Délibérations du comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire
Fascicule 2 - Témoignages - Séance du 30 octobre
OTTAWA, le jeudi 30 octobre 1997
Le comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire se réunit aujourd'hui à 9 h 10 pour continuer son étude de l'enseignement postsecondaire au Canada.
Le sénateur M. Lorne Bonnell (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, ce matin nous accueillons des témoins du ministère du Développement des ressources humaines. Mme Martha Nixon, directrice générale adjointe, nous parlera des projets du gouvernement concernant les prêts étudiants.
Mme Martha Nixon, directrice générale adjointe, Direction générale de l'investissement dans les ressources humaines, ministère du Développement des ressources humaines: Je suis très heureuse de vous rencontrer de nouveau. J'ai l'impression de me retrouver entre amis. C'est notre troisième visite à votre comité et chaque expérience a été agréable.
Nous avons modifié la composition de notre équipe. Thomas Townsend s'est joint à nous il y a huit semaines en tant que directeur général de la Direction de l'apprentissage et de l'alphabétisation. JoAnne Denis est la pierre d'assise de notre service depuis de nombreuses années et je suis très heureuse qu'elle nous accompagne aujourd'hui.
M. Townsend a dû se familiariser très rapidement avec son travail car il s'est joint à nous à un moment où nous étions extrêmement occupés. Nous sommes impressionnés, comme vous le serez sans doute vous aussi, par sa rapidité d'assimilation.
Nous avons pensé qu'il serait bon aujourd'hui de faire le point sur les progrès accomplis depuis notre dernière comparution en février dernier, de vous décrire brièvement le programme assez chargé que nous avons eu et de vous expliquer ce à quoi nous avons travaillé, où nous en sommes et nos objectifs.
Nous vous sommes reconnaissants de continuer à vous intéresser à cette question et nous sommes heureux de constater que vous allez l'intention de publier un rapport final suite à votre rapport provisoire, probablement en décembre, comme le sénateur Bonnell l'a indiqué.
Nous vous avons remis un document d'information en français et en anglais pour vous permettre de suivre avec nous, si vous le souhaitez. Nous nous ferons un plaisir de parcourir rapidement avec vous l'information qu'il renferme, puis de répondre aux questions que vous pourriez avoir si nous n'avons pas abordé certains aspects qui vous intéressent.
[Français]
À la première page, vous avez les sujets dont on a discuté la dernière fois. À la page 2, ce sont les détails concernant les mesures prévues au budget et le discours du Trône; nos consultations menées auprès des groupes du secteur de l'éducation, des provinces et des prêteurs; le modèle que nous avons élaboré en ce qui concerne les options de remboursement des prêts; notre diagnostic des problèmes relatifs à l'éducation postsecondaire et à l'aide financière aux étudiants en particulier; et finalement, certaines approches préconisées relativement à l'endettement des étudiants.
[Traduction]
À la page 3, nous abordons brièvement les nouvelles mesures qui ont été annoncées dans le budget de 1997 et dans le discours du Trône, dont vous êtes probablement au courant.
Deux mesures ont été annoncées dans le budget de 1997. L'une d'entre elles porte sur la prolongation de la période d'exemption d'intérêts. Vous vous souviendrez qu'il s'agit d'un programme que nous offrons aux étudiants dans les mois qui suivent l'obtention de leur diplôme. Ils ont six mois avant d'être obligés de commencer à rembourser leur dette. Au cours des cinq premières années qui suivent l'obtention de leur diplôme, ils ont accès au programme d'exemption d'intérêts en vertu duquel, s'ils ont un faible revenu et un taux d'endettement élevé, nous pouvons les aider en payant l'intérêt.
Auparavant, ils avaient accès à ce programme pendant huit mois au cours de cette période de cinq ans. Nous avons prolongé cette période à 30 mois. Ils ont donc désormais ce que nous appelons une période de grâce de six mois, plus 30 mois pendant lesquels ils peuvent bénéficier d'une exemption d'intérêts. Cela leur donne une période solide de trois ans pendant laquelle nous pouvons, du moins nous l'espérons, aider ceux qui traversent des périodes difficiles.
Par ailleurs, nous vous avons parlé la dernière fois que nous étions ici, des problèmes de faillite. Depuis le 1er octobre, de nouvelles dispositions relatives à la faillite ont été adoptées, qui empêchent les étudiants de déclarer faillite dans les deux années qui suivent l'obtention de leur diplôme.
Le budget de 1997 a également indiqué que la décision d'exemption d'intérêts serait prise par les banques. Nous avions l'intention d'examiner la possibilité d'un remboursement en fonction du revenu pour la période de remboursement des étudiants. Nous comptons examiner diverses options en collaboration avec les banques et les principaux intervenants pour déterminer comment lier le remboursement au revenu après l'obtention du diplôme pour permettre aux diplômés qui connaissent des périodes de faible revenu de faire des paiements moins élevés. Nous continuons d'envisager diverses façons de procéder, mais le budget a effectivement indiqué que c'était l'orientation que nous avions l'intention de suivre.
La décision concernant l'exemption d'intérêts a été mise en oeuvre et, comme nous l'expliquerons tout au long de la présentation de ce matin, nous nous entretenons avec de nombreux intervenants à propos du remboursement lié au revenu.
Vous savez sans doute aussi que le discours du Trône a annoncé la création d'une nouvelle subvention pour les étudiants ayant des personnes à charge. Cette initiative fait suite à la recommandation que vous avez formulée dans votre rapport provisoire. On avait indiqué qu'une subvention de 3 000 $ serait offerte aux étudiants. Nous espérons pouvoir mettre en oeuvre cette mesure au cours de l'année scolaire 1998-1999. Nous sommes très heureux de pouvoir le faire car selon les études que nous avons faites, un grand nombre d'étudiants qui connaissent des difficultés sont ceux qui ont des personnes à charge. Notre évaluation des besoins souvent ne semble pas tenir compte des coûts et des besoins supplémentaires des étudiants ayant des personnes à charge.
De plus, le discours du Trône a annoncé que le gouvernement créerait un fonds de dotation pour les bourses d'étude du millénaire afin d'aider les étudiants à revenu faible ou modéré qui font preuve d'excellence dans leurs études. Ce projet est à l'étude. Nous ne sommes pas les principaux responsables de la conception de cette bourse mais nous nous entretenons avec nos collègues du ministère des Finances afin d'assurer une certaine complémentarité de la planification de cette bourse par rapport aux prêts étudiants.
À la page 4, nous décrivons de façon un peu plus détaillée la nouvelle subvention à l'intention des étudiants ayant des personnes à charge. J'ai indiqué que cette subvention pouvait atteindre 3 000 $ par année. Le Livre rouge a indiqué que 60 millions de dollars seraient consacrés à cette initiative afin d'aider jusqu'à 20 000 étudiants. En examinant cette somme de 60 millions de dollars, nous sommes conscients qu'il faudra prévoir en plus un paiement compensatoire pour la province de Québec. Nous évaluons que le coût de cette subvention pourrait plutôt être de l'ordre de 100 millions de dollars et que nous pourrons probablement aider 25 000 étudiants. Nous estimons que c'est une importante mesure supplémentaire de gestion de la dette et que cette subvention en particulier allégera un peu le fardeau des étudiants.
Je demanderai maintenant à M. Townsend de nous faire part de certaines consultations qui ont constitué le gros de notre travail ces derniers mois. Nous avons eu des discussions avec de nombreuses personnes ces derniers temps.
[Français]
Thomas Townsend, directeur général, direction de l'apprentissage et de l'alphabétisation, Développement des ressources humaines: Je veux élaborer sur les sujets de la page 4. Le ministre nous avait demandé d'entrer en consultation avec des groupes d'intérêt au sujet du financement des prêts aux étudiants avec les provinces et les institutions financières. À ce jour, nous avons eu plusieurs discussions avec chacun de ces groupes. Nous avons rencontré chacune des provinces qui participent à notre programme et la province de Québec qui reçoit une compensation. Nous avons discuté aussi avec le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest qui, comme le Québec, reçoivent une compensation. Nous avons discuté avec les trois banques qui représentent 85 p. 100 des prêts: la Banque royale, la Banque de commerce et la Banque de Nouvelle-Écosse. Nous avons discuté, aux six semaines, avec les autres institutions prêteuses dans un groupe où neuf établissements participent aux réunions. La semaine dernière, nous avons eu l'occasion de rencontrer sept groupes, dont trois représentent les étudiants, afin de les consulter au sujet des réformes proposées.
