Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 11 mai 2000
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est réuni ce jour à 9 h 20 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, questions sur les études de revenu agricole.
Le sénateur Joyce Fairbairn (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente: Bonjour chers collègues. Nous arrivons au terme d'une très longue série d'audiences échelonnées sur toute une année et consacrées aux problèmes de revenu agricole et de commerce. Nos invités d'aujourd'hui représentent la Western Canadian Wheat Growers Association.
Soyez les bienvenus. Vous avez la parole.
M. Greg Douglas, premier vice-président, Western Canadian Wheat Growers Association: Je tiens à vous remercier de me donner la possibilité de comparaître devant le comité aujourd'hui. J'appartiens à la cinquième génération d'une famille d'agriculteurs établie à McTaggart dans le sud-est de la Saskatchewan. Nous nous adonnons à diverses cultures en rotation constante, notamment les lentilles, les pois, le lin, le canola, le blé dur, le tournesol et les pois chiches. Nous nous sommes également diversifiés en ajoutant l'élevage du bison. Outre mes activités agricoles, je travaille comme vétérinaire à Regina où j'offre mes services à différents cabinets de la ville et de la région.
Vous serez peut-être étonnés de m'entendre dire que je suis optimiste quant à l'avenir de l'agriculture. Vous avez sans aucun doute entendu de nombreuses opinions contraires tout au long de votre étude de la question. Si les perspectives à court terme semblent sombres, je suis convaincu que l'agriculture de l'Ouest canadien sera l'activité la plus dynamique des 20 prochaines années. Si nous pouvions nous débarrasser de certaines réglementations et perspectives périmées, nous pourrions réinventer notre secteur et rétablir nos collectivités rurales.
Toutefois, si vous vous êtes déjà trouvé dans la situation de devoir soulever un objet sur lequel se tient une personne, vous comprendrez ce que l'on ressent souvent dans le domaine agricole. L'agriculture des Prairies est vouée à l'immobilité du fait du poids mort de la réglementation, de la fiscalité élevée, de l'inefficacité, et bien sûr des subventions étrangères. Nous devons tenter de résoudre ces problèmes si nous voulons que notre secteur et notre mode de vie prospèrent au XXIe siècle.
Le problème du revenu agricole fait les manchettes des journaux depuis plus d'un an, mais malheureusement, ce n'est pas chose nouvelle. Nous entendons souvent parler de la misère des terribles années 30, mais nous avons eu de nombreux défis à relever depuis. En 1969, une abondante récolte de blé n'a pu être vendue. Au début des années 70, le gouvernement fédéral a payé des agriculteurs pour qu'ils arrêtent de cultiver leurs terres. À la fin des années 80 et au début des années 90, la sécheresse, les invasions de sauterelles et les subventions étrangères ont mené à la faillite de nombreuses familles d'agriculteurs.
À chaque crise, des politiciens bien intentionnés ont répondu par des solutions ponctuelles qui ont toutes échoué. Les paiements spéciaux pour les grains de la fin des années 80 n'ont pas constitué une solution à long terme. Divers programmes de stabilisation ont été concoctés lorsque les replis du marché étaient à leur maximum pour être par la suite abandonnés.
Nous nous trouvons pris dans un engrenage parce que nous n'avons pas su reconnaître la nécessité du changement structurel pour notre secteur. Nombreux sont ceux qui regrettent le bon vieux temps en oubliant que la tendance aux exploitations plus importantes et moins nombreuses existe depuis plus de 60 ans dans les Prairies. Par exemple, depuis 1936, la Saskatchewan a perdu 60 p. 100 de ses exploitations agricoles. Et même entre 1971 et 1976 -- où l'on a connu quelques-unes des années les plus rentables du secteur céréalier dans les Prairies -- plus de 6 000 agriculteurs de la Saskatchewan ont quitté la terre. Les chiffres n'étaient guère plus élevés entre 1966 et 1971 -- qui étaient parmi les pires années de l'histoire -- puisque 8 700 agriculteurs saskatchewannais ont plié bagage.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je ne vous ferai pas une description détaillée du problème car je suis sûr que vous avez déjà tout entendu. Les agriculteurs européens et américains sont fortement subventionnés -- 56 cents du dollar en Europe pour le blé contre 38 cents aux États-Unis, et seulement 9 cents au Canada. Les agriculteurs reçoivent une portion congrue de la valeur des aliments qu'ils produisent -- 5 cents pour le blé qui entre dans la fabrication de chaque miche de pain et 14 cents pour l'orge qui entre dans la composition de la bière contenue dans une caisse. Mais si de nombreux dirigeants agricoles et politiciens ont exprimé leur indignation face à ces chiffres, je n'ai guère entendu proposer de solutions constructives.
La Western Canadian Wheat Growers Association est composée d'agriculteurs qui estiment pouvoir surmonter eux-mêmes ces obstacles si on leur donne les outils voulus. Nous nous attachons aux solutions axées sur le marché qui vont permettre aux agriculteurs de l'Ouest canadien de prospérer, notamment une intervention moindre du gouvernement et la liberté de choix pour la commercialisation des céréales.
Pendant la crise actuelle du revenu agricole, nous avons surtout manifesté notre colère à l'égard des décideurs européens et américains qui continuent à subventionner leurs agriculteurs de façon indécente. Le gouvernement fédéral nous a promis de défendre avec force l'élimination de toutes les subventions à l'exportation au cours des négociations actuelles de l'Organisation mondiale du commerce et c'est là chose encourageante. Mais il faut être réaliste: il faudra sans doute plusieurs années avant que le problème des subventions disparaisse. Même si l'on élimine les subventions, le raffermissement du marché des céréales n'est pas garanti.
En réalité, la plupart des obstacles à la rentabilité ont été créés à l'intérieur même de nos frontières. Ce sont notamment les systèmes périmés de commercialisation et de transport, la lourde charge fiscale, l'assurance-récolte insuffisante et la non-inclusion des agriculteurs dans le secteur de la transformation à valeur ajoutée. Ces obstacles ont contribué à l'instauration d'un cycle, qui semble ne pas devoir finir, de hauts et de bas qui a contraint les agriculteurs à demander l'aide des contribuables à de nombreuses reprises.
Je lance un défi aux membres du comité, celui de se consacrer à l'élaboration d'un plan général qui mette fin à ce cycle. Donnez-nous les outils dont nous avons besoin pour gagner notre vie en cultivant la terre et non en recevant l'aumône du gouvernement. Ce serait le programme idéal de protection du revenu.
Notre association a proposé un plan en plusieurs étapes pour résoudre le problème actuel du revenu agricole tout en dotant aux agriculteurs des outils voulus pour faire face à la concurrence sur le marché mondial à l'avenir. Notre plan comporte notamment les éléments suivants: un système de commercialisation volontaire avec la Commission canadienne du blé afin de donner aux céréaliculteurs la souplesse voulue pour établir les prix des céréales à des niveaux qui répondent aux besoins de leur entreprise; un système de transport des céréales plus efficace et concurrentiel s'appuyant sur l'ensemble du rapport Estey; un programme national d'aide en cas de catastrophe qui garantisse une protection du revenu sûre et prévisible; le perfectionnement du programme du CSRN, notamment pour qu'il tienne davantage compte des jeunes agriculteurs; l'amélioration de l'assurance-récolte, notamment la possibilité d'envisager un régime d'assurance privé; la conclusion d'une entente zéro pour zéro sur les subventions et les mécanismes de distorsion du commerce dans le cadre des négociations actuelles de l'Organisation mondiale du commerce; un dégrèvement fiscal pour le carburant, le matériel et les terres; une augmentation du pourcentage des avances en espèces accordées sous forme de prêt par la Commission canadienne du blé; l'aide alimentaire comme moyen pour faire circuler les céréales dans le système et améliorer les rentrées des agriculteurs; et des encouragements pour que les agriculteurs participent aux initiatives de transformation à valeur ajoutée.
Les sondages effectués ces dernières années indiquent uniformément que les deux tiers au moins des agriculteurs sont favorables à un système de commercialisation volontaire avec la commission du blé. Et pourtant le gouvernement fédéral continue à faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que cela se produise. La fin du monopole ne constituerait pas la panacée contre la faiblesse des prix des céréales, mais elle permettrait aux agriculteurs de gérer leur entreprise de façon plus efficace lorsque les temps sont difficiles.
Bien que l'établissement de deux nouvelles options de fixation des prix par la Commission canadienne du blé ce printemps constitue un pas dans la bonne direction, cette mesure ne va pas assez loin. Tout d'abord, le prix fixé par elle est une version actualisée des perspectives de rendement, car c'est un chiffre fixé arbitrairement par la commission. Reste à savoir s'il correspond comme il se doit aux prix mondiaux des céréales. Par ailleurs, ces nouvelles possibilités d'établissement des prix sont insignifiantes si on les compare au large éventail de choix qui existe déjà pour les autres cultures, comme le canola et le lin. Les options de la commission n'offrent toujours pas de véritables prix au comptant parce qu'il n'y a pas d'offres concurrentes pour nos céréales.
Ces modestes mesures ne sont prises qu'une fois que la majorité des agriculteurs a déjà perdu confiance dans le système monopolistique à guichet unique. La crédibilité est donc un facteur à prendre en compte. Tant que les agriculteurs ne seront pas libres de vendre leur blé et leur orge aux clients de leur choix, au meilleur prix possible, cette question litigieuse ne sera pas résolue.
