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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 50 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 10 décembre 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur le tabac, se réunit à 10 h 45 pour procéder à l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous procédons aujourd'hui à l'étude article par article du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur le tabac.

Le sénateur Bryden: Je voudrais présenter une motion.

Compte tenu des audiences d'hier, des questions approfondies et soignées des sénateurs et, sauf tout le respect que je vous dois, de celles du sénateur Kenny notamment, qui ont mis au jour beaucoup de renseignements utiles, ainsi que des déclarations très franches, complètes et bien informées et de la position du ministre de la Santé, je propose que le comité fasse rapport du projet de loi C-42 sans propositions d'amendement.

Le sénateur Kenny: Je voudrais adhérer au moins à la dernière partie de la proposition du sénateur Bryden, à savoir que le comité adopte le projet de loi sans propositions d'amendement.

La présidente: L'honorable sénateur Bryden propose que le comité soit dispensé de l'étude article par article du projet de loi C-42.

Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix: D'accord.

La présidente: Y a-t-il des sénateurs qui s'y opposent, qui s'abstiennent?

Je déclare la motion adoptée.

L'honorable sénateur Mahovlich propose donc que rapport soit fait du projet de loi C-42 sans propositions d'amendement.

Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix: D'accord.

La présidente: Y a-t-il des sénateurs qui s'y opposent, qui s'abstiennent?

Je déclare la motion adoptée.

Voilà notre travail pour ce matin.

Le sénateur Joyal: Hier soir, quand j'ai eu l'occasion d'échanger avec le ministre de la Santé, vous avez soulevé un point très important en ce qui concerne le règlement d'application du projet de loi C-71, notamment en ce qui a trait à l'article 42.1 du projet de loi C-71. J'appuie votre proposition et je me demande s'il convient que, dans le rapport que vous ferez plus tard aujourd'hui au Sénat, vous mentionniez que le ministre a pris sur lui d'étudier votre demande.

La présidente: Je ne pense pas qu'il l'ait fait, sénateur Joyal. Je suis d'avis qu'étant donné que cette partie du projet de loi C-71 n'est pas modifiée par le projet de loi en cause, nous ne pouvons pas vraiment le faire. Quant à moi, j'ai plutôt l'intention d'en parler au ministre. Je crois fermement qu'à moins que, pour des projets de loi semblables présentés au comité, le Sénat soit placé sur le même pied que la Chambre des communes quand certains de leurs éléments doivent être renvoyés à celle-ci, ces projets de loi seront dorénavant ainsi modifiés, si possible. Je ne pense pas qu'il soit possible de le faire avec celui-ci. Je ne pense pas que le ministre a pris cet engagement. Il a dit qu'il consulterait ses collègues.

Le sénateur Joyal: Exactement. Je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit. Selon ma lecture de sa déclaration, il a pris sur lui de consulter ses collègues et de revenir nous faire part de sa réponse, ni plus ni moins. J'estime que cela devrait se refléter dans le rapport. C'est une question importante et, comme vous le savez, nous avons tous des préoccupations relativement à ces règlements qui auront de sérieuses répercussions sur la mise en oeuvre de la loi.

J'estime que nous devrions avoir la possibilité de faire valoir de nouveau nos préoccupations à cet égard, même si nous n'avons pas obtenu un engagement ferme. Si vous pouviez mentionner dans votre rapport la position exacte du ministre, je vous en saurais gré. Nous devrions avoir la possibilité d'en faire état officiellement.

Le sénateur Grafstein: Vous dites, madame la présidente, que le mandat étroit du comité consiste à étudier le projet de loi C-42. Cependant, le ministre lui-même en a parlé en répondant aux questions. Nous avons écouté le point de vue du sénateur Kenny sur la question au cours des derniers mois et sommes venus à la conclusion que nous avons affaire à une série de questions législatives et de questions relatives aux orientations qui ne sont pas vraiment liées. En réponse à un certain nombre de questions, le ministre a fait allusion au fait qu'il tente de lier ensemble une série complète de mesures. Je crois que le commentaire du sénateur Joyal a trait à la façon dont seront agencées les différentes mesures législatives et politiques pour atteindre l'objectif d'intérêt public, soit l'établissement d'une politique fédérale globale.

