Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 12 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 16 mai 2000
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, dans le but d'examiner le Budget des dépenses principal déposé au Parlement pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001 (protection civile).
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous reprenons notre étude sur la protection civile au Canada. Nos premiers témoins ce matin sont MM Andrew M. Lieff et Gérald Cossette, du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Monsieur Lieff, vous avez la parole.
M. Andrew M. Lieff, directeur principal, Direction des opérations des dépenses et prévisions budgétaires, Secteur de la planification, du rendement et des rapports, Secrétariat du Conseil du Trésor: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui en compagnie de mon collègue, M. Gérald Cossette, directeur pour les affaires étrangères et la défense au Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous sommes venus pour répondre à une demande de renseignements supplémentaires de la part du sénateur Stratton en ce qui a trait aux dépenses fédérales en matière de désastres naturels, telles qu'elles apparaissent au budget des dépenses. Cette requête avait été soumise à la réunion du mercredi 22 mars 2000 sur le dépôt du budget principal des dépenses 200-2001.
[Français]
À cet égard, vous avez reçu copies d'un document de la présidente du Conseil du Trésor, en réponse à la demande du sénateur Stratton, vous fournissant un aperçu des dépenses et des activités fédérales relatives aux catastrophes naturelles.
[Traduction]
La plupart des dépenses fédérales prennent la forme d'une compensation en ce qui a trait aux conséquences des catastrophes. Dans l'ensemble, les programmes fédéraux relatifs à la gestion des désastres sont offerts au moyen des instruments suivants. Il y a d'abord le programme conjoint de protection civile, ou le PCPC. Les dépenses estimatives au budget des dépenses pour 2000-2001 sont d'environ 4,7 millions de dollars. Il y a ensuite l'AAFC, les accords d'aide financière en cas de catastrophe. Les dépenses estimatives au budget des dépenses pour 2000-2001 sont d'environ 441 millions de dollars pour compenser les pertes occasionnées par les désastres naturels. Mentionnons aussi les programmes spéciaux. Les dépenses estimatives au budget des dépenses pour 2000-2001 sont d'environ 16,3 millions de dollars; elles sont essentiellement liées aux activités relatives au bassin de la rivière Rouge, lors de l'inondation de 1998. Enfin, il y a une variété d'autres programmes ministériels qui contribuent aux efforts du gouvernement dans les domaines de la planification et de l'aide en matière de désastres. Les dépenses estimatives au budget des dépenses pour 2000-2001 sont d'environ 129,3 millions de dollars. L'ensemble des déboursés apparaissant au budget des dépenses pour 2000-2001 pour ces quatre composantes est de 591,3 millions de dollars.
De façon plus précise, le programme conjoint de protection civile, au montant estimatif annuel de 4,7 millions de dollars, fournit de l'aide pour deux types de projets. Mentionnons d'abord les projets de planification, qui consistent à aider les provinces et les territoires à élaborer des politiques, des procédures, des plans, des exercices et des programmes de formation pour s'assurer qu'ils disposent de mesures d'intervention d'urgence. Ils permettent également de constituer la capacité d'intervention des ressources humaines des organismes provinciaux et municipaux de protection civile. Il y a ensuite les projets d'immobilisations, qui permettent d'appuyer les provinces et les territoires dans leurs investissements en matière d'immobilisation qui étoffent les mesures d'intervention dans la collectivité ou y contribuent. Parmi ces projets, mentionnons la construction de centres de secours et l'acquisition de matériel spécialisé d'intervention en cas d'urgence.
Les accords d'aide financière en cas de catastrophe consistent à prêter main-forte aux administrations provinciales et territoriales pour les aider à composer avec les catastrophes dont les frais excéderaient les dépenses raisonnables qu'elles devraient normalement assumer. Ces contributions visent à permettre aux provinces et aux territoires de restaurer les travaux publics dans leur condition précédant la catastrophe et de remettre en état la demeure fondamentale et essentielle des personnes, les fermes et les petites entreprises. Les dépenses prévues pour 2000-2001 sont d'environ 441 millions de dollars. Ces dépenses sont surtout attribuables à des catastrophes récentes comme la tempête de pluie verglaçante de 1998 et les inondations du Saguenay et de la rivière Rouge.
[Français]
Les Accords d'aide financière en cas de catastrophe et le Programme conjoint de protection civile tombent tous deux sous la responsabilité de Planification d'urgence Canada, lequel organisme est imputable au ministre Eggleton, responsable de la planification d'urgence au Canada.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a également élaboré des programmes spéciaux à trois occasions au cours des cinq dernières années. Ils ont été exécutés par les organismes fédéraux de développement économique en collaboration avec les provinces, car les provinces demandaient plus d'argent que ce que prévoyaient les accords d'aide financière en cas de catastrophe. Dans les trois cas, les initiatives ont été financées à parts égales entre le fédéral et les provinces, et ont consisté à rétablir l'activité économique dans les régions sinistrées. Ces programmes spéciaux ont été adoptés par suite de l'inondation au Saguenay en 1996, de la rivière Rouge en 1997, et de la tempête de pluie verglaçante de 1998 dans l'ouest du Québec et l'est de l'Ontario.
Des dépenses de 16,3 millions de dollars sont prévues, en 2000-2001, pour ces programmes spéciaux, conformément aux recommandations formulées par le groupe de travail sur le bassin de la rivière Rouge, mis sur pied par la Commission mixte internationale. Ce groupe avait pour mandat de se pencher sur les enjeux en matière de prévention et de réduction de risques, vu les risques élevés d'inondation que présente la rivière Rouge au Manitoba. Le Canada et le Manitoba ont convenu de consacrer, à parts égales, 100 millions de dollars sur quatre ans à ces questions.
Enfin, un certain nombre de ministères fédéraux exercent d'autres activités qui peuvent contribuer, de part leur nature, à atténuer les effets des catastrophes naturelles. Parmi ces activités, qui totalisaient 129,3 millions de dollars dans le budget des dépenses pour 2000-2001, mentionnons les programmes de déglaçage, qui permettent de régulariser le débit des eaux et de prévenir les inondations, ainsi que les activités de prévention des incendies et des avalanches dans les parcs nationaux du Canada.
[Français]
Vous trouverez des renseignements au sujet de ces activités dans le document dont vous disposez.
Monsieur le président, je vais prendre quelques instants pour passer en revue la structure du document.
[Traduction]
Sénateurs, si vous avez le document devant vous, je vais passer en revue la structure de celui-ci et porter à votre attention un certain nombre de points. Les six premières pages résument les quatre programmes que je viens de décrire. Vous allez y trouver une description de chacun des éléments, ainsi que des exemples.
Je vous demanderais de passer à la page 4 du texte anglais, soit à la rubrique «Ressources naturelles» qui, si je ne m'abuse, figure à la même page dans le texte français. Il y a là quatre paragraphes. La technologie étant ce qu'elle est, on a inversé l'ordre d'un des paragraphes. Je tiens à vous le signaler pour éviter toute confusion quand vous allez en faire la lecture. Le troisième paragraphe, qui commence par les mots «Contribuant à l'élaboration de stratégies de réduction de risques», devrait figurer après le premier, puisqu'il a trait à la Commission géologique du Canada. Le texte se lit mieux quand les paragraphes sont placés dans cet ordre.
À la page 6, il est question du Programme de contrôle des niveaux d'inondation du fleuve Fraser. Seul le montant est indiqué. J'aimerais vous donner quelques précisions à ce sujet. Il s'agit d'un programme financé à parts égales avec la province de la Colombie-Britannique, entre 1968 et 1995, dont l'objectif était d'assurer la reconstruction de digues dans la vallée du bas Fraser. Celles-ci avaient été construites à la suite de l'inondation de 1948.