Nous avons été très déçus d'apprendre hier que le gouvernement fédéral a décidé de faire perdre du temps aux agriculteurs, et à de nombreux autres représentants du secteur, en ne mettant pas en oeuvre les éléments fondamentaux du rapport Estey. Un système commercial de transport des céréales fondé sur la vision du rapport Estey entraînerait des avantages monétaires réels pour les agriculteurs des Prairies. L'association et plusieurs autres organisations agricoles de la Prairie Farm Commodity Coalition ont calculé que des économies d'environ 10 $ l'acre -- 300 millions de dollars -- seraient réalisées directement par les agriculteurs chaque année si les réformes préconisées dans le rapport Estey étaient réalisées.
Le régime canadien de manutention et de transport des céréales est dysfonctionnel. Entre 1984 et 1994, il est tombé en panne à 20 reprises et a été complètement paralysé au cours de l'hiver 1996-1997. L'automne dernier, la formule rigide de l'attribution du matériel remorqué n'a pas permis de fournir suffisamment de wagons pour les céréales des agriculteurs qui ne relèvent pas de la commission, ce qui, selon des porte-parole du secteur, a fait manquer aux agriculteurs des Prairies la vente possible de 200 000 à 400 000 tonnes de canola à la Chine. Le segment des cultures spéciales a également signalé des ventes manquées en raison de l'impossibilité d'obtenir des wagons. Il y a un an, dans une étude indépendante réalisée par l'Organization for Western Economic Cooperation, on concluait que le système réglementé de transport des céréales du Canada coûte un dollar de plus le boisseau aux agriculteurs des Prairies que le système américain.
Un système de transport commercial obligera les entreprises céréalières et les chemins de fer à se faire concurrence pour amener les céréales au port au moindre coût. Il entraînera une baisse des tarifs-marchandises et une amélioration du service. Mais cela ne se fera pas si nous adoptons la solution boiteuse que préconise certains. La réforme du système de transport doit se faire globalement et inclure notamment les éléments suivants: un système de soumissions uniquement pour que les entreprises céréalières exécutent les commandes de la commission du blé et les livrent au port; une réduction des tarifs-marchandises en faisant à la fois jouer les forces législatives et concurrentielles; et des mesures pour améliorer la concurrence ferroviaire, en envisageant notamment la liberté d'accès.
Tant que la Commission canadienne du blé attribuera les wagons en fonction des anciennes parts de marché des entreprises céréalières, la concurrence sera étouffée et les agriculteurs seront contraints d'accepter en permanence les tarifs élevés qu'autorise la législation. Cela a été clairement démontré récemment lorsque l'Office des transports du Canada a annoncé une hausse des tarifs-marchandises de 4,5 p. 100 pour couvrir l'augmentation du prix du carburant et de la main-d'oeuvre. Tant que les tarifs-marchandises seront fixés par des formules conçues par des fonctionnaires, les agriculteurs devront continuer à en assumer les coûts. Tant que ne sera pas mis en place un système entièrement commercial avec contrats irrévocables, les agriculteurs devront assumer la responsabilité des erreurs d'autrui.
L'un des plus gros défauts de nos anciens programmes de protection du revenu était leur manque de fiabilité. Dès que les agriculteurs pensent pouvoir miser sur quelque chose, les règles changent ou le programme est arbitrairement supprimé -- comme ce fut le cas en Saskatchewan avec le RARB. Les agriculteurs ont besoin d'un programme national durable d'aide en cas de catastrophe, qui soit prévisible et fiable. Et ce programme devrait être ciblé, indépendant de la production, et entrer dans la catégorie verte en vertu des règles de l'OMC.
Il est clair que le programme ACRA ne permet pas de résoudre, comme il se doit, les problèmes qu'ont connus les céréaliculteurs ces deux dernières années. L'association n'a cependant pas rejoint les rangs de ceux qui demandent la suppression de l'ACRA. L'histoire nous a montré qu'on avait été peu prévoyant en abandonnant des programmes comme le RARB et le Programme de stabilisation concernant le grain de l'Ouest. Nous croyons qu'il est possible et indispensable de sauver le programme ACRA sous une forme ou sous une autre. En participant aux travaux du Comité consultatif national sur la protection du revenu, nous continuons à étudier les possibilités d'amélioration du programme.
Pour de nombreux agriculteurs, le CSRN a été un outil efficace. Il faudrait cependant l'améliorer en le rendant davantage accessible aux jeunes et aux nouveaux agriculteurs, en assouplissant les modalités de retrait et d'obtention d'avances sur les revenus futurs. S'il y a des sommes importantes dans les CSRN de toute la région des Prairies, c'est peut-être le lien entre l'endroit où se trouve l'argent et l'endroit où l'argent est nécessaire qui fait défaut.
Les inondations de l'année dernière et les sécheresses des années précédentes ont montré l'insuffisance de l'assurance récolte. Dans de nombreux secteurs, les primes sont simplement trop élevées par rapport aux garanties offertes. Bien que certains ajustements aient été apportés aux programmes provinciaux cette année, nous croyons que d'autres améliorations sont nécessaires pour faire de l'assurance-récolte un outil valable pour un plus large éventail d'agriculteurs. L'association est en train de mettre au point des propositions de régime d'assurance privé qui ressemblerait au RARB, mais qui serait administré par le secteur privé pour réduire les coûts et l'ingérence politique.
L'hypocrisie de la position du Canada pour les nouvelles négociations de l'Organisation mondiale du commerce nous inquiète beaucoup. Nous demandons, en gros, aux autres pays de supprimer leurs subventions et leurs obstacles au commerce, tout en insistant pour conserver les nôtres. Nous agissons contre les intérêts des céréaliculteurs des Prairies pour protéger les secteurs assujettis à la gestion de l'offre, comme ceux des produits laitiers, des oeufs et de la volaille, qui sont essentiellement situés dans le centre du Canada. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques, par exemple, les subventions canadiennes destinées aux producteurs laitiers correspondent à peu près à celles de l'Union européenne et des États-Unis, à raison de 58 cents le dollar. Les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux reçoivent un tout autre traitement. Nous estimons que les négociateurs canadiens doivent faire preuve d'une certaine cohérence lorsqu'ils s'engagent à viser l'objectif zéro pour zéro pour les subventions et être prêts à discuter de modifications pour les secteurs assujettis à la gestion de l'offre aussi bien que pour le monopole de la Commission canadienne du blé.
Les impôts et taxes payés par les agriculteurs ou par leurs fournisseurs de produits et de services constituent en fait une imposition de la production alimentaire. Il s'agit notamment de la taxe sur les carburants, sur les engrais, sur les produits chimiques, sur le matériel et de l'impôt foncier, qui viennent s'ajouter au coût de nos intrants. Les agriculteurs vendent au prix du marché et ne peuvent donc pas répercuter ces coûts sur leurs clients.
La taxe pour l'éducation est injustement appliquée aux terres agricoles, et cela doit être corrigé au niveau provincial. Les agriculteurs sont tout à fait disposés à payer leur juste part du coût de l'éducation si l'équité est respectée.
Si les agriculteurs sont exemptés de la plupart des taxes provinciales sur les carburants, ils doivent payer les taxes fédérales de 4 cents le litre pour le diesel et de 10 cents pour l'essence. Pour une ferme type de 2 000 acres, cette facture se monte à peu près à 1 000 $ par an.
Les taxes fédérales et provinciales sur les carburants que paient les compagnies de chemins de fer et de camionnage augmentent également nos coûts. Canadien Pacifique Limitée estime que la taxe sur les carburants représente environ 2,3 p. 100 des tarifs-marchandises, soit entre 55 et 95 cents la tonne selon le lieu de culture. La taxe sur le diesel pour le transport ferroviaire en Saskatchewan est énorme, puisqu'elle correspond à 15 cents le litre, soit cinq fois plus que celle de l'Alberta et plus du double de celle du Manitoba.
Un plan général d'allégement fiscal constituerait une façon de venir en aide aux agriculteurs, qui correspondrait exactement aux coûts que doivent assumer les exploitations agricoles, sans avoir d'incidence sur le commerce. Pour l'impôt scolaire et foncier, on pourrait envisager un crédit d'impôt qui soit fonction de la capacité des agriculteurs d'obtenir un revenu d'une parcelle de terre donnée.
L'une des grandes lacunes de l'économie des Prairies vient de ce que nous n'avons pas ajouté de valeur aux produits que nous cultivons. Cela commence à changer, surtout en Alberta et au Manitoba. Malheureusement, la Saskatchewan accuse du retard.
Je suis fier d'être actionnaire de Prairie Pasta Producers, un groupement d'agriculteurs canadiens et américains qui essaie de construire des usines de pâtes alimentaires dans le sud-est de la Saskatchewan et dans le sud-ouest du Manitoba. Mais nos efforts ont été contrés par le système rigide d'établissement des prix de la Commission canadienne du blé, laquelle a carrément déclaré que les agriculteurs qui risquaient leur argent dans une entreprise de pâtes alimentaires ne devraient pas être avantagés par rapport à ceux qui ne le font pas. Est-il surprenant que pratiquement tous les investissements à valeur ajoutée dans l'ouest du Canada soient faits pour des cultures qui ne relèvent pas de la commission?
Tant que cette attitude prévaudra, les agriculteurs n'essaieront pas d'ajouter de la valeur aux céréales de la Commission canadienne du blé. Ils resteront au bas de l'échelle de valeur de la production alimentaire et le développement économique sera découragé -- tout cela pour protéger la vache sacrée de la mise en commun obligatoire.
