Délibérations du comité sénatorial spécial
de la
Sécurité des transports
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 2 juin 1999
Le sous-comité sur la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit ce jour à 18 h 10 pour examiner l'état de la sécurité des transports au Canada.
Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le comité poursuit son examen de l'état actuel et futur de la sécurité des transports au Canada. D'ici à l'an 2020, pouvez-vous imaginer le monde des transports plus sûr qu'il ne l'est aujourd'hui?
Cela étant dit, je souhaite la bienvenue au capitaine Richard Sowden et à M. Peter Foster.
Nous aimerions entendre la déclaration liminaire que vous avez incluse dans votre excellent mémoire. Vous pouvez, si vous le voulez, nous en faire lecture ou alors la passer en revue avec nous en faisant ressortir les points saillants, après quoi nous passerons aux questions.
M. Richard Sowden, président, Division de la technique et de la sécurité, Association des pilotes d'Air Canada: Je suis un capitaine chez Air Canada et je pilote un Airbus 320. Mon collègue est M. Peter Foster et nous représentons l'Association des pilotes d'Air Canada. J'en suis le président et Peter est le gestionnaire de la Division de la technique et de la sécurité.
J'aimerais vous donner rapidement quelques renseignements généraux sur l'association. L'Association des pilotes d'Air Canada (APAC) est la plus grosse association canadienne de pilotes professionnels. Ce sont nos 2 100 membres qui pilotent les 160 aéronefs de six catégories différentes, allant de l'avion à réaction régional Bombardier de construction canadienne au Boeing 747-400, que compte la flotte d'Air Canada.
On m'a demandé de traiter de la question de la fatigue des pilotes et j'aborderai également brièvement un certain nombre d'autres questions relatives à la sécurité et qui préoccupent les membres de notre association.
Je demande votre indulgence pour accepter sur parole quatre constats de base concernant le sommeil et la fatigue. Premièrement, les pilotes ne sont pas différents des autres êtres humains, même si ma femme contesterait peut-être à certaines occasions cette déclaration. Deuxièmement, tous les êtres humains ont besoin de sommeil. Tout comme l'eau et la nourriture, le sommeil est un besoin physiologique essentiel à notre survie. Troisièmement, si les habitudes de sommeil sont perturbées et qu'un être humain ne bénéficie que d'une qualité de sommeil mauvaise ou en tout cas insatisfaisante, alors cette personne manque de sommeil et souffre de fatigue. Quatrièmement, un être humain fatigué fonctionne à un moindre niveau qu'un être humain reposé. Cela vaut même pour les pilotes. Un pilote fatigué est plus susceptible de commettre des erreurs, et vient avec cela le risque d'une moindre sécurité en cours de vol.
Ces faits ne sont pas des révélations. La documentation scientifique regorge d'études montrant que la fatigue réduit les niveaux de performance. Au lieu de vous en citer une litanie, nous déposons auprès de vous copie d'un rapport préparé par le Battelle Memorial Institute à la demande de la Federal Aviation Administration aux États-Unis. Ce rapport passe en revue les écrits scientifiques portant sur la fatigue, le sommeil et le cycle circadien, soit notre cycle naturel d'éveil jour/nuit, appliqué au milieu de l'aviation.
Les questions de la limitation des périodes de service des équipages et de leur fatigue ont fait l'objet de beaucoup de discussions. Aux États-Unis, la National Aeronautics and Space Administration, ou NASA, a été chargée d'examiner la question. S'appuyant sur ses propres travaux de recherche, elle a établi des critères en matière de période de repos minimale, de durée maximale de service de vol et de lignes directrices pour le travail tard le soir lorsqu'il y a traversées multiples de fuseaux horaires. Au début, Transports Canada a examiné ces facteurs. Cependant, les actuels règlements canadiens en matière d'aviation (RCA) ignorent le gros de ces recherches scientifiques et maintiennent des limites de durée des tours de vol des équipages dépassées et non sécuritaires.
Songez à ceci: les membres du Sénat qui comptent voyager à bord d'avions canadiens devraient savoir que, dans le cadre des normes actuellement en vigueur, le pilote qui sera aux commandes lors de votre prochain voyage pourrait être en train de faire une journée de travail de 14 heures ou même de 17 heures si votre vol a été retardé pour raison de problèmes mécaniques ou de conditions climatiques. Si l'on tient compte des retards, il se peut même que le pilote soit en train de faire la dernière d'une série de journées de 14 heures, avec seulement neuf heures et demie de repos avant de se présenter au travail le matin de votre vol. Ce genre d'horaire de travail, qui est parfaitement légal en vertu de nos règlements, est loin de susciter la confiance dans la capacité de notre système de veiller au maintien de normes de sécurité appropriées. La question de la fatigue des pilotes est complexe, mais on peut la distiller ou la ramener à quatre principaux facteurs -- les tâches, la durée des tours, le rythme circadien et la perte de sommeil -- dont je vais brièvement traiter.
Tout d'abord, les facteurs liés aux tâches. Les responsabilités des pilotes supposent une charge de travail importante et des niveaux de stress élevé, souvent sana pause pendant plusieurs heures d'affilée. Nous exécutons nos tâches dans un cadre qui, selon l'aéronef que nous pilotons, peut être exigu, bruyant et plein de vibrations ou, lorsqu'il s'agit d'un avion à réaction, sec, pressurisé et, souvent, monotone. L'automatisation allège peut-être un peu la charge de travail et permet un équipage à deux, mais il ne faut pas oublier que le cockpit à deux places signifie qu'il y a un pilote en moins pour prêter main forte en période de charge de travail élevée ou en cas d'urgence. Cela a peut-être été un facteur, et cela ressortira dans le rapport final, dans l'accident de l'avion de Swissair. Dans un cockpit à deux places, il y a tout simplement moins de possibilités pour un pilote de s'accorder une petite pause et de maintenir son niveau d'éveil.
Passons maintenant aux facteurs liés à la durée du service. Au Canada, les pilotes sont au travail pour de longues périodes de temps, parfois pour 14 heures d'affilée, comme je l'ai déjà dit. Dans le cas des pilotes de réserve, qui doivent être prêts à se présenter à l'aéroport avec un préavis d'une heure, le service commandé peut être imprévisible et les pilotes peuvent se trouver dans l'incapacité de planifier leurs pauses sommeil. Cela résulte souvent en une longue période de service tout de suite après une période prolongée d'éveil naturel.
Passons maintenant aux facteurs circadiens. Nos corps fonctionnent selon un rythme naturel appelé «rythme circadien». Nous sommes le plus alerte le matin et le soir, et le plus endormi, comme l'on pourrait s'y attendre, au milieu de la nuit. Les travaux de recherche effectués montrent que nos corps ont une capacité limitée de changer d'horaire de sommeil. Les tentatives de compenser en dormant en dehors des plages normales n'apportent pas autant de repos que le sommeil pendant la nuit naturelle. Le fait de traverser plusieurs réseaux horaires vient compliquer le problème, les êtres humains étant lents à adapter leurs horloges circadiennes.
Les pilotes qui travaillent pendant toute la nuit sont exposés à une double menace. Non seulement il leur faut fonctionner pendant la période dans laquelle leurs capacités physiologiques sont à leur plus bas, mais ils ont également de la difficulté à accumuler suffisamment de sommeil en tant que défense contre la fatigue résultant d'heures de sommeil moins reposantes faites pendant la journée et des effets des décalages horaires.
Abordons maintenant la question de la perte de sommeil. Le sommeil, comme je l'ai déjà dit, est un besoin physiologique vital. Pour fonctionner de façon efficace, l'être humain moyen doit dormir huit heures par jour. La perte de sommeil et ses effets sur le rendement sont cumulatifs et ne peuvent être corrigés qu'avec le sommeil. Il faut en général deux pleines périodes de sommeil de huit heures pour se remettre d'un déficit de sommeil.
La perte de sommeil résulte en une somnolence accrue. Les conséquences de cela sont un rendement physique et mental réduit pendant toute la période de service, et pas seulement tard dans la soirée, et l'intéressé peut également faire de micro-siestes ou s'endormir de façon incontrôlée. Les études de la NASA montrent que les équipages subissent en moyenne une perte de quatre heures et demie de sommeil pour un trajet avec escale en Europe, tandis que la perte de sommeil moyenne est d'une heure par nuit pour les équipages faisant des vols courts.
Viennent se superposer à ces facteurs des éléments qui sont particuliers aux différentes situations de vol. Le pilote de long-courrier aura peut-être des périodes de service et de permanence aux commandes de l'avion de durée prolongée, tout en ressentant les effets de désynchronisation circadienne chronique et de perte de sommeil cumulative aiguë. Le pilote de court-courrier, qui aura lui aussi de longues périodes de service et souffrira de perte cumulative de sommeil, doit en même temps composer avec la charge de travail et le stress supérieurs de tronçons multiples avec de nombreux décollages et atterrissages.
Les êtres humains sont-ils habiles à juger leur degré de fatigue? La réponse est non. Les études scientifiques montrent que nous sommes de mauvais juges de notre propre fatigue et que nous sommes tout aussi peu doués pour déterminer si notre rendement s'est ou non dégradé. Compter sur l'auto-évaluation par les pilotes de leur degré de fatigue n'est pas une pratique saine. Pour veiller à la sécurité, il nous faut prévoir une réglementation adéquate pour minimiser la fatigue des pilotes.
À quel point la fatigue des pilotes est-elle un sérieux problème? Une étude effectuée en 1997 par Dawson et Reid a évalué le rendement des participants au test, rapportant qu'après 17 heures d'éveil, le rendement avait diminué pour atteindre l'équivalent de celui d'une personne ayant un taux d'alcoolémie de 0,05 p. 100. Après 24 heures, la dégradation de la performance était assimilable à celle d'une personne affichant un taux d'alcoolémie de 0,10 p. 100. Dans la plupart des pays, un conducteur affichant un tel taux d'alcoolémie serait jugée en état d'ébriété en vertu de la loi.
Pour nombre d'entre vous, piloter après 24 heures d'éveil pourrait paraître excessif. J'aimerais vous soumettre pour réflexion l'exemple suivant d'une situation qui est parfaitement légale en vertu des règles actuelles. Un pilote en disponibilité, qui suit le cycle de sommeil normal, se réveille à 7 heures, exécute ses tâches normales dans la maison ou autre -- rien de particulièrement épuisant -- et à 20 heures il reçoit un appel et on lui demande de se présenter au travail à 21 h 30. En vertu de notre loi, le pilote peut toujours être aux commandes 14 heures plus tard, soit à 11 h 30 le lendemain matin, quelque 28 heures et demie après son réveil. Un retard pour raison mécanique ou autre peut prolonger cela d'encore trois heures, pour un total de 31 heures et demie. Étant donné ce que nous savons des effets de la fatigue, cela paraît-il sensé? Nous ne le pensons pas.
La fatigue affecte le rendement du pilote en réduisant sa capacité cognitive et de surveillance. La fatigue encourage le sentiment de suffisance et augmente la tendance à prendre des risques. Cela donne également lieu à des micro-siestes et à la somnolence. La fatigue augmente le risque d'un accident et d'autres pays le reconnaissent du fait de s'être dotés de règles plus strictes que les nôtres en matière de durée de service de vol.
Pourquoi la différence? Au coeur de la question se trouvent les règlements. Le Canada a une riche tradition de l'aviation fondée sur l'ouverture des régions du nord du pays et sur les pionniers de l'aviation. Malheureusement, une partie de cet héritage subsiste encore aujourd'hui dans nos attitudes à l'égard des périodes de service de vol. Nos règles actuelles, permettant 14 heures plus trois heures pour les retards, sont attribuables à cette façon de penser dépassée et comptent parmi les plus indulgentes qui soient.
Il ne suffit pas de compter sur le RCA 602.02, qui dit qu'un pilote ne devrait pas prendre l'envol s'il souffre ou est susceptible de souffrir de fatigue, ce afin d'assurer la sécurité du système. N'oubliez pas que l'on sait que le jugement d'une personne concernant son propre niveau de fatigue est déjà atteint. Ce qu'il nous faut ce sont des règles efficaces et raisonnables intégrant une compréhension scientifique valide du sommeil et des effets de la perte de sommeil, et un terrain de jeu égal résultant de l'obligation pour tous les exploitants de maintenir les plus hauts niveaux de sécurité pour le public que nous desservons tous.
Nous n'y sommes pas encore. L'association que nous représentons aimerait vous soumettre trois recommandations en matière d'améliorations.
Que l'on modifie la journée de service de 14 heures pour tenir compte de l'heure de la journée et des segments de vol. Comme je l'ai dit, les règles actuelles permettent une journée de service de 14 heures, plus un prolongement de trois heures en cas de retard pour raisons opérationnelles. Il n'est nullement tenu compte de l'heure dans la journée ni du type de vol à assurer -- un vol long-courrier avec un nombre réduit de décollages et d'atterrissages ou alors un voyage court-courrier avec plusieurs segments. Pour mettre les choses en perspective, les travaux de recherche de la NASA ont résulté en une recommandation qu'il n'y ait pas plus de 10 heures de service de vol dans toute période de 24 heures ou 12 heures avec des plages de repos accrues.
Cependant, acceptant les 14 heures prévues dans nos règlements actuels, nous aimerions que le RCA 700.16, soit le règlement portant sur les limites de temps de vol et de service et les périodes de repos, soit modifié pour tenir compte du moment dans la journée et du nombre de segments de vol. Dans notre mémoire, vous trouverez un tableau donnant certaines durées de service maximales en fonction du moment dans la journée et du nombre de segments de vol. En gros, la partie en haut à droite est le nombre d'atterrissages que vous aurez faits en tant que membre de l'équipage. Du côté gauche se trouve l'heure à laquelle vous vous êtes présenté au travail. Au fur et à mesure que la journée avance, la durée de service et le nombre de segments de vol que vous assurez diminuent. Cela améliore la sécurité en reconnaissant l'incidence de l'heure à laquelle vous commencez et nos rythmes circadiens.
Que l'on améliore les règles en matière de repos pour les pilotes en disponibilité. En vertu des règles actuelles, les pilotes peuvent être appelés au travail dans la soirée sans que l'on ne tienne compte de l'heure à laquelle ils se sont réveillés ce jour-là. Comme dans l'exemple que je vous ai donné, vous pouvez vous réveiller à 7 heures du matin et être toujours aux commandes de l'avion à 11 h 30 le lendemain matin. Les règles doivent prévoir des limites maximales en matière de temps de permanence/durée de service. À notre avis, il ne faudrait pas que le temps de permanence et que la durée du service de vol, ajoutés ensemble, dépassent les 18 heures.
Que l'on révise les règles actuelles en matière de prolongations, en vertu desquelles l'on peut prolonger la période de service de vol pour la porter à 14 ou à 15 heures s'il y a un pilote supplémentaire ou de renfort occupant le siège d'observateur. S'il y a un pilote supplémentaire et un siège réservé au repos, cela peut être porté à 17 heures, et avec une couchette, à 20 heures pour un seul et même pilote et jusqu'à trois atterrissages. Songez à ce que ce doit être de faire son troisième atterrissage après 20 heures dans les airs. Notre association estime que les règles susmentionnées sont onéreuses et qu'elles amènent un niveau de fatigue dangereux.
Nous aimerions que ces règles soient modifiées de façon:
a) à interdire l'utilisation d'un siège d'observateur comme fauteuil de repos pour le pilote supplémentaire. Comment pouvez-vous vous reposer dans un fauteuil qui se trouve dans le cockpit, entouré par les autres pilotes?
b) à réduire la journée de service pour un équipage renforcé, pour ramener sa durée totale à 15 heures avec un fauteuil de repos et à 18 heures avec une couchette de repos pour l'équipage.
c) à exiger un deuxième pilote supplémentaire pour tout vol dont la durée prévue est supérieure à 16 heures.
d) à n'autoriser qu'un seul atterrissage après un vol de 18 heures et seulement deux atterrissages après 16 heures de vol.