Vous allez trouver, à la même page, la rubrique «Autres ministères et programmes fédéraux». Nous avons essayé d'énumérer d'autres types de programmes d'aide en cas de catastrophe pour lesquels il n'existe aucune donnée financière précise, vu qu'ils font partie de programmes plus vastes. Nous avons essayé d'en établir la liste et de vous donner une bonne idée des diverses initiatives fédérales qui existent en matière de désastres naturels. Voilà pourquoi les dépenses pour le Programme national de réduction des dangers liés aux tremblements de terre, la sécurité des barrages et les codes du bâtiment et des incendies ne figurent pas dans les tableaux. Nous avons inclus ces chiffres pour votre information.
Le document comporte six annexes qui traitent des dépenses. Les dépenses par organisation figurent à l'annexe A. Les dépenses pour les quatre programmes que j'ai décrits figurent à l'annexe B. L'annexe C contient deux tableaux différents. Le premier, qui s'intitule «Programmes ministériels», vise à donner un aperçu des dépenses que consacrent les provinces à la planification et à la réduction des risques. Ces renseignements figurent aux pages 9 et 10. Le deuxième tableau, page 11, s'intitule «Aide». Il s'agit de l'aide versée aux provinces en cas de catastrophe. Il y a donc deux volets: soit la préparation et la réduction de risques, et l'aide. On aurait peut-être pu choisir un autre titre.
Le sénateur Bolduc: Dans le cas du Québec, la tempête de verglas et l'inondation au Saguenay figurent sous la même rubrique?
M. Lieff: Oui.
L'annexe D énumère les fonctions et dépenses prévues en 2000-2001 du Service météorologique du Canada. Ses dépenses sont importantes: elles s'élèvent à 100 millions de dollars par année. L'annexe E donne une liste des désastres qui se sont produits depuis 1994. L'annexe F donne un bref aperçu des accords d'aide financière en cas de catastrophe.
Sénateurs, je suis certain que rien de tout ceci n'est nouveau pour vous, puisque vous vous êtes déjà penchés sur la question, mais nous avons voulu vous donner une bonne idée des programmes fédéraux qui existent et des dépenses s'y rattachant. Les montants sont imprécis dans certains cas, mais nous avons essayé de faire de notre mieux dans les circonstances. Voilà qui met fin à mes observations préliminaires. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Lieff. Cet exposé était très utile.
Le sénateur Stratton: Monsieur Lieff, je tiens d'abord vous remercier, vous et M. Cossette, pour toute votre aide. C'est à la suite du dépôt du budget, en février, que j'ai demandé à avoir des renseignements additionnels. Je ne me rendais pas compte, à ce moment-là, du travail que cela demanderait. J'ai jeté un coup d'oeil rapide au document que vous avez préparé, et je tiens à vous féliciter. Il faut un peu de temps pour tout absorber, car il est très détaillé. Merci beaucoup.
Mis à part ces sommaires, savez-vous si on a établi ou si on prévoit établir, comme on doit le faire, des plans pour réduire encore davantage les risques à l'échelle nationale? C'est une question difficile et vous ne serez peut-être pas en mesure d'y répondre. La Commission mixte internationale vient de publier un rapport sur les risques d'inondation de la rivière Rouge. Elle recommande qu'on élargisse le canal de dérivation autour de Winnipeg ou qu'on construise une immense digue au sud de Ste. Agathe. Ce projet coûterait environ 500 millions de dollars, alors que l'élargissement du canal coûterait environ 800 millions de dollars.
Savez-vous si on a établi, ou si on prévoit établir, d'autres plans importants, que ce soit au Saguenay ou en Colombie-Britannique, le long du Fraser, où les risques d'inondation au printemps dernier étaient très grands? Le printemps a été plutôt frais, ce qui a ralenti la fonte des neiges et atténué le problème. Avez-vous, par ailleurs, des renseignements au sujet des tremblements de terre qui pourraient survenir en Colombie-Britannique?
C'est une question assez détaillée, mais elle concerne des régions à l'échelle nationale qui pourraient, ou non, faire l'objet d'investissements importants dans le domaine de la réduction des risques. Savez-vous si des plans ont été établis?
M. Lieff: Votre question comporte plusieurs volets. D'abord, sauf en ce qui concerne la rivière Rouge, je ne suis au courant d'aucune initiative précise en matière de réduction de risques qui fait l'objet de discussions par le gouvernement.
En ce qui a trait à la rivière Rouge, la commission mixte internationale a publié un rapport à ce sujet. On prévoit consacrer cette année environ 16,2 millions de dollars à la mise en oeuvre des recommandations du rapport. Je crois comprendre que cet argent servira surtout à financer des activités de planification et non de construction. D'autres recommandations découleront de ces activités.
De manière plus générale, Protection civile Canada a entrepris divers projets de planification et de réduction de risques, en collaboration avec les provinces. Ils étudient la possibilité d'élaborer une stratégie de réduction de risques, et évaluent les ressources qu'il faudrait y consacrer dans un premier temps. Le bogue de l'an 2000 étant chose du passé, les organismes de planification d'urgence, les ONG et autres groupes, comme ce comité-ci, s'attachent maintenant à trouver des moyens plus efficaces de réduire les risques liés aux catastrophes naturelles. Les travaux sont en cours.
M. Gérald Cossette, directeur, Programmes à l'étranger et défense, Secrétariat du Conseil du Trésor: Pour l'instant, on ne se concentre pas nécessairement ou spécifiquement sur la réduction de risques. Le gouvernement essaie d'élaborer un programme intégré qui englobera les différentes composantes de la stratégie de gestion des catastrophes naturelles, la réduction de risques ne constituant qu'un élément de celle-ci.
La plupart des ressources sont consacrées aux initiatives de préparation et d'intervention, par le biais des AAFC et du PCPC. La question est de savoir comment concilier toutes ces composantes, y compris les AAFC, la réduction de risques et les programmes spéciaux. Même si elles ne font pas partie d'une stratégie officielle, ces composantes ont toutes été utilisées dans le passé. Pour ce qui est de la réduction de risques, elle ne constitue qu'un aspect de la problématique.
Ensuite, il faut s'attacher à définir le rôle joué par le gouvernement fédéral dans ce domaine. Les autorités fédérales ne sont pas les seules à intervenir quand une catastrophe se produit. Tout se fait en coopération et en collaboration avec les provinces, les municipalités et les localités. Le gouvernement doit considérer l'ensemble des intervenants.
Le sénateur Stratton: Qui sont les ministre et ministère responsables?
M. Cossette: Le ministre Eggleton est responsable de Protection civile Canada, qui relève du MDN.
Le sénateur Stratton: Êtes-vous au courant du rapport qu'a publié le Bureau d'assurance du Canada sur la réduction des sinistres catastrophiques? L'avez-vous examiné? Je suis certain que Protection civile Canada l'a fait. Le rapport recommande que le gouvernement fédéral et les provinces consacrent conjointement environ 150 millions de dollars par année à la réduction de risques pour que nous puissions, au fil des ans, atténuer de façon appréciable les catastrophes. Êtes-vous au courant de ce rapport?
M. Cossette: Oui. Nous n'avons pas participé de façon directe à la préparation de la réponse à ce rapport, mais nous faisons partie du processus, de concert avec plusieurs autres ministères.
Le sénateur Stratton: Vous faites partie du processus. Êtes-vous conscient des sommes en jeu?