En conclusion, j'aimerais insister de nouveau sur le fait que les agriculteurs de l'Ouest canadien ne veulent pas être subventionnés. Ils ont toutefois besoin d'outils pour réagir aux distorsions du marché, dues aux subventions et aux obstacles importants qui faussent les échanges, dont l'effet se fait sentir sur les bénéfices qu'ils peuvent tirer d'activités qui se font ici chez eux. Les années 80 nous ont montré que les solutions à court terme ne sont pas des solutions à long terme. Par contre, on sait que lorsqu'on s'engage dans des programmes à long terme, on obtient des gains immédiats. Il nous faut une stratégie très générale pour créer un environnement qui permettra aux agriculteurs et à leurs collectivités de prospérer au XXIe siècle.
Il nous faut aussi admettre que le changement est inévitable et qu'il crée des possibilités nouvelles. De nombreux membres de l'association ont profité des créneaux offerts par la diversification dans des secteurs comme la production de la framboise et du vin. D'autres ont ajouté avec succès la carotte à la liste de leurs cultures. L'un de nos membres de la Saskatchewan a créé des débouchés pour les semences de mauvaises herbes, la balle de sarrasin et même l'ergot, champignon qui peut dévaloriser les récoltes de blé mais qui a des propriétés pharmaceutiques.
Nous vivons une époque stimulante et je crois qu'en utilisant notre ingéniosité dans un contexte où l'innovation est encouragée, nous pouvons et nous allons réussir.
Le sénateur Stratton: Je vous souhaite la bienvenue. Vous dites dans votre exposé que pour être réalistes, il faudrait prévoir plusieurs années avant que les programmes de subventions disparaissent. Je pense sérieusement qu'en fait de plusieurs années, il pourrait s'agir de 15 à 20 ans. C'est une entreprise à long terme. L'Union européenne notamment ne semble pas vouloir bouger en ce qui concerne l'importance de ses subventions. Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
Mme Sharon McKinnon, gestionnaire responsable de politiques, Western Canadian Wheat Growers Association: Je suis entièrement d'accord. Il est très difficile de traiter avec les États-Unis et l'Union européenne, qui croient que le commerce est une voie à sens unique. Les agriculteurs de ces régions -- et nous avons assez souvent affaire aux agriculteurs américains -- sont très en colère lorsqu'ils voient des céréales canadiennes arriver chez eux. L'Union européenne est absolument implacable lorsqu'il s'agit de procéder à des changements. Ses subventions agricoles existent pour des raisons autres que le simple fait de subventionner les agriculteurs et elle n'est pas particulièrement prête à modifier sa façon de faire. Il faudra sans doute attendre très longtemps avant que des changements soient apportés au régime des subventions.
M. Douglas: Cela dit, Mike Gifford s'est adressé à notre congrès au Mexique. Vous en avez sans doute entendu parler. C'est l'un des négociateurs commerciaux les plus expérimentés qui a participé aux discussions agricoles. Il a constaté dernièrement, dans le groupe européen, une évolution qu'il n'avait jamais vue auparavant. Mais il constate aussi une certaine obstination de la part d'autres pays qui n'avaient jamais eu cette attitude auparavant, notamment l'Asie du sud-est; c'est du moins ce qu'il a dit. Il n'y a pas de solution rapide en vue qui puisse profiter à ma génération d'agriculteurs.
Le sénateur Stratton: Vous pensez que si nous mettons en place un programme à long terme d'aide en cas de catastrophe, il ne faudrait pas qu'il s'agisse d'une mesure ponctuelle de trois ans. Il faut viser le long terme et procéder à des ajustements au fur et à mesure que les Européens et les Japonais diminuent leurs subventions. Est-ce de cette façon que vous envisageriez ce programme?
M. Douglas: Un programme d'aide en cas de catastrophe doit être prévisible. Il faut qu'il existe en permanence. Il faut que ce soit quelque chose sur quoi les agriculteurs puisent miser et qu'ils puissent comprendre. Il ne faudrait pas que les agriculteurs se trouvent confrontés aux règles d'un nouveau programme tous les deux ans ou à un nouvel acronyme qu'on leur balance. Indépendamment de l'argent, il faut qu'il reste là sans être influencé par les différentes tendances politiques ou le sectarisme.
Le sénateur Stratton: Vous citez également dans votre exposé l'aide alimentaire comme moyen pour faire circuler les céréales dans le système et améliorer les rentrées des agriculteurs. Qu'entendez-vous par là?
M. Douglas: Le plus gros problème que pose la Commission canadienne du blé est que, lorsque vous gérez une grosse entreprise -- et les exploitations agricoles des Prairies sont maintenant des entreprises qui représentent plusieurs millions de dollars --, il est très difficile de traiter avec vos créditeurs si vous n'avez absolument pas la possibilité de vendre les céréales de la commission qui restent dans les silos. La circulation des céréales dans le système est très importante. C'est simplement un moyen qui pourrait nous permettre de faire circuler davantage de céréales dans le système pour aider les agriculteurs.
Le sénateur Stratton: Lorsque vous parlez d'aide alimentaire, s'agit-il de donner gratuitement des céréales à certains pays? On pourrait l'interpréter ainsi. Est-ce là ce que vous entendez?
M. Douglas: Ce pourrait être le cas.
Le sénateur Stratton: N'est-ce pas une autre forme indirecte de subventions alors que nous voulons en fait nous débarrasser des subventions? Il y a des pays qui utilisent l'aide alimentaire comme moyen pour subventionner leurs agriculteurs. Ils font cadeau des céréales à d'autres pays. Cela se fait actuellement n'est-ce pas?
M. Douglas: Nous ne demandons pas une généralisation du procédé, mais si on donne de toute façon des céréales, il faudrait le faire de façon plus calculée pour que ce soit prévisible. Faire circuler les céréales dans le système pourrait être utile, mais des cadeaux ponctuels de céréales dans le monde entier ne vont rien faire pour les prix mondiaux du blé.
Le sénateur Stratton: Que je sache, c'est ce que d'autres pays font déjà dans une certaine mesure. Si on opte pour la même solution, on se trouve tout à coup pris dans un engrenage qui n'a d'autre résultat que d'aider les pays en question. On ne résout certainement pas de cette façon les problèmes à long terme qu'on a.
M. Douglas: Absolument. Je suis d'accord avec vous. On pousse les producteurs à croire qu'il faut davantage de céréales pour l'exportation alors que ce n'est pas vrai, puisqu'on ne reçoit pas d'argent en contrepartie. Si on doit faire cadeau des céréales pour des raisons humanitaires, il faudrait que cela se fasse de façon calculée pour faire circuler les céréales dans le système. En gros, l'agriculteur de l'Ouest canadien a toujours eu affaire à une surabondance; il a toujours vu les choses se mettre en place au moment de la récolte et à la fin de la campagne agricole. Cela peut être organisé et encouragé de façon à augmenter en partie les liquidités.
Le sénateur Wiebe: Les problèmes de trésorerie que connaissent les agriculteurs en étant obligés de garder leurs céréales dans les silos à la ferme, indiquent-ils que le programme actuel d'avances en espèces sur les céréales entreposées est insuffisant?
M. Douglas: Malheureusement, le programme d'avances en espèces ne constitue pas la réponse. La réponse devrait modifier le système pour permettre de faire circuler les céréales de la commission de la même façon que le canola et le lin circulent. Le système d'avances en espèces est utile pour protéger les agriculteurs du système artificiel auquel ils ont affaire. Nous entreposons dans nos fermes beaucoup plus de céréales que les Américains. Les avances sous forme de prêt ne sont pas nécessairement censées défrayer l'entreposage. Elles sont censées remplacer les liquidités qui manquent. Le programme des avances en espèces sous forme de prêt a-t-il été conçu pour nous aider pour l'entreposage des céréales? Je ne le crois pas.
Le sénateur Wiebe: Je ne pense pas que le programme d'avances en espèces nous aide pour l'entreposage. Ce programme d'avances en espèces sous forme de prêt sans intérêt nous permet de recevoir l'argent pour les céréales que nous n'avons pas pu vendre. Autrement dit, ce programme d'avances en espèces répond-il aux besoins des agriculteurs qui ont des factures à payer et qui disposent de céréales entreposées, mais qui ne peuvent pas faire circuler ces produits?
M. Douglas: Non, pas actuellement, pas de la façon dont il est conçu.
Le sénateur Wiebe: Devrait-on augmenter les montants des avances en espèces?
M. Douglas: Absolument, si on doit garder le système actuel.
Mme McKinnon: Il vaut mieux permettre aux agriculteurs de vendre leurs céréales lorsqu'ils ont besoin de liquidités. Leur situation serait bien meilleure avec un système comme celui-là, plutôt que de devoir attendre un paiement parfois 18 mois lorsque les avances en espèces suppléent aux liquidités manquantes. Il vaut mieux que les liquidités viennent du marché.
Le sénateur Wiebe: Que se passe-t-il si le marché est inexistant?
M. Douglas: Si le marché est inexistant pour les céréales de la commission...
Le sénateur Wiebe: Je veux parler de toutes les céréales.
M. Douglas: D'accord. Mais cela influe artificiellement sur mes céréales qui ne relèvent pas de la commission, et sur toutes mes récoltes de légumineuses à grains. Si je suis obligé de garder les céréales de la commission, je dois accepter tout ce que veut bien m'accorder le marché pour toutes mes autres récoltes. Dans mon exploitation, nous cultivons de très nombreuses plantes. Si je suis contraint à prendre des décisions difficiles, je vais réduire autant que possible mes revers pour certaines des décisions difficiles si je dois obtenir un maximum de liquidités. Avec les céréales de la commission, je suis contraint à une mise en commun plus restreinte de céréales. Je dois prendre ce que le marché va me donner pour mon tournesol ou mes lentilles. Dans mon exploitation, je suis obligé de vendre mes récoltes de légumineuses à grains, mes lentilles, avant Noël, parce que la commission vend en général moins de céréales entre le moment de la récolte et Noël que pendant le reste de l'année.
