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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du sous-comité des
Affaires des anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 16 décembre 1997

Le sous-comité des affaires des anciens combattants du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 01 pour commencer son étude de l'état des soins de santé au Canada dispensés aux anciens combattants et aux personnes des Forces armées canadiennes.

Le sénateur Orville H. Phillips (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons le quorum et nous entendrons cet après-midi des représentants des grandes organisations d'anciens combattants. Nous allons modifier notre programme afin de satisfaire à la demande de l'un des membres de la Légion qui veut retourner au Nouveau-Brunswick. On lui accorde peut-être ce traitement préférentiel parce qu'il vient des Maritimes. Le représentant du Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada a bien voulu accepter de permettre à M. Annis de présenter son exposé en premier.

M. Ralph Annis, vice-président et président, Services aux anciens combattants et Comités principaux de la Légion, Légion royale canadienne: Mesdames et messieurs, je dois en effet rentrer à temps pour la fête d'anniversaire de mon petit-fils demain.

La Légion royale canadienne se réjouit de pouvoir faire valoir sa position au sujet des soins de santé des anciens combattants devant le sous-comité sénatorial.

L'intérêt de la Légion pour les soins de santé, et tout particulièrement pour les établissements de soins à long terme, remonte à de nombreuses années. Nous n'avons pas l'intention aujourd'hui d'en retracer l'histoire, mais plutôt d'insister sur la situation actuelle et sur les problèmes que nous entrevoyons, ainsi que de formuler quelques recommandations pour l'avenir.

En matière de soins aux anciens combattants, les représentants des commandements provinciaux de la Légion suivent de près la situation dans les provinces. Lorsqu'il est possible de régler un cas à l'échelon local, les représentants du commandement s'en occupent avec les fonctionnaires régionaux ou de district du ministère des Anciens combattants. Dans le même temps, les membres du comité plénier des services aux anciens combattants communiquent avec le président, en l'occurrence moi, pour lui faire part de leurs préoccupations, afin que celles-ci soient inscrites dans une perspective nationale.

Par exemple, un problème de qualité des aliments dans un établissement du Nouveau-Brunswick peut être réglé par l'établissement lui-même. Sinon, les représentants provinciaux de la Légion pourront en débattre avec le directeur de district ou les autorités sanitaires provinciales. Mais, si le problème est transmis à l'échelon national, et que l'on constate qu'il s'ajoute à d'autres cas analogues, on pourra découvrir, par exemple, que les établissements ont de plus en plus tendance à recourir à la remise en température, et que cette pratique, largement répandue pour des raisons d'économie, ne permet pas de fournir des repas acceptables aux personnes qui vivent en permanence dans l'établissement.

Le 23 octobre 1997, le président national a écrit à l'honorable Fred J. Mifflin, c.p., député, ministre des Anciens combattants. On trouvera copie de cette lettre en annexe. La Légion souligne que les accords de transfert ont posé des difficultés, tout particulièrement en Ontario. L'un des problèmes fondamentaux semble résider dans le fait que ces accords, au moment où ils ont été conclus, ne tenaient pas compte des importants changements que les réformes provinciales allaient apporter. Les responsables des soins de santé au ministère des Anciens combattants doivent maintenant traiter avec 10 administrations différentes. On avait bien l'intention, au départ, d'adopter les normes fédérales comme commun dénominateur, mais dans la pratique la chose a été impossible.

Au Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants, le conseil d'administration a jugé les problèmes de financement suffisamment préoccupants pour lancer une poursuite judiciaire contre le gouvernement provincial. Le procès est toujours en suspens. Il y a quelque temps, le commandement provincial a demandé l'intervention du vérificateur général.

Dans sa lettre au ministre, le président national fait allusion aux événements tragiques survenus récemment à l'hôpital Sunnybrook de Toronto. Même si, à l'heure actuelle, nous sommes toujours incapables de savoir avec certitude le pourquoi et le comment de ce qui s'est passé, certains se demandent si le cadre global dans lequel s'inscrivent les relations entre le ministère des Anciens combattants, la province de l'Ontario et l'établissement n'aurait pas contribué à la situation, d'une manière générale.

Sainte-Anne-de-Bellevue est le seul établissement sur lequel le ministère des Anciens combattants continue d'exercer une mainmise et une responsabilité directe. Le ministère s'apprête actuellement à effectuer le transfert de cet établissement à la province de Québec. À notre avis, cela est prématuré, car Sainte-Anne est la seule possibilité qu'il reste au ministère de mettre ses normes en pratique et de les proposer comme modèle aux autres établissements du pays, dans lesquels les provinces ont dorénavant la haute main.

Lors d'une réunion récente avec le sous-ministre adjoint des Services aux anciens combattants du ministère des Anciens combattants, Dennis Wallace, il a été convenu que le ministère fournirait à la Légion son plan stratégique à long terme en matière de santé. Jusqu'à ce que cette offre ne soit faite, l'existence d'une stratégie ministérielle en cette matière ne nous était pas apparue manifeste. Nous n'avons pas encore vu ce plan, mais il nous tarde de le commenter, ce que nous ferons dès que nous l'aurons reçu.

Je vous présente mes excuses, sénateurs, car nous avons maintenant une copie de ce plan et bien que nous n'ayons pas encore eu l'occasion de l'étudier en détail, nous croyons qu'il est superficiel et qu'il nécessite encore beaucoup de travail.

Le secrétaire national, Duane Daly, a été invité il y a quelque temps à siéger au Conseil consultatif de gérontologie d'Anciens combattants Canada (ACC). Ce groupe a pour raison d'être de donner des avis et des conseils d'expert à ACC sur l'élaboration ou la modification des politiques et des programmes en vue de répondre aux besoins des anciens combattants vieillissants. Dans ce contexte, la Légion pourra souligner certains problèmes qui ont été examinés dans un cadre différent avec divers fonctionnaires d'ACC.

La Légion, dans l'exposé qu'elle a présenté à votre comité lors de sa comparution, le 20 août 1997, a défini la question de la rente proportionnelle des veuves. Le ministère des Anciens combattants pourrait intégrer les conjoints de manière significative et utile. Le ministre a indiqué qu'il était en faveur d'un changement législatif qui assurerait au conjoint survivant le droit de justifier une augmentation de l'évaluation d'une invalidité de l'ancien combattant décédé, sans égard au niveau auquel cette évaluation avait antérieurement été établie.

Puisque le ministère est en faveur de cette idée, il semblerait approprié que le sous-comité insiste pour que les modifications législatives nécessaires soient apportées sans délai.

D'après notre expérience, l'ancien combattant considère qu'il forme une équipe avec son conjoint, pour ce qui concerne les problèmes de santé. Par conséquent, il est préoccupant pour eux que le ministère n'applique pas de principes uniformes dans le traitement des conjoints. La Loi sur les pensions prévoit une augmentation importante du montant payable à l'ancien combattant, lorsqu'il a un conjoint à charge. Elle prévoit aussi une prestation de survivant destinée à répondre aux besoins du conjoint après le décès de l'ancien combattant. Par contre, les prestations de soins de santé ne sont versées qu'aux seuls anciens combattants. Ces prestations peuvent indirectement répondre à une partie des besoins du conjoint, mais rien n'est prévu pour reconnaître la contribution de ce conjoint en tant que membre de l'équipe, si ce n'est qu'un certain adoucissement sous la forme, par exemple, de la poursuite des versements de l'allocation pour soins et du programme pour l'autonomie des anciens combattants, pendant une année après le décès du bénéficiaire. Toutefois, si l'ancien combattant est admis dans un établissement de soins prolongés, cette allocation est immédiatement interrompue. Cela peut être une cause d'inquiétude et de souci grave pour le malade.

Le ministère a terminé il y a quelque temps un examen des besoins des anciens combattants en matière de soins, et, dans un document daté du 17 octobre 1997, il présente un bon exposé des problèmes et avance diverses constatations susceptibles d'ouvrir la voie à une solution. Ce document, ainsi que le répertoire bibliographique concernant les soins à l'intention des personnes âgées, publié en juin 1997, constituent, selon nous, un bon point de départ pour l'avenir. Par contre, il existe un risque que le ministère envisage d'apporter des changements majeurs à ces programmes en procédant à des réductions de prestations. L'interruption des prestations aux anciens combattants alliés est un exemple relativement récent qui illustre ce risque. Si l'on ne fait pas attention, un certain nombre des prestations qui sont versées aux clients dans le cadre de l'actuel système, fort complexe, reconnaissons-le, pourraient être perdues. Il importe d'encourager le ministère à prévoir des programmes à plus large portée et, peut-être, plus simples à administrer, qui répondraient aux besoins de la population vieillissante des anciens combattants.

En ce qui concerne les établissements de soins de longue durée, la Légion royale canadienne fait les recommandations suivantes:

1. Que le ministère publie, à l'intention des établissements de soins de longue durée, une norme fédérale détaillée leur indiquant comment répondre aux besoins des bénéficiaires anciens combattants, en leur assurant des soins de même niveau, sinon meilleurs que ceux qui leur étaient fournis avant que le ministère cède ses établissements aux provinces. Les dispositions devront être rédigées en termes simples et donner des précisions, par exemple le nombre de soins à prévoir par bénéficiaire et par jour, sans égard à la multitude des normes provinciales en vigueur.

2. Que les accords de transfert soient réévalués et remis à jour, de manière à intégrer les normes d'ACC, qui seront uniformes dans tout le pays, afin que les anciens combattants aient accès à un même niveau de soins, quel que soit leur lieu de domicile.

3. Que le transfert envisagé de Sainte-Anne-de-Bellevue soit bloqué ou, à tout le moins, retardé jusqu'à ce que les normes fédérales uniformes soient appliquées dans tous les établissements actuellement administrés par les provinces.

4. Que l'exposé et les principales constatations contenus dans le document sur l'examen des besoins des anciens combattants en matière de soins servent de cadre au ministère pour:

a) Contrer les effets des réformes provinciales des soins de santé, de manière à ce que les normes applicables aux anciens combattants ne soient pas réduites.

b) Moderniser ses méthodes de prestation des soins de manière à suivre les tendances actuelles à cet égard. Plus précisément, que le ministère adopte une approche multidisciplinaire pour l'évaluation et la prestation de soins continus à la population vieillissante des anciens combattants. Outre cela, qu'il fasse le passage entre les soins en établissement et les soins en collectivité. Selon la Légion royale canadienne, c'est sans conteste le voeu de la vaste majorité des anciens combattants et de leurs familles, et ce serait à notre avis le moyen de répondre au mieux aux besoins de ces citoyens très méritants en leur assurant les meilleurs soins possibles.

c) Qu'il reconnaisse la nécessité d'offrir un soutien et des services de relève aux personnes qui donnent les soins, c'est-à-dire dans la plupart des cas des femmes apparentées aux anciens combattants masculins.

d) Qu'il assure des possibilités de logement autres que le placement en établissement.

Le ministère doit réexaminer son système actuel, dans lequel la nature des services assurés est fonction de critères rigides plutôt que des besoins. Nous avons vu des cas où l'on a procédé à un élargissement bien intentionné des règles d'admissibilité, pour pallier la complexité et le manque de souplesse du système actuel de détermination des prestations, qui est fondé sur le statut du bénéficiaire. Il convient de féliciter les fonctionnaires d'avoir pris ces initiatives, mais il faudrait modifier la politique pour faire en sorte qu'elle soit appliquée universellement.

Le ministère doit respecter l'engagement qu'il a pris d'assurer une approche axée sur le client.

En terminant, je prie instamment le sous-comité d'insister auprès du gouvernement pour que soient instaurées immédiatement des dispositions législatives propres à corriger le problème de la rente proportionnelle des veuves. Ce serait le bon moment de montrer aux anciens combattants et à leurs conjoints que leurs problèmes sont pris en compte.

Le sénateur Jessiman: Quel événement tragique s'est produit à l'hôpital Sunnybrook de Toronto?

M. Jim Margerum, président, Ontario Command Veterans Services Committee, Légion royale canadienne: Un incendie s'est déclaré vers 7 heures et dans une des chambres, deux anciens combattants qui y résidaient sont décédés. Dans une autre chambre située à 75 pieds de là environ, une dame qui y résidait est décédée également. On a été incapable, à cause de l'aménagement de l'édifice, d'éteindre l'incendie à temps pour éviter la tragédie.

Une semaine plus tard environ, un homme alité est tombé par terre. Il s'est cassé le cou et on l'a remis dans son lit. Il est décédé. Une enquête est en cours sur cet incident. On a effectué une vérification de sécurité de l'établissement. Au début de la nouvelle année, le coroner de la province d'Ontario mènera une enquête.

Le sénateur Jessiman: Cette enquête portera-t-elle sur l'incendie, ainsi que sur les circonstances entourant l'accident au cours duquel l'homme s'est cassé le cou?

M. Margerum: Je crois qu'il y a une foule de poursuites qui ont été intentées et de problèmes juridiques, de sorte que nous sommes dans une position difficile pour donner tous les détails concernant les incidents en question. Il y a cependant deux incidents distincts. Le rapport de Sunnybrook porte seulement sur l'incendie. Il n'y est pas du tout question de l'autre incident. Le rapport d'ACC sur les incidents mentionne le second. Dans ce dernier cas, les membres de la famille sont absolument furieux et nous avons de la difficulté avec eux, car ils ont formulé des allégations de camouflage.

Le sénateur Jessiman: Existe-t-il une différence d'une province à l'autre en ce qui concerne les sommes consacrées aux soins de santé pour les anciens combattants?

M. Jim Rycroft, directeur, Bureau des services, Légion royale canadienne: Nous avons remarqué que les principales plaintes viennent de l'Ontario, ce qui n'est pas surprenant étant donné la population. Je ne peux pas établir de liens entre le niveau de soins et les sommes dépensées. De fait, on semble maintenant avoir pour principe de faire davantage avec moins de ressources.

D'après notre expérience, les normes utilisées en Alberta semblent servir d'étalon à d'autres provinces. Dans le milieu des soins de santé, l'Alberta est peut-être perçue comme étant un peu en avance des autres en ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre de normes, même si cette province dépense probablement moins par lit.

Le sénateur Jessiman: Accorde-t-on un traitement prioritaire aux anciens combattants du fait même qu'ils soient anciens combattants? Mon frère, qui est décédé il y a à peine six mois, était ancien combattant et je ne pense pas qu'il ait reçu un traitement spécial. C'est peut-être cependant parce qu'il ne l'a pas demandé.

M. Margerum: Il y a ce qu'on appelle des lits d'accès en priorité pour les anciens combattants. Un certain nombre de lits dans diverses régions du pays sont accessibles aux anciens combattants admissibles en vertu de certaines conditions. En outre, tout ancien combattant d'outre-mer peut avoir droit à un tel lit, mais il doit payer chambre et pension. Un ancien combattant qui est hospitalisé ou placé en établissement comme résident en raison de blessures qu'il a subies en temps de guerre ou de blessures connexes ne paie pas ces frais. Une répartition se fait cependant dans l'ensemble du Canada, selon la province et selon la population d'anciens combattants dans cette province.

Le sénateur Jessiman: S'informe-t-on auprès du Bureau des anciens combattant d'une ville donnée pour savoir quel établissement est accessible aux anciens combattants?

M. Margerum: Oui. En outre, il y a non seulement une différence dans le tarif journalier entre les différentes régions du pays, mais en Ontario même, il y a une différence dans le tarif journalier des trois établissements sous contrat, soit le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants, Sunnybrook et Parkwood. Leurs tarifs sont différents et ces établissements sont différents. Je veux parler de l'aménagement, des exigences en matière de personnel et d'autres questions de cette nature. Ces éléments sont fondés sur des normes nationales que je crois erronées. On ne devrait pas les utiliser. On devrait utiliser des normes qui conviennent à l'aménagement de l'établissement, c'est-à-dire au nombre de chambres et au nombre de personnes dans chaque chambre. Ces établissements utilisent une norme nationale qui ne convient pas bien à leur situation.

Le sénateur Jessiman: Un ancien combattant qui ne reçoit pas de pension et qui a un lit d'accès en priorité paie-t-il le même tarif journalier qu'une personne qui n'est pas ancien combattant?

M. Margerum: Ils paient jusqu'à concurrence de 720 $ dans l'année en cours.

Le sénateur Jessiman: À quoi cela leur donne-t-il droit -- à une chambre à deux lits, par exemple?

M. Margerum: Cela dépend de l'établissement. À Ottawa, toutes les chambres sont des chambres individuelles. À Sunnybrook, il peut y avoir jusqu'à cinq ou six personnes dans une chambre. À Parkwood, le nombre varie de deux à six personnes par chambre.

M. Annis: L'Ontario possède les plus grands hôpitaux qui sont à notre disposition. Dans plusieurs autres provinces, nous avons accès à de très petits hôpitaux éparpillés dans la province. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, il y a des endroits où nous avons accès à deux lits dans un manoir pour personnes âgées. C'est une bonne façon de procéder. Nous avons une cinquantaine de lits dans certains hôpitaux. Les commodités varient d'une province à l'autre et même parfois entre les régions d'une même province. L'Ontario possède les plus grands établissements et c'est là qu'on rencontre les plus grands problèmes. Nous voulons avoir une perspective nationale et nous assurer qu'Anciens combattants Canada établira un niveau élevé de soins pour les anciens combattants dans l'ensemble du Canada. Ce n'est pas vraiment rendu au niveau voulu.

M. Margerum: Lorsqu'on a établi ces centres, nous avions des anciens combattants de 20 ans qui revenaient au pays et on les soignait dans les grands centres des principales agglomérations. Maintenant, les anciens combattants ont environ 75 ans, en moyenne, et ils vivent dans de petites localités du pays. Nous demandons ce qu'on appelle des lits accessibles sur demande, des lits de transition, qui seraient situés dans des petites localités où le besoin s'en fait sentir. En Ontario, nous avons essayé d'encourager la province à redistribuer géographiquement les lits. Nous avons commencé ce processus en 1987 et l'on a publié alors un rapport disant qu'on attendait la mise en oeuvre d'une telle mesure. J'ai aussi une lettre datée de 1997 qui contient la même chose. En plus de 10 ans, absolument rien n'a été accompli. C'est très inquiétant d'être obligé de déménager un ancien combattant de sa localité, de l'amener à des centaines de kilomètres de là, séparant ainsi les deux époux pour la deuxième fois de leur vie.

Le sénateur Jessiman: Lorsque le ministère des Anciens combattants a cessé d'administrer certains de ces hôpitaux, n'a-t-il pas conclu un accord garantissant aux anciens combattants un certain nombre de lits?

M. Margerum: En effet, il y a eu un tel accord, mais malheureusement certains de ces lits ont été fermés et n'ont pas été rouverts. À Sunnybrook, on a fermé 44 lits pendant quatre ans et demi sous prétexte d'une pénurie d'infirmières. Pendant ce même temps, cependant, l'hôpital a continué de recevoir le paiement du tarif journalier pour ces lits et a intégré ces sommes dans son budget global, alors qu'elles étaient utilisées à d'autres fins que les soins aux anciens combattants.