Le ministre a en main une série d'éléments disparates qu'il doit lier. Tel est le sens de l'intervention du sénateur Kenny et telle est la démarche qui convient. Nous devons absorber les morceaux au fur et à mesure de leur arrivée. La possibilité s'ouvre à nous, puisque le ministre a répondu de cette façon, de considérer cela comme un conseil. Ce n'est pas un engagement. Si tel est le point de vue du comité, nous pouvons faire une déclaration simple, mais ferme, voulant que nous souhaitons une politique globale, qu'il y a une série de mesures et que c'est une importante mesure que nous avons entrepris d'étudier.

Le ministre a dit aussi qu'il examinerait plus attentivement toute la question de la transformation du pouvoir fédéral. Il ne l'a pas dit comme tel, mais c'est ce que je déduis de ses propos, soit qu'il examinerait de quelle manière il pourrait investir ce champ de compétence sans causer de conflit avec les provinces. Les sénateurs Nolin et Beaudoin ont également posé la question. Nous parlons de la même chose.

Nous pourrions dire que tel est l'objectif du ministre, et que le comité se penchera, à la pièce, sur les règlements qui seront mis de l'avant. Je ne doute pas que c'est ce que le sénateur Kenny a l'intention de faire, à l'instar d'autres sénateurs.

La présidente: Nous pouvons le faire dans un paragraphe.

Le sénateur Grafstein: Oui.

Le sénateur Kenny: J'aborderai les deux questions. Je suis d'accord avec le sénateur Grafstein. J'ai évidemment l'intention de m'occuper de cette question de façon continue.

Cependant, je voudrais revenir sur les propos du sénateur Joyal. J'ai fait partie d'au moins trois comités sénatoriaux qui ont reçu, de ministres, des assurances qui ne valaient pas grand-chose, pour parler franchement.

Je suis intervenu hier soir pour dire que les assurances données par un ministre ne suffisent pas. Nous voulons avoir les assurances du gouvernement et non celles du ministre. En outre, je voudrais que le comité, dont je ne suis pas membre -- je m'intéresse simplement à la question -- songe sérieusement à demander aux dirigeants du Sénat de dire aux dirigeants de l'autre endroit qu'à l'avenir nous n'étudierons plus les projets de loi qui ne sont pas rédigés afin d'accommoder les deux Chambres. Nous leur dirions: «Ne vous donnez pas la peine de nous les renvoyer parce que nous ne les étudierons pas.» Nous voudrions également obtenir réparation pour les projets de loi qui nous ont échappé. Un exemple classique serait les modifications que nous avons apportées à la Loi sur le vérificateur général en ce qui concerne les rapports en matière d'environnement.

Le vérificateur général -- et cela convient peut-être -- fait rapport à l'autre endroit des questions financières. Toutefois, sur les questions environnementales, il convient qu'il fasse rapport aux deux Chambres, mais ce n'est pas ce que prévoit la loi.

Je ne pense pas que nous devrions accepter une loi ainsi rédigée. Qui plus est, si l'autre endroit nous renvoie des projets de loi, il devrait s'attendre à ce que ceux-ci reviennent modifiés chaque fois, que ce soit à la fin de l'année, au début de l'année et au milieu de l'année.

Pour éviter cela, il n'a qu'à rédiger correctement les projets de loi pour commencer, de sorte que nous n'en ferions pas toute une histoire.

La présidente: Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur Kenny. Le comité a dernièrement fait valoir que ce genre de choses sont incluses dans les amendements proposés aux projets de loi, et, à cause de cela, nous commençons à avoir la réputation d'amender les projets de loi.

Cependant, si nous sommes pour faire des observations, que celles-ci reflètent l'évidence apparue devant le comité, de sorte que nous ne pouvons pas aller aussi loin que vous le voudriez, sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny: Ma proposition ne reflétait pas en fait les observations autant que l'expérience que j'ai acquise au sein de trois autres comités, outre celui-ci. Certains sénateurs siègent peut-être à ces autres comités et ont peut-être eu la même expérience. La proposition que je vous ai faite à vous, en tant que présidente, c'est de soulever la question en votre qualité de présidente.

La présidente: Je l'ai déjà fait.