[Traduction]
Nous avons eu des discussions bilatérales avec les provinces par l'intermédiaire du Conseil des ministres de l'éducation et du directeur exécutif, Paul Caplan. Nous avions proposé que notre sous-ministre assiste à une réunion qui devait se tenir à Saskatoon en septembre. Cela lui a été impossible en raison de son emploi du temps et la réunion a été remise au mois de février.
En plus de ces consultations avec des groupes, nous avons profité de l'occasion pour rencontrer autant d'organisations, de groupes d'étudiants ou de parties intéressées que possible au cours des derniers mois afin de connaître leur opinion sur les réformes qui s'imposent dans le domaine de l'aide financière aux étudiants.
Nous avions proposé que les 17 et 18 novembre, tous les groupes intéressés se réunissent à Ottawa pendant une journée et demie pour voir où en étaient les consultations et examiner les propositions finales qu'ils aimeraient nous faire concernant la réforme de l'aide aux étudiants. Devaient participer à cette réunion les provinces et les territoires, les groupes qui représentent les étudiants, ceux qui représentent les enseignants et les établissements, et les prêteurs.
Les messages qui nous ont été transmis jusqu'à présent ont été clairs et catégoriques. La principale préoccupation de tous ceux qui s'occupent de l'aide financière aux étudiants est l'ampleur croissante de la dette étudiante. Les groupes ont fait bon accueil à l'annonce de la bourse du millénaire. Certains groupes étudiants en particulier nous ont indiqué qu'ils préféreraient nettement que la bourse soit liée aux besoins.
Les groupes, y compris les prêteurs, ont indiqué à maintes reprises qu'il faut offrir au consommateur des choix en matière d'emprunt. Ils nous conseillent de ne pas adopter de système de remboursement où chacun est assujetti à un régime unique de remboursement, mais qu'il est préférable d'offrir aux emprunteurs des options de remboursement.
[Français]
Concernant l'agrément avec les établissements, les groupes ne veulent pas utiliser le défaut de remboursement comme critère pour l'agrément des établissements. La méthode d'évaluation des besoins utilisée, révisée il y a deux ans, est bonne. Cependant certains changements pourraient y être apportés.
[Traduction]
Les provinces en particulier ont indiqué qu'elles attendent depuis longtemps que nous harmonisions nos programmes de prêt avec les leurs. Elles trouvent les discussions en cours très encourageantes et réitèrent qu'elles attendent depuis longtemps cette harmonisation et qu'elles aimeraient constater des progrès bientôt.
Mme Nixon: Nous avons discuté en particulier avec les provinces. De toute évidence, chacune a son propre programme et ses propres idées sur la façon de gérer la dette. L'Ontario a exercé beaucoup de pressions sur nous car elle demeure déterminée à mettre sur pied un programme de remboursement en fonction du revenu lors de la prochaine année scolaire.
L'un de nos plus importants défis consiste à déterminer comment positionner le problème de la dette et de la gestion de la dette pour trouver une formule à laquelle se rallieront autant de provinces que possible. Nous tenons à mettre sur pied, dans la mesure du possible, un programme national et à trouver un moyen de poursuivre l'harmonisation avec les provinces et de le rendre accessible à tous les étudiants d'un bout à l'autre du pays. Comme nous l'indiquons à la page 7, nous avons travaillé avec les provinces depuis notre dernière comparution devant votre comité.
Nous devons examiner les principaux messages qui se sont dégagés de la conférence des premiers ministres, où la dette a été l'une des grandes questions à l'ordre du jour. Nous devons également examiner certains des commentaires faits par le nouveau président du CMEC, Paul Ramsay, qui s'est joint aux étudiants de la Fédération canadienne des étudiants la semaine dernière pour faire des déclarations au sujet des programmes de remboursement en fonction du revenu. En fait, lorsque M. Ramsay a rencontré M. Pettigrew la semaine dernière, ils ont entre autres discuté de certains travaux effectués au niveau fédéral. Nous espérons que le CMEC continuera de travailler avec nous à la recherche de solutions.
Certains ont craint que l'Ontario monopolise le débat. Récemment, suite à nos discussions avec l'Ontario, nous avons constaté qu'elle avait nettement assoupli sa position comparativement à il y a six mois.
Nous avons communiqué à l'Ontario beaucoup de résultats de nos recherches. Nous nous sommes servis de notre modèle Lifepaths pour analyser différentes options, en partie à la demande de l'Ontario. Nous pouvons dire que nous avons fait de notre mieux pour coopérer avec l'Ontario.
L'Ontario a lancé une invitation et travaille avec les prêteurs pour trouver une formule quelconque d'ici le début de novembre. Elle nous tient au courant du déroulement du processus. Nous tâcherons dans la mesure du possible de nous assurer que sa démarche et la nôtre concordent jusqu'à un certain point.
Nous discutons de cette question avec les provinces depuis deux ans et nous savons très bien qu'elles aimeraient que nous prenions maintenant certains engagements financiers en ce qui concerne la gestion de la dette. C'est ce que nous avons commencé à faire dans une certaine mesure en ce qui concerne les dispositions d'exemption d'intérêts annoncées dans le dernier budget et l'annonce de la subvention à l'intention des étudiants ayant des personnes à charge. Nous avons travaillé avec eux de façon ouverte pour établir une stratégie d'évaluation des besoins et essayer de la mettre au point. Par ailleurs, nous avons également commencé à discuter avec eux de la possibilité d'examiner conjointement la politique d'agrément des établissements d'enseignement pour trouver des moyens de travailler avec ces établissements afin que ceux qui affichent des taux élevés de défaut de paiement prennent des mesures pour améliorer la situation.
Nous tenons également à trouver la meilleure formule de prêt unique qui laisserait aux provinces une certaine marge de manoeuvre au niveau de la conception mais qui prévoirait certains principes de base uniformes qui seraient acceptées par tous. Il serait peut-être possible de trouver une formule qui convienne à tous mais cela n'est pas sûr. Nous n'avons encore aucune idée de la façon dont cela fonctionnera.
Nous continuons à travailler étroitement avec les provinces. Nous pensons que la réunion qui doit avoir lieu à la mi-novembre sera assez intéressante car ce sera la première fois que les provinces, l'ensemble des intervenants et les banques seront réunis dans la même pièce pendant une journée et demie pour tâcher d'arriver à un consensus, si possible.
Nous avons également ouvert notre site de causerie électronique et les participants à cette réunion ont déjà eu l'occasion de débattre de certaines de ces questions sur l'autoroute électronique. Nous venons d'amorcer le débat sur la question et la réunion devrait donner des résultats satisfaisants.
En ce qui concerne les groupes d'étudiants avec lesquels nous nous sommes entretenus, nous avons tâché de les tenir au courant de nos réflexions et d'écouter les leurs. Une coalition formée des chefs de l'Association des universités et collèges du Canada et des groupes étudiants a été très utile. Il s'agit de la coalition de la table ronde qui réunit sept groupes avec lesquels nous traitons régulièrement: l'AUCC, l'ACCC, l'Association des collèges communautaires; l'ACAS, l'Alliance canadienne des étudiants; la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants; l'Association canadienne des professeurs d'universités; l'Association canadienne des responsables de l'aide financière aux étudiants; et aussi le groupe national d'étudiants diplômés. Ils ont tous travaillé vers un consensus. Vous vous rappellerez qu'une proposition concernant l'aide aux étudiants, annoncée avant le dernier budget, prévoyait une série de mesures, dont des mesures fiscales, certaines mesures de gestion de la dette et certaines subventions. Certaines de ces mesures fiscales ont été adoptées et annoncées dans le budget. Ils continuent de travailler en coalition. Il est inhabituel qu'elle ait duré aussi longtemps. Elle est en train de proposer des solutions de rechange à certains problèmes d'endettement. Nous espérons que les solutions proposées s'avéreront pratiques et réalisables.
Évidemment, il est utile de continuer à travailler avec ce genre de coalition, et c'est ce que nous avons tâché de faire.
Je céderai de nouveau la parole à M. Townsend qui vous donnera quelques indications sur les prêteurs et sur leur position actuelle.
