre dire.

M. Dagley: Je sais que les douaniers pourraient agir avec autant de compétence que les policiers s'ils étaient armés, mais cela ne fait qu'augmenter les armes en circulation.

Non, je ne le recommande pas, mais c'est mon opinion personnelle.

Le sénateur Gigantès: Votre opinion s'appuie sur une vaste expérience.

Pour ce qui est de la formation, certains représentants du syndicat des douaniers ne trouvaient pas suffisante une formation de deux semaines. Ils estimaient nécessaire qu'elle soit plus longue pour que les douaniers soient en mesure de s'acquitter de leurs nouvelles fonctions en toute sécurité.

M. Dagley: Je me suis informé auprès des responsables de notre service de formation, qui sont d'avis que deux semaines suffiraient pour enseigner ce qu'il faut savoir sur l'usage de la force, les pouvoirs d'arrestation et ce genre de choses.

Les douaniers reçoivent déjà une bonne formation. Ils sont déjà au courant d'un tas de choses, ce n'est rien de nouveau pour eux.

Le sénateur Gigantès: Pour s'acquitter de fonctions de cette nature, faut-il avoir une certaine forme physique?

M. Dagley: Dans le cas des policiers, oui. Pour les douaniers, je ne peux vous répondre.

Le sénateur Gigantès: Si les douaniers commencent à exercer de nouvelles fonctions, qui s'apparentent plus à des fonctions de policier qu'à des fonctions de douanier, ne devront-ils aussi être en bonne forme physique?

M. Dagley: Ce serait sûrement utile, mais ce n'est pas une nécessité. Il est important qu'il y ait de l'aide possible à proximité.

La présidente: J'aimerais revenir sur la question de l'arrestation par des inspecteurs des douanes d'une personne soupçonnée d'être armée. J'imagine que les policiers qui agissent seuls ont régulièrement le même genre de décision à prendre. On pourrait sûrement former les douaniers sur les risques qu'ils peuvent prendre.

M. Dagley: Votre remarque est très pertinente. Nos policiers reçoivent une formation ou des instructions sur la façon d'agir dans ces circonstances, surtout quand ils sont seuls, pour se faire aider à arrêter un véhicule ou à encercler un individu. Même deux policiers dans une auto-patrouille ne vont probablement pas demander à une personne d'arrêter s'ils savent qu'elle est armée. Ils vont la garder à vue et demander de l'aide pour pouvoir intercepter le véhicule ou la personne et l'arrêter. Les douaniers pourraient peut-être faire la même chose.

Comme je l'ai dit, les agents des douanes peuvent être très habiles quand il s'agit de retenir des gens sans éveiller leurs soupçons jusqu'à l'arrivée de l'aide. Je suis sûr qu'ils deviendront encore meilleurs.

Le sénateur Lewis: Ce changement à la loi nécessitera beaucoup de coopération entre Douanes Canada et les forces policières.

M. Dagley: Oui.

Le sénateur Lewis: Dans votre cas, il s'agit d'une grande ville. Beaucoup de gens traversent la frontière. Vous êtes bien organisés. Cependant, dans de petites places comme de petits ports d'entrée, entrevoyez-vous des problèmes avec les agents des douanes?

M. Dagley: Je ne vois pas de problème pour ce qui est de la coopération. J'ai franchi la frontière américaine pour entrer au Canada à un poste-frontière en Saskatchewan. Un agent y travaillait et l'endroit était plutôt isolé. Le problème, dans ces situations, est le temps de réaction, parce que l'agent de police le plus près peut se trouver à 100 milles de distance; à Windsor, la police ne peut être qu'à 100 verges. C'est la différence

Le sénateur Lewis: Cela me préoccupe. J'aurais peut-être dû regarder ce projet de loi plus attentivement. Cependant, au fur et à mesure que je lis ces amendements, je me dis qu'il se pourrait qu'il existe un délai entre le moment où l'agent des douanes met la personne sous garde et celui où la personne détenue est arrêtée. D'un point de vue technique, je me demande de quelle façon les droits de ces gens pourraient être lésés. Ils sont arrêtés et mis sous garde pendant une assez longue période sans que des accusations ne soient en fait portées contre eux ni sans être avertis de faire attention à ce qu'ils pourraient dire. Cela me laisse perplexe.