Au début de ma présentation, j'ai demandé votre indulgence pour mentionner brièvement d'autres questions de sécurité qui préoccupent sérieusement l'association que je représente.
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BSTC) a récemment publié son rapport sur l'accident du CL-65 d'Air Canada, à Fredericton. Une partie du rapport traite du fait que le vol 646, comme c'est la cas de la plupart des vols commerciaux dans ce pays, avait tenté d'atterrir avec des conditions de visibilité dans lesquelles un atterrissage serait interdit en vertu des normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et des règles en matière de vol de la plupart des autres pays. Le Canada n'interdit aucunement les tentatives d'atterrissage par conditions de faible visibilité. Le BSTC, après l'accident de Fredericton, avait recommandé que:
Le ministère des Transports réévalue les critères d'approche et d'atterrissage de catégorie I (réalignant les minima météorologiques avec les exigences opérationnelles) pour veiller à un niveau de sécurité conforme aux critères de la catégorie II.
L'Association des pilotes d'Air Canada est depuis longtemps préoccupée par l'absence dans ce pays d'une interdiction effective d'atterrir dans certaines conditions et appuie pleinement cette recommandation.
À Fredericton, un équipage d'Air Canada a passé quelque 45 minutes à tenter d'extraire de l'appareil des passagers prisonniers, en utilisant leurs mains nues, avant que des secours efficaces n'arrivent. Même si l'accident à Fredericton a présenté une combinaison tout à fait unique d'obstacles qui ont entravé les secours, cet accident sert à illustrer les raisons pour lesquelles notre association est gravement préoccupée par l'état des services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs, ou SLIA, de ce pays. Après des années d'austérité budgétaire, de compressions et de dévolution de l'administration aéroportuaire à des administrations locales, les services d'intervention d'urgence ont diminué à un point tel que l'association que je représente a signifié à Transports Canada qu'elle ne peut plus appuyer les règlements de la série RCA 303 concernant les normes de lutte contre les incendies dans les aéroports.
Les règles actuelles permettent l'exploitation de nos plus importants aéroports, qui accueillent de gros appareils comme les Boeing 747, avec seulement trois camions d'incendie, chacun avec un seul pompier. Nos règlements ne prévoient aucune obligation de secourir les passagers pris dans un avion, pas même dans nos plus gros aéroports. Nous craignons que le Canada se soit exposé à la possibilité d'un accident catastrophique dans le cadre duquel des vies pourraient être inutilement perdues du fait que nos organes de réglementation n'aient pas veillé à ce que les aéroports soient suffisamment bien préparés pour les accidents qui surviendront inévitablement.
En guise de dernier commentaire, nous avons relevé, dans le rapport intérimaire de janvier 1999 du comité ici réuni, la recommandation no 3, qui demande des tests de dépistage aléatoires obligatoires de drogues et d'alcool, semblables à ceux qui sont prévus dans la loi américaine. Notre association tient à déclarer qu'elle s'oppose fermement à de telles mesures. À notre connaissance, il n'y a pas eu d'accident ou d'incident dans les transports aériens au Canada où des facultés affaiblies par l'alcool ou par des drogues aient joué un rôle significatif. Au contraire de la plupart des autres travailleurs des transports, les pilotes commerciaux sont assujettis à de très strictes règles et peuvent perdre leur licence si l'on découvre qu'ils ont consommé quelque boisson alcoolisée que ce soit dans les huit heures précédant leur envol. Chez Air Canada, nous ne pouvons pas consommer d'alcool pendant les 12 heures avant le début de notre service. Par ailleurs, la plupart des importantes associations de pilotes, y compris l'APAC, ont des groupes d'intervention par des pairs qui jouent un rôle actif pour dépister les cas de toxicomanie potentiels et offrir des traitements aux intéressés avant que le problème n'empiète sur leur rendement dans le cockpit.
À notre avis, l'imposition de tests de dépistage aléatoires aux pilotes serait une grave violation de notre vie privée. Les pilotes sont déjà un groupe très surveillé et soumis à une réglementation très serrée, faisant l'objet de fréquentes évaluations de leurs compétences et d'examens médicaux obligatoires. Les tests de dépistage ne sont pas sûrs à 100 p. 100 et des tests aléatoires pourraient causer embarras et problèmes de carrière pour le petit nombre de membres qui afficheraient de faux résultats positifs.
L'association épouse fermement la cause de la promotion de la sécurité aérienne. Cependant, en ce qui concerne la question des tests de dépistage aléatoires obligatoires de drogues et d'alcool, nous n'y voyons aucune augmentation potentielle de la sécurité aérienne. En l'absence d'un avantage tangible sur ce plan, nous ne pouvons pas accepter les bouleversements et l'intrusion considérable dans la vie privée que supposeraient ces tests.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je me ferais un plaisir de répondre à vos questions et d'entendre les observations que vous voudrez faire.
Le président: Monsieur Foster, aimeriez-vous ajouter des idées ou des observations?
M. Peter Foster, gestionnaire, Division de la technique et de la sécurité, Association des pilotes d'Air Canada: Pas du tout. J'attends tout simplement vos commentaires et questions.
Le président: Votre exposé est très exhaustif et nous apprécions beaucoup le temps que vous avez accordé à sa préparation.
Le sénateur Roberge: Je vais commencer par votre dernière observation au sujet des tests de dépistage de drogues obligatoires. Supposons que, demain, un 747 d'Air Canada s'écrase et que les analyses effectuées révèlent que les facultés du pilote étaient affaiblies par l'alcool ou des drogues. Quelle serait alors votre réaction? Serait-elle la même que celle que vous nous avez exposée aujourd'hui?
M. Sowden: C'est une question intéressante à laquelle je n'ai pas vraiment réfléchi. Il me faudrait bien évidemment réfléchir aux déclarations que nous venons tout juste de faire.
Air Canada existe depuis 60 ans et affiche un très bas taux d'accidents, alors il est difficile d'avoir des statistiques là-dessus. Cependant, je ne m'appuie pas uniquement sur les statistiques d'Air Canada, mais également sur celles d'autres lignes aériennes. Partout dans le monde, et particulièrement dans ce pays, les pilotes professionnels ne connaissent pas ce genre de problèmes. Lorsque nous faisions partie de l'Association canadienne des pilotes de ligne, il y avait un programme conjoint de lutte contre les problèmes d'abus potentiel de substances intoxicantes. Ce programme a été largement reconnu comme efficace dans la lutte contre ce problème.
Nous ne pouvons pas nous prononcer sur le reste de l'industrie des transports, qui compte de nombreuses autres composantes, mais en ce qui concerne nos membres, les types d'examens médicaux qui sont effectués sont très exhaustifs. Notre sang est analysé régulièrement de toute façon et notre service médical est très minutieux. Nous ne connaissons pas ce problème.
Le sénateur Roberge: Vous avez dit qu'aux États-Unis on fait ces tests de dépistage de drogue obligatoires, n'est-ce pas?
M. Sowden: D'après ce que j'ai compris ils ont en effet un tel programme au sud de la frontière.
Le sénateur Roberge: Se pourrait-il qu'au sud de la frontière ils finissent par décider que quiconque vole dans leur espace aérien sera assujetti à des tests de dépistage de drogues au hasard? S'agit-il là d'une possibilité, comme c'est déjà le cas dans le secteur du camionnage, par exemple?
M. Sowden: Cela a été discuté il y a quelques années et il y a eu des manoeuvres judiciaires pour éviter que cela n'arrive. C'est sans doute possible, légalement parlant. Certaines règles de la Federal Aviation Administration s'appliquent directement aux opérateurs étrangers et ils pourraient en effet imposer ce genre de restriction. Ce n'est cependant pas le cas de façon générale.
Le sénateur Roberge: Vous avez parlé de fatigue des membres de l'équipage et d'études effectuées dans d'autres pays. Auriez-vous des renseignements comparatifs sur les règlements en vigueur pays par pays et que vous pourriez fournir au comité?
M. Sowden: Il serait très facile d'obtenir pour vous les règlements américains. Un autre excellent document, sans doute le plus important document relatif aux règlements existants qui tiennent compte de la fatigue des pilotes, a été produit par la Civil Aviation Administration du Royaume-Uni. Je suis certain que nous pourrions en obtenir copie et le fournir aux membres du comité.
Le sénateur Roberge: Et qu'en est-il des autres pays? Vous parliez d'un grand nombre d'entre eux.
M. Sowden: Par exemple, la plupart des règles des pays d'Europe sont très semblables. Les meilleures règles sont celles de la CAA du Royaume-Uni et de la FAA, puis il y a d'autres pays européens qui alignent leurs règlements sur ceux-là. Les règles qui utilisent les meilleures données scientifiques et qui sont conçues en vue de minimiser la fatigue des pilotes sont celles du Royaume-Uni.
Le sénateur Maloney: Je connais assez bien la règle des huit heures entre la bouteille et les commandes, mais je ne comprends pas quel mal il y aurait à faire subir des tests aux gens. S'il n'y a pas de problème, alors vous n'avez pas à vous en inquiéter. Je ne pense pas que cela nuise aux gens de leur faire subir des tests. J'aimerais savoir pourquoi, mis à part votre dossier de sécurité dont je sais qu'il est très bon, vous vous y opposez.
M. Sowden: Nous pensons qu'il s'agit là d'une intrusion indésirée dans nos vies. Nous sommes des professionnels consciencieux. La plupart d'entre nous faisons ce travail depuis de nombreuses années. Nous consacrons énormément de temps et d'énergie à faire un travail professionnel et à maintenir des normes de rendement exceptionnellement élevées, et nous ne nous adonnons tout simplement pas à ce genre de comportement. Nous n'avons pas de problème de drogue ou d'alcool sur les lieux de travail. Nous pensons que ce serait un gaspillage de temps et d'énergie et que de tels tests pourraient donner lieu à un certain nombre de faux résultats positifs, comme cela a été constaté au sud de la frontière, ce qui pourrait causer embarras et bouleversements de carrière pour nos membres.
Le sénateur Maloney: Les résultats des tests pourraient-ils être faussés par la fatigue des pilotes?
M. Sowden: Je ne pense pas que ce soit le cas avec le genre de test qui est employé. Il y a des facteurs qui peuvent avoir une incidence sur le test, selon la méthode scientifique employée et son degré de précision.
Quant à la question de la fatigue, la réponse est que non, cela n'aurait pas d'incidence sur le taux d'alcool dans le sang.
Le sénateur Maloney: Que peut-on faire quant au nombre d'heures de vol que les pilotes sont autorisés à faire? Comme vous l'avez dit, on a l'impression qu'il s'agit d'un vol court car l'avion va de Toronto à Ottawa puis à Halifax et de Halifax à Calgary -- ce sont tous de petits segments. Y a-t-il quelque chose que l'on puisse faire pour remédier à cette situation?
M. Sowden: Comme je l'ai dit, la question de la fatigue est complexe et dépend dans une grande mesure de l'heure dans la journée à laquelle vous commencez. Par exemple, j'ai commencé ce matin à 4 h 30 ici à Ottawa, pour ramener un avion à Toronto. J'aurais pu continuer, avec trois ou quatre segments supplémentaires, si je n'avais pas eu à revenir ici comparaître devant vous.
La charge de travail et le stress sont les plus élevés lors de la préparation à l'envol, pendant les 30 premières minutes du vol, pendant la descente et l'atterrissage et à la fin. Par conséquent, si vous faites cinq tronçons dans la journée, vous serez très fatigué.
D'autre part, comme je l'ai souligné, interviennent également l'heure à laquelle vous commencez et la durée de votre période d'éveil. Je suis certain que vous tous connaissez de longues journées, peut-être lorsque vous devez voyager, peut-être lorsqu'il vous faut vous lever à 5 heures ou à 5 h 30 pour vous préparer, et l'on s'attend ensuite à ce que vous soyez tout feu tout flamme pour une réunion à 18 h 30. C'est le même genre de fatigue que nous vivons dans notre travail et, malheureusement, si nous commettons des erreurs au travail, celles-ci ont de très graves conséquences. Ce n'est pas souvent qu'on a une deuxième chance.
L'objet d'une bonne réglementation est de créer une atmosphère qui minimise la fatigue des pilotes. Malheureusement, les règles actuelles sont utilisées comme repères ou comme «barres» par diverses compagnies aériennes. Si les règles permettent une journée de travail de 14 heures, alors on vous prévoira des journées de 14 heures. Si elles permettent trois heures supplémentaires pour les retards pour raisons opérationnelles et que vous dites au patron «Je suis fatigué», il réplique «Allez, ce n'est que trois heures de plus, et c'est légal». Voilà la réponse qui vous revient et il est parfois difficile pour les pilotes de résister, de crainte de perdre leur emploi, leur gagne-pain.
Nous avons une solide relation avec notre société et une excellente convention collective qui traite des questions de durée de service et de fatigue. Ce que nous aimerions voir c'est un seul niveau de sécurité pour l'ensemble des compagnies aériennes. Peu importe que vous voyagiez avec le tout nouvel exploitant de services de frètement ou avec Air Canada, qui existe depuis 60 ans. Le public voyageur a droit au même niveau de sécurité. Vous ne pouvez réaliser cela qu'avec de bons règlements en matière de durée de service et de vol applicables à tous les exploitants.
Le sénateur Maloney: Lorsque les pilotes ont fait la grève la dernière fois, leur principale préoccupation était la durée de leur service de vol. Avez-vous obtenu suffisamment de concessions ou bien y a-t-il autre chose qui pourrait être fait pour veiller à ce que les pilotes ne soient pas fatigués? Je n'ai pas envie d'être dans un avion piloté par quelqu'un de fatigué.
M. Sowden: Merci de votre appui là-dessus. L'un des éléments clés lors de la négociation de notre dernière convention collective a été l'augmentation des équipages, surtout pour les vols long-courrier de Calgary et de Vancouver à destination de villes européennes. Oui, il nous a fallu négocier fort pour réaliser nos objectifs. Les avons-nous tous réalisés? La réponse est non, mais nous avons fait le gros du chemin et nous avons sensiblement réduit le problème. Il nous reste encore un bout de chemin à faire.
Je peux cependant vous dire qu'il y a à l'heure actuelle des exploitants de compagnies aériennes qui n'offrent pas les mêmes avantages. Leurs équipages partent à 21 heures ou à 22 heures et volent pendant 14 heures, puis, s'il y a un problème mécanique ou si le temps est mauvais, ils vont travailler pendant 17 heures d'affilée. Cela ne fait rien pour promouvoir la sécurité.
M. Keith Miller, expert-conseil en matière de transports auprès du comité: J'aimerais vous poser une question au sujet du total de 18 heures pour la période de disponibilité et le service de vol, car j'ai du mal à comprendre cela sur le plan pratique. Prenons, par exemple, le pilote qui se lève à 7 heures et qui, dans votre cas, est appelé pour prendre les commandes d'un vol au-dessus de l'Atlantique Nord avec une heure de décollage de 19 heures; il aurait un total de 12 heures. À 22 heures, heure à laquelle partent la plupart des vols au-dessus de l'Atlantique Nord, il aurait 15 heures. Cela lui donne donc trois heures pour piloter un avion à destination de Londres, Zurich ou Rome. Mes chiffres sont-ils exacts?
M. Sowden: Vos chiffres sont exacts. Encore une fois, nous décrivions dans les grandes lignes ce que nous essayons de réaliser.
Pour vous expliquer un petit peu mieux le concept, il y a moyen d'y parvenir en étoffant un petit peu les détails du système. Vous pouvez compenser pour la restriction des 18 heures si vous prévoyez une plus longue période de préavis afin que le pilote puisse se reposer avant de s'envoler. C'est là une solution.
L'autre chose serait de prévoir une compensation pour les 18 heures, si vous partez plus tard dans la soirée, en ajoutant un pilote de renfort ou un pilote au repos, qui pourrait éventuellement partager la charge de travail.