M. Thomas Townsend: Je parlerai principalement de nos trois prêteurs, c'est-à-dire les trois banques, puisque les institutions financières qui participent à notre programme nous ont demandé d'entamer des consultations avec les banques. Je tiens à souligner l'importance que revêt un certain nombre d'institutions financières pour notre programme, dont environ 125 caisses de crédit qui s'intéressent depuis longtemps à cette question. Elles nous ont demandé d'entamer des discussions avec les banques puisque les trois banques que je mentionnerai ici détiennent environ 85 p. 100 du portefeuille général de la dette. De ces trois banques, la Banque Royale en détient le pourcentage le plus important. Bien que nous n'ayons pas les chiffres pour les prêts de cette année, ils représentent 50 p. 100 de la totalité du portefeuille. De toute évidence, il s'agit d'un partenaire important dans nos discussions.
Les discussions avec les prêteurs ont porté sur la mise en oeuvre possible d'un programme de remboursement lié au revenu.
Mme Nixon: Je devrais peut-être expliquer certaines notions. Le PRR est le programme de remboursement en fonction du revenu. Il y a également ce qu'on appelle en anglais le IRR, c'est-à-dire le remboursement lié au revenu. Il s'agit de méthodes de remboursement qui essaient de lier le revenu au remboursement. Ces notions peuvent parfois prêter à confusion si vous ne faites pas partie de ce petit groupe.
Le sénateur Andreychuk: Donc, ce que vous appelez en anglais le IRR, c'est le paiement lié au revenu?
Mme Nixon: Le remboursement. On considère parfois qu'il s'agit d'un euphémisme pour le remboursement en fonction du revenu parce que la notion de remboursement en fonction du revenu a commencé à susciter pas mal d'émotions à un certain moment.
Le sénateur Forest: Pourriez-vous expliquer la différence qui existe entre le remboursement «en fonction du revenu» et le remboursement «lié au revenu»?
Mme Nixon: Dans l'ensemble, on utilise ces deux expressions de façon assez libre et souvent elles signifient la même chose. En général, le remboursement en fonction du revenu désigne le modèle générique qui existe entre autres en Australie et en Nouvelle-Zélande, où les périodes de remboursement sont assez longues, habituellement de 20 à 25 ans. Le recouvrement se fait généralement par le biais du régime fiscal. C'est le modèle classique, si on peut dire. Nous utilisons le remboursement lié au revenu parce qu'il permet plus de variantes et qu'il peut être très différent.
M. Townsend: La notion de remboursement en fonction du revenu a pris naissance il y a une trentaine d'années et c'est l'expression utilisée dans les milieux universitaires. Lorsque nous parlons de la mise en oeuvre proprement dite des modèles théoriques et du remboursement en fonction du revenu, il existe d'autres variantes. Donc, l'utilisation de l'une ou l'autre expression désigne habituellement une légère variante dans la structure de mise en oeuvre.
La caractéristique qui présente le plus d'intérêt dans les régimes liés au revenu -- et celle qui revêtirait sans doute le plus d'importance pour nous si nous arrivons à l'intégrer dans notre plan -- c'est qu'elle offre aux emprunteurs une protection contre les défauts de paiement. Comme les régimes sont liés au revenu et que vous êtes tenu de payer uniquement si votre revenu dépasse un certain seuil et un pourcentage de ce revenu, si un emprunteur est au chômage ou a un revenu inférieur au seuil, il n'est pas obligé de faire des paiements sur le prêt. C'est une caractéristique importante, surtout pour ceux qui ont subi de mauvaises expériences sur le marché du travail qui les ont mis en défaut de paiement de leur prêt et entraîné le recours à des mesures de recouvrement. C'est une situation très pénible pour un citoyen. Cette caractéristique de protection contre le défaut de paiement nous intéresse et c'est l'une des principales raisons pour laquelle nous envisageons un régime de remboursement lié au revenu.
Nous avons demandé aux institutions prêteuses, les trois banques, ce qu'elles pourraient faire dans ce contexte. Elles nous ont donné certaines indications. Les banques en particulier, surtout en ce qui concerne les prêts personnels, n'aiment pas modifier le remboursement en fonction du revenu, car c'est une procédure qui est lourde sur le plan administratif. Il est compliqué et coûteux de modifier les systèmes informatiques dont se servent les banques pour administrer les programmes de prêt. Elles nous ont indiqué qu'elles ne seraient sûrement pas en mesure de mettre en oeuvre un tel régime d'ici 1998.
En général, la mise en oeuvre de régimes de remboursement en fonction du revenu a suscité un vif débat. Selon la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, dans les pays qui ont adopté ces régimes, les frais d'inscription ont rapidement augmenté. La Fédération se méfie des gouvernements qui envisagent de tels régimes parce que cela risque d'entraîner une déréglementation et des augmentations rapides des frais d'inscription au pays.
Les banques disent, «Nous avons de nombreux emprunteurs, plus de 500 000 citoyens. Nous tenons à nous assurer que ces emprunteurs voient le mérite de ce régime.» Les banques considèrent que des périodes de remboursement sur 25 ans sont trop longues, surtout avec un taux d'intérêt réel, car durant les périodes de plus de 15 ans, la réduction des paiements mensuels est compensée par d'importantes augmentations du coût total du prêt. Quiconque a eu une hypothèque comprend ce principe. Elles veulent également que nous leur précisions davantage nos intentions pour qu'elles puissent établir le coût de l'administration de tels régimes.
La Banque Royale, en particulier, a proposé des solutions de rechange qui existent dans le cadre actuel de notre contrat et qui offriraient aux emprunteurs une marge de manoeuvre beaucoup plus grande au niveau des modalités de remboursement à condition qu'elles puissent être administrées à l'aide de ses systèmes d'information existants et dans le cadre de ses produits de prêt existants.
Nous avons rencontré récemment les institutions financières et elles s'intéressent beaucoup à la possibilité de réforme pour deux raisons. Premièrement, je crois, comme tous ceux qui s'intéressent à ce domaine, que l'accroissement de l'endettement étudiant, surtout lorsque cette situation entraîne des défauts de paiement, est coûteux et inquiétant pour les banques qui ont établi ces relations non pas pour faire de l'argent mais pour se constituer une clientèle à vie. Elles ne veulent pas que leur premier contact avec ce client consiste à devoir négocier des modalités en cas de défaut de paiement.
Les banques s'intéressent également à un certain nombre de réformes administratives qui permettraient l'échange électronique de données entre notre programme et leurs institutions. L'industrie bancaire au Canada -- en fait l'industrie financière au Canada -- est un chef de file mondial dans le transfert électronique de l'information et est en train de configurer rapidement tous ses systèmes en ce sens. Elles tiennent à ce qu'une organisation qui fait d'importantes transactions avec elles puissent communiquer d'une façon qui soit compatible avec ces systèmes.
Nous avons convenu avec les prêteurs de continuer à les consulter de façon régulière.
Mme Nixon: Il faut dire que la situation avec les banquiers est colorée dans la mesure où nous avons encore un contrat de cinq ans avec eux que nous avons signé en 1995 et qui prendra fin en l'an 2000. Les mesures que nous prendrons d'ici l'an 2000 doivent être compatibles avec le contrat que nous avons conclu. Nous devons également nous assurer que les banques assument plus que jamais leur rôle de partenaires car à ce stade, essayer d'aider les gens à rembourser leurs prêts représente pour elles un enjeu considérable.
Si nous passons maintenant à la page 10, nous avons déjà abordé brièvement les discussions avec l'Ontario. Il est clair que les banquiers entrent largement en ligne de compte dans la démarche de l'Ontario. Pour l'instant, l'Ontario n'a pas de contrat à risque partagé avec les banques mais c'est ce qu'elle vise en adoptant un régime quelconque de remboursement en fonction du revenu.
Nous n'avons pas vraiment réussi à prendre le pouls de l'Ontario. Elle s'est servie de certaines de nos données mais notre impression pour l'instant, c'est qu'elle est disposée à rencontrer certaines des principales banques au cours des prochaines semaines et d'établir avec elles une proposition qui leur paraîtra acceptable et qui sera réalisable dans le délai très court dans lequel l'Ontario espère mettre son programme sur pied. Nous savons que l'Ontario nous tiendra au courant de la situation.
De toute évidence, il est utile que nous nous assurions de pouvoir appuyer d'une certaine façon la démarche de l'Ontario. La position adoptée par l'Ontario sera assez fondamentale, mais si elle doit mener à bien ses projets aussi rapidement qu'elle le prévoit, il est possible qu'elle modifie certaines de ses idées de départ à propos du régime de remboursement en fonction du revenu. Cela reste à voir. Nous suivrons de près la situation.