M. Cossette: Oui.
Le sénateur Bolduc: Dans la dernière annexe du document que vous avez distribué, soit l'annexe F, qui porte sur les accords d'aide financière en cas de catastrophe, vous expliquez le fondement des accords. Quand le coût par habitant est plus élevé, la quote-part fédérale l'est aussi -- elle peut atteindre, par exemple, jusqu'à 90 p. 100 des dépenses, la quote-part de la province étant de 10 p. 100. Si la quote-part fédérale est de 75 p. 100, celle de la province est de 25 p. 100.
Compte tenu de ces accords, le gouvernement fédéral a-t-il établi des lignes directrices ou fixé des conditions pour inciter les provinces à améliorer leur préparation et faire face efficacement aux situations d'urgence? Au lieu de tout simplement payer la facture, qui est très élevée, est-ce qu'on les encourage à établir des plans d'intervention pour éviter les débordements, comme ce fut le cas au Saguenay, par exemple, ou lors de la tempête du verglas?
Le sénateur Stratton: Monsieur Lieff, je peux peut-être vous aider à répondre à cette question, compte tenu de mon expérience dans la vallée de la rivière Rouge. Après l'inondation de 1997, on a décidé que les personnes qui habitaient dans la vallée devaient reconstruire leur maison deux pieds au-dessus du niveau de crue de 1997, si elles obtenaient l'autorisation de le faire. Les résidences et les immeubles situés dans les zones ne pouvant être protégées ont tout simplement été rachetés. Les propriétés seront soit démolies, soit déménagées. Cette règle est devenue la norme.
Le sénateur Bolduc: Si je dis cela, c'est parce que je viens du comté de Bellechasse, qui se trouve à l'extérieur de Québec. La rivière Chaudière traverse la Beauce. Tous les printemps, il y a des inondations. Les gens s'attendent à ce qu'elles surviennent à Pâques. Ils préparent le sirop d'érable, utilisent un peu de gin, font la fête. On voit cela dans toute la région.
La situation était compliquée au niveau local. À l'époque où j'étais sous-ministre des affaires municipales, le gouvernement provincial avait dit, «Voyons. Vous ne pouvez pas revenir chaque année avec une facture comme celle-là.» Nous avons essayé d'imposer une ordonnance de zonage pour éviter, par exemple, que la zone qui avait été inondée au cours des deux dernières années le soit à nouveau. Toutefois, les gens ont dit, «Nous ne déménagerons pas, parce que cela fait partie de la vie de tous les jours.»
Le président: Leurs grands-pères vivaient là.
Le sénateur Bolduc: Oui. Toutefois, les municipalités n'étaient pas d'accord. Elles ont dit, «Non, nous sommes contre.» C'est là que les gens ont construit leurs maisons. Leurs pères et grands-pères y étaient avant eux, ainsi de suite.
Est-ce que la formule prévoit l'établissement de zones? Je vois ici que la quote-part du fédéral est beaucoup plus élevée que celle du provincial.
Le président: Est-ce que les nouvelles constructions sont autorisées des deux côtés?
Le sénateur Bolduc: La situation s'améliore. Les mentalités ont changé, mais c'est un processus très long.
Le président: Est-ce que les nouvelles constructions sont autorisées?
Le sénateur Bolduc: Pas pour l'instant. Après 25 ans, ils ont finalement compris qu'il était temps de construire sur des terrains surélevés. Cela fait partie d'une nouvelle mode. C'est ridicule, mais c'est ainsi.
M. Cossette: Les critères des AAFC ne prévoient pas d'incitatif, mais comme les dépenses sont calculées par habitant, les provinces, par exemple le Québec, paieraient la première tranche de 7,5 millions de dollars. Ce sont les gouvernements municipaux ou provinciaux qui seraient obligés de payer la facture, à moins que ce ne soit une inondation majeure. Ils doivent donc payer la facture si les dépenses par habitant atteignent 1 $. Voilà ce qui se passe au niveau local. Le programme lui-même ne prévoit pas d'incitatifs.
Le sénateur Bolduc: Si je dis cela, c'est parce qu'il y a 25 ans, on considérait une facture de 7 ou 10 millions de dollars comme étant énorme. Aujourd'hui, le budget provincial est fixé à 30 ou à 35 milliards de dollars, de sorte que 7 millions, ce n'est pas beaucoup. Il faudrait peut-être augmenter les dépenses et les faire passer de 1 $ à 3 $, de 2 $ à 7 $, ou un montant assez élevé pour qu'ils en tiennent compte.
Le président: J'ai déjà eu cette discussion dans le passé. On a le même problème, chaque année, dans la vallée de la Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Bolduc: Le document que les témoins ont préparé est excellent. Nous devrions l'inclure dans notre rapport. Nous pourrions peut-être aussi inclure des données sur les coûts qu'ont entraîné les grandes catastrophes et sur la contribution du fédéral.
Le sénateur Moore: Quand un désastre survient à l'échelle nationale, il est important de maintenir l'ordre public. Nous vivons dans un État de droit. On ne fait aucune mention, à l'annexe A, du solliciteur général ou de la Gendarmerie royale du Canada. Est-ce qu'on en parle ailleurs dans le document? Je pensais qu'il constituerait une des principales organisations qui interviendrait en cas de désastre à l'échelle national. Qu'en pensez-vous?
M. Lieff: Vous soulevez un point intéressant. En effet, il y a plusieurs autres types de dépenses gouvernementales qui sont consacrées à l'ordre public ou aux mesures d'intervention. En fait, nous nous sommes demandés, quand nous avons préparé ce document, quels organismes y inclure.
En ce qui a trait à la Gendarmerie royale du Canada et, d'ailleurs, aux forces policières municipales et provinciales, leur objectif est de maintenir l'ordre public. Cela fait partie de leur mandat. La GRC, tout comme les militaires quand ils sont appelés à participer à des opérations pour lesquelles ils ne possèdent pas les ressources financières ou l'équipement voulu, peut toujours présenter une demande au gouvernement en vue d'obtenir des fonds supplémentaires, par le biais du processus budgétaire. On préparerait à ce moment-là un budget des dépenses supplémentaire, qu'on vous soumettrait, pour couvrir les dépenses liées à des désastres particuliers et à des opérations précises, comme ce fut le cas lors de la tempête du verglas, quand on a fait appel au ministère de la Défense nationale. Je pense qu'ils ont dépensé quelque 44 millions de dollars pour cette opération, en plus des salaires versés aux soldats et les dépenses d'équipement.
Dans le cas du MDN, le document précise qu'il est chargé de répondre aux demandes d'intervention, en cas de désastre, sauf qu'il n'y a pas de dépenses précises consacrées à cette activité, bien que je sois certain qu'ils disposent déjà d'une certaine capacité de planification et d'intervention. Toutefois, il est très difficile de chiffrer ces dépenses.
Le sénateur Moore: Est-ce que la GRC est représentée au sein de Protection civile Canada? Prend-elle part à la planification constante de la protection?
M. Cossette: Je ne veux pas vous induire en erreur. Protection civile Canada a la liste de tout un groupe de ministères en tant que capacités et définit aussi la façon dont ils agiraient dans une situation donnée. Cela englobe bien sûr la GRC et les forces locales de police, et cetera. En ce qui concerne l'affectation des ressources, comme le disait M. Lieff, la GRC n'est pas nécessairement identifiée comme étant l'organisme comme devant dépenser tel ou tel montant d'argent. Elle est considérée comme une capacité. Dans une situation donnée, elle ferait ceci, se déploierait de cette façon et offrirait les services A, B et C.