M. Dagley: J'ai des idées là-dessus, mais je ne peux que parler de ce qui se passerait à Windsor.

Quand une personne en état d'arrestation est remise à un agent de police par les inspecteurs des douanes, cette personne doit comparaître devant un juge dans les 24 heures. Dans un endroit comme Windsor, cela ne pose pas de problème.

Dans le cas d'une personne arrêtée pour conduite en état d'ébriété, il faut agir rapidement parce que l'alcootest doit être administré dans les deux heures.

Le sénateur Lewis: Malheureusement, l'effet de l'alcool disparaît.

M. Dagley: C'est ainsi qu'est libellée la loi.

Je parlerai à nouveau de la Saskatchewan. Si un agent des douanes y détient une personne pour conduite en état d'ébriété, je ne peux dire combien de temps il s'écoulera avant que de l'aide n'arrive. Je ne le sais pas. Cependant, dans une grande ville comme la nôtre où il existe un point de passage frontalier, nous serons rapidement sur place. Je ne peux que parler pour Windsor. Nous sommes heureux de cette initiative ici à Windsor.

Le sénateur Lewis: Votre service a-t-il participé à des consultations au sujet de la préparation de ce projet de loi ou de sa planification?

M. Dagley: Non. Personnellement, j'ai contacté quelques personnes de mon niveau aux Douanes à Windsor avec qui je traite fréquemment et de qui j'ai obtenu certaines statistiques. Je peux vous dire qu'ils sont en faveur du projet de loi.

Le sénateur Lewis: Et l'Association des chefs de police et les associations de policiers?

M. Dagley: Je suis certain que l'Association des chefs de police de la province de l'Ontario l'appuierait de même que l'Association canadienne des chefs de police. Je ne peux pas parler pour l'Association canadienne de la police ou l'Association de la police de l'Ontario. Je ne sais pas quelle serait leur position, par exemple, sur la question des armes à feu. Elles voudraient peut-être que les agents des douanes soient armés. Je ne peux pas dire parce que je ne les ai pas consultées à ce sujet.

Le sénateur Lewis: Je ne voulais pas tant savoir si elles étaient en faveur du projet de loi que s'il y avait eu des consultations entre le ministère de la Justice, qui, je le présume, a rédigé le projet de loi, et les associations de policiers.

M. Dagley: Je ne sais pas, sénateur.

La présidente: Je crois que c'est l'Association des chefs de police qui a proposé votre nom comme témoin et je crois comprendre qu'elle est en faveur du projet de loi.

Le sénateur Lewis: Je ne pensais pas tant en termes d'appui qu'en termes de consultation.

Le sénateur Cogger: J'essaie de voir quel effet aura l'adoption du projet de loi, à supposer qu'elle ait lieu. Vous nous avez dits par exemple, que les forces policières de la ville de Windsor répondent à environ 600 appels par année.

M. Dagley: Oui.

Le sénateur Cogger: À supposer que le projet de loi soit adopté, il y aura, je présume, 600 appels de moins.

M. Dagley: Ce pourrait être 600 appels de plus.

Le sénateur Cogger: Je ne comprends pas. Y aurait-il davantage d'automobilistes?

M. Dagley: Les agents des douanes arrêteront plus de gens qu'à l'heure actuelle et ils devront les remettre aux mains des agents de police. Quand ils feront appel à nous, ce ne sera pas nécessairement pour aller chercher des gens qui ont été arrêtés. Il pourrait s'agir de toutes sortes d'appels. Il arrive des accidents d'automobile sur le pont et dans le tunnel. Nous avons des personnes en état d'ébriété, des désordres publics. Nous sommes appelés par les agents des douanes quand de la drogue ou des armes sont trouvées. Il y a beaucoup de choses. Outre ces appels, je pense que nous devrons nous y rendre plus souvent qu'à l'heure actuelle.