Nous aimerions aborder brièvement la modélisation que nous avons effectuée, surtout parce que cela devient assez critique lorsqu'on examine diverses formules et qu'il faut prendre des décisions en fonction des répercussions que ces formules auront sur les étudiants sur une période de temps pendant laquelle on tâche de déterminer à quoi ressemblera le monde d'ici 20 ans. C'est le genre de choses qui est difficile à prédire, même à cinq ans d'intervalle. M. Townsend vous décrira brièvement notre expérience du modèle Lifepath.
M. Townsend: Ce genre de modèle de micro-simulation existe depuis une vingtaine d'années. Le Canada et Statistique Canada sont des chefs de file dans ce domaine. La modélisation a permis de faire des analyses de politique dans des domaines tels que la sécurité du revenu et diverses autres formes de mise en oeuvre de programmes sociaux. Nous avons travaillé étroitement avec Statistique Canada pour créer un modèle qui simulerait le comportement des étudiants une fois leurs études terminées afin d'évaluer leur capacité à rembourser avec le temps, déterminer les zones de limites de prêts qui pourraient poser problème et les interventions que nous pourrions faire sur le plan de la politique pour éviter les défauts de paiement des prêts ou pour aider les emprunteurs en difficulté. Nous poursuivons nos travaux sur ce modèle avec Statistique Canada et procédons à l'évaluation d'un grand nombre d'options à l'aide de ce modèle.
Nous envisageons à titre d'options le niveau total d'endettement et le type de problèmes que cela pourrait causer à ceux qui entrent sur le marché du travail. Nous envisageons des interventions qui peuvent servir à abaisser le niveau total d'endettement à l'aide de subventions ou des interventions pendant la période de remboursement, qu'il s'agisse d'exemption d'intérêt ou de remise du capital des prêts.
Nous avons largement diffusé ce modèle. Toutes les provinces avec lesquelles nous travaillons en ont des exemplaires et peuvent évaluer les options que nous envisageons et les conclusions que nous avons tirées. Nous avons également fourni ce que nous appelons des versions conviviales des modèles aux groupes d'étudiants et à d'autres associations afin qu'au cours de notre élaboration de la politique, chacune de ces organisations puisse en prendre connaissance, faire sa propre simulation et mettre à l'essai nos conclusions en ce qui concerne cette option de politique.
Mme Nixon: Il est important d'avoir une idée du fonctionnement du modèle. L'ordinateur prend toute une fin de semaine pour traiter une série particulière de circonstances, et il s'agit de la version conviviale. Ce n'est pas un modèle que nous voudrions utiliser sur notre propre ordinateur.
M. Townsend: Ce modèle utilise plusieurs centaines de cas fictifs pour lesquels on imagine toutes sortes de circonstances que des gens comme vous et moi peuvent connaître durant leur vie. Cela nous permet d'examiner les répercussions de ces prêts sur ces personnes.
Le président: Vous avez dit «certaines provinces». Ne travaillez-vous pas avec toutes les provinces?
M. Townsend: C'était une erreur de ma part. Toutes les provinces ont le modèle et peuvent évaluer les résultats de nos discussions de principe.
Le sénateur Forest: Il existe quand même une différence en ce qui concerne le Québec et les territoires, n'est-ce pas?
Mme Nixon: C'est exact. Ils ont choisi l'option de retrait et reçoivent des paiements compensatoires.
Le Québec a-t-il utilisé le modèle?
M. Townsend: Ils utilisent la micro-simulation et évaluent les paiements que nous leur verserions à titre de compensation et par rapport à leurs propres programmes, qui diffèrent assez de certains programmes des autres provinces.
Le sénateur Forest: Lorsque nous avons rencontré les étudiants du Québec, nous avons appris que leur programme provincial, compte tenu des frais d'inscription moins élevés et ainsi de suite, est assez bon comparativement aux programmes de certaines autres provinces.
Mme Nixon: C'est un programme généreux.
Le sénateur Forest: Généreux, effectivement.
M. Townsend: Nous sommes en train de préparer un rapport-diagnostic qui servira de cadre à toutes réformes de politique que nous pourrions proposer. J'ai pensé qu'il vous intéresserait d'en connaître les principales conclusions.
Un important pourcentage de notre population -- environ deux millions de Canadiens -- fait des études postsecondaires. Un adulte sur quatre suit une formation quelconque pendant une année donnée. À l'âge de 24 ans, la moitié de notre population a fait des études postsecondaires -- qu'il s'agisse d'études universitaires, collégiales ou d'une formation professionnelle, ce qui représente le pourcentage le plus élevé parmi les pays de l'OCDE.
Au cours des 20 dernières années, on a constaté une augmentation constante des inscriptions dans nos établissements postsecondaires, ce qui est une source de fierté pour tous les Canadiens. Cependant, d'après certaines indications préliminaires, c'est une tendance qui tire peut-être à la fin. Selon le dernier rapport trimestriel de Statistique Canada, les inscriptions au niveau universitaire ont légèrement diminué, surtout chez les étudiants de sexe masculin. Il est évidemment trop tôt pour déterminer s'il s'agit d'une tendance. Cependant, pour la première fois en 20 ans, nous constatons un ralentissement de la tendance à la hausse des inscriptions au niveau postsecondaire et, dans certains cas, une diminution du nombre absolu d'inscriptions.
Le sénateur Perrault: Est-ce en partie attribuable aux coûts? Certains étudiants décident-ils de ne pas faire d'études postsecondaires parce qu'ils craignent d'être incapables de rembourser leurs prêts?
M. Townsend: Le dernier rapport trimestriel de Statistique Canada renferme un article sur ce sujet même où il est indiqué qu'il n'existe aucune preuve permettant de conclure que l'augmentation des frais d'inscription entraîne une diminution du taux d'inscription. J'estime qu'il nous faudra un peu plus de temps pour arriver à une telle conclusion. De toute évidence, les groupes d'étudiants et les associations institutionnelles comme l'Association des universités et collèges du Canada considèrent que les frais d'inscription peuvent être un facteur contributif. Cela est vrai en grande partie pour les étudiants peut-être obligés de s'endetter énormément pour faire des études post-secondaires et qui considèrent que cela n'en vaut pas la peine.
Le sénateur Forest: Compte tenu de l'importance que l'on accorde à l'heure actuelle à l'information technologique et ainsi de suite, n'est-ce pas une indication que les étudiants qui craignent l'endettement préfèrent s'orienter vers un domaine qui offre d'excellents débouchés?
M. Townsend: Malheureusement, pour l'instant nous avons très peu de renseignements au-delà de la tendance indiquée par le rapport de Statistique Canada. Nous ne pourrions que faire des conjectures à cet égard.
Le sénateur Andreychuk: En ce qui concerne la diminution du taux d'inscription, vous avez mentionné les hommes en particulier. S'agit-il de jeunes hommes ou s'agit-il de l'ensemble de la population masculine du pays?
M. Townsend: Statistique Canada utilise le groupe d'âge de 18 à 24 ans.
La majorité des nouveaux emplois créés au Canada exige une formation collégiale, universitaire ou une forme quelconque de formation spécialisée. En fait, selon Statistique Canada, la croissance de l'emploi pourrait être négative pour ceux qui n'ont pas fait d'études postsecondaires.
Nous savons qu'historiquement -- et c'est encore le cas aujourd'hui -- ceux qui ont fait des études postsecondaires sont moins susceptibles de devenir chômeurs, et s'ils le deviennent, ils sortent plus rapidement de cette période de chômage.
Leur revenu est plus élevé. En fait, les titulaires d'un diplôme universitaire peuvent s'attendre à avoir, leur vie durant, un revenu brut d'environ 50 pour cent supérieur à celui des non-diplômés. Donc, les études universitaires continuent à offrir un solide rendement.
Mme Nixon: À la page 13, nous commençons à examiner les difficultés qui se posent. Je suis sûre que vous avez eu le même genre de discussions, à savoir comment trouver le juste milieu parmi toutes les différentes options qui existent sur le plan de la gestion de l'endettement des étudiants? Les choix sont très nombreux et le véritable défi consiste à trouver un juste milieu.