La troisième méthode est d'avoir deux ou trois différents horaires de disponibilité en vertu desquels un pilote serait peut-être en disponibilité à partir de midi, un autre à compter de 6 heures du matin et un autre à 6 heures du soir. Cela permettrait aux intéressés de s'organiser et de s'adapter en conséquence. Notre objet est de faire notre maximum pour veiller à ce que la durée totale de la période de disponibilité plus la période de service ne dépasse pas 18 heures.
M. Miller: J'ai utilisé l'exemple de l'Atlantique Nord. Si vous prenez un vol transpacifique, avec une durée de vol de 12 heures, cela devient encore plus difficile de respecter cette limite de 18 heures.
M. Sowden: Pour ce qui est des vols transpacifiques, vous utiliseriez déjà des pilotes de renfort si vous faites le nécessaire. Vous auriez déjà des membres d'équipage supplémentaires. Il a été prouvé qu'une bonne et efficace compensation-sommeil peut être assurée si vous avez des installations de repos adéquates et si vous assurez une bonne rotation des équipages.
Un grand nombre des vols transpacifiques décollent aux environs de midi ou en début d'après-midi. Encore une fois, vous avez des membres d'équipage dont la période de disponibilité commence à midi.
M. Miller: Si l'on regarde les tentatives non seulement de la compagnie aérienne pour laquelle vous travaillez mais également d'autres compagnies nord-américaines de réduire leurs coûts au cours des deux ou trois dernières années, votre association a-t-elle fait des calculs sur l'incidence qu'ont eu les compressions de coûts d'Air Canada sur la mise en application de vos recommandations?
M. Sowden: Dans l'ensemble, la plupart de nos recommandations se trouvent enchâssées dans notre convention collective.
M. Miller: Pourriez-vous indiquer au comité spécial l'ampleur des coûts accrus occasionnés par l'application de ces recommandations?
M. Sowden: J'ignore quels ont été ces coûts. Nous pourrions faire quelques recherches et au moins poser la question, mais ces changements ont évolué au fil de très nombreuses années. Nous ne les avons pas effectués du jour au lendemain. Il n'y a pas eu un contrat qui a expiré, mettons, en 1989, pour qu'on obtienne ensuite instantanément tout ce qu'on voulait en 1990. Il y a eu un processus d'évolution constante.
Je préciserais, comme complément d'information, que le Royaume-Uni a été très préoccupé par le coût et qu'il y a certainement eu beaucoup de discussions là-dessus. Notre association est tout à fait sensible au fait que si nos compagnies aériennes ne réussissaient pas bien, nous n'aurions pas de travail. Cela est important pour nous.
Le sénateur Roberge: Est-ce que la société Air Canada utilise un système de blocs? Par exemple, y a-t-il x pilotes qui sont en attente le matin, x qui sont en attente à partir de midi et x qui le sont pour la période débutant à 18 heures?
M. Sowden: Non. Cela est prévu dans notre convention collective. La difficulté est que cela dépend du nombre de pilotes qui sont inscrits en disponibilité de réserve. À l'heure actuelle, nous sommes en mode d'expansion et nous embauchons davantage de pilotes. Nous sommes un petit peu à court à l'heure actuelle. Cela ne nous permet pas de fonctionner entièrement selon la formule des «réserves A et B» en vertu de laquelle certains pilotes commencent à midi et d'autres à minuit. Les choses ne fonctionnent pas toujours ainsi.
Le sénateur Roberge: Est-ce que les autres compagnies aériennes au Canada dont vous avez fait état, par exemple les compagnies de services de frètement, fonctionnent selon les mêmes horaires?
M. Sowden: Non, pas forcément. Par exemple, une compagnie de charters, traditionnellement, aura des départs très tôt le matin, à 6 h 30 ou à 7 heures. L'avion ira à la frange des Antilles ou en Floride ou assurera un vol long-courrier au Canada. Il reviendra ensuite tard dans l'après-midi, et il repartira à 22 h 30. Le pilote de réserve peut être appelé pour l'un de ces départs de 6 h 30. Il pourrait également être appelé pour le départ à l'étranger à 22 h 30, et les journées de service de ces pilotes sont longues. Ils vont souvent jusqu'à la limite des 14 heures. C'est ainsi que le service est planifié et la raison en est que la loi le permet.
M. Miller: Je ne critiquais pas vos recommandations. J'essayais tout simplement d'en saisir l'aspect pratique.
Pour revenir à un commentaire fait plus tôt au sujet du malheureux accident à Fredericton, il y a eu à l'époque ou tout de suite après une importante couverture de presse faisant état du fait que l'un des problèmes était que l'avion n'était pas muni d'une balise qui aurait pu signaler son emplacement. Avez-vous lu les articles de presse là-dessus?
M. Sowden: Oui. Cet aspect est également traité dans le rapport du BSTC. Ce fait a contribué au temps qu'il a fallu pour repérer l'appareil. Ce fut un facteur.
Les règles actuelles, qui ne sont pas logiques, prévoient que les avions à turbopropulseur comme le Dash 8, doivent être munis d'une balise de détresse, mais la règle ne s'applique pas aux avions à réaction.
M. Miller: C'est précisément ce pourquoi je pose la question.
M. Sowden: Cela ne tient pas debout, alors nous appuyons pleinement la recommandation voulant que tous les aéronefs soient munis de balise de détresse. Avec de l'équipement de goniométrie, l'opérateur de station d'information de vol aurait pu indiquer aux pompiers et au personnel de sauvetage de l'aéroport le chemin à suivre pour arriver à l'appareil, au lieu que ceux-ci commencent à un bout de l'aéroport et remontent lentement la piste. La première prise de contact du personnel de secours avec des accidentés s'est faite lorsqu'il est tombé par hasard sur quelques passagers qui erraient dans le brouillard.
M. Miller: A-t-on fait quelque chose dans les règlements pour corriger ce problème?
M. Sowden: Le ministre a proposé un changement au règlement et cela suit son cours. Cela demande un petit peu de temps et il y a eu quelques objections de la part de l'industrie au sujet des coûts. C'est toujours un facteur d'objection, mais la sécurité coûte parfois quelque chose. Si je me souviens bien des chiffres, je ne pense pas qu'on parle de plusieurs milliers de dollars pour monter une balise de détresse à bord d'un appareil.
Ceux d'entre nous qui pilotent de petits avions en ont tous. Elles coûtent environ 200 $ et l'entretien se fait chaque année.
M. Miller: C'est le cas des avions de brousse, n'est-ce pas?
M. Sowden: C'est exact. La seule exception, ce sont les avions à turboréacteur.
M. Miller: Le comité spécial s'intéresse à cela car j'ai eu l'impression que cette exemption est unique au monde.
M. Sowden: C'est exact. Elle est unique.
M. Miller: Parlant du Bureau de la sécurité des transports du Canada, j'aimerais vous renvoyer à leur recommandation découlant de l'incident survenu à l'aéroport de Mirabel, au Québec. Il est évident pour certains d'entre nous, après lecture du rapport, qu'il y avait un grave problème en ce qui concerne la distribution d'informations parmi les compagnies aériennes, fabricants et autres relativement à un quelconque risque potentiel pour la sécurité. Le rapport faisait état de l'utilisation de fluides hydrauliques issus de mélanges et susceptibles de prendre feu. J'utilise cela comme exemple.
Avez-vous de sérieuses réserves quant à la qualité de la diffusion d'informations susceptible d'avoir une incidence sur la sécurité entre exploitants?
M. Sowden: Cela a fait l'objet de beaucoup de discussions, en tout cas au sein de notre société. Notre société poursuit activement certaines mesures, en particulier un programme appelé Assurance de la qualité des opérations aériennes, ou AQOA, dans le cadre duquel on examine les tendances dans les enregistrements de bord.
L'une des plus grosses questions ici est la responsabilité quant aux renseignements fournis. Il y a au sein de l'industrie une sérieuse crainte que la divulgation de renseignements crée un problème de responsabilité potentielle de l'exploitant -- en d'autres termes, les exploitants craignent que ces renseignements puissent être utilisés contre eux en cas de poursuite devant les tribunaux. L'on a vu des cas du genre au sud de la frontière, et je songe ici tout particulièrement à l'accident de l'American Airlines à Cali, en Colombie. Dans cette affaire, les avocats de l'accusation ont agressivement poursuivi les données en matière de sécurité d'un programme d'American Airlines intitulé ASAP.
Il n'y a aucune façon de régler cela. Notre association, en collaboration avec notre employeur, tente d'obtenir non seulement des assurances, sur le plan politique, auprès de Transports Canada, mais également de la documentation juridique protégeant le caractère confidentiel des renseignements en matière de sécurité.
Si nous allons nous occuper de programmes qui collectent et diffusent des données, nous craignons que celles-ci soient utilisées pour attaquer notre société et nos membres. C'est là le noeud du problème: la responsabilité liée aux renseignements. Si nous parvenions à trouver un moyen juridique de les protéger -- et il faudrait que cela soit inclus dans la Loi sur l'aéronautique -- alors nous pourrions traiter de la question.
Si vous permettez que je vous parle un petit peu plus de son importance, si vous prenez l'arbre ou la pyramide statistique d'informations que vous utilisez pour améliorer la sécurité aérienne, nous nous sommes traditionnellement fondés sur les accidents et les incidents. Les cyniques parmi nous appellent cela «la méthodologie des pierres tombales». Nous ne récupérons qu'environ 5 à 10 p. 100 des données. Pour ce qui est des catastrophes frisées, 80 à 90 p. 100 des données disponibles nous font défaut. Ces catastrophes manquées sont importantes, étant donné qu'elles peuvent nous fournir des renseignements essentiels susceptibles de nous aider à améliorer le système de sécurité.
J'ai vu de quelle façon cela est utilisé chez Air Canada dans le cadre de notre actuel système de rapports sur la sécurité aérienne. Il s'agit d'un système de base de données très exhaustif qui analyse nos incidents et nous faisons avec lui du bon travail. Nous avons pu cerner certaines lacunes dans le système ATC et qui ont été corrigées par NAV CANADA, et il s'agissait de lacunes avec notre propre système et de lacunes du côté de Transports Canada. Cela améliore la sécurité, mais nous sommes tous préoccupés par ces données.
Le programme d'Assurance qualité des opérations aériennes est une responsabilité encore plus lourde, mais les avantages des renseignements l'emportent, et de loin, sur les problèmes. Néanmoins, si nous intervenons là où il ne faudrait pas et que nous nous faisons traîner devant les tribunaux, nous allons perdre ce précieux outil d'amélioration de la sécurité.
La FAA aux États-Unis a embrassé ce concept et a décidé qu'il y a trois éléments ou joueurs clés dans la sécurité des opérations aériennes: l'Assurance qualité des opérations aériennes ou AQOA; l'ASAP, qui est un programme coopératif en matière de sécurité aérienne et qui permet de discuter d'incidents de façon non punitive pour l'exploitant et les pilotes et qui est assorti d'une responsabilité limitée en matière d'information; et un programme de formation appelé AQP, ou Advanced Qualification Program, un programme de formation poussé qui s'appuie sur les deux premiers.
Il nous faut ces programmes dans ce pays et il nous faut une législation efficace pour nous protéger contre un accès abusif à ce genre de renseignements. Si nous allons améliorer la sécurité, nous ne pouvons pas le faire dans un système dans le cadre duquel les litiges deviendraient un problème.
M. Miller: Vous avez évoqué le malheureux incident de l'American Airlines à Cali, en Colombie. D'après ce que j'ai compris, la cause de cet accident a été un ISPC, ce qui a également été la cause, selon les renseignements mis à notre disposition, de la majorité des accidents survenus dans le monde, exception faite des États-Unis et du Canada.
Votre association est-elle satisfaite des progrès effectués par Allied Signals et par d'autres en vue d'éliminer, avec la technologie existante, ce problème d'ISPC?
M. Sowden: L'on manquerait de vision si l'on comptait sur la technologie pour éliminer le problème des «impacts sans perte de contrôle». L'ISPC est une question complexe faisant intervenir des améliorations des règlements, des changements technologiques et de la formation. Plusieurs choses peuvent être faites. Nous pourrions assurer de meilleures approches technologiques en matière d'aides à l'atterrissage pour les aéronefs. Par exemple, les approches de précision qui dessinent une trajectoire verticale et une trajectoire horizontale pour l'abord de la piste affichent une incidence sensiblement inférieure d'accidents de type ISPC. Les approches de non-précision qui ne donnent pas la composante verticale, connaissent un taux d'accidents beaucoup plus élevé. Il faudrait donc prévoir davantage d'approches précises.
L'autre solution serait d'utiliser la technologie actuelle lors d'approches non précises, comme on les appelle, sans guides verticaux, et d'obtenir de NAV CANADA et de Transports Canada qu'ils adoptent l'idée de donner un angle constant de descente jusqu'à la piste.
Le processus actuel suppose une série d'étapes à diverses altitudes. C'est la mauvaise interprétation de ces altitudes, peut-être du fait qu'un pilote fatigué fixe la mauvaise altitude, qui mène à ce genre d'accidents.
Certes, l'utilisation de systèmes avertisseurs de proximité du sol améliorés, comme celui qu'est en train de mettre au point Allied Signals, offrirait un dernier pare-feu dans le système. Vous avez commis une série d'erreurs, mais il y a le pare-feu. Cela réglera le problème. Notre employeur et notre association de pilotes appuient fermement l'utilisation de ces dispositifs et nous allons en équiper nos appareils. Nous pensons que cela est important.
Le sénateur Roberge: Qu'en est-il des autres membres de votre association qui ne travaillent pas pour Air Canada?
M. Sowden: Il n'y a pas d'autres membres que nous. Nous sommes l'Association des pilotes d'Air Canada. En 1995, nous avons choisi de créer notre propre association au lieu de continuer de faire partie de l'Association canadienne des pilotes de ligne. Nous ne regroupons que les seuls pilotes d'Air Canada.
M. Miller: En ce qui concerne le problème des avions dits âgés, dont on entend parler dans les journaux presque à chaque semaine, je sais que vous n'avez pas chez Air Canada de vieux appareils ni de vieilles cellules d'avion, exception faite des DC-9, si même vous en avez encore. Quoi qu'il en soit, c'est un problème pour le comité, car il y a au pays de vieux appareils et il y a de vieux avions ou de vieilles cellules d'avion qui vont et viennent ici. Tout juste la semaine dernière ou la semaine d'avant, il y a eu encore de la publicité au sujet de restrictions qu'on est en train d'imposer au Boeing 727.
Votre association a-t-elle des opinions quant à une solution à ce prétendu problème, ou quelque opinion que ce soit sur toute cette question?
M. Sowden: Tout d'abord, vous avez raison; nous avons toujours des DC-9.
Le président: Combien en reste-t-il?
M. Sowden: Il y a en a 15 et nous allons continuer de les utiliser dans un avenir prévisible. Nous équipons leurs moteurs de systèmes d'atténuation du bruit qui leur permettront de satisfaire les nouvelles exigences en matière de bruit. Ces appareils sont aujourd'hui les plus vieux de la flotte, certains approchant des 30 ans. Ils portent malheureusement aujourd'hui le sobriquet de «avion Jurassique». Notre société mène une très dynamique campagne d'entretien. Elle a énergisé les appareils et y a consacré du travail considérable.
Du point de vue de notre association, la clé est d'avoir des recherches efficaces sur l'ampleur du problème et sur les limites à l'intérieur desquelles il existe, pour ensuite élaborer de bons règlements et de bonnes directives en matière de navigabilité de façon à exiger des exploitants qu'ils satisfassent les normes établies.
