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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 59 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-51, modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Sénateurs, nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Le sénateur Bryden: Je propose que nous nous dispensions de l'étude article par article et que nous fassions rapport du projet de loi à la Chambre sans amendements.

La présidente: Les sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: La motion est adoptée.

Vous avez tous un exemplaire de deux ébauches de rapport sur ce projet de loi. Y a-t-il des ajouts ou d'autres changements que vous voudriez apporter à ces ébauches?

Le sénateur Joyal: D'où viennent-elles?

La présidente: L'une d'elles a été rédigée par le personnel du comité à la suite des témoignages que nous avons entendus au sujet des jeux de hasard. L'autre a été rédigée avec l'aide des fonctionnaires du ministère à la suite des préoccupations exprimées par le sénateur Grafstein au sujet de la suppression des dispositifs d'écoute électronique et autres.

Le sénateur Grafstein: Je tiens à remercier les témoins que nous avons entendus hier. Après la séance d'hier, la présidente m'a acculé au pied du mur. Elle m'a dit que si j'avais des préoccupations à cet égard, je devais essayer de les énoncer entre 18 h 30 hier soir et 10 h 45 ce matin.

Après notre séance, j'ai eu une longue conversation avec les témoins. Je leur ai communiqué mes préoccupations tout en précisant qu'à mon avis, elles étaient sérieuses mais qu'en raison des contraintes de temps liées au projet de loi, je n'avais pas l'intention de retarder son adoption, de voter contre ou de m'abstenir. Cependant, je voulais qu'elles soient mentionnées dans notre rapport à titre d'indication pour une révision ultérieure.

Les témoins ont dit qu'ils étaient d'accord. Voici le résultat de notre discussion, de cette collaboration entre votre serviteur et les témoins hier soir. Je leur suis reconnaissant de leur aide étant donné les délais qui nous étaient impartis.

Ensuite, j'ai pris la liberté de sonder des criminalistes, à diverses heures de la nuit et du matin, au sujet de mes préoccupations. Je voulais savoir s'il s'agissait d'une situation unique. Je n'ai pas eu l'occasion d'effectuer une étude comparative des pratiques en cours, notamment dans d'autres pays. Le comité n'a pas pu le faire non plus. D'ailleurs, c'est l'un des problèmes liés aux projets de loi omnibus. Ma solution est de recommander cela au comité.

Je n'ajouterais qu'un mot à cette ébauche que je trouve de première qualité et qui représente mon point de vue. Au premier paragraphe, là où l'on dit dans la version anglaise, «that the government review this matter in more detail should it conduct a policy or legislative review», j'ajouterais le mot «privacy».

Cette suggestion découle des discussions que nous avons eues avec le commissaire à la protection de la vie privée, non seulement au sujet de la Loi sur les empreintes génétiques, mais aussi au sein du comité plénier. Il doit y avoir un suivi à ce que nous lui avons dit. Nous l'avons interrogé sérieusement. Si vous vous souvenez, le commissaire à la protection de la vie privée nous a dit ne pas avoir suffisamment de fonds pour examiner le volet protection de la vie privée dans toutes les mesures législatives dont nous sommes saisis. Par conséquent, nous devons être notre propre chien de garde en la matière. Il me semble que c'est une façon de régler le problème.

La présidente: Ce changement interviendrait à l'avant- avant-dernière ligne du premier paragraphe. Le passage se lirait désormais ainsi «policy or legislative privacy review».

Le sénateur Joyal: Madame la présidente, j'appuie certainement l'objectif de cette recommandation. Comme nous le savons tous, le ministère de la Justice doit vérifier que les mesures législatives que le gouvernement se propose d'adopter sont conformes à la Charte des droits et libertés avant d'être soumises au Cabinet et déposées au Parlement. Cependant, l'aspect protection de la vie privée n'est pas vérifié car le droit à la vie privé n'est pas inclus dans la Charte. Je me souviens du débat que nous avons eu il y a 20 ans à ce sujet. Il est important que le comité signale les faiblesses de notre processus législatif; en l'occurrence, il n'existe pas de critères de respect de la vie privée dans les mesures législatives.