Le sénateur Moore: En réfléchissant à ces diverses catastrophes, je me dis que les Canadiens sont très généreux. Ils sont prêts à donner de l'argent pour participer aux secours et aider ceux qui souffrent par suite de catastrophes. Je pensais qu'il pourrait être utile d'avoir quelque chose comme le «Fonds du Canada», C.P. 1867, Ottawa, où il serait possible d'envoyer des dons et d'obtenir un crédit d'impôt. Cela permettrait de répondre aux catastrophes nationales, déterminées par le gouverneur en conseil en tant que telles. On pourrait imposer une limite de, par exemple, 1 000 $, pour que les gens ou les sociétés bien nantis n'abusent pas de ce système ou en prennent avantage. Une solution comme celle-ci serait-elle utile? Lorsqu'une telle catastrophe survient, les ponctions dans le budget sont énormes. Les fonctionnaires des divers ministères doivent se débrouiller pour affecter et réaffecter des fonds. Cela ne serait-il pas sensé?
M. Lieff: C'est un concept intéressant. Je ne suis pas sûr, honnêtement, comment répondre. Je sais que dans les cas de catastrophes passées, les Canadiens ont réagi très généreusement et les fonds n'ont pas été gérés par le gouvernement. Les fonds ont été gérés par les ONG, comme la Croix rouge et d'autres organismes. Il existe donc un réseau.
Le sénateur Bolduc: Puisque vous raisonnez en termes de dépenses fiscales, c'est probablement le ministère des Finances et non le Conseil du Trésor qui pourrait probablement vous donner une réponse.
Le sénateur Moore: Peut-être devrais-je effectivement poser la question au ministère des Finances, mais grâce à ce fonds, ces gens-là n'auraient pas besoin de chercher les fonds nécessaires. Je mets cette proposition sur le tapis.
Le président: Merci, sénateur. Je ne crois pas que cela pourrait donner lieu à beaucoup d'abus, compte tenu de l'actuel traitement fiscal des dons de charité dans notre pays.
Le sénateur Moore: Ce serait un crédit d'impôt.
Le président: Comme pour les dons versés aux partis politiques?
Le sénateur Moore: Oui.
Le président: Nous savons tous ce que cela donne.
Le sénateur Stratton: En ce qui concerne Protection civile Canada, par l'entremise du ministre, savez-vous quand l'étude en cours sera terminée? En avez-vous une idée, ou vaudrait-il mieux poser cette question à Protection civile Canada?
M. Cossette: Cette question devrait s'adresser à PCC. Je peux vous dire que pour l'instant, nous venons juste de terminer l'exercice relatif à l'an 2000; par conséquent, PCC est en train de prévoir la façon dont la consultation avec les intervenants pourrait se dérouler, décider des ministères qui devraient jouer un rôle, évaluer les divers éléments à examiner, et cetera. Nous ne parlons pas de quelque chose qui va se produire au cours des deux prochains mois. Le processus peut être lancé au cours des deux prochains mois, mais à mon avis, c'est une étude où une enquête qui va prendre des mois. Par ailleurs, elle conduira également à des discussions avec les provinces, puisque tout ce que nous faisons dans le domaine des catastrophes relève également à 50 p. 100 des autorités provinciales.
Le président: Monsieur Lieff, j'ai toujours été légèrement scandalisé -- et cela me ramène à l'époque où nous étions au gouvernement -- par le fait que le fisc puise simplement dans les budgets des divers ministères et organismes pour obtenir l'argent dont il a besoin pour une raison particulière, même si le rapport entre le programme dans lequel il puise et le besoin particulier est à peine plausible. Je ne dis pas que c'est ce qui se passe dans le domaine de la protection civile, mais je suis particulièrement sensible à l'utilisation des soi-disant fonds de développement régional à des fins qui n'ont pratiquement rien à voir avec le développement régional.
Les montants ne sont pas énormes. Toutefois, je vois que le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest a dû verser 17,3 millions de dollars pour l'exercice qui vient de se terminer, et le Programme de développement économique du Québec, 1,9 million de dollars. Vous avez une explication dans le mémoire. Vous dites que:
Le gouvernement fédéral a également élaboré des programmes spéciaux...
-- et «spéciaux» est le mot clé --
... à trois occasions au cours des cinq dernières années. Ils ont été exécutés par les organismes fédéraux de développement économique en collaboration avec les provinces, car les provinces demandaient plus d'argent que ce que prévoyaient les Accords d'aide financière en cas de catastrophe.
Honorables sénateurs, vous voyez ce qui se produit ici -- «Nous avons besoin de plus d'argent.» Les organismes de développement régional représentent toujours une réserve pratique où l'on peut puiser des fonds. Vous poursuivez:
Dans les trois cas, les initiatives ont été financées à parts égales (fédéral-provincial) et ont consisté à rétablir l'activité économique dans les régions sinistrées.
Cela sert de couverture.
Ces programmes spéciaux ont été adoptés par suite de l'inondation de la rivière Rouge (Manitoba) en 1997, de l'inondation au Saguenay (Québec) en 1996 et de la tempête de pluie verglaçante de 1998 dans l'ouest du Québec et l'est de l'Ontario.
Un résumé de ces dépenses se trouve à l'annexe C. Je remarque que la plupart des fonds ne tombent pas vraiment dans la catégorie «aide», mais dans celle de «planification, protection et réduction de risques». C'est la catégorie, bien que vous ayez dit que les fonds visaient à rétablir l'activité économique dans les régions sinistrées. Pouvez-vous me convaincre qu'il ne s'agit pas uniquement d'une ponction dans le budget de développement régional à des fins qui sont à peine reliées au développement régional?
M. Lieff: Monsieur le sénateur, votre question comporte plusieurs éléments. Je vais peut-être commencer par répondre au dernier point. En ce qui concerne les fonds prévus en 2000-2001 pour la planification et la protection, qui paraissent élevés pour le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, par exemple, 16,3 millions de dollars...
Le président: Oui, et 17,3 millions de dollars l'année précédente.
M. Lieff: Ces montants visaient principalement à financer la mise en oeuvre des recommandations de la Commission mixte internationale relatives à l'inondation de la rivière Rouge. Ainsi, il y a des dépenses liées à l'endiguement, au mappage et à la planification, tandis qu'un pourcentage élevé du total des dépenses liées à ces trois catastrophes visait les années précédant 1999-2000 et tombait dans la catégorie de l'aide. Les dépenses actuelles s'écartent de cette tendance et visent en fait à atténuer les effets de la catastrophe de la rivière Rouge. D'autres montants ont permis de financer une meilleure planification et une meilleure protection également, mais ils ont été relativement peu élevés pour les organismes régionaux.
En ce qui concerne votre question plus générale, toutefois, à savoir que les organismes régionaux représentent une source pratique de financement, si le gouvernement fédéral a eu recours à ces organismes, c'est parce que ces catastrophes ont été de nature régionale. Les organismes régionaux disposent d'instruments de planification et de programmation sur le terrain dans ces régions. Un appui supplémentaire spécial du genre offert par les organismes régionaux s'impose, parce que les provinces jugeaient qu'il était nécessaire d'aider certains types d'activités afin de soutenir l'activité économique qui n'est pas visée par les AAFC, comme l'appui à la petite entreprise et aux exploitations agricoles. Les AAFC permettent d'appuyer les particuliers et les petites entreprises. Il n'était en effet pas possible de répondre aux demandes faites par les provinces qui voulaient appuyer la petite entreprise et les exploitations agricoles touchées. Les organismes régionaux ont été choisis comme instruments d'exécution, parce qu'il s'agit du même genre de programmation générale qu'elles font normalement.
Vous dites que ces fonds proviennent de fonds existants affectés aux organismes régionaux à des fins de planification régionale; je n'ai pas les données exactes devant moi pour vous répondre à ce sujet. Toutefois, je sais que dans plusieurs cas, les fonds ont été complétés par les fonds du cadre financier pour permettre de réagir à ces urgences. Ma réponse manque un peu de précision, monsieur le président.
