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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 1er décembre 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour en faire l'examen.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, avant de donner la parole à notre témoin, je tiens à signaler aux membres du comité qu'ils ont reçu plus tôt cette semaine une brochure intitulée: «Introduction au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles». Cette brochure a été rajeunie, révisée et réécrite par notre très compétente assistante, Nancy Holmes, sous l'égide de la Bibliothèque du Parlement. Félicitations. C'est une lecture recommandée à tous.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Lawrence MacAulay, solliciteur général du Canada. Il comparaît encore une fois au sujet du projet de loi S-10. Les membres du comité auront tous pris connaissance du précurseur de ce projet de loi qui nous a été soumis au cours de la session précédente. Je tiens à féliciter le ministre MacAulay d'avoir réagi aussi rapidement à nos préoccupations au sujet de l'ancien projet de loi et de nous en avoir soumis un autre avant que le premier soit proclamé. Je suis très heureuse que le travail du comité ait été récompensé de cette façon.

Vous avez la parole.

L'honorable Lawrence MacAulay, solliciteur général du Canada: Honorables sénateurs, je m'étais engagé à donner suite aux recommandations que renfermaient votre 16e rapport, qui traitait de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et le projet de loi S-10 en est le résultat.

Il y a environ un an, j'ai comparu devant votre comité pour parler du texte de loi sur la banque de données génétiques. À cette époque, vous aviez proposé un certain nombre de recommandations en vue d'améliorer le fonctionnement de la banque nationale de données génétiques et de mieux protéger le droit des citoyens canadiens à la vie privée. Je vous suis très reconnaissant de l'excellent travail que vous avez accompli. Et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé expressément à ce que ce projet de loi soit présenté au Sénat. Il est le fruit de votre travail et j'aimerais savoir ce que vous en pensez avant qu'il ne soit présenté à la Chambre des communes.

Ce projet de loi ne modifie en rien les éléments clés de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques que vous avez avalisée l'année dernière. Il donne suite aux recommandations que vous avez proposées après avoir étudié attentivement la question et il apporte quelques autres changements pratiques pour que la banque de données puisse être constituée sans problème. La banque de données devrait être prête d'ici le mois de juin. Elle demeure une des nos principales priorités.

Les territoires et provinces, la police, les victimes et le grand public attendent avec impatience la création de cette banque de données qui permettra de mieux assurer la sécurité du public et de contribuer à enrayer les crimes violents au Canada. Nous vous demandons d'étudier rapidement ce projet de loi pour permettre à la GRC de mettre sur pied cette banque de données dans les plus brefs délais.

Permettez-moi de décrire brièvement les principaux éléments du projet de loi S-10, puis je parlerai des règlements d'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques ainsi que du comité consultatif de la banque de données génétiques.

Le projet de loi S-10 modifie la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques de manière à inclure dans la banque nationale de données génétiques les profils des délinquants justiciables du Code de discipline militaire qui sont déclarés coupables d'une infraction grave accompagnée de violence. Les juges militaires pourront ordonner le prélèvement d'échantillons de substances corporelles sur des personnes justiciables du Code de discipline militaire à la suite d'une condamnation pour une infraction désignée. Pour les besoins de la Loi sur la défense nationale, les infractions désignées comprennent les infractions désignées dans le Code criminel actuel ainsi que les infractions d'ordre militaire dont la nature s'apparente à celles qui sont citées dans le Code criminel. Les profils génétiques ainsi obtenus sur ces délinquants seront ensuite versés dans le registre des condamnés de la banque de données.

Une autre modification de la Loi sur la défense nationale permettra aux juges militaires de délivrer des mandats autorisant des prélèvements pour analyse génétique, en rapport avec une enquête de la police militaire portant sur une infraction désignée commise au Canada ou à l'étranger par une personne justiciable du Code de discipline militaire. La banque de données génétiques tout comme la délivrance des mandats prévus dans la Loi sur la défense nationale s'inspirent des dispositions actuelles du Code criminel. Les mêmes garanties constitutionnelles et relatives au respect de la vie privée s'appliquent.

Le projet de loi S-10 comprend également de nouveaux mécanismes permettant au Parlement de surveiller étroitement les activités courantes de la banque de données. Le commissaire de la GRC sera tenu de présenter un rapport annuel sur les activités de la banque nationale de données génétiques au solliciteur général qui le déposera ensuite à la Chambre des communes et au Sénat. La disposition sur l'examen réglementaire contenu dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques a également été modifiée pour permettre à un comité sénatorial de procéder à un examen indépendant de cette loi.

Je me suis longtemps demandé si cette loi devait être revue tous les cinq ans, selon la recommandation formulée par votre comité. Bien que je pense, comme vous, que la loi sur la banque de données doit tenir compte de l'évolution des progrès techniques, je demeure aussi convaincu que nous devons la modifier selon les besoins et quand il faut.

Le rapport annuel permettra aux deux Chambres du Parlement de se tenir au courant des activités de la banque de données et des progrès technologiques qui y sont associés. Le Parlement pourra ainsi proposer tout amendement législatif qu'il estime nécessaire pour répondre aux faits nouveaux. Pour ma part, je pense que cette manière de procéder offrira une façon plus opportune et plus efficace de veiller à ce que la législation concernant la banque de données traduise la réalité sociale de l'heure.

Comme le comