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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 16 décembre 1999

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons entendre ce matin l'Association des déshydrateurs canadiens et l'Institut canadien des engrais.

M. Garry Benoit est directeur général de l'Association des déshydrateurs canadiens.

Monsieur Benoit, je vous souhaite la bienvenue. Veuillez présenter votre exposé.

M. Garry Benoit, directeur général, Association des déshydrateurs canadiens: Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Permettez-moi de commencer en vous remerciant de nous avoir donné l'occasion de faire connaître notre sentiment sur les très graves problèmes de profit auxquels fait actuellement face notre industrie.

Comme beaucoup d'entre vous le savez, notre association représente environ 30 usines de transformation situées dans les régions rurales du Canada. Sur une base nationale, plus de 85 p. 100 de la production de notre industrie est exportée.

Ces dernières années, les exportations annuelles de granulés et de cubes de luzerne ont été de l'ordre de 700 000 tonnes, ce qui représente une valeur annuelle de plus de 130 millions de dollars les années fastes.

Nos usines apportent une contribution économique d'importance majeure aux collectivités et aux régions où elles sont situées. Elles créent plus de 1 000 emplois, ce qui se traduit par des salaires directs et des avantages dont bénéficient les localités concernées. De fait, l'usine de déshydratation est souvent la seule industrie dans bon nombre de nos communautés rurales. Tour à tour, les gouvernements nous ont présentés comme le modèle de l'industrie à valeur ajoutée dans les Prairies, une industrie capable d'offrir des produits de la luzerne qui sont de la meilleure qualité au monde et ce, de la manière la plus rentable.

Monsieur le président, je suis désolé d'avoir à vous dire que le succès économique remporté par notre industrie est compromis; je n'exagère pas en disant au comité que nous avons déjà perdu des emplois dans certaines collectivités rurales et que bien d'autres sont menacés. Je peux vous dire que la plupart des usines fonctionnent à perte et ne peuvent pas se permettre de continuer pendant bien longtemps. De grandes usines situées en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario ont déjà fermé leurs portes ou ont coupé leur production.

Les graves difficultés financières auxquelles nous faisons face sont principalement dues à la chute des prix à l'échelle internationale. Les produits lourdement subventionnés de nos concurrents étrangers ont dévasté les marchés que nous avons cherché si énergiquement et pendant si longtemps à développer.

Notre industrie a également été durement touchée par la faiblesse persistante des marchés asiatiques, les frais de transport qui ont doublé et les perturbations qui ont affecté le système de transport, comme les récents arrêts de travail dans le port de Vancouver. Aujourd'hui, le prix de nos produits sur le marché international est plus bas que le coût de production des usines canadiennes.

Monsieur le président, nous reconnaissons que la solution idéale à long terme est d'éliminer les subventions nationales et à l'exportation grâce à des négociations à l'Organisation mondiale du commerce. J'ai assisté à la réunion de l'OMC à Seattle, où vous étiez également, monsieur le président, ainsi que l'honorable Joyce Fairbairn. Nous ne doutons absolument pas que le gouvernement canadien et son équipe de négociateurs soient résolus à faire avancer l'objectif de la réduction des subventions. Mais nous savons également pertinemment que ces pourparlers seront longs et difficiles et qu'ils peuvent fort bien ne pas aboutir à une réduction des subventions qui corresponde aux objectifs que le gouvernement cherche à atteindre.

Les granulés de luzerne sont les produits d'une activité agricole combinée à un processus de transformation intermédiaire; en conséquence, la production de luzerne déshydratée n'est jamais nettement entrée dans le cadre d'un quelconque programme d'aide au revenu agricole. Dans le passé, cependant, grâce à notre persévérance et après de longues négociations, notre industrie a été couverte par certains programmes qui nous ont beaucoup aidés, par exemple, le plan de rachat de subventions accordées en vertu de la LTGO. C'était le seul programme de subventions qui se traduisait par des avantages pour notre industrie, et il a été annulé. Nous avons bénéficié de ce que l'on appelait le programme d'aide aux déshydrateurs de luzerne, qui était censé donner à notre industrie des avantages équivalents à ceux que d'autres tiraient de la LTGO. Toutefois, ce qui n'a pas été le cas pour ces autres bénéficiaires, une grande partie des sommes qui nous ont été versées ont été rendues au gouvernement sous la forme d'impôts.

Ces fonds étaient utilisés par nos exploitants, comme prévu, pour faciliter l'ajustement de l'industrie. Nous avons modernisé nos usines en les dotant de meilleures technologies de transformation et en installant de nouveaux équipements de chargement et de pesage, etc.

Malgré les efforts énergiques que nous avons déployés pour être couverts par le programme d'ACRA, nous avons été informés par le ministre Vanclief que «le programme d'ACRA ne devrait pas être élargi pour couvrir les entreprises de transformation à valeur ajoutée». On nous colle l'étiquette de transformateurs à valeur ajoutée, ce que nous sommes, tout en étant également, dans la plupart des cas, des exploitants agricoles. En conséquence, nous tombons entre les mailles du filet.

Le fait que nous ne soyons pas couverts par l'ACRA a été pour nous un sujet de déception et d'inquiétude. Pour tenter d'atténuer ces préoccupations, nous avons rencontré des collaborateurs du ministre Vanclief, des fonctionnaires du ministère et certains membres clés de tous les partis politiques au début du mois de novembre. Au cours de ces consultations, nous ne sommes pas parvenus à trouver une solution au problème; toutefois, on nous a donné un espoir en nous suggérant de peaufiner le plan d'activité de notre industrie et de revenir à Ottawa pour en discuter de façon plus approfondie. C'est la raison de notre présence en ville cette semaine. Les autres membres de notre délégation ont dû repartir pour s'occuper de leurs affaires, c'est pourquoi je suis seul ici aujourd'hui. La préoccupation première de notre association est d'obtenir une solution équitable pour ses membres suite aux pourparlers qui ont eu lieu ici, à Ottawa.

Comme nous l'avaient suggéré le ministère de l'Agriculture et certains députés au cours de nos rencontres à Ottawa, notre conseil d'administration s'est réuni. Nous avons longuement réfléchi afin d'étoffer notre plan d'activité en nous projetant dix ans dans l'avenir et en voyant ce qui pourrait être fait par rapport à la situation actuelle. Nos membres savent que, si les règles du jeu sont équitables, même plus ou moins équitables, notre industrie a les capacités nécessaires pour être la plus concurrentielle du monde. De fait, à notre avis, nos usines survivraient si on leur accordait un soutien pendant même seulement deux ou trois des années les plus critiques, un soutien équivalant à environ 20 p. 100 des subventions par tonne que reçoivent nos concurrents en Europe chaque année. Voilà à quel point nous sommes convaincus d'être concurrentiels ici, au Canada, si l'on nous donne la moindre chance de l'être.

Quoi qu'il en soit, monsieur le président, nous sommes définitivement prêts à chercher des moyens de devenir encore plus concurrentiels, à améliorer encore davantage notre compétitivité et à faire ce qu'il faut pour assurer l'avenir. Nous avons peaufiné notre plan d'activité -- dont nous avons déposé copie à l'intention du comité -- et notre stratégie afin d'y inclure des initiatives à court, à moyen et à long terme.

Si vos collègues au gouvernement demandent ce qui peut être fait, nous sommes prêts à répondre. Monsieur le président, la solution a trois volets. Premièrement, la stratégie à long terme est de résoudre les questions ayant trait aux subventions et aux échanges commerciaux par l'intermédiaire de l'OMC. Deuxièmement, à moyen terme, il faut que l'industrie prenne des mesures d'ajustement et d'adaptation, et elle est prête à le faire. Troisièmement, il faut immédiatement une injection de fonds pour régler à court terme le problème des pertes financières, car cela est essentiel pour assurer la viabilité de cette industrie. Les calculs fondés sur ceux qui sont faits dans le cadre du programme d'ACRA démontrent une perte de revenus qui semble indiquer des versements de 9,7 millions de dollars pour 1998 et de 22,7 millions pour 1999. L'ACRA n'est pas considéré comme un programme extrêmement généreux par nombre de ceux qui sont admissibles à cette aide. Nous vous prions instamment d'inclure une recommandation spécifique dans votre rapport pour que l'on accorde ce niveau d'assistance aux déshydrateurs du Canada. On trouve dans notre plan d'activité les détails des calculs qui nous ont amenés à établir ces chiffres.

Monsieur le président, il est essentiel, pour assurer la survie de notre industrie à court terme, de compenser les subventions que reçoivent ses concurrents ou de lui accorder une aide pour lui permettre de s'ajuster. Si nous attendons jusqu'en 2004 ou même plus tard que l'OMC prenne des mesures de redressement, ceux d'entre nous dont l'usine sera encore en exploitation ne seront pas assez nombreux pour que cela fasse une différence. Les industriels de la déshydratation cherchent activement à se sortir de la difficile crise financière à laquelle ils font actuellement face. Certaines usines ont réduit leur production. Nos membres explorent des moyens de diversifier leurs activités et mettent continuellement en train des projets axés sur l'expansion des marchés.

Je viens de passer trois semaines en Asie, une région qui est la cible d'une mesure hardie, la désignation d'un coordonnateur du développement du marché japonais. Pour nous aider à éduquer nos clients japonais, nous recherchons activement là-bas un spécialiste de la nutrition et des aliments pour animaux qui aurait le niveau du doctorat. Nous n'acceptons pas que pour nous, le marché japonais ait commencé à décliner. Il y a eu une récession. Nous avons perdu une part considérable de ce marché à cause de la crise économique, mais nous avons le sentiment que l'avenir est plein de potentiel. Cela exige de notre part des dépenses considérables et de gros efforts, mais c'est une tâche à laquelle nous nous sommes déjà attelés.

Nous nous intéressons également de très près à la Corée et à la Chine ainsi qu'à d'autres nouveaux marchés. Nous avons établi une présence là-bas et nous sommes décidés à prendre les mesures qu'il faut. Le gouvernement doit maintenant faire sa part pour permettre à cette industrie rurale très méritante et concurrentielle sur le plan mondial de survivre au désastre financier auquel elle fait face dans l'immédiat à cause des subventions que reçoivent ses concurrents et de la récession économique en Asie.

Si notre industrie reçoit une assistance équitable, de l'ordre de celle qui est accordée aux producteurs de céréales de ce pays, le Canada bénéficiera des gains de productivité que nous avons réalisés ces dernières années. Nous retiendrons et nous développerons davantage nos marchés internationaux. Cela nous aidera à maintenir l'emploi dans les régions rurales de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec.

Environ 55 p. 100 des usines de déshydratation du Canada sont situées dans la province de l'Alberta, souvent dans la région de Peace River, où l'élevage du bétail n'est pas une industrie prépondérante. Nous utilisons la luzerne, qui est un élément très utile dans la rotation des cultures. La luzerne est une plante pluriannuelle dont la durée de vie est courte et qui est cultivée en rotation. Habituellement, les peuplements restent plantés pendant trois ou quatre ans et ensuite, ils sont remplacés par du blé et d'autres cultures. Sans nos usines, il faudra revenir à la culture du blé et d'autres produits agricoles qui sont en difficulté. À long terme, cela sera nuisible à la terre. Étant donné que la luzerne est une plante fixatrice d'azote, elle est absolument nécessaire aux terres de certaines régions où sont situées nos usines de transformation.