Le sénateur Cogger: Vous faites partie de la police depuis une trentaine d'années.

M. Dagley: Oui.

Le sénateur Cogger: Nous avons ici un projet de loi qui accorderait à un agent désigné des douanes certains pouvoirs liés à une infraction criminelle relevant de n'importe quelle loi fédérale. C'est très vaste. Nous allons créer instantanément un groupe de policiers qui n'auront que deux semaines de formation.

M. Dagley: Ils ne disposeront pas de pouvoirs aussi grands que ceux accordés aux agents de police. Si je comprends bien cette proposition, elle leur permettra de détenir sous garde des gens à la frontière. Elle ne permettra pas aux agents des douanes de mener des enquêtes de suivi dans tout le Canada.

Le sénateur Cogger: Je comprends cela, monsieur. Je comprends qu'aux termes du droit criminel, par exemple, les premières mesures prises par les autorités relativement à un suspect ou à un criminel sont de la plus haute importance et qu'on laisse tomber plus d'une accusation parce que les droits de l'individu ont été bafoués dès le moment où la personne a été appréhendée. C'est un champ d'activités très délicat. J'ai entendu parler de deux semaines de formation.

M. Dagley: Deux semaines pour le recyclage. Cependant, cela ne concernera que les cas où il y a usage de la force, quand il s'agira d'apprendre comment administrer l'alcootest routier et comment faire fonctionner un de ces...

Le sénateur Cogger: Excusez-moi, monsieur, mais savez-vous quel genre de formation ont les agents des douanes en matière de droit criminel, de Charte des droits, de fouilles, de perquisitions et de saisies, ce genre de choses?

M. Dagley: Je pense que la formation est donnée conformément à la Loi sur les douanes et au Code criminel dans la mesure où il existe des motifs raisonnables d'agir. Ils ont déjà le pouvoir d'arrêter des gens dans certaines circonstances comme la contrebande et la saisie de véhicules. De la façon dont je vois les choses, il ne s'agit que d'étendre ce pouvoir d'arrestation pour y inclure des choses comme la conduite en état d'ébriété et le rapt d'enfants.

Le sénateur Cogger: Le paragraphe 163.5(4) proposé se lit comme suit:

L'agent des douanes désigné ne peut recourir à ses pouvoirs d'application de la présente loi uniquement pour rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à une autre loi fédérale.

Pouvez-vous m'expliquer comment cela va fonctionner? Supposons qu'un agent des douanes qui fouille pour trouver une arme tombe sur du hachisch. Se dira-t-il qu'il n'a pas le droit d'intervenir? Comment contourner ce problème?

M. Dagley: Je ne pense pas que cette mesure ait pour objet de permettre aux agents des douanes d'entreprendre des fouilles seulement parce qu'ils n'aiment pas l'allure de la personne qui se trouve dans le véhicule.

Le sénateur Cogger: Sauf votre respect, monsieur, n'est-ce pas ce qu'ils font? Je ne vis pas très loin de la frontière américaine et il n'y a pas très longtemps, j'ai passé la douane un samedi avec un compagnon. Pour une raison que je ne connais pas -- et ils n'ont pas à donner de raison à quiconque -- les agents ont fouillé toute la voiture. Je ne conduisais pas. Après avoir regardé partout, ils nous ont dit que nous pouvions partir. Ils n'ont pas à nous dire pourquoi ils effectuent une fouille et nous ne pouvons nous y opposer. Ne leur permet-on pas d'entreprendre de telles fouilles à l'aveuglette?

M. Dagley: Je ne saurais dire. D'après mon expérience personnelle, je n'ai jamais eu connaissance de cas où on aurait entrepris des fouilles à l'aveuglette.

Le sénateur Cogger: Cet article semble difficile à appliquer. Je crois qu'il est soit inutile ou qu'il sera à l'origine de gros problèmes. Si des agents trouvent du hachisch dans mon auto pendant qu'ils effectuent une fouille à l'aveuglette, comment vont-ils expliquer cela?