M. Annis: Certaines provinces ont réussi mieux que d'autres à répartir ces lits dans les différentes régions afin que les anciens combattants puissent rester plus près de leur foyer et de leur famille. Au lieu de fermer des lits à Sunnybrook, par exemple, on devrait les réaffecter à Sault Ste. Marie, Kenora ou ailleurs dans le Nord.

Le sénateur Jessiman: Est-il plus facile de traiter avec certains gouvernements provinciaux qu'avec d'autres?

M. Margerum: Oui, les différentes provinces ont une perspective différente. Mon collègue de la Saskatchewan m'a dit qu'ils ont d'excellents rapports avec le gouvernement provincial. Vous ne devez pas oublier que l'exploitation de ces établissements relève maintenant des provinces étant donné que le gouvernement fédéral ou ACC a cédé cette responsabilité à chaque province, de sorte qu'il est important d'avoir de bons rapports avec chaque gouvernement provincial.

On utilise les anciens combattants comme des pions dans les discussions entourant les compressions apportées par le gouvernement fédéral aux paiements de transfert faits aux provinces. Deux gouvernements se disputent pour déterminer qui paiera pour ces lits, et cela nous crée toutes sortes de problèmes. En Ontario, les accords de transfert n'ont pas été mis à jour en raison de la restructuration dans les soins de santé. Ils n'ont pas été mis à jour. L'argent est là, mais on ne l'utilise malheureusement pas.

Les compressions de personnel sont importantes. De fait, l'établissement d'Ottawa envisage de réduire ses effectifs de 62 employés. Le Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants pourrait tout aussi bien fermer ses portes, si cela se produit.

M. Annis: Les diverses provinces ont des normes différentes. Dans la région atlantique, le directeur général, qui vient de prendre sa retraite, a travaillé en étroite collaboration avec les légions dans les quatre provinces atlantiques, et on a très bien réussi à répartir les lits dans les différentes provinces atlantiques.

Le président: Le sénateur Bonnell veut déposer un rapport et poser quelques questions.

Le sénateur Bonnell: Avant que ma partie du pays soit reliée au continent par le pont de la Confédération, l'Hôpital Camp Hill à Halifax était strictement un hôpital pour anciens combattants, mais ce n'est plus le cas. La plupart des patients de cet établissement étaient des personnes âgées et les soins médicaux n'étaient pas aussi bons qu'ils auraient dû l'être. Maintenant, des chambres sont mises de côté pour les anciens combattants à l'Hôpital général. Savez-vous si les services fournis aux anciens combattants sont aussi bons à l'Hôpital général de Halifax qu'ils l'étaient à l'Hôpital Camp Hill?

M. Annis: Les soins assurés en Nouvelle-Écosse sont probablement aussi bons dans le nouvel établissement qu'à celui de Camp Hill. La Nouvelle-Écosse a bien réparti les anciens combattants dans les différents établissements de la province. Cela dit, je sais que les soins de santé fournis aux anciens combattants dans les diverses régions du Canada varient et c'est regrettable, mais ils dépendent de la priorité que les responsables de la santé dans la province y accordent. Les normes étaient plus uniformes lorsque c'était ACC qui était responsable.

M. Margerum: Les établissements pour anciens combattants contiennent maintenant aussi des lits communautaires. On nous dit que les anciens combattants recevront d'aussi bons soins que les patients qui occupent des lits communautaires. Cela nous préoccupe étant donné qu'en vertu de la loi, le gouvernement doit fournir aux anciens combattants un niveau particulier de soins, en reconnaissance du service qu'ils ont rendu au pays, et nous constatons maintenant qu'on réduit les soins qui leur sont fournis, afin de les rendre conformes aux normes provinciales. Par conséquent, les anciens combattants des différentes régions du pays ne reçoivent pas le niveau de soins auquel ils ont droit en vertu de la loi.

Le niveau de soins a baissé. On leur donne de la nourriture remise en température, ce qui est atroce. Si vous aviez à manger cette nourriture pour trois semaines, vous vous rendrez compte que la remise en température des aliments ne fait vraiment pas l'affaire.

Le sénateur Cools: Qu'est-ce que la remise en température?

M. Margerum: La nourriture est préparée ailleurs, souvent aux États-Unis, et par la suite, elle est surgelée dans de gros sacs en plastique. Ensuite, elle est expédiée à l'établissement, où elle est dégelée et divisée en portions individuelles. On met les assiettes sur des plateaux, et les plateaux sont placés dans un chariot spécial qui est transporté à l'étage et branché pendant la nuit. La nourriture est réchauffée, et le plat est censé être délicieux. Toutefois, quand les aliments dégèlent, une demi-tasse d'eau reste dans l'assiette, en règle générale. Ou les aliments sèchent et en effet, il y a trois semaines, un monsieur s'est cassé deux dents en croquant dans une tranche de pain grillée, et vendredi dernier il s'est cassé une autre dent en croquant dans une frite.

Le sénateur Bonnell: Ce n'était pas des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Jessiman: C'est la pratique générale dans les hôpitaux?

M. Margerum: Je ne peux pas parler pour les établissements communautaires, mais d'après mes amis qui ont été hospitalisés ou qui ont des membres de la famille dans des foyers pour soins de longue durée, les gens se plaignent beaucoup de la nourriture.

Le sénateur Jessiman: Où est-ce que cela se passe?

M. Margerum: À Ottawa et de façon générale, en Ontario.

M. Annis: Le pain grillé servi aux anciens combattants de Saint John est préparé à Toronto. Les tranches sont grillées, mises dans des sacs en plastique, surgelées et expédiées, puis remises en température par la suite.

M. Margerum: Voici un morceau de ce pain grillé que l'on a servi cette fin de semaine. On donne ça à des gars qui n'ont même pas de dents, et les préposés qui les nourrissent trempent ces tranches dans du café ou du thé pour les ramollir.

La bénédiction, c'est que toutes les trois semaines, on sert un vrai petit déjeuner familial aux anciens combattants. Le personnel fait un travail excellent. Je ne veux aucunement critiquer le personnel qui travaille dans ces établissements.

Quand le financement a été réduit, les établissements ont dû prendre des mesures pour économiser sur la nourriture. Dans la vie, le plaisir le plus simple est un bon repas. La majorité des plaintes des anciens combattants qui vivent dans ces établissements portent sur la qualité de la nourriture.

M. Annis: Quand quelqu'un vient pour vérifier la qualité de la nourriture, en règle générale il n'essaie qu'un repas ou deux, et probablement n'importe qui peut tolérer ces repas. Mais c'est tout à fait autre chose pour les patients qui risquent de passer le restant de leurs jours dans ces établissements.

Le sénateur Jessiman: Combien y a-t-il de lits pour les anciens combattants à Sunnybrook?

M. Margerum: Il y en a 570, monsieur.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que tous ces lits sont destinés aux anciens combattants?

M. Margerum: Oui.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que la nourriture à cet hôpital est comparable à celle servie à Toronto General, disons?

M. Margerum: Je reçois des plaintes. J'ai donné quelques documents au greffier, y compris deux lettres de plaintes de Mme Johnson. Dans sa première lettre, elle dit que l'on ne nourrit pas son mari correctement. Il lui faut environ une heure pour manger un repas, et elle s'est rendu compte que si elle ne vient pas pour donner à manger à son mari, il ne mange pas. Maintenant elle embauche quelqu'un pour aller à Sunnybrook pour lui donner à manger. L'infirmière a préparé un rapport sur son père, en disant qu'il mange bien. Toutefois, quand elle a demandé au personnel s'il mangeait correctement, on lui a répondu qu'il ne mangeait pas. Quand elle et la direction ont vérifié, ils ont découvert qu'en effet, il ne mangeait pas et que le rapport de l'infirmière était faux. Voilà les problèmes auxquels on fait face.

Le sénateur Jessiman: À Ottawa, avez-vous un certain nombre de lits dans un établissement donné

M. Margerum: Non, les lits sont répartis dans divers établissements.

Le sénateur Jessiman: Au total, combien de lits avez-vous dans l'immeuble pour les anciens combattants à Ottawa?

M. Margerum: Il y a 450 lits, dont 40 sont toujours fermés. Il y a 250 lits d'accès en priorité pour les anciens combattants.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que les autres patients dans cet établissement qui ne sont pas des anciens combattants reçoivent la même nourriture?

M. Margerum: Je suppose que oui. Quelqu'un s'est plaint de la nourriture à une assemblée générale des membres de la famille des patients occupant des lits communautaires.

Le sénateur Bonnell: Avez-vous dit que l'on prépare les tranches de pain grillées en Ontario et qu'elles sont envoyées au Nouveau-Brunswick?

M. Annis: Le pain grillé servi à l'établissement de Saint John vient de Toronto.

Le sénateur Bonnell: D'ailleurs, c'est sans doute représentatif de la façon dont l'Ontario traite les provinces de l'Atlantique. On nous prend pour des mendiants, donc on nous envoie ce vieux pain sec. Ce traitement ne s'applique pas uniquement aux anciens combattants, c'est comme ça que l'on nous traite tous.

M. Annis: Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Bonnell: Quant au traitement réservé aux conjoints des anciens combattants, si je ne m'abuse, il y a des années -- et à l'époque, je présidais le comité en question --, nous accordions 100 p. 100 de la pension d'invalidité au conjoint si l'ancien combattant touchait 48 p. 100 ou plus. Lui, il ne touchait que 48 p. 100, mais son épouse touchait 100 p. 100 après sa mort.

M. Annis: Nous avons parlé de ça l'année passée. Elle toucherait 100 p. 100 de la pension de conjoint, ce qui représente, en effet, 50 p. 100 de sa pension à lui. Par exemple, si l'ancien combattant touchait une pension de 100 p. 100, après sa mort, sa conjointe aurait 50 p. 100, ce qui représente son 100 p. 100 à elle. S'il touchait 2 000 $ par mois, elle toucherait 1 000 $ par mois. Quand nous disons 100 p. 100, nous parlons de son 100 p. 100 à elle.

Le sénateur Bonnell: J'ai cru comprendre que si l'ancien combattant touchait 48 p. 100 ou plus, sa conjointe aurait 100 p. 100, et s'il touchait moins de 48 p. 100, elle ne toucherait que la moitié. Autrement dit, si l'ancien combattant recevait une pension de 20 p. 100, elle aurait 10 p. 100.

M. Annis: C'est exact. Si l'ancien combattant touchait une pension de 30 p. 100, elle toucherait 15 p. 100. Le chiffre magique est 48 p. 100, ou du moins c'était le chiffre magique jusqu'à l'année dernière, lorsque nous avons décidé de l'accepter. Le ministère des Anciens combattants a convenu de l'accepter lui aussi. Le chiffre magique est de 48 p. 100, ce qui donne droit à 50 p. 100 de la pension globale pour la conjointe, ce qui représente 100 p. 100 de sa pension à elle. J'espère que je n'ai pas trop brouillé les choses.

Le sénateur Bonnell: Nous allons tirer cela au clair.

M. Rycroft: La pension totale pour les veuves n'est pas 50 p. 100 de la pension de l'ancien combattant. C'est 75 p. 100, sauf erreur. Voilà pourquoi il est si important de toucher au moins 48 p. 100, parce que comme ça, la veuve aura la pension de survivante complète, ce qui est 75 p. 100 de ce que touchait l'ancien combattant s'il touchait une pension de 100 p. 100.

Le sénateur Bonnell: Nous allons recevoir les chiffres plus tard cette semaine.

Même si ces veuves n'ont pas servi à l'étranger, elles ont certainement appuyé leur mari. Je sais que parfois la veuve est la deuxième femme, et celle-ci ne s'est pas occupée de son mari pendant toute sa maladie. À quoi devrait-elle avoir droit? Par exemple, devrait-elle avoir droit à des médicaments gratuits par le biais de la Croix bleue? Que voulez-vous pour cette épouse?

M. Annis: Nous ne disons pas que la conjointe devrait toucher la même pension que son mari. Cependant, nous n'avons pas encore un chiffre. Dans la plupart des cas -- et j'admets que dans certains cas, le couple s'est marié l'année passée --, la conjointe s'est occupé de l'ancien combattant pendant 50 ans. En effet, ces conjointes ont fait beaucoup de travail pour le ministère et elles lui ont permis d'économiser parce qu'il n'a pas fallu mettre l'ancien combattant dans un établissement.

Nous pensons que le fait pour l'épouse d'un ancien combattant de s'être occupé de lui pendant 50 ans a eu des conséquences pour sa santé. Cette femme mérite qu'on l'aide pour les soins de longue durée qu'elle a dispensés.

Le sénateur Bonnell: Qu'entendez-vous par «longue durée»? Pourrait-on dire qu'une femme qui est l'épouse d'un ancien combattant depuis trois ans a dispensé des soins de longue durée?

M. Annis: Ce genre de situation pose toujours des difficultés. Le Tribunal des anciens combattants, révision et appel, est saisi de tels cas. On appelait autrefois ces veuves des «veuves ayant droit à des pensions fractionnaires». La situation se produisait lorsqu'un ancien combattant divorcé se remariait. Les veuves réclamaient toutes deux la majorité de sa pension. Il y a même eu des cas où trois veuves se disputaient la même pension.

Le sénateur Bonnell: Il se serait même produit que quatre veuves le fassent.

M. Annis: Peut-être bien, mais je ne suis pas au courant de ces cas. C'est le Tribunal des anciens combattants qui décide laquelle des veuves touchera la pension ou une partie de celle-ci. Deux veuves peuvent se partager à parts égales la pension ou l'une peut en obtenir 40 p. 100 et l'autre 60 p. 100. Le tribunal écoute le plaidoyer des deux avocats et rend la décision qui lui semble juste au sujet du partage de la pension de l'ancien combattant.

Le sénateur Bonnell: La Légion royale canadienne a-t-elle une recommandation succincte à faire à ce comité pour que nous la transmettions en son nom aux instances voulues? Nous devrions pouvoir exprimer ce que souhaite la Légion royale canadienne.

M. Annis: Le congrès national, qui aura lieu en juin, adoptera une résolution portant exactement sur le sujet dont nous discutons.

Le sénateur Bonnell: En juin, et peut-être même en février, ce sera trop tard. Le sénateur Phillips présentera une recommandation au Parlement du Canada en février. Pouvez-vous nous dire ce dont vous discuterez au congrès de juin?

M. Annis: L'une des choses sur lesquelles le comité s'est entendu l'an dernier est la répartition des pensions des veuves. Depuis lors, nous avons rencontré le sous-ministre du ministère des Anciens combattants et ses collaborateurs, qui nous ont donné leur accord. Un projet de loi n'a cependant pas encore été préparé. Notre recommandation la plus importante porte sur la répartition des pensions entre les veuves. Nous continuons à travailler sur ce dossier.

Nous avons aussi présenté une recommandation portant sur les dispensateurs de soins qui ne reçoivent pas de pension. C'est l'envers de la médaille. Il faudra un peu plus de temps pour régler cette question, mais avec votre appui, nous ferons une suggestion à cet égard au ministère des Anciens combattants.

Le sénateur Bonnell: Je vous incite à nous présenter votre recommandation par écrit pour que nous sachions exactement ce que vous souhaitez.

M. Rycroft: Les principes sur lesquels nous fondons notre demande figurent dans le document même du ministère que nous vous avons remis.

Le sénateur Bonnell: Pourquoi avez-vous décidé de ne pas nous informer?

M. Rycroft: Nous l'avons fait. Nous vous avons donné un exemplaire du rapport et nous vous avons dit que nous l'appuyons. Les citations qui figurent dans nos recommandations sont tirées de l'étude interne du ministère. Il s'agit d'un plan détaillé. Nous vous demandons de nous appuyer dans nos efforts pour obtenir la mise en oeuvre de ces recommandations.

Le sénateur Bonnell: Le ministère a-t-il maintenant un plan?

M. Rycroft: La planification est une chose et la mise en oeuvre en est une autre. Comme pour ce qui est de la répartition des pensions des veuves, c'est une chose de dire qu'on appuie le principe et c'en est une autre de le mettre en oeuvre. Il faut que le principe soit reconnu dans la loi.

Le sénateur Bonnell: Et cette loi doit être adoptée par le Parlement, notamment par le Sénat. Pouvons-nous avoir un exemplaire de ce document?

M. Margerum: Oui.

Le président: Ma première question porte sur votre recommandation voulant que les soins institutionnels soient remplacés par des soins communautaires. Je comprends qu'un ancien combattant désire demeurer dans sa ville ou son village d'origine, mais il y a un problème très grave qui se pose dans les petites villes et c'est que les médecins ne veulent plus y pratiquer leur profession. Je vois mal comment on pourrait offrir des soins gériatriques dans les petites municipalités si ce qu'on appelait autrefois «l'hôpital du village» ne compte plus de médecins. La plupart de ces hôpitaux sont maintenant fermés. Vos recommandations tiennent-elles compte de cette situation?

M. Annis: Nous ne recommandons pas l'élimination totale des petits services. Nous proposons plutôt de faire de plus en plus appel aux collectivités qui ont les installations voulues. Bon nombre de petites collectivités ont des foyers d'accueil dans lesquels un certain nombre de lits pourraient être réservés pour les anciens combattants. C'est d'ailleurs ce qu'on a fait dans certaines régions du Canada. Je ne propose pas qu'on ferme Sunnybrook, Perley, Rideau ou l'Hôpital Colonel Belcher à Calgary avant d'avoir trouvé où loger nos anciens combattants. Nous ne disons pas que toutes les petites municipalités devraient avoir les anciens combattants. Nous proposons cependant de faire en sorte que les anciens combattants puissent être plus près de leur famille.

M. Margerum: On a fermé des lits dans des établissements qui se trouvaient dans des petites collectivités. Il existe cependant des établissements de soins chroniques ou des foyers d'accueil dans lesquels on pourrait réserver un certain nombre de lits et où on pourrait fournir aux anciens combattants les services médicaux de base nécessaires. Pourquoi amener un ancien combattant d'une petite municipalité du Nord à Ottawa lorsqu'il pourrait être dans sa collectivité, où sa conjointe pourrait le visiter tous les jours?

À l'heure actuelle, un ancien combattant peut être envoyé dans un établissement situé à 40 milles d'Ottawa et si son épouse ne conduit pas, elle ne pourra pas le visiter. Elle est séparée de lui comme elle l'était pendant la guerre. Est-ce que nous voulons? Je ne le pense pas. Nous voulons que les membres de la famille de l'ancien combattant puissent le visiter facilement. Les anciens combattants ne devraient pas avoir à quitter leur foyer si on est en mesure de répondre à leurs besoins dans les petites localités. Le ministère des Anciens combattants et le ministère de la Santé ne sont pas prêts à collaborer. Ils nous disent depuis 10 ans qu'ils tiendront compte de nos préoccupations. Dans 10 ans, il ne restera plus d'anciens combattants.