Le sénateur Kenny: Cela ne figure pas dans un rapport. Les observations du sénateur Grafstein avaient trait à un rapport. Il vaut mieux que les propos du sénateur Joyal passent par le bureau du sénateur Graham et soient adressés à la personne avec laquelle il traite de l'autre côté. J'en ai assez et je serais heureux de renvoyer les projets de loi s'ils continuent d'être rédigés ainsi.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord sur ce qui a été dit jusqu'à maintenant, notamment par les sénateurs Joyal et Grafstein.

J'ai soulevé la question moi-même parce que je ne considère pas que la position du Parlement et, sans doute, du gouvernement, est claire et nette en droit. Ils disposent de plus de pouvoir qu'ils pensent. Le fait que cela soit devant les tribunaux à Montréal montre que nous avons raison d'ajouter un paragraphe expliquant la situation. Il y a trois problèmes: le fait que l'Assemblée nationale ait déjà légiféré; le fait qu'Ottawa puisse occuper le champ de compétence en vertu de son pouvoir en droit pénal; le fait que nous avons la question de la publicité du tabac et la Charte des droits et libertés. N'oubliez pas que la liberté d'expression comprend le discours commercial.

Je suis on ne peut plus d'accord sur ce qui a été dit. La question doit être tranchée par les ministres de la Justice et de la Santé. Il n'est pas superflu d'avoir un ou deux paragraphes traitant de la question.

Nous devons être prudents, bien sûr. Le ministre n'a pas dit qu'il le ferait. Il a dit qu'il consulterait ses collègues et qu'il se pencherait sur toute la question.

Le sénateur Bryden: Je voulais soulever une préoccupation. Cet automne, depuis la rentrée, le travail du comité a été exemplaire, à mon avis, même si j'en fais partie. J'estime qu'il s'est acquis un niveau élevé de respect à l'autre endroit parmi les ministres, voire au sein du public.

Les lois que nous avons étudiées, comme la Loi sur les juges, ont été amendées substantiellement. C'est un élément qui est passé inaperçu au sein des rédacteurs à l'autre endroit. Le comité a abattu de l'excellent travail sur ce projet de loi.

En ce qui concerne la Loi sur la production de défense, il y avait pas mal de préoccupations, mais pour qu'elle puisse aller de l'avant, on a présenté une petite modification prévoyant au moins un examen régulier de la loi. Je suppose que le ministre aurait préféré qu'elle soit adoptée telle quelle, mais il a accepté. Je pense que nous avons adopté une position très mesurée à cet égard.

Le projet de loi que nous venons tout juste d'adopter, la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques, n'a pas été amendé par nous. Toutefois, nous avons lié huit conditions très importantes à ce projet de loi selon lesquelles nous avons adopté le projet de loi à la condition que le ministère et la Chambre des communes fassent ce qui suit, soit par modification du projet de loi, soit par règlement. Cela fait trois projets de loi jusqu'à maintenant. Celui-ci est le quatrième et il modifie une importante loi qui traite de l'élaboration d'une politique d'intérêt public. Le projet de loi en tant que tel est d'une portée très étroite. Il fixe les dates et les heures ainsi que les effets de l'interdiction progressive de la commandite de compagnies de tabac. Mon problème avec le recours à un projet de loi de deux ou trois articles pour inclure dans le rapport d'autres obligations du ministre responsable, c'est que nous serons forcés de poursuivre dans cette voie. En conséquence, dès que nous aurons atteint le point où nos observations deviendront tout juste une autre série d'observations, celles-ci ne seront pas traitées avec le même respect que les premières à l'heure actuelle.

Il se peut que nous soyons un peu hors limites. Est-il possible d'inclure plutôt cela dans les observations afin de pouvoir faire rapport d'un projet de loi sans propositions d'amendement cet automne? Est-il possible de demander à la présidence du comité d'adresser une lettre au ministre pour lui dire que le comité souhaite qu'il étudie les questions suivantes. La présidence du comité pourrait dire dans la lettre que le comité voudrait avoir des nouvelles du ministre dans un délai raisonnable. Elle aurait l'occasion de faire un suivi. C'est peut-être une gentillesse qui n'a pas d'importance. Je crois fermement que le comité est en train d'acquérir beaucoup de respect. Il a toujours été respecté. Ce respect grandit, et c'est pourquoi nous attirons les meilleurs esprits au Sénat.