Le sénateur Wiebe: Je vais me faire l'avocat du diable pendant un instant. Cela vaut pour toutes les céréales si les marchés sont faibles, et avec ce système vous devez vendre pour vous acquitter de vos obligations. Il est clair qu'un système d'avances en espèces sans intérêt, comme celui dont nous parlons, permettrait aux agriculteurs de garder ces céréales jusqu'à ce que le prix ou le marché devienne plus intéressant. Cela ne constituerait-il pas un bien meilleur outil de commercialisation pour l'agriculteur, qui lui permettrait d'attendre pour tirer le maximum de ses céréales? Comme vous et moi le savons, les marchés évoluent parfois rapidement, et si vous êtes prisonnier d'un système qui vous oblige à vendre à un moment donné...
M. Douglas: Je ne sais si c'est dans l'intérêt de qui que ce soit de me subventionner ou de subventionner mes voisins pour spéculer à la bourse des marchandises. Je pense être le plus intelligent du coin. Regardez autour de la bourse des marchandises de Winnipeg, vous n'y verrez pas beaucoup de Cadillac. Personne ne connaît toutes les réponses lorsqu'il s'agit des tendances du marché, et je ne suis pas convaincu que les contribuables canadiens veuillent me subventionner ou m'accorder des prêts sans intérêt pour toutes mes cultures et mes marchandises afin que je puisse attendre ce que je crois être le meilleur prix.
Le sénateur Wiebe: Pensez-vous que votre façon de voir soit celle de la plupart des agriculteurs?
M. Douglas: La plupart des agriculteurs s'inquiètent du marché, mais les deux tiers de ceux qui ont été interrogés par la Commission canadienne du blé commencent à avoir l'impression de mieux savoir gérer leurs risques dans leur exploitation que n'importe qui d'autre, y compris le gouvernement et les organisations parrainées par le gouvernement. Je le fais pour mes légumineuses à grains et mes oléagineux. Je gère mes risques pour l'ensemble de mon entreprise de toutes sortes de façons, grâce à des programmes d'assurance, à des options, à des contrats à terme ou à un étalement de mes cultures sur plusieurs parcelles de terre. Ce sont des choses que je peux faire, mais malheureusement, vous m'ôtez ma capacité de gérer mes risques pour les céréales que je suis bien franchement obligé de cultiver. De nombreux agriculteurs vous diront qu'ils ne cultivent pas de céréales pour la commission par principe. Pour mon assolement, je dois cultiver des céréales sur la moitié de mes terres pour réduire au maximum les maladies et les problèmes d'insectes et de champignons. Si vous m'empêchez de gérer ces liquidités, vous portez atteinte à mon exploitation. Je ne crois pas que la réponse à long terme soit de commencer à faire de la microgestion dans mon exploitation pour m'aider à ce que vous pensez ou à ce que nous pensons tous être la bonne façon de commercialiser nos céréales.
Le sénateur Fitzpatrick: Merci d'être venus. J'aimerais connaître la taille de votre exploitation pour voir où elle se situe par rapport à la moyenne. Êtes-vous un exploitant plus important que la moyenne?
M. Douglas: Il y a cinq ans, j'aurais dit que notre exploitation était à peu près moyenne; maintenant, elle correspond sans doute au double. J'ai 38 ans et j'ai un carnet de livraisons de la Commission canadienne du blé depuis l'âge de 17 ans. Je mène l'exploitation avec mon frère, qui est ingénieur, et mon père, qui est également ingénieur. Nous exploitons donc ensemble les terres et nous allons probablement ensemencer 5 100 acres cette année. Nous avons beaucoup grossi. Nous ne sommes pas propriétaires de toutes les terres. Nous en louons certaines et nous faisons de l'agriculture sous contrat. Nous faisons tout ce qui est possible et nous nous en sortons assez bien.
Le sénateur Fitzpatrick: Il est clair que plus vous grossissez, plus vous courez de risques. Mais nous savons que nous avons des problèmes structurels dans le secteur. Voulez-vous dire que grossir est l'une des solutions ou l'un des moyens qui vont nous permettre d'être plus concurrentiels dans ce secteur au Canada?
M. Douglas: Dire que la taille de l'exploitation est la réponse à tout est un peu simpliste. La plupart des raisons qui font que nous sommes rentables et que nous avons pu conserver notre exploitation sont tout à fait indépendantes de la taille de l'entreprise. Elles relèvent entièrement de votre esprit d'innovation. Dans notre région, nous nous sommes lancés dans la culture des légumineuses à grains alors que personne d'autre ne le faisait. Nous avons essayé de gérer de façon optimale la fertilité de nos terres et la qualité du blé. Nous faisons toutes sortes de choses différentes sur le plan de la commercialisation. Je ne sais si vous connaissez le silo terminal intérieur de Weyburn. C'est le plus gros terminal de l'Ouest du Canada. Ce sont des agriculteurs qui en sont propriétaires, qui l'exploitent et qui le dirigent. On y a fait tout ce qu'il y a de plus innovateur en matière de manutention des céréales dans l'Ouest canadien. Mon père est pour beaucoup dans son existence, puisqu'il en est le vice-président. Nous avons fait beaucoup de choses. Nous avons essayé de voir où était l'avenir, de comprendre comment nous pouvions servir nos clients de l'étranger aussi bien que les agriculteurs, et nous y sommes parvenus.
Quelques voisins sont venus nous trouver au cours de l'année écoulée pour nous demander de prendre leurs terres. Ils ne veulent pas rester dans l'agriculture. Ce sont ceux qui semblent ne pas vouloir faire face à ces choses, ne pas admettre que parce que vous n'avez pas pris part à un certain aspect de l'agriculture, cela ne veut pas dire que les choses n'aillent pas bien pour vous à l'avenir. La taille de l'exploitation est-elle la réponse? Je ne le crois pas.
Le sénateur Fitzpatrick: Bon, vous dites que la taille pourrait être importante, mais que l'esprit d'innovation est très important. C'est très intéressant et rassurant de l'entendre.
J'imagine que vous n'avez pas été heureux de l'annonce faite hier au sujet de l'amélioration du système de manutention et de transport des céréales. Nous conviendrons sans doute qu'il y a à ce sujet deux points de vue au moins. Il y a des arguments pour et contre, et nous en avons entendu beaucoup ici ces derniers temps.
Je ne crois pas que cela constitue un pas dans la bonne direction. On prévoit une réduction de 18 p. 100 des tarifs ferroviaires assortie d'un plafond. C'est important. La Commission canadienne du blé fait quelques efforts en faveur des soumissions. Dans trois ans il y en aura jusqu'à 50 p. 100; c'est donc un pas dans la bonne direction. Il est important de surveiller ce processus et ces changements pour voir si nous faisons des progrès ou non. J'aimerais savoir ce que vous pensez du plafond et des soumissions, et nous pourrons peut-être ensuite parler des autres installations de transport plus locales dont il a été question dans l'annonce d'hier.
M. Douglas: M. Estey a demandé un plafond de 12 p. 100 sur les recettes. On peut discuter de ce que cela va faire pour les chemins de fer et pour les services qu'ils offrent un plafond de 18 p. 100. L'idée d'un plafond sur les recettes plutôt qu'un plafond sur le tarif est quelque chose de positif. Nous avions besoin de tarifs-marchandises variables pour les agriculteurs et du choix qui sera offert aux agriculteurs. Quant à savoir si 18 p. 100 est un niveau trop élevé et si cela va avoir un effet sur le service offert, seul le temps permettra de le dire.
Au sujet de la Commission canadienne du blé, malheureusement, je n'ai jamais vraiment vu, avant d'essayer de comprendre de façon plus active le système de manutention et de transport des grains dans l'Ouest canadien et l'agriculture de l'Ouest canadien, à quel point la commission influait sur toutes les décisions qui sont prises dans cette région. C'est un énorme monolithe qui étouffe l'innovation et le développement dans le secteur agricole de l'Ouest canadien. Lui permettre de continuer à jouer un rôle dans l'attribution des wagons est préjudiciable. M. Estey recommandait qu'elle opte entièrement pour les soumissions. Cette possibilité aurait pu fonctionner de façon très efficace. C'est ce que souhaite actuellement toutes les entreprises de manutention. Notre directeur du silo terminal intérieur de Weyburn est toujours frustré lorsqu'il a affaire à la Commission canadienne du blé pour diverses raisons. Souvent, son ordre du jour n'est pas uniquement de faire des affaires et d'obtenir le maximum de recettes pour les agriculteurs: elle a de nombreux ordres du jour. Je n'ai jamais compris exactement l'ampleur de ces autres ordres du jour avant d'avoir l'occasion de me rendre à la commission. Ce sont ces autres ordres du jour qui me préoccupent le plus. À l'avenir, nous allons la traiter de façon à limiter son pouvoir sur l'agriculture de l'Ouest canadien, et c'est l'occasion rêvée de le faire.
Le sénateur Stratton: Quels sont les autres ordres du jour?
M. Douglas: Il s'agit essentiellement d'idées et aussi de maîtriser l'orientation de diverses choses. On peut le constater après avoir eu affaire à la commission pour n'importe quoi -- par exemple, les céréales d'exportation et la création d'une céréale. L'année dernière, j'ai eu l'occasion de discuter avec la commission pendant une semaine et demie. À l'heure actuelle, l'avenir se situe sans doute dans la protection de la faune. Nous sommes enclavés. Nous sommes loin des ports. Mais la commission contribue à empêcher l'amélioration des plantes pour les céréales utilisées dans l'alimentation animale. Elle contribue à empêcher l'efficacité lorsqu'elle n'est pas dans son intérêt, notamment pour le transport où elle n'a aucune possibilité de contrôle.