M. Dagley: Ça se réglera en cour. C'est pourquoi j'ai dit que la formation concerne la préservation d'éléments de preuve et le témoignage en cour. Il ne doit pas y avoir abus de pouvoir et je ne pense pas qu'il y en aura.

Le sénateur Cogger: Je comprends cela. Cependant, à première vue, on ferait peut-être mieux de supprimer tout cet article. D'après mon expérience, les agents des douanes procèdent à des fouilles à l'aveuglette. Ils demandent aux gens d'ouvrir leurs sacs et nous ne savons pas pourquoi. Si nous leur demandions s'ils nous soupçonnent de quelque chose, ils pourraient se contenter de nous dire qu'ils veulent voir tout ce qu'il y a à l'intérieur.

Le sénateur Gigantès: Ils le font en vertu du droit de fouille que leur confère la Loi sur les douanes.

Le sénateur Cogger: Oui. Je crois qu'ils ont tous ces droits aux termes de l'article 4 et que dans son libellé actuel, le paragraphe (4) proposé pourrait y faire obstacle.

La présidente: Sénateur Cogger, des fonctionnaires de Douanes et Revenu comparaîtront du nouveau devant ce comité le 1er avril. Vous pourriez peut-être leur adresser ces questions.

Le sénateur Cogger: Merci.

Le week-end dernier, le Globe and Mail a publié une série d'articles sur les méthodes musclées utilisées par les douaniers américains. Avez-vous lu l'article relatant comment ils peuvent interdire à des gens d'entrer au pays pendant cinq ans?

M. Dagley: Je n'ai pas lu cet article, bien que j'aie vu quelque chose de semblable dans le Toronto Star aujourd'hui. Il existe des différences. Les autorités américaines sont armées à la frontière.

Le sénateur Cogger: Elles sont armées?

M. Dagley: Elles sont armées au poste-frontière de Détroit. Je ne sais pas s'il s'agit d'agents des douanes ou d'agents d'immigration. Je crois que ce sont les agents d'immigration qui sont armés. Il y a une différence.

J'ai traversé cette frontière à de nombreuses reprises, et je peux vous dire que les agents des douanes du côté canadien sont de véritables professionnels. La plupart de ceux qui se trouvent du côté américain le sont également. J'appuie nos gens. Je crois qu'ils sont plus amicaux. S'il y a abus du pouvoir à la frontière, ce n'est pas le fait des autorités canadiennes.

Le sénateur Cogger: Les articles dans le Globe and Mail parlaient d'une attitude cavalière de la part des douaniers américains.

M. Dagley: Quand j'ai lu cela, je me suis demandé de quelle frontière ils parlaient. À Windsor, nous n'entendons pas parler de fonctionnaires américains qui ont arrêté des Canadiens sans aucune raison et ont saisi leurs autos sans aucune raison. Si cela arrive, nous n'en entendons pas parler.

Le sénateur Gigantès: Pour faire suite à ce qu'a dit le sénateur Cogger, le paragraphe 163.5(1) proposé se lit comme suit:

Dans le cadre de l'exercice normal de ses attributions à un bureau de douane, l'agent des douanes désigné, en plus des pouvoirs conférés aux agents des douanes pour l'application de la présente loi, a les pouvoirs et obligations que les articles 495 à 497 du Code criminel [...]

Donc, un agent a le droit, plus ou moins, de procéder à une fouille à l'aveuglette. On dit «toute autre loi fédérale».

Aux termes du paragraphe (4) proposé, il est dit:

L'agent des douanes désigné ne peut recourir à ses pouvoirs d'application de la présente loi uniquement pour rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à une autre loi fédérale.

Le paragraphe 163.5(1) proposé dit qu'il a le droit de chercher s'il y a infraction à toute autre loi fédérale et le paragraphe (4) dit le contraire. Ai-je tort?

La présidente: Dans un témoignage précédent devant ce comité, Mme Tracey du ministère a déclaré:

À l'heure actuelle, les agents des douanes ont le pouvoir de procéder à une fouille sans mandat. Seuls les agents des douanes ont ce pouvoir à cause de la nature de leur travail. La raison d'être de cette disposition est de les empêcher de se servir des pouvoirs extraordinaires qui leur ont été conférés pour assurer la sécurité à la frontière pour rechercher des éléments de preuve d'infractions relevant du Code criminel [...]