Dans la plupart des cas, nos industriels se chargent de tous les travaux agricoles pendant la période où la luzerne est cultivée sur nos terres. De fait, ils doivent alimenter l'usine de déshydratation et de transformation en cubes et en granulés 24 heures par jour entre juin et octobre. Ils possèdent tout l'équipement nécessaire pour la récolte. Ils ont les camions qu'il faut. Ils apportent la luzerne verte, fraîchement coupée et hachée. Lorsque le temps est de la partie, on peut voir dans les champs des botteleurs qui roulent les balles qui seront transformées pendant l'hiver en ce que nous appelons des cubes et des granulés de luzerne séchés au soleil.

Comme vous pouvez le voir, il existe de nombreux parallèles entre notre industrie et celle de la production de céréales. Le propriétaire exploitant est payé à la tonne de granulés ou de cubes de luzerne transformée produits à l'acre ou sur la superficie qu'il possède. Il est impossible de répercuter la chute vertigineuse des prix que nous subissons à cause des excédents que la production subventionnée nous force à accumuler.

Nos activités prennent diverses formes. Dans certains cas, les usines achètent simplement la luzerne en balle et la transforment en cubes de luzerne séchée au soleil qui sont ensuite expédiés. Toutes nos usines n'entrent pas dans le même moule, mais il existe de nombreux parallèles entre notre industrie et la production de céréales.

Monsieur le président, pendant des années, les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux ont favorisé ce type de transformation à valeur ajoutée des produits agricoles des Prairies. On a fait de nous un modèle à suivre dans l'avenir lorsque nous avons développé des marchés au Japon et dans d'autres pays. Notre industrie dépend à 85 p. 100 des exportations, mais le Japon est pour nous un marché qui représente 70 p. 100. Nous avons consacré toutes nos énergies à l'expansion de ces marchés. Il serait dommage d'avoir à renoncer à cause de la crise à laquelle nous faisons face dans l'immédiat.

La réussite future de notre industrie exige une intervention à court terme de la part du gouvernement. Son assistance aiderait l'industrie de la déshydratation à jeter dans l'immédiat les ponts qui lui permettront d'assurer sa survie et de contribuer à l'économie rurale du Canada à moyen et à long terme, comme je l'ai indiqué.

Nous demandons un programme parallèle et un niveau d'aide comparables à ceux qui sont accordés dans le cadre du programme d'ACRA aux producteurs de céréales et aux autres agriculteurs qui ont été le plus sérieusement touchés par la crise financière actuelle. Nous pourrions utiliser les statistiques de production vérifiées sur lesquelles se fondait le PADLFFD qui, comme je l'ai mentionné, était le programme dont notre industrie a bénéficié lorsque la LTGO a été abrogée. Le gouvernement et nous avons choisi conjointement une année représentative, et une part précise a été attribuée à chacune de nos usines de l'Ouest, la région où sont installés 95 p. 100 des membres de l'industrie canadienne. Nous pourrions utiliser les mêmes chiffres pour distribuer les fonds dont nous avons désespérément besoin et qui constitueraient une aide de niveau comparable à celle qui est allouée aux producteurs de céréales.

Voilà un mécanisme auquel on pourrait avoir recours. Le ministre de l'Agriculture, M. Goodale, a reconnu le caractère unique de notre industrie, ainsi que les nombreux parallèles qui peuvent être établis avec les exploitations agricoles et il a admis que nous étions la seule industrie qui avait bénéficié de la LTGO mais qui, ensuite, avait été laissée pour compte. C'est pourquoi il a alors mis en route le programme dont j'ai parlé. À l'heure actuelle, nous avons besoin d'un programme parallèle et comparable à l'ACRA pour nous aider à surmonter cette crise passagère.

Monsieur le président, c'est de mesures provisoires dont nous parlons. Nous savons que notre industrie ne peut pas dépendre du gouvernement à long terme. Si l'on nous accorde pendant deux ou trois ans un soutien du même niveau que celui dont bénéficient les producteurs de céréales par le biais du programme d'ACRA, cela nous permettra de surmonter la crise. Nous avons pris des mesures pour faire face nous-mêmes par la suite. Je ne peux pas vous dire que l'industrie céréalière, qui est en plein marasme, va prendre un nouvel essor. Les excédents qu'ont généré les programmes de subvention posent un problème qui ne sera pas résolu avant longtemps. Lorsque les Américains déversent 22 milliards de dollars dans les poches de leurs agriculteurs et qu'il existe des programmes encore plus généreux en Europe, nous avons des problèmes. Notre industrie réalise qu'elle doit s'ajuster en trouvant de nouveaux produits, de nouveaux marchés et en s'aidant elle-même.

Ce dont nous parlons, c'est d'une aide provisoire qui nous permettrait de nous tirer de cette situation de crise que nous connaissons depuis plus d'un an maintenant. Nous en sommes arrivés à un point où nos entreprises sont dans une position désespérée. Les banques suivent de très près l'évolution de la situation. Dans certains cas, nos entreprises n'ont pas la possibilité de garder les employés qui s'occupaient de la commercialisation. Les agriculteurs se demandent s'ils vont être payés. Nous sommes actuellement dans une situation désespérée et nous avons besoin d'aide dans les meilleurs délais.

Je serais heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je vais donner la parole à la vice-présidente. Le sénateur Fairbairn, qui est originaire de l'Alberta, connaît beaucoup mieux cette industrie que la plupart d'entre nous.

Le sénateur Fairbairn: Merci d'être venu aujourd'hui. Vous étiez à Ottawa cette semaine pour présenter votre nouveau plan d'activité et votre stratégie à divers représentants du gouvernement. Pourriez-vous nous dire quelle réaction cela a pu susciter de leur part, à première vue, de façon à ce que nous ayons une idée de ce que nous pouvons faire d'autre pour vous aider.

Au début de vos remarques, vous avez mentionné qu'environ 1 000 emplois sont liés à cette industrie, en dehors des retombées qu'elle peut avoir dans les collectivités concernées. Avez-vous jamais chiffré l'emploi indirect assuré par cette industrie?

M. Benoit: Madame le sénateur, nous n'avons pas la possibilité de dire précisément combien il existe d'emplois indirects. Cependant, par exemple, il y a à Falher une entreprise importante qui exploite environ 40 000 acres. Pour être actionnaire de cette entreprise, il faut, entre autres critères, être un exploitant agricole qui consacre une partie de ses terres arables à la culture de la luzerne destinée à l'usine de déshydratation et de fabrication de granulés. Il y a au moins 50 exploitants agricoles qui sont actionnaires de cette entreprise. Ce genre d'opération a vu le jour à cause de la situation désespérée dans laquelle se sont trouvés les producteurs de blé; ils ont cherché à diversifier leurs activités.

La luzerne provient donc directement de ces exploitants, mais il y a probablement 100 à 150 autres agriculteurs qui approvisionnent l'usine. Toute la ville dépend pratiquement de cette industrie. Il y a des soudeurs; il y a des camionneurs; il y a des prestataires de services. C'est sans aucun conteste la principale industrie de la ville. Ce n'est pas une grande ville. C'est une situation qui est tout à fait typique.

Y a-t-il, en plus des 1 000 emplois directs, cinq emplois connexes, sept ou deux, c'est difficile à dire. C'est du tissu d'une collectivité qu'il s'agit, des emplois directs et des retombées que cela peut avoir. Le transport est également un secteur important à cet égard.

Le sénateur Fairbairn: Autrement dit, c'est une industrie qui a été créée et qui, dans le passé, a prospéré en suivant exactement les conseils que les gouvernements ont donnés aux exploitants agricoles du Canada -- ne pas s'en tenir aux cultures traditionnelles, diversifier la production, choisir une activité rentable à valeur ajoutée et, si possible, lui donner de l'expansion en s'intéressant aux marchés à l'exportation.

Vous avez dit dans votre exposé que vous étiez un modèle. Combien a-t-il fallu d'années pour que vous en fassiez la preuve?

M. Benoit: L'industrie s'est principalement développée depuis la fin des années 60, date à laquelle le marché des grains s'est effondré. C'est à cette époque que la plupart des gens se sont lancés dans cette activité à cause de la situation désespérée dans laquelle se trouvaient les collectivités rurales qui cherchaient une alternative. L'industrie a grandi et a pris de l'expansion, les résultants ayant sans doute doublé au cours des dix ou douze dernières années, mais ses origines datent de la fin des années 60 et du début des années 70, à l'époque où le prix des grains a chuté de façon vertigineuse.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous eu une réaction quelconque à vos propositions après les réunions auxquelles vous avez participé cette semaine?

M. Benoit: Nous avons rencontré de nombreux députés, sénateurs et fonctionnaires. Je crois que tout le monde a une bonne connaissance de notre industrie et comprend bien le rôle que nous jouons. On nous a écoutés avec sympathie, je pense, mais il est clair que l'on n'a pas décidé, compte tenu de la situation unique dans laquelle nous nous trouvons, de chercher à mettre en place un programme parallèle.

Ce que l'on nous dit toujours officiellement, c'est que nous ne pouvons pas bénéficier de l'ACRA. Les pouvoirs publics sont peu enclins à élargir ce programme pour en faire profiter les transformateurs, et nous tombons dans cette catégorie. Or, nous ne pensons pas que ce soit la solution. De fait, à notre avis, la solution est un programme parallèle qui nous permettra justement d'éviter les difficultés qui pourraient surgir si l'on instaurait un programme du même type que l'ACRA.

On ne nous a fait aucune promesse. Plusieurs personnes se sont engagées à intervenir auprès du ministre Vanclief afin de l'encourager à examiner notre situation. Ce que nous demandons, c'est de pouvoir négocier des mesures équitables pour notre industrie. Nous ne cherchons pas à toute force à bénéficier de l'ACRA. De fait, nous estimons qu'un programme parallèle est une meilleure solution. Cependant, un financement quelconque va être nécessaire.

Le sénateur St. Germain: Vous avez déjà répondu à l'une de mes questions. Vous voulez un programme parallèle à l'ACRA, parce qu'il y a un risque qu'en vertu de l'ACRA, ce soit les usines qui soient subventionnées, ce qui équivaut à accorder une subvention aux exploitants de silos.

Le secteur agricole canadien a été confronté de multiples façons à une situation où d'énormes subventions jouent un très grand rôle. Est-il vraiment réaliste de penser qu'avec les usines modernes que vous possédez aujourd'hui, en adaptant votre industrie, vous puissiez changer quelque chose, ou bien vos activités sont-elles vouées à l'échec tant et aussi longtemps que ces énormes subventions accordées en Europe et aux États-Unis sont maintenues? Je crois savoir que vos usines sont aussi modernes qu'elles peuvent l'être et que vous ne pouvez pas faire grand chose pour améliorer vos économies d'échelle.

M. Benoit: Nous exploitons nos usines à peu de frais, même si nous opérons à l'échelle mondiale et si nous produisons en grande quantité. Il y a deux ans, j'ai fait un voyage d'études en Europe pour voir quelles technologies on employait là-bas. Nous fonctionnons avec de très petits moyens par comparaison aux sommes investies par les Européens dans leurs exploitations. Ce voyage d'études nous a permis d'apprendre certaines choses très utiles. Par exemple, il y a de nouveaux produits auxquels nous pouvons nous intéresser.