Les entreprises céréalières n'auraient pas de problème à s'arranger et à négocier directement avec les chemins de fer. C'est ce qu'elles font jusqu'à un certain point actuellement pour diverses céréales. Les agriculteurs en tireraient avantage. La Commission canadienne du blé pourrait être négociant à l'avenir ou quelque chose de très différent de ce qu'elle est maintenant. Ce serait très utile à l'agriculture moderne des Prairies. Nous avons eu l'occasion d'en discuter cette fois-ci et nous avons cédé. Nous avons décidé d'accepter une demi-mesure. C'est ce qui est le plus frustrant.
Le sénateur Fitzpatrick: Nous pourrions considérer cela comme un premier pas. Nous verrons quelles améliorations cela entraîne.
J'aimerais revenir à votre réponse concernant le service ferroviaire et le plafond de 18 p. 100. Il y a d'autres éléments dans l'annonce d'hier qui contribueront à l'efficacité du transport et à la qualité du service des chemins de fer: 175 millions de dollars pour améliorer les routes et des encouragements pour les lignes ferroviaires sur courtes distances. Je crois que le problème que nous avions vient en partie du transport du produit jusqu'aux terminaux et aux lignes de chemins de fer principales. Cette mesure devrait améliorer la situation et peut-être compenser les réductions de services que pourraient imposer les grandes compagnies de chemins de fer; j'ai bien dit pourraient. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un meilleur service pour arriver aux terminaux.
M. Douglas: Le communiqué de presse que j'ai vu indiquait simplement que 175 millions de dollars seront dépensés. On ne disait ni où ni comment, et il n'y était pas question d'un plan montrant de quoi aurait l'air le réseau routier ou de quoi il n'aurait pas l'air. Dans le budget provincial précédent, la Saskatchewan a seulement dépensé 250 millions de dollars pour les routes; c'est donc dans ce contexte qu'il faut voir les 175 millions de dollars accordés par le gouvernement fédéral à l'Ouest canadien.
Pour votre remarque sur la liberté d'accès, c'est une dérobade. Il est très difficile d'avoir une idée de ce que l'on ne comprend pas. C'est pourquoi on dit qu'il est prévu de réaliser un rapport dans six mois. Il est assez peu réaliste de s'attendre à ce que de nombreuses petites compagnies sur des lignes secondaires prennent la relève là où les grandes compagnies n'ont pas réussi à être rentables. Ça marchera dans certains cas. Je félicite les particuliers, les collectivités et les coopératives qui veulent le faire et j'espère qu'ils vont vraiment réussir. Mais est-ce la réponse pour que le transport des céréales soit efficace partout? Je ne le crois pas. Et ce faisant allez-vous rendre l'ensemble du système non opérationnel au point d'avoir éventuellement une seule compagnie comme Air Canada dans l'Ouest canadien et non pas deux lignes et deux compagnies? Je ne connais pas la réponse.
Je ne suis pas ici pour défendre les chemins de fer et peut-être qu'il m'importe peu qu'une compagnie fasse faillite ou décide de plier bagages si nous avons vraiment des lignes sur courtes distances qui fonctionnent bien partout. Mais pour l'instant, nous avons deux transporteurs qui ont pris des engagements à l'égard de l'Ouest canadien et nous avons un système très coûteux qui ne fonctionne pas. Il y a certaines choses que nous pouvons faire. La liberté d'accès a certainement quelque intérêt et offre des possibilités, mais je préférerais qu'on ne se concentre pas sur elle ou qu'on ne la voit pas comme plus importante qu'une question secondaire.
Le sénateur Fitzpatrick: C'est une autre étape dans l'ensemble des mesures qui sont présentées pour essayer de résoudre certains de ces problèmes. Nous avons entendu des points divergents sur la question et nous savons que c'est un problème important pour l'économie de l'Ouest canadien. Il nous faudra attendre de voir ce que donnent certaines de ces mesures.
[Français]
Le sénateur Gill: Ma premiere question va dans le même sens que celle du sénateur Fitzpatrick. Dans une ferme moyenne -- et vous avez parlé de 5 000 acres ou un peu plus -- quel est le chiffre d'affaires d'une ferme moyenne dans une des provinces de l'Ouest? Quel est le nombre d'employés, en moyenne?
[Traduction]
M. Douglas: Notre chiffre d'affaires pour une ferme de 5 000 acres il y a quelques années n'était pas très bon. Nous calculons cela en nombre de dollars par acre. Nous comptons entre 175 et 220 $ l'acre; vous pouvez donc faire le calcul. Nos coûts pour une acre de terre se situent en gros entre 80 et 90 $. Je vous ai déjà parlé de nos employés: mon père, mon frère et moi-même. Ma mère est également là et nos femmes ont des emplois. Ma femme est économiste. Il s'agit en gros d'une exploitation familiale et nous n'avons pas encore eu à engager des gens de l'extérieur. Les choses ont assez bien fonctionné de cette façon. Nous faisons de longues journées. J'ai laissé le tracteur pour prendre l'avion et je reprendrai le tracteur dès mon retour.
[Français]
Le sénateur Gill: Ma deuxième question est celle-ci: vous avez parlé d'un système artificiel. Vouliez-vous parler d'un système artificiel concernant la production et les subventions?
En fait, j'ai eu la chance, il y a quelques années, d'étudier ce sujet. Je suis un profane dans le domaine de l'agriculture. Je ne m'y connais pas trop, mais j'ai cru comprendre que le marché était suffisamment contrôlé -- et par très peu de monde -- sur le plan international. Voulez-vous dire que le marché est créé et que vous pouvez le contrôler, le diminuer ou l'augmenter? En fait la demande est contrôlée. Voulez-vous dire que cet aspect du marché est artificiel?
J'ai cru comprendre que le marché du café, du sucre ou des céréales est contrôlé au plan international par certaines familles. Est-ce ce qui vous fait dire que c'est artificiel ou si le marché est tout simplement tel qu'il est? La demande existe-t-elle, ou si la réduction ou l'augmentation de la demande se fait naturellement ou si elle est contrôlée?
[Traduction]
M. Douglas: Je parle seulement de notre situation par rapport aux exploitations modernes pour ce qui est de gérer nos liquidités en fonction des marchés. Je ne crois pas que le système mondial soit artificiel. Il s'agit essentiellement d'un marché d'offre et de demande et les stocks mondiaux de blé sont plus importants qu'ils n'ont jamais été. Les analystes internationaux peuvent vous le montrer pour le blé. Au cours des 25 dernières années, le monde a produit trois fois plus de blé qu'il y a 25 ans, mais la demande mondiale est là aussi. Toutefois nos stocks mondiaux, à l'heure actuelle, représentent un excédent de 22 p. 100 par rapport à la demande. Lorsqu'ils arrivent à 17 ou 18 p. 100, c'est là que les prix du blé commencent à monter. Mais c'est vraiment un marché d'offre et de demande que nous avons pour le blé panifiable dans le monde.
Dans l'Ouest canadien, sommes-nous protégés du reste du monde par un système de commercialisation artificiel? Je ne le crois pas. Nos prix restent bas. Et, de plus, nous n'avons pas la possibilité ou la capacité de gérer nos liquidités pour ces céréales. Nos prix sont bas pour le canola, le lin et le tournesol aussi, et ils ne sont pas formidables non plus actuellement pour les pois, mais nous avons la capacité dans nos exploitations modernes de gérer nos liquidités de façon à en tenir compte. S'il nous faut faire des calculs et avoir des marges plus serrées, nous le faisons, nous faisons face à ce genre de situation.
Mme McKinnon: Il faut parfois agir vite pour profiter des débouchés. C'est ce que vous pouvez faire avec vos légumineuses à grains et vos lentilles, mais pas avec vos céréales qui relèvent de la commission du blé.
Le sénateur Rossiter: N'était-ce pas il y a 18 mois qu'a eu lieu l'élection des membres du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé? N'avait-on pas prévu que les inquiétudes des agriculteurs et des producteurs soient prises en compte par la commission de façon plus positive? Cela s'est-il produit?
M. Douglas: Cela ne s'est pas produit.
Le sénateur Rossiter: Est-ce par manque de temps que cela n'a pas marché?
M. Douglas: Malheureusement, la Commission canadienne du blé a énormément de pouvoir. Nous connaissons quelques-uns de ses administrateurs et leurs idées. Le mandat pour lequel ils ont été élus reste entièrement lettre morte dans la mesure où on ne leur donne pas accès à l'information. Je regrette de devoir le dire, mais on leur fait subir des épreuves psychologiques. C'est regrettable parce qu'il y aura une autre série d'élections cet automne dans les districts qui portent un numéro pair. Sur le plan des idées, à l'heure actuelle, le conseil d'administration est tout à fait pour le statu quo; il a pour principe de se protéger et de protéger la libre entreprise à tout prix. Ce n'est pas toujours très efficace pour un conseil d'administration. J'espère qu'après les prochaines élections, on s'entendra davantage sur la direction que peut prendre l'agriculture moderne, sur l'évolution du monde, sur la façon dont un organisme coopératif canadien de commercialisation ou une commission du blé pourrait fonctionner à l'avenir.