Notre association n'a pas été extrêmement active dans ce domaine car nous n'utilisons pas un nombre important de ces appareils âgés et notre employeur a été très proactif dans ce domaine. C'est là l'une des raisons pour lesquelles nous retirons du service nos 747 classiques, les plus vieux; ceux-ci exigeaient des vérifications coûteuses de grande envergure. C'était un petit peu comme une boîte de Pandore. Si vous aviez de la chance, c'était cinq millions de dollars pour ouvrir l'appareil et y jeter un coup d'oeil. Si vous étiez malchanceux, c'était 20 millions de dollars. Ce n'était pas très rentable.
Le président: L'actuelle Loi sur l'aéronautique est vieille d'environ 70 ans. C'est une loi très vénérable en matière de réglementation active. La codification des règlements qui font aujourd'hui office de Loi sur l'aéronautique fonctionnent. Il n'y a aucun doute quant à l'objet visé et aucun doute quant aux pénalités si vous ne satisfaites pas les exigences. Cependant, il n'existe pas de version de bureau, consolidée, de la loi. Je suis certain que vous n'en transportez pas un exemplaire dans votre attaché-case.
Est-ce l'endroit pour s'attaquer à toutes ces questions si vastes? Il est très important pour le comité que lors de la préparation de notre rapport nous ne perdions pas de vue la nécessité de développer et d'améliorer une culture de sécurité couvrant tous les aspects des transports, et pas seulement les transports aériens.
Où nous attaquer au mieux, par exemple, à toutes les questions relatives aux heures de vol autorisées? Par où commencer? En disant à l'administration qu'elle ne peut pas faire telle chose parce qu'elle est rentable, qu'elle doit la faire pour d'autres raisons, explicitées dans la loi, mais pas dans un règlement adopté suite à une décision prise en réaction à une exigences de l'OACI ou autre?
Est-ce qu'une loi est un bon point de départ et avez-vous envisagé la question en ces termes-là? Ou bien, à l'inverse, vaut-il mieux faire cela dans le cadre de vos négociations employeur-employé, dans le cadre de vos négociations syndicales? Faut-il procéder de telle façon ou de telle autre?
M. Sowden: Je vais essayer de faire le tri entre certains éléments de la question. Vous soulevez d'excellents points.
Toute l'industrie des transports doit être en mesure de recueillir et de diffuser des renseignements en matière de sécurité d'une façon qui ne mette en péril ni la société ni ses employés.
Le président: Et l'endroit indiqué pour protéger cela est-ce une loi et non pas un règlement?
M. Sowden: C'est exact. Il faut qu'il y ait une philosophie fondamentale, un «énoncé de mission», pour utiliser une expression à la mode, pour déterminer comment l'on va s'occuper de l'aspect sécurité. La sécurité s'appuie sur la collecte de données pour déterminer les tendances, dépister les problèmes et esquisser des solutions, mais cela ne peut se faire que si ces renseignements ne vont pas être un fardeau.
Le président: Encore une fois, sans vouloir vous attribuer tel propos ou tel autre, j'essaie d'obtenir que vous disiez que la voie de la réglementation n'est pas celle qu'il faudrait privilégier.
M. Sowden: En effet.
Le président: Nous faisons cela depuis 15 ou 20 ans et, bien que cela fonctionne, c'est tout à fait accidentel.
M. Sowden: Nous avons en fait reçu de la correspondance de Transports Canada indiquant qu'au niveau réglementation, il serait difficile de réaliser nos désirs et que la façon de faire serait d'apporter des modifications à la Loi sur l'aéronautique. Je pense que c'est ainsi qu'il faudrait procéder et notre association serait tout à fait favorable à cela. Il convient de commencer en haut de la chaîne alimentaire.
Le président: Qu'on ait des fondations sous la maison; cela est très important.
Le comité n'a pas discuté suffisamment de la question du transport par avion de produits dangereux. Nous avons entendu des témoignages au sujet des systèmes de détection de fumée et de feu et de méthodes de privation d'oxygène et de toutes sortes d'autres merveilleux systèmes. Cependant, nous avons de nombreux appareils d'un certain âge, comme l'a dit notre expert-conseil, et qui, pour des raisons financières et sans doute également pour des raisons commerciales valides, ne sont pas de bons candidats pour des travaux de réaménagement. Ils sont tout simplement trop vieux et ce ne serait pas très réaliste. Que doit-on en faire? Il m'arrive de me réveiller le matin et de dire: «Tant pis pour eux. Qu'on ne transporte pas de produits dangereux à bord d'avions».
M. Sowden: Merci beaucoup. Vous venez de répondre à la question exactement de la façon dont je l'aurais fait.
Le président: Pourquoi ne dites-vous pas cela?
M. Sowden: Je le dirais. Si l'appareil n'est pas équipé comme il se doit, alors il vous faut examiner quels produits dangereux vous transportez, surtout s'ils sont susceptibles de poser un risque de combustion. Si l'appareil n'est pas muni du matériel approprié, alors la seule solution sûre est de ne pas les y transporter. En passant, il y a un très grand nombre de transporteurs américains qui ne transportent pas du tout de produits dangereux, quels qu'ils soient.
Le président: Nous ne disposons pas de beaucoup de renseignements là-dessus, mais nous savons qu'il y a une séparation. En effet, il y a plus d'un transporteur international qui n'hésite pas du tout à clamer dans sa publicité qu'il n'y a rien dans ses soutes qui soit susceptible de brûler ou d'exploser.
M. Sowden: L'autre question dont il faut toujours discuter relativement aux produits dangereux est celle des passagers qui montent par inadvertance de tels produits à bord des avions. Si ma mémoire est bonne, notre compagnie a vécu un assez grand nombre d'incidents du genre, mais pas avec les produits dangereux qui passent par notre processus d'évaluation, qui sont contrôlés par nos spécialistes formés et qui sont empaquetés, chargés et manipulés conformément à un processus bien établi.
Le président: Les matériaux sont devenus sophistiqués au cours des dernières années. Dans le temps, il fallait une tonne d'acier pour renfermer quelques bâtons de dynamite. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il existe d'autres méthodes de confinement. Il y a une phrase qui couvre le niveau d'explosion qu'un avion peut absorber sans être détruit de façon irrécupérable.
Auriez-vous des observations à faire quant au confinement de cargaisons ou de matériaux dangereux qui pourraient se retrouver dans des avions qui n'assurent pas une protection suffisante?
M. Sowden: Un nombre élevé de dispositifs ou de produits chimiques comme ceux auxquels vous songez ne devraient pas être autorisés à bord d'avions. Il existe d'autres moyens de les transporter. Ou bien, peut-être que dans des cas extrêmes, comme par exemple l'accès au Grand Nord, l'on pourrait mettre au point des scénarios spéciaux adaptés aux risques spécifiques de ce genre de transport. Mais, de façon générale, je ne pense pas qu'il soit acceptable de transporter ce genre de produits.
D'autres produits inflammables qui sont transportés peuvent présenter un grave danger, et il se pose alors la question de savoir si vous devriez limiter leur transport aux seuls avions de cargo. Ma première pensée serait pour les pauvres pilotes. Ils sont aussi importants que les passagers, en tout cas c'est ce que je pense.
Il s'agit d'une question importante à laquelle il faut bien réfléchir. Il nous faut appliquer de bonnes vieilles analyses de gestion de risques. Quels sont les vrais risques?
Le président: L'OACI s'est-elle penchée sur cette question?
M. Sowden: J'ignore ce que l'OACI a peut-être fait ou pas fait ces derniers temps. Malheureusement, je ne suis pas expert en matière de produits dangereux, mais je sais qu'énormément de travail a été fait dans ce domaine dans les années passées.
Le président: Êtes-vous de façon générale satisfait de la sécurité aéroportuaire? Lorsque vous atterrissez au Canada, je suppose que vous vous sentez bien à l'aise quant au caractère inoffensif des passagers et des bagages que vous transportez.
Lorsque vous pilotez à l'extérieur du Canada, avez-vous ce même sentiment de sécurité? Je crois fermement que si nous voulons améliorer la sécurité des Canadiens qui prennent l'avion, il nous faut le faire non seulement sur notre propre territoire, mais également ailleurs: il nous faut examiner les aides à la navigation, les aides à l'atterrissage, les aéroports, le terrorisme et beaucoup d'autres choses et, au besoin, intervenir par le biais de nos agences internationales pour corriger les problèmes afin de pouvoir dire que nous avons rendu les choses un petit peu plus sécuritaires.
M. Sowden: En tant qu'association, nous avons toujours dit que si l'on privatise la sécurité aux aéroports, il faudra qu'il y ait une surveillance suffisante pour veiller à ce que les normes ne soient pas rabaissées dans le processus très compétitif des appels d'offres et que des mesures de sécurité efficaces et adaptées soient prises.
Je pourrais sans doute penser à deux ou trois façons dont les gens pourraient court-circuiter le système. Il nous faut comprendre que cela peut arriver, que c'est une possibilité.
Lorsqu'on sort du Canada, la sécurité est certainement excellente et très exhaustive aux États-Unis ainsi qu'en France, en Allemagne, et dans les autres pays d'Europe de l'Ouest. Par exemple, la sécurité à l'aéroport de Heathrow, à Londres, est très énergique. La dernière fois que je m'y suis rendu en vacances, on a confisqué le pistolet à eau de ma fille. C'était sans doute un pistolet à eau très dangereux.
Le président: Cela dépend, selon qu'elle avait trois ans et demi ou quatre ans.
M. Sowden: Elle avait cinq ans.
Le président: Alors il était dangereux.
M. Sowden: Certainement. Je le sais, car j'ai été aspergé par l'eau du pistolet. Il convient donc de féliciter les autorités pour le sérieux de leur travail.
Je n'aime pas utiliser l'expression «pays du tiers monde», mais lorsque vous allez dans d'autres pays qui ont des normes différentes, voire inexistantes, il y a des problèmes. Il y a la question de savoir comment traiter avec eux lorsqu'il y a des vols de correspondance avec des transporteurs canadiens.
Nous avons eu ce problème à l'interne, ici au Canada, avec de petits aéroports qui n'avaient pas du tout de système de sécurité. Au départ, lorsqu'un passager arrivait dans un gros aéroport canadien et avait une correspondance sur un vol canadien, il n'y avait aucun exigence de vérification de sécurité pour les tronçons suivants.
Le président: L'on continue d'avoir des inquiétudes quant à la prestation de services -- je songe ici par exemple aux services de traiteurs.
M. Sowden: La question de l'attribution de laissez-passer aéroportuaires est très intéressante. Pour les employés des aéroports, il n'est pas très difficile d'obtenir au moins un laissez-passer temporaire pour avoir accès à l'aire des avions. Ces personnes passent leur temps à monter dans les avions et à en descendre. Je dois me plier au processus de renouvellement des laissez-passer et c'est comme si je postulais pour un emploi de garde du corps du premier ministre. C'est un processus très exhaustif. Puis il y a le processus de vérification sécuritaire pour monter à bord des avions. Dans certains aéroports, les services de sécurité interne sont tels qu'il est presque impossible pour le pilote de monter à bord de son avion. Il nous faut en règle générale trouver un nettoyeur qui a la clé et qui nous laisse entrer.
Une question qui se rattache à la sécurité et qui a fait l'objet de beaucoup de discussions est celle des passagers perturbateurs ou enragés. C'est un très grave problème. J'ai déjà été capitaine d'un avion dans lequel se trouvaient de tels passagers. Ce n'est pas juste que les médias en font davantage état; je peux vous confirmer que le taux d'incidence statistique de ce problème est plus élevé, bien que je n'aie pas les chiffres.
Il y a à cet égard des problèmes d'ordre juridique. Nous avons déjà eu des problèmes. Par exemple, nous avions un vol en partance de la Jamaïque qui a dû se détourner sur Miami à cause d'un passager violent. Lorsque nous avons atterri, le pilote a dit «Faites descendre cette personne, portez des accusations contre elle, faites quelque chose». Le pilote s'est fait dire qu'on ne pouvait rien faire. C'était un appareil enregistré au Canada; le passager n'était pas un citoyen américain; il n'avait pas blessé un citoyen américain; et l'incident ne s'était pas produit dans l'espace aérien américain. Les autorités ont dit «Excusez-nous, mais ce n'est pas notre problème». Il faut qu'il y ait un effort mondial concerté en vue d'élaborer des moyens de poursuivre les passagers perturbateurs qui mettent en danger le vol.
Si nous avions un problème avec un passager canadien entre Toronto et Fredericton, nous pourrions nous en occuper. Les choses se corseraient un petit peu si cette personne était originaire des États-Unis, du Mexique, de la Grèce ou d'ailleurs. C'est une question difficile. Il faut qu'il y ait un effort concerté pour élaborer des textes de loi et des protocoles tels que ces personnes puissent être poursuivies, car à l'heure actuelle, ce n'est pas ce qui se passe.
Le sénateur Roberge: Êtes-vous autorisé à vous munir de menottes ou d'autres choses du genre?
M. Sowden: Nous utilisons des cordons d'immobilisation. Il s'agit de menottes unidirectionnelles en téflon. Elles sont efficaces mais si nous avons un passager irascible, notre personnel de bord est au fond de l'appareil. Les pilotes hésitent à s'en mêler car si nous sommes blessés, il nous faut malgré tout piloter l'avion. Ce n'est pas une question de sexisme, mais certaines de nos agentes de bord ne font tout simplement pas le poids face à ces personnes. Certaines d'entre elles connaissent le karaté et cela peut leur rendre service. Mais elles se sentent en danger. C'est une question difficile.
Le président: Il s'agit manifestement d'un problème international et d'une question sur laquelle devrait vraisemblablement se pencher l'OACI. Cela aiderait-il l'OACI si le Canada se dotait, par exemple, d'un article dans la nouvelle Loi sur l'aéronautique traitant des mesures à prendre à l'égard de passagers dans diverses circonstances?
M. Sowden: C'est là quelque chose de très important à faire. Je sais qu'à l'heure actuelle, en vertu des RCA, il y a un groupe de travail qui se penche sur le cas des passagers perturbateurs. Il est extrêmement important que cette question soit portée au plus haut niveau du gouvernement afin que l'on puisse s'attaquer au problème à l'échelle internationale.
Jouons dans ce pays un rôle de chef de file. Qu'on obtienne d'autres pays qu'ils travaillent avec nous. Le Canada est déjà à bien des égards un leader mondial dans le domaine de l'aviation. Une partie de notre problème est que nous n'en parlons à personne. Nous sommes trop timides. Nous sommes vraiment forts dans le domaine de l'aviation.
Le président: Les renseignements sont si essentiels. Nous pouvons en ramasser une telle quantité. Au début, le satellite qui est monté avait été programmé en fonction des conditions géographiques et climatiques des États-Unis, et non pas du Canada. Mais pendant 12 ans, les millions de bites qui sont devenus des centaines de millions de bites de renseignements ont assuré la plus large base de connaissance de notre pays. C'était un système conçu pour un autre pays. Il n'était pas adapté au Canada. Nous avons donc été très sérieusement trompés en ce qui concerne les programmes. Les abus de technologies, les abus de renseignements stockés et la collecte des mauvais renseignements, pour commencer, ne font pas grand-chose pour nous aider. Il nous faut de bons renseignements. Il faut que ceux-ci soient bien stockés et accessibles. Qui va payer pour cela?
Je mentionne tout ce qui me vient à l'esprit car je pense qu'à moins de tout savoir, vous ne pouvez pas faire le pas suivant.
M. Sowden: La question du coût est importante. Nous savons tous qu'en bout de ligne il nous fait réaliser un profit. C'est ce que recherchent les actionnaires et ce n'est pas déraisonnable. Cependant, il a été maintes fois prouvé que la bonne collecte de renseignements sûrs en matière de sécurité contribue à améliorer non seulement la sécurité, mais également la rentabilité et l'efficience.