Dans la foulée de ce voyage, nous avons organisé la cinquième Conférence internationale des déshydrateurs de cultures fourragères à Canmore, en Alberta. Nous avons fait venir des conférenciers et du matériel d'Europe et des États-Unis afin de faciliter les échanges d'idées et de technologies. Cette conférence internationale a réuni 200 déshydrateurs et représentants de l'industrie qui ont eu ainsi l'occasion de se rencontrer sur notre propre territoire. Ce projet a été mené à bien en octobre, et il y a maintenant des choses nouvelles que nous pouvons envisager.

Par exemple, nous avons entendu parler de quelque chose qui s'appelle la balle déshydratée. On prend de la luzerne verte fraîchement coupée et, plutôt que de la broyer et de la transformer en granulés ou en cubes, on fait un produit fourrager à longues fibres après l'avoir hachée, déshydratée et pressée en petits blocs de pas plus de 1 000 kilogrammes. Un de nos membres s'est lancé dans cette production. Il lui en a coûté plus d'un million de dollars pour convertir une petite partie de son usine afin de fabriquer ce nouveau produit. Cela nous permet de prendre position sur le marché des produits à longue fibre. Non seulement la luzerne a-t-elle une valeur nutritive, mais nous sommes maintenant capables d'offrir un produit déshydraté à longues fibres. Le lancement de ce produit au Japon va exiger de gros efforts pour développer le marché.

C'est ce genre d'initiative que nous pouvons prendre et que nous prenons. Nous nous intéressons aux produits qui peuvent résulter de la séparation de la feuille et de la tige de la luzerne. Cette technique permet d'utiliser une petite partie de la production pour fabriquer des comprimés diététiques pour consommation humaine; nous pouvons également envisager de pénétrer à nouveau le marché de la volaille en offrant un aliment à base de feuilles de luzerne contenant 30 p. 100 de protéines ou en donnant de l'expansion au marché japonais des colorants naturels. Il fut un temps où nous avions une large part du marché de l'industrie de la volaille au Japon. Nous l'avons perdue et nous cherchons des moyens de récupérer ce type de marché.

Le programme de subventions qui existe en Europe est unique. Les Européens ont décidé de consolider leur industrie de la déshydratation sur un mouvement de colère à l'encontre des Américains qui avaient refusé deux ou trois fois de leur fournir des tourteaux de soja. J'étais à l'ambassade du Canada à Washington où je m'occupais du dossier agriculture lorsque cela s'est passé la première fois. Le contrôle des prix a fichu le système en l'air, et les Européens n'ont pas pu être régulièrement approvisionnés en farine de tourteaux de soja. Ils ont délibérément décidé d'assurer leur autonomie en ciblant des industries comme la transformation de la luzerne. Ils ont donc offert à ces usines des subventions qui sont devenues très généreuses vers la moitié des années 80. Ces subventions se situent -- c'est ce que reçoit le transformateur en Europe -- entre 114 $ et 180 $ la tonne, versés au transformateur chaque fois qu'il produit.

En plus de cela, le transformateur vend son produit au prix qui a cours sur le marché mondial. L'objectif des Européens était d'assurer leur autonomie. C'est lorsqu'ils ont dépassé la cible qu'ils s'étaient fixée que nous avons connu des problèmes. Il y a eu la maladie de la vache folle, et leur consommation a baissé. Or, leur industrie était en pleine expansion. Tout d'un coup, l'Europe s'est retrouvée avec un excédent de granulés de luzerne déshydratée à écouler sur le marché mondial qui était plus important que la quantité totale de ce produit vendue à l'échelle internationale. Ils offrirent d'envoyer une petite cargaison à l'un de nos membres du Québec, 5 000 tonnes. Or, il ne s'agissait pas vraiment d'une petite cargaison, puisque cela représentait la moitié de ce que le marché du Québec utilise. Je me souviens du jour où cet industriel m'a appelé pour me dire que les Européens lui avaient offert ce produit à un prix défiant toute concurrence. Il s'agit d'une petite usine de transformation du Québec qui s'approvisionne également, le cas échéant, dans l'Ouest pour desservir le marché québécois. Elle n'a pas acheté ce produit. Toutefois, il est allé aux États-Unis, et cela a fait baisser les prix sur les marchés de l'Est que nous desservons. Ensuite, les Japonais ont découvert cette montagne d'excédents et les ont tout simplement utilisés pour faire inexorablement baisser nos prix. C'est à cela que nous sommes confrontés.

La bonne nouvelle, c'est que les Européens ont fixé un plafond au-delà duquel la production de fourrage déshydraté ne sera pas subventionnée. Ils ont atteint ce plafond et ils ne le relèveront pas. Nous travaillons de concert avec les Européens pour faire en sorte que le gâteau que nous avons à nous partager soit plus gros. Nous échangeons des informations sur la façon d'éduquer les utilisateurs et de donner de l'expansion à la consommation. Notre solution au problème est d'accélérer la consommation.

Le sénateur Fitzpatrick: Votre exposé a été utile parce que vous l'avez fondé sur un plan d'activité. Cela nous aide à apprécier le genre de considération que votre industrie a accordée au problème.

Ma question complète celle du sénateur Fairbairn. Vous avez indiqué que votre industrie s'est implantée il y a quelque 30 ans mais que ces dernières années, le niveau de la production a doublé. Quelle a été la courbe de croissance pendant ces 30 années? De combien la production a-t-elle augmenté ces quelques dernières années? Il semble que vous ayez eu une marge de profit entre 1995 et 1997.

Au plan de la commercialisation, est-ce que ce sont les États-Unis qui vous font concurrence? Quelle a été votre part de marché et quelle est-elle à l'heure actuelle? Je comprends bien les problèmes que vous avez décrits, notamment celui que posent les subventions, mais ne vient-il pas en partie du fait que vous avez découvert un bon créneau et que d'autres se sont lancés dans la même activité et font vivement concurrence à l'industrie canadienne?

M. Benoit: Lorsque nous nous sommes lancés dans cette industrie, les États-Unis approvisionnaient la moitié du marché japonais des granulés de luzerne. Nous les avons progressivement évincés de ce marché. Ces dernières années, nous alimentions 95 p. 100 du marché japonais des granulés déshydratés de luzerne. Il y a d'autres cultures aux États-Unis. On peut y cultiver autre chose. Il a donc tout simplement fallu que nous les évincions du marché, ce que nous avons fait au Japon en ce qui concerne les granulés déshydratés de luzerne.

Pour ce qui est de l'autre produit que nous commercialisons, les cubes de luzerne, la concurrence américaine tient bon. Nous avons graduellement augmenté notre part du marché, mais elle n'est que de 25 p. 100. Ce sont les Américains qui, en grande partie, alimentent le reste du marché japonais. L'étendue de nos terres arables et le nombre limité de produits que nous pouvons cultiver nous donnent un avantage; nous avons également du gaz naturel pour pratiquer la déshydratation. Ce sont les États-Unis qui nous font concurrence. Nous avons réussi à leur enlever une part du marché des granulés déshydratés de luzerne. Les États-Unis ont déplacé la production de cubes et de balles plus près de la côte ouest où l'accès aux conteneurs et à l'irrigation est plus facile. Ils se concentrent principalement sur les produits séchés au soleil, parce qu'ils peuvent se passer d'eau et compter sur le soleil pour accomplir en grande partie la déshydratation. C'est ce qui fait d'eux des concurrents coriaces en ce qui concerne la production de cubes.

L'Espagne est entrée dans le Marché commun et a commencé à recevoir des subventions. C'était un bon marché pour le Canada. L'Espagne produisait 50 000 tonnes. À l'heure actuelle, à cause de la subvention, la production espagnole représente le triple de la production canadienne totale. Le marché s'est développé tout simplement à cause de cette subvention. Voilà ce à quoi nous avons dû faire face.

La bonne nouvelle, c'est que les Européens cherchent en premier lieu à assurer leur autosuffisance.

Le sénateur Fitzpatrick: Quel est le pourcentage de vos ventes en Asie et sur le marché européen?

M. Benoit: Près de 80 p. 100 de nos exportations sont dirigées vers le marché asiatique. Nous avons été presque complètement évincés du marché européen et du marché nord-africain que nous avions développé au Maroc. Chose curieuse, cependant, nous écoulons de petites quantités au Portugal, au Maroc et même en Espagne à l'heure actuelle. Mais notre marché se situe principalement au Japon, en Corée, à Taiwan et aux États-Unis. Nous exportons en effet un peu aux États-Unis et nous cherchons à pénétrer les marchés mexicains. Toutefois, notre plus grand marché, c'est l'Asie.

Le sénateur Fitzpatrick: Pouvez-vous me donner une idée de ce que représente la subvention de la production américaine sur une base unitaire? Autrement dit, quel est le désavantage que vous subissez à cause de la subvention américaine, sur une base unitaire? C'est simplifier les choses à l'extrême, mais donnez-nous une idée du désavantage que vous subissez.

M. Benoit: Aux États-Unis, la situation est très différente. Les agriculteurs américains reçoivent 22 milliards de dollars. Il ne s'agit pas d'une subvention qui touche uniquement la luzerne. Cette somme est allouée de façon générale aux agriculteurs. Ils sont libres, tout en recevant une subvention, de passer à la production de luzerne.

Dans le passé, aux États-Unis, l'aide financière était ciblée sur certaines cultures qui entraient dans le cadre d'un programme -- le blé, le maïs, des produits spécifiques -- alors qu'à l'heure actuelle, l'argent est versé aux agriculteurs sans autre précision. Cela entraîne un retour à la culture de la luzerne, ce qui accentue un peu la concurrence à laquelle nous faisons face.

Le problème que posent les subventions accordées aux États-Unis et en Europe est que cela déprime le marché des grains et des tourteaux de protéines à travers le monde. Comme tous les prix s'effondrent, nous sommes entraînés dans cette chute. Aux États-Unis, il s'agit d'une subvention générale, pas particulièrement ciblée sur la production de luzerne.

Le sénateur Oliver: Vous avez répondu à bien des questions que je voulais poser et je vous en remercie.

Lorsque vous décriviez la production, vous avez dit que l'agriculteur cultive la luzerne qui est ensuite coupée et transportée jusqu'à l'usine où elle est déshydratée et transformée en cubes et en granulés. Le résultat de cette transformation, les cubes et les granulés qui sont tirés de la production de cet agriculteur, détermine combien d'argent il va tirer de sa luzerne.

Si cela est exact, comment mesurez-vous véritablement la productivité par acre? Comment faites-vous si le rendement par acre n'est pas mesuré et si l'agriculteur est payé en fonction du produit final? Si la fabrication n'était pas vraiment efficiente, l'agriculteur en souffrirait. N'ai-je pas raison de penser que c'est l'un des principaux problèmes auxquels vous faites face, et que l'agriculteur devrait être payé en fonction de son rendement et de sa productivité et non en fonction du produit final? Comprenez-vous ma question?