Cherchent-ils à économiser de l'argent en ne faisant rien jusqu'à ce que tous les anciens combattants soient morts, ce qui serait une façon de régler le problème, ou souhaitent-ils le résoudre pendant qu'il reste encore des anciens combattants? On a déjà trop attendu pour régler le problème. On aurait dû le faire il y a 10 ans. Les installations voulues existent. On a aussi l'argent voulu pour mettre en oeuvre ces recommandations. Les crédits existants doivent être distribués convenablement et servir à répondre aux besoins des anciens combattants. Ces deux ministères ne devraient pas consacrer tout leur temps et leur énergie à se demander qui doit payer la note. Faisons ce qui doit être fait.

Le président: Dans le système des soins communautaires, on a tendance à faire appel à des organismes comme l'Ordre de Victoria du Canada et à recruter deux ou trois infirmières diplômées qui dispensent des soins à domicile aux patients. Comme c'est vous qui êtes chargés du dossier des soins de santé des anciens combattants au sein de la Légion, que pensez-vous des soins à domicile? Faudrait-il les améliorer?

M. Annis: Le système fonctionne très bien. Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, créé il y a un certain temps, donne de très bons résultats. Grâce à ce programme, l'ancien combattant peut demeurer dans son foyer où son conjoint, les membres de sa famille et les infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada peuvent continuer à s'occuper de lui. Les anciens combattants qui n'ont pas les ressources financières voulues peuvent obtenir une allocation pour soins. Le programme fonctionne bien.

Toutefois, bien souvent, on ne peut plus à un moment donné s'occuper de l'ancien combattant chez lui, et il faut qu'il soit placé dans un établissement où il peut recevoir des soins continuels. On aimerait pouvoir dans ce cas les placer dans un établissement communautaire. Nous ne demandons pas que ces établissements existent dans toutes les municipalités, mais là où ils existent, nous proposons qu'on réserve une ou deux chambres pour les anciens combattants.

Le président: Ce qui m'inquiète, c'est que le conjoint s'occupe peut-être de l'ancien combattant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Or, cette personne n'est pas très jeune. J'aimerais que le ministère mette sur pied un programme qui permettrait aux conjoints de prendre un repos bien mérité pendant deux semaines ou un mois, deux fois l'an.

M. Annis: Oui.

Le président: Pensez-vous que ce soit faisable?

M. Margerum: Un tel programme existe dans certaines régions. La personne handicapée est prise en charge par le service de relève et la personne qui lui dispense des soins peut prendre un congé.

Les problèmes qui se posent en ce qui touche le programme d'autonomie pour les anciens combattants et d'autres programmes de soins provinciaux découlent des compressions budgétaires. On réduit les services offerts par les infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada et on ne prévoit pas de période de transition. Un couple pourrait se retrouver dans une situation très difficile et personne ne le saurait parce qu'aucun système de suivi n'existe.

Il y a une dame qui vient tous les soirs au Foyer Rideau pour anciens combattants afin de nourrir son époux. Elle utilise un déambulateur pour se déplacer, elle pèse environ 160 livres et elle fait de l'emphysème. Elle tient à nourrir son conjoint parce qu'elle pense que si elle ne le fait pas, il ne s'alimentera pas. Le mariage de ces deux personnes remonte avant la Seconde Guerre mondiale. La dame a été séparée de son mari pendant la guerre. Elle retourne à la maison par autobus tous les soirs. Elle a beaucoup aidé son époux et son seul revenu est sa pension de retraite. Elle se demande qui va s'occuper d'elle au décès de son conjoint. Cela devrait-il être la responsabilité du ministère des Anciens combattants ou celle du gouvernement provincial? Cette dame se trouve dans une situation difficile. Si son état de santé se détériore et qu'elle doit être placée dans un établissement, où va-t-elle aller? Va-t-elle être placée dans le même établissement que son époux? La plupart du temps, ce n'est pas ce qui arrive. Nous séparons encore des gens qui appartiennent à la même famille. Je ne pense pas que c'est ce que nous voulons faire. Nous devons à ces gens de leur permettre de demeurer ensemble.

Le président: Les membres de la Légion s'efforcent-ils de visiter régulièrement les anciens combattants qui sont hospitalisés ou qui sont placés dans des établissements?

M. Annis: Certainement.

M. Margerum: Je me rends deux fois la semaine au foyer Rideau pour anciens combattants. Je parle avec des anciens combattants qui me rebattent les oreilles avec leurs plaintes, leurs préoccupations et leurs louanges. À bien des égards, les établissements Perley et Rideau font un excellent travail. Je ne voudrais pas donner l'impression que leur personnel ne s'occupe des anciens combattants parce que ce n'est pas le cas.

Tous les mercredis, nous amenons des fruits aux anciens combattants qui se trouvent dans ces établissements. Nous le faisons à tour de rôle. Des bénévoles aident à nourrir les anciens combattants et les aident à participer à différentes activités. Nous avons un bon groupe de bénévoles à Ottawa, à Sunnybrook et à Parkwood. Les bénévoles ne font pas seulement des visites de courtoisie. Nous participons activement à la gestion de ces établissements. Nous accordons des fonds et nous fournissons des meubles aux établissements et notamment des téléviseurs. Les légions locales offrent le câble à tous les anciens combattants qui sont hospitalisés à Ottawa. Nous nous occupons activement des anciens combattants qui se trouvent dans différents établissements.

M. Annis: Dans la plupart des provinces, le commandant provincial a une liste des disponibilités et fait appel aux membres des sections locales pour visiter régulièrement les établissements où se trouvent des anciens combattants. Un groupe de membres de la Légion accompagnés d'un groupe de dames patronnesses visitent les anciens combattants. Le programme connaît beaucoup de succès.

Le sénateur Jessiman: Les anciens combattants demandent-ils de l'aide de la Légion royale canadienne ou du ministère des Anciens combattants? Puisque la légion ne représente que certains anciens combattants, accorde-t-on la même importance aux demandes des autres?

M. Annis: Peu nous importe: un ancien combattant est un ancien combattant.

Le sénateur Jessiman: Si un ancien combattant veut être admis à un hôpital où certains lits sont réservés pour des anciens combattants, ces lits sont-ils attribués selon la capacité de payer? Ces lits se trouvent-ils dans des chambres à deux lits?

M. Annis: Cela dépend de l'établissement. Dans les foyers d'accueil, il est rare que plus de deux personnes partagent la même chambre. Très souvent, il n'y a qu'un seul patient par chambre. Dans les hôpitaux pour anciens combattants, plusieurs personnes peuvent partager la même chambre.

Le sénateur Jessiman: Faites-vous des recommandations à ceux qui sont responsables des soins?

M. Annis: Tout dépend des circonstances. L'état de santé de l'ancien combattant est très important. S'il peut marcher, on peut faire avec lui des choses qu'on ne peut pas faire avec quelqu'un qui se trouve en fauteuil roulant. Je ne peux pas vous donner une réponse qui vaut dans tous les cas.

Le sénateur Jessiman: Qu'en est-il des soins à domicile? Dans diverses provinces, une personne peut faire une demande de soins à domicile, qu'elle soit ancien combattant ou non. Donne-t-on la priorité aux anciens combattants?

M. Margerum: Non. Il faut que l'ancien combattant ait fait une demande dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Il lui faut aussi présenter une demande au Conseil régional de santé, qui offre une vaste gamme de services et qui joue le rôle de guichet unique. On évaluera ses besoins et on transmettra sa demande au ministère des Anciens combattants. Le ministère compte des conseillers qui se renseignent sur le sort des anciens combattants. Parce qu'ils touchent une pension de retraite, leur nom figure sur une liste informatisée et on peut donc les retrouver. Malheureusement, en raison des coupures budgétaires, on a réduit les visites de ces conseillers. On accorde la priorité aux cas présentant des risques élevés. Cela nous inquiète.

C'est aussi le Conseil régional de santé qui prend la décision de placer les anciens combattants lorsque c'est nécessaire, mais nous ne pensons pas qu'on étudie adéquatement le cas des anciens combattants.

À titre d'exemple, Sylvia Fisk, qui était directrice des soins infirmiers à l'Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue, s'est vu dire par le Conseil régional de santé que ni la Légion ni son député ne décideraient de l'établissement où elle serait placée. Cette dame est morte à l'hôpital sans jamais avoir été soignée dans un établissement pour anciens combattants. Elle a dirigé les services de soins infirmiers pendant 30 ans. Il y a beaucoup de cas dont on ne s'occupe pas.

Le sénateur Forest: Mon père a servi pendant la Première Guerre mondiale et mon époux pendant la Seconde. Je m'inquiète du fait que la pension de l'ancien combattant n'est pas versée au conjoint survivant.

M. Annis: Nous avons soulevé cette question l'an dernier devant le comité. Nous avons recommandé d'accorder aux veuves le même traitement qu'aux veufs. Le comité et le ministère des Anciens combattants ont accepté l'idée d'une pension proportionnelle pour les veuves, principe qui devait figurer dans le projet de loi omnibus visant à modifier la loi. Nous recommandons fortement que cette mesure soit adoptée par voix législative.

Le sénateur Forest: La pension prévoit-elle des prestations de veuve? La veuve aurait-elle dû recevoir d'autres services pendant que l'ancien combattant était toujours vivant?

M. Annis: Nous voudrions étudier plus à fond la question.

M. Rycroft: Elle pourrait avoir accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, qui permet aux anciens combattants de demeurer à la maison. Il importe qu'un ancien combattant puisse rester chez lui aussi longtemps que ce soit possible. Son conjoint devrait avoir de l'aide à cette fin. Il semble logique, étant donné que le ministère des Anciens combattants a déjà pris des engagements quant aux soins des anciens combattants et de leurs conjoints en leur versant des pensions d'invalidité et en versant des pensions proportionnelles aux survivants, qu'on offre des services aux conjoints des anciens combattants.

Le ministère semble reconnaître que les services de relève et d'autres services de ce genre sont essentiels. Nous voulons simplement qu'on ne supprime pas les services à la veuve d'un ancien combattant après un an et qu'on les lui assure tant qu'elle peut demeurer à la maison.

Le sénateur Forest: Nous nous rendons compte que le programme de soins à domicile comporte des lacunes.

M. Rycroft: Les soins à domicile constituent habituellement la solution la moins coûteuse étant donné que c'est le contribuable qui, en dernier ressort, paie la note. C'est un problème de société.

M. Margerum: Lorsque notre secrétaire provinciale était conseillère ou agent de service pour la Légion, elle s'est rendue à l'hôpital où elle a rencontré l'un de ses clients qui venait d'être renvoyé chez lui. Il rentrait à la maison à pied bien que celle-ci se trouvait à six kilomètres de l'hôpital. Elle l'a raccompagné en voiture à la maison. Il l'a invitée à entrer. Il a ouvert le réfrigérateur et elle a vu qu'il n'y avait pas de nourriture. Il n'avait pas d'argent. Le ministère des Anciens combattants a offert rapidement de l'aide à cet ancien combattant une fois qu'on lui eut signalé le problème. Cette personne avait reçu son congé d'un hôpital de soins de courte durée. Il s'agit d'un cas parmi d'autres. Combien d'anciens combattants et combien de leurs conjoints se retrouvent-ils dans la même situation? Les services de soins à domicile sont assurés sans suivi. On ne peut pas non plus offrir des services pendant les périodes de transition. Le ministère de la Santé ne s'assure pas qu'une personne qui obtient son congé d'un hôpital reçoit les soins voulus.

Le président: Je vous remercie beaucoup, messieurs, de votre mémoire, et de vos réponses. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

M. Margerum: Si vous voulez ce morceau de pain grillé, nous sommes prêts à vous le laisser comme élément de preuve. Les quatre enveloppes que j'ai remises à votre secrétaire renferment plusieurs lettres de plaintes. Nous avons demandé au vérificateur général de faire une vérification des activités du ministère des Anciens combattants ainsi que des accords de transfert fédéraux-provinciaux parce que nous soupçonnons qu'il y a mauvaise utilisation des fonds. Il est très difficile de faire une vérification étant donné que les fonds proviennent de diverses sources. Nous avons énuméré 20 points sur lesquels on devrait se pencher. Je vous incite à prendre connaissance de cette information. Je serai heureux de vous fournir par la suite tous les renseignements dont vous aurez besoin.

J'ai vu la liste des témoins qui comparaîtront devant le comité. J'ai constaté qu'il y avait un oubli important. Je vous encourage à entendre le point de vue de ceux qui sont directement intéressés. Si vous le souhaitez, je suis prêt à organiser une rencontre au Centre de santé pour anciens combattants Perley et Rideau avec des résidents de ces centres et leurs conjoints, ainsi qu'avec ceux qui nourrissent ces patients, pour que vous puissiez entendre leurs plaintes, leurs préoccupations et leurs plans au sujet des installations. Vous serez ainsi à même de juger de la qualité des services hospitaliers.

Le président: Nous espérons pouvoir visiter ces centres en février. Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant le représentant du Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada. Monsieur Chadderton, vous avez la parole.

M. H.C. Chadderton, président, Conseil national des associations d'anciens combattants du Canada: Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne compte pas vous faire la lecture du mémoire que nous avons présenté au comité.

Pour ce qui est de la question que soulevait le sénateur Bonnell au sujet du maintien des pensions des veuves, il y a deux groupes dont on devrait tenir compte. Premièrement, si la pension touchée est d'au moins 48 p. 100, on considère que l'ancien combattant est mort des suites de son service militaire et, par conséquent, sa veuve touchera exactement la même pension qu'un ancien combattant qui toucherait une pension de 100 p. 100.

En vertu de la nouvelle loi, qui date maintenant de 11 ans, il est prévu qu'à la mort d'un ancien combattant dont la pension est inférieure à 48 p. 100, sa veuve n'en recevra que la moitié.

J'aimerais revenir sur une suggestion faite par le sénateur Bonnell. Je vous enverrai demain par messager une déclaration sous serment qui a été préparée pour la Cour d'appel de l'Ontario et qui expose la proposition dont les membres de la Légion ont parlé. On y mentionne le fait que la veuve qui touche une pleine pension ne reçoive que 75 p. 100 de la pension que touche un ancien combattant de sexe masculin. On voit qu'il y a discrimination. C'est une question d'égalité des sexes. Il pourrait y avoir contestation en vertu de la Charte des droits et libertés. Étant donné que votre comité étudie également la question, je lui transmettrai copie de ma déclaration sous serment parce que j'y expose les raisons pour lesquelles la personne qui s'est occupé d'un ancien combattant pendant 25 ans a droit à une pleine pension.

Le sénateur Jessiman: Si un pensionné reçoit moins de 48 p. 100, à sa mort, sa femme en recevra-t-elle une partie?

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Jessiman: Recevra-t-elle 75 p. 100?

M. Chadderton: Non, 50 p. 100. S'il était pensionné à 20 p. 100, sa femme recevra 10 p. 100.

Le sénateur Jessiman: S'il reçoit 48 p. 100 ou plus, sa femme recevra-t-elle 100 p. 100 de ce qu'il recevait?

M. Chadderton: Non, elle recevra la même pension qu'un pensionné à 100 p. 100.

Le sénateur Jessiman: Prenons le cas d'un pensionné qui reçoit 48 p. 100. À sa mort, sa veuve recevra-t-elle 100 p. 100?

M. Chadderton: Oui, elle reçoit la pension la plus élevée prévue par la loi.

Le sénateur Jessiman: Recevra-t-elle davantage que ce à quoi son mari avait droit?

M. Chadderton: Oui, si sa pension était, par exemple, de 60 p. 100.

Le sénateur Jessiman: Si sa pension était de 49 p. 100, recevra-t-elle 100 p. 100?

M. Chadderton: Oui. C'est une anomalie de la loi et je peux vous l'expliquer. Elle existe depuis 1939. En 1939, le Parlement a jugé que, lorsqu'un homme meurt avec une pension de 48 p. 100 ou davantage, il est impossible de dire s'il est mort des suites de son invalidité lui ouvrant droit à pension ou non. M. le juge Woods, du Comité Woods, dont j'ai été le secrétaire il y a de nombreuses années, a adopté la meilleure solution qu'il a pu trouver. Il a jugé que, lorsqu'un pensionné à 48 p. 100 décède, c'est comme s'il avait été pensionné à 100 p. 100 et qu'il est mort des suites de l'invalidité lui donnant droit à pension. C'est ainsi qu'on a justifié cette disposition.

Il y a très peu de pensionnés dans le groupe des 48 p. 100 à 60 p. 100. La plus grande majorité, les pensionnés ayant une invalidité sérieuse, sont à 75 p. 100 ou plus.

La pension des veuves même dans le cas d'un pensionné à 100 p. 100, n'est que de 1 263 $. Si l'épouse décède en premier, l'ancien combattant qui reçoit 100 p. 100 de sa pension aura droit à 400 $ de plus que n'aurait reçu sa femme s'il était mort avant elle. Voilà pourquoi c'est une question d'égalité entre les sexes.

Je dépose ce document afin que vous puissiez y jeter un coup d'oeil.

Nous répondrons plus tard à certaines des questions que votre secrétaire nous a adressées. Auparavant, nous aimerions saisir cette occasion pour soulever une question particulière devant votre comité, à savoir, le nombre important d'études qui ont été menées par le ministère des Anciens combattants au cours des sept à neuf dernières années. Croyez-le ou non, 11 études de ce genre ont été faites, et elles portent toutes sur les questions de gérontologie, soins de santé et autres touchant les anciens combattants.

Nous avons déposé des remarques liminaires. Elles devraient vous aider dans vos discussions avec le ministère.

Dans notre document, nous parlons des anciens combattants qui ont servi outre-mer et qui ne reçoivent pas de pension d'invalidité. Ils n'ont pas le «revenu admissible», mais ils ont servi outre-mer au moins un an. Ils sont environ 160 000. Nous appelons ce groupe le «groupe fantôme», car la plupart de ces études semblent être faites pour déterminer ce que le ministère fera de ces 160 000 anciens combattants ayant servi outre-mer qui ne reçoivent aucune prestation. Ils n'ont pas de pension. Ils n'ont pas droit à l'allocation aux anciens combattants, parce qu'ils ont un revenu. La question de savoir ce qu'on fera d'eux semble monopoliser tant d'énergie à Charlottetown qu'on a tendance, peut-être, à oublier certains autres problèmes.

Les chiffres suivants sur cette page sont alarmants. Le nombre total de lits ministériels ou retenus par contrat est de 4 000, alors que les 160 000 anciens combattants ayant servi outre-mer qui constituent ce groupe fantôme ne sont pas des clients du ministère à l'heure actuelle. Tout ce à quoi ils ont droit aux termes de la loi, c'est un lit s'il y en a de disponible.

Nous nous sommes informés ce matin et on nous a dit que tous les lits retenus par contrat sont occupés. J'ai ici une liste d'attente pour un lit, en date d'aujourd'hui.

Le sénateur Jessiman: Une liste d'anciens combattants?

M. Chadderton: Oui.

Le sénateur Jessiman: Feraient-ils partie de ce groupe fantôme?