Par exemple, avec le programme d'Assurance de la qualité des opérations aériennes, lorsque vous regardez les données enregistrées pendant le vol, vous pouvez repérer les moteurs qui ne fonctionnent pas selon les normes ainsi que les appareils qui sont mal réglés et qui consomment plus de carburant. Les coûts du programme sont très bas comparativement aux avantages qui en découlent. Pour Air Canada, en bout de ligne, il faudrait sans doute un engagement d'environ deux millions de dollars pour un programme AQOA complet.
Voyons un autre programme -- celui des systèmes de rapports sur la sécurité aérienne -- beaucoup plus facile à mettre en place et qui permet de recueillir de grosses quantités de données. Dans le cadre de ce programme, vous obtenez des données sur les incidents survenus auprès des membres de vos équipages qui vous diront quelque chose du genre: «Voici ce qui m'est arrivé tel jour».
Il existe des programmes de gestion des bases de données qui sont très raisonnables. Le seul qu'Air Canada ait choisi d'acheter tel quel est venu de British Airways. Ce système est si bon qu'environ 80 compagnies aériennes dans le monde l'utilisent. Une fois par mois, tous les participants reçoivent un disque CD-ROM qu'ils se partagent. Par exemple, chez Air Canada nous n'avons que trois Boeing 747, ce qui ne nous donne pas une très bonne base de données à partir de laquelle travailler. Cependant, parmi les 80 ou 85 autres exploitants, l'on dénombre sans doute deux cents 747 ou plus encore. Nous pouvons ainsi examiner leurs données anonymes en matière de tendances et déterminer les aspects problèmes en vue de les corriger. Cela nous économise de l'argent.
Au Canada, nous avons décelé un problème à Québec. Plusieurs de nos avions à réaction régionaux rataient leurs approches ou faisaient plusieurs tours de piste. Nous avons pu déterminer que la source du problème était un avion qui avait un problème technique. Ce n'était pas un de nos appareils. Il a fallu apporter certaines changements aux procédures en matière de contrôle du trafic aérien. Chaque fois qu'un avion remet les gaz cela coûte plusieurs milliers de dollars à notre compagnie. En d'autres termes, les avantages sont là. Les compagnies aériennes et les exploitants qui ont suffisamment de prévoyance pour examiner ces choses économiseront de l'argent. Si nous empêchons ne serait-ce qu'un seul accident, nous aurons économisé une fortune.
Le président: Quels sont les trois aspects sécuritaires que vous avez en tête et que nous devons absolument corriger dans les dix prochaines années si nous ne voulons pas que des avions tombent du ciel au rythme prédit, avec l'augmentation exponentielle du nombre de vols que l'on va connaître? Quelles sont les trois choses dans votre sphère d'activité qui vous préoccupent?
M. Sowden: Premièrement, il y a une question dont nous venons de discuter assez longuement, soit celle de la collecte, de l'entreposage et de la dissémination de renseignements en matière de sécurité. Cela est critique. Ce n'est pas une révélation. Cette question plane depuis longtemps. Beaucoup d'autres personnes que moi parlent de ce concept. Il nous faut faire cela et ce d'une façon qui ne mette en péril ni l'exploitant ni les pilotes, ni ne les place dans une situation de responsabilité civile potentielle. Il y a des façons d'y parvenir. C'est parfois une décision difficile à prendre et elle présente certains inconvénients potentiels.
J'ai assez lourdement insisté sur les questions liées aux durées de service et de vol. Je pense qu'il nous faut niveler le terrain de jeu. Je travaille pour une société où l'on a une bonne convention collective. Nous avons apporté d'importantes améliorations à nos règles en matière de durée de service et de vol. Mais les autres ne jouent pas selon les mêmes règles que nous.
Les données scientifiques sont là -- l'étude Battelle que nous vous avons remise explique tout cela. Que nos règles s'appuient sur des données scientifiques. Cela supposera-t-il des coûts? Oui. Au Royaume-Uni, ils craignaient tous de faire faillite, mais l'une des compagnies aériennes qui réussit le mieux dans le monde est British Airways. Cette compagnie fonctionne selon ces normes-là.
Le président: Vous êtes en train de dire qu'elle fonctionne selon des normes de sécurité exigeantes, c'est bien cela?
M. Sowden: Ses normes sont très élevées. Ses règles en matière de durée de service et de vol sont de toute première classe. Ce serait formidable si ces règles s'appliquaient à tout le monde ici de sorte que chaque avion et que chaque compagnie aérienne se conforme aux mêmes normes. Le public voyageur a droit à cela.
La question des impacts sans perte de contrôle est très importante. Il nous faut réduire l'incidence de ce genre d'accident. Nous avons discuté de certaines méthodes à mettre en oeuvre. La technologie n'est pas une baguette magique. Ce n'est pas le seul aspect. Il nous faut travailler sur l'interface humains-technologie. Il nous faut tenir davantage compte des facteurs humains dans la conception, l'exploitation et l'entretien des aéronefs. C'est là une question très importante.
Je pilote l'avion qui est sans doute le plus avancé sur le plan technologie, l'Airbus. Je dois avouer que certains des interfaces que nous y avons me font me gratter la tête. Ce pourrait être amélioré. Il nous faut travailler là-dessus. Des facteurs humains contribuent aux accidents. Nous le savons. Il y a de nombreuses choses que nous pouvons améliorer.
Le sénateur Maloney: Pouvez-vous améliorer les repas?
M. Sowden: J'aimerais beaucoup pouvoir améliorer les repas. J'en consomme beaucoup.
Une chose qu'il faudrait tout de suite corriger dans ce pays est l'interdiction d'approche, avec les limites quand la visibilité est très basse. C'est une question importante. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a récemment fait des études là-dessus. Notre taux d'accidents pour les approches et les atterrissages par mauvais temps est de loin supérieur à celui des États-Unis. C'est simple: les Américains ont une règle. Si la visibilité requise est définie sur le tableau d'approche, c'est réglé. À l'heure actuelle, nous pouvons faire une approche de non-précision avec une visibilité d'un quart de mille. Les chances de réussite ne sont pas là. Pourquoi faisons-nous cela? Cela n'est pas logique. À Fredericton, c'était une approche avec des limites météorologiques de catégorie II d'un quart de mille, sur une piste qui n'a ni les installations ni les balises lumineuses pour offrir au pilote des références visuelles suffisantes pour bien exécuter l'atterrissage. Ce n'est pas une bonne gestion de risque.
La FAA a fait des études là-dessus. Elle a pu déterminer qu'il y a des limites en dessous desquelles il ne faut pas aller. Qu'on examine ces limites. Nous ne sommes plus dans la brousse, nous ne sommes plus en train d'ouvrir le Nord dans des Foxmoths avec des gens merveilleux qui faisaient des choses incroyables et qui écrivaient des histoires magnifiques sur les nombreuses fois qu'ils avaient trompé la mort. Nous avons progressé au-delà de cela. Devenons des chefs de file dans ce domaine et ne restons pas en bas de la chaîne alimentaire, car c'est là que nous nous trouvons à l'heure actuelle. Nos règlements dans ce domaine sont abominables. Elles ne sont pas sécuritaires et nous avons les statistiques en matière d'accidents qui le prouvent.
Quant à la question des approches par faible visibilité, je vous recommanderais de communiquer avec le Bureau de la sécurité des transports du Canada. Suite à l'accident de Fredericton, il a effectué une étude distincte sur les accidents et les incidents survenus lors d'approches par faible visibilité. J'ai moi-même présenté des instances au bureau là-dessus.
Le président: Des représentants du bureau vont comparaître devant nous la semaine prochaine. Ils aimeraient que le bureau soit élargi sur le plan tant compétences professionnelles qu'argent. Ils aimeraient que le bureau assume plusieurs rôles, certains de nature transitoire et d'autres davantage permanents. Il nous faudra peut-être ajouter un ou deux enquêteurs de plus. Il nous faut en tout cas élargir ses installations physiques afin qu'il puisse commencer à s'occuper de certaines de ces questions.
Je ne suis satisfait d'aucune des principales compagnies aériennes. Je suis beaucoup plus heureux cette année que je ne l'étais il y a cinq ans, mais je ne suis toujours pas très content d'elles.
Quant à la question de savoir comment traiter avec les familles de passagers, nous avons eu quelques bonnes séances de breffage sur ce qui pourrait être fait et comment, mais que faire si vous recevez 60 000 appels téléphoniques dans les six heures suivant un accident? Comment faire pour stocker tous ces renseignements? Comment faire pour satisfaire ces gens? Ils viennent peut-être de 15 pays différents. Vous aurez peut-être à bord de l'appareil des passagers de 15 ou 20 origines différentes. Comment faire face à tout cela?
Des efforts ont été faits et du personnel s'y est spécialisé et je sais qu'il y a des équipes qui peuvent être constituées très rapidement afin d'être déployées à proximité. Mais je ne voudrais pas qu'on monte des répétitions ou d'autres choses du genre. Je ne suis pas encore très satisfait. De façon générale, quels sont vos sentiments là-dessus?
M. Sowden: Pour ce qui est de la société pour laquelle je travaille, notre association est très heureuse des efforts qui ont été déployés à l'interne quant à la façon de traiter avec les survivants et aux mesures à prendre dans le cas d'employés blessés ou tués. J'ai appris qu'il y a également une initiative conjointe qui a été lancée par les transporteurs de Star Alliance, au nombre desquels figure Air Canada; ils viennent tout juste d'avoir une réunion portant sur un programme conjoint en vertu duquel les transporteurs pourraient s'entraider. Par exemple, si nous avions un accident en Allemagne, Luftansa mettrait en branle ses procédures d'urgence.
Se rattache à cela une norme commune en matière de procédures. Chez Star Alliance, par exemple, c'est ainsi qu'il faut jouer. Voilà quelles sont les règles. Cela est important, mais c'est fait pour des raisons commerciales. Comment faire pour que tous les transporteurs dans le monde adoptent la même norme? Vous gagneriez un prix Nobel si vous réussissiez. C'est une question très difficile.
Vous avez néanmoins raison: dans un certain nombre de cas, les choses n'ont pas été bien menées et il conviendrait d'y travailler davantage. Fort heureusement, il ne se présente pas beaucoup de cas du genre qui nous permettent de nous entraîner, et je souhaite que les choses demeurent ainsi.
Le sénateur Roberge: Avec la création de NAV CANADA, pensez-vous que la sécurité s'est améliorée ou a diminué dans le domaine du contrôle aérien?
M. Sowden: Il se trouve que je siège au Comité consultatif de NAV CANADA, tout comme M. Psutka. Il nous est déjà arrivé de lui soumettre que les changements apportés au système de navigation aérienne ont suscité chez nous quelques inquiétudes sur le plan sécurité, et c'est le cas tout particulièrement des procédures pour le rajustement des niveaux de service, de la méthode employée pour l'analyse des risques et du processus de consultation. Sur ces plans-là, les choses ont été moins que satisfaisantes. NAV CANADA tente d'apporter des changements. C'est un processus évolutif pour lui.
Est-ce que je pense que le niveau de sécurité totale a baissé? Je ne peux franchement pas dire cela. Est-ce que je pense qu'il lui reste beaucoup de travail à faire? Oh oui, il a beaucoup de travail à faire. Il a au sein de ses services de sécurité des gens merveilleux, très dévoués et qui travaillent très fort avec qui j'ai eu le plaisir de travailler, mais il lui faut déployer beaucoup d'efforts pour produire une véritable culture de la sécurité au sein de l'organisation en tenant compte des facteurs humains.
Par exemple, nous avons discuté des périodes de service et de vol. Il n'y a pas de règles en matière d'exigences sur le plan durée de service dans la Partie 8 des RCA pour les contrôleurs aériens. Comment se fait-il que moi j'ai un ensemble de règles et que lui n'en a pas? J'aimerais vraiment avoir la certitude que la personne qui est en train de veiller à ce que je n'entre pas en collision avec un autre avion est bien reposée. Il a des responsabilités égales. Il ou elle a les mêmes problèmes que moi s'il s'agit de rester éveillé à 2 heures du matin. Qu'on fasse en sorte que le système de sécurité fonctionne.
NAV CANADA a néanmoins lancé un programme d'envergure en matière de réduction des coûts. Or, la sécurité coûte de l'argent. Malheureusement, il est très difficile de quantifier les améliorations sur le plan sécurité auxquelles un changement a pu donner lieu. La réponse standard que vous donnera un comptable sera la suivante: «Vous n'avez pas eu d'accident. Tout doit être sécuritaire». Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. D'après les questions que vous avez posées, vous autres sénateurs êtes manifestement très au courant d'un certain nombre de questions, et je pense que vous comprenez bien ma position.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sowden et monsieur Foster. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer. Vous nous avez aidés. Nous apprécions vos compétences.
M. Sowden: Nous espérons des changements positifs à l'avenir. Je vous remercie de vos excellentes questions.
Le président: Accueillons maintenant M. Kevin Psutka, qui est le président-directeur général de l'Association des propriétaires et des pilotes canadiens, qui est peut-être la plus ancienne association nationale de l'aviation du Canada et dont j'ai de très bons souvenirs remontant au milieu des années 60.
Allez-y, je vous prie.
M. Kevin Psutka, président-directeur général, Association des propriétaires et des pilotes canadiens: Je suis heureux de l'occasion qui m'est ici donnée de faire quelques observations au sujet du rapport intérimaire du comité sur l'état de la sécurité des transports au Canada, ce au nom des 17 000 membres de l'Association des propriétaires et des pilotes canadiens (COPA). Représentant les intérêts des propriétaires et des pilotes d'avions privés, la COPA est la plus grosse association de pilotes au Canada. Grâce à la représentation au sein du conseil d'administration de groupes spécialisés représentant les constructeurs amateurs, les agriculteurs pilotes, les femmes pilotes, les pilotes d'hydravions et les pilotes d'avions ultralégers, la COPA englobe tous les aviateurs qui utilisent des aéronefs à des fins de voyage, d'affaires et de loisirs.
Dans le contexte de ses autres responsabilités, la COPA surveille les changements dans le système de transports qui ont une incidence sur la sécurité des pilotes de petits appareils et de leurs passagers. Grâce à notre fondation pour la sécurité aérienne, nous assurons également la promotion de la sensibilisation à la sécurité aérienne des pilotes, de leurs passagers et du grand public.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je limiterai mes remarques au sujet de votre rapport intérimaire à quelques questions bien précises, mais j'aimerais tout d'abord faire une observation générale. Votre rapport met beaucoup l'accent sur le secteur commercial, mais il y a un plus grand nombre d'appareils et de pilotes privés qui devraient être examinés. Selon les statistiques de Transports Canada, il y a au pays 28 000 aéronefs. Seuls 4 p. 100 d'entre eux sont des appareils de la catégorie navette à turbopropulseur ou de catégorie supérieure. Du total, 21 000 sont enregistrés par des particuliers et près de 17 000 sont des appareils comptant six sièges ou moins.
Des 54 000 pilotes que compte le Canada, 65 p. 100 sont non commerciaux et seuls 18 p. 100 ont une cote de transport, c'est-à-dire du genre de celle du capitaine Sowden qui lui permet de piloter des avions de ligne. Le pays compte plus de 700 aéroports ou aérodromes et seuls environ 5 p. 100 d'entre eux sont desservis ou sont même accessibles par de gros appareils commerciaux.
En l'absence des nombreux petits aéronefs sur lesquels les mécaniciens s'exercent dans le cadre de leur apprentissage ou des nombreuses heures que la plupart des pilotes en devenir affichent en encadrant des élèves-pilotes, il serait impossible de former suffisamment de personnel pour que nos compagnies aériennes puissent rester dans les airs. Et ce secteur devient une source de plus en plus importante de personnel au fur et à mesure que les sources traditionnelles, par exemple les militaires, déclinent. En d'autres termes, l'aviation privée et les petits appareils sont un important élément du réseau de transport national. Si vous repartez de cette séance avec un seul message, j'aimerais que celui-ci soit que la santé et la sécurité de tous les intervenants dans le secteur de l'aviation dépendent du maintien de la gamme complète, y compris l'aviation privée.