Parmi les mesures actuelles que nous prenons pour tâcher d'aider les étudiants endettés, il y a la bonification d'intérêts en cours d'études, qui représente 192 millions de dollars par année. Nous continuons à offrir des subventions pour initiatives spéciales depuis trois ou quatre ans, à l'intention des étudiants handicapés, des étudiants à temps partiel très nécessiteux et des femmes qui font des études doctorales dans certains domaines. À l'heure actuelle, nous consacrons environ 23,5 millions de dollars à ce genre de subventions. De plus, il y a le régime d'exemption d'intérêts qui représente environ 46,5 millions de dollars.
Nous sommes sur le point de publier une évaluation du programme de prêt étudiant que nous avons confiée à un évaluateur indépendant. Un examen préliminaire nous indique que les étudiants qui ont de la difficulté à rembourser leur dette ne font pas appel au programme d'exemption d'intérêts. Par ailleurs, nous ne pouvons pas dire qu'en ce qui concerne les subventions pour initiatives spéciales qui sont offertes à l'heure actuelle, la totalité du montant disponible est utilisée. C'est pourquoi nous nous demandons: Pourquoi les étudiants ne se prévalent-ils pas pleinement de ces mesures? C'est ce que nous devons déterminer. Il existe peut-être des raisons évidentes, c'est-à-dire que les étudiants n'ont peut-être pas suffisamment d'information à propos de ces programmes ou ignorent où s'adresser pour se renseigner. Comme nous comptons dans une grande mesure sur des tiers comme les provinces, les administrateurs de l'aide étudiante et les banques pour fournir cette information, exerçons-nous un contrôle suffisant sur la façon dont cette information est transmise aux étudiants? Pour l'instant, cette information est quand même suffisante, mais nous devons nous assurer que les étudiants y ont pleinement accès.
Comme nous venons de le mentionner, nous avons passé beaucoup de temps à élaborer des modèles et à effectuer des recherches dans le but de recueillir le plus de renseignements possibles sur les différentes mesures d'aide offertes aux étudiants. Quels arguments pouvons-nous invoquer devant le cabinet pour lui montrer que l'endettement des étudiants constitue un problème? Nous avons eu de nombreuses discussions avec divers intervenants au sujet des solutions qui permettraient de résoudre le problème.
Nous demeurons convaincus que, malgré la nouvelle subvention pour les étudiants ayant des personnes à charge, les bourses d'études millénaires et les mesures déjà existantes, nous devons accroître l'aide offerte aux étudiants. Nous explorons toujours la question de savoir s'il faut encourager davantage l'épargne-études, et par quels moyens. Est-ce en prévoyant de nouvelles modalités pour les REEE? Nos collègues du ministère des Finances examinent présentement diverses options à cet égard.
Nous devons également accroître nos efforts en vue d'informer les étudiants sur les programmes d'aide qui existent. Il faut que cette information leur soit utile et accessible. Nous devons, pour cela, collaborer avec nos partenaires.
En outre, nous examinons toujours les diverses subventions dont ont besoin les étudiants avant d'entreprendre leurs études, pour éviter qu'ils ne s'endettent. Pouvons-nous, par l'entremise de l'option de remboursement en fonction du revenu, trouver une formule de remboursement lié au revenu qui saurait intéresser les étudiants? Nous essayons de concentrer nos efforts sur la période de transition, soit les trois à cinq premières années qui suivent l'obtention du diplôme. Nous savons par expérience que c'est souvent au cours de cette période que les étudiants ont le plus de difficulté à trouver un emploi, qu'ils se découragent, si leur salaire est peu élevé et leurs dettes, lourdes, et qu'ils ont de la difficulté à rembourser leur prêt. Nous essayons de voir s'il ne serait pas possible de venir en aide aux étudiants au cours de cette période extrêmement difficile. Nous devrions récompenser les étudiants qui font un effort sincère pour rembourser leur prêt en leur offrant de nouvelles options de remboursement.
Nous essayons pour l'instant -- et je dois dire, pour être juste, qu'il nous reste encore du travail à faire -- de mettre au point une formule d'investissement qui permettra à l'étudiant de rembourser son prêt et au gouvernement d'économiser de l'argent au cours de la durée du prêt. Grâce à cette formule, nous pourrons aider l'étudiant qui doit traverser des moments très difficiles pour faire ce que la plupart des étudiants font, c'est-à-dire rembourser, dans la mesure du possible, la totalité de leur prêt. Nous envisageons comme option une forme quelconque de remise de dettes ou de traitement de l'intérêt.
Pour ce qui est des formules de remboursement en fonction du revenu, la plupart des étudiants rejettent cette option parce que l'amortissement négatif sur une période de 25 ans ne fait qu'accroître le montant que l'étudiant doit rembourser. L'argument classique que l'on évoque est le suivant: si vous êtes une femme et que vous quittez le milieu du travail pour avoir un enfant, vos intérêts sur la dette vont continuer de s'accumuler et si vous n'arrivez pas à rembourser le gros du montant au cours de ces 25 ans, vous allez vous retrouver avec une dette qui pourrait être colossale.
Nous essayons de trouver des moyens d'abolir l'amortissement négatif ou l'ajout des intérêts non remboursés au capital, et de voir quelle est la période de remboursement la plus favorable, c'est-à-dire celle qui permettra aux étudiants de continuer à rembourser leur prêt, et au gouvernement de réduire ses coûts. Voilà, dans les grandes lignes, les mesures que nous avons prises. Nous n'avons pas encore trouvé la solution qui permettra de résoudre le problème, mais nous avons fait beaucoup de progrès depuis février. Nous avons beaucoup plus de données en main. Nous avons tenu d'autres discussions avec les provinces et les intervenants. Nous trouvons encourageant le vif intérêt que suscite cette question chez divers groupes, et nous espérons rencontrer les ministres, dans les trois à six prochains mois, pour élaborer un plan d'action. Nous prévoyons, au cours des prochaines années, offrir, entre autres, des subventions aux étudiants ayant des personnes à charge. Nous comptons également, d'ici 18 mois, mettre au point une formule de remboursement en fonction du revenu.
Nous espérons avoir abordé certaines des questions qui vous intéressent. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, madame Nixon.
Le sénateur Andreychuk: Je tiens à vous remercier. Si nous voulons faire un travail sérieux, nous devons savoir quelles mesures vous avez prises pour répondre à nos préoccupations et à celles des groupes que vous avez entendus. Nous savions que vous suiviez de près notre travail et celui des intervenants qui ont comparu devant nous. Je tiens à vous remercier de nous avoir préparé ce dossier d'information.
J'ai de la difficulté à voir quels sont les risques pour les banques, les institutions financières. Il est vrai que ces programmes ne sont pas rentables pour elles et qu'elles doivent probablement y consacrer beaucoup plus d'énergie qu'on ne s'en rend compte. Toutefois, elles ont accès à une clientèle bien établie, une clientèle à laquelle elles tiennent, comme elles l'ont mentionné, et c'est une des raisons pour lesquelles elles participent à ces programmes.
Vous avez dit dans votre mémoire qu'elles exigeraient, dorénavant, une garantie totale. Quelle part des risques assumeront-elles? Je crois que les risques, pour elles, seront minimes. Lancer une campagne d'information coûterait beaucoup plus cher que desservir une clientèle bien établie. Comme vos statistiques l'indiquent, ces gens vont toucher de gros revenus. Ils ne contracteront pas des prêts pour de petits projets, mais pour monter une entreprise, entreprendre des projets personnels, ainsi de suite.
Les risques qu'assument les institutions, pour l'instant, ne sont pas exorbitants. Or, elles semblent maintenant ne vouloir assumer aucun risque. Qu'est-ce qu'elles entendent par cela?
M. Townsend: Le concept de la garantie totale est lié à la formule de remboursement en fonction du revenu que nous avons proposée.
Aux termes de cette formule, l'étudiant rembourserait un pourcentage de son revenu. Les étudiants seraient incapables, au cours d'une période raisonnable, même 20 ou 25 ans, de rembourser la totalité de leur prêt. Les banques avaient tendance à dire, «Eh bien, si le prêt n'est pas remboursé au bout de cette période, qui en sera responsable?» Elles voulaient une garantie totale pour le montant qui resterait à rembourser une fois la période de remboursement terminée.
Mme Nixon: À l'heure actuelle, nous leur versons une prime de risque de 5 p. 100. Elles soutiennent que, après avoir négocié un contrat avec nous, elles ont relevé certaines faiblesses. Le taux de non-remboursement des prêts et l'incapacité d'effectuer le premier paiement sont plus élevés que ce que nous avions prévu il y a deux ans lorsque nous avons entrepris ce projet.