Le sénateur Grafstein: D'accord, vous gagnez. J'ai vacillé pendant un moment, mais vous gagnez.

Le sénateur Beaudoin: C'est très difficile d'être en désaccord.

Le sénateur Bryden: Pour ma part, je n'y tiens pas mordicus. Si vous voulez l'inclure dans le rapport, parfait. Si cela peut se faire avec satisfaction par un échange de lettres, nous serons alors passés par toute la gamme, à partir d'amendements à un projet de loi -- celui modifiant la Loi sur les juges -- qui étaient mal foutus du point de vue constitutionnel jusqu'à un amendement que nous pouvons adopter sans problèmes. Nous l'avons accepté sans propositions d'amendement, quoique à certaines conditions. De ces huit conditions, on peut dire qu'une est infime.

Nous pouvons l'accepter sans propositions d'amendement, demander à la présidente d'écrire au ministre pour lui dire que, par suite de notre réunion du 9 décembre, il nous tarde de donner suite à ces observations et aux positions que vous avez prises.

La présidente: Je vois des sénateurs hocher la tête.

Le sénateur Joyal: Madame la présidente, je comprends fort bien la préoccupation du sénateur Bryden.

Nous ne proposons pas des amendements. Nous ne faisons, essentiellement, que réfléchir à ce que le ministre a dit hier. C'est-à-dire qu'il consultera ses collègues et qu'il nous fera part du résultat de ses consultations, ni plus, ni moins.

La présidente: Êtes-vous disposés à me laisser cela entre les mains, sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal: Je vais répondre à votre question. Nous avons insisté -- et quand je dis «nous», je parle au nom des membres du comité -- pour que le ministre comparaisse devant le comité parce qu'il s'agit d'un projet de loi. Ce n'est pas seulement une question de politiques. C'est un projet de loi, nous exerçons notre fonction fondamentale, qui consiste à légiférer. Quand nous légiférons, le parrain du projet de loi, du côté du gouvernement, est invité afin que toutes les circonstances soient prises en considération. Nous avons rendu hommage au nouveau solliciteur général. Nous avons fait en sorte qu'il comparaisse à la fin de nos délibérations afin d'avoir le temps de réfléchir aux témoignages. Il a jugé bon de passer deux heures avec nous, malgré un horaire très chargé, et nous lui en savons gré. Toutefois, il est resté parce qu'il estimait avoir une importante discussion avec nous.

Je suggère que l'on ne presse pas le citron jusqu'à la dernière goutte. Nous sommes des législateurs. Nous devons faire un examen objectif des projets de loi. Nous avons obtenu, essentiellement, du ministre qu'il s'engage à consulter ses collègues et à nous en faire rapport. La réponse sera peut-être oui, peut-être non, voire oui, mais. Tout dépend de lui. Nous ne lui reprocherons pas sa réponse.

Cependant, à l'heure actuelle, nous devons réfléchir à ce qui se passe au sein du comité. Je ne suggère pas que nous nous placions dans une position où notre crédibilité en tant qu'institution pourrait en souffrir. Nous sommes au Sénat pour procéder à un second examen objectif des projets de loi. Si j'en conclus personnellement qu'un important élément doit être étudié et que ce point de vue soit partagé par certains de mes collègues, j'en fais rapport. Nous verrons après cela.

Le sénateur Kenny a une certaine perception de l'exercice de suivi. Je peux être d'accord ou en désaccord sur certains aspects, mais il n'est que juste de faire rapport sur le projet de loi pendant qu'il était étudié par le comité. Certains de nos autres collègues qui ne font pas partie du comité voudront savoir ce qui se passe et ce à quoi il faut s'attendre dans l'avenir, en ce qui concerne cet important projet de loi.

C'est mon unique préoccupation. C'est pourquoi j'estime que cela devrait figurer dans notre rapport.

La présidente: Nous avons deux points de vue devant nous. Le premier, c'est qu'il faut me laisser le soin de faire le suivi auprès du ministre. Le second, c'est qu'il faut ajouter certaines observations dans notre rapport.

J'ai quelques hésitations à ajouter à notre rapport des observations sur quelque chose qui ne relève pas du projet de loi et qui n'a pas été l'objet de témoignages. C'est ce que j'ai dit au ministre, profitant de sa présence, en ce qui concerne certains aspects du projet de loi précédent.