Bien sûr, le Code criminel contient des critères plus sévères en matière de fouille.

Les policiers d'Ottawa ou de Toronto n'ont pas de pouvoirs comparables à ceux qui sont conférés aux agents des douanes à la frontière pour procéder à une fouille. Le but de cette disposition est de faire en sorte que les agents des douanes n'utilisent pas ces pouvoirs extraordinaires pour étendre leur recherche d'éléments de preuve à des infractions relevant du Code criminel.

J'espère que ces éclaircissements vous seront utiles.

Le sénateur Gigantès: Madame la présidente, sauf le respect que je dois à notre témoin, ce dont il parle est l'esprit de cette mesure. Ce dont le sénateur Cogger et moi-même parlons est la lettre, et celle-ci ne semble pas concorder. On ne peut pas accorder à quelqu'un le pouvoir de faire un tas de choses, pour ensuite le lui dire: «Mais ne le faites pas.» Il est difficile de d'y retrouver.

Le sénateur Pépin: Je remarque qu'il est dit dans la version française qu'ils ont le pouvoir de détenir et d'arrêter des personnes.

[Français]

Il est écrit dans le document d'information émis par Revenu Canada.

Les agents des douanes ont actuellement le pouvoir de détenir et d'arrêter des personnes pour des infractions à la Loi sur les douanes, comme la contrebande. Ils sont autorisés à effectuer des fouilles à la recherche de drogues illicites, d'armes à feu, de produits du tabac et de boissons alcoolisées de contrebande ainsi que de matériel prohibé, comme la pornographie enfantine. Ils peuvent en outre saisir tous ces articles.

Ils peuvent fouiller comme ils le veulent, ils ont le droit.

Le sénateur Cogger: Si vous lisez le projet de loi, il est à se demander ce que signifie par contre l'alinéa 4.

Le sénateur Gigantes: En français il est dit ceci:

[...] confèrent à un agent de la paix à l'égard d'une infraction criminelle à toute autre loi fédérale; les paragraphes 495(3) et 497(3) du Code criminel [...]

Est-ce que cela est restrictif pour seulement les choses mentionnées...

[Traduction]

Est-ce limité aux infractions prévues au paragraphe 495(3) et à l'article 497, à l'exclusion des autres? Est-ce cela dont il s'agit ici? Je ne m'y retrouve plus et je pense que ce pourrait être le cas également des avocats. Ils ont déjà de la difficulté à s'y retrouver à cause du jargon qu'ils emploient sans cesse.

La présidente: Les pouvoirs et les obligations d'un agent de la paix aux termes des articles 495 à 497 du Code criminel et des paragraphes de la loi en question que vous venez de citer s'appliquent à l'agent désigné comme s'il était un agent de la paix.

Le sénateur Gigantès: Ce que je veux savoir, c'est si les paragraphes 495(3) et 497(3) sont indiqués dans cette disposition en tant que restriction qui ne s'applique qu'à ces cas plutôt qu'à tous les cas prévus aux articles 495 et 497.

Mary Hurley, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement: Sénateur Gigantès, il est possible selon moi de diviser cet article en deux. La première partie énonce les pouvoirs d'application supplémentaires. La seconde partie, sur laquelle portent vos questions, précise que les paragraphes 495(3) et 497(3) de cette loi sont applicables à l'agent désigné comme s'il était un agent de la paix. Le paragraphe 495(3) stipule qu'un agent de la paix agissant aux termes du paragraphe 495(1) -- qui correspond à la première partie de la disposition -- est censé agir légalement et dans l'exercice de ses fonctions aux fins de toutes procédures engagées en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale. Le paragraphe 497(3) contient des dispositions semblables. Ni l'un ni l'autre de ces articles ne confère des pouvoirs importants. Ce sont plutôt des dispositions précisant que l'agent désigné est réputé agir légalement.