Or, notre secteur est en déclin. Cela est dû à la conjugaison de coûts accrus et de règlements inutiles, les deux choses étant liées. Votre rapport fait ressortir le bon dossier en matière de sécurité de l'aviation, y compris le fait que l'incidence d'accidents diminue. Certes, comparativement à d'autres modes de transport, les déplacements dans de petits avions sont beaucoup plus sécuritaires. Cependant, l'augmentation des coûts, amenée, notamment, par l'accent mis par le gouvernement sur la récupération des coûts et l'application de frais aux utilisateurs, a résulté en une réduction des heures de vol et en un certain recul des compétences. Pour que ce secteur maintienne le niveau de compétences requis, les pilotes devront faire plus d'heures de vol. Cela ne pourra se faire que s'il y a une réduction des coûts qui sont amenés, dans une large mesure, par la réglementation. Il importe que le gouvernement change de façon radicale la façon dont il réglemente ce secteur afin que les coûts d'ensemble diminuent. Bien que certaines améliorations aient été apportées à la réglementation du secteur, l'impact côté coûts n'a pas contrecarré l'augmentation d'ensemble.
J'utiliserai le changement proposé aux règles en matière de balises de détresse pour illustrer mon point de vue. Pour plusieurs raisons, l'Organisation de l'aviation civile internationale propose d'exiger le rééquipage d'appareils avec une nouvelle balise de recherche et de sauvetage qui coûte beaucoup plus que la technologie actuelle. Dans le cas de certains aéronefs, ce coût correspond au quart de la valeur de l'avion lui-même. Même si cette technologie présente certains avantages, il n'a pas été prouvé que les nouveaux dispositifs améliorent sensiblement des chances d'être trouvé. L'adoption de la proposition telle qu'elle a été rédigée coûterait aux propriétaires de petits aéronefs au Canada 80 millions de dollars, un coût qui est difficile à absorber.
Avec un coût si élevé et des avantages dont la preuve n'a pas encore été faite, les propriétaires sont nombreux à refuser de s'y soumettre. Ceux qui accepteraient la nouvelle exigence seraient obligés de réduire leurs dépenses dans d'autres rubriques, par exemple le nombre d'heures de vol qu'ils font chaque année, et si ce nombre diminue, leurs compétences diminueront elles aussi. L'importance de l'exécution d'analyses coûts-avantages pour tout changement à la réglementation dans ce secteur est aujourd'hui plus grande que jamais.
Nous ne préconisons pas une réduction de la sécurité. Plutôt, nous prônons un relâchement des règles lorsqu'il n'a pas été prouvé que celles-ci sauvent des vies. Voici encore un autre exemple. La COPA demande un changement dans les normes médicales applicables aux pilotes privés. À l'heure actuelle, nous devons subir un examen médical tous les deux ans tant que nous n'avons pas atteint l'âge de 40 ans, et chaque année au-delà de l'âge de 40 ans. En Grande-Bretagne, où la norme a été changée il y a environ 12 ans pour exiger un examen médical tous les cinq ans, il n'y a eu aucune augmentation du nombre d'accidents avec incapacité. Cela a été documenté. Or, Transports Canada hésite à utiliser ces données statistiques pour relâcher nos normes et aider les pilotes privés à économiser de l'argent, argent qu'ils pourraient consacrer à des heures de vol supplémentaires pour aiguiser leurs aptitudes. Nous vous demandons d'encourager Transports Canada à apporter des changements fondamentaux à la réglementation de l'aviation privée, et je me ferai un plaisir de vous aider en vous fournissant encore d'autres exemples d'aspects des normes qui pourraient être modifiés en vue de réduire les coûts sans mettre en péril la sécurité.
La recommandation 7 de votre rapport propose la création d'un fonds pour la construction, la réparation et l'entretien de routes en mettant de côté une partie de la taxe d'accise imposée sur l'essence et la création d'un programme d'infrastructure destiné à la construction et à l'amélioration d'autoroutes. La recommandation reconnaît l'importance du maintien de l'infrastructure routière existante et le rôle que devrait jouer le gouvernement national. Ce même concept devrait être appliqué à l'infrastructure aéroportuaire.
L'une des réalisations dont Transports Canada est fier a été l'aliénation de certains aéroports en vertu de sa politique nationale sur les aéroports. Bien que le ministère ait déployé des efforts énormes pour veiller à ce que le transfert de 28 gros aéroports se fasse de façon harmonieuse, son but en ce qui concerne les plus petits aéroports semble d'être de s'en débarrasser sans trop se préoccuper de leur survie. Les mots sont là -- ils disent que les nouveaux propriétaires exploiteront les aéroports en tant qu'aéroports loin dans l'avenir -- mais nous voyons déjà des signes que nombre de ces aéroports éprouvent beaucoup de difficultés faute de financement. L'on se rend compte que les usagers des aéroports ne sont pas en mesure de payer le montant total requis.
Si j'utilise les aéroports de l'Ontario comme exemple, avant l'initiative de dévolution, les revenus de l'aéroport Pearson à Toronto servaient à appuyer de nombreux aéroports régionaux appartenant à Transports Canada. Cette source de financement a disparu. Les paiements de location de Pearson sont versés directement aux recettes générales comme avant, mais parce que le gouvernement a cédé les plus petits aéroports, il ne les finance plus à partir de ces fonds. Par ailleurs, le gouvernement de l'Ontario a abandonné son programme d'aide financière aux aéroports qui existait depuis longtemps, déchargeant cette responsabilité sur les gouvernements locaux qui n'ont pas les moyens requis.
Cette façon de mener la dévolution a résulté en un désintérêt à l'égard du réseau national des transports à l'exception des 28 gros aéroports. Bien que Transports Canada ait en place un programme d'aide financière appelée le Programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires (PAIA), celui-ci est cruellement limité et le nombre d'aéroports admissibles est très restreint. Des 250 millions de dollars qui sont perçus chaque année au titre de paiements de location en provenance des aéroports qui ont été cédés, seuls 37 millions reviennent à l'aviation par l'intermédiaire du PAIA. Bien que Transports Canada soit en train de réexaminer le programme, il faudra une importante infusion de fonds et une multiplication du nombre d'aéroports admissibles à une aide financière pour que cela ait un effet positif.
L'industrie de l'aviation est depuis longtemps unie dans ses efforts visant à obtenir du gouvernement qu'il alloue la taxe d'accise perçue sur le carburant d'aviation à des fins d'aviation. Plus récemment, toute l'industrie a exhorté le gouvernement à réduire la taxe considérée comme étant notre contribution au fonctionnement du système de navigation aérienne afin que NAV CANADA puisse introduire des frais équivalents. Le gouvernement a cependant jusqu'ici refusé, ce qui a résulté en une augmentation des coûts de notre secteur tandis que ceux du gouvernement, grâce à la vente du système de navigation aérienne, ont sensiblement baissé. Rien parmi les millions de dollars perçus au titre de la taxe d'accise de quatre cents le litre appliquée au combustible pour moteur à réaction et de la taxe d'accise de 11 cents le litre appliquée à l'essence d'aviation n'est réservé pour utilisation dans le secteur d'où provient tout cet argent.
Nous avons constaté une augmentation marquée de nos coûts attribuables à l'introduction ou à l'augmentation de frais d'atterrissage aux aéroports cédés et à de nouveaux frais pour services de navigation aérienne, tandis que les taxes du gouvernement sur l'aviation demeurent au même niveau et que le gouvernement ramasse de plus en plus d'argent au titre de frais d'usagers nouveaux et accrus. Ce siphonnage de revenus auprès du secteur de l'aviation, au titre de paiements de location et de la taxe d'accise sur le carburant témoigne d'une attitude selon laquelle l'aviation est perçue comme une vache à lait. L'on trait une vache à lait pour alimenter une autre priorité, reconnaissant que la vache finira par mourir, faute de soutien financier.
Que cela a-t-il à voir avec la sécurité? Des aéroports ferment et fermeront faute de financement adéquat. Il y aura de moins en moins de possibilités pour les opérateurs de petits appareils lorsque les conditions météorologiques se détériorent sans avertir. Certains aéroports qui survivront devront faire des compromis avec des installations en détérioration qui poseront des risques sur le plan sécurité pour les pilotes et leurs passagers. Les pilotes privés continueront de prendre l'air moins souvent, perdant ainsi certaines de leurs aptitudes, obligés qu'ils seront de consacrer leurs ressources disponibles après impôts aux droits à payer plutôt qu'à des heures de vol.
Nous exhortons le comité à recommander que l'argent perçu auprès du secteur de l'aviation soit consacré à l'infrastructure de l'aviation. Ce n'est pas là un nouveau concept. Regardez le U.S. Aviation Trust Fund au sud de la frontière. Il fait précisément cela. Le fonds veille à ce que l'argent perçu auprès de l'aviation, y compris les taxes sur le carburant et les recettes des aéroports, soit consacré à l'aviation. D'autre part, au contraire de la plupart des provinces, de nombreux États américains mettent l'accent sur l'amélioration et l'agrandissement des aéroports.
Je vous recommande d'étudier ces exemples puis d'exhorter le ministre des Transports et le ministre des Finances à faire de la reconstruction de notre infrastructure aéroportuaire une priorité, aux côtés des efforts visant l'amélioration du réseau routier. Regardez les choses sous cet angle-ci: un mille de route vous permet de parcourir un mille; un mille de piste vous emmène partout dans le monde.
Une illustration de l'intérêt réduit du gouvernement à l'égard de l'infrastructure des transports aériens, en ce qui concerne surtout notre secteur, est sa tentative de fermer les importantes pistes à Banff et à Jasper. Ces pistes ont été construites dans les années 30 car l'on avait besoin de lieux d'atterrissage sûrs pour les appareils survolant les montagnes. Même si la plupart des avions de ligne peuvent maintenant traverser en toute sécurité cette région au-dessus des montagnes, de nombreux petits appareils continuent d'être limités à quelques passages dans les montagnes étant donné qu'ils sont incapables de grimper plus haut. Le trajet au-dessus de Banff et de Jasper est le trajet le plus utilisé. Il nous faut des endroits où nous poser en cas de détérioration subite des conditions météorologiques. En dépit des préoccupations en matière de sécurité de la COPA, fondées sur l'expérience de milliers de pilotes, la ministre du Patrimoine a insisté pour fermer les pistes d'atterrissage et le ministre des Transports a appuyé sa décision. La COPA a dû recourir aux tribunaux pour bloquer les fermetures et protéger la sécurité du public voyageur. Il nous a fallu faire le travail du ministère des Transports.
Votre rapport fait état d'une préoccupation exprimée par le British Columbia Aviation Council concernant la dégradation des services météorologiques. Le Système automatique d'observation météorologique, ou AWOS, a été créé pour remplacer des observateurs humains avec ce qu'on présentait comme étant un système de niveau de sécurité équivalent mais à coût moindre. Le COPA s'est opposé à ce système à cause de son incapacité démontrée de produire des rapports météorologiques justes, surtout pour les facteurs plafond et visibilité qui sont si importants pour nos membres qui pilotent principalement en se référant au sol plutôt qu'en comptant sur des instruments. Bien que votre rapport fasse ressortir les problèmes le long de la côte ouest, je tiens à souligner que le problème existe d'un bout à l'autre du pays.
La COPA continue de s'opposer à l'AWOS comme seule source de bulletins météorologiques. Cela nous inquiète qu'il nous ait fallu insister pour que l'on freine la mise en place de ce système. C'est là une responsabilité qui devrait revenir à Transports Canada. Vérifiez les dossiers d'avant NAV CANADA et vous verrez que le ministère des Transports a installé le système sans avoir vérifié s'il satisfaisait les besoins en matière de sécurité des usagers. NAV CANADA a hérité du système et a essayé de continuer de réduire les observations humaines en mettant en place le système AWOS en dépit de ses lacunes. Ajoutez à cela les efforts du gouvernement visant à enlever toute présence humaine dans les phares le long de la côte ouest et vous voyez quel problème il y a là-bas.
Une autre question sécuritaire liée à la météo est l'effort visant à faire d'Environnement Canada un centre de profit. L'on retarde de façon routinière le versement de renseignements comme par exemple les dernières photos radar et satellite sur les sites de breffage Internet afin de vendre ces renseignements aux usagers qui sont prêts à payer. Ces outils, élaborés avec l'argent des contribuables, sont en train d'être refusés à ceux qui en bénéficieraient le plus. Cette situation est tout le contraire de celle qui existe aux États-Unis, où ces renseignements de sécurité sont facilement disponibles. Nous convenons que la diffusion rapide de renseignements est importante pour la sécurité. L'on ne sait trop comment, Transports Canada semble croire que ces renseignements ne sont nécessaires que si nous sommes prêts à les acheter.
La rareté des rapports météorologiques, des aides à la navigation et des installations de communication en région isolée est un autre sujet de préoccupation. Une si grande partie du territoire canadien n'est accessible qu'en petit avion, et ces appareils volent à des altitudes relativement basses. Il y a à ces altitudes très peu de couverture radio et, bien que nous appréciions la difficulté d'assurer une couverture suffisante à cause du coût, de l'impact environnemental et de la technologie, certaines initiatives de NAV CANADA, notamment la fermeture de stations d'information de vol et la centralisation de nombreuses fonctions dans d'autres stations, pourraient sérieusement dégrader le filet de sécurité minime qui est en place. La suppression de ces installations aura peu ou pas du tout d'incidence sur les très gros appareils qui volent à des altitudes élevées et qui ont leurs propres systèmes de régulation et de suivi de vol qui leur assurent un certain niveau de sécurité. Ce n'est pas le cas de milliers de petits appareils.
L'attitude semble être que si vous voulez le service, alors vous devez payer. Je ne pense pas que ce soit la bonne approche à prendre. Tout comme l'on reconnaît que subventionner les soins de santé est une chose importante pour le pays dans son ensemble, le soutien pour l'infrastructure de transport, y compris systèmes de rapports météorologiques, de navigation et de communications, doit être une priorité nationale appuyée financièrement par le gouvernement.
Nous sommes d'accord avec vous sur votre constat qu'un certain nombre de changements importants s'opèrent en permanence. Nous craignons qu'il y ait de trop nombreux changements qui surviennent simultanément. Les usagers se plaignent du nombre de changements que NAV CANADA se propose d'introduire dans le domaine des études aéronautiques. La capacité des usagers de disposer de ressources suffisantes pour examiner toutes les initiatives est sérieusement grevée. Le processus de changement doit être ralenti afin que les usagers puissent participer efficacement et que l'on puisse faire une évaluation adéquate de l'effet de chaque changement sur le système dans son entier.
Je demande au comité d'être prudent lorsqu'il évalue les programmes de sécurité d'autres pays. Même si certains d'entre eux sont louables, d'autres ont amené le déclin de l'aviation générale à un point tel que celle-ci est aujourd'hui insignifiante. Prenez l'Europe à titre d'exemple. Le coût du pilotage de petits appareils et les restrictions en matière d'espace aérien et de procédures d'opération ont presque collé au sol l'aviation générale. Il nous faut garder à l'esprit l'importance de l'aviation générale dans ce vaste pays qui est le nôtre et dont certaines régions ne sont accessibles que grâce aux petits avions. La récupération des coûts et l'imposition de frais aux usagers, ajoutées aux désirs présentés par les transporteurs aériens commerciaux sous la guise de la sécurité, ne doivent pas limiter notre secteur à un point tel qu'il disparaîtra. Regardez les pays où il n'y a presque pas de petits aéronefs, comme par exemple la Corée du Sud. Ce pays doit compter sur des pilotes étrangers pour satisfaire les besoins de ses lignes aériennes. J'espère que ce n'est pas vers cela que nous nous dirigeons. Des initiatives telles l'expansion de l'espace aérien contrôlé et la multiplication des exigences en matière de matériel et de procédures sont difficiles à absorber par notre secteur. Il existe des solutions de rechange à bien meilleur coût qui permettent la classification des appareils tout en leur assurant un accès aux aéroports et à l'espace aérien.