M. Chadderton: Peut-être, mais la majorité sont des clients du ministère, autrement dit, des personnes recevant une allocation aux anciens combattants ou une autre prestation de ce genre.

La liste d'attente de Sunnybrook compte 27 noms, celle du Centre de santé Perley-Rideau pour anciens combattants, 104. La liste de l'hôpital Deer Lodge compte 94 noms. Le Pavillon Brock Fahrni, à Vancouver, a une liste de quatre noms et le Centre George Derby, 23.

Le sénateur Jessiman: Combien de lits au total compte chacun de ces hôpitaux?

M. Chadderton: Je vais demander à quelqu'un de vous trouver ce renseignement. Ce qui compte, c'est que le ministère des Anciens combattants semble n'avoir qu'une mission, à savoir effectuer des études -- il en a fait mener 13 différentes, dont seulement certaines sont terminées -- pour déterminer ce qu'il fera des anciens combattants ayant servi outre-mer au moins un an. Nous appelons ce groupe le «groupe fantôme», parce que la majorité des anciens combattants n'ont pas besoin d'aide du ministère. Ils ne sont pas pensionnés, ils ne reçoivent pas d'allocation aux anciens combattants. S'ils doivent aller à l'hôpital, ils vont aux très bons hôpitaux qu'on trouve à Winnipeg, Saint John, Vancouver ou ailleurs.

Aux termes de la loi, ils n'ont droit qu'à un lit. S'il n'y a que 4 000 lits et que la liste d'attente compte déjà plus de 200 noms, il est évident que le train a déraillé et il faudrait peut-être que votre sous-comité examine la situation.

Le président: Ce groupe fantôme est un groupe négligé. J'ai moi-même eu connaissance de certains cas d'anciens combattants ayant eu un accident cérébrovasculaire, qui ne pouvaient compter sur le conjoint pour des soins et qui recevaient aussi peu que 3,72 $ par mois. Ils doivent se débrouiller tout seuls. Nous avons oublié ces gens. Les associations d'anciens combattants et notre comité devraient examiner attentivement la situation de ce groupe fantôme. Ces soldats ont servi outre-mer, ils ont obéi aux ordres, mais ils sont maintenant laissés pour compte.

M. Chadderton: S'ils ont servi outre-mer et ont le revenu admissible, il n'y a pas de problème. Nous, nous parlons de ceux qui ont servi outre-mer, qui sont revenus, ont retrouvé la santé et ont de l'argent pour payer les services dont ils ont besoin. En raison de cette anomalie qui dit qu'un ancien combattant ayant servi outre-mer n'a droit à rien d'autre qu'à un lit, le ministère des Anciens combattants est obnubilé par la possibilité que ce groupe nombreux prenne d'assaut le système. Or, cela nous semble peu probable. On ferait un meilleur usage des ressources du ministère si on examinait d'autres problèmes et envisageait d'autres mesures. Il est tout à fait ridicule de croire que ce groupe fantôme de 160 000 personnes sollicite soudainement le ministère.

Quoi qu'il en soit, le ministère ne peut rien faire pour eux parce qu'aucun lit n'est disponible.

Comment en sommes-nous venus à cette situation? Je m'occupe d'affaires d'anciens combattants depuis plus de 50 ans, et je trouve intéressant de voir que, pour régler de petits détails, on adopte des dispositions législatives qui ne sont jamais supprimées. Ainsi, dans les années 30, on a construit l'Hôpital Deer Lodge. Étant donné qu'on a pu le remplir d'anciens combattants pensionnés ou recevant une allocation aux anciens combattants, on a décidé que, si un ancien combattant de Winnipeg ayant servi outre-mer avait besoin d'un lit dans un établissement ministériel, on lui donnerait un lit à cet hôpital. Toutefois, on lui demanderait de payer. C'est ainsi qu'on explique cette mesure. Je crois qu'on devrait tenter de déterminer si c'est encore valide.

Nous avons participé à chacune de ces 13 études. Des fonctionnaires du ministère sont venus à nos bureaux à maintes reprises et, chaque fois, nous leur avons demandé ce qu'ils cherchaient. Ils nous font remarquer que tous ces anciens combattants ayant servi outre-mer ont droit à un lit. Bien sûr, nous répondons que le ministère devrait construire 28 hôpitaux pour répondre aux besoins. Il y a 160 000 anciens combattants dans ce groupe.

Le sénateur Jessiman: Je connais l'Hôpital Deer Lodge. J'ai des amis qui font partie de ce groupe fantôme. Ils peuvent se payer un lit dans cet établissement, heureusement, parce qu'ils ont été incapables de trouver un lit ailleurs. On m'a dit que le service y est très bon.

M. Chadderton: Cet établissement a maintenant une liste d'attente de 94 noms. Certains sont peut-être des amputés souffrant de la maladie d'Alzheimer, mais ils n'ont pas droit à un lit. Même s'ils ont une invalidité ouvrant droit à pension, le fait d'être amputé ne leur donne pas droit à un lit dans cet hôpital.

Le sénateur Jessiman: Certains des anciens combattants de ce groupe fantôme souffrent de la maladie d'Alzheimer et ont été admis à cet hôpital.

M. Chadderton: C'est parce qu'ils en ont les moyens.

Le budget du ministère des Anciens combattants devrait-il servir à ces cas-là, alors qu'il y en a d'autres qu'il faudrait financer? La marine marchande vous présentera certains de ces cas cet après-midi.

C'est devenu la mission de bien des fonctionnaires à Charlottetown. Lorsque vous leur demandez pourquoi cela les préoccupe tant, ils vous répondent que c'est parce que ces 160 000 personnes sont des clients en puissance du ministère. Je ne veux pas dire que les personnes dont vous avez parlé ne devraient pas être à l'Hôpital Deer Lodge, mais que se passerait-il si, du jour au lendemain, 160 000 personnes demandaient l'aide du ministère des Anciens combattants? Le ministère n'a pas les installations qu'il faut.

Le président: Quand la question de l'aide et de l'allocation aux anciens combattants a-t-elle été soulevée la dernière fois?

M. Chadderton: Cette question est soulevée chaque année relativement au coût de la vie.

Le président: Ai-je raison de dire que cette allocation a été fixée il y a quelques années et augmentée de 1 ou 2 p. 100 chaque année depuis?

M. Chadderton: C'est exact. Les 33 organisations que je représente ne se plaignent du niveau de l'allocation aux anciens combattants. Cette allocation semble juste. Elle a été fixée il y a des années et augmenté chaque année depuis. Cela ne présente aucun problème.

La dernière fois que nous avons témoigné devant votre comité, nous avons abordé de nombreux dossiers, tels que les prisonniers de guerre, la marine marchande et d'autres. Ces questions n'ont toujours pas été réglées. Aujourd'hui, je réponds à la lettre que nous a adressée votre secrétaire en ce qui concerne les problèmes de soins de santé.

Dans le mémoire de la Légion, M. Annis fait allusion au Conseil consultatif de gérontologie, dont je suis membre. À une réunion tenue il y a quelques semaines, nous avons entendu quelque sept experts gérontologues, des médecins de tout le pays, dont le Dr Sherman, du Manitoba, un expert reconnu dans ce domaine.

Au début de la réunion, le Conseil a énoncé ses objectifs. Il a été établi que ses objectifs seraient de dispenser des conseils au ministère en matière de gérontologie. Ces gens-là travaillent sur le terrain et font face tous les jours à la question de savoir comment traiter une personne, qui n'est pas nécessairement un ancien combattant, qui refuse de quitter son foyer mais qui doit, un jour, être hospitalisé.

Oublions notre groupe fantôme et tenons-nous-en à la demande actuelle; il est clair qu'il n'y a pas suffisamment de lits en ce moment.

Le ministère doit envisager de retenir davantage de lits par contrat. Cela entraînera des coûts. Si le ministère rejette cette option, il devra se tourner vers les collectivités pour trouver des lits pour ceux qui y ont droit.

Il y a 4 000 lits retenus par contrat pour tous les anciens combattants ayant servi au Canada et outre-mer qui sont admissibles et qui sont plus de 200 000.

La seule façon de régler le problème, c'est de prendre des mesures auprès des provinces ou des collectivités pour que ces anciens combattants puissent se prévaloir d'un programme de soins infirmiers. Bien sûr, les experts en gérontologie vous diront qu'on ne peut permettre aux anciens combattants de resquiller. Nous leur rappellerons seulement l'existence de deux lois, la Loi sur les pensions et la Loi sur les allocations aux anciens combattants, qui toutes deux prévoient un contrat implicite selon lequel les anciens combattants peuvent obtenir des soins hospitaliers de longue durée.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que 160 000 anciens combattants peuvent resquiller?

M. Chadderton: Non, et c'est là le problème. Prenez par exemple le cas d'un homme qui reçoit une allocation aux anciens combattants et qui est en suffisamment bonne santé pour rester à la maison et y recevoir des soins. Toutefois, lorsqu'il aura besoin d'un lit de soins de longue durée, lui permettra-t-on de passer avant son tour et d'obtenir une place dans un établissement communautaire tel que Portage La Prairie? Cela ne pourra se faire sans une contribution financière du fédéral. C'est compréhensible.

C'est là une question que vous pourriez soulever auprès du ministère. Lorsque les professionnels de la santé qui ne sont pas à l'emploi du ministère font une évaluation de santé et se chargent de trouver un lit, ils veulent être payés. Si ces frais étaient assumés par le ministère, les cas de certains anciens combattants pourraient alors devenir prioritaires de sorte qu'ils puissent obtenir une place dans un établissement municipal ou provincial.

Le sénateur Jessiman: Il faudra davantage de lits.

M. Chadderton: Il y a des lits, monsieur. Ce sont des lits retenus par contrat par le ministère. Il y a des milliers et des milliers de lits pour lesquels on ne paie pas.

Le sénateur Jessiman: Il y a suffisamment de lits, mais pas suffisamment d'argent.

M. Chadderton: Ces établissements les accueilleront parce que le ministère prévoit une aide d'appoint. Le ministère fournit l'argent nécessaire pour les faire entrer dans ces établissements. Il paie pour les soins qui leur sont accordés, s'ils y ont droit. Toutefois, vous ne pouvez attendre des gens qui travaillent pour une province ou une municipalité qu'ils abandonnent tous leurs autres cas pour trouver une place à ces anciens combattants. Vous ne pouvez vous attendre à ce qu'ils fassent cela à moins que vous ne soyez prêts à payer pour ces services.

Le sénateur Jessiman: Il y a actuellement 250 personnes qui attendent une place. Vous dites qu'il y a des lits dans chaque province et que, si le gouvernement était prêt à payer, ces 250 personnes pourraient avoir une place?

M. Chadderton: Le gouvernement n'aura même pas à payer pour ces places. J'en ai parlé longuement avec le Dr Shapiro qui dirige ce programme au Manitoba. Elle serait prête à y affecter un employé qui se chargerait de trouver des lits pour ces personnes. Toutefois, vous ne pouvez vous attendre à ce que le Dr Shapiro affecte un de ses employés à cette tâche sans paiement en retour.

Le sénateur Jessiman: Une fois qu'on a payé pour les services de ceux qui se chargent de trouver une place, une fois qu'on a trouvé des lits pour ces anciens combattants, qui paie?

M. Chadderton: Le ministère, monsieur. Il s'agit simplement de trouver des lits.

Le sénateur Jessiman: Cela ne devrait donc pas coûter si cher, puisqu'une seule personne peut s'occuper de plusieurs cas. Peut-être qu'une ou deux personnes pourraient s'occuper des 94 personnes en attente.

M. Chadderton: Ces chiffres pourraient vous induire en erreur, en ce sens que ces anciens combattants savent qu'il y a des établissements qui pourraient les accueillir et ont fait mettre leur nom sur la liste de ces établissements. Si nous avions un système qui fonctionnait bien et dans le cadre duquel le Manitoba, par exemple, collaborerait étroitement avec le ministère au nom des anciens combattants, je crois que ce nombre augmenterait. Cette hausse ne nous inquiète pas, car elle ne ferait que traduire la rareté des lits retenus par contrat. Mais si le ministère veut qu'on mette à la disposition des anciens combattants -- il y en a des centaines de milliers -- des lits dans des établissements communautaires, il doit être prêt à assumer les coûts des services que les fonctionnaires municipaux ou provinciaux dispenseront pour ce faire.

Le sénateur Jessiman: Qu'en dit le ministère?

M. Chadderton: C'est une des raisons pour lesquelles j'attire votre attention sur ces études. Elles sont énumérées dans mon mémoire. Le ministère étudie cette question en long et en large depuis neuf ou dix ans, mais nous n'avons pas encore vu de résultat concret. Il y a deux semaines, à cette réunion avec le gérontologue, j'ai entendu des spécialistes de la santé communautaire dire qu'ils ont des lits pour nous, mais aussi qu'ils ne voient pas pourquoi ils devraient permettre aux anciens combattants de resquiller C'est en effet compréhensible.

J'espère que le ministère reconnaîtra que, s'il veut recourir à ces établissements qui ne relèvent pas de lui, il devra assumer des frais. Ce serait une façon de régler le problème des lits.

L'autre problème est celui du vieillissement et, à cet égard, le Programme pour l'autonomie des anciens combattants est excellent. Toutefois, bien que le ministère paie pour les services qui sont dispensés, chaque ancien combattant doit trouver la personne qui viendra l'aider à, par exemple, s'occuper de son jardin. Cela peut être une tâche très lourde pour certains de nos anciens combattants vieillissants. La situation est encore plus difficile lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui a besoin de services spécialisés, par exemple, un ancien combattant souffrant d'emphysème qui a besoin d'aide avec son respirateur. Le ministère assumera les coûts, mais ne dispensera pas les services.

Les soins de santé dans tout le pays ont fait l'objet de compressions. Dans la plupart des localités, des infirmières de l'Ordre de Victoria ou d'autres comblent certains besoins, mais il faut non seulement les payer, mais aussi obtenir leurs services. C'est cette dernière tâche qui peut être très difficile.

Ainsi, au bureau régional de santé de Smith Falls, on peut trouver une infirmière pour effectuer des visites à domicile, mais on ne fera pas des pieds et des mains simplement parce que le patient est un ancien combattant. Si le ministère veut améliorer ses relations avec les professionnels de la santé qui sont payés par les villes, les municipalités ou les provinces, il devra se résigner à payer. Cet argent pourrait servir à trouver des lits et des fournisseurs de soins à domicile.

Mes collaborateurs et moi avons été consultés dans le cadre de ces études. Nous aurions pu rédiger les rapports avant même le début de ces études. Ces rapports reconnaissent toujours les besoins des anciens combattants et la solution idéale, à savoir cet appel à des professionnels de la santé des provinces. Toutefois, il n'y a pas de relations de travail étroites entre ces deux organismes.

Dans l'une de ces études, le ministère a envoyé une jeune dame dans toutes les régions du pays, ce qui lui a permis de rédiger un très bon rapport en fonction des informations dont elle disposait. Cependant, elle n'a offert aucune solution au problème de manque de lits. C'est ça, le véritable problème.

Je collabore étroitement avec le ministère des Anciens combattants et je n'aime pas le critiquer car on y fait de l'excellent travail. Je dois néanmoins souligner qu'on s'attarde au cas des 160 000 anciens combattants ayant servi outre-mer qui, en fait, ne sont pas des clients du ministère et pour lesquels il n'y a pas de lits de toute façon.

Le ministère doit être prêt à payer pour les services qu'il obtient. Il doit expliquer aux professionnels de la santé municipaux et provinciaux la différence entre un ancien combattant et un civil, ce que ce professionnel de la santé ne semble pas connaître. Un professionnel de la santé de niveau supérieur du gouvernement de l'Ontario m'a dit que notre système est le même pour tous et qu'on doit répondre à tous les besoins. C'est bien beau en théorie, mais il s'agit d'anciens combattants de 75 ans qui ont gagné le droit en un traitement spécial aux termes de la Loi sur l'allocation aux anciens combattants ou de la Loi sur les pensions. Il incombe au ministère des Anciens combattants de s'assurer qu'ils reçoivent ce traitement spécial.

Les professionnels de la santé, qui sont des gens pratiques, ne discutent pas lorsqu'on leur explique pourquoi un ancien combattant a plus de droits. Toutefois, ils ont des budgets à respecter et ne peuvent justifier l'ajout de quatre ou cinq autres cas sans paiement en retour.

J'aimerais maintenant répondre aux questions que vous nous avez adressées. Je vous prie de passer à la page 13 de notre mémoire. La première question est la suivante:

Est-ce qu'un dollar consacré aux soins de santé a la même valeur dans toutes les provinces?

Le ministère fait de son mieux pour qu'il en soit ainsi en accordant ce qu'on appelle «l'aide d'appoint». Je vous induirais en erreur si je vous disais que cela fonctionne bien, car ce n'est pas le cas. Les provinces moins bien nanties ne peuvent dispenser les mêmes services que les autres, même avec cette aide d'appoint.

Votre deuxième question était celle-ci:

Quel est le niveau de priorité accordé aux anciens combattants dans les relations de ceux-ci avec les régies provinciales de la santé?

Nous en avons déjà parlé.

Le sénateur Cools: J'allais vous le demander.

M. Chadderton: La réponse à cela est négative. La solution est celle-ci: si le ministère des Anciens combattants était disposé à payer des frais de service, les anciens combattants auraient alors la priorité. Dans le monde d'aujourd'hui, c'est l'argent qui compte.

Le sénateur Cools: Si vous me voyez sans cesse entrer et sortir, c'est que le Sénat siège toujours. Nous mettons tous les bouchées doubles ou triples.

Lorsqu'un ancien combattant se présente dans un hôpital, comment est-il traité? Le personnel hospitalier sait-il qu'il a la priorité? Et que fait-il pour le faire passer en priorité? Vous pourriez peut-être nous donner un meilleur aperçu de la façon dont les anciens combattants sont traités par les services provinciaux.

M. Chadderton: Il y a deux catégories de services. La première s'applique dans le cas des anciens combattants qui ne sont pas clients du ministère, qui ne bénéficient pas des allocations aux anciens combattants et qui n'ont pas de pension. Ces gens-là se présentent à l'hôpital, ils montrent leur carte d'assurance-maladie et ils sont traités de la même façon que n'importe qui. Ils n'ont pas à se plaindre.

La seconde catégorie est celle des anciens combattants qui sont clients du ministère parce qu'ils touchent les allocations aux anciens combattants ou parce qu'ils souffrent d'une invalidité ouvrant droit à pension. Les anciens combattants qui appartiennent à cette catégorie n'ont pas la priorité, et c'est surtout cela le problème. Ils ont droit à un traitement préférentiel en vertu des lois fédérales, mais il faut que quelqu'un l'admette et lui permette de remonter dans la liste d'attente en établissant une fiche de santé, ce que le ministère fait d'ailleurs merveilleusement bien -- ce qui lui ouvre immédiatement les portes d'une unité de soins de longue durée.