Le président: Elle est utile et je vous remercie des détails, ainsi que de votre sincérité à ce sujet.
Il me semble franchement que c'est un peu exagéré compte tenu des objectifs convenus de ces organismes. Je me souviens de l'époque où la loi visant à créer le PDEO a été adoptée. J'ai participé assez directement à la loi APECA. Il s'agissait d'essayer de stimuler l'entrepreneuriat et l'activité économique, pour la petite entreprise en particulier. Dans le cas des provinces de l'Ouest, il s'agissait de stimuler la diversification et de s'écarter du secteur traditionnel des ressources naturelles.
Les gouvernements provinciaux ont plus intérêt à obtenir des subventions ou le partage des frais pour leurs projets préférés ou nécessaires qu'à maintenir une discipline particulière. À mon avis, les premiers ministres des provinces considèrent les organismes régionaux comme une réserve d'argent dans laquelle ils peuvent puiser à loisir.
Je comprends ce que vous dites. Je comprends notamment ce que vous dites au sujet de la présence sur le terrain de certains talents et programmes et, en particulier, de certaines ressources humaines et de la capacité de planification, ainsi que le fait que dans la plupart des cas, il semble que l'on n'ait pas fait de ponction dans les fonds existants, mais plutôt que l'on a demandé aux organismes de remplir certains fonctions pour lesquelles leur budget a été complété. Cela me satisfait et apaise certaines de mes préoccupations.
Y a-t-il autre chose? Si non, je tiens à vous remercier, monsieur Lieff et monsieur Cossette, d'être venus ce matin. Vous avez été tous les deux très utiles et votre exposé est complet et approfondi.
Notre prochain témoin ne pouvait malheureusement pas se présenter, par suite de maladie, ce dont il s'excuse. Il a demandé à notre troisième témoin, Mme Kathryn White, de représenter son organisation. Elle est également membre du conseil d'administration de l'organisation de M. Davenport, si bien qu'elle va être en mesure de représenter à la fois son organisation et le Comité national canadien de la Décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles.
Madame White, bienvenue. Je vous cède la parole.
Mme Kathryn White, présidente, Black & White Communications Inc.: Tout étant très heureuse d'être ici aujourd'hui, je suis également désolée que mon estimé collègue, M. Alan Davenport, ne puisse se joindre à nous.
Pour répondre à la demande de votre greffier, j'aimerais vous donner quelques renseignements sur le Comité national canadien de la Décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles; la décennie dont il est question ici vient tout juste de se terminer. Je passerai ensuite à mon exposé.
Le CNC-DIPCN a été lancé grâce aux efforts d'une seule personne, comme c'est souvent le cas des comités. Il s'agissait, en l'occurrence, de M. Alan Davenport, Canadien connu mondialement comme l'un des grands spécialistes dans le domaine de la recherche sur la couche limite. Il dirige le Laboratoire de la soufflerie à couche limite de l'université Western Ontario.
Dès 1986 environ, l'un de ses collègues, M. Frank Press, un Américain, disait qu'il faudrait avoir la perspective la plus large possible des risques à long terme et des investissements nécessaires par suite des effets de plus en plus marqués des catastrophes naturelles. À mon avis, la décennie est un échec énorme si l'on attribue le succès au nombre limité de catastrophes, car vous savez tous ici que les catastrophes ont augmenté de façon exponentielle et poursuivent cette tendance. Les succès, par contre, tant au Canada qu'à l'échelle internationale, c'est que l'on a pu sensibiliser davantage les gens à ces questions importantes et aux effets qu'elles ont sur les collectivités dans le monde entier et au Canada.
Dans le cadre de l'accord signé avec l'organisme situé à Genève, ce sont les NU qui ont désigné cette décennie comme étant la Décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles. L'accent a été mis sur les évaluations de risques en général et sur les évaluations de risques nationales afin de promouvoir les mises en garde -- c'est-à-dire la technologie liée aux mises en garde et au suivi des catastrophes naturelles -- et aussi sur l'éducation du public. Je vais en parler un plus tard ce matin.
Beaucoup des ministères dont le témoin précédent vous a parlé, ainsi que les ONG, l'industrie et la société civile dans son ensemble, se sont adressés au comité. À la dernière réunion de la décennie, nous avons convenu de créer un groupe de travail qui s'attacherait aux résultats -- comment maintenir cette dynamique et comment faire en sorte que les connaissances, les compétences et la sensibilisation ainsi créées soient maintenues dans l'avenir. Je crois que vos délibérations d'aujourd'hui sont une des façons qui le permettront.
Je suis sûre que M. Davenport me demanderait de remercier ceux qui ont participé aux travaux du comité national au Canada, mais il faudrait aussi reconnaître en son nom les tribunes canadiennes comme la vôtre qui continuent de mettre en évidence cette question, qui a eu tant d'effets sur nos économies, sur notre environnement et, fait le plus important, sur la vie des collectivités que vous représentez ici.
Avez-vous des questions d'ordre général au sujet du CNC-DIPCN auxquelles vous aimeriez que je réponde ou préférez-vous que je fasse mon exposé?
Le président: Continuez, je vous prie, après quoi nous passerons aux questions.
Mme White: Je vais maintenant faire de mon mieux pour ne pas trop m'éloigner du texte préparé.
Vous n'avez pas besoin qu'on vous explique une fois de plus les risques et les coûts de plus en plus élevés auxquels nous exposent les cataclysmes de plus en plus fréquents. Ces risques sont véritables et imminents, ce que, depuis quelques années, nos concitoyens ne savent que trop bien.
Le moment est venu de faire preuve d'imagination et de courage. Voici les grands enjeux: renforcer les collectivités pour qu'elles résistent mieux à ces événements, favoriser une culture de la prévention et l'émergence de meilleurs décideurs parmi les citoyens, ainsi que concrétiser un développement durable et socialement responsable. Il faut absolument que le Canada se dote d'une politique d'atténuation des désastres. Alors que se termine la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, le citoyen sait bien que nous ne sommes pas à l'abri des désastres. Dans de nombreuses collectivités, des groupes réclament du leadership, et nous avons ici l'occasion de faire valoir l'excellence de certaines de nos pratiques, de nos technologies et de nos approches collectives à la réduction des conséquences des désastres.
Les travaux de R-D menés par Black & White Inc., notamment dans le cadre de son initiative «Le risque et la société» destinée à donner suite à l'évaluation des besoins liés à la décennie internationale, privilégient les dimensions sociétales des désastres. Signalons que les recherches et consultations que nous avons faites au pays et à l'étranger dans le cadre de cette initiative (notamment sur la participation stratégique des citoyens, en particulier lors des désastres de la dernière décennie) nous ont permis de cerner certains principes clés d'une politique nationale de réduction des conséquences des désastres. Je vous invite à consulter le document «Préceptes pour une politique sur la prévention des catastrophes naturelles», dont je laisserai un exemplaire à la présidence.
Je vais maintenant consacrer quelques instants aux trois points essentiels de la politique. Je vous parlerais aussi volontiers de certains travaux de recherche sociale effectués pour savoir qui sont les voix qui parlent d'autorité dans la collectivité quand survient une catastrophe naturelle, comment les jeunes Canadiens conçoivent leurs rôles et leurs responsabilités en cas de désastre et comment nous pouvons établir des prévisions. Il s'agit d'une nouvelle science sociale, d'un nouveau genre de recherche, visant à déterminer comment ils réagiront. Nous avons eu un débat animé ici au sujet du désir bien humain de vouloir s'établir là où la nature est belle malgré le fait, comme nous l'a dit un de vos collègues, que cette décision entraîne aussi la certitude qu'il faudra composer avec des inondations répétées, particulièrement si l'on vit dans la vallée de la rivière Rouge, là où les dernières inondations ont fait le plus de dégâts.