À une majorité écrasante, les agriculteurs sont favorables à un double système de commercialisation. C'est clair, les sondages l'ont montré. Notre conseil d'administration en tient-il compte? Non. Il y a quelques tenants de la commercialisation mixte et il y a ceux qui défendent la commercialisation obligatoire et le statu quo, mais il n'y a pas de vision. Je ne veux montrer du doigt aucun ministre fédéral. Il faudra que le président de la Commission canadienne du blé fasse preuve de leadership, il faudra que le ministre responsable de la Commission canadienne du blé fasse preuve de leadership et il faudra que nous fassions tous preuve de leadership. J'espère que nous y parviendrons à partir de cet automne.
Le sénateur Rossiter: Ceux qui ont été élus sont minoritaires, n'est-ce pas?
M. Douglas: C'est exact.
Le sénateur Rossiter: Pour quelles raisons la Commission canadienne du blé a-t-elle contrecarré votre usine de pâtes alimentaires? Était-ce parce que les céréales dont vous aviez besoin pour l'usine n'étaient pas disponibles ou était-ce à cause des prix? L'usine de pâtes aurait constitué une opération à valeur ajoutée.
M. Douglas: Dans notre exploitation, nous produisons environ 100 000 à 150 000 boisseaux de blé dur par an. Nous voulons bénéficier d'une exemption pour expédier à notre usine les quantités que nous voulons quand nous voulons. Nous voulons vendre, une fois que nous aurons créé nos marchés grâce à nos études de faisabilité, n'importe où dans le monde. Nous voulons que tous les agriculteurs qui cultivent du blé dur aient une participation dans notre usine. Nous avons vanté notre plan de façon assez dynamique et de nombreux agriculteurs étaient tout à fait intéressés. Nous voulons que ces agriculteurs viennent de tous les coins de l'Ouest canadien; nous n'avons pas d'illusion sur les groupes fermés d'agriculteurs.
Mais la Commission canadienne du blé a rassuré ses clients étrangers, et plus particulièrement les États-Unis, en leur garantissant qu'aucun groupe d'agriculteurs en Saskatchewan n'allait obtenir d'exemption pour disposer de son blé dur pour la transformation, la commercialisation et la distribution. Nous n'avons pas eu d'exemption et nous devons vendre en passant par la commission. Elle a proposé comme option un échange fictif d'actions qui auraient peut-être pu marcher sur le papier, mais qui malheureusement a empêché de nombreux investissements. Les producteurs estimaient pour la plupart que leurs possibilités d'investissement étaient limitées s'ils ne pouvaient pas contrôler leurs capitaux. Est-il important de savoir si ce sentiment était fondé ou non? Investir est quelque chose que l'on ressent profondément, c'est une chose affective. Malheureusement, cela constitue un revers important. Pourrons-nous renverser la situation et le faire de toute façon? Je l'espère certainement.
Nous avons eu affaire à la Commission canadienne du blé pour plusieurs choses. Je me souviens que pour le silo terminal intérieur de Weyburn, nous étions les premiers à concevoir un entreposage en copropriété. Vous êtes ainsi propriétaire de votre entrepôt et vous pouvez transporter la marchandise et remplir votre silo pour qu'en plein hiver, lorsqu'il fait moins 40, vous n'ayez pas à vous battre pour essayer de vous acquitter d'une obligation. La commission a répondu que non, il n'était pas possible d'avoir des entrepôts en copropriété. Que ce serait injuste pour nos voisins et que cela nous donnerait des occasions de livraison peu équitables, que cela ne marcherait jamais. Nous sommes allés à Winnipeg et nous nous sommes adressés à un ministre qui a fait preuve d'un certain leadership. Il nous a dit que ce n'était pas une question de principe ni de savoir ce qui allait marcher; il s'agissait de savoir quand nous allions le faire parce que c'était une bonne idée. Toutes les compagnies céréalières de l'Ouest canadien ont des entrepôts en copropriété pour leurs clients où il est possible d'acheter quand on veut sur place et beaucoup d'agriculteurs ont sans doute sauvé des moteurs en n'ayant pas à les faire démarrer par moins 40.
Le sénateur Rossiter: C'est incroyable! Je vous remercie.
La vice-présidente: Nous entendons de très nombreux groupes sur le sujet. Il serait utile aux membres du comité d'avoir le sondage dont vous avez parlé au sujet de la commercialisation mixte. S'agit-il d'un sondage public?
M. Douglas: Non. Il a été réalisé par la Commission canadienne du blé elle-même. Winnipeg est un milieu assez fermé du secteur céréalier de l'Ouest canadien.
La vice-présidente: Nous chercherons d'autres moyens.
Vous avez utilisé une expression qui m'a surprise en répondant à une question du sénateur Rossiter au sujet des élections et des administrateurs de la Commission canadienne du blé. Il faut espérer, si le processus doit continuer, que d'autres administrateurs seront élus. Vous avez parlé d'épreuves psychologiques. Qu'entendez-vous par là?
M. Douglas: Ce n'est pas quelque chose que j'aime raconter. L'administrateur du sud de l'Alberta, James Chatenay, a été élu en ayant pour mandat de défendre la commercialisation mixte. Il a voulu soumettre ses idées au conseil d'administration, mais après un certain temps, il a compris qu'il n'avait aucune aide à attendre de la Commission canadienne du blé. Le conseil d'administration a décidé qu'il allait l'obliger ou l'aider à agir de bonne foi dans son sein et en assumant la responsabilité fiduciaire d'un membre du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Il a notamment été question, selon ses propres termes, de «discuter au cours d'une séance avec un psychologue».
Le président du conseil d'administration de la commission, Ken Ritter, qui a également été élu pour défendre un programme de commercialisation mixte, a changé de camp ou a réfléchi à tous les avantages de la Commission canadienne du blé et a changé de chanson depuis son élection. Il dit que son mandat veut qu'il assume les responsabilités fiduciaires de la Commission canadienne du blé.
Cela pose un petit problème ou constitue un petit conflit. À quelles fins ces administrateurs ont-ils été élus? Ont-ils été élus membres avec un mandat à assumer au nom des agriculteurs et pour défendre les intérêts généraux des agriculteurs dans la nouvelle économie agricole ou pour assumer le mandat de la Commission canadienne du blé, qui est de préserver ce qui existe dans le cadre de la Loi sur la Commission canadienne du blé? C'est difficile pour tout le monde. C'est difficile pour Jim Chatenay et Ken Ritter. Sans leadership et avec tous les messages contradictoires, c'est sans doute très difficile pour eux.
La vice-présidente: Nous approfondirons sans doute la question.
Le sénateur Wiebe: J'aimerais revenir à la question de la taille de la ferme et à votre exploitation en particulier. Permettez-moi de vous féliciter. Ce type de ferme est idéal pour la province de la Saskatchewan. Il y a 5 100 acres qui font vivre trois familles distinctes -- celles de deux frères et de leur père. Mais si on fait la division, cela donne 1 700 acres par famille. Étant donné le prix du matériel, de la terre, l'investissement énorme et tout ce qu'il faut, pourriez-vous avoir une exploitation aussi prospère individuellement, en étant complètement indépendant de votre frère et de votre père?
M. Douglas: Je ne tire pas un gros revenu disponible de l'exploitation. C'est pour cela que je suis vétérinaire à Regina. Ma femme travaille aussi. La plupart des membres de la famille travaillent en dehors de la ferme. Quand à dire que la taille de l'exploitation est idéale, c'est ceux qui regardent les choses de l'extérieur qui le croient.
Mais votre question est en fait la suivante: un agriculteur qui a 1 700 acres peut-il réussir? Cela dépend de son esprit d'innovation. Une ferme biologique de 1 700 acres est une grosse exploitation et certaines marchent très bien. Si je devais élever des bisons sur 1 700 acres, je me débrouillerais sans doute bien.
Je ne crois pas qu'il faille voir la taille de l'exploitation comme autre chose qu'une référence statistique qui permet de définir quelques tendances. La taille n'est pas un signe de prospérité, et elle ne garantit rien. Elle pourrait constituer un problème pour certaines exploitations. Nous avons quelques voisins qui ont 1 700 ou 1 800 acres et qui se débrouillent très bien. Je dirais même que leurs entreprises sont plus prospères que la nôtre parce qu'ils n'ont pas à s'éparpiller pour s'occuper de l'ensemble de l'exploitation et de tellement de choses différentes à la fois. De cette façon ils peuvent avoir une gestion serrée, bien que ce ne soit qu'une impression de ma part. Je ne crois pas que la taille des surfaces cultivées soit si importante.
Mme McKinnon: Parallèlement, vous pourriez cultiver 5 000 acres de blé et ne pas vous débrouiller aussi bien qu'à l'heure actuelle. C'est la diversification qui est essentielle. La plupart de nos membres exploitent des superficies assez réduites, mais ils sont très diversifiés parce qu'ils ont un élevage de bovins de boucherie ou un autre élevage et de nombreuses cultures différentes. C'est la diversification qui vous permet de faire face aux replis que connaissent certains secteurs de votre exploitation. C'est essentiel pour les agriculteurs de l'Ouest. Pour la Saskatchewan, le problème vient en partie de ce que l'on se soit axé fortement sur le blé.
Le sénateur Wiebe: Quelle est la taille moyenne d'une exploitation à l'heure actuelle dans la province?
M. Douglas: Je pense que c'est entre 1 500 et 1 800 acres.
Le sénateur Wiebe: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais à lire entre les lignes de votre exposé, j'ai eu l'impression que le problème, pour ce qui est de l'avenir de l'agriculture, vient en partie de ce que certains agriculteurs hésitent beaucoup à se tourner ailleurs, vers d'autres cultures ou d'autres formes de commercialisation. Les choses changent très rapidement là-bas, mais ces agriculteurs veulent continuer à faire ce que leur père ou leur grand-père a fait. Est-ce que j'ai raison de déduire cela de vos remarques?