Nous appuyons l'examen de l'avenir contenu dans votre rapport, y compris votre endossement de l'observation de M. Heuttner selon lequel le mouvement vers de nouvelles technologies exigera un investissement financier considérable. Cela nécessitera un soutien du gouvernement, de l'industrie et du public. Nous faisons notre part grâce au versement de droits et à notre paiement continu de taxes d'accise. Il me faudrait souligner que dans ses efforts visant à comprimer, à se décharger de ses responsabilités et à recouvrer ses coûts, le gouvernement perd peut-être de vue sa responsabilité quant au soutien financier de l'aviation, y compris l'infrastructure nécessaire au secteur des aéronefs privés.
J'ai énuméré un certain nombre de recommandations qui résument ce que je viens de dire et je ne vais pas les reprendre ici. Merci de l'occasion qui m'a été donnée de me prononcer sur le rapport. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le sénateur Roberge: Je conviens avec vous qu'il y a une inquiétude quant à la fermeture par NAV CANADA de certaines de ces stations météorologiques. Un certain nombre d'accidents mettant en cause de petits appareils sont récemment survenus au Québec et tout particulièrement, il n'y a pas longtemps, dans la région de la Gaspésie. Ils essaient de fermer encore une autre station à Dorval. Certaines régions du pays connaissent des situations météorologiques particulières ou des schémas climatiques peu habituels. Vous pourriez peut-être étoffer cela un petit peu afin de nous guider.
M. Psutka: Bien sûr. Nous avons fait ressortir ici, comme vous l'avez fait dans votre rapport, qu'il existe le long de la côte ouest des systèmes météorologiques tout à fait uniques tels que la prestation de services de prévisions météorologiques est encore plus critique là que dans d'autres régions du pays. Le principal problème est que bien que le temps puisse être acceptable pour une station particulière à un moment particulier, quelques milles plus loin, l'approche d'autres systèmes, comme par exemple du brouillard en zone côtière, peut très radicalement vite changer le temps.
Les systèmes automatisés n'examinent qu'une très petite parcelle d'air. Par exemple, on analyse la visibilité en regardant un bloc d'air à une distance de plusieurs pieds. Le plafond est mesuré en regardant droit en haut par rapport aux dispositifs de mesure. Le système automatisé ne balaye pas le ciel comme le ferait un opérateur humain pour évaluer et la visibilité et le plafond.
Le sénateur Roberge: Ces préoccupations ont été reconnues le long des deux côtes, mais il existe à l'intérieur des terres d'autres situations pour lesquelles NAV CANADA ne semble pas avoir la même préoccupation en matière de sécurité. C'est là l'impression que j'ai.
M. Psutka: Cela est tout à fait juste. Le temps varie d'un bout à l'autre du pays, mais c'est également le cas des besoins des usagers. Il y a un pourcentage élevé d'opérations de vol visuelles le long des deux côtes et qui sont concentrées dans des bandes longeant la côte de haut en bas, tandis que vers l'intérieur, cela commence dans les importants centres mais est diffusé dans de très petites opérations parcourant des distances très longues. Il est difficile d'assurer un réseau qui soit suffisant pour accorder le même niveau de service et de sécurité à l'intérieur du pays et le long de certaines zones côtières. Cela est strictement attribuable au fait que la région à couvrir est très vaste.
L'initiative de NAV CANADA est d'essayer de centraliser autant que possible la prestation et des services météorologiques et des services de vol. Il a entrepris une étude -- et nous en entendrons des détails au fil de l'été -- visant à reconnaître la façon traditionnelle d'offrir les services de vol. Traditionnellement, une station vous donne planification, breffages sur les conditions météorologiques, suivi des avions en déplacement ainsi que tous les services liés à l'aéroport lui-même, par exemple contrôle des véhicules au sol et bulletins d'information au sujet du trafic aérien et autres choses du genre; on veut maintenant répartir tout cela. Certaines stations conserveront la fonction de prestation de renseignements sur les aéroports, comme par exemple où se trouvent les avions qui sont au sol et autres choses du genre, mais les autres fonctions -- services d'information de vol, planification de vol, bulletins météorologiques, suivi en cours de route et autres choses du genre -- seront attribuées à trois ou quatre établissements centraux au Canada.
La ville de Québec compte parmi les candidats pour ces stations; cependant, une station comme Robertsonville, par exemple, sera peut-être obligée de fermer complètement ou de devenir ce qu'on appelle un service consultatif aéroportuaire occupant moitié moins de personnes qu'à l'heure actuelle. En ce qui concerne le trafic à l'aéroport, il y aura quelqu'un là pour répondre au téléphone, mais pour ce qui est des bulletins météo, même à Robertsonville, vous ne pouvez pas demander cela à l'une de ces personnes. On vous renverra à Québec et vous obtiendrez vos bulletins de là-bas.
Le sénateur Roberge: Pour obtenir les renseignements, nombre de ces avions devront voler plus haut, car ils ne pourront pas les avoir s'ils volent trop bas.
M. Psutka: Ils auront un poste de relais de Québec à Robertsonville, de sorte que lorsque vous êtes au sol, vous puissiez appeler Québec et on vous entendra. Ce genre de chose se fait déjà dans certaines régions du pays.
L'une des difficultés -- et il s'agit d'une question de sécurité -- est que lorsque Transports Canada a lancé ce qu'ils ont appelé leur «programme de modernisation», lorsqu'ils étaient responsables du système de navigation aérienne, c'était en fait un mauvais choix de termes. Ce n'était pas une modernisation. C'était une rationalisation. Les stations d'information de vol à l'époque étaient les mêmes partout au pays. Chacune d'entre elles offrait exactement les mêmes services que toutes les autres.
Puis ils ont commencé à démanteler le système et ils ont créé toutes sortes d'acronymes pour ce qui restait. La méthode pour que le pilote moyen obtienne un breffage, selon où il se trouvait dans le pays, selon qu'il était dans les airs ou au sol, a changé. En fait, il n'y avait pas de numéro de téléphone particulier que vous puissiez composer de n'importe où au pays pour obtenir un bulletin météo. Tout dépendait de la région dans laquelle vous vous trouviez, et d'autres choses du genre.
NAV CANADA, pour être juste, a hérité d'un véritable mélange de stations et de méthodes de prestation de services, et il essaye de corriger la situation pour offrir quelque chose d'uniforme pour les régions côtières et centrales du pays. Malheureusement, est venu se mêler à cela le désir de réduire sensiblement les coûts. Ces deux objectifs sont à bien des égards contradictoires. Si nous ne faisons pas attention, nous nous retrouverons peut-être avec un système qui, bien que sensiblement meilleur sur le plan résultat, parce que vous pourrez prendre le téléphone à Halifax ou à Chibougamau et obtenir le même niveau de service, ne sera peut-être pas si disponible que cela.
Le sénateur Roberge: Que faites-vous en tant qu'association en vue d'améliorer la sécurité de vos membres, la sécurité des pilotes pris individuellement?
M. Psutka: Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, notre association a créé la Flight Safety Foundation. Il s'agit d'un fonds constitué à partir de dons de charité versés par nos membres. Ce fonds nous permet de produire des articles dans notre journal. Il existe un certain nombre d'articles sur la sécurité aérienne dont les auteurs ont été payés à même ce fonds.
Nous organisons également une série de conférences sur la sécurité aérienne qui se déroulent tout au long de l'année un petit peu partout au pays, et qui sont parfois assurées exclusivement par nous, parfois parrainées par nous mais données par Transports Canada. Nous nous efforçons de réunir autant que possible nos groupes de pilotes dans le but de diffuser des renseignements sur la sécurité autrement que dans la forme traditionnelle, soit les lettres sur la sécurité émanant de Transports Canada. Nous y ajoutons notre tournure pour souligner encore davantage la nécessité de mettre l'accent sur ces initiatives en matière de sécurité.
D'autre part, j'utilise chaque jour le téléphone et le courrier électronique pour passer en revue les statistiques en matière d'accidents et les rapports quotidiens qui nous parviennent relativement à des incidents et à d'autres choses du genre, et je filtre tout cela pour voir s'il ne se dessine pas selon moi des tendances dans l'aviation générale qu'il faudrait porter à l'attention de nos membres. Par exemple, nous avons eu toute une série de problèmes de méremplissage il y a quelques années, et nous avons passé beaucoup de temps à éduquer nos membres sur la couleur et l'odeur du carburant, car ils avaient oublié. Était également survenu à la même époque un important changement dans la façon dont le carburant était servi, et qui a posé un problème.
Nous surveillons ce genre de choses et nous avisons nos membres des questions de sécurité que nous relevons par suite de l'examen des données et nous portons également cela à l'attention ou du Bureau de la sécurité des transports ou de Transports Canada. Nous faisons cela dès que nous décelons un problème de sécurité. Cela ne vient pas toujours d'eux en premier lieu.
Le sénateur Roberge: Mais en ce qui concerne le fonds, vous dites qu'il a été constitué à partir de dons de charité, n'est-ce pas?
M. Psutka: Oui.
Le sénateur Roberge: Il n'y a eu aucune augmentation à cette fin, par exemple une augmentation des droits de cotisation des membres? Une partie ou un pourcentage des frais d'adhésion sont-ils alloués au fonds afin de vous permettre d'élaborer davantage de programmes en matière de sécurité?
M. Psutka: Non. Cela est en sus de la cotisation de membre et le versement est complètement volontaire.
Le sénateur Roberge: J'ai l'impression que l'on voit davantage d'accidents mettant en cause des ultralégers; en tout cas, l'on entend parler de beaucoup d'accidents avec des ultralégers.
M. Psutka: Les ultralégers sont un segment de l'aviation qui au départ était complètement déréglementé; il n'y avait absolument aucune réglementation, quelle qu'elle soit. Bien sûr, au début, cela n'était pas déraisonnable, car il s'agissait d'appareils à faible vitesse, à faible poids et qui volaient à faible altitude et que l'on utilisait d'une façon telle que l'on pouvait comparer cela au ski nautique ou au ski de descente, et si vous causiez des dommages, c'était sans doute vous la victime et cela n'avait que très peu d'incidence sur autrui. Cependant, avec l'augmentation du coût de l'aviation, beaucoup de gens font la transition d'un appareil plus conventionnel à un ultraléger. C'est pourquoi il y a eu une augmentation de l'incidence d'accidents mettant en cause des ultralégers.
Comme je l'ai souligné, si vous prenez les statistiques de Transports Canada sur le nombre d'aéronefs qu'il y a dans ce pays, il y a eu un recul. Le nombre ne diminue pas à un taux qui, statistiquement, refléterait l'existence d'un problème, mais si vous faites une ventilation des statistiques et mettez à part les ultralégers, vous verrez que les avions traditionnels disparaissent à un rythme effarent tandis que les appareils ultralégers se multiplient à un rythme tel qu'ils prennent leur place.
Vient s'ajouter à cela l'augmentation du niveau de sophistication de ces aéronefs. Les gens trouvent des moyens ingénieux de faire enregistrer comme avion ultraléger un aéronef qui, pour moi et pour vous, ressemblerait à un avion conventionnel et en aurait le comportement et les caractéristiques. En conséquence, il s'apparente aux avions conventionnels traditionnels sur le plan poids, performance, vitesse et capacité de charge. En fait, cela a atteint un point tel qu'au sein de Transports Canada l'on discute de façons de faire le tri entre tous les types d'aéronefs qui existent.
Nous avions l'habitude des aéronefs ultralégers et des conventionnels, qu'on appelait également appareils certifiés. Il existe aujourd'hui des ultralégers de base, des ultralégers avancés, des ultralégers construits par des amateurs et des appareils certifiés. Vous pouvez acheter un kit pour un avion ultraléger et, selon la façon dont il est construit, inspecté et enregistré, il peut s'agir d'un ultraléger de base, d'un ultraléger avancé ou d'un ultraléger d'amateur. Selon la licence de pilote que vous avez, vous pouvez le piloter avec une seule personne à bord ou alors avec un passager.
En fait, ces dernières années, le processus a été presque renversé, en ce sens que vous pouvez prendre un avion très léger mais certifié comme un Piper Cub qui a été mis au rebut -- mettons que vous en trouvez un quelque part qui a été complètement détruit, démonté ou rayé des listes -- et vous pouvez le reconstruire en tant qu'ultraléger. En d'autres termes, vous pourriez avoir un Piper Cub dûment certifié, un joli petit avion recouvert de tissu jaune reposant sur une piste d'atterrissage, pour lequel vous auriez une licence de pilote privé ou un permis récréatif, et, juste à côté, un autre avion enregistré en tant qu'ultraléger, avec beaucoup moins d'exigences en matière de certification, et vous pourriez le piloter avec un permis pour ultraléger.
Le sénateur Roberge: Dans votre rapport, vous dites que votre industrie est sur-réglementée. Les ultralégers sont-ils eux aussi sur-réglementés ou bien n'y a-t-il pas suffisamment de réglementation?
M. Psutka: Il y a deux réponses à votre question. Pour revenir à ce que je viens de dire, si les amateurs d'ultralégers continuent de pousser plus loin le degré de sophistication de leurs appareils, ils inviteront une réglementation plus poussée. Nous allons nous rencontrer dans deux semaines à Ottawa. Un important pas en avant, en ce qui concerne Transports Canada, est de permettre le transport de passagers en avion ultraléger avec un permis pour ultraléger. À l'heure actuelle, il y a une norme minimale pour ce qui est du transport d'un passager. L'industrie des ultralégers prétend quant à elle qu'avec certains changements mineurs dans la façon d'être autorisé -- je ne veux pas dire d'avoir une licence, car il n'est pas nécessaire d'avoir une licence; il faut avoir un permis -- avec, donc, certains légers changements dans la façon d'être autorisé à piloter ces appareils, il sera possible de transporter des passagers dans ce que l'on appelle maintenant les avions ultralégers avancés. Disons, pour résumer, que les choses se compliquent de plus en plus.
Le président: Comment intégrez-vous les aéronefs expérimentaux aux différentes classifications d'ultralégers?
M. Psutka: Les aéronefs construits par des amateurs sont un cas tout à fait différent. Ces aéronefs sont inspectés en fonction des normes selon lesquelles ils ont été construits. Il y a un programme rigoureux maintenu ou contrôlé par l'industrie. Ils ont leurs propres inspecteurs du Réseau aéronefs amateur Canada, mais les inspections sont menées sous l'égide et la surveillance de Transports Canada, ce qui assure une certaine mesure de sécurité dans le processus de construction de ces aéronefs.
En fait, si vous regardez certains des appareils aujourd'hui construits par des prétendus «amateurs», le degré de sophistication et de sécurité de ces appareils dépasse, et de loin, celui des appareils âgés de 30 ou de 40 ans qui prennent aujourd'hui les airs en tant qu'avions certifiés. Leur rendement ainsi que leur niveau de sécurité sont de loin supérieurs et cela s'explique du simple fait que leur constructeur n'est pas passé par toutes les exigences onéreuses en matière de certification.
Pour vous donner un exemple, j'ai cette année acheté un nouveau Ford Windstar. Je suis certain que pas moins de dix ordinateurs différents dans cette voiture me disent exactement quel est mon niveau d'essence, quel est le rendement du moteur, rajustent les températures et l'alimentation en essence et tout le reste pour me donner une performance maximale. Ce n'est qu'une voiture. Il n'y a rien de tel dans un avion certifié. Pourquoi pas? Parce que les coûts de certification sont si élevés que les constructeurs ne veulent pas faire le nécessaire.
Cela a atteint un point tel que les avions certifiés sont -- je ne dirais pas moins sûrs, mais ils sont en tout cas moins sophistiqués que certains des avions construits par des amateurs et ils sont en tout cas beaucoup plus coûteux que les avions d'amateurs qui existent.