Il faudrait sans soute que le programme de remboursement en fonction du revenu soit assorti de critères bien précis pour qu'elles acceptent d'y participer. Si nous offrions une forme de remise de dette ou des mesures visant à aider l'étudiant à rembourser sa dette, elles se montreraient moins exigeantes pour ce qui est de la garantie totale. Elles nous disent, «Nous n'avons pas bien évalué tous les éléments la première fois, et nous refusons d'assumer tous les risques si nous participons ensemble à ce programme».
Le sénateur Andreychuk: Lorsque nous parlons de prêts aux étudiants, nous parlons surtout d'étudiants qui doivent emprunter de l'argent, et ils tombent dans toutes sortes de catégories. Toutefois, il y a également les étudiants qui n'empruntent pas pour toutes sortes de raisons -- ils ont pris des mesures, ils ont un emploi à temps partiel, ou leur famille fait des sacrifices. Comment pouvons-nous aider les étudiants qui ne font pas appel au programme de prêts? Ils empruntent peut-être d'autres sources, comme leur grand-mère. Comment pouvons-nous les aider? C'est ce qui me préoccupe. Nous voulons que les étudiants fassent preuve d'initiative, qu'ils se prennent en main.
Sur ce même point, nous parlons d'investir dans l'avenir. Nous prenons tous des hypothèques de 25 ans, et nous nous demandons ensuite constamment si, en faisant cela, nous nous bâtissons un actif. Certains ont essayé de vendre leur maison 20 ans plus tard et ils se sont rendu compte que celle-ci ne constituait absolument pas un actif, en raison du marché. C'est une entreprise qui comporte beaucoup de risque.
Est-ce que l'investissement dans l'éducation est un actif comparable qu'il faut payer pendant des années, mais qui finit par porter fruit en raison de la qualité de vie et des récompenses qu'il nous procure pendant et après les études? Devons-nous insister davantage là-dessus?
Au cours des dernières années, nous avons entendu des jeunes dire qu'ils ne voulaient pas emprunter de l'argent pour leurs études parce que cela coûte trop cher. Quand j'allais à l'école, on nous disait d'investir dans notre éducation. Cela voulait dire qu'il fallait faire des sacrifices personnels, et pas seulement pendant les années universitaires. Je savais que je devais faire des sacrifices pendant un certain temps avant que mes efforts portent fruit.
Mme Nixon: Ce sont des questions sérieuses et je ne crois pas être en mesure d'y répondre de façon satisfaisante.
Le sénateur Andreychuk: Vos propos me laissent songeuse. Vous avez analysé le cheminement de ces personnes et les problèmes auxquels elles seront confrontées. Nous avons parlé des risques, de la nécessité de faire preuve de souplesse et du fait que nous ne savons pas ce qui nous attend sur le marché du travail.
Comment pouvons-nous faire ressortir l'importance de l'éducation et encourager les étudiants à faire preuve d'initiative dans ce domaine?
Mme Nixon: Je ne suis pas une spécialiste en la matière, mais nous avons beaucoup parlé des enjeux qui entourent l'éducation, de manière générale, de leur importance dans ce nouveau monde axé sur l'information, et des mesures que nous devons prendre pour encourager les gens à changer leur approche vis-à-vis de l'éducation. Il faut reconnaître que l'éducation postsecondaire est un investissement. Nous devons fournir aux gens, que ce soit les grands-parents, les parents ou les enfants eux-mêmes, les outils dont ils ont besoin pour commencer très tôt à économiser de l'argent pour les études postsecondaires. Nous devons les sensibiliser à cette question. Il y a des mesures que nous pouvons prendre. C'est un sujet sur lequel le comité pourrait se pencher.
Il est vrai que nous ne devons pas concentrer toute notre attention sur les mesures que nous devons prendre pour éviter que les étudiants nécessiteux ne puissent avoir accès à une éducation postsecondaire pour des raisons économiques.
En ce qui concerne les bourses d'études du millénaire, nous essayons de voir quel genre d'aide reçoivent les étudiants en termes de bourses d'études, ainsi de suite. Il n'existe pas de guichet unique où l'on peut obtenir tous ces renseignements. Il n'y a pas de site sur l'Internet qui vous donne des renseignements sur tous les programmes d'aide qui existent pour les étudiants. En fait, je ne sais pas comment les étudiants se débrouillent pour obtenir des bourses d'études. Nous devrions avoir un service d'information auquel les étudiants peuvent avoir accès. Il y en a un, mais il n'est pas complet. L'étudiant qui fait des sacrifices devrait avoir droit à des bourses d'excellence ou d'études.
M. Townsend: Les sacrifices sont importants, tout comme le sont les prêts, ce véhicule qui nous permet d'avoir accès à cet actif très important qu'est l'éducation postsecondaire.
On s'interroge sur le montant du revenu disponible que les diplômés seraient obligés de verser pour rembourser leur prêt. Habituellement, il faut de neuf à neuf ans et demi pour rembourser un prêt. Les personnes qui ont contracté un prêt utilisent environ 10 p. 100 de leur revenu disponible pour le rembourser. Ceux dont les dettes sont très élevées -- de 25 000 à 30 000 $ -- consacrent de 30 à 40 p. 100 de leur revenu disponible au remboursement de leur prêt sur une période de 15 ans. Le problème, c'est que ces personnes ne peuvent fonder des familles, s'acheter une voiture ou une maison, tous des avantages que procure une éducation postsecondaire très poussée. C'est l'équilibre qui est important.
Le sénateur Andreychuk: Si j'analyse les motifs qui m'ont poussé à faire ce que j'ai fait, je me rends compte qu'il était dans mon intérêt d'obtenir une éducation, et que je devais aussi contribuer au savoir de mon pays, ce qui m'a procuré certains avantages. C'est le genre de débat qui fait défaut aujourd'hui.
Que s'est-il produit depuis les années 60, époque où j'ai obtenu mon diplôme d'études secondaires? Ce débat est important. J'entends des gens dire des choses du genre, «C'est son éducation. Qu'il en assume les coûts.» On n'entendait pas ce genre de commentaire quand j'allais à l'école. On estimait que chaque personne qui faisait des études constituait un investissement pour le pays.
Par ailleurs, cette personne jugeait avoir l'obligation non seulement de gagner de l'argent, mais également de contribuer au savoir et au bien-être du pays, que ce soit en travaillant dans la fonction publique, en adoptant un comportement responsable, ainsi de suite. Je suis heureuse de vous entendre dire que c'est une question qui vous examinez de près.
Le sénateur Forest: Les banques disent qu'elles n'ont pas bien évalué tous les éléments et qu'elles ont des problèmes. À combien s'élèvent leurs pertes réelles? Est-ce qu'elles sont énormes? N'ont-elles rien à ce sujet?
M. Townsend: Le problème ne tient pas vraiment au fait qu'elles ont mal évalué les éléments, mais plutôt à la rapidité avec laquelle les circonstances ont évolué. Je vais vous donner quelques exemples des questions qui préoccupent les institutions.
Les étudiants d'université ont toujours été les principaux emprunteurs, suivi des étudiants de collèges communautaires et des étudiants des écoles privées. Cette tendance a changé. Les étudiants d'université, même s'ils représentent encore la majorité, ne constituent plus le principal groupe d'emprunteurs. Les étudiants de collèges communautaires et ceux qui fréquentent les privées représentent une plus grande proportion des emprunteurs.
Les banques ne peuvent refuser de leur accorder un prêt aux termes de notre programme. Elles doivent octroyer un prêt à un étudiant s'il répond aux critères d'évaluation des besoins. Le taux de non-remboursement varie entre les diplômés d'universités, les diplômés de collèges communautaires et les étudiants des écoles privées.
Le nombre absolu d'étudiants qui reçoivent des prêts pour suivre des cours dans un collège d'enseignement professionnel a doublé ces dernières années, passant de 25 000 à 50 000. Le taux moyen de non-remboursement tourne autour de 40 p. 100. Par conséquent, les institutions deviennent très inquiètes lorsqu'elles voient un grand nombre d'étudiants qui reçoivent des prêts tomber dans une catégorie où le taux de non-remboursement est plus élevé. C'est une des questions qui les préoccupent.