Une politique nationale a trois aspects fondamentaux. Il faut d'abord qu'elle soit réellement multidisciplinaire et qu'elle englobe de vrais partenariats, évitant ainsi de se transformer en voeux pieux. Comme on l'a constaté, l'approche monolithique de la Banque mondiale -- couler du béton ou détourner des cours d'eau afin de juguler les calamités dans le Tiers monde -- a, de son propre aveu, misérablement échoué.
Par sa diversité, le groupe ici présent atteste un engagement de plus en plus répandu de la société canadienne. L'engagement de nos concitoyens, de tous les ordres de gouvernement, du secteur privé et de la société civile, y compris des Canadiens les plus démunis, est l'occasion rêvée de trouver des solutions locales et de s'échanger les bonnes pratiques.
Ensuite, le gouvernement du Canada devrait faire preuve d'un leadership tout aussi multidisciplinaire et multi-partenaires: s'il existait un organisme central responsable, tous les fonds de relance post-désastre pourraient comporter un poste budgétaire pour les efforts de réduction des effets (la Banque mondiale a choisi 15 p. 100). En effet, on sait que la période qui suit un sinistre est celle où le citoyen est le plus disposé à investir dans de tels efforts; c'est bien naturel. S'il existait un secrétariat capable d'investir 15 p. 100 des fonds de récupération dans des mesures de réduction à plus long terme, on pourrait obtenir un excellent rendement de l'investissement. J'espère même qu'il sera possible d'être encore plus clairvoyant et de réserver 15 p. 100 des budgets de tous les nouveaux projets d'infrastructure auxquels le gouvernement fédéral consent un soutien pour atténuer les conséquences et les causes des désastres naturels. À nouveau, j'utilise l'expression ambiguë «atténuation», qui a un sens bien précis dans le domaine des changements climatiques, dont les effets sont profonds, et notre notion de l'atténuation renvoie à la réduction de ces effets.
Ce serait véritablement faire preuve de leadership tout en s'adaptant à un environnement changeant. Une partie de cet engagement, si son exécution passe par un secrétariat, mettrait à profit les compétences que les gouvernements possèdent déjà. On pourrait plus particulièrement mettre à profit le réseau existant de Protection civile Canada pour faciliter la réduction des conséquences, en l'intégrant à ses fonctions de préparation, de réaction et de relance. Le secrétariat pourrait aussi profiter de l'expérience acquise par Environnement Canada dans le cadre d'initiatives comme son Programme national des réductions des dommages causés par les inondations et de ses compétences en atténuation des effets et en adaptation au changement climatique. Il est utile de rappeler que les cataclysmes naturels se font de plus en plus fréquents au Canada. Par ailleurs, de plus en plus de faits montrent qu'il existe un rapport, par exemple, entre le verglas et un léger réchauffement, l'hiver. De la même façon, Ressources naturelles Canada a mis au point des innovations de calibre mondial en surveillance et en prévision de l'activité sismique et des feux de forêt et réunit une excellente gamme de compétences dans ces domaines.
De plus, une approche aussi éclairée permettrait au Canada de partager de précieux atouts avec le monde entier, une vision de la réduction des dangers dus aux catastrophes et des modèles de reprise intégrée qui tirent partie de nos connaissances collectives sur l'adaptation. Cela met en valeur une autre possibilité. Ce serait peut-être une belle occasion pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que pour l'ACDI de simultanément promouvoir l'idée de la prévention et de favoriser l'exportation de technologies et de compétences canadiennes. J'ai parlé de certains ministères et organismes, mais il y en a d'autres qui devraient aussi faire partie du secrétariat, notamment Santé Canada, Développement des ressources humaines Canada, et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, pour n'en nommer que quelques-uns.
Le secrétariat serait assisté par un conseil qui miserait sur les travaux du groupe de travail créé par le Comité national canadien pour la Décennie internationale. Le conseil ou comité privilégierait la participation d'organismes privés et non gouvernementaux, ce qui lui permettrait de tirer partie des ressources du privé et d'accumuler le savoir sur la décennie. Il serait aussi, à l'extérieur du gouvernement, le mécanisme par excellence de création et de maintien des partenariats; il assurerait la sensibilisation à l'échelle locale, régionale, provinciale et internationale; enfin, il présenterait -- ce qui est important actuellement dans tout ce qui nous touche -- un modèle utile de gestion dans ce domaine et il servirait de lien et de conseil en matière de possibilités de R-D.
Enfin, toute politique nationale doit aussi sensibiliser et éduquer le public pour le mobiliser et pour renforcer une «culture de prévention». Les conclusions de nos propres recherches sont généralement confirmées par bon nombre des organisations ici présentes: les jeunes Canadiens et Canadiennes sont prêts à assumer leur part de responsabilité pour les risques auxquels ils s'exposent et qu'ils évitent en tant que concitoyens. Nous avons aussi constaté que certaines personnes ont de l'autorité quand vient le moment de parler de réduire les effets des catastrophes: il faut explorer comment inciter d'autres groupes de la population à accepter d'assumer les responsabilités liées à l'existence de risques et de participer aux débats publics. Depuis que nous reconnaissons davantage les conséquences des changements climatiques, les occasions se sont multipliées. Notre initiative «Le risque et la société» a mis en relief la nécessité de mettre au point un seul et unique «langage de risque» afin d'impliquer tous les citoyens, en particulier ceux qui sont le plus directement menacés.
En guise de conclusion, je trouve très excitantes les possibilités qu'offre votre tribune et le mouvement engendré par ceux et celles qui travaillent à cet enjeu mondial. Je tiens donc à remercier non seulement le comité sénatorial, mais aussi les personnes qui travaillent sans cesse, que ce soit par l'intermédiaire de groupes comme le Comité national canadien ou en coulisse à faire des recherches, ainsi que les Canadiens et Canadiennes dont la collectivité, le foyer et la vie ont été durement affectés par des catastrophes. Nous ne pouvons pas diminuer leurs souffrances réelles, mais nous pouvons nous entendre aujourd'hui pour en tirer leçon et élaborer une politique axée sur l'avenir.
Le sénateur Stratton: Cet exposé était des plus intéressants. Notre étude a eu comme problème, en partie, le fait que la cherté des voyages nous empêche de quitter Ottawa. Nous sommes incapables d'entendre les témoignages pertinents des diverses régions, par exemple du Saguenay ou de régions du Québec et de l'Ontario touchées par le verglas, ou encore du Manitoba, le long de la vallée de la rivière Rouge. Nous n'avons pas pu entendre les groupes de ces collectivités nous parler des impacts sociaux que cela a eus sur leurs vies.
Vous avez dit, au début de votre exposé, que vous pouviez nous en parler davantage. Pourriez-vous nous donner des précisions? Notre comité a besoin d'en savoir davantage à cet égard, car c'est l'un des domaines qu'il connaît moins bien, soit l'impact social des cataclysmes sur la vie de ces Canadiens.
Mme White: Voilà une fort bonne question et un sujet qui me tient à coeur. Comme vous avez souvent traité, j'en suis sûre, des aspects structuraux de la réaction à un désastre et de la prévention d'autres désastres, vous reconnaîtrez que l'approche intégrée que je prône signifie de reconnaître la dimension humaine des catastrophes quand on entreprend de comprendre non seulement le changement climatique et l'activité humaine comme sources d'accroissement des risques mais, fait plus important, ce qui arrive à la collectivité et quelle importance cela a pour le gouvernement du Canada.