Dans l'état actuel des choses, un ancien combattant qui appartient à cette catégorie n'a pas la priorité, mais nous pouvons faire en sorte de lui «acheter» cette priorité. Peut-être ne devrions-nous pas utiliser ce terme, mais c'est à cela que sert le budget du ministère. Le ministère doit après tout s'occuper des affaires des anciens combattants et leur donner en priorité accès aux services dont ils ont besoin en plus de ceux dont ils peuvent bénéficier en tant que simples citoyens.

Votre troisième question était celle-ci:

L'accès aux services de santé est-il le même dans chaque région et dans chaque province?

Ici encore, la réponse est négative et, à ce sujet, je vous inviterais à regarder la liste d'attente. Cela étant, toutefois, le ministère essaye de faire du bon travail en «suppléant». La seule façon d'arriver à une uniformité d'accès serait de faire en sorte que le ministère paie des frais de service aux provinces. Dans la vie, rien n'est plus évident que l'adage suivant: si vous ne payez pas, vous n'obtenez rien. C'est malheureusement la triste réalité.

Pour ce qui est maintenant du niveau des soins, le sénateur Phillips avait posé à la Légion une question à laquelle je voudrais à mon tour répondre. Quelle était la situation avant 1963, lorsque le ministère avait accepté de céder ses hôpitaux avec l'accord des associations d'anciens combattants? Nous nous étions tous réunis à l'époque et, d'ailleurs, nous étions même dans le cabinet du premier ministre, pour lui expliquer ce qu'il en était. Le ministère ne pouvait pas, faute de médecins, continuer à offrir des services de soins intensifs. Plusieurs contrats ont donc été signés et, comme le disait M. Margerum, même si certains de ces contrats existent encore, ce n'est pas le cas pour tous les établissements puisque des lits ont été fermés, ou encore parce que le personnel infirmier était insuffisant ou pour toute autre raison.

En 1983, le système tout entier a été vendu pour une bouchée de pain. Ainsi, un ancien combattant du Manitoba qui ne pouvait pas se rendre à l'hôpital à Flin Flon pouvait aller à Deer Lodge, à Queen Mary, à Christie Street ou à Sunnybrook. C'était un bon système. Mais ce système est tombé en quenouille et il était censé être remplacé par quelque chose qui devait être au moins aussi bon. Étant donné l'âge moyen des anciens combattants, il faut bien reconnaître que le système actuel n'est pas aussi bon. Le ministère aurait dû ouvrir davantage de lits. Il est manifeste que le système actuel n'est pas aussi bon. Il y a des listes d'attente, il y a des plaintes. Il y a des plaintes très sérieuses concernant des bénéficiaires des allocations aux anciens combattants qui se voient refuser les soins à domicile dont ils ont besoin et qui, lorsqu'ils doivent être admis dans un établissement, se retrouvent au bas d'une liste d'attente. Parfois, ils doivent attendre 27 jours, même s'ils sont prioritaires. C'est ce qui s'est passé à Sunnybrook.

Certains lits prioritaires sont mis en réserve parce que ceux qui dirigent le ministère ne sont pas stupides. Ils ne veulent pas que le Star de Toronto publie un article sur un ancien combattant qui serait mort en attendant un lit.

Mais en règle générale, le problème des listes d'attente est grave. J'avais espéré que ces rapports permettraient d'arriver à une solution, mais nous sommes maintenant en décembre 1997 et la situation ne s'est pas améliorée.

Votre quatrième question était celle-ci:

Les anciens combattants sont-ils admis dans des établissements de qualité égale ou supérieure?

Les normes provinciales varient d'une province à l'autre, mais les établissements pour anciens combattants sont sans conteste d'un niveau équivalent et seraient tout à fait conformes aux normes provinciales.

Votre sixième question était celle-ci:

Existe-t-il, dans le domaine des soins, de nouvelles tendances ou de nouvelles méthodes que le ministère n'a pas pu suivre de façon satisfaisante à cause de la dévolution des pouvoirs à l'industrie des services?

C'est assurément le cas étant donné les compressions dans le domaine de la santé. Ces compressions ont nui aux anciens combattants tout comme elles ont nui à l'ensemble de la population. Je ne veux pas être mal interprété. Nous représentons les anciens combattants qui sont notre clientèle, de sorte que nous devons parler en leur nom. Malgré les compressions et tout ce qui est survenu dans le domaine de la santé, il demeure qu'il faut quand même faire quelque chose. Ce sont après tout des anciens combattants qui ont servi leur pays avec loyauté. J'estime qu'ils ont la priorité par rapport à leurs concitoyens.

Effectivement, il y a depuis la dévolution des tendances et des façons de faire qui portent préjudice aux anciens combattants.

Votre septième question était celle-ci:

Les changements survenus au niveau de la prestation des services ont-ils été entravés par des considérations d'ordre géopolitique ou par la politique des relations intergouvernementales du gouvernement?

C'est la même chose. Toutes les provinces ont effectué des compressions et leur effet a été ressenti au bas de l'échelle, c'est-à-dire au niveau de la disponibilité des lits et du personnel infirmier nécessaire. Comme les anciens combattants continuent à vieillir, on a commencé à se demander si on pouvait assurer les services d'un expert médico-sanitaire. Des anciens combattants souffrent eux aussi de ces compressions. La seule solution serait d'accepter des frais de service.

Votre huitième question était celle-ci:

En quoi les anciens combattants sont-ils touchés par les compressions budgétaires effectuées par les provinces?

La réponse est la même que pour la question précédente.

Votre neuvième question était celle-ci:

Depuis la privatisation par le ministère du Système de comptabilisation des traitements, le niveau de prestation des services a-t-il augmenté?

Personne n'aurait pu penser à un meilleur système car il marche à la perfection. Un ancien combattant peut montrer sa carte à n'importe quel pharmacien ou alors composer un numéro de téléphone sans frais et il sait immédiatement à quoi il a droit. Auparavant, un ancien combattant résidant à Ottawa aurait dû se rendre au CMDN pour y consulter un médecin et y obtenir une ordonnance. À ce moment-là, il aurait dû faire la queue pour voir un pharmacien. Avec un peu de chance, il aurait eu son médicament au début de l'après-midi. Les anciens combattants devaient souvent faire ce genre de déplacements. Pour la plupart d'entre nous, chaque fois que nous devons faire renouveler une ordonnance, grâce à notre carte, il nous suffit de téléphoner au pharmacien qui remplit immédiatement l'ordonnance.

Votre onzième question était celle-ci:

Quelle est l'orientation envisagée par le ministère pour ce qui est du virage ambulatoire?

À en croire ces études, il semblerait que le ministère se lance dans la bonne direction. Il sait que les besoins existent. Par contre, il n'en fait pas suffisamment pour établir le lien nécessaire entre les besoins et les fournisseurs. Ce n'est pas plus difficile que cela.

Votre douzième question était celle-ci:

Quelles dispositions le ministère a-t-il prises pour les conjoints d'anciens combattants, et en particulier ceux qui font fonction d'aide soignant, et leurs besoins médico-sanitaires futurs?

Ici, c'est une tragédie. C'est une tache sur le nom du gouvernement, et même peut-être sur les associations d'anciens combattants qui ne se sont peut-être pas suffisamment battues dans ce dossier. Lorsqu'un ancien combattant qui touche une allocation pour soins et une allocation d'incapacité exceptionnelle vient à décéder, le revenu familial chute immédiatement de 3 300 $ à 1 200 $ par mois. Il y a toutefois un hiatus d'un an en ce sens que la pension continue à être payée pendant une année. L'allocation d'incapacité exceptionnelle continue à être payée pendant un an, tout comme l'allocation pour soins. Cela donne à la veuve le temps de porter son deuil et de se rendre compte qu'elle doit changer de niveau de vie. C'est une tragédie atroce. Mais s'agissant d'une dépense pour l'État, les veuves ne sont plus très nombreuses. Il y en a sans doute en tout 22 000 au barème de 100 p. 100.

M. Brian Forbes, secrétaire général honoraire, Conseil national des anciens combattants du Canada: En fait, il y en a beaucoup moins que cela, probablement 8 000 en tout.

M. Chadderton: Ces veuves ont toujours soigné leurs époux et la plupart d'entre elles sont restées en première ligne pendant 50 ans. Il leur serait impossible de trouver du travail parce que pendant toutes ces années, elles se sont occupées de leurs conjoints. Mais un an après le décès, la veuve est rayée des listes. Il y aurait beaucoup à faire dans ce domaine. Il est évident que le Programme pour l'autonomie des anciens combattants devrait continuer à assurer sa subsistance jusqu'à la fin de ses jours si elle est capable de demeurer chez elle.

Voici une autre incongruité. Que se passe-t-il si elle ne peut pas continuer à vivre en autonomie et si elle veut s'installer dans un condominium? Le comité sait fort bien que le programme n'interviendra pas pour les frais d'entretien du terrain, même si ces frais font partie des frais du condominium. Après un an, elle doit se trouver un nouveau logement, emménager chez un fils ou alors louer un appartement bon marché ailleurs parce que son revenu a été amputé d'au moins la moitié et qu'elle est maintenant sans autres ressources.

Comment un gouvernement peut-il prétendre faire son travail s'il n'offre pas ce genre de secours vital aux veuves, je l'ignore. Il est évident qu'une pension de veuve devrait être calculée au barème de 100 p. 100 comme c'est le cas pour les anciens combattants vivant seuls. Vous allez d'ailleurs recevoir ces documents demain.

En guise de conclusion, partout au Canada, les gens ont manifestement le sentiment qu'un ancien combattant admissible en raison d'une invalidité ou d'une insuffisance de revenu devrait avoir accès à un lit dans un établissement de soins de longue durée si ce besoin est médicalement justifié. J'ai déjà signalé au comité une façon de trouver des lits pour les cas de ce genre, pas nécessairement par l'intervention des services sociaux du ministère, mais par celle des bureaux du bien-être social qui travaillent avec le personnel de la santé dans la collectivité ou dans la province.

Il faut offrir aux anciens combattants les services qui lui permettraient de couler leurs vieux jours chez eux lorsque leur état de santé ne nécessite pas leur domiciliation dans un établissement. Il faut offrir les soins à domicile nécessaires aussi longtemps qu'ils le demeureront.

J'espère avoir bien fait valoir au comité certaines des préoccupations très réelles qui sont les nôtres.

Le président: Nous vous remercions pour votre présentation très franche.

Vous avez parlé de la suppression de l'indemnité au titre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants lorsqu'une veuve d'ancien combattant emménage dans un condominium. Mais cette indemnité vaut beaucoup plus qu'une simple indemnité pour l'entretien du terrain. Cette indemnité est payée pour couvrir toutes les dépenses relatives à l'entretien d'une maison. Je ne vois pas pourquoi une veuve n'aurait pas le droit à cela même si elle habite dans un condominium où quelqu'un pourrait peut-être passer un ou deux jours par semaine pour s'assurer qu'elle mange convenablement et qu'elle peut continuer à subvenir à ses propres besoins.

M. Chadderton: Excusez-moi, monsieur, je me suis trompé. Si la veuve emménage dans un condominium, elle continue à pouvoir bénéficier des services d'aide à domicile, mais dans le cas d'un condominium, elle n'a pas le droit à une indemnité pour l'entretien de la propriété.

Le président: Je vous remercie. Peut-être trouverons-nous finalement toutes les réponses que nous cherchons à Charlottetown et, dans la négative, nous nous rencontrerons une nouvelle fois en février et j'espère pouvoir encore faire appel à vous à ce moment-là.

Le comité suspend ses travaux.

À la reprise des travaux à 18 h 50

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons M. Ian Inrig des Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada, qui est la plus ancienne association canadienne d'anciens combattants. Je sais que d'aucuns contestent cette affirmation, mais à chaque fois je me plais à le leur rappeler, monsieur Inrig.

Certains membres du comité sont absents en raison d'un banquet offert à l'occasion du passage à la retraite de plusieurs sénateurs, mais nous avons néanmoins lu votre mémoire. Veuillez procéder.

M. Ian D. Inrig, secrétaire-trésorier national, Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada: Merci, honorables sénateurs, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Je remercie également le président pour ses mots aimables au sujet de la longévité de notre association.

Je sais que vous devez mettre un terme à vos audiences dans les meilleurs délais, et je vous proposerai donc de passer sans plus attendre aux questions. Nous avons en effet fait valoir nos préoccupations dans notre mémoire et dans nos recommandations.

Le sénateur Jessiman: Étiez-vous présent pendant les autres exposés?

M. Inrig: Oui.

Le sénateur Jessiman: Êtes-vous d'accord avec ce que vous avez entendu? Il est évident qu'il y a partout au Canada des listes d'attente. Et puis il y a ce groupe fantôme qui va finir par disparaître comme n'importe qui, mais qui risque de tomber dans le giron des anciens combattants. Que recommandez-vous? Comment nous débarrasser de ces listes d'attente? Si le gouvernement fédéral acceptait de payer des frais de service, serait-ce la réponse? On nous dit qu'il y a des lits. Êtes-vous d'accord?

M. Inrig: Oui, je suis d'accord avec ce qu'ont dit les représentants de la Légion royale et du Conseil national des anciens combattants.

Lorsque j'écoutais vos questions, sénateur Jessiman, j'ai tout de suite compris que vous n'aviez peut-être pas ce document qui a pour titre: «Compilation des données sur les contrats du ministère des Affaires des anciens combattants et les lits administrés par le ministère». On y trouve tous les contrats et tous les lits administrés par le ministère au Canada, de même que les coordonnées et les sources de financement. Le comité devrait pouvoir consulter ce document.

Le sénateur Jessiman: Je ne l'ai pas vu.

Le président: Je ne pense pas que nous l'ayons, monsieur Inrig.

Le sénateur Jessiman: Pourrions-nous en avoir copie?

Le président: Je vais devoir invoquer le Règlement du Parlement: dès lors que vous montrez un document, vous devez aussitôt le déposer. Si vous le déposez, nous pouvons le photocopier. Est-ce que cela vous va?

M. Inrig: Tout à fait, monsieur le président.

Pour en revenir à votre question, sénateur Jessiman, ce document mentionne les lits retenus par contrat et les lits accessibles sur demande. Dans mon mémoire, je signale que dans tout le Canada, il n'y a que 48 de ces lits qualifiés d'accessibles sur demande. Pourquoi les lits non utilisés ne pourraient-ils pas être désignés lits accessibles sur demande afin de pouvoir être utilisés là où ils sont nécessaires? Si on procédait ainsi, il y aurait moins de familles séparées ou de longs déplacements pour conduire un ancien combattant en quête de lit.

Voilà l'une des choses que nous disions à propos du nombre de lits disponibles. Nous savons que ce serait possible. Il y a ici et là des lits disponibles. On nous a laissé entendre que les administrations provinciales n'étaient pas vraiment favorables à cette idée parce que cela alourdirait le fardeau administratif. Mais c'est le genre d'arguments qui ne nous impressionnent pas.

Le sénateur Jessiman: Pensez-vous que le niveau de services est resté le même depuis la dévolution?

M. Inrig: C'est ce que je dirais, oui.

Le sénateur Jessiman: Que savez-vous de plus à propos de l'incendie à Sunnybrook?

M. Inrig: Tout ce que je sais, je l'ai appris de l'enquête sur la sécurité qui avait été conduite pour Sunnybrook et dont vous avez copie, j'imagine.

Le sénateur Jessiman: Nous allons voir ces gens demain. Attribueriez-vous cet incident au fait que cet établissement ne relevait pas du ministère?

M. Inrig: La seule chose que nous craignons dans le cas de Sunnybrook, mais également dans le cas de Perley et du Centre médical Rideau, c'est le fait que le ministère n'en a pas directement la supervision et qu'il n'y conduit pas lui-même d'inspection.

Dans le dossier de l'établissement, on trouve un plan d'action dont a parlé M. Chadderton. J'ignore si vous avez ce texte, mais je suis prêt à vous le montrer et à vous en laisser tirer des copies si vous en avez besoin. On y parle d'une inspection annuelle conduite par un représentant du ministère. Nous estimons quant à nous que ces inspections devraient être plus fréquentes et avoir lieu au minimum, dirais-je, quatre fois par an ou tous les deux mois.

Si le ministère était ainsi plus souvent présent, le personnel de l'établissement commencerait à être plus attentif à des choses comme la sécurité en cas d'incendie ou toutes autres préoccupations médico-sanitaires. L'enquête conduite à Sunnybrook et le rapport sur la qualité des soins et certains services offerts aux anciens combattants par l'hôpital Perley et le Centre médical Rideau sont d'excellents documents qui vont au fond des choses et qui disent par exemple: «Nous avons un problème ici, nous avons un problème là», et cetera.

Cela dit, tant qu'on ne donnera pas à ces rapports les suites nécessaires et tant qu'on n'en tiendra pas compte dans ce plan d'action à long terme du ministère, les rapports vont moisir sur les tablettes et les problèmes perdureront, en particulier dans ces deux établissements.

Le président: Vous mentionnez ces rapports et je les ai lus hier après-midi. Ma réaction a été qu'on y trouve pas mal de faux-semblants. On y parle d'améliorer les fumoirs pour les anciens combattants et de la question de sécurité que cela représente mais moi, ce que j'ai pensé, c'est que les auteurs essayaient de dire que l'incendie avait été provoqué par quelqu'un qui fumait, alors que je sais que ce n'est pas du tout le cas. Ce n'est pas quelqu'un qui fumait dans son lit qui a provoqué l'incendie, c'était un cas de démence sénile. J'aimerais savoir -- et je vais d'ailleurs poser les mêmes questions demain -- combien de fois le chef du service des incendies avait visité l'endroit et d'autres établissements de ce genre, quelle était la formation qui avait été dispensée au personnel pour faciliter l'évacuation des patients en cas d'incendie. Je ne me suis pas bien exprimé. Y a-t-il quoi que ce soit d'autre -- et je suppose que j'aurais dû poser la question aux autres, mais le temps ne permet pas toujours ce genre de choses -- que notre groupe devrait étudier? Une chose qui m'a perturbé, c'est que nous vérifions les qualifications des gens que l'agence nous envoie alors que l'agence elle-même n'est pas décrite. J'ignore ce qu'est cette agence. Est-ce que vous auriez des réponses à cela?

M. Inrig: Nous ne sommes pas plus malins que vous, monsieur. Je souscris à vos préoccupations, et je les partage d'ailleurs, lorsqu'il s'agit de l'inspection des établissements et l'inspection de toutes ces choses tout à fait banales que nous devrions regarder lorsque nous parlons de sécurité en cas d'incendie.

Le président: Lorsque vous dites que vous n'êtes pas plus malin que moi, vous me faites penser à cette anecdote que j'aime beaucoup au sujet d'Einstein qui ne parvenait pas à lire sans lunettes. Einstein était dans un train aux États-Unis, et il avait oublié ses lunettes. Il appelle donc le garçon et lui dit: «Je ne parviens pas à lire le menu, pouvez-vous me dire ce qu'il offre?» Le garçon le regarde et lui dit: «Non, monsieur, je suis tout aussi ignorant que vous». Je pense que nous sommes vous et moi dans le même bateau. Nous allons devoir commencer demain à insister pour avoir ces réponses.