Le sénateur Forest: Fait-on quelque chose au sujet des institutions qui affichent un taux de non-remboursement élevé? Prévoit-on prendre des mesures pour leur retirer leur désignation?
M. Townsend: La question de la désignation des institutions relève des provinces. C'est une responsabilité provinciale. Nous avons créé un groupe de travail de concert avec les provinces pour examiner les critères qui permettraient de désigner un plus grand nombre d'institutions.
Il est également important dans certains cas que les particuliers aient accès à la formation, mais un prêt n'est pas nécessairement la meilleure façon d'y parvenir. Plusieurs programmes d'assistance sociale des provinces ont subi des changements ces dernières années, ce qui a augmenté le nombre de personnes qui bénéficient de l'assistance sociale à long terme et qui envisagent des études postsecondaires afin de pouvoir réintégrer le marché du travail. La transition peut être particulièrement difficile et l'être encore davantage lorsqu'il faut rembourser des prêts. Nous devons examiner les répercussions de plusieurs décisions prises en matière de politique sociale ces cinq dernières années.
Le sénateur Andreychuk: Certains de ces établissements sont-ils privés par opposition aux établissements publics?
M. Townsend: Oui. La majorité de ces établissements ont bonne réputation, offrent de très bons services et sont importants. Ils tendent à concentrer les études sur une très courte période et visent à donner aux particuliers des compétences leur permettant d'obtenir des emplois immédiatement. Le plus souvent, il est surtout question d'emplois dans le secteur de la haute technologie. Ces établissements sont un élément précieux de l'enseignement postsecondaire en général. Il existe tout un éventail de possibilités. J'ai parlé d'un genre d'écoles; il y en d'autres également, bien sûr.
Le sénateur Forest: Sur les deux millions de Canadiens qui suivent des études postsecondaires, combien ont accès au programme de prêts, en pourcentage?
M. Townsend: Au niveau universitaire, cela représente près de 30 p. 100 des étudiants; au niveau des collèges communautaires, nous parlons d'environ 25 p. 100. Il est beaucoup plus difficile d'obtenir un chiffre précis pour les collèges communautaires en raison de la façon dont sont tenues les statistiques, mais si vous me permettez un peu de latitude, je crois que cela se situe autour des 25 p. 100. Nous ne pouvons pas donner de pourcentage pour les collèges privés d'enseignement professionnel, puisque ces établissements ne compilent pas de données d'inscription.
Le sénateur Forest: Je m'intéresse au secteur de l'apprentissage en milieu de travail et à l'éducation permanente. J'aimerais savoir quelle aide apporte le secteur privé et s'il offre ces genres de programmes à ses employés. Savez-vous ce qui se passe dans ce domaine? Nous essayons d'encourager les employeurs et les établissements à le faire.
Mme Nixon: Je n'ai pas ces statistiques en tête. Chaque année, un sondage effectué parmi les employeurs permet de savoir exactement ce qu'ils offrent à leurs employés en matière de formation. Je peux obtenir ces chiffres pour vous. Je sais qu'ils sont parfois désespérément bas, mais je comprends également que beaucoup d'employeurs sont confrontés à des difficultés et à toutes sortes de situations. Notre ministère ne participe pas autant qu'avant à la formation en milieu de travail pour toutes sortes de raisons, mais nous avons des programmes d'alphabétisation en milieu de travail, sinon, nous les finançons indirectement. Pour ce qui est des autres programmes en milieu de travail, nous nous en occupons très rarement aujourd'hui.
Le sénateur Forest: Je pense aux programmes coopératifs des universités qui permettent de créer un véritable partenariat. J'espère que les employeurs offriront de plus en plus de programmes à leurs employés pour leur donner la possibilité d'apprendre. À l'heure actuelle en Alberta, où nous avons connu un taux de chômage élevé, nous commençons à connaître une pénurie; nous encourageons les entreprises à conserver leurs employés même si ce n'est que pour leur propre bien-être économique. Il est sage de les aider à participer à ces genres de programmes qui voient plus loin que l'amélioration des compétences pour l'emploi.
Mme Nixon: C'est exact.
Le sénateur Forest: Cela m'intéresse et nous ramène à un point dont a fait mention le sénateur Andreychuk, à savoir, la responsabilité non seulement des particuliers, mais aussi des entreprises au sein de la collectivité.
Mme Nixon: Les entreprises qui ont connu un essor ces dernières années sont probablement celles qui se sont rendu compte de la nécessité de former leurs employés et de leur faire bénéficier de nouvelles idées et de nouvelles technologies. Bien d'autres gens en savent plus à ce sujet que moi, mais je suis d'accord avec vous, c'est important.
Le sénateur Perrault: Je suis fort impressionné par les renseignements intéressants et importants que nous ont apportés aujourd'hui Mme Nixon et M. Townsend.
L'éducation a connu de profonds changements depuis que j'ai terminé mes études à l'UBC. Auparavant, des organismes de recrutement faisaient la queue à la porte des universités. Le problème, c'était que nous étions embauchés pour des entreprises et des emplois très bien payés aux États-Unis. Au cours des derniers mois, j'ai beaucoup parlé avec les jeunes. Ils s'inquiètent énormément de la situation. L'autre jour, l'un d'eux m'a dit; «J'ai un doctorat.»; c'est lui qui me ramenait en taxi de l'aéroport. Il m'a dit: «Ne vous rendez-vous pas compte de la gravité de la situation?» Je lui ai répondu: «Certainement.» Il m'a dit: «Je ne peux pas obtenir d'emploi en fonction des capacités que j'ai acquises au cours de mes études postsecondaires.» Vous avez tenu le même discours dans votre témoignage aujourd'hui.
Tant que les réformes ne se feront pas parallèlement à une stratégie de l'emploi, nous aurons le même problème.
Lorsqu'un jeune vous dit: «Je dois 30 000 $ à la banque» et qu'il est payé au salaire minimum dans une chaîne de hamburgers, comment peut-il rembourser ce montant? Ce remboursement doit se faire en fonction de son revenu, certainement, et prendre beaucoup de temps.
Beaucoup reportent à plus tard la décision de se marier, comme vous l'avez bien souligné. Le fondement même de notre société est ébranlé par cette folie.
Un autre m'a dit l'autre jour que les agences de recouvrement frappaient à sa porte et déduisaient l'argent de son revenu, revenu pitoyable. C'est une question extrêmement grave.
Compte tenu des taux de chômage élevés dans la plupart des provinces, je suis heureux d'apprendre que l'Alberta connaît un mini-boom. Cela va tous nous aider. L'économie de la Colombie-Britannique est actuellement inactive. C'est très dur pour la Colombie-Britannique soi-disant prospère. L'achat de produits du bois par le Japon a de profondes répercussions sur les recettes de la province de la Colombie-Britannique.
J'ai fait mes études universitaires en bénéficiant de toutes sortes d'avantages, y compris des bourses, et cetera, mais la situation est bien plus difficile aujourd'hui que lorsque j'étais à l'université, soit tout de suite après la période glacière.
Je suis heureux de voir que vous semblez faire des sondages dans plusieurs domaines. Je pense que vous vous rendez compte de la gravité de la situation, laquelle pourrait donner lieu à une révolte sociale si nous ne faisons rien pour y remédier. Il ne faudrait pas que la génération la mieux éduquée dans l'histoire du Canada soit aigrie par un système qui ne lui permet pas de former de famille ni d'occuper une place utile et constructive au sein de la société. Je ne veux pas me faire conduire de l'aéroport par des titulaires de doctorat et me faire sermonner pendant tout le trajet.
Nous vous remercions tous des renseignements que vous nous avez donné ce matin. Toutefois, que se passe-t-il aux États-Unis? Le président Clinton a déclaré à plusieurs reprises qu'il était fort en faveur d'un programme d'aide aux étudiants. Surveillez-vous la situation? Avez-vous un exemplaire des initiatives proposées par Clinton?
M. Townsend: Nous suivons la situation aux États-Unis ainsi que celle d'autres pays.
Le Canada continue d'offrir un programme d'aide financière aux étudiants qui est considéré comme l'un des meilleurs au monde, mais plusieurs initiatives intéressantes sont prises aux États-Unis et nous les examinons. Le service de comptabilité publique nous en a signalé une. Nous assistons à un taux élevé d'abandon des étudiants dont les besoins ne sont pas couverts par les prêts. Par conséquent, nos maximum de prêts ne couvrent pas tous les besoins évalués. Pour ce groupe d'étudiants, le niveau est beaucoup plus élevé que pour les autres.