J'ai eu le sentiment d'être extrêmement privilégiée de pouvoir entreprendre la recherche que j'ai entreprise, parce que cela m'a permis de rencontrer des personnes exposées à de grands risques et très vulnérables après avoir été touchées par des catastrophes naturelles. Les conséquences des catastrophes ne sont pas toujours quantifiées dans des budgets comme celui, très détaillé, qu'on vous a décrit tout à l'heure.
Je tiens cependant à émettre une réserve: il y a beaucoup de recherche à faire. Je vais parler de certains travaux que j'ai effectués, mais il me semble que le simple fait d'effectuer de la recherche réduit déjà en quelque sorte le risque.
Nous comprenons au plus profond de nous-mêmes que le risque ici est l'éclatement de la cohésion sociale. Typiquement, la catastrophe est suivie d'un merveilleux sentiment de solidarité et d'entraide. Nous l'avons tous senti. À nouveau, sénateur Moore, en proposant d'établir un fonds, vous avez illustré à quel point les besoins des plus vulnérables de notre société touchent une corde sensible et à quel point nous sommes disposés à y répondre.
Toutefois, cette première réaction s'estompe. En fait, bien des personnes du milieu des ONG qui participent aux premières interventions s'évertuent à demander à la population de ne rien envoyer. Je pense notamment à la tornade qui a frappé Barrie et au fameux incident, du moins au sein d'un groupe exclusif d'ONG spécialisées dans l'intervention en cas de catastrophe, lorsqu'un jeune journaliste de la radio a dit sur les ondes que nous avions besoin de toutes sortes de vêtements pour les sinistrés. En règle générale, c'est la dernière chose dont a besoin la collectivité. En fait, lors de nombreuses catastrophes naturelles, nous consacrons beaucoup de ressources à nous occuper des dons inopportuns. Le phénomène a déjà fait l'objet d'une étude et de décisions.
La notion de cohésion sociale est un enjeu de taille. J'hésite à dire qu'il ne faudrait pas faire de dons quand nos sentiments nous y poussent, parce que d'une certaine façon, ces dons affirment l'existence d'une citoyenneté collective. Par contre, souvent la collectivité a l'impression, plus tard, d'être négligée par ceux qui ont fait tous ces dons. Ainsi, certaines personnes de la vallée de la rivière Rouge n'ont pas encore emménagé dans des constructions permanentes. Dans l'ensemble, ce ne sont pas celles qui ont une carte de crédit et qui peuvent aller à l'hôtel au moindre signe d'inondation. Nous savons tous qu'au Canada, les compagnies d'assurance n'offrent pas de protection contre les inondations; toutefois, elles en offrent certes pour d'autres pertes.
Il ne faut pas oublier les questions comme l'emploi. Ma curiosité a été piquée quand le président a parlé de développement économique régional. Pour ce qui est des dons, certains organismes d'aide internationale ont demandé qu'on leur envoie simplement des dons d'argent. Je ne crois pas qu'ils en aient suffisamment bien expliqué la raison. Ces dons d'argent sont particulièrement utiles, par opposition à l'envoi de biens, parce que nous pouvons verser ces fonds à la population locale touchée par la catastrophe pour qu'elle puisse aller faire des achats dans les commerces locaux qui ont eux aussi été touchés et, par conséquent, rétablir sa propre activité commerciale. Les catastrophes naturelles ont de très grands effets sur la petite entreprise et la population locales.
Nous observons une accentuation de la violence familiale après des catastrophes naturelles. Je vais vous faire-part d'une de mes expériences à cet égard. Le deuxième mercredi d'octobre marque tous les ans la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. En 1997, de concert avec le comité, Black & White Communications a tenu une activité à St. Adolphe, une des localités du sud de Winnipeg les plus touchées par les inondations. Nous nous sommes concentrés sur les jeunes et la prochaine génération de mêmes que sur les répercussions du désastre sur eux et la récupération à long terme, y compris l'inculcation d'une culture de prévention.
Je vous dirai dans un premier temps, parce qu'il est important que vous le sachiez, que nous avons assisté à l'interprétation émouvante, par un groupe d'enfants de 3 ans, d'une chanson dont le thème était l'évacuation de son foyer. Nous avions aussi avec nous un groupe d'élèves de septième année qui avaient été évacués. En partie pour les faire intégrer à ce processus, nous avons écouté les histoires de leurs familles où il était question de fragmentation et d'évacuation qui obligeaient parfois les pères à rester à la maison pour aider d'autres membres de la communauté à remplir des sacs de sable. Ils nous parlaient des difficultés économiques avec lesquelles les gens étaient aux prises alors que les familles se disloquaient et essayaient de comprendre. Une autre oeuvre intitulée «The meaning of Home» décrivait ce qui arrive à une collectivité.
Cette approche «communautarienne» fait partie intégrale de ce que veut dire être Canadien. Qu'est-ce que cela veut dire quand on ne peut retourner chez soi la tête haute? Une fois de plus, pour ceux d'entre vous qui ont fait de la politique, la perception est de toute première importance. Je veux dire par là: «Est-ce que les Canadiens se soucient de mon bien-être?» Pour comprendre ce qui se passe dans le microcosme qu'est une famille, ainsi que dans une collectivité, après une catastrophe, il faut commencer à mesurer également ces coûts. Le sentiment qu'on ait fait preuve de plus d'enthousiasme et que la réponse a été plus grande pour une région du pays que pour autre devient très important. D'une certaine manière, en recourant à une politique d'atténuation des désastres, nous avons aussi l'occasion de faire participer toutes les collectivités, surtout celles qui sont à risque, pour qu'elles puissent comprendre. Il ne faut pas se surprendre que les pauvres soient les plus à risque.
Nous savons que cela est vrai également à l'échelle internationale. Nous n'avons qu'à jeter un coup d'oeil à l'énorme travail accompli par l'ACDI, la Banque mondiale et d'autres organismes au sein des collectivités qui ont été touchées par l'ouragan Mitch, par exemple. Nous avons perdu 20 ans de développement en partie parce que nous n'avons pas adopté de politique d'atténuation des désastres. Je veux dire par là, où devrions-nous construire? Où devraient se trouver les centres des collectivités? Quels autres facteurs faut-il prendre en considération?
Nous savons également que, même au sein de ce groupe vulnérable, les pauvres souffrent davantage que la classe moyenne ou les riches.
Notre recherche a permis aussi de démontrer que, dans des situations différentes comme le changement climatique ou que sais-je encore, les nouveaux immigrants pourraient ne pas réagir au même genre d'avertissement que nous donnons.
Dans le cadre de nos travaux en collaboration avec la Commission mixte internationale nous nous sommes rendus à Montréal, à Kingston, à Ste Agathe et à Grand Forks. Nous cherchions à savoir qui détenait l'autorité dans la collectivité et ce dont cette autorité avait besoin pour convaincre quelqu'un de quitter un endroit qu'il aime. Cela variait beaucoup d'une région à l'autre du pays. Lorsqu'il est question de préparation et d'atténuation, il faut être au courant de ces aspects. Cela fait une énorme différence en ce qui a trait à la sécurité des gens qui vivent dans des régions où se produisent des catastrophes.
Le sénateur Stratton: En ce qui concerne le point 2 à la deuxième page de votre exposé, vous parlez d'investir 15 p. 100 des budgets de reprise dans des mesures de réduction des effets. Vous fondez-vous sur un modèle américain? Comment en êtes-vous arrivé à ce 15 p. 100?
Mme White: Il s'agit d'un modèle utilisé aux États-Unis par la Federal Emergency Management Agency. Il a aussi été adopté en février, dans le cadre d'une réunion de la Banque mondiale au cours de laquelle le président a pris cet engagement. La première question qu'il a posée après avoir fait cette annonce a été la suivante: «Quand cela s'appliquera-t-il au développement en général?»