Le sénateur Gigantès: Dans ce cas, le sénateur Cogger avait raison. Que signifie le paragraphe 4?

Le sénateur Cogger: Revenons aux choses que vous nous avez lues. La loi confère aux agents des douanes des pouvoirs spéciaux, moins assujettis à des restrictions pour les fouilles et les saisies à cause de la nature particulière de leur travail. Dans la mesure où ils sont là pour protéger le territoire et où ils s'en tiennent à cela, nous leur conférons des pouvoirs spéciaux, et ils sont moins assujettis à des restrictions dans l'exercice de ces pouvoirs que les autres agents de la paix. Voilà ce qu'il faut comprendre des faits qui nous sont présentés.

Puis ensuite on dit que l'agent des douanes possédera en outre les pouvoirs d'un policier ordinaire pour ce qui est de toute autre infraction criminelle au Canada. En d'autres mots, nous en ferons de super policiers dotés de pouvoirs de fouille et de saisie pour leur rôle de douaniers qui sont moins assujettis à des restrictions.

Le sénateur Gigantès: Ce sont des pouvoirs qu'on leur donne en plus.

La présidente: Voici un point intéressant à soulever lorsque les représentants du ministère viendront témoigner.

Le sénateur Lewis: Mes observations découlent de ce que le sénateur Cogger a dit. Ce n'est peut-être pas une question pour M. Dagley, mais c'est quelque chose que nous devrions tirer au clair.

Il y a une réserve dans ce projet de loi aux paragraphes 163.5(1) et (2) qui confèrent à un agent des douanes désigné les pouvoirs ordinaires d'un policier. En effet, il y est question d'un agent désigné qui se trouve à un bureau de douane dans le cadre de l'exercice normal de ses attributions. En d'autres mots, l'agent des douanes disposera des mêmes pouvoirs et des mêmes obligations qu'un agent de la paix pendant qu'il se trouve au bureau de douane, mais dès qu'il quitte ce bureau, il cesse d'exercer les attributions d'un agent des douanes. Une fois qu'il a terminé son travail et qu'il a quitté le bureau de douane, il cesse d'avoir ces pouvoirs. S'il est témoin d'un crime en se rendant à la maison, il n'a pas les pouvoirs lui permettant d'intervenir. Ces pouvoirs ne s'appliquent que lorsqu'il se trouve au bureau de douane et qu'il s'acquitte de ses tâches courantes en tant qu'agent des douanes.

Le sénateur Gigantès: Relisez le paragraphe 4.

Le sénateur Lewis: Ce sont des agents désignés. À un moment donné leur travail au bureau de douane cesse.

Le sénateur Gigantès: Nous parlons d'autre chose ici. Il faut supposer qu'un agent des douanes ne recourra peut-être pas à de tels pouvoirs même lorsqu'il est au travail. Si le paragraphe (1) lui confère déjà le pouvoir de rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à toute loi fédérale, où est la logique? Comment peut-on dire ensuite au paragraphe 4 qu'il ne doit pas rechercher «autre chose»? Quelle autre chose?

La première disposition lui confère le pouvoir de rechercher des éléments de preuves d'infraction criminelle à toute loi fédérale.

Le sous-ministre et deux sous-ministres adjoints viendront nous donner trois interprétations différentes.

Le sénateur Cogger: Sénateur Gigantès, voilà qui est étrange. Dans la version anglaise, les dispositions que vous venez de décrire semblent viser un agent désigné qui se trouve dans un bureau de douane. La personne doit être là physiquement.

Lisez la version française. Il y est dit:

[Français]

[...] dans le cadre de l'exercice normal de ses attributions à un bureau de douane...[...]

[Traduction]

Il semble être question dans la version française de pouvoirs qui s'ajoutent à ceux qui sont liés à l'exercice d'attributions à un bureau de douane. Il n'y est pas dit que l'agent des douanes cesse de posséder ces pouvoirs dès qu'il quitte le bureau. Je ne sais trop.