À l'heure actuelle, nous nous fions au commissaire à la protection de la vie privée, qui nous a dit officiellement qu'il n'avait ni le budget ni le personnel nécessaires pour appliquer ce critère à tous les projets de loi. Nous savons qu'à l'avenir, avec l'avènement d'une banque d'empreintes génétiques et d'autres sources de renseignements personnels, les possibilités d'atteinte à la vie privée se multiplieront.

À mon avis, cette formulation n'est pas suffisamment ferme. On dit «should it conduct a policy or legislative review».

La présidente: Nous pourrions changer cela pour «that the Government review this matter in more detail and that it should conduct...»

Le sénateur Joyal: Oui. Lorsque nous avons entendu le commissaire à la protection de la vie privée il y a deux semaines, j'ai voulu discuter avec lui des faiblesses du système en ce qui concerne les droits. La protection de la vie privée sera un enjeu crucial à l'avenir, et nous devons nous y intéresser. Bon nombre de nos collègues du comité des droits de la personne sont très inquiets. J'estime que nous devons réaffirmer l'importance de la protection de la vie privée. Je suis tout à fait d'accord pour modifier la formulation comme vous le proposez, madame la présidente.

La présidente: Vous êtes d'accord avec la formulation que j'ai proposée?

Le sénateur Joyal: Oui.

Le sénateur Grafstein: J'ai essayé de rendre le texte aussi acceptable que possible, mais le comité voudra peut-être aller plus loin, hausser la barre, comme on dit.

Comme le commissaire à la protection de la vie privée l'a fait remarquer, il y a manifestement un fossé entre son mandat et sa capacité de le mener à bien. Nous pourrions sans doute recommander au gouvernement, vu l'absence de ce principe dans la Charte, de prévoir un examen indépendant, particulièrement en ce qui a trait aux amendements de nature générale du Code criminel. Cet examen devrait se faire avant que nous soyons saisis de la question. À tout le moins, nous saurions qu'il y a eu un examen indépendant.

Il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions faire cette recommandation ici, à la lumière de ce que nous a dit le commissaire à la protection de la vie privée au comité plénier. Cela fait partie d'un tout, et il ne faudrait pas se limiter à un seul comité. Le projet de loi sur le Nunavut a retenu mon attention mais je ne m'intéressais pas tant à cette mesure législative en particulier qu'au fait qu'il y en avait d'autres en cause, ce qui est insidieux. D'aucuns disent que cela ne relève pas de notre comité, mais notre travail consiste à s'assurer que tout ce qui nous est soumis passe par le même filtre.

Si le sénateur Joyal veut proposer une formulation plus vigoureuse, je suis ouvert à cette idée. Essentiellement, nous souhaitons que la protection de la vie privée soit un critère qui vienne immédiatement à l'esprit et non une arrière-pensée. Je conviens avec lui que cet enjeu prend de l'importance dans tous les domaines et que nous n'en faisons pas suffisamment sur ce front. Si quelqu'un veut proposer un libellé plus ferme, je suis prêt à l'accepter dans l'ébauche.

Le sénateur Fraser: Je suis d'accord avec tout ce que mes collègues viennent de dire. Je proposerais que nous supprimions également les termes «in future» à la fin du paragraphe. Nous suggérons au gouvernement de mener à bien cet examen et le plus tôt sera le mieux.

Le sénateur Beaudoin: Ce sera à l'avenir, de toute façon.

Le sénateur Fraser: En effet.

La présidente: Mais nous ne voulons pas que ce soit dans un avenir trop lointain.

Le sénateur Moore: Au sujet de l'ajout du terme «privacy», je pense qu'il faut dire «conduct a policy or legislative review of privacy» au lieu de «legislative privacy review».

La présidente: Vous avez raison.

Le sénateur Moore: Quant à ce que le personnel recommande d'intégrer dans le rapport, à la fin du paragraphe, nous parlons de la National Gambling Impact Study Commission des États-Unis. Nous devrions peut-être ajouter à la fin:

The commission is to report in June l999.

Cela nous donnera un point de référence si nous voulons aller plus avant.

La présidente: Autrement dit, la dernière phrase du premier paragraphe se lirait ainsi:

Le comité a exprimé certaines préoccupations au sujet du degré de certitude créé et nous suggérons que le gouvernement fouille cette question plus en détail, qu'il fasse un examen de la protection de la vie privée dans le contexte de sa législation et de ses politiques, ce qui englobe la surveillance électronique.