Cela me semble un pourcentage raisonnable. À bien des égards, il faudrait que je sois naïf de ne pas reconnaître que certains aspects de la reconstruction sont quasi automatiques. Nous sommes en mesure de comprendre notre leçon et de nous dire: «Ne construisons pas au même endroit.» Cependant, le désir de la plupart des gens -- et nous l'avons entendu dire dans un exposé qui a été donné ce matin -- c'est de retourner là où nous courions un risque. Il me semble que nous devons poser des questions du genre: «Cette politique d'aménagement du territoire convient-elle? Devrions-nous construire ici ou ailleurs? Devrions-nous construire sur un sol instable? Devrions-nous avoir des centres communautaires qui peuvent servir de centres d'évacuation? Et ainsi de suite.» Ces 15 p. 100 sont tout à fait raisonnables. Ils correspondent aux pourcentages d'autres programmes nationaux.
Le sénateur Moore: Vous nous faites part des conclusions de vos recherches en disant: «Les jeunes Canadiens et Canadiennes sont prêts à endosser leur part de responsabilité pour les risques auxquels nous sommes tous exposés.» Pourriez-vous nous parler un peu de l'objet de votre recherche, de ce que vous entendez par «prêts» et de ce sont les jeunes vous ont fait part?
Mme White: Nous avons effectué un certain nombre de travaux de recherche. Nous nous sommes surtout attachés aux jeunes de 12 ans qui, d'un bout à l'autre du pays, sont habituellement en septième année. Si nous avons choisi cette catégorie d'âge, c'est tout d'abord parce que la plupart des quotidiens canadiens sont rédigés pour ce groupe d'âge. Je suis convaincu que nous pouvons tous lire des notes en bas de page si on nous y oblige, mais que nous préférerions ne pas avoir à le faire. Si je peux parler de ces questions à des jeunes de 12 ans, alors je peux le faire confortablement avec des gens à peu près n'importe où. Deuxièmement, les jeunes de 12 ans sont sur le point de passer à une dimension sociale au sein de la société, à un stade où ils prendront leurs propres décisions sans l'influence protectrice, nous l'espérons, de leurs parents. C'est à ce stade du changement que nous pouvons avoir le plus d'influence. Il s'agissait donc de deux considérations importantes.
Nous avons procédé à un certain nombre d'études, tant qualitatives que quantitatives -- qualitatif dans le sens de dialogues pas différents de celui-ci et quantitatif, dans le sens que nous disposions de chiffres solides sur lesquels nous pouvions tirer des conclusions utiles. Dans le cadre de notre initiative «Le risque et la société» nous avons rejoint plus de 1 000 jeunes Canadiens. Nous sommes retournés à Montréal après la tempête de verglas et dans des écoles de Winnipeg tout de suite après l'inondation. En fait, lorsque nous avons procédé à la première étude, nous avons entendu dire qu'il y avait beaucoup trop de neige. Nous sommes retournés dans les collectivités afin de déterminer quelle différence ferait le fait d'avoir vécu une catastrophe naturelle dans les perceptions que les jeunes ont du risque et la responsabilité qu'ils assument à cet égard.
Nous avons appris que les jeunes à cet âge subissent encore grandement l'influence de leur famille. La leçon que nous en avons tirée, c'est qu'il nous incombe de bien renseigner leurs familles sur les mesures appropriées à prendre et sur les gestes qu'il faut poser pour atténuer les désastres. Nous avons aussi posé des questions, du genre de celles que les spécialistes en sciences sociales ont coutume de poser: «Pouvez-vous comprendre qu'on puisse s'attacher à une rivière?» Nous recherchions des aspects environnementaux. Nous leur avons demandé où ils se situaient par rapport à l'environnement. Si cela les incitait à prendre moins de risques.
En fait, nous avons découvert qu'il est vrai que les jeunes qui se rendaient compte que les gestes qu'ils avaient posés avaient eu un effet, même si cela se limitait à un frère, une soeur ou à leurs parents, comprenaient également l'effet d'entraînement merveilleux du caillou jeté dans l'étang. Cela a confirmé ce que nous devons faire, atteindre également tous les jeunes Canadiens. J'ai apporté une partie de ces travaux de recherche et je serais heureuse de vous les laisser.
Nous avons aussi parlé aux jeunes Canadiens du langage de risque. Encore une fois, autour de cette table, nous utilisons des mots recherchés. «Atténuation des impacts» a un sens tout à fait différente selon qu'on est spécialiste des changements climatiques ou intervenant en cas d'urgence. Nous avons trouvé que cela avait de l'importance.
Nous leur avons aussi demandé en qui ils avaient confiance, comme nous l'avons fait avec d'autres Canadiens. En d'autres mots, s'agissait-il des environnementalistes ou des investigateurs scientifiques du gouvernement? Qu'est-ce que le gouvernement signifiait pour eux? Dans l'ensemble, et je suis heureux de vous dire cela, au moins dès la douzième année, ils attachaient une grande importance à la notion de science ajoutant de la crédibilité. Quatre-vingt-sept pour cent des jeunes Canadiens ont dit qu'ils devraient au bout du compte endosser leur part de responsabilité pour les gestes qu'ils posent. Ils ont compris, par exemple, que cela s'étendrait aux décisions à prendre relativement aux précautions et à leur approbation par la collectivité. Nous leur avons donné de bons exemples qu'ils pouvaient comprendre comme la gestion de l'utilisation du terrain. Devrions-nous construire sur une plaine inondable ou les Canadiens devraient-ils exprimer leur opinion à ce sujet?
Ces jeunes se sont tous dit tout à fait prêts à s'engager à cet égard. L'enthousiasme ne manquait pas dans l'ensemble. Ce que nous avons surtout constaté c'est que ces jeunes sont prêts à s'engager avec leur collectivité pour diminuer le risque et comprennent que cela fait partie du rôle de citoyen, qu'être citoyen ne se limitait pas à des droits mais comportait aussi un éventail de responsabilités.
Le président: Il y a eu peu de questions, mais les réponses ont été très exhaustives. Nous vous en remercions. Nous vous remercions de votre exposé, madame White.
Sénateurs, en ce qui concerne la question que nous examinons, la protection civile au Canada, nous avons consacré aujourd'hui la dernière réunion à l'audition des témoins. Nous allons maintenant procéder à la préparation de notre rapport. Je propose que nous demandions à M. Beaumier de la Bibliothèque du Parlement de mettre une dernière main à son résumé des points principaux qui ressortent des témoignages que nous avons entendus au cours des dernières semaines et, au moyen d'une ébauche, repérer les domaines que nous voudrons peut-être aborder dans notre rapport final. Dès que j'aurai le document dans les deux langues officielles -- et je suppose que ce sera au cours des deux prochaines semaines -- je le ferai distribuer aux membres du comité pour qu'ils puissent l'examiner soigneusement. À la première occasion, nous tiendrons une séance à huis clos, peut-être en marge de nos réunions habituelles ou dans le cadre d'une réunion spéciale. Nous allons ensuite débattre la question et donner nos dernières directives à notre conseiller de la Bibliothèque du Parlement.
Si je comprends bien, sénateur Stratton, vous aimeriez présenter un rapport final sur cette question avant que nous ajournions nos travaux à la fin de juin?
Le sénateur Stratton: Oui.
Le sénateur Moore: Oui. Cela semble raisonnable.
Le président: Merci.
Le sénateur Stratton: Le greffier pourrait-il distribuer le rapport qu'a laissé Mme White? Pourriez-vous aussi distribuer l'horaire mis à jour de nos réunions pour que nous puissions modifier notre calendrier en conséquence?
Le président: Oui.
La séance est levée.