Y a-t-il des questions précises que nous devrions selon vous poser demain à Sunnybrook?

M. Inrig: Je continuerais, comme vous l'avez déjà mentionné, à parler de sécurité en cas d'incendie, en particulier pour ce qui est de la formation et des qualifications des membres du personnel. J'inspecterais également l'établissement pour voir où sont les voies d'accès, les entrées et les sorties et ce genre de choses. Ce sont en effet ces éléments-là qui me préoccuperaient.

Le président: Je voudrais poser la même question aux gens de la Légion.

M. Margerum: Au coeur du dossier, il y a une question très importante et dont nous discutons depuis plusieurs années avec les gens du ministère. On trouve dans cet établissement des patients souffrant de démence sénile, des patients tout à fait inoffensifs dirais-je. Mais ces patients sont confinés dans la salle réservée aux patients psychogériatriques qui eux sont violents et dont le comportement est imprévisible. Dans les deux cas à Sunnybrook, le problème a précisément été dû à l'un de ces patients. Nous savons que dans le cas de celui qui a été jeté à terre, on trouvait sur la porte d'une de ces chambres à quatre lits une photographie et peut-être aussi le nom de l'un de ces patients psychogériatriques qui n'avait pas été ramené dans sa salle même s'il n'occupait plus la chambre. L'homme en question se promenait, il a vu la photographie ou le nom, il a perdu la tête, il est entré dans la chambre, et il a trouvé quelqu'un dans son lit et il l'a jeté à terre. Il n'aurait pas dû pouvoir se trouver en compagnie d'autres patients. L'établissement devrait avoir une salle réservée aux patients psychogériatriques. Je pense que c'est le terme qu'on utilise pour les cas de ce genre. Je demanderais donc au personnel pourquoi il laisse ensemble ces deux catégories de patients et pourquoi ils ne sont pas séparés étant donné qu'il y va de la sécurité des autres. C'est une question tout à fait fondamentale.

Pour ce qui est des autres questions, je suis d'accord avec M. Inrig. Il faut examiner la disposition des lieux, le système de protection d'incendie, voir quel est le nombre d'inspections qui se font. Je pense qu'une fois par an le service des incendies effectue des inspections. À mon avis, ces inspections ne devraient pas se limiter à quatre fois par an, mais être fortuites. Les autorités devraient pouvoir entrer dans l'édifice le soir, pendant la nuit ou le jour pour voir précisément ce qui s'y passe. Cela éliminerait bon nombre de problèmes que nous avons.

Le sénateur Jessiman: Vous avez parlé des problèmes liés au transfert à l'établissement Perley et au Centre de santé des anciens combattants Rideau. Cela a donné lieu à des poursuites. Que faut-il surveiller? Pourquoi y a-t-il une poursuite? Que s'est-il passé?

M. Inrig: Encore une fois, mon honorable camarade de la Légion royale canadienne pourra mieux vous répondre que moi étant donné qu'il connaît bien le dossier. Je crois savoir que les conditions du transfert étaient en partie erronées. Après que le transfert a eu lieu, les autorités provinciales ont décidé de faire certaines choses, mais de l'avis de la direction de l'établissement Perley, cela n'était pas conforme aux conditions du transfert. Encore une fois, je vais laisser M. Margerum répondre.

Le sénateur Jessiman: C'était donc un problème de communication.

M. Margerum: L'un des problèmes, c'est que l'établissement Perley a d'abord pris en charge le Foyer des anciens combattants Rideau pendant un an environ, puis ils ont déménagé dans de nouveaux locaux. Ils ont eu le même problème, soit le placement de clients en psychogériatrie avec des patients atteints de démence. Il y avait là-bas un ancien combattant de Hong Kong qui, en raison de sa condition, est quelque peu agité. Il dérange les autres patients, et il a dérangé ce gentleman. L'ancien combattant de Hong Kong mesure environ 5 pi 6 po et le patient qu'il a décidé d'asticoter mesure 6 pi 4 po et pèse environ 240 livres, et il a commencé à le tabasser. Il y a eu un rapport. Le ministre des Anciens combattants a été saisi de l'incident. L'établissement n'a pas soumis son rapport d'incident dans les délais prescrits. Nous en avons parlé au ministre des Anciens combattants qui s'est dit d'accord avec nous et déclaré que, dorénavant, il insisterait pour que ces rapports soient soumis à temps. Trois mois plus tard, après le déménagement dans les nouveaux locaux, la même chose s'est produite, entre les deux mêmes personnes, mais on ne semblait pas s'entendre sur le lieu de l'incident. Encore là, le rapport n'a pas été soumis dans les délais prescrits.

La conjointe de l'ancien combattant a entendu une version de l'incident. Nous nous sommes rendus à l'établissement trois jours plus tard pour faire enquête, et la version avait changé. Cela signifie que deux choses ont pu se produire: soit la personne qui a appelé la conjointe n'était pas autorisée à l'appeler, mais l'a fait de toute façon pour lui communiquer ce qui s'était passé, soit le personnel de l'établissement Perley n'a pas signalé l'incident dans un rapport. Nous avons connu un incident analogue où il y aurait pu y avoir mort d'homme, et nous en avons fait rapport. Nous avons communiqué nos préoccupations au ministère des Anciens combattants et à d'autres instances. On a choisi de ne pas régler le problème adéquatement. Résultat: des incidents se sont produits à Sunnybrook. Tant que nous ne réglerons pas le problème de la cohabitation des anciens combattants dans cet établissement, il continuera à y avoir des incidents. Si nous ne réglons pas le problème, ce n'est qu'une question de temps avant que d'autres incidents surviennent.

Le sénateur Jessiman: La poursuite découle-t-elle de cette attaque d'un patient par un autre?

M. Margerum: Cela s'est produit à Perley.

Le sénateur Jessiman: Fait-on valoir que les autorités provinciales auraient dû séparer ces patients?

M. Margerum: Les experts en gérontologie et les travailleurs sur le terrain estiment qu'il ne faut pas que ces deux types de patients cohabitent. Cependant, en raison des compressions et de la fermeture de lits, même si l'établissement bénéficiait d'une allocation et qu'il n'avait pas ouvert tous les lits contractuels disponibles, ils ont décidé de faire des économies au lieu de répondre aux besoins de nos anciens combattants, et ils les ont mélangés.

Le président: Je suppose que l'aile Kilgour, à Sunnybrook, relève de l'administrateur de l'hôpital. J'ignore par quel mécanisme l'établissement fait rapport au ministère des Anciens combattants. Le savez-vous, monsieur Inrig?

M. Inrig: Non.

Le président: Nous aurions dû déterminer comment les rapports sont acheminés au ministère pour savoir s'ils passent directement par l'administrateur, qui ne souhaite pas qu'on critique son administration, ou s'ils sont expédiés directement à ACC.

M. Inrig: Je suis d'accord.

Le président: Pour ce qui est du principe du lit accessible sur demande, j'ai entendu de nombreuses plaintes au sujet des longues listes d'attente pour l'admission en établissement alors que dans bien des cas les autorités provinciales ont rempli ces lits. Prenons le cas d'un ancien combattant qui se débrouillait fort bien à la maison et qui a un accident cérébrovasculaire et doit déménager dans un établissement. Cependant, le lit qui est censé être réservé à un ancien combattant est maintenant occupé par quelqu'un d'autre, la province ne semblant pas reconnaître le fait que le gouvernement fédéral est responsable des soins aux anciens combattants. Elles ne veulent pas mettre dehors la personne qui occupe ce lit. Évidemment, c'est toujours un problème que de pousser un patient hors du lit pour faire place à un autre. Avez-vous des suggestions quant à la façon d'organiser la priorité des lits ou l'admission des anciens combattants en situation d'urgence?

M. Inrig: Dans un établissement donné, s'il y avait un nombre prescrit de lits retenus par contrat et qu'ils étaient remplis à la fois par des anciens combattants et par des civils, le nombre de lits occupés par des civils ne devrait pas être des lits retenus par contrat. Si l'on procédait de cette façon, cela libérerait des lits retenus par contrat pour les anciens combattants dans le besoin.

Le président: Je songe à deux petits hôpitaux de l'Île-du-Prince-Édouard que je connais bien. On s'y plaint de ne pas avoir suffisamment de lits pour soins actifs et de lits d'urgence et que les patients se retrouvent dans des lits réservés à d'autres fins. Je ne peux pas vraiment blâmer les médecins pour cela. Ils ne veulent pas dire à un patient: «Ce lit est réservé pour telle ou telle personne, mais il est vide depuis deux semaines et nous ne savons pas quand nous en aurons besoin.» Comment régler ce problème?

M. Inrig: J'ignore le contexte, à savoir s'il y a des lits supplémentaires ou si l'établissement a utilisé tous ses lits. En supposant qu'il a utilisé tous ses lits, je pense que le but de l'exercice est de trouver un lit pour notre ancien combattant. S'il faut l'installer dans un lit 40 milles plus loin jusqu'à ce qu'un lit se libère dans cet établissement, nous le ferons et ensuite nous le ramènerons lorsqu'un lit sera disponible. Je ne sais pas si les autorités provinciales ou le ministère des Anciens combattants envisagent ce genre de solution. Dans un cas comme celui-là, il me semble qu'on a surtout besoin d'une bonne dose de bon sens, et je ne suis pas sûr qu'on s'en serve.

Le président: Je suis d'accord avec vous au sujet de la nécessité de faire appel au bon sens. Je pense aussi qu'il n'y a pas suffisamment de lits d'hôpitaux. Notre comité doit souligner ce fait. Il nous faut davantage de lits.

Le sénateur Jessiman: Ne nous a-t-on pas dit que les lits étaient là, mais que c'est le paiement des services liés à ces lits qui fait problème? Les lits eux-mêmes sont déjà dans l'hôpital, n'est-ce pas?

M. Inrig: Dans certains cas oui, mais pas nécessairement dans tous les cas. En l'occurrence, je pense que nous parlons d'un établissement où il n'y avait pas de lits disponibles. Le problème qui se pose est de savoir comment les rendre disponibles par opposition à ouvrir des lits qui sont déjà là, mais qui ne sont pas utilisés.

M. Margerum: Il y a 250 lits au Foyer des anciens combattants Rideau. En fait, le foyer accueille 255 anciens combattants. Cinq occupent des lits communautaires.

Le sénateur Jessiman: Il y a 250 lits disponibles?

M. Margerum: Il y a 255 anciens combattants dans l'établissement. Cinq utilisent des lits communautaires. Je vous rappelle qu'un ancien combattant est aussi résidant de la province et, par conséquent, il a droit au même traitement en tant que résidant de la collectivité. Les fonctionnaires du ministère des Anciens combattants du district d'Ottawa peuvent placer un ancien combattant à l'extérieur d'Ottawa, à Embrun, par exemple. Il est entendu que dès qu'un lit se libère au Foyer des anciens combattants Rideau -- malheureusement, c'est habituellement à la suite du décès d'un autre ancien combattant -- la personne en question y sera déménagée. S'il y a des lits supplémentaires dans l'établissement retenus par contrat, les résidants de la collectivité peuvent les occuper. Cependant, le taux d'attrition est tellement élevé qu'un ancien combattant de priorité un ne doit pas attendre longtemps avant d'y déménager.

Le fait d'enlever des lits de soins actifs dans les hôpitaux prive les résidents qui ont besoin de ce type de soins. Nous recommandons de s'adresser à des foyers de soins infirmiers ou à des maisons de soins à long terme -- autrement dit, à des établissements qui ont une bonne réputation et qui respectent les normes de soins minimaux --, et d'y retenir des lits par contrat. Cela améliorerait la situation. Étant donné le temps qui reste à nos anciens combattants, nous ne sommes pas en faveur de construire d'énormes hôpitaux à leur intention.

Cela dit, il est assurément possible d'ajouter des ailes supplémentaires à des foyers de soins infirmiers qui existent déjà ou de s'approprier cinq lits. Par exemple, il y a à Ottawa un hôpital situé sur le chemin de Montréal qui accueille des patients atteints de démence ou de la maladie d'Alzheimer. Un étage entier de cet hôpital est vide. Ces 40 lits pourraient être occupés par des personnes sur notre liste d'attente. Pourtant, ils demeurent vides. Pourquoi? Le ministère des Anciens combattants et la province de l'Ontario pourraient conclure un arrangement contractuel. Les autorités devraient cesser de se chamailler. Nous pourrions remplir ces lits et laisser les deux paliers de gouvernement s'entendre pour savoir qui va payer. Les lits sont disponibles. Les problèmes ne sont pas insurmontables; il faut simplement que les fonctionnaires collaborent.

Le sénateur Jessiman: Vous avez parlé d'un centre d'excellence et vous avez dit qu'à la lumière des maigres renseignements que vous aviez, vous n'étiez pas prêt à adhérer à cette idée. Est-ce exact?

M. Inrig: J'ai dit que je n'étais pas en faveur?

Le sénateur Jessiman: Oui. Vous avez dit que vous n'aviez pas encore reçu le rapport du Conseil ou du conseiller gérontologique. Quoi qu'il en soit, dans votre rapport, vous dites que vous avez communiqué au Conseil le fait que vous n'étiez pas en faveur de cette initiative.

M. Inrig: C'est exact.

Le sénateur Jessiman: Avez-vous une idée de ce que recommandera l'autre conseil consultatif?

M. Inrig: Non. Le Conseil consultatif a tenu sa première réunion en octobre et s'est ensuite subdivisé en sous-comités. Le sous-comité dont M. Chadderton a parlé s'est réuni à Toronto. Je suis moi aussi membre de ce conseil qui s'occupe du logement.

Le sous-comité du centre d'excellence doit se réunir à Victoria, mais il ne l'a pas encore fait. J'ai parlé à son président et j'ai l'intention d'envoyer au comité une note faisant état de mon opposition à ce projet. Si j'agis ainsi c'est que -- comme M. Chadderton l'a dit, le ministère des Anciens combattants a réalisé 11 études au cours des six dernières années. En fait, le ministère n'arrête pas de sortir des études et de nous en donner des exemplaires à lire. Nous ne voyons pas la nécessité de créer un organisme de recherche national car nous craignons qu'il soit financé avec de l'argent qui devrait servir à assurer le bien-être des anciens combattants. C'est ce qui nous préoccupe le plus. Il y a déjà un employé chargé de la recherche. Sa fonction est de faire des recherches. Nous ne voyons pas ce que le ministère pourrait obtenir d'autre, sinon affubler son service de recherche du titre grandiose de centre d'excellence. Les recherches semblent aller bon train, à en croire toutes les études réalisées jusqu'à maintenant.

Le sénateur Jessiman: Autrement dit, l'argent pourrait être utilisé à meilleur escient ailleurs?

M. Inrig: Oui.

Le président: Dans votre conclusion, vous dites qu'il faudrait qu'il y ait plus d'une inspection annuelle. Vous avez parlé d'inspection aux quatre mois, si je ne m'abuse.

M. Inrig: Je préconiserais qu'il y ait des inspections au moins quatre fois par an, c'est-à-dire tous les trois mois, et peut-être même tous les deux mois.

Le président: Autrement dit, on devrait adopter le système des banques où les inspecteurs arrivent inopinément, sans que personne ne soit prévenu à l'avance?

M. Inrig: Tout à fait.

Le président: Pensez-vous que le plafond relatif aux revenus des anciens combattants qui ont besoin d'aide est suffisamment élevé? Je commence à me demander si on ne devrait pas le relever.

J'ai reçu de nombreuses plaintes de gens qui dépassent de quelques dollars le plafond. À l'origine, ils recevaient une aide mensuelle, mais leur conjoint a commencé à toucher une certaine somme en vertu du Régime de pensions du Canada. Lorsque cette petite somme leur est finalement remise, ils perdent tout. C'est absolument injuste.

M. Inrig: Je pense qu'on pourrait hausser le plafond. Je recommanderais au comité que l'on procède à un examen approfondi du plafond.

Le président: Pour ce qui est des réductions de coût, s'agit-il de mesures budgétaires? Cela nuit-il aux anciens combattants? Dans l'affirmative, de quelle façon sont-ils touchés?

M. Inrig: Il y a un cas où les anciens combattants ont subi un tort. Cela s'est produit en 1995. Le sous-ministre nous avait dit qu'on ne toucherait pas aux prestations énoncées dans la loi. Par la suite, des fonctionnaires du ministère des Anciens combattants nous ont avertis qu'on allait réduire les allocations de déplacement des anciens combattants qui doivent voyager pour se faire traiter. Elles sont passées d'une moyenne de 25 à 10 cents le kilomètre. Nous leur avons dit qu'ils ne pouvaient faire cela car cette allocation était inscrite dans la réglementation, qui fait partie de la loi. Ils nous ont répondu qu'ils étaient désolés.

J'ai en main une lettre d'un fonctionnaire du ministère qui dit être au regret, mais que cette réduction faisait suite à des compressions de crédit du Conseil du Trésor.

Ce qui nous a particulièrement scandalisés, c'est que ce changement a été effectué par décret à la fin d'août ou au début septembre 1995 alors que ni la Chambre des communes ni le Sénat ne siégeaient. Ni la Chambre des communes ni le Sénat n'ont eu l'occasion d'examiner ce changement ou d'en discuter. À notre avis, c'était trahir l'engagement du sous-ministre et faire payer deux fois ce groupe d'anciens combattants. Cet exercice de compression des coûts nous a passablement irrités.

Le sénateur Jessiman: Quand cela s'est-il passé?

M. Inrig: En septembre 1995.

Le président: Oui. Si ma mémoire est bonne, nous examinions certains amendements et le ministre est revenu comparaître devant notre comité et nous a donné l'assurance qu'aucun ancien combattant recevrait moins qu'il ne recevait auparavant. On a ensuite diminué le kilométrage que l'on pouvait se faire rembourser et supprimé les courses en taxi remboursables dans certaines régions.

M. Inrig: C'est exact.

Le président: On a ainsi causé du tort aux anciens combattants, un grand nombre ne pouvant utiliser les transports en commun. Selon les fonctionnaires, tout le monde pouvait se servir du transport en commun.

Y a-t-il d'autres parties de votre mémoire que vous voudriez souligner, monsieur Inrig?

M. Inrig: Je voudrais revenir à ce qu'a dit M. Chadderton, soit que les avantages du PAAC qui sont accordés aux personnes admissibles -- c'est-à-dire services de ménage, d'entretien de la propriété, et cetera -- devraient être consentis indéfiniment à la veuve de l'ancien combattant. Tant qu'elle habite dans la résidence conjugale, elle devrait continuer à bénéficier de ces avantages. On ne devrait pas les supprimer après un an. Nous souhaitons que ces prestations soient maintenues.

Le président: Vous partagez l'opinion de la NVCA et de la Légion royale canadienne, selon laquelle les veuves devraient être traitées équitablement pour ce qui est des prestations de pension.

M. Inrig: Oui, certainement.

Le président: Je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous ce soir.

Nos prochains témoins sont les représentants de la Merchant Navy Coalition for Equality. Allez-y.