M. Benoit: Oui, je pense. Disons que la contribution de l'agriculteur est la production de 100 acres. C'est l'usine de transformation qui se charge de toutes les opérations sur le terrain, la récolte, etc. Lorsque la production arrive à l'usine, on la traite séparément et on calcule le nombre de tonnes de produit transformé. Habituellement, la culture extensive en terre sèche dans les régions du nord de l'Alberta et de la Saskatchewan donne, en moyenne, deux tonnes de produit transformé par acre. Si un agriculteur possède une terre très productive, qui donne trois tonnes, il est payé pour ses trois tonnes; s'il y a une période de sécheresse et qu'il ne produit qu'une demi-tonne, il en subit, lui aussi, les conséquences et il n'est payé que pour une demi-tonne.

Le sénateur Oliver: Quelle est la productivité du Canada par comparaison à celle des agriculteurs américains et européens? Je parle du rendement à l'acre, de la production de luzerne brute, avant qu'elle ne soit traitée à l'usine?

M. Benoit: Il y a une énorme différence, même entre les diverses régions du Canada. Dans les régions irriguées du sud de l'Alberta, on obtient habituellement de quatre à cinq tonnes par acre. Dans les terres sèches du nord de la province, la production est d'environ deux tonnes par acre. Généralement, au Canada, on peut faire deux ou trois récoltes. En Californie, où il peut y avoir de huit à dix récoltes, où l'on coupe la luzerne toute l'année, la production peut représenter le triple, en tout cas, certainement le double, de ce que nous tirons des terres irriguées. La productivité à l'acre est beaucoup plus élevée.

Ce qui est surprenant, c'est que nous puissions quand même être concurrentiels à cause du faible coût des terres et de l'envergure de nos opérations. Il faut que nous surmontions ces écueils.

En France et en Espagne, les saisons de production sont plus longues. Il y a quatre récoltes au lieu de deux ou trois. Par conséquent, dans bien des cas, la production à l'acre représente presque le double de la nôtre. Il faut que nous nous accommodions de cela et que nous ajustions nos coûts en conséquence.

Le sénateur Rossiter: Quelle est la qualité respective des produits?

M. Benoit: Un de nos véritables points forts est le produit que nous tirons de la déshydratation de la luzerne. Le jour même où elle est coupée, la luzerne est transportée à l'usine et déshydratée. Elle n'a pas vraiment le temps d'être détériorée par le soleil ou par la pluie avant de passer par le processus de déshydratation qui nous permet de conserver dans les granulés de luzerne les éléments nutritifs et les vitamines.

En ce qui concerne les cubes, ils sont en fait de moins bonne qualité que ceux qui sont produits avec de la luzerne séchée au soleil dans l'est de l'État de Washington, en Oregon et dans l'Utah, où il existe un climat quasi-désertique, du soleil et des installations d'irrigation. Notre climat n'est pas aussi propice. Le mauvais temps endommage souvent les balles séchées au soleil que nous retraitons. Mais nos granulés de luzerne déshydratée soutiennent très bien la comparaison. Le produit français est d'une qualité comparable, mais en ce qui concerne les cubes, un climat comme celui de la Californie est plus propice à la fabrication d'un produit de meilleure qualité.

Le sénateur Rossiter: Quelle est la taille des cubes et des granulés?

M. Benoit: Les granulés sont justes un peu plus gros qu'un crayon et mesurent un pouce de long. On peut les briser. Les cubes ont différentes tailles, mais les plus gros mesurent un pouce et quart de diamètre. Il y en a qui mesurent trois quarts de pouce. Il y a plus de fibres longues dans un cube que dans un granulé. C'est meilleur pour nourrir les vaches laitières.

Le sénateur Oliver: Au cours de votre témoignage, la chose la plus importante que vous ayez dite, selon moi, c'est que votre industrie doit s'ajuster en trouvant de nouveaux produits et de nouveaux marchés. Vous avez expliqué cela en partie, au moins, en disant qu'en ce qui concerne les nouveaux produits, vous vous intéressiez aux balles déshydratées. Vous avez ajouté que vous essayiez de vous réinsérer sur le marché des aliments pour la volaille et des produits diététiques pour consommation humaine.

À l'heure actuelle, y a-t-il d'autres domaines auxquels vous vous intéressez? Mis à part les subventions, je me demande si vous avez exploré tous les marchés possibles pour vos produits?

Vous n'avez rien dit à propos des nouveaux marchés. Vous intéressez-vous à l'Amérique du Sud, au Mexique, à d'autres régions d'Afrique pour écouler vos produits? La majeure partie -- 80 p. 100 -- est exportée dans trois pays, le Japon, Taiwan et la Corée. Qu'en est-il des autres pays et de la possibilité de pénétrer d'autres marchés?

M. Benoit: Habituellement, en une année, nous exportons vers, disons, 15 ou 20 pays. Nous avons de petits marchés dans de nombreux pays. Nous nous intéressons de très près à la Chine. Cela pose actuellement un problème de barrières tarifaires, mais le gouvernement a fait beaucoup dans le cadre de négociations bilatérales pour régler ce problème. Nous considérons la Chine comme un marché à long terme. J'étais là-bas il y a un mois. Nous exportons un peu en Chine, mais c'est un marché concurrentiel au plan des prix qui sont très bas. Nous estimons toutefois que ce pays ouvre des possibilités à long terme; cela veut la peine que nous y intéressions maintenant.

Nous cherchons toujours de nouveaux marchés à travers le monde. Selon nous, à court et à moyen terme, si nous voulons en avoir pour notre argent, rétablir le marché japonais est ce qu'il y a de mieux. Il y a des choses qu'à notre avis, nous pouvons faire là-bas qui nous aideront à gagner le plus de terrain.

Nos entreprises sont présentes sur plusieurs autres marchés. Le Mexique a du potentiel et nous faisons des progrès là-bas. Nous nous intéressons à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Sud. Nous envisageons la possibilité d'intégrer nos produits à l'alimentation des poissons. Lors de notre dernier voyage au Japon, l'environnement a été l'un des points sur lesquels nous nous sommes concentrés. Nos produits peuvent être mélangés à l'ensilage qui est fait là-bas, s'il est trop humide pour absorber certains des jus; en outre, les granulés ou les cubes de luzerne sont des produits très nutritifs qui peuvent être ajoutés dans la fosse d'ensilage. Nous nous intéressons à ce type de marché. Nous avons beaucoup réfléchi à ce que nous pouvons faire.

Nous n'avons pas l'argent nécessaire pour mettre en marche certains des projets dans lesquels nos industriels devraient se lancer et qu'ils devraient explorer plus avant.

Le président: L'ACRA ne s'est pas révélé utile aux agriculteurs en difficulté. Vous répétez que vous souhaitez un programme parallèle. Votre graphique montre que vous avez essuyé des pertes durant l'année en cours. Toutefois, si vous étiez couverts par l'ACRA, vous obtiendriez des versements très importants, contrairement à un agriculteur dont la récolte aurait été détruite par la sécheresse ou par la grêle et qui ne pourrait pas faire valoir une moyenne de revenus élevée sur trois ans et qui donc, ne recevrait rien. Ce ne sont pas les gens qui en ont le plus besoin qui bénéficient de l'ACRA.

Vous demandez au gouvernement de mettre en place un programme parallèle. Il faudrait que ce programme se fonde sur une formule très différente de celle qui est à la base du programme d'ACRA destiné aux agriculteurs. Vous qui travaillez dans le milieu agricole savez fort bien que les gens qui font face aux plus grandes difficultés ne sont pas ceux qui reçoivent l'argent. La région de Peace River où vous opérez est l'une de celles où les récoltes ont été extrêmement mauvaises. Or, 70 p. 100 de rien, c'est rien. Que voulez-vous dire par «parallèle»?

M. Benoit: En nous basant sur le programme d'ACRA, nous avons fait des calculs très détaillés pour voir comment il fonctionnerait s'il était appliqué à l'ensemble de notre industrie. Selon ces calculs, on pourrait nous verser 9,7 millions de dollars pour 1998 et 22,7 millions de dollars pour 1999. Nous avons commencé en faisant ces calculs, parce que c'est le programme qui existe à l'heure actuelle. Nous estimons qu'il serait juste de nous accorder la même chose qu'aux exploitants agricoles à cause des nombreux parallèles qui peuvent être établis entre notre industrie et l'agriculture. Tout marchait bien jusqu'à ce que trois problèmes surgissent en même temps: les crises en Asie, les subventions en Europe et les problèmes de transport. Notre situation financière s'est tellement détériorée qu'une aide calculée sur la base des versements consentis dans le cadre de l'ACRA serait en fait ce qu'il nous faut.

Le président: C'est justement ce qui m'a poussé à vous poser la question. Le problème, c'est que cela ne marche pas pour l'agriculteur moyen qui est vraiment en difficulté. Au cours des trois dernières années, la moyenne des marges de profit a été si faible que 70 p. 100 de ces sommes équivalent à rien du tout.

M. Benoit: Nous suggérons de prendre pour base l'année représentative qui a déjà été choisie pour notre industrie. La région de Peace River a connu une situation désastreuse pendant quatre années de suite. Il y a eu deux années de sécheresse et avant cela, deux années que nous avons passées les pieds dans la boue. Le plan de rachat des subventions accordées en vertu de la LTGO se fondait sur une année jugée équitablement représentative. Les calculs de l'ACRA pourraient être utilisés de façon générale pour accorder à chacune de nos usines un pourcentage équitable des fonds qui pourraient être débloqués. Cela marcherait dans notre cas.

Le sénateur Spivak: Quel est le coût des facteurs de production de la luzerne, par comparaison à ceux des céréales? Est-ce que cela coûte moins cher de cultiver ce dont vous avez besoin pour produire vos granulés?

M. Benoit: De façon générale, le coût des facteurs de production est moins élevé parce que, tout d'abord, la luzerne n'a pas besoin d'engrais. C'est une plante fixatrice d'azote, et elle le diffuse dans le sol.

Deuxièmement, la luzerne est pluriannuelle. On la plante tous les trois ou quatre ans, mais elle permet de faire deux ou trois récoltes. L'équipement nécessaire est du matériel lourd et cher.

Les coûts de la récolte et de la déshydratation sont élevés.

Le sénateur Spivak: Est-ce que ces granulés sont destinés uniquement au bétail ou peuvent-ils être également utilisés pour nourrir les porcs?

M. Benoit: Ils facilitent la digestion chez les truies. Ils sont également utilisés pour nourrir la volaille et ils sont excellents pour les chevaux. Croyez-le ou non, un quart de la production française -- la France est un des plus gros producteurs d'Europe -- sert à nourrir des lapins. C'est un aliment presque parfait pour les lapins. On l'utilise largement, pour nourrir aussi bien les chameaux que les gerbilles.

Le sénateur Spivak: Ce pourrait être une industrie à fort potentiel de croissance puisque le coût des facteurs de production est moins élevé que dans d'autres secteurs, qu'elle est plus respectueuse de l'environnement et qu'elle est la source d'une alimentation qui est meilleure pour le bétail que d'autres aliments à base de produits hachés d'origine animale. Ai-je raison de penser cela?

M. Benoit: La luzerne est la reine du fourrage. C'est un excellent produit.

Le sénateur Sparrow: J'ajouterai que les rats des sables sont également très friands de luzerne.

M. Benoit: Cela ne nous aide pas beaucoup.

Le président: Quel est le coût par balle et combien la vendez-vous? Vous avez dit qu'elle se vend 180 $ la tonne en Europe. C'est pas mal cher pour une balle de foin. À combien vous revient la production?