M. Douglas: Non, je ne suis pas d'accord. Il y a de très nombreux agriculteurs qui sont tout à fait innovateurs là-bas. Les générations futures seront encore plus innovatrices et la solution au problème ne réside pas uniquement dans le fait de changer la façon de faire des générations passées. Mon grand-père n'est plus là et je n'ai donc pas à subir ses insultes. Il est important de changer les structures et les institutions pour tenir compte de cette innovation et non pas l'étouffer. C'est le message que j'essaie de faire passer. Je ne pense pas qu'on puisse forcer les gens à changer s'ils ne le veulent pas, mais je ne pense pas qu'il faille structurer les institutions de façon à ce qu'elles favorisent ce genre d'attitude.
Le sénateur Wiebe: Vous avez répondu en partie à ma question. Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut changer pour faire face aux exigences changeantes qui se font jour dans l'agriculture et changer en tenant compte des économies d'échelle, et cetera. Mais il peut y avoir des gens qui résistent à ce genre de changement et, de ce fait, ils ne sont peut-être pas prêts à continuer dans l'agriculture.
Mme McKinnon: La plupart de ces personnes quittent la terre. On le voit.
Le sénateur Wiebe: Cela répond à ma question.
Vous dites que le CSRN a été un outil très efficace pour de nombreux agriculteurs, mais qu'il n'est pas accessible aux jeunes et aux nouveaux agriculteurs. Le CSRN est fonction de la contribution. Quel changement proposeriez-vous à ce programme pour le rendre accessible aux jeunes et aux nouveaux agriculteurs? Proposez-vous qu'ils versent de l'argent à l'avance ou en prévision de ce qui pourrait se produire?
M. Douglas: L'intérêt du CSRN est qu'il s'agit d'un montant que les agriculteurs peuvent utiliser à leur guise. Il est fonction de leurs ventes nettes admissibles, ce que ne peuvent être ni l'ACRA ni l'assurance-récolte. Malheureusement, il est très difficile de retirer cette somme et de l'utiliser pour combler des déficits passagers ou faire face à des situations de croissance sans se mettre éventuellement dans une situation déficitaire qui fait que vous allez être pénalisé. On ne sait jamais comment on va être pénalisé avec le CSRN avant d'en arriver là. C'est pourquoi il est très difficile de le gérer à court terme.
Il faudrait que ce soit davantage un compte pour lequel les agriculteurs peuvent tabler sur la contribution monétaire du gouvernement fédéral aussi bien que sur leur propre contribution de 50 p. 100 pour leur exploitation. Les agriculteurs l'utilisent maintenant au contraire comme un régime de pension. Ce n'est pas de cette façon qu'il a été conçu. Il a été prévu pour être utilisé pour combler les déficits à court terme dus à diverses raisons comme le temps, marchandise donnée, la situation personnelle. Ce n'est pas ainsi qu'on l'utilise parce qu'il n'offre aucune souplesse.
Pour ce qui est d'augmenter les contributions en fonction du chiffre d'affaires futur éventuel, ce serait utile si une ferme avait des possibilités de développement à court terme. Comme je l'ai dit au sénateur Gill, notre exploitation a beaucoup grossi au cours des quatre ou cinq dernières années, mais notre CSRN ne reflète pas cette situation. Il le fera ultérieurement, et il y aura peut-être un moyen de prendre en compte les ventes nettes admissibles pour le CSRN afin qu'il reflète davantage la croissance de l'exploitation et que le CSRN en tienne compte dans les années qui suivront. Il pourrait s'agir du pourcentage d'augmentation de l'exploitation à la fin de l'année, de sorte que vos ventes nettes admissibles refléteraient cette situation ainsi que votre contribution. Ce sont là des changements structuraux.
En gros, il faudrait que le CSRN soit davantage entre les mains des agriculteurs pour qu'ils puissent l'utiliser au lieu de rester là et d'être éventuellement utilisé à la fin de la carrière de l'agriculteur. C'est de cette façon qu'on l'utilise à l'heure actuelle. On l'utilise soit à la fin de la carrière de l'agriculteur soit lorsque celui-ci estime qu'il a vraiment des problèmes, et c'est regrettable.
Le sénateur Wiebe: J'ai l'impression qu'il y a une somme assez importante dans le CSRN à l'heure actuelle. Cette somme est là parce que l'agriculteur a versé sa contribution année après année et n'a pas retiré l'argent. L'agriculteur le considère comme sa caisse de retraite. Le jeune agriculteur ou celui qui a des problèmes à l'heure actuelle retire tout ce qu'il peut du CSRN. Le problème tient-il vraiment à la structure du programme ou plutôt à la façon de voir de chaque agriculteur? J'admets avec vous que nombreux sont ceux qui le considère comme un régime de pension. Il y a des sommes importantes dans ce compte. Savez-vous si les jeunes agriculteurs ou les agriculteurs qui ont des difficultés retirent le maximum autorisé pour sortir de leur mauvaise passe?
M. Douglas: Les deux. Nous avons une certaine conception du CSRN et il est assorti de règles qui le définissent de cette façon. Si nous devons le changer, je ne pense pas qu'il faille le modifier complètement. On peut le changer de façon à ce que les agriculteurs puissent commencer à l'utiliser progressivement de façon plus judicieuse dans leur exploitation, afin qu'il fonctionne un peu mieux, éventuellement, pour les jeunes agriculteurs ou ceux qui essaient de développer leur exploitation. Mais je ne crois pas que l'idée d'un changement complet du CSRN et de la conception qu'on en a se concrétise. Il fonctionne bien pour ce qu'il est à l'heure actuelle, mais il pourrait fonctionner mieux.
Le sénateur Wiebe: Parce que j'ai été nouvellement nommé sénateur, je ne suis pas encore organisé pour la recherche et je tiens donc à profiter des connaissances que vous tirez de la recherche. Avez-vous une idée du pourcentage que représentent les augmentations des frais de transport et de manutention des céréales par rapport à l'ensemble des coûts d'exploitation d'un agriculteur? Quel pourcentage correspond à l'augmentation du coût des engrais, du carburant, et cetera? Ces dernières années, le prix de tous ces produits a subi des hausses assez importantes. Le coût du transport, sur lequel je ne suis pas d'accord, a-t-il suivi l'augmentation du prix des engrais, des produits chimiques et du carburant?
M. Douglas: J'ai des chiffres approximatifs en tête. Dans notre exploitation, le prix du transport est d'environ 25 p. 100. Il est clair que pour les céréales, ce prix a au moins doublé depuis la disparition du Nid-du-Corbeau.
Le sénateur Wiebe: Comptez-vous dans cela le prix des transports du grain du champ à votre entrepôt en copropriété ou à votre grenier et de là, à votre silo?
M. Douglas: Le prix du transport du champ au coffre ou à l'entrepôt en copropriété est négligeable par rapport au prix du transport ferroviaire pour notre exploitation. Pour ce qui est des engrais et des carburants, les intrants que sont les engrais ont eu mauvaise presse. Dans notre exploitation, au cours des cinq à huit dernières années, les engrais n'ont pas vraiment augmenté de façon sensible -- peut-être de un à trois pour cent. Nous avons demandé une analyse à un vendeur d'engrais qui travaillait pour nous, et le nitrate d'ammonium, le phosphate d'ammonium et le thiosulfate, que nous utilisons pour plusieurs mélanges d'engrais, n'ont pas augmenté de façon notoire. Leurs prix changent chaque année, mais dans l'ensemble au cours d'une année et d'une année sur l'autre, le prix des engrais n'a pas beaucoup augmenté ces huit dernières années. Mais la façon dont les agriculteurs utilisent les intrants a changé. Ils essaient davantage de maximiser leurs intrants de sorte qu'ils en utilisent plus et je crois qu'ils répercutent cela sur le prix des intrants, alors qu'en réalité le coût des engrais n'a pas beaucoup changé.
Le sénateur Wiebe: Les quantités d'engrais que vous utilisez n'ont pas augmenté avec le temps?
M. Douglas: Non. Nous avons adopté certaines pratiques agricoles il y a 12 ou 15 ans et nos terres sont en assez bon état sur le plan de la fertilité. Lorsque nous prenons des terres qui ne sont pas en aussi bon état, il faut souvent leur appliquer davantage d'intrants pour les ramener à un état où leur teneur en éléments nutritifs est bonne.
Le transport est sans doute l'intrant le plus important. C'est probablement celui qui a le plus changé au cours des cinq dernières années dans notre exploitation. Les carburants ont fait souvent les manchettes cette dernière année. Je n'ai pas encore reçu notre facture de carburant pour les semailles, mais la différence ne sera pas aussi importante que pour le transport des céréales. Ce dernier représente une facture énorme et ses fluctuations sont la plus grosse source d'anxiété dans notre exploitation.
Le sénateur Chalifoux: Ce qui m'inquiète, ce sont vos remarques sur la Commission canadienne du blé. Elle a été créée dans les années 30 pour répondre à un problème grave que connaissaient les agriculteurs et les offices de commercialisation du monde entier. Au cours de mes voyages en Italie et dans d'autres pays européens, j'ai entendu dire que la Commission canadienne du blé s'était fait à la longue une très bonne réputation. Lorsque les marchés européens traitent avec la Commission canadienne du blé, ils savent que les céréales sont nettoyées. Ils savent qu'ils obtiennent un excellent produit et ils ont grande confiance dans la Commission canadienne du blé. Ils ont aussi dit que les céréales ne sont pas aussi bien nettoyées lorsqu'elles viennent d'offices de commercialisation différents qui sont venus au Canada des États-Unis. Le produit de ces offices leur donne beaucoup d'inquiétude.