M. Gordon Olmstead, président national, Merchant Navy Coalition for Equality: Honorables sénateurs, presque 10 ans se sont écoulés depuis que j'ai témoigné la première fois devant le comité du sénateur Marshall. Ce furent des années de haute lutte au cours desquelles votre comité a réussi à nous aider à surmonter l'adversité et nous a offert généreusement conseils et appui. Nous vous en remercions.

Mme Muriel MacDonald, directrice exécutive, Merchant Navy Coalition for Equality: Comme M. Olmstead l'a dit, votre comité est bien connu pour le soutien qu'il a apporté à notre cause. En janvier 1991, le rapport du sénateur Marshall intitulé «Il est presque trop tard» a précédé et, à mon avis, influencé un rapport du comité de la Chambre des communes sur la marine marchande. En octobre 1994, votre rapport exhaustif sur l'ensemble des anciens combattants «Garder confiance en l'avenir» a très bien résumé nos préoccupations. Nous vous remercions de votre excellent travail.

À la veille de 1998, à la lecture de votre rapport de 1991, nous pouvons dire qu'il est trop tard pour la marine marchande de guerre du Canada. Après plus de 50 ans, environ les trois quarts des anciens combattants de la marine marchande de guerre sont morts, mais nous demeurons convaincus que votre sous-comité sénatorial, par le biais de ses recommandations, appuiera nos efforts pour que la justice prévale dans le traitement de la poignée des anciens combattants de la marine marchande qui restent.

Notre coalition a rencontré David Nicholson, sous-ministre du ministère des Anciens combattants, et son équipe, les 7 et 8 mai de cette année. Dans la foulée de cette rencontre, une mesure modificative ne portant aucun coût est en cours de rédaction pour faire en sorte que la marine marchande tombe sous le coup de la Loi sur les allocations aux anciens combattants qui applique un critère de revenu. Cela aura pour effet de rétablir la marine marchande de guerre du Canada à titre de service de guerre et ses anciens combattants à titre d'anciens combattants ayant servi pendant la guerre. Cette initiative d'une importance symbolique favorisera le cycle de guérison, particulièrement pour les familles endeuillées.

L'indemnisation pour prestations perdues, comme les prestations de santé et le manque à gagner, figurait à l'ordre du jour de la réunion du mois de mai, mais il n'en a pas été question. Le 7 octobre, il y a eu une autre réunion avec les fonctionnaires du ministère pour discuter d'indemnisation. Jusqu'à maintenant, le ministère n'a pris aucun engagement.

Après plus d'un demi-siècle, les anciens combattants de la marine marchande de guerre sont toujours privés des avantages et des services dont jouissent leurs camarades militaires. Maintenant, aux termes de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, ils reçoivent des avantages et services assujettis aux critères du revenu, avantages et services qui ont diminué au fil des ans à la suite des mesures de réduction d'effectifs et de compressions des coûts prises par le ministère. En fait, c'est toute la population générale qui souffre de la dégradation des services de soins de santé. On ne saurait discuter des soins de santé pour les anciens combattants du Canada sans mentionner la Loi sur l'assurance-maladie et ses répercussions sur la population en général et, au sein de cette population, sur les anciens combattants et sur la minorité que représentent les anciens combattants de la marine marchande de guerre.

Il n'est pas du ressort du comité de passer en revue la Loi sur le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, mais l'incidence de cette mesure sur les soins de santé disponibles pour les anciens combattants est incontournable et ne saurait être ignorée. Tout cela pour dire que le gouvernement fédéral a perdu le pouvoir d'appliquer des normes nationales en matière de santé lorsque le système de partage égal des coûts a été remplacé en 1977 par le financement global et le transfert inconditionnel de points d'impôt.

Au fil des ans, le gouvernement fédéral a réduit le taux de transfert de ses paiements annuels aux provinces, les a ensuite plafonnés et après les avoir bloqués, il les a remplacés par le truchement de la Loi sur le financement des programmes établis, qui visait la santé et l'enseignement postsecondaire, et par le Régime d'assistance publique du Canada, pour ce qui est des programmes de bien-être social. Le gouvernement fédéral a ensuite supprimé tout cela pour instaurer en 1996 la Loi sur le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Les provinces ont gagné davantage de points d'impôt, le gouvernement fédéral en ayant proportionnellement moins, et les paiements de transfert fédéraux ont diminué année après année. Les autorités provinciales sont libres de dépenser l'argent à leur guise. Elles devaient choisir entre une hausse d'impôt -- toujours impopulaire -- ou une réduction des services.

Depuis 1986, le gouvernement fédéral a retiré 35 milliards de dollars des soins de santé. Cela s'est traduit par un délestage vers les provinces et des provinces vers certaines municipalités étant donné que les provinces sont de moins en moins capables d'assumer ce fardeau supplémentaire. Certaines provinces ont refilé le coût des soins de santé aux familles et aux employés, ouvrant la porte aux sociétés d'assurance privées. On ferme des services hospitaliers d'urgence et des hôpitaux. Il y a de longues listes d'attente pour les lits. Nous avons tous entendu cela.

Certains hôpitaux s'associent avec le secteur privé pour créer des entreprises à but lucratif, comme l'Hôpital St. Joseph à London, en Ontario, qui s'est associé à Dynacare pour créer un centre de rééducation privé. Toronto Hospital s'est associé à MDS Inc. pour développer et vendre des services de laboratoire automatisés. Ces deux compagnies sont elles-mêmes associées à des administrations sanitaires régionales de l'Alberta et de la Saskatchewan. Des hôpitaux font aussi appel à des sources extérieures pour les services d'alimentation, de buanderie, de classification des dossiers médicaux et pour d'autres éléments vitaux de leurs activités.

La situation est telle que Colleen Fuller écrit:

[...] une partie des deniers publics finit dans les poches des actionnaires et des investisseurs.

Les hôpitaux sont un des placements favoris des conseillers en investissement.

L'autre mesure législative qui affecte le régime d'assurance-maladie est la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets qui est de nouveau en cours de révision. Les personnes âgées, les anciens combattants inclus, sont parmi les plus gros utilisateurs de médicaments sur ordonnance et sans ordonnance. Beaucoup de personnes âgées versent des frais pour obtenir leurs médicaments et voient leur cotisation à leurs régimes de remboursement provinciaux augmenter régulièrement. Beaucoup doivent s'en passer.

Dans son mémoire à la Chambre des communes de février 1997, la Fédération nationale des retraités et citoyens âgés notait que les médicaments sur ordonnance représentaient 15 p. 100, à égalité avec les honoraires des médecins, du total des coûts de santé en 1995. Ces coûts sont le deuxième poste en importance après les coûts d'administration des hôpitaux.

Les perspectives d'avenir en matière de santé pour les handicapés, les pauvres et les anciens combattants ne sont pas brillantes; pour les anciens combattants de la marine marchande, elles sont carrément sombres. Il n'en reste plus que 2 500 sur 12 000. Leur moyenne d'âge est de 77 ans et pour les prisonniers de guerre, 87. L'espérance de vie moyenne pour les Canadiens est inférieure à 76 ans.

Selon le ministère, sur l'ensemble des anciens combattants, en 1996-1997, 220 000 percevaient des avantages directs. Dans ce nombre, celui des anciens combattants de la marine marchande est inconnu. Le ministère n'a pas programmé ses ordinateurs de manière à faire la distinction entre les demandes des membres de la marine marchande bien que cela soit une des conditions à remplir pour les demandes de prestations. En conséquence, il ne savait pas combien d'anciens combattants de la marine marchande reçoivent des prestations. Le ministère devrait peut-être demander l'aide des informaticiens des entreprises qui travaillent avec lui en association.

Certains anciens combattants doivent s'inscrire sur les longues listes d'attente de lits dans les hôpitaux qui comptent des lits désignés pour les anciens combattants. En 1994, je faisais remarquer à un comité du Sénat que les anciens combattants ayant besoin de soins de niveau 1 n'étaient plus acceptés dans les établissements de soins pour maladies chroniques. Il y avait une liste d'attente pour ceux nécessitant des soins de niveau 2 -- de une heure et demie à deux heures et demie de soins par jour -- alimentation, bain et toilettage, la supervision ponctuelle d'un médecin et d'un psychiatre. La situation n'a pas changé aujourd'hui.

Il est trop tard pour les anciens combattants de la marine marchande qui sont en fin de course. Au mois d'octobre, ce n'est que sur l'intervention d'un sous-ministre qu'un ancien combattant de la marine marchande a été admis au Centre de santé Perley et Rideau pour anciens combattants.

Je n'ai pas entendu parler aujourd'hui du projet de révision des prestations du ministère des Anciens combattants. Étant donné que le système de santé se désintègre, il n'est pas surprenant que le ministère ait demandé par contrat à EDS Canada Ltée, cabinet de technologie informatique américain, de restructurer et de réorganiser ses activités et ses responsabilités au niveau des pensions d'invalidité, du soutien économique et des programmes de santé. Le ministère qualifie cette initiative de solution d'efficacité. Comme le décrit brièvement le «Rapport de performance -- (version améliorée conformément au document pilote du Parlement) -- pour la période se terminant le 31 mars 1997» du ministère, déposé à la Chambre des communes le 6 novembre, EDS Canada Ltée intégrera les prestations d'avantages et de services publics à but non lucratif et privés à but lucratif en liaison avec le Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux et la Direction de la sécurité du revenu de Développement des ressources humaines Canada. Le projet a démarré en avril 1993 et devrait être pleinement appliqué d'ici juin 2000.

J'ai ce rapport et je souhaite le déposer pour que vous puissiez le consulter.

Mis à part la possibilité de compromettre les cinq principes de la Loi sur la santé -- l'universalité, l'accessibilité, la couverture totale, la transférabilité entre juridictions et l'administration publique à but non lucratif -- notre coalition demande à ce comité, au nom des anciens combattants de la marine marchande et de tous les anciens combattants, de demander au ministère certaines informations pour vous aider dans votre étude et dans la rédaction de votre rapport. J'ai 12 questions. Comme il se fait tard, je ne les passerai pas toutes en revue. Les questions principales concernent la transparence et les comptes rendus. En plus, qui a accès à ces informations? Combien touche EDS Canada Ltée pour ce contrat? Quels sont les conditions et le mandat du contractant principal et des sous-traitants? Autre point important, comme c'est un projet majeur de la Couronne, quel niveau de marge pertes-profits a été fixé?

Apparemment une étude-pilote est actuellement menée dans cinq bureaux de district. J'aimerais savoir combien de bureaux de district finiront par être impliqués. Pendant combien de temps garantira-t-on de l'emploi au personnel du ministère actuel et à quels niveaux?

Pour les anciens combattants bénéficiant de soins à long terme, la vérification de sécurité du ministère à Sunnybrook démontre le déclin général dû au manque de financement et de personnel. Une vérification analogue au Centre de santé Perley et Rideau pour les anciens combattants démontre clairement que sans l'aide marginale de bénévoles et des conjoints, certains patients ne seraient pas nourris, lavés ou changés.

Le ministère se trouve dans une position intenable. Le gouvernement fédéral a cherché des moyens de fournir ces services en payant moins. En plus de suivre les directives de sous-traitance, de partenariat et de privatisation, le ministère doit essayer de ravauder des services provinciaux inégaux dans le contexte d'un régime de santé en pleine désintégration.

Après leur réunion du 12 décembre 1997, le premier ministre et les ministres provinciaux ont annoncé qu'ils travailleraient à l'élaboration d'un nouveau cadre pour la prestation des programmes sociaux, y compris la santé. Cependant, ils ne sont pas d'accord sur la manière de construire ce cadre. Les anciens combattants de la marine marchande ne peuvent pas attendre.

En attendant de nouvelles règles fédérales-provinciales régissant l'assurance-maladie, est-ce que EDS est la réponse aux questions sur le maintien et la surveillance des directives et des normes nationales pour la santé des anciens combattants? Les niveaux de soins ne sont pas clairs. Le modèle de prestation de services fournis par le ministère à ses clients n'en parlait pas, de la même façon qu'il ne parlait pas des responsabilités, tout comme n'était pas concluant son plan d'action pour les soins de longue durée en établissement.

Le personnel de terrain du ministère doit se débrouiller pour trouver des services dans les agences locales, régionales et provinciales ou tirer le maximum de ce que fournit encore le ministère. Les solutions proposées s'expliquent par la nouvelle philosophie du ministère qui donne désormais la priorité aux clients sur les programmes. Ce qui est le plus déconcertant pour les anciens combattants vieillissants et nécessitant des soins de longue durée dans l'approche axée sur la clientèle est la directive réclamant une participation directe des clients au niveau des soins et des décisions de planification. Rien n'est prévu pour les anciens combattants souffrant de démence, de la maladie d'Alzheimer ou d'autres troubles et qui ne peuvent pas prendre leurs propres décisions.

La santé est une responsabilité provinciale, mais ce ne sont pas les provinces qui ont envoyé les anciens combattants faire la guerre. La santé des anciens combattants est une responsabilité fédérale. Le gouvernement fédéral abdique sa responsabilité.

La marine marchande pendant la guerre a payé une dette qu'elle ne devait pas. Le Canada lui est redevable et ne lui a pas remboursé sa dette. Le ministère ne peut être tenu responsable de l'effondrement des programmes de santé et des programmes sociaux nationaux. Par contre, il est responsable de l'abdication de ses obligations envers les anciens combattants de la marine marchande. La loi restrictive de 1992, le projet de loi C-84, la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, n'offrent pas le même accès aux prestations fondées sur le revenu et aux pensions d'invalidité données aux militaires. Les demandeurs de la marine marchande doivent surmonter un labyrinthe de 40 exemptions pour y avoir droit. Le service de guerre des anciens combattants de la marine marchande n'est pas reconnu pas plus que leur temps de service, de formation ou les blessures et les morts survenus pendant la formation, le service et sur les théâtres de guerre.

Le ministère admet les iniquités du projet de loi C-84 puisqu'il a l'intention d'ajouter à la liste des bénéficiaires de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, les anciens combattants de la marine marchande. C'est un geste à valeur symbolique puisqu'enfin c'est les reconnaître comme le quatrième corps des services armés.

Sur un plan pratique, l'érosion générale des soins de santé et des autres prestations accordées aux anciens combattants leur fait perdre du terrain sur l'augmentation du coût de la vie et ne leur permet plus les premières nécessités. Autre preuve des iniquités de la loi de 1992 visant l'objectif claironné du ministère d'accès égal à des prestations égales est le solde restant dans le fonds alloué pour le rattrapage. Ce fonds est arrivé à épuisement il y a quelques mois alors que le ministère estimait qu'il restait toujours un solde de 70 à 80 millions de dollars.

Il est trop tard pour les anciens combattants de la marine marchande canadienne. Après plus d'un demi-siècle, environ les trois quarts des 12 000 membres de départ sont morts. D'ici l'an 2000, environ 2 100 ou moins, y compris les survivants de Terre-Neuve, seront peut-être encore en vie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les lignes de ravitaillement étaient la priorité des priorités des alliés. Le premier ministre britannique Winston Churchill a reconnu que si la marine marchande n'était pas passée, tout aurait été perdu. Il ne faut pas oublier que la marine marchande du Canada, proportionnellement, a subi les plus lourdes pertes, une sur huit. Arrivés à la fin de leur vie, les anciens combattants de la marine marchande canadienne continuent à être relégués au second plan des priorités, comme ils l'ont été juste après la guerre.

En conséquence, notre coalition demande respectueusement au sous-comité du Sénat de recommander aux ministères appropriés que les anciens combattants de la marine marchande reçoivent des excuses publiques et une compensation pour la légèreté et la négligence avec lesquelles ils ont été traités pendant la guerre et l'après-guerre. Pour compenser les manques à gagner et la discrimination dont ils ont été victimes en étant exclus des rangs des bénéficiaires des prestations accordées à leurs camarades militaires, il devrait être versé aux anciens combattants de la marine marchande 20 000 $ et 40 000 $ aux prisonniers de guerre de la marine marchande, dont la durée moyenne d'incarcération a été de 15 mois alors qu'il faut un minimum de 36 mois. Le solde inutilisé de 70 à 80 millions de dollars du Fonds pourrait être utilisé à cette fin, ou alors qu'on accorde une exemption d'impôt à vie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la marine marchande était le seul service à payer des impôts. Cette compensation ne remplacerait pas, n'éliminerait pas, ne modifierait pas ou n'altérerait pas les prestations que certains sont parvenus à percevoir. Ils continueraient à les percevoir. Il y a des précédents. Le gouvernement a indemnisé à juste titre les Canadiens d'origine japonaise déplacés d'office pendant la Seconde Guerre mondiale et les Inuits injustement déplacés en 1953.

M. Olmstead: Je me propose de vous parler de la situation des anciens combattants de la marine marchande prisonniers de guerre.

À partir de 1942, à la suite d'une entente multilatérale négociée à Genève entre les puissances de l'Axe et les alliés, les marins marchands ont été traités comme des prisonniers de guerre. Cette entente a été ratifiée au nom du Canada par les Affaires extérieures. Le Canada traitait les marins marchands de l'Axe comme des prisonniers de guerre, mais les marins marchands canadiens prisonniers de guerre se sont vu refuser ce statut à leur retour.

Les marins marchands prisonniers de guerre se sont vu refuser la prise en charge de leurs études, la majorité des prestations des prisonniers de guerre et la priorité en matière d'emploi et de réinsertion. Ils n'ont été soumis à aucun examen médical à leur retour. Certains se sont fait dire qu'ils ne pouvaient tout de même pas s'attendre à trouver de l'emploi après quatre années d'oisiveté comme prisonniers de guerre; d'autres, que les emplois étaient réservés aux «vrais anciens combattants».

Les marins marchands invalides, y compris les marins marchands prisonniers de guerre, n'avaient droit à aucun avantage ni prestation, à l'exception de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants. Des pensions d'invalidité n'étaient accordées que si l'invalidité était due à une action de l'ennemi. Depuis 1992, les pensions d'invalidité couvrent toute blessure pendant le service, mais la loi restreint la définition de service à voyages au long cours.

À la fin de la guerre, il a été ordonné aux dépôts d'effectifs de détruire leurs dossiers, y compris les dossiers médicaux. Cette destruction continue à rendre les demandes médicales difficiles.

En 1949, la formation professionnelle, qui n'était offerte par les Transports qu'aux anciens combattants de la marine, a été étendue à l'ensemble des anciens combattants. Cette formation était limitée aux moins de 30 ans. Près de 89 p. 100 des marins marchands prisonniers de guerre n'ont pu en profiter pour cette seule raison. Huit mille des 12 000 marins marchands n'étant plus là, les Transports ont étendu leurs cours à 282 ou 3,5 p. 100.

À la fin de 1948, Hal Banks et la Seafarers International Union avaient été introduits avec la complicité du gouvernement fédéral. En juillet 1963, après près d'un an d'enquête, la Commission d'enquête industrielle sur la désorganisation de la navigation, présidée par le juge T.G. Norris, publiait un rapport. Ce rapport condamnait sans appel Hal Banks, ses méthodes et ses associés. Le juge Norris a qualifié le résultat de «mort industrielle». C'est peut-être une maladie assurée.