M. Benoit: Le prix franco dédouané que nous demandions au Japon était de 180 $ US la tonne. Les prix ayant fortement chuté, nous vendons maintenant la tonne de granulés de luzerne déshydratée 120 $. Les cubes valaient plus cher, et il y a eu une chute des prix comparable.

Le président: Si vous pouvez produire cinq tonnes à l'acre, cela vous donne un rendement de près de 1 000 $ l'acre pour cinq tonnes, n'est-ce pas?

M. Benoit: Oui.

Le président: C'est mieux que le blé?

M. Benoit: Eh bien, nous produisons habituellement deux tonnes par acre. Il faut également prendre en considération les frais de transport pour acheminer le produit jusqu'au Japon.

Le président: Je vous remercie de ce rapport très détaillé.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Institut canadien des engrais.

M. Roger Larson, président, Institut canadien des engrais: Au nom de l'ICE, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous ce matin afin de vous parler du transport.

Je vais vous donner de brèves informations sur l'industrie des engrais et sur nos membres; je vais vous parler des besoins des expéditeurs pour assurer leur compétitivité avant d'aborder la question de la situation actuelle du transport ferroviaire au Canada; je vais faire la revue en détail des recommandations de l'ICE concernant la Loi sur les transports au Canada et je vais consacrer quelques minutes aux questions de transport maritime qui intéressent notre industrie, notamment l'importance des ports maritimes et, en particulier, du port de Vancouver. Enfin, si nous avons le temps, je vous parlerai pendant quelques minutes de Canpotex.

L'industrie canadienne des engrais est un important employeur, principalement pour les Canadiens qui habitent les régions rurales. Nous employons environ 12 000 personnes. Au moins la moitié de ces emplois impliquent le recours à des technologies de pointe, exigent de grandes compétences et sont très bien rémunérés. L'industrie produit 24 millions de tonnes métriques d'engrais. Soixante-quinze pour cent de cette production sont exportés. Sa valeur, au point d'exportation, est d'environ 3,2 milliards de dollars. Au Canada, la valeur au détail des engrais vendus au secteur agricole national représente 2 milliards de plus, à quoi il faut ajouter également les ventes aux industries nationales qui se chiffrent aux alentours de 0,5 milliard.

Les exportations de soufre élémentaire représentent de cinq à six millions de tonnes supplémentaires de produits dont la valeur est de 0,5 milliard de dollars. Les engrais ont une très grande importance au plan de l'exportation et pour l'industrie canadienne du transport ferroviaire. Ils constituent environ 15 p. 100 du total des marchandises transportées par rail au Canada. Pour mettre ce chiffre en contexte, il faut savoir que les céréales représentent environ 30 p. 100. Pour le secteur des transports, les producteurs d'engrais et de céréales sont les deux principaux acteurs. Lorsque nous parlons de transport, en général, nous ne parlons pas du trafic voyageur; nous parlons du transport de marchandises en vrac produites par des industries comme la nôtre qui dépendent du secteur ferroviaire pour assurer leur survie et leur accès aux marchés.

Dans le document qui vous a été remis, vous trouverez une carte indiquant où se trouvent nos installations de distribution et de production à travers le Canada. À titre d'exemples, nous comptons deux mines de potasse au Nouveau-Brunswick, une usine d'engrais azoté dans le sud de l'Ontario et une plus petite dans l'est de cette province et une grande usine d'engrais azoté au Manitoba; six mines de potasse appartiennent à PCS, IMC possède trois installations, Agrium exploite une mine de potasse, Saskferco a une usine d'engrais azoté et deux ou trois autres usines dans le nord de la Saskatchewan; en Alberta, Agrium possède quatre usines de fabrication; Canadian Fertilizer, qui appartient aux coopératives, a deux usines à Medicine Hat; Orica, Sherritt, Tiger et SulfurWorks exploitent plusieurs usines de production de soufre. Voilà où sont situées 80 p. 100 de nos installations. Nous avons également une usine de fabrication d'ammoniaque sur la côte, à Kitimat, et Cominco a des installations de production de sulfate d'ammoniaque à Trail. Nos ports sont: Kitimat, naturellement, Vancouver, Portland, Thunder Bay et les Grands Lacs vers le sud. Là, c'est un terminal d'importation. Là aussi, ce sont des terminaux d'importation et ici, c'est pour l'exportation. À peu près toutes les installations de transport par rail et par voie maritime, où qu'elles soient situées au Canada, nous intéressent.

Je passe maintenant aux besoins des expéditeurs pour assurer leur compétitivité. Les facteurs qui influencent le marché mondial et auxquels nous devons faire face à titre de producteurs de marchandises comme, disons, l'urée, sont les mêmes que ceux auxquels sont confrontés nos principaux consommateurs, les agriculteurs canadiens et ceux auxquels nous vendons nos produits à travers le monde. Les prix baissent avec le temps sur le marché des produits de base. Que ce soit les céréales ou les engrais, la tendance des prix est tout à fait comparable. De part et d'autre, il est absolument essentiel d'être compétitif à l'échelle mondiale. Les producteurs de céréales canadiens, tout comme l'industrie canadienne des engrais, dépendent des échanges internationaux pour assurer leur réussite sur le marché. Quand on examine la structure de notre industrie et la consommation canadienne, on se rend compte que notre industrie serait loin d'avoir l'envergure qu'elle a si elle ne pouvait pas exercer une concurrence sur les marchés à l'exportation.

Le transport ferroviaire constitue une part très appréciable des coûts de nos deux industries. En ce qui concerne l'industrie des engrais, cela représente habituellement de 25 à 40 p. 100 de la valeur des produits livrés. En ce sens, le transport par rail peut être le facteur le plus important à prendre en compte lorsqu'on calcule ce qu'il en coûte pour faire parvenir notre produit aux clients, dépassant même le coût de l'extraction ou de la fabrication. À cause de cela, pour réussir à l'échelle internationale, pour être concurrentiels à l'échelle mondiale, nous avons besoin du système de transport ferroviaire le plus efficace et le plus rentable que notre société peut nous fournir.

C'est probablement le même message que vous transmettrait la Western Canadian Wheat Growers Association ou les coopératives des Prairies ou encore la Commission du blé.

La Loi sur les transports au Canada de 1996 a fait pencher la balance législative en faveur des chemins de fer en créant de nouveaux obstacles à l'accès concurrentiel qui pouvait être d'un certain secours. Je songe particulièrement à la disposition sur le préjudice commercial important, l'article 27 ou plutôt le paragraphe 27(2), qui est souvent mentionné.

L'examen de la LTC ne doit pas commencer plus tard que le 1er juillet 2000. Je souligne qu'il n'y a aucune raison qui empêche que cette étude débute plus tôt. Certaines initiatives ont déjà été prises en ce sens, comme les divers examens concernant les céréales qui ont suivi la plainte de la Commission canadienne du blé à propos de ce que l'on a appelé «L'hiver d'enfer» -- si vous voulez bien me permettre d'utiliser cette expression. L'examen entrepris par le juge Estey, ainsi que le processus mis en oeuvre par Arthur Kroeger, ont certainement, du moins de façon périphérique, porté sur certaines des questions qui se posent à propos de la Loi sur les transports au Canada.

L'ICE a élaboré certaines recommandations précises dans le contexte de l'examen qui doit avoir lieu en l'an 2000. Nous aimerions voir le gouvernement améliorer et simplifier l'accès concurrentiel en abrogeant la disposition concernant le préjudice commercial important et en remplaçant les deux articles qui portent sur l'aspect concurrentiel. Il s'agit de celui qui concerne les PLC ou prix de ligne concurrentiels et d'un autre article relatif à l'agrandissement des limites d'interconnexion. Nous recommandons que le gouvernement abroge ces dispositions et les remplace par une mesure portant sur ce que nous appelons un taux d'accès concurrentiel ou, pour faire court, TAC. Nous suggérons également une forme limitée de droits de circulation accompagnée d'un renversement du fardeau de la preuve d'utilité publique. Cela signifie que les chemins de fer seraient tenus de démontrer pourquoi des droits de circulation ne devraient pas être accordés, alors qu'à l'heure actuelle, c'est le requérant qui doit démontrer l'utilité publique d'accorder ces droits.

Enfin, nous avons formulé certaines recommandations à propos de l'arbitrage de l'offre finale qui vont dans le sens d'un processus rationalisé et souple qui reste toutefois à un seul volet. Nous estimons que cette proposition relative à l'arbitrage correspondrait à de nombreuses suggestions qui ont été faites et qui vont dans le sens d'un système d'arbitrage simplifié et moins coûteux, sans toutefois dresser des barrières éventuellement dommageables à l'application de cette disposition très importante.

Améliorer et simplifier l'accès concurrentiel. J'ai mentionné le préjudice commercial important. Je suis sûr que de nombreuses autres personnes vous en ont déjà parlé. La disposition concernant la réglementation des interconnexions que l'on trouve dans la loi est, à notre avis, satisfaisante telle qu'elle est. Nous estimons qu'elle est utilisée de façon efficace pour améliorer la concurrence au plan du transport ferroviaire, étant donné que, si une ligne de chemin de fer dessert une usine, l'autre ligne, située dans un rayon de 30 kilomètres, peut avoir accès à ces expéditions. En fait, en proposant un TAC, nous suggérons d'élargir le rayon où s'applique la réglementation des interconnexions de façon à ce que l'expéditeur puisse avoir accès à un lieu de correspondance où il se trouve plus d'une ligne de chemin de fer pour assurer le service.

Cela fait avec un taux d'accès concurrentiel, les deux autres dispositions deviennent inutiles. Le TAC est une mesure de politique de caractère moins réglementaire que les PLC qui exigent que l'on dépose une demande auprès de l'Office des transports du Canada et qu'il y ait une audience. Avec le TAC, c'est inutile et c'est donc une mesure plus simple à utiliser. De fait, c'est une réglementation applicable de la même façon que celle qui porte actuellement sur l'interconnexion.

Le TAC permet à un expéditeur de choisir comment sa cargaison sera transportée jusqu'au lieu de raccordement avec une autre ligne de chemin de fer ou à partir de ce lieu de correspondance et ce, sur une distance équivalant à la moitié de la distance totale à parcourir, le prix étant calculé selon une formule prédéterminée. Les taux ne sont pas fixés à l'avance. C'est la formule qui l'est, tout comme celle qui s'applique aujourd'hui à l'interconnexion. Les taux sont ensuite déterminés à partir de cette formule.

On peut utiliser diverses mesures, par exemple, le revenu moyen de la compagnie de chemin de fer par tonne-kilomètre ou par tonne-mile. Cette information est actuellement disponible, y compris le code CTI à sept chiffres. Par conséquent, ce n'est pas quelque chose qui exigerait un investissement pour obtenir les informations nécessaires et ensuite, calculer le taux.