Je suis à votre service.

Le sénateur Beaudoin: On ne peut pas défaire le projet de loi précédent avec celui-ci. Il ne faut pas oublier la décision qui été rendue à l'égard du projet de loi sur le tabac, il y a quelque temps. Il est important de savoir si ce projet de loi est conforme à la Charte des droits, en particulier en ce qui a trait à la liberté d'expression. Nous nous sommes également demandé s'il relevait du pouvoir du fédéral en matière de droit pénal. Le problème demeure.

J'ai été ravi d'entendre le ministre dire hier qu'il consulterait. Je considère que, du point de vue juridique, le débat n'est pas terminé. Le fédéral a beaucoup de pouvoirs et ça me rend mal à l'aise.

Le Québec a adopté une mesure législative. Le Québec peut se le permettre car, dans une grande mesure, c'est un sujet qui relève du domaine de la santé. Le Québec, comme les autres provinces, a compétence en matière de droits patrimoniaux et de droits de la personne.

Nous avons encore le droit de légiférer à l'égard des substances dangereuses et le tabac est une substance dangereuse. Nous avons encore le pouvoir de légiférer en matière de droit pénal, et nous allons devoir décider dans quelle mesure nous allons traiter la question de la publicité. Le problème demeure entier.

Il suffirait d'ajouter au rapport un paragraphe, comme l'ont suggéré les sénateurs Grafstein et Joyal. La majorité pense qu'une lettre serait suffisante. J'en conviens, mais il n'y a aucune comparaison entre un paragraphe dans un rapport au Sénat et une simple lettre. Personnellement, je préférerais un paragraphe, mais je suis ouvert à d'autres suggestions.

Le sénateur Grafstein: Je n'ai pas entendu le sénateur Joyal demander au ministre de prendre un engagement. Je l'ai entendu demander que les propos du ministre soient pris en note -- particulièrement ce que vous et le personnel pensez -- et qu'ils puissent être cités. Il s'agit d'une courte phrase, à savoir qu'il s'engageait à consulter ses fonctionnaires et ses collègues du Cabinet à ce sujet. Et ce, du fait de sa déclaration précédente concernant une étude détaillée de cet aspect.

Je suis de l'école qui pense que nous devrions limiter nos rapports au sujet à l'étude. Toutefois, comme l'a si bien dit le sénateur Beaudoin, si les témoignages font ressortir une préoccupation qui peut avoir une incidence sur l'efficacité de la mesure législative, et qui ne relève pas uniquement du projet de loi, il est important que le comité puisse porter la question à l'attention du Parlement, et non du seul ministre, car après tout notre rapport s'adresse au Parlement.

Je suis sûr, madame la présidente, que vous pouvez faire ça par l'intermédiaire du comité directeur, avec l'aide de notre personnel. Si c'est fait de manière adroite, succincte, brève et avec piquant, notre message passera. Le message que nous voulons communiquer est que nous sommes d'accord pour que cette mesure législative aille de l'avant, mais que nous pensons qu'elle fait partie d'un tout plus vaste.

Je ne suis pas en désaccord avec mon collègue le sénateur Kenny, mais par ailleurs, c'est un rappel pour nous-mêmes. Ce n'est pas uniquement un rappel au gouvernement d'un engagement qui a été pris.

Nous pouvons invoquer le châtiment divin. Si un ministre nous propose en temps voulu une autre mesure législative, et si le comité a un peu de suite dans les idées, ces engagements reviendront sur le tapis. Nous les rappellerons au ministre. Nous avons adopté comme principe fondateur de ce comité que nous ne sommes pas disposés à étudier un projet de loi sans le témoignage du ministre. Vous vous souviendrez que le ministre n'était pas disposé à comparaître devant le comité. Grâce à vos bons offices, madame la présidente, vous l'avez convaincu qu'il n'aurait pas son projet de loi s'il ne comparaissait pas. Ce qu'il fit, mais pas avant de s'être fait tirer l'oreille.

Le sénateur Moore: Ce n'est pas tout à fait exact.

La présidente: C'est un peu trop fort.

Le sénateur Grafstein: Oui. Je ne le sais pas. Ça m'a été rapporté. Je ne voudrais pas que cela fasse dérailler mon argumentation.