Les marins n'avaient plus de travail en mer et étaient qualifiés de «communistes inemployables» à terre. Ils étaient traités brutalement. Un moyen de persuasion favori était d'allonger en porte-à-faux les jambes d'un marin sur le bord d'un trottoir et de sauter dessus pour les casser. Cette brutalité n'était pas limitée aux hommes d'équipage. Même les capitaines étaient attaqués, parfois simplement pour retarder le départ d'un bateau.

En 1964, Banks, pour échapper à la justice canadienne, s'est réfugié aux États-Unis. Beaucoup de marins avaient été réduits au chômage et à la pauvreté. Pendant les quatre décennies de la guerre froide, les marins marchands canadiens qui avaient démontré leur loyauté pendant la guerre ont vu leur vie et leurs perspectives d'avenir détruites.

En 1971, il a été décidé d'indemniser les prisonniers de guerre mais seulement les militaires qui avaient été détenus pendant au moins un an par les Japonais.

En 1976, le gouvernement fédéral a offert une indemnisation des prisonniers de guerre fondée sur la durée de l'emprisonnement avec un plafond fixé à 30 mois. Cette indemnisation a été offerte aux civils, incluant les marins.

Le 17 décembre 1987, le projet de loi C-100 a reçu la sanction royale en même temps que d'autres documents. Il portait modification de la Loi sur les prisonniers de guerre. Les augmentations fondées sur la durée équivalent à peu près à 5 p. 100 par six mois d'incarcération mais avec un plafond fixé à 30 mois. La période de 30 à 36 mois a été conçue pour tenir compte des prisonniers de Dieppe dont la durée d'emprisonnement était d'environ 33 mois. Rien n'a été prévu pour les emprisonnements de longue durée qui concernaient principalement les prisonniers pendant quatre ans de la marine marchande.

Le 8 novembre 1990, l'honorable G. Merrithew, alors ministre des Affaires des anciens combattants, en parlant aux marins marchands, déclarait:

[...] la Légion royale canadienne, l'Association de l'armée, de la marine et de l'aviation et le Conseil national des associations d'anciens combattants, de concert avec les membres de notre ministère et les membres du portefeuille, ce qui inclurait la Commission des pensions, le Bureau de services juridiques des pensions et le Tribunal d'appel des anciens combattants, soumettront cette question à une étude majeure à laquelle participeront tous les groupes pour voir si quelque chose peut être fait et si nous pouvons nous mettre d'accord sur cette question particulièrement épineuse.

Le ministre annonçait au comité permanent de la Chambre des communes que cette question devait faire l'objet d'une discussion le 24 octobre 1990.

Les participants à cette étude, à l'exclusion de toute représentation de la marine marchande, ont passé une année à renforcer leurs méconnaissances mutuelles. Les organismes d'anciens combattants avaient représenté la marine marchande dans le passé -- à leur détriment comme l'a dit le Sénat dans son rapport de janvier 1991 intitulé «Il est presque trop tard» -- et étaient tout à fait prêts à continuer.

Le 17 juin 1992, le projet de loi C-84 a été étudié au Sénat en comité plénier. Le ministre des Affaires des anciens combattants M. Merrithew a déposé en ces termes:

Le projet de loi C-84 reconnaît que la marine marchande était le quatrième corps de service... en cas d'affectation par le dépôt de personnel, nous voulons inclure le déplacement de leur domicile jusqu'au lieu d'affectation, à l'inclusion, bien entendu, du moment où ils ont été soit blessés, soit coulés ou soit embarqués jusqu'à leur retour chez eux.

La première promesse n'a pas été honorée et la deuxième a été rejetée. L'ancienne loi couvrait le service avec toutes les implications de protection de la santé jusqu'au retour. La loi modifiée ne le fait plus.

C'est le sénateur Bonnell qui a posé les questions ayant abouti à ces réponses.

Dans un aperçu du programme, le ministère annonçait que le projet de loi C-84, en plus de ce qui a été mentionné:

[...] limitait toute admissibilité future pour les anciens combattants des forces alliées à ceux qui étaient domiciliés au Canada au moment de leur engagement... Aucun bénéficiaire allié vivant au Canada ne sera touché par cette modification.

Il était évident que si vous n'aviez jamais eu l'occasion de faire une demande avant l'adoption du projet de loi C-84, vous n'aviez plus le droit à rien. Cela avait toute l'apparence d'une frappe préventive contre les marins marchands des forces alliées. Qui d'autre n'a jamais eu cette occasion? C'était aussi une rupture de promesse pour les nombreux marins expérimentés étrangers qui servaient sur les bateaux canadiens.

Les marins marchands des forces alliées dont certains étaient prisonniers des Japonais, avec un statut de résident et de citoyen depuis 10 ans, méritent l'accès aux mêmes prestations que tous les autres étrangers qui ont rejoint les rangs de l'armée ou de la résistance. Eux aussi ont subi des pertes plus lourdes que les militaires.

Le secrétaire d'État MacAulay a déclaré devant le comité permanent de la défense et des affaires des anciens combattants le 10 mars 1994 que:

Deuxièmement, les marins marchands prisonniers de guerre reçoivent exactement la même indemnisation, sur la même base, en vertu de la même loi que les prisonniers de guerre militaires.

Dans un mémoire daté du 18 mars 1988, le ministère avisait cette même année le sous-comité que l'indemnisation fondée sur le temps:

[...] visait à indemniser dans une certaine mesure les anciens prisonniers de guerre pour les indemnités, les mauvais traitements, la malnutrition et les cicatrices permanentes qui sont le résultat de leur emprisonnement par les forces ennemies [...]

L'indemnisation est définie comme une indemnisation fondée sur la durée, mais la dernière augmentation se produit à 30 mois. Elle concerne la majorité des prisonniers militaires.

Plus de 80 p. 100 des prisonniers de la marine marchande ont été détenus pendant plus de 48 mois. Encore une fois, la loi est égale mais le traitement est inégal. L'augmentation d'environ 5 p. 100 par six mois d'incarcération qui donne 25 p. 100 pour les emprisonnements de 30 mois donne les mêmes 25 p. 100 pour les emprisonnements de 48 mois.

Pour le ministère, c'est une question liée à la santé et nous reconfirmons notre demande pour une indemnisation fondée sur la durée correspondant à 5 p. 100 pour chaque période de six mois au-delà des 30 mois.

Enfin, les propres chiffres du ministère spécifient qu'environ 70 p. 100 des marins marchands survivants satisfont au critère du revenu comparativement à 30 p. 100 pour les militaires. Il est trop tard pour rectifier leur pauvreté fondée sur le critère de revenu mais pas trop tard pour leur offrir plus que des soins palliatifs avec un critère de revenu.

Nous craignons que les ententes de santé avec les provinces ne soient érodées par des changements provinciaux. Quelle disposition prend le ministère pour maintenir les normes des Affaires des anciens combattants?

Dans sa rubrique «Brown's Beat» du Ottawa Citizen du 11 décembre, M. Brown notait que 1 487 personnes dans la région d'Ottawa-Carleton étaient sur la liste d'attente pour les soins de longue durée. Le 15 décembre, CBO signalait une attente de quatre mois pour les soins à domicile. Que peuvent faire dans ce cas les anciens combattants ou les autres concernés d'ailleurs?

Nous recommandons que l'indemnisation fondée sur la durée pour les prisonniers de guerre continue au-delà des 30 mois avec des augmentations de 5 p. 100 par six mois supplémentaires. Voyez le tableau no 1 pour les propositions de comparaison et l'annexe A pour les estimations. Ces documents intéresseront peut-être vos attachés de recherche.

Nous recommandons également que la loi empêchant les anciens combattants de la marine marchande des forces alliées de se joindre à la liste des anciens combattants militaires et des membres alliés des mouvements de résistance bénéficiaires soit modifiée pour qu'ils puissent le faire.

Nous recommandons également que la déclaration du ministre des Affaires des anciens combattants Merrithew voulant que le projet de loi C-84 décrète dans les faits que la marine marchande était le quatrième corps des services armés soit entérinée par le ministère et que le quatrième corps des services armés soit reconnu par le gouvernement le Jour du Souvenir tout comme les autres services sont reconnus par le chef de l'état-major.

M. Thomas H. Brooks, Company of Master Mariners of Canada, Merchant Navy Coalition for Equality: Monsieur le président, tous nos collègues vieillissent et ont de plus en plus de mal à comprendre leurs droits. À l'heure actuelle, la marine marchande relève de la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et des civils et en partie de la Loi sur les allocations aux anciens combattants pour les soins de santé et autres prestations. Lorsque M. Michael Clegg du Conseil législatif a examiné le 22 mai 1996 la MN&CA dans le but de faciliter aux anciens combattants de la marine marchande l'accès aux prestations, il a déclaré que la loi était tellement compliquée qu'il fallait vraiment être spécialiste pour savoir où apporter des changements. La question se pose: s'il faut à un juriste être spécialisé pour comprendre la loi, comment peut-on supposer que notre population âgée d'anciens combattants et leurs familles puissent comprendre leurs droits?

La coalition recommande au sous-comité d'appuyer la demande des anciens combattants de la marine marchande à être directement incorporés à la Loi sur les allocations aux anciens combattants et d'éliminer les renvois compliqués.

Mme MacDonald vous a brièvement parlé de la recommandation suivante. Les discussions actuelles entre la coalition et le ministère ont pour objet de s'assurer de la reconnaissance comme période de qualification d'une plus grande partie du temps de service de la marine marchande et que les invalidités et les maladies pendant cette période soient reconnues et que l'ancien combattant perçoive des prestations en conséquence.

La loi ne reconnaît pas les invalidités ou les maladies contractées dans certaines conditions et j'en ai fait une liste de 14 que je ne lirai pas.

La coalition recommande au sous-comité d'appuyer des modifications à la Loi sur les allocations aux anciens combattants incluant la reconnaissance du temps de service susmentionné afin que si un ancien combattant de la marine marchande est devenu malade ou invalide pendant ce temps, il ou elle ait un accès égal à des prestations égales à celles de ses collègues militaires.

Dans l'armée, il y a toujours eu des équipes de spécialistes qui sont allés dans le monde entier informer les anciens combattants de leurs droits aux prestations d'après-guerre. On les avisait après leur service et on leur payait les frais de déplacement et de subsistance pour aller voir un conseiller professionnel s'ils avaient des problèmes. La marine marchande n'a jamais eu droit à tout cela. Nous nous demandons quels renseignements ont été donnés à la marine marchande parce qu'il y a des tas de prestations qu'elle n'a pas reçues. Sur les 12 000 marins marchands de la fin de la guerre qui auraient dû recevoir une prime au titre du service de guerre, seuls 6 780 l'ont reçue. Ils ont eu 212 $ chacun, ce qui représenterait aujourd'hui environ 2 120 $. Pourquoi tous ces autres anciens combattants n'ont-ils pas reçu cette prime?

La coalition espère que ce genre de choses ne se répétera jamais faute de renseignements. Elle recommande au sous-comité d'encourager le ministère des Anciens combattants à lancer une campagne de publicité pour essayer de joindre autant d'anciens combattants de la marine marchande que possible qui ne savent peut-être pas qu'ils ont droit à ces prestations de santé et autres.

En conclusion, les anciens combattants s'inquiètent des changements récents et de ceux qui sont proposés concernant le financement et l'administration des services de santé et des compressions dans les ministères qui s'occupent des services de santé et des prestations aux anciens combattants. La coalition invite le sous-comité à faire tout ce qu'il peut pour veiller à ce que ne soient pas réduits ces services et ces prestations offerts à nos anciens combattants qui vieillissent et sont plus vulnérables.

Nous vous remercions de votre aimable invitation à présenter notre point de vue sur l'existence, la qualité et les normes de services de santé à la disposition des anciens combattants de la marine marchande.

La coalition est maintenant prête à répondre à vos questions.

Le président: Madame MacDonald, à la page 4, à propos des hôpitaux, vous dites que les anciens combattants nécessitant le niveau 1 de soins infirmiers ne sont plus acceptés dans les établissements de soins pour malades chroniques.

Y a-t-il une amélioration depuis 1994?

Mme MacDonald: Non. J'ai téléphoné au ministère des Anciens combattants et cela ne s'est pas amélioré. La situation n'a pas changé.

Le président: D'autres témoins cet après-midi nous ont dit qu'un ancien combattant a toujours droit aux mêmes prestations de santé que les autres. Avez-vous l'impression que les marins marchands ont plus de mal à obtenir des services médicaux que les citoyens ordinaires qui ne sont pas anciens combattants?

Mme MacDonald: Oui, pour certains. Par exemple, nous avons un membre dont le frère était également marin marchand. Il a essayé de faire entrer son frère à l'hôpital en Alberta et n'a pas réussi. Il s'est finalement retrouvé à l'Armée du Salut et c'est là qu'il est mort.

Le sénateur Jessiman: C'était un marin marchand?

Mme MacDonald: Oui.

Le président: Je ne comprends pas très bien, madame. Quel genre de lit essayait-il d'obtenir?

Mme MacDonald: Un lit d'hôpital ordinaire.

Le président: Vous avez fait allusion au rapport du vérificateur général pour 1996. J'ai regardé cela hier soir. Avez-vous remarqué une amélioration depuis ce rapport d'il y a un an? En fait, est-ce que le ministère des Anciens combattants a essayé de prendre contact avec l'une ou l'autre des organisations de marins marchands à propos du rapport du vérificateur général?

Mme MacDonald: Non, monsieur.

Le sénateur Jessiman: N'y a-t-il pas d'autres installations à la disposition de la marine marchande?

Mme MacDonald: Comme je le disais, lorsque M. Nicholson est intervenu, nous avons réussi à faire entrer une personne au Centre de santé pour anciens combattants Perley et Rideau.

Le sénateur Jessiman: Qu'en est-il de Sunnybrook à Toronto?

Mme MacDonald: Je ne sais pas. Nous sommes une très petite organisation.

Le sénateur Jessiman: Nous allons nous renseigner. J'aimerais savoir s'il s'agit de cas de discrimination. On donne priorité à certains anciens combattants mais il y a toujours des listes d'attente de 250 personnes.

M. Olmstead: Le problème est d'être admis à ce service. Lorsque l'on est admis, on est traité comme les autres.

Le sénateur Jessiman: D'après ce que j'ai compris, ils ont dit que si l'on était ancien combattant et que l'on avait été à l'étranger, même si l'on n'a pas droit à un paiement quelconque, on conserve la priorité pour un lit si l'on est prêt à payer. Quand vous parlez d'être admissible, voulez-vous dire admissible à un lit ou admissible à une assistance quelconque?

M. Olmstead: Admissible à titre de marin marchand, d'ancien combattant de la marine marchande, c'est ça le problème. Lorsque cet obstacle est franchi, on est traité comme tous les autres anciens combattants.

Le sénateur Jessiman: Combien ont réussi à obtenir cela?

M. Olmstead: Je ne sais pas. Je crois qu'il y en a environ 10 à Sainte Anne.

Le sénateur Jessiman: Sur toute la marine marchande, sur les 12 000?

Mme MacDonald: Il n'en reste que 2 500.

Le sénateur Jessiman: Combien ont été admis comme ancien combattant?

Mme MacDonald: Ils sont tous régis par une loi civile et il y a 40 exemptions. Comme je le disais, c'est un véritable labyrinthe. Il y en a qui n'essaient même pas.

Le sénateur Jessiman: Savez-vous combien parmi ces 2 500 sont considérés comme des anciens combattants?

Mme MacDonald: Nous avons demandé ce chiffre au ministère des Anciens combattants, mais la liste ne figure pas dans leur ordinateur.

Le président: Vous aviez dit lors d'autres comparutions, madame MacDonald, que vous aviez du mal à établir le temps passé dans la marine marchande. Je crois que M. Olmstead dans son témoignage ce soir a dit que dans bien des cas on avait fait détruire les dossiers. Avez-vous toujours du mal à faire la preuve que les marins ont passé tant de temps en mer dans telle région du monde qui leur permettrait d'être admissible?

Mme MacDonald: Oui. Nous avons des exemples de gens qui sont restés sur des bateaux de sauvetage et des radeaux de sauvetage et à qui la demande d'invalidité a été refusée.

Le président: À la page 7 de votre mémoire, vous parlez des prisonniers de guerre de la marine marchande qui, en moyenne, ont été détenus pendant 50 mois. Ce chiffre est-il exact?

M. Olmstead: C'est plus de 4 ans et c'est essentiellement parce que les Allemands, au cours de l'hiver 1940-1941, parcouraient les océans assez librement. Ils avaient des navires qui faisaient des raids pour ramasser les prisonniers. Ce n'étaient pas les sous-marins.

Le président: Je vois. Cela explique la chose. Je trouvais ce chiffre un peu troublant. Ils étaient faits prisonniers par des navires et non pas par des sous-marins.

M. Olmstead: Les sous-marins prenaient peut-être le capitaine et quelqu'un d'autre, mais ils n'avaient pas la place de prendre trop de monde. Les Japonais massacraient tous les marins marchands qui survivaient au naufrage.

Le président: Dans votre conclusion, vous parlez d'éliminer la nécessité de renvois compliqués. C'est une idée qui me plaît mais j'aurais une question. Comment faire la preuve que l'intéressé était marin marchand et avait le droit à la désignation d'ancien combattant de la marine marchande?

M. Olmstead: Nous avons pris part à la révision de la loi. Si la proposition est adoptée, nous pensons que cela fera l'affaire.

Le président: Vous avez déclaré que ceux d'entre nous qui ont servi dans l'une des trois armées régulières ont reçu une explication de leurs prestations alors que vous n'en avez pas eu vous-mêmes. Je suis tout à fait favorable à votre troisième recommandation. Je crains toutefois que vous n'ayez pas beaucoup de chance avec votre quatrième recommandation préconisant 20 000 $ non imposables pour tous les anciens combattants de la marine marchande, mais je trouve qu'il serait intéressant de voir comment s'en sortent les anciens combattants de Hong Kong et peut-être de faire la comparaison. Je pense que ce serait assez juste, n'est-ce pas?

M. Olmstead: Ce que les anciens combattants de Hong Kong et M. Chadderton essaient de faire est très louable. Nous aimerions que l'on nous dise que les marins marchands qui ont passé trois ans à peu près au Japon sont également couverts.

Le président: En effet. C'est ce que j'essayais de dire, monsieur Olmstead. Les deux groupes devraient être traités de la même façon.

M. Olmstead: Oui.

Le président: Nous vous remercions d'être venus ce soir. Bien que les choses semblent progresser un peu, nous faisons face avec vous au même problème qu'avec beaucoup d'autres anciens combattants, à savoir que les anciens combattants vieillissent. Nous espérons pouvoir vous aider encore lorsque nous aurons nos rencontres avec le ministère à Charlottetown.

La séance est levée.


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