Les sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Cela sera envoyé à la traduction.

Le sénateur Grafstein: Je suppose que le deuxième paragraphe demeure inchangé?

La présidente: Oui.

Le sénateur Joyal: Dans la même phrase, pouvons-nous supprimer le terme «some» dans la partie qui dit «The committee expressed some concerns...»?

Je veux être sûr que nous exprimons clairement notre préoccupation à cet égard. Je veux qu'on comprenne que nous n'avons pas simplement discuté de cela à bâtons rompus. Je ne suis pas anglophone.

Le sénateur Andreychuk: «Some concern», cela veut dire que nous n'avons pas étudié la question de façon exhaustive. Nous préconisons que quelqu'un d'autre le fasse. Autrement dit, nous avons lancé le débat.

Le sénateur Bryden: Madame la présidente, nous pourrions également dire «some members of the committee expressed concern», ce qui est moins fort que «the committee expressed some concern.» C'est également un peu moins pressant que «the committee expressed concerns». En fait, le sénateur Grafstein a exprimé certaines inquiétudes, ce qui a été appuyé par le sénateur Joyal. Pour être aimable, j'y suis allé de mon grain de sel, mais je ne pense pas que nous voulions aller jusqu'à dire que cela était une décision réfléchie de la part du comité. Moi qui ai déjà pratiqué le droit, je ne trouve pas le texte actuel particulièrement mauvais. Il attire l'attention sur cette question et la formulation est suffisamment ferme.

La présidente: Faisons en sorte de ne pas trop apporter de changements. À ce stade-ci, la phrase se lit comme suit:

Some members of the committee expressed concerns about the degree of certainty created, however, and would like to suggest that the Government review this matter in more detail and that it should conduct a policy or legislative review of privacy which includes the subject of electronic surveillance.

Il est difficile de rédiger un rapport en comité.

Le sénateur Fraser: Je ne voudrais pas vous compliquer trop la vie, madame la présidente, mais si je ne m'abuse, l'ensemble du comité a appuyé l'idée de suggérer un examen. Si nous disons que certains membres du comité ont exprimé des préoccupations, à mon avis, nous devrions ajouter «and the committee would like to suggest...»

La présidente: Si nous commençons à ajouter trop de choses, nous allons passer à côté de l'argument du sénateur Bryden. Nous devrions peut-être ne plus toucher au libellé.

Le sénateur Grafstein: Madame la présidente, je suis d'accord avec le sénateur Fraser. Je voulais moi aussi faire cette suggestion, mais elle n'aurait pas été formulée aussi élégamment.

Si le sénateur Bryden n'a pas de préoccupation à cet égard, mais que le sénateur Joyal, le sénateur Fraser et moi-même en avons, il s'agit de savoir s'il y a un nombre suffisant de membres du comité qui les partagent pour que nous puissions en faire une recommandation au nom du comité.

La présidente: Nous faisons cette recommandation.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur Bryden s'est prononcé, mais aucun autre membre du comité n'a dit qu'il adhérait à la suggestion de le sénateur Fraser. Certains d'entre nous avons soulevé une préoccupation, mais que souhaite le comité? Ce changement dilue notre argument. Cela semble être une remarque en passant qu'auraient fait des membres du comité. D'après eux, il y aurait peut-être un problème. Si pour certains ce n'est pas un problème grave, fort bien. Je pourrai en parler. Cependant, s'il y a consensus au sein du comité, le texte devrait le refléter.

La présidente: Je pense que nous avons consensus autour de la table. Le sénateur Bryden vient de hocher la tête.

La présidente: Je vais encore une fois lire la version révisée. Je vous invite à mettre votre esprit critique en veilleuse. Ne faisons pas trop de révisions.

Some members of the committee expressed concerns about the degree of certainty created, however, and the committee would like to suggest that the Government review this matter in more detail and that it should conduct a policy or legislative review of privacy which includes the subject of electronic surveillance.

Des voix: D'accord.

La présidente: Nous nous sommes entendus sur ces deux pages de texte pour le rapport. Nous ferons rapport du projet de loi C-51 cet après-midi.

La séance est levée.


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