La présidente: Il y avait d'autres raisons. Le ministre était parfaitement disposé à venir, mais il ne savait pas que nous voulions adopter le projet de loi avant Noël.

Le sénateur Grafstein: Je retire ma remarque.

Mon argument est que le gouvernement reviendra à la charge. Si nous en avons pris note officiellement, au moins le Sénat et nous-mêmes avons une preuve. Je pense qu'un court paragraphe ne serait pas incompatible avec ce qu'ont dit les sénateurs Bryden et Joyal.

Le sénateur Bryden: En gros, je suis d'accord.

Le sénateur Nolin: Nous ne contestons pas le fond, seulement la façon de présenter la chose.

Le sénateur Bryden: Ce qui me préoccupe, c'est la forme. Je ne voudrais pas que le législateur pense que notre comité a maintenant le mors aux dents et que nous insistons pour que tout ce que nous renvoyons à l'autre endroit soit modifié de manière à porter notre marque. Il arrivera sûrement un jour où nous pourrons dire, après avoir étudié un projet de loi sous toutes les coutures, que oui, il est acceptable et nous en faisons rapport sans amendement.

C'est plus une question de perception que de fond. Étant donné que ce comité jouit d'un grand respect, je pense que c'est une chose dont nous devons être très conscients.

Le sénateur Nolin: J'appuie le sénateur Bryden. Nous pouvons en dire plus dans une lettre au ministre que dans un rapport. Le dossier n'est pas clos. Le gouvernement va revenir à la charge. Je suis en faveur d'une lettre.

Le sénateur Fraser: Moi aussi et très fermement. Étant complètement néophyte, ma perception est encore, dans une certaine mesure, celle d'une personne de l'extérieur. Notre crédibilité sera renforcée si nous suivons les conseils du sénateur Bryden, et ce, pour les raisons qu'il a expliquées.

Le sénateur Beaudoin: Pourquoi débattons-nous des mérites relatifs d'une lettre et d'un rapport?

Le sénateur Nolin: Nous ne débattons pas du fond. Nous nous demandons comment faire passer le message.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes tous d'accord sur le fond. Certains préfèrent une lettre. Pour ma part, je préfère un paragraphe. Du point de vue juridique, il n'y a aucune comparaison entre une lettre que très peu liront et un rapport que certains risquent de lire. Je me plierai à l'opinion de la majorité, mais je préférerais un paragraphe.

La présidente: On me dit que, du point de vue juridique, il n'y a aucune différence. Je puis garantir au comité que si nous optons pour une lettre, je ne m'arrêterai pas là.

Le sénateur Kenny: Je n'ai rien à ajouter sur le choix entre une lettre ou un rapport. Je pense toutefois que nous sommes en train d'oublier que, à l'étape de la troisième lecture, il nous reste encore beaucoup de latitude. Quelques paragraphes bien sentis à l'intention de nos collègues à l'étape du débat en troisième lecture auront plus d'effet qu'une lettre ou un rapport. J'espère seulement que lorsque les sénateurs prendront la parole à l'étape de la troisième lecture, ils prendront une minute ou deux pour bien faire comprendre notre point de vue. Il s'agit de faire changer un peu la culture de l'institution pour que, à l'avenir, nous ne soyons pas forcés d'accepter certaines choses. Pour se faire, il faut prendre la parole et parler à nos collègues.

La présidente: Je ferais remarquer que les observations n'ont aucun poids juridique ou du point de vue de la procédure; elles n'ont qu'un poids politique et c'est ce que serait ma lettre, politique.

Le sénateur Pearson: Pour donner suite aux propos du sénateur Kenny, je propose que nous rédigions une lettre et une déclaration que vous reprendriez, madame la présidente, dans votre discours, ou qui serait reprise par quiconque abordera le sujet en troisième lecture.

La présidente: Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Avant de lever la séance, j'aimerais remercier tous les membres du comité. Nous avons tous travaillé très fort cet automne. La session a été longue et dure et nous avons fait du bon travail.

Je tiens également à remercier notre personnel. Il est tout simplement formidable. Je vous prie de faire part de nos remerciements aux recherchistes de la Bibliothèque du Parlement pour l'aide qu'ils nous ont apportée dans l'étude de tous les projets de loi.

La séance est levée.


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