Je vais maintenant vous donner rapidement un exemple pour expliquer le concept de TAC et la façon dont cela pourrait fonctionner. Si vous regardez ce graphique, que nous avons utilisé lorsque nous avons comparu devant Arthur Kroeger, vous verrez qu'il y a deux lignes de chemin de fer entre Saskatoon et Vancouver, celle du CN et celle du CP. Si vous habitez le nord de la Saskatchewan près d'une ligne du CN et que vous êtes à plus de 30 kilomètres de Saskatoon, à l'heure actuelle, vous n'avez pas accès à la ligne du CP à Saskatoon, en vertu du règlement s'appliquant à l'interconnexion. Si vous êtes situés dans un rayon de 30 kilomètres, vous avez accès à la compagnie de chemin de fer concurrente. Voici ce que nous proposons: disons que vous êtes situé à 100 kilomètres de Saskatoon. Les premiers 30 kilomètres à parcourir seraient soumis au règlement concernant l'interconnexion et le taux qui s'appliquerait aux derniers 70 kilomètres serait un TAC, calculé en fonction du revenu; à partir de Saskatoon, l'expéditeur pourrait demander au CN et au CP quel serait le meilleur taux qui s'appliquerait au transport de sa cargaison jusqu'à Vancouver, Edmonton ou jusqu'à une usine de semence située au nord d'Edmonton qui pourrait être, elle aussi, captive. Je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails, mais c'est fondamentalement ainsi que le concept fonctionne.

Droits de circulation limités. Les droits de circulation sont actuellement couverts dans la loi, à l'article 138, mais ils sont restreints aux compagnies de chemin de fer de catégorie 1. La concurrence relative aux droits de circulation est limitée au CN et au CP. Selon nous, il faudrait étendre la disposition portant sur ces droits à d'autres compagnies de chemin de fer qui reconnaissent les critères de sécurité imposés par le gouvernement fédéral ainsi que le principe du renversement du fardeau de la preuve dont j'ai parlé. Pourquoi avons-nous besoin d'une forme restreinte de droits de circulation? Nous devons encourager une concurrence plus vive entre les compagnies de chemin de fer pour favoriser la croissance des lignes sur courte distance et la baisse des taux, comme dans tous les autres secteurs déréglementés de notre économie.

Arbitrage de l'offre finale. Le groupe de travail numéro 3, auquel nous n'avons pas participé, ni d'ailleurs d'autres industriels qui sont aussi des expéditeurs, s'est penché sur cette question. Nous estimons que le système relatif à l'arbitrage de l'offre finale qui est actuellement imposé par la loi n'est pas parfait. Il favorise les compagnies de chemin de fer en ce sens qu'elles ont le droit d'examiner l'offre finale d'un expéditeur avant de déposer la leur. Nous estimons qu'il vaudrait la peine d'explorer la façon dont l'arbitrage fonctionne. Mais nous pensons aussi que cette disposition, telle qu'elle est actuellement énoncée, fonctionne bien et qu'il faudrait faire très attention, en ce qui concerne l'arbitrage, de ne pas y porter atteinte.

Toutes les autres dispositions de la loi portant sur la concurrence étant assujetties au principe du «préjudice commercial important», concrètement, l'arbitrage est parfois le seul recours que peut avoir actuellement un expéditeur. Il est donc très important de ne pas porter atteinte à cette disposition. En consultation avec plusieurs autres industriels qui sont également des expéditeurs, nous avons élaboré un modèle d'arbitrage qui permettrait de résoudre certains des problèmes que cela pose et d'instaurer un système moins coûteux qui exigerait moins de temps pour résoudre les questions d'arbitrage plus simples -- disons celles qui impliquent des sommes de moins de 750 000 $ -- mais sans pour autant fixer un montant spécifique. Qu'il s'agisse d'un million de dollars ou de 200 $, nous estimons que l'on peut élaborer un modèle souple, sans pour autant créer un système à deux volets. Nous avons les plus extrêmes réserves à propos du processus à deux volets qui a été proposé et de la liste de critères auxquels le groupe de travail numéro 3 suggère d'assujettir la disposition sur l'arbitrage.

J'aimerais maintenant passer brièvement à la question du transport maritime. L'ICE s'intéresse de très près à la Loi maritime du Canada. Nous estimons que la création d'administrations portuaires au Canada a été une mesure importante et positive pour le secteur maritime. La question du pilotage nous préoccupe quelque peu, et nous avons exprimé de sérieuses réserves à propos des droits de services maritimes. Nous espérons que la Garde côtière continuera à consulter l'industrie pour s'assurer que les services qu'elle veut faire payer et dont elle veut recouvrer les coûts sont ceux dont ont besoin les expéditeurs.

Les ports maritimes ont beaucoup d'importance pour l'industrie canadienne des engrais. Au total, nous expédions environ 8,5 millions de tonnes de produits à partir de ports maritimes. C'est Canpotex, naturellement, qui fait le plus d'expéditions.

J'aimerais brièvement parler du conflit de travail qui a eu lieu il y a un mois dans le port de Vancouver. Nous avons dû annuler des ventes. Quand cela a été possible, nous avons redirigé nos cargaisons sur Portland, mais dans les autres cas, nous avons dû annuler certaines ventes et faire d'autres arrangements. Nos installations de Portland ne pouvaient pas assurer l'expédition de toutes nos cargaisons à nos clients. Il nous est tout simplement impossible d'avoir ce genre d'installations en double et qui se chevauchent. Par ailleurs, les équipes qui ont été établies par les compagnies de chemin de fer et tout le reste de l'infrastructure n'ont pas la capacité nécessaire pour transporter de grosses quantités de produits vers d'autres ports.

Nous avons fait ce que nous avons pu, mais cela a mis en péril la compétitivité de notre industrie. Si nous devons annuler une vente, ce sont les producteurs de l'ancienne Union soviétique, d'Allemagne, d'Israël, de Jordanie et d'ailleurs à travers le monde qui vont en profiter. Parfois, il nous est impossible de récupérer le client concerné. La réputation d'exportateur que s'est taillé le Canada est fondée sur la très grande qualité de nos produits et sur notre capacité à les livrer dans les délais prescrits. Ce qui s'est passé à Vancouver a mis en péril notre réputation de commerçant.

Il faut une solution à long terme. S'il est impossible d'en trouver une, les expéditeurs vont devoir considérer plus sérieusement d'autres options. Il y a quelques années, notre industrie a fait des investissements à Portland à cause des préoccupations que soulevait le port de Vancouver. Aujourd'hui, certains de nos clients insistent pour que nos cargaisons soient expédiées à partir de Portland plutôt qu'à partir de Vancouver. C'est une question de politique gouvernementale qui doit être examinée au Canada; elle a beaucoup d'importance. À notre avis, il faut trouver une solution à long terme. Plusieurs groupes ont proposé le recours à un genre d'arbitrage des offres finales, et nous appuyons cette idée.

Dans le document que nous vous avons distribué, vous trouverez des informations sur Canpotex. Pour ne pas prendre trop de temps, monsieur le président, je ne vais pas m'attarder là-dessus maintenant.

Le président: Mes questions ne portent pas directement sur le transport, mais j'aimerais savoir si, au bout du compte, c'est de l'engrais que paie l'agriculteur ou bien paie-t-il aussi le transport de cet engrais? À l'heure actuelle, un des problèmes majeurs auxquels font face nos agriculteurs, c'est celui des coûts de production, et dans ce secteur, l'engrais est l'un des facteurs de production les plus onéreux.

Mon fils m'a dit: «Papa, si le prix des céréales augmente, les compagnies productrices d'engrais vont juste augmenter le prix de leurs produits et nous ne serons pas plus avancés.» Le prix des engrais n'a pas baissé. Je vous le garantis. Dans le coût de vos engrais, quel est le pourcentage attribuable au transport? Je peux vous dire quel est le pourcentage du transport dans les coûts assumés par les agriculteurs. Si une compagnie productrice d'engrais expédie des produits à Vancouver, quel pourcentage de ses coûts cela représente-t-il?

M. Larson: Cela représente environ de 25 à 40 p. 100 de la valeur du produit une fois livré, tout dépendant de l'endroit où se trouve le client. Pour la potasse livrée dans le sud des États-Unis, cela pourrait monter jusqu'à 40 p. 100. Dans les Prairies, un pourcentage de 25 à 30 p. 100 serait sans doute plus réaliste.

Monsieur le sénateur, je ne veux pas discuter avec vous. Toutefois, si l'on s'en tient aux faits, le coût des engrais a baissé.

Le président: Pas dans mon exploitation agricole.

M. Larson: Peut-être achetez-vous plus d'engrais, monsieur. Il y a deux jours, j'ai présenté notre mémoire sur le coût des engrais au président du comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Je n'ai pas ce document sous les yeux, mais je peux donner les informations qu'il contient au comité. Le fait est que le prix des engrais dans l'ouest du Canada a baissé de 5 p. 100 depuis 1981. Vous avez vu le graphique sur le prix de l'urée. Si vous examinez quelle a été l'évolution des prix avec le temps, vous pouvez voir que depuis 1965, il y a eu une chute spectaculaire. Les chiffres sont donnés en dollars US, on peut donc ajouter 50 p. 100 pour avoir le prix pratiqué aujourd'hui en dollars canadiens. Quoi qu'il en soit, au milieu des années 60, le prix se situait entre 225 et 275 $, environ 250 $ la tonne. Aujourd'hui, le prix est d'environ 100 $ US la tonne. C'est un indice de prix franco rendu dans un port américain du golfe du Mexique, mais cela donne une assez bonne indication du niveau des prix à l'échelle mondiale dans la perspective des fabricants.

En passant, tous les documents que j'ai vus, y compris un mémoire déposé par notre association soeur, la Canadian Association of Agri-Retailers, au Comité permanent il y a une semaine, à Brandon, indiquent que les prix au détail des engrais ont évolué dans ce sens.

Dans une économie où le prix de tous les autres produits a, en général, augmenté de façon significative depuis 1981, le fait que le prix de la tonne d'engrais a baissé de 5 p. 100 indique que notre industrie a fait d'énormes investissements dans ses capacités de production. Pour ce qui est des engrais azotés, la production canadienne est passée de 2 millions de tonnes au début des années 80 à plus de 5 millions de tonnes aujourd'hui. Nous exportons 70 p. 100 de notre production d'engrais azoté. Cela finance des emplois industriels de valeur et très bien rémunérés. Étant donné l'endroit où sont situées ces usines, il se pourrait fort bien que votre fils y ait un emploi s'il n'était pas agriculteur. On ne peut mettre en doute le bien-fondé ni la valeur de notre industrie. Nous subissons le même genre de contraintes en ce qui concerne l'offre et la demande que nos clients agriculteurs. Nous sommes très sensibles au fait que l'agriculture traverse une période de crise financière. La santé économique de notre clientèle d'agriculteurs nous préoccupe beaucoup et nous avons certainement tout intérêt à ce que l'agriculture soit un secteur économique sain et concurrentiel à long terme. Du point de vue de notre industrie, l'agriculteur canadien a tiré des avantages économiques substantiels du fait que l'Ouest canadien est l'une des principales sources d'engrais azoté du monde.

Le président: Vous devez admettre et vous devez savoir, si vous avez suivi la question de près, que nos agriculteurs ne récupèrent pas le coût des intrants. Cela ne se produit tout simplement pas. Par exemple, pour les agriculteurs du Manitoba, cette année a été la plus mauvaise du siècle sur le plan du revenu. En Saskatchewan, le revenu agricole a été le plus bas depuis 1933. Il y a là de très graves problèmes.

J'ai de nombreuses questions sur tout ce qui concerne le coût des intrants, mais je ne vais pas prendre plus de temps, je ne ferais que répéter ce que j'ai déjà dit.