Mme Hurley: Selon vous, le paragraphe (1) confère à l'agent des douanes le pouvoir de rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à toute autre loi fédérale. Ce n'est pas l'interprétation, que je donne à cette disposition, sénateur. Selon mon interprétation l'agent, en plus de posséder des pouvoirs lui permettant de rechercher des éléments de preuve de contrebande en violation de la Loi sur les douanes, possède également les pouvoirs prévus aux articles 495 et 497. Ces articles ne visent pas à conférer des pouvoirs permettant de rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à toute loi fédérale. Quelqu'un a déjà mentionné tout à l'heure que dans le Code criminel, les critères applicables à la fouille et à la saisie sont plus sévères que ceux que prévoit la Loi sur les douanes. Mon interprétation n'est pas la même que la vôtre, sénateur Gigantès.

Le sénateur Gigantès: Vous avez sans doute raison. Ce n'est pas ce que la version anglaise dit.

La présidente: Pourrions-nous passer à autre chose et permettre au sénateur Pépin de poser sa question?

Le sénateur Pépin: Vous dites que vous avez 35 ans d'expérience en tant que policier. Peut-être que vous n'étiez pas toujours à Windsor.

M. Dagley: J'ai passé 30 ans à Windsor.

Le sénateur Pépin: En parlant des petits bureaux de douane, vous disiez que le problème tenait au fait que les policiers doivent mettre du temps pour s'y rendre. D'autres problèmes pourraient se présenter également.

Vous avez toujours travaillé dans une grande ville, mais dans les cas où il y a un agent à ce bureau, cette personne doit être désignée. Il faut qu'il y ait deux personnes. Je ne vois pas comment une personne seule pourrait procéder à l'arrestation de ces gens. Qu'en pensez-vous?

M. Dagley: Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y avait pas de problème à Windsor.

Le sénateur Pépin: Avez-vous des collègues de petites localités qui se sont retrouvés dans une telle situation?

M. Dagley: Non, je ne saurais vous dire. Il est possible que la situation que j'ai vécue se présente dans le cas de policiers travaillant à l'extérieur de Windsor.

Prenons le cas de la Police provinciale de l'Ontario, par exemple. Lorsque les policiers sont seuls sur un chemin de campagne à 3 heures du matin et qu'ils voient un véhicule suspect qu'ils savent dans leur for intérieur qu'ils devraient arrêter, ils savent également qu'il y a peut-être une vingtaine de milles qui les séparent de l'aide dont ils pourraient avoir besoin. Il peut fort bien arriver dans ces circonstances qu'ils n'arrêtent pas ce véhicule. Après tout, ils sont humains. Je sais que des choses comme cela se produisent.

Je sais que cela ne se produira pas à Windsor parce qu'il ne faudra pas plus de trois ou quatre minutes pour recevoir de l'aide.

La présidente: Monsieur Dagley, vous disiez que d'après vous, à cause de ce projet de loi, on fera sans doute plus souvent appel à la police à la frontière.

M. Dagley: En effet.

La présidente: On nous a donné à entendre que ce sera peut-être le contraire parce que les gens qui conduisent avec les facultés affaiblies commenceront à se dire que chaque poste de douane est l'équivalent d'un programme RIDE et se garderont de se présenter à la frontière.

M. Dagley: C'est peut-être le cas. Lorsque cette mesure entrera en vigueur, nous serons peut-être très occupés. Toutefois, il y aura bel et bien une prise de conscience lorsque les gens commenceront à comprendre que si on se présente à la frontière avec les facultés affaiblies, on risque de se faire arrêter. Vous avez raison, il se peut fort bien que c'est ce qui se produira -- mais on verra.

C'est l'une des choses que nous devrons suivre de près. Si ce projet de loi est adopté, le service de police de Windsor va certainement consigner soigneusement tous les détails de nos interventions là-bas et de leur durée. Nous ne voyons aucune objection à nous y rendre pour arrêter des conducteurs ivres que l'on empêchera ainsi de circuler dans les rues.

La présidente: Et vos agents pourront s'occuper d'autres tâches.

M. Dagley: Si c'est le cas, nous nous en réjouirons.

La présidente: Nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui.

La séance est levée.


Haut de page