Le service de comptabilité publique a fait une recherche sur les subventions versées aux étudiants au cours de leurs deux premières années d'études. Cette recherche a révélé que les subventions permettent aux étudiants de continuer et de terminer leurs études. Il s'agit d'un travail précieux que nous intégrons dans notre réforme de politique.
Nous examinons la situation américaine de près. Elle est bien différente de la nôtre. Nous examinons également leur régime de prêts remboursables en fonction du revenu, ainsi que les programmes offerts en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Suède et dans d'autres pays.
Mme Nixon: Le système américain est extrêmement complexe et c'est en cela qu'il est si différent du nôtre. Chaque étudiant se voit offrir des options dans le cadre d'un prêt global. Le PRR est facultatif. L'étudiant doit être extrêmement bien informé de ce qui existe afin de pouvoir faire de bons choix. Beaucoup de banques et divers intervenants participent à l'aide aux étudiants de diverses façons. Des Américains, venus ici dans le cadre d'échanges, et d'autres également, observent la situation canadienne avec envie, car elle est beaucoup plus simple que l'américaine. Toutefois, nous pouvons tirer des leçons des expériences d'autres pays.
Le sénateur Perrault: Les jeunes gens de ma province sont également préoccupés par le nombre élevé d'étudiants de l'étranger. La plupart viennent de familles aisées. Je suis très inquiet lorsqu'un jeune Canadien me dit qu'il ne peut pas rembourser les dettes reliées à ses études universitaires tandis que des étudiants étrangers sont acceptés dans les universités canadiennes.
Je me suis rendu à l'UBC où j'ai pu observer directement ce phénomène. Le pourcentage des étudiants étrangers est très élevé. Les universités, toutefois, les accueillent car dans certains cas, les frais universitaires qu'ils doivent payer sont plus élevés. Ce n'est pas très rassurant pour un jeune Canadien de s'entendre dire qu'il va s'endetter sans avoir la garantie d'avoir au bout du compte un revenu qui lui permettra de rembourser cette dette, alors que des étudiants étrangers sont acceptés à l'université.
Le sénateur Corbin: Que voulez-vous dire par «étrangers»?
Le sénateur Perrault: Je parle dans certains cas d'étudiants asiatiques. Il s'agit d'étudiants qui travaillent fort et qui sont capables de réussir, mais je ne tiens pas à ce qu'on en accepte trop, alors que nous fournissons nous-mêmes l'établissement d'enseignement.
Le sénateur Forest: Beaucoup de nos établissements font du marketing dans ces pays pour attirer de tels étudiants.
Le sénateur Perrault: Bien sûr, car c'est pour eux une source de revenu. Je comprends le dilemme des universités.
Le sénateur Forest: Par ailleurs, les étudiants étrangers apportent une certaine culture à nos universités. C'est également très important pour nos étudiants.
Le sénateur Perrault: Je ne critique pas cette réalité. Je dis simplement que je m'inquiète qu'un grand nombre de jeunes Canadiens reportent la décision de fréquenter un établissement universitaire ou de poursuivre des études postsecondaires par crainte des conséquences financières. C'est ce qu'ils me disent et c'est ce qui me préoccupe.
Le président: Merci, monsieur le sénateur, pour votre discours au sujet de la Colombie-Britannique. Il est intéressant de savoir que, bien que vous veniez de l'autre côté de la montagne, vous continuez à croire, comme nous, que nous avons le meilleur système d'éducation au monde.
Le sénateur Perrault: C'est un excellent système.
Le sénateur Corbin: J'ai suivi les travaux de votre comité, monsieur le président. Je vous félicite ainsi que les membres du comité d'avoir passé de longues heures sur ce sujet.
J'ai lu l'information remise au comité ce matin. Si vous avez déjà répondu à cette question, ne vous répétez pas, car je trouverai la réponse plus tard.
Au paragraphe 5 de la page 7, vous dites: «on doute du bien-fondé du concept de remboursement en fonction du revenu...». Pourriez-vous m'expliquer cela en termes simples? Je dois dire que la version française me semble plus claire que l'anglaise, mais je ne comprends toujours pas les données du problème dont il est fait mention ici.
Mme Nixon: Nous avons essayé de souligner les divergences d'opinion des provinces à propos de toute cette question. Actuellement, beaucoup des provinces offrent ce qu'elles appellent des programmes de remise ou d'annulation de dette. Lorsqu'un étudiant termine ses études, la partie provinciale du prêt est plafonnée à un certain seuil et tout montant dépassant ce seuil est payé par la province. Je crois que le Manitoba est la seule province qui, en ce moment, n'a pas de programme de remise de ce genre. Certains de ces programmes sont plus généreux, d'autres moins. Les provinces de l'Ouest notamment sont très satisfaites du modèle de remise de dette et ne voient pas la nécessité de remplacer ce qu'elles ont actuellement en place par un régime de prêts remboursables en fonction du revenu. Pour l'instant au moins, beaucoup d'entre elles nous ont dit qu'elles préféreraient notre aide dans le contexte de leurs programmes de remise de dette plutôt que l'introduction d'un programme ressemblant à un régime PRR.
Le sénateur Corbin: Quelle serait la forme que prendrait l'aide demandée?
Mme Nixon: Ce serait fort probablement une aide monétaire. Bien que nous n'ayons absolument pas éliminé la possibilité de trouver un modèle de remplacement qu'elles accepteraient, si l'on en croit certaines positions adoptées dans le passé, elles pourraient dire: «Pourquoi ne pas simplement injecter de l'argent dans nos programmes de remise de dette?» Étant donné que les prêts fédéraux représentent 60 p. 100 du problème et les prêts provinciaux, en général, 40 p. 100, les provinces considèrent qu'en ce moment elles assument la responsabilité de la dette au moment du remboursement.
Le sénateur Corbin: S'agirait-il d'argent réservé à cet effet? En d'autres termes, cela ne serait pas un transfert général dans les fonds généraux de la province?
Mme Nixon: Ce serait des fonds réservés à cet effet.
Le président: Nous vous avons retenus plus longtemps que ce que vous auriez souhaité, mais je tiens à vous remercier d'être venus ce matin.
Avez-vous envisagé, d'une façon ou d'une autre, dans le cadre de votre programme de bourses d'études du millénaire, de prendre en compte le mérite et les besoins? Allez-vous faire des recommandations au ministère des Finances à propos de ces deux critères? Les deux ne vont pas nécessairement de pair, mais avez-vous pensé à ce genre de bourses?
Mme Nixon: Ces possibilités existent. Y avons-nous pensé? Oui; nous envisageons toutes les possibilités.
Pour l'instant, il est important d'essayer d'évaluer. Si deux catégories étaient prévues, comment parviendrait-on à un équilibre entre les objectifs globaux du fonds des bourses d'études -- c'est-à-dire, aider les étudiants dans le besoin -- et le fait de récompenser ceux qui ont du mérite? Ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas un point sur lequel nous travaillons activement. C'est certainement un sujet dont nous pouvons parler à nos collègues du ministère des Finances.
De toute évidence, vous préféreriez deux catégories distinctes plutôt qu'une combinaison?
Le président: Je pense qu'il est important de retenir au Canada les étudiants qui ont du mérite, plutôt que de les voir partir aux États-Unis. Si nous pouvons les aider en leur donnant ces subventions ou ces bourses supplémentaires de manière qu'ils restent au Canada, c'est ce que nous devrions faire. À l'heure actuelle, nous exportons des cerveaux au lieu de matières premières. Si nous pouvons retenir certains de ces candidats boursiers au Canada, je crois que c'est ce que nous devrions nous efforcer de faire.
Ne perdez pas cela de vue. Merci d'être venus ce matin. J'espère que nous pourrons vous inviter de nouveau, si cela s'impose.
Mme Nixon: Certainement.
Le président: Je crois que notre étude sur l'éducation a réveillé les partis politiques, les provinces et notre gouvernement. Notre Premier ministre lui-même parle de l'éducation dans ses propos. Lors des dernières élections, les chefs de tous les partis ont mis l'éducation au sommet de leurs préoccupations. Même les provinces parlent de l'éducation. Je crois que l'on peut dire que notre comité a rempli sa mission, même s'il n'a fait que réveiller notre pays.
La séance est levée.