Des camions et des camions d'engrais passent devant ma porte en Saskatchewan, en route pour les États-Unis. Les Américains bénéficient largement des engrais canadiens qui les aident à produire plus de grain et ainsi de suite. Pourtant, je ne vois pas que les entreprises productrices d'engrais viennent à l'aide des agriculteurs lorsque les Américains nous disent de garder notre blé dur. Cela marche dans les deux sens.

J'ai une autre question à ce sujet. De quelle quantité d'engrais disposons-nous et qu'en fait-on? Il ne peut pas y avoir une quantité illimitée d'engrais à Esterhazy, en Saskatchewan.

M. Larson: Monsieur le sénateur, je vais essayer de répondre à ces questions très brièvement. Tout d'abord, ces camions qui passent à Esterhazy transportent en fait de la potasse. Nous serions très heureux de vous en vendre.

Le président: On ne peut pas l'utiliser.

M. Larson: En fait, sur le plan agronomique, vous le pouvez, et nos agronomes pourraient vous montrer comment améliorer votre rendement en utilisant un peu de potasse mélangée aux engrais, même en Saskatchewan. Nous avons de la difficulté à convaincre les agriculteurs et à leur démontrer les avantages d'une fertilisation équilibrée.

Le Canada, dans son ensemble, utilise environ un demi-million de tonnes de potasse. La mine d'Esterhazy produit plus de 2 millions de tonnes par an à elle toute seule. Nous fournissons 95 p. 100 de la potasse utilisée aux États-Unis. En ce qui concerne l'importance du commerce international pour notre secteur, pour revenir à ce que vous avez dit au sujet du blé dur, j'aurais personnellement tendance à être d'accord avec vous.

Le président: C'est un aspect dont vous pourriez peut-être tenir compte au moment de traiter avec les Américains. Nous avons de la difficulté à en arriver à certains accords et on nous ferme certains marchés. Même leurs agriculteurs communiquent avec nous, ceux qui sont suffisamment larges d'esprit, pour nous dire que les engrais du Canada leur permettent d'améliorer considérablement leur production.

Le sénateur Sparrow: Où se trouvent vos concurrents? Est-ce encore au Mexique et à Carlsbad, existe-t-il encore des usines assez importantes?

M. Larson: Combien de temps va durer la potasse? Il y a pour plus de 1 000 ans de réserves en Saskatchewan. Cela va durer très, très longtemps. Il s'agit d'un ancien fond marin qui s'est formé pendant le précambrien. C'est une réserve énorme.

La concurrence nous vient de l'ancienne Union soviétique. Les réserves pourraient y être aussi importantes que les nôtres, bien que nous soyons le plus gros producteur et fournisseur de potasse au monde. À une époque, c'était l'Union soviétique, mais nous l'avons remplacée. La Jordanie, Israël, la région de la mer Morte et l'Allemagne sont également des concurrents dans une moindre mesure. Les réserves de Carlsbad sont pratiquement épuisées. Il ne reste plus qu'un million de tonnes de production. Je ne pense pas que le Mexique produise de la potasse.

Le sénateur Sparrow: Qui fixe le prix international de la potasse?

M. Larson: Le marché, l'offre et la demande.

Le sénateur Sparrow: Influencé par qui?

M. Larson: Le Canada certainement, en tant que principal fournisseur de potasse au monde, a sans doute une grande influence. Du côté de la demande, la Chine pourrait être un des plus gros consommateurs. Elle aurait beaucoup d'influence, à cause de la quantité de potasse qu'elle peut acheter. C'est pourquoi l'admission de la Chine à l'OMC est si importante pour nous. Nous avons fait valoir auprès du gouvernement canadien et de nos négociateurs commerciaux la nécessité d'un marché plus ouvert avec la Chine au moment où nous négocierons son admission à l'OMC. Il est absolument essentiel pour nous d'avoir un marché chinois complètement ouvert et de ne pas laisser entrer ce pays selon les critères utilisés pour l'Inde.

L'Inde peut être un énorme consommateur de potasse. Les États-Unis le sont certainement. Nous vendons 15 millions de tonnes aux États-Unis. L'offre et la demande sont équilibrées. C'est la même chose que pour n'importe quel autre produit. Un petit changement de la demande peut avoir un impact important sur les prix en modifiant légèrement l'équilibre, ce qui fait réagir les marchés.

Le sénateur Fitzpatrick: Je voudrais vous poser une question au sujet du port de Vancouver. Je viens de Colombie-Britannique. Comme vous l'avez dit, le port vient de connaître quelques difficultés. Quel pourcentage de votre production totale passe par le port de Vancouver? Que se passe-t-il à Portland? Existe-t-il un processus d'arbitrage?

M. Paul Lansbergen, agent de communication et services aux membres, Institut canadien des engrais: Le port de Vancouver a une capacité d'environ 4,5 millions de tonnes métriques et expédie actuellement quelque 3,5 millions de tonnes. Chaque fois qu'il existe un risque de grève ou une grève réelle, les expéditeurs, pas uniquement les entreprises productrices d'engrais, commencent à planifier des solutions de rechange. S'il y a le moindre risque de grève, les entreprises productrices et les expéditeurs d'engrais peuvent commencer un mois à l'avance à trouver d'autres routes. Pour l'industrie des engrais, Portland est l'option principale. Portland a une capacité de 4 millions de tonnes métriques. Nous y expédions actuellement environ 1,5 million de tonnes. Mais notre problème est d'acheminer les engrais à Portland. Nous ne pouvons pas prendre une décision un jour et commencer à expédier le lendemain. Il faut du temps pour organiser le service ferroviaire et tout le reste.

Je ne peux rien vous dire sur les lois du travail qui régiraient les expéditions vers Portland.

Le sénateur Fitzpatrick: Quel pourcentage de votre production totale annuelle correspond aux 3,5 millions de tonnes expédiés par Vancouver? Est-ce 10 ou 20 p. 100? À quel point dépendez-vous de Vancouver pour vos expéditions?

M. Lansbergen: C'est environ 12 p. 100. Notre production totale est de 24 millions de tonnes métriques par an. Nous expédions surtout de la potasse par Vancouver.

Le sénateur Fitzpatrick: Quelle est la situation en matière d'arrêts de travail à Portland? Y en a-t-il autant qu'à Vancouver ou est-ce plus calme?

M. Lansbergen: Je dois dire que c'est beaucoup plus calme. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles on a choisi Portland pour y investir davantage. On vient d'y construire des entrepôts afin d'accueillir de nouveaux stocks. On envisage des expéditions à long terme par Portland au cas où.

Le sénateur Fitzpatrick: Mais les tarifs ferroviaires ne sont-ils pas plus élevés vers Portland que vers Vancouver?

M. Lansbergen: Si votre navire est bloqué dans le port, vous devez subir un certain nombre de coûts additionnels pendant que vous attendez la fin de la grève. Il est beaucoup plus facile, ne serait-ce que sur le plan du stress, sans parler des coûts, de passer par Portland.

Le sénateur Sparrow: Pouvez-vous me donner un exemple de la façon dont le processus d'arbitrage fonctionnerait entre les chemins de fer et l'industrie?

M. Larson: J'ai un modèle dont je peux vous parler, bien que je n'aie jamais personnellement participé à un arbitrage. Tout ce que je sais au sujet de l'arbitrage vient de rapports et de ce que m'ont dit les gens à qui j'ai parlé.

Nous proposons un modèle qui prévoit un échange simultané d'offres entre les deux parties, l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer. Cette dernière a déjà dit, à juste titre, qu'elle doit savoir à quoi elle est censée répondre, ce qui est normalement le problème. Dans un arbitrage, c'est l'expéditeur qui prend l'initiative et qui, en fait, déclenche le processus en présentant une demande d'arbitrage. Tant qu'il n'a pas rédigé une offre qui définit exactement son trafic, le nombre de tonnes et tous les autres paramètres, notamment le TAC, la compagnie de chemin de fer ne sait pas très bien de quoi il retourne. C'est pourquoi en vertu de la loi actuelle, la compagnie de chemin de fer a dix jours pour examiner l'offre finale de l'expéditeur avant de lui présenter sa contre-offre et d'en remettre une copie à l'arbitre.

Le problème que pose cette méthode est évidemment que les responsables de la compagnie de chemin de fer voient les tarifs de l'expéditeur dix jours avant d'avoir à déposer son offre finale. Nous proposons un modèle où tout figurerait dans l'offre, sauf les tarifs. À la fin de la période de dix jours, les deux parties pourraient montrer leurs tarifs exactement en même temps. Il y aurait ainsi un certain équilibre.

On a beaucoup parlé du temps et des coûts associés aux audiences. S'il y avait un deuxième volet au processus d'arbitrage, il n'y aurait pas nécessairement d'audience. Nous ne sommes pas convaincus, vu de l'extérieur, que l'abandon des audiences soit une bonne idée. C'est l'occasion, pour les expéditeurs, de se présenter devant un arbitre, dans un cadre judiciaire, et de plaider la cause du traitement inéquitable. Je ne suis pas sûr que les expéditeurs voudraient abandonner cette occasion qui leur est donnée.

Cela dit, nous estimons que si les deux parties se mettent d'accord et que l'arbitre accepte l'arrangement, on pourrait remplacer les audiences par de simples questions, auquel cas l'arbitrage pourrait être terminé en 30 jours ou moins et l'on éviterait le coût des audiences. Par contre, nous croyons qu'il est important que la décision de tenir une audience soit prise pendant le processus et non avant. C'est pourquoi nous tenons absolument à ce que l'on garde un processus à un seul volet et que l'on choisisse ces options au moment où l'on prend les décisions et non avant que la cause soit présentée.

Le sénateur Spivak: Je siégeais au comité des transports lorsqu'on a procédé à cet examen. Nous avons essayé d'apporter des modifications de ce côté-ci pour aider l'expéditeur captif. Mais nous n'avons pas réussi.

Que fait votre industrie pour faire reconnaître l'importance de la crise agricole, c'est-à-dire pour amener le gouvernement à faire du règlement de cette crise une priorité immédiate et urgente? Votre industrie fait-elle quelque chose?

M. Larson: Nous avons eu de nombreux entretiens avec le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire au cours de l'année, lorsque nous avons constaté la crise du revenu agricole. Le problème est apparu il y a un an ou un peu plus. Nous l'avons senti venir.

Nous avons travaillé sur plusieurs aspects parallèlement. Nous avons publié un document de travail sur le changement climatique dans lequel nous avançons que l'une des solutions partielles à la crise du revenu agricole et au changement climatique consisterait, premièrement, à reconnaître que les sols agricoles peuvent être d'extraordinaires puits de carbone. Ce carbone est bon pour l'agriculture canadienne car c'est une matière organique du sol. Nous savons que Conservation des sols Canada, le Sénat et la Chambre des communes ont fait beaucoup pour promouvoir et améliorer la conservation des sols. Nous croyons qu'en adoptant de meilleures technologies agricoles, de nouvelles technologies, des méthodes de travail du sol minimum et une fertilisation adéquate des récoltes, on pourrait accroître et rétablir la matière organique du sol de façon importante. Ce n'est pas une solution éternelle, mais pour les 10 ou 20 prochaines années, nous croyons que cela permettrait de répondre à une bonne partie des obligations que le Canada s'est engagé à remplir à Kyoto, peut-être plus de 20 p. 100. Nous avons terminé une recherche avec l'Université de la Saskatchewan qui montre le fort potentiel de cette méthode.