Le président: Je n'ai jamais vu les statistiques de fin d'année, mais dans les dix premiers mois de l'année dernière, 82 avions ultralégers et aéronefs expérimentaux se sont écrasés aux États-Unis, mais personne n'a été blessé. Les avions se sont posés tout doucement, avec le simple déploiement d'un parachute structurel. Pour quelque raison, lorsque certaines choses arrivent dans la vie, cela vous frappe, vous impressionne. Ce qui m'a impressionné, c'est ce parachute structurel. Mes collègues du comité se moquent de moi lorsque je parle de doter de tels dispositifs les 747, par exemple, mais la technologie est presque arrivée là. Cependant, il en faudrait apparemment un trop grand nombre pour un avion de cette taille. Je suppose qu'il faut commencer petit.
De façon générale, les pilotes d'ultralégers adhèrent-ils à la COPA?
M. Psutka: La COPA compte plus de membres qui pilotent des ultralégers que n'importe quelle autre organisation de pilotes. Ce n'est pas une exigence d'adhérer à la COPA, mais le nombre est impressionnant.
Le président: Que penseraient les membres de votre organisation du concept de règlements du genre: no 1: ne frappez personne; no 2: le côté bleu vers le dessus; no 3: utilisez un parachute? Que penseraient-ils de cela?
M. Psutka: La raison pour laquelle nous n'appuierions pas cela est illustrée par le plus récent avion léger à être certifié aux États-Unis, soit le Cirrus, qui vient muni d'un parachute standard déployable. Lorsque tout le reste fait défaut, vous pouvez tirer sur le cordon du parachute et descendre sur terre. Cela a été construit en fonction d'un but bien précis.
Lorsque je suis allé à la foire pour les pilotes et les propriétaires d'avion l'an dernier, j'ai eu l'occasion de discuter avec le dessinateur de cet appareil. L'on s'est lancé dans le détail de ce qu'il en coûte pour intégrer tout cela à l'appareil. Si l'on tient compte de la certification et de tout le reste, cela représente environ 15 p. 100 du coût de l'avion.
Pour ce qui est du rééquipage d'avions existants -- et nous n'allons pas voir de changements importants dans la flotte dans un avenir prévisible sur le plan coût des nouveaux appareils -- il est impossible de réaménager des avions pour les munir de ces parachutes étant donné les changements structurels à apporter. Les changements structurels à apporter à un avion léger concernent une partie si critique de l'appareil qu'il vaudrait mieux démonter l'appareil et tout recommencer à zéro. L'installation des courroies pour retenir le parachute, puis le poids, bien sûr, sont des considérations importantes.
Je peux rattacher cela à quelque chose qui vous est peut-être plus familier. Vous pourriez regarder n'importe quelle statistique en matière d'accidents pour montrer que les harnais d'épaule ont sauvé de nombreuses vies. Un si grand nombre de personnes ont perdu la vie dans des accidents auxquels elles auraient dû survivre, tout simplement parce que leur tête s'est écrasée sur le tableau de bord, et cela vaut tout particulièrement pour les tonneaux dans de l'eau et autres choses du genre. La vie de ces personnes aurait sans aucun doute été sauvée si elles avaient porté leur harnais d'épaule. Or, le coût du réaménagement des appareils et de la technologie nécessaire pour installer dans certains appareils quelque chose d'aussi simple qu'un taquet de harnais d'épaule est prohibitif. Le simple fait de percer des trous dans l'avion pour y monter ce genre de choses détruirait l'intégrité structurale de l'appareil. De la même façon, il y a certaines limites technologiques à l'installation de parachutes.
Il intervient ici encore un autre facteur connexe. Des vies seront, certes, sauvées, s'il est possible de déployer un parachute pour se tirer d'affaires. Nous venons tout juste de vivre un autre débat -- pour la troisième fois peut-être au cours des 30 dernières années -- sur la question de savoir si l'on devrait véritablement former les pilotes privés pour les aider à reconnaître et à se remettre de vrilles. Transports Canada a pris une décision qui entrera en vigueur en juillet de cette année et qui retirera les vrilles du programme, exception faite des démonstrations, l'accent devant être davantage mis sur l'approche au décrochage, afin que le pilote sache déceler à quel moment il frise la vrille, en oubliant tout le reste.
La raison à cette décision est que, d'après les statistiques en matière d'accidents compilées au cours des dix dernières années, les gens ne mourraient pas de vrilles-décrochages survenus à haute altitude. Des 39 accidents de vrille-décrochage survenus au Canada au cours des dix dernières années, seul l'un d'entre eux aurait pu, de façon définitive, être évité, si le pilote avait réussi à sortir de sa vrille. Dans tous les autres cas, l'incident est arrivé à une altitude trop basse pour qu'une récupération soit possible. Les avions, lorsqu'ils ont commencé à vriller, allaient de toute façon s'écraser.
La même chose vaut pour ce qui est de la question des parachutes à bord d'avions légers. Les gens n'ont pas tendance à connaître de difficultés à altitude élevée, sauf en cas d'orages électriques, par exemple. Ce sont ce genre d'orages qui arrachent les ailes aux avions et autres choses du genre. La grande majorité des accidents surviennent près du sol et sont imputables à de mauvaises conditions météorologiques ou au simple fait de buter contre le sol à l'approche ou au décollage, lorsque vous frôlez les limites de l'appareil sur le plan vitesse de décrochage, et dans de telles situations, un parachute ne vous aidera pas. Vous allez frapper le sol avant qu'un parachute ne puisse vous venir en aide.
Le parachute est un essai de la part des constructeurs du Cirrus. La FAA surveille la situation de très près pour voir si cela réussit ou, plus précisément, si cette technologie pose des problèmes du fait que les gens poussent plus loin leurs limites, sachant qu'ils ont un parachute accroché sur le dos. C'est là le revers de la médaille.
Le président: Si l'on apportait des changements au métal, de telle sorte qu'il puisse absorber les trous, alors il s'agirait de tout autre chose. Ce ne serait pas la même chose. Je comprends cela. Cependant, un jour, il y aura des parachutes à bord des avions. Dans le vieux temps, ils construisaient des clôtures autour des aéroports pour éviter que les gens ne se blessent en butant contre les hélices des avions. Nous construisons toujours des clôtures autour des aéroports, mais aujourd'hui, ce n'est pas pour protéger les gens, mais bien pour protéger les avions.
Vous étiez présent lorsque nous avons entendu les représentants de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous avons discuté avec eux d'un certain nombre de questions de sécurité. La question la plus importante était peut-être celle de savoir par où commencer. Je me suis demandé s'il leur était venu à l'esprit que la Loi sur l'aéronautique en vertu de laquelle ils travaillent a plus de 70 ans et qu'il y aurait peut-être lieu de la remplacer. Nous avons eu une discussion plutôt intéressante et animée, si je peux utiliser ce terme.
M. Psutka: Avant d'accepter mon poste actuel, j'ai travaillé pour l'Association des pilotes de ligne, alors je connais pour ainsi dire les deux côtés de la médaille, mais depuis que j'oeuvre dans ce secteur, je n'ai eu à faire qu'à un aspect de la loi, soit celle des responsabilités du ministre. Je m'y suis penché et dans le contexte des pilotes de ligne et dans le contexte des pilotes privés. Il relève exclusivement du mandat écrit du ministre, conformément à la loi, de promouvoir l'aéronautique.
Dans mes observations d'aujourd'hui, je me reporte à cette partie de la loi. Les mots sont là, mais je ne suis pas convaincu qu'on les respecte à bien des égards. S'il nous faut faire appel aux tribunaux pour des questions de sécurité, est-ce vraiment là notre travail, ou bien n'est-ce pas là la responsabilité du ministre? Ce que je tiens à souligner c'est que c'est là la seule partie de la loi dont j'ai jamais eu à m'occuper. Je consacre 99,9 p. 100 de mon temps aux règlements. Pour être plus précis, je ne m'occupe pas tant des règlements eux-mêmes, mais plutôt des normes qui en découlent, car ce sont elles que tout le monde s'efforce de respecter. L'opérateur moyen n'a jamais vu ni lu la loi et il ne s'en est jamais vu remettre copie. La loi se trouve peut-être quelque part à la bibliothèque; nous l'avons quelque part, mais elle est très poussiéreuse.
Les opérateurs sont à deux niveaux en dessous, à essayer de joindre les deux bouts ou à gagner de l'argent tout en respectant les règles. La loi plane bien au-dessus de tout ce que connaît le commun des mortels. Je vous mettrai au défi de trouver un quelconque propriétaire de compagnie aérienne dans ce pays qui ait jamais examiné la loi. Cela n'a sans doute aucune importance. Mais c'est sans doute important du fait que tout découle de cette loi et que sans elle, le reste ne serait pas là non plus. Mais en dehors de cela, la loi devrait-elle servir une autre fin?
Le président: Précisément. Nous sommes à la veille d'un nouveau millénaire. Nous avons certainement droit à une protection en vertu de la loi qui n'existe pas en vertu des règlements. Il y aurait des changements importants, un changement d'attitude du côté des tribunaux, dans le traitement des renseignements et dans tous les domaines juridiques liés au transport en général et au transport aérien en particulier, s'il y avait une loi par opposition à des règlements ou à l'absence d'une consolidation utile des règlements.
Vous avez parlé de la taxe d'accise sur le carburant aux deux niveaux. Si 4 p. 100 de cela étaient consacrés aux aéroports d'importance moindre, à ceux qui ont été cédés ou qui ont toujours été des aéroports municipaux, et je songe ici aux services modifiés qui pourraient être offerts à un coût raisonnable s'il existait une quelconque source de revenu, dans quelle mesure cela apaiserait-il certaines de vos craintes?
M. Psutka: Un certain nombre des commissions aéroportuaires auxquelles j'ai siégé au cours des dernières années, pour des aéroports régionaux de la taille de ceux d'Oshawa et de Kitchener, sont arrivées à un stade où elles veulent joindre les deux bouts comme le leur ont demandé les contribuables locaux. Elles ne sont pas loin d'y parvenir, et elles réussiraient si elles avaient une bonne infusion d'argent en provenance d'une source autre que les usagers de l'aéroport et les contribuables dans la région environnante.
D'après moi, lorsque nous préparions cette position pour le gouvernement relativement à la cession de la taxe d'accise sur le carburant à NAV CANADA et à l'établissement de droits équivalents, il était question d'environ quatre à cinq cents au titre de la taxe d'accise et sur le combustible à moteur à réaction et sur l'essence aviation qui allaient constituer une contribution significative au système de navigation aérienne. Je ne me souviens plus des chiffres exacts, mais cela allait produire quelque chose de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars.
Le président: C'est beaucoup d'argent. Cela achèterait beaucoup de services.
M. Psutka: La totalité de la taxe d'accise sur tout le carburant vendu au Canada est de 4,06 millions de dollars. C'est là le montant total perçu au titre de la taxe d'accise sur le carburant. Cela regroupe la taxe versée pour l'essence, le combustible pour moteur à réaction, le diesel et tout le reste. Le total s'élève à 4,06 milliards de dollars. Pour être franc, c'était là la pierre d'achoppement contre laquelle a buté le ministre des Finances quant à la cession de quoi que ce soit à l'aviation, en dépit du fait que c'était toute l'industrie. Cela a également soulevé la question, reconnue par des gens haut placés au ministère des Finances, même si vous ne trouverez ça nulle part par écrit, qu'une taxe générale du genre n'est peut-être plus appropriée en cette ère où c'est l'usager qui paie et l'usager qui décide.
Si vous regardez les différents droits qui existent, il s'agit dans tous les cas de droits ou de taxes, si vous préférez ce terme, à usage ciblé. Ils sont perçus par un aéroport pour être consacrés aux pistes d'atterrissage de l'aéroport et autres choses du genre. Les droits d'amélioration aéroportuaire, qui vont prochainement être annoncés à Ottawa, sont précisément cela. Il s'agit à toutes fins pratiques d'une taxe.
À une époque où l'effort a visé la réduction du déficit national et où l'on a fait la transition nécessaire et où les gens sont de plus en plus à l'aise avec le concept des frais d'utilisation, ces taxes générales deviennent de moins en moins pertinentes, en tout cas en ce sens que nous continuons de les payer alors qu'il y en a d'autres qui visent essentiellement la même chose. Dans notre cas, nous payons toujours la taxe d'accise sur le carburant, dont une partie est selon nous une contribution au système de navigation aérienne. Et viennent s'ajouter à cela de nouveaux droits imposés par NAV CANADA, ce qui revient à une double taxation, auxquels il faut ajouter en plus, sur les deux, la TPS.
M. Miller: Lorsque votre association a fait appel aux tribunaux relativement au sort des aéroports de Jasper et de Banff, avez-vous gagné pour des raisons de sécurité?
M. Psutka: C'était un mélange. La question de la sécurité était certainement là. Le juge l'a mentionnée dans sa décision, mais sa décision primaire était fondée sur la raison de la fermeture des aéroports. On avait fermé les aéroports pour des motifs environnementaux sans évaluation environnementale adéquate. Il a néanmoins dit dans sa décision qu'il trouvait assez peu habituel qu'un tel groupe de pilotes s'oppose à une fermeture pour des raisons de sécurité tandis que le ministre des Transports et le ministre du Patrimoine avaient complètement ignoré cet aspect. C'était une simple observation plutôt qu'un motif.
Nous vivons à l'heure actuelle une période de répit. Les aéroports sont fermés car vous ne pouvez pas y atterrir normalement, mais si vous avez un problème ou si vous vous trouvez dans l'obligation d'y atterrir parce que le temps se détériore, alors aucune mesure punitive ne sera prise contre vous. En fait, les parcs s'occupent très bien de ces deux pistes recouvertes d'herbe, ce pour veiller à ce qu'on ne puisse leur faire aucun reproche si quelqu'un tente d'y atterrir et se renverse ou autre.
M. Miller: Quel pourcentage de vos membres louent leurs services?
M. Psutka: Cela est très difficile à dire, car nous ne leur demandons pas beaucoup de renseignements sur ce qu'ils font. N'importe qui peut être membre de la COPA, peu importe qu'il ou elle soit pilote. Cela est relativement nouveau. Autrefois, il fallait au moins être pilote. Un pourcentage assez élevé des membres de la COPA sont néanmoins des propriétaires exploitants de petites compagnies familiales, de compagnies de location d'hydravions, du simple fait qu'il n'y a personne d'autres pour les représenter. S'ils sont membres de notre association, c'est surtout pour les renseignements qu'on leur fournit et pour les avantages en matière d'assurance collective qu'on leur offre.
M. Miller: Assurent-ils en fait un service au public voyageur contre rémunération?
M. Psutka: Oui.
M. Miller: Pour en revenir à votre plainte tout à l'heure concernant les coûts exorbitants de la balise de détresse, par exemple, ce n'est pas que tous ces coûts vous sont imposés et que ce n'est que vous qui souffrez. En fait, cela nuit au public voyageur.
M. Psutka: Définitivement. La question de l'installation de balises de détresse à bord des avions à turbopropulseurs est contestable pour les exploitants, et je corrigerai une chose qu'a dite le capitaine Sowden. Il a dit que cela coûterait environ 300 $ pour monter une balise de détresse à bord d'un petit avion. La situation est différente pour les gros appareils. Cela vous en coûte environ 20 000 $ pour en monter un à bord d'un gros avion. Ce que dit l'Association du transport aérien pour s'opposer à cette règle est qu'il n'a pas été prouvé que cela changerait sensiblement le résultat de nombre d'accidents, y compris celui de Fredericton. Mais cela est discutable. Il y a des arguments des deux côtés de la question.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Psutka.
M. Psutka: J'apprécie l'occasion qui m'a été ici donnée de vous saisir de nos préoccupations.
La séance est levée.