J'ai rencontré à de nombreuses reprises les agriculteurs de la région nord de l'Alberta et du secteur de Peace River. Ils sont en majorité favorables à la Commission canadienne du blé parce que, lorsqu'ils placent leurs céréales auprès de la commission, ils savent qu'ils en obtiendront le meilleur prix possible. Je ne fais que répéter ce que j'ai entendu. Ce n'est pas ce que je pense. Dans le sud du Canada, vous avez la possibilité de traverser la frontière pour faire vos courses et vous pouvez comparer les prix. Dans les régions du nord du pays, nous n'avons pas cette possibilité ou du moins cette possibilité n'est pas aussi grande que pour vous. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Nous avons eu une assemblée publique locale dans une de nos collectivités du nord de l'Alberta. Plus de 60 agriculteurs y sont venus ainsi que le représentant élu de la Commission canadienne du blé. Les agriculteurs présents semblaient avoir grande confiance dans leur représentant élu lorsqu'il s'agissait des inquiétudes de la commission.
Nous avons parlé de commercialisation mixte. J'aimerais savoir ce que vous pensez des compagnies américaines comme Cargill et quelques autres qui viennent ici pour racheter des affaires. Nombreux sont ceux qui craignent que notre grand frère du sud assume entièrement le contrôle et reprenne nos systèmes de commercialisation.
Mme McKinnon: Les grandes compagnies céréalières vendent déjà beaucoup dans le monde entier. La Commission canadienne du blé peut faire quelques ventes, mais les compagnies céréalières elles-mêmes procèdent à ces ventes au nom de la commission. Pour ce qui est des prix que la commission obtient pour les agriculteurs, sur les marchés mondiaux, la commission vend au prix du marché. Elle ne peut pas dicter ce prix. Elle doit prendre ce que le marché veut bien payer. Il s'agit d'un marché mondial qui n'est pas contrôlé par une personne en particulier. La Commission canadienne du blé peut obtenir certaines primes, surtout pour le blé numéro 1 et numéro 2. Pour le reste, elle prend simplement ce que le marché veut bien lui donner. Il y a quelques inquiétudes pour les livraisons de marchandises de trop bonne qualité. Nous avons entendu parler de cela de plusieurs sources. Certains de nos clients mondiaux aiment bien traiter avec la Commission canadienne du blé parce qu'ils obtiennent du blé numéro 1 et payent pour du blé numéro 2. Cela se fait et ça n'est pas très profitable aux agriculteurs.
Il y a encore pas mal d'agriculteurs qui aiment bien la Commission canadienne du blé et qui pensent qu'elle fait du bon travail. C'est bien ainsi. Qu'elle continue à le faire, mais il y en a qui veulent agir indépendamment. Ils voient des occasions de commercialisation indépendante. Il n'y a pas de raison que la Commission canadienne du blé ne s'adapte pas à un système de commercialisation mixte. Si elle n'est pas capable de s'adapter, elle ne mérite pas de diriger une entreprise qui représente des millions de dollars pour commencer.
Le sénateur Chalifoux: Est-ce votre opinion ou l'opinion de vos membres?
Mme McKinnon: C'est l'opinion de nos membres et de nombreux agriculteurs de l'Ouest canadien.
M. Douglas: Les opinions changent. C'est sans doute la question la plus litigieuse dans le domaine politique en Saskatchewan à l'heure actuelle. Les sondages ont parlé de partialité des gens dans les provinces et au sujet des organisations agricoles. Il y a le Syndicat national des cultivateurs et il y a la Western Canadian Wheat Growers Association. L'opinion des agriculteurs, celle des jeunes agriculteurs et de ceux qui innovent, change à tel point que nous sommes davantage orientés vers ce que veulent les agriculteurs à l'avenir.
Pour répondre plus directement à votre question, qui concerne la confiance qui existe dans le monde entier, la Commission canadienne du blé existe depuis longtemps et ce qu'elle fait à l'échelle mondiale n'est pas mal. Elle a établi de nombreux contacts dans le monde entier et elle se débrouille bien pour entretenir ces relations. Ses représentants sont des professionnels. Là n'est pas le problème. Doit-elle être obligatoire? Dois-je être forcé de lui vendre? Parce qu'elle fait bien ce qu'elle fait, je devrais voir cela se répercuter dans mes résultats financiers. Je devrais le voir facilement dans mes transactions avec elle. Je n'ai pas à être contraint pour mon exploitation.
Pour ce qui est du grain nettoyé, cela relève de la Commission canadienne des grains. Cela n'a rien à voir avec la Commission canadienne du blé. Notre organisation de Weyburn est la première à offrir du grain nettoyé dans les Prairies. Ce sont les agriculteurs qui ont le plus à gagner à offrir du grain nettoyé en gardant le produit, les impuretés dans les Prairies et en expédiant seulement aux ports le grain nettoyé. Ce n'est pas une question qui relève de la Commission canadienne du blé.
En ce qui concerne votre remarque sur la commercialisation mixte, le plus gros client de la Commission canadienne du blé à l'heure actuelle est la compagnie américaine Conagra et le deuxième est je crois le sous-ministre adjoint, Archer Daniels Midland. La commission n'est qu'un intermédiaire. Aussi lorsque vous entendez parler de belles histoires au sujet de la Malaisie et de la Corée et que vous entendez dire combien elle a fait du bon travail là-bas, ne vous leurrez pas. Sa plus grosse opération de commercialisation consiste à donner un coup de fil de Winnipeg à Kansas City ou de Winnipeg à Minneapolis.
Mme McKinnon: Les minoteries canadiennes aussi. Ce sont les plus gros clients.
M. Douglas: Je crois que vous allez avoir des assemblées publiques locales. Notre organisation en fait et nous pourrons vous faire participer à l'une d'elles dans le sud de l'Alberta. Les opinions peuvent être tout à fait biaisées dans l'autre sens.
Le sénateur Chalifoux: À votre avis, la Commission canadienne du blé devrait-elle être supprimée? A-t-elle cessé d'être utile?
Mme McKinnon: Non, je ne pense pas qu'on doive la supprimer parce qu'il y a beaucoup de gens qui la veulent encore mais il n'y a aucune raison pour la conserver dans sa forme actuelle simplement pour la conserver. Les agriculteurs s'adaptent. Il n'y a pas de raison que la Commission canadienne du blé ne s'adapte pas à un régime de transport différent auquel elle n'aura pas de part ou à un système de commercialisation différent. Elle devrait en être capable, elle a tout le savoir-faire voulu. Il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse pas faire face à la concurrence.
M. Douglas: Ce serait faire preuve d'irresponsabilité que de supprimer du jour au lendemain cette institution. Ce ne serait pas juste pour les agriculteurs. Dans notre exploitation, nous avons tout de même décidé de vendre une partie de nos céréales par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Mais nous ne voulons pas être contraints à le faire. Nous voulons avoir le choix. La direction de la commission, pour des raisons hiérarchiques quelconques, est devenue dysfonctionnelle au plus haut niveau et c'est regrettable. Faut-il la supprimer et mettre la zizanie dans toute la structure de commercialisation des céréales de la commission? Je ne le crois pas.
Le sénateur Wiebe: L'une des choses qui me gêne le plus en tant qu'agriculteur, c'est que nous ne pouvons pas nous entendre. C'est l'une des choses qui nous ont le plus empêché d'avancer ces dernières années. C'est l'un des problèmes que nous avons tous ici sur la colline du Parlement lorsque nous entendons les nombreuses voix divergentes du secteur agricole. J'ai une question à vous poser et une faveur à vous demander. Tout d'abord, pensez-vous que les agriculteurs soient jamais capables de parler d'une voix unie? Et une faveur: allez-vous vous efforcer d'obtenir le soutien des agriculteurs pour pouvoir parler d'une voix unie? Si c'était possible, nous aurions énormément de poids et de force de pression dans le pays.
M. Douglas: Ça ne risque pas d'arriver. Je ne dis pas cela pour être spécieux, mais si vous voulez une réponse réaliste, il n'y a absolument aucune chance que les agriculteurs parlent d'une voix unie dans les 25 prochaines années. C'est regrettable parce que j'aimerais qu'ils chantent la même chanson que moi, mais cela ne se fera pas. Il faudra un certain leadership. Il faudra que quelqu'un, qu'une organisation ou un groupe s'avance et dise: «Nous avons une vision.» La réponse à cette question n'est pas facile. Elle ne vous sera pas donnée par un comité d'agriculteurs qui sont tout à coup du même avis en Saskatchewan et qui proposent un document qui est la panacée pour l'agriculture.
Vous nous avez vu participer à la coalition agricole en Saskatchewan à l'occasion de la crise et vous avez vu combien il était difficile au ministre de l'Agriculture de la province de maintenir ce groupe uni. Au niveau fédéral, ce serait encore plus difficile. Il faudra des groupes comme le vôtre pour faire des recommandations à la Chambre, pour faire des recommandations ici, et un ministre de l'Agriculture et un ministre responsable de la Commission canadienne du blé très solides.
Le sénateur Wiebe: J'espère que vous comprenez combien c'est difficile pour nous aussi. Merci.
La vice-présidente: Merci beaucoup. Je sais que le sénateur Gustafson, qui est notre président, aurait aimé vous transmettre ses salutations. Le sénateur Gustafson est un agriculteur très sérieux et il est en ce moment-là où il devrait être -- en train de faire les semis dans son exploitation saskatchewannaise. Recevez donc également ses salutations et ses remerciements. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion.
La séance est levée.