Les agriculteurs ont besoin d'aide et de mesures incitatives pour adopter des pratiques agricoles qui pourraient représenter la méthode la moins coûteuse de réduire les gaz à effet de serre au Canada. Ce document de travail montre comment nous pouvons créer une situation gagnante.

Le sénateur Spivak: Je ne savais pas que vous aviez publié un document sur la question, mais je suis au courant de cette proposition. Pourrions-nous en avoir des exemplaires?

M. Larson: Absolument.

Le sénateur Spivak: C'est une proposition qui vaut la peine et que j'appuie complètement. Nous avons là une crise à résoudre de façon urgente et immédiate, mais dont on ne semble pas s'occuper. Je ne saurais assez souligner, et je suis sûre que les autres membres du comité sont d'accord avec moi, à quel point il est important de reconnaître l'ampleur de cette crise et de mettre en place les procédures appropriées. Les agriculteurs sont au pied du mur. Il faut que tous les secteurs agricoles, l'industrie et l'économie agricoles contribuent à la solution.

Merci beaucoup. J'ai hâte de procéder à cet examen du paragraphe 27(2); nous l'avons déjà fait une fois et j'espère que cette fois-ci nous réussirons à faire ce qu'il faut.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez exposé tous les problèmes que vous avez dans l'ouest du Canada. Je voudrais savoir quel pourcentage d'engrais consomme le Québec. Le Québec n'est-il pas, peut-être, pénalisé en ce qui concerne les coûts de transport?

[Traduction]

M. Larson: En fait, certains diraient qu'il n'est pas pénalisé, à certains égards. Il est en fait avantagé en raison de son accès au transport maritime.

La consommation d'engrais au Québec est d'environ un demi-million de tonnes sur un total d'environ 5 millions de tonnes au Canada. Une grande partie des engrais utilisés au Québec est importée par le port de Montréal. Nous sommes une industrie de libre-échange. Les produits circulent librement en partance et en provenance du Canada. Nous n'avons absolument pas de protections tarifaires, frontalières ou techniques. Si on peut livrer de l'urée au port de Montréal à partir du Golfe arabe meilleur marché qu'en l'expédiant par chemin de fer à partir de l'Ouest du Canada, il arrive par bateau du Golfe arabe. C'est exactement ce qui se passe.

Nous répondons probablement à la plus grande partie des besoins de potasse du Québec, puisque nous avons deux mines au Nouveau-Brunswick. Nous avons des réserves. Les phosphates destinés au Québec viennent surtout de la Floride. Le Québec utilise de la potasse de Saskatchewan et un peu de potasse du Nouveau-Brunswick. Environ un million de tonnes d'engrais finis est importé au Canada. Sur les 5 millions de tonnes que nous utilisons, nous en importons environ un million. C'est équilibré.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: En matière de transport, vous dites que vous souhaitez une plus grande compétition et que, d'après vous, la meilleure façon de faire serait un plus grand accès à la voie ferrée. Pouvez-vous m'expliquer comment vous allez présenter ces programmes d'accès aux compagnies de transport?

[Traduction]

M. Larson: Je suis désolé de ne pas répondre en français. J'ai été élevé à la ferme, en Saskatchewan. Je m'excuse; je suis anglophone.

Notre industrie n'est pas aussi handicapée que d'autres par le manque d'accès. Huit de nos mines de potasse de la Saskatchewan ont accès à deux voies ferrées, une du CN et une du CP, qui vont jusqu'à la mine. Environ la moitié de nos installations de production d'engrais azoté ont un double accès, c'est-à-dire que les deux compagnies de chemins de fer desservent l'usine. En fait, dans une large mesure, nous avons un double accès direct. Dans ces cas-là, comme l'ont constaté nos membres, les compagnies de chemin de fer se font en fait concurrence.

Certaines de nos usines bénéficient d'accords d'interconnexion. C'est-à-dire que lorsque deux voies ferrées se trouvent dans un rayon de 30 kilomètres l'une de l'autre, elles peuvent être reliées grâce à l'interconnexion. Nous constatons d'ailleurs que les éléments concurrentiels sont plus ou moins les mêmes que s'il y avait en fait deux voies ferrées se rendant directement jusqu'à l'usine ou à la mine. Mais au-delà de cette distance de 30 kilomètres qui permet l'interconnexion, le double accès n'est plus possible.

Nous essayons de trouver une formule qui compense raisonnablement la compagnie de chemin de fer pour la livraison des marchandises jusqu'au lieu de correspondance, car l'indemnisation représente une partie importante de la formule, mais elle crée aussi un contexte dans lequel les deux compagnies peuvent soumissionner, comme elles le feraient si les deux voies ferrées se rendaient jusqu'à l'usine. Puisque au Canada, nous avons deux compagnies de chemin de fer, et pas six ou dix, le niveau de concurrence est forcément limité. Nous visons une politique gouvernementale équilibrée qui tiendrait compte, dans toute la mesure du possible, du fait que nous avons deux compagnies de chemin de fer au Canada et nous essayons de trouver le moyen de donner aux expéditeurs accès à ces deux compagnies de catégorie 1.

En ce qui concerne les exportations vers les États-Unis, on pourrait utiliser CSX ou Burlington Northern, ou quelque chose du genre, mais de nombreux expéditeurs du Canada les considèrent comme des lignes secondaires.

Je voudrais faire remarquer que nous avons présenté une proposition au sujet du TAC. Nous l'avons fait en juin dernier, lors de notre forum sur les transports, auquel nous avons invité des représentants des deux compagnies de chemin de fer, des gouvernements fédéral et provinciaux et de l'industrie céréalière. La plupart des sociétés céréalières du Canada étant membres de l'Institut canadien des engrais, nous avons de bonnes relations de travail avec de nombreux membres de cette industrie. Nous avons abordé la question à plusieurs reprises lors de réunions avec les compagnies de chemin de fer. Nous pensons qu'il s'agit d'une proposition raisonnable et équilibrée qui permettrait d'améliorer la loi actuelle.

Étant donné l'animosité suscitée au sein du groupe de travail 3 par certaines des discussions sur la liberté d'accès, nous pensons que notre proposition visant une forme plus restreinte de droits de circulation et un TAC est peut-être un compromis que toutes les parties pourraient accepter et qui bénéficierait en fait autant à l'industrie céréalière qu'aux autres expéditeurs. Le grain est une composante très importante de l'industrie du transport. Ceux de nos membres qui sont des sociétés céréalières ne s'opposent pas à nos propositions. De fait, je crois qu'une lettre a été envoyée hier au ministre, signée par six grandes associations de l'industrie, dans laquelle il est proposé que notre idée de TAC, de taux d'accès concurrentiel, soit sérieusement envisagée. C'est une idée que l'on commence à considérer comme une option qui mérite d'être étudiée plus à fond.

Le président: Je tiens à vous remercier d'avoir comparu aujourd'hui. Il est évident que nous pourrions passer beaucoup plus de temps sur différents aspects de l'activité des entreprises productrices d'engrais. Nous vous demanderons peut-être de revenir pour cela.

M. Lansbergen: Nous serions ravis de revenir.

Le président: Nous allons maintenant parler de l'organisation du sous-comité sur les forêts. Le sénateur Fitzpatrick et le sénateur St. Germain ont déjà fait un certain travail préliminaire à ce sujet. Sénateur Fitzpatrick, voudriez-vous commencer?

Le sénateur Fitzpatrick: Nous avons rencontré M. Armitage hier et également en juin dernier. Nous avons parlé de la formation du sous-comité chargé de l'industrie forestière et, en particulier, de l'accord sur le bois d'oeuvre résineux qui arrive à terme dans 18 mois et qui revêt de l'importance pour toutes les régions du Canada.

Je crois comprendre que ce sous-comité comprendrait cinq membres. Nous avons parlé avec des sénateurs qui sont prêts à y siéger. Nous aimerions qu'il soit établi dès maintenant afin de pouvoir commencer le travail de préparation pendant la période d'ajournement. Nous nous attendons bien entendu à ce que les audiences se tiennent à Ottawa, mais nous pensons également qu'il est important de se rendre dans les régions. Du fait que cette question concerne les États-Unis et que l'accord sur le bois d'oeuvre résineux y suscite la controverse, il faudrait aussi prévoir un voyage à Washington.

Voilà en gros ce qui a été dit. Sénateur St. Germain, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Le sénateur St. Germain: Monsieur le président et chers collègues, il est important que nous nous occupions de cette question car nous constatons un changement que certains d'entre nous avaient prévu. Les quotas de bois d'oeuvre résineux ont vraiment modifié le marché, et nous perdons une partie de notre marché traditionnel aux États-Unis. Il est essentiel que nous commencions à voir comment nous pouvons contribuer à trouver une solution et éventuellement formuler des recommandations utiles en procédant à un examen de l'industrie et en collaborant peut-être avec les États-Unis.

Il semble que la Suède et d'autres pays qui n'ont jamais exporté vers les États-Unis sont maintenant en mesure d'y expédier du bois de façon concurrentielle. Auparavant, nous détenions et contrôlions ce marché à 100 p. 100. Il est important de se pencher sur cette question. Le sénateur Fitzpatrick et moi-même avons un intérêt personnel dans la mesure où nous venons de Colombie-Britannique. Il est important que nous nous occupions de cette affaire le plus rapidement possible et que nous obtenions l'appui des autres sénateurs.

Le sénateur Fitzpatrick: Il ne semble pas exister de consensus au sein de l'industrie et des différents secteurs sur la question de savoir s'il faut privilégier le commerce administré ou le libre-échange. Je sens que nous allons entendre des arguments très forts de la part des témoins qui préconiseront l'un ou l'autre. Ce sera une étude intéressante et peut-être difficile pour nous.

Le président: Sommes-nous prêts à entendre la motion?

Le sénateur Fitzpatrick: Oui. Je présente la motion:

Qu'un sous-comité sur les forêts soit institué et qu'il soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada;

Que le sous-comité soit investi des pouvoirs conférés au Comité sénatorial permanent de l'agriculture en vertu des articles 89 et 90 du Règlement du Sénat, à l'exception du pouvoir de faire rapport au Sénat directement;

Que cinq (5) membres, dont trois constituent un quorum, soient désignés pour faire partie du sous-comité;

Que le sous-comité sur la forêt boréale soit composé initialement des honorables sénateurs Fairbairn, Fitzpatrick, Gill, St. Germain et Stratton;

Que le greffier du sous-comité soit informé des substitutions.

Le président: Sommes-nous tous en faveur de cette motion?

Des voix: D'accord.

Le président: Je déclare la motion adoptée.

M. Blair Armitage, greffier du comité: Si les membres du comité le souhaitent, nous pouvons tenir dès maintenant en sous-comité la réunion d'organisation ou nous pouvons attendre jusqu'en février.

Le sénateur St. Germain: Nous devrions passer à l'organisation maintenant si cela ne prend pas trop de temps et si les autres sénateurs sont d'accord. Ainsi, nous pourrons mettre des recherchistes à l'oeuvre et commencer à travailler plus tôt que si nous attendons.

La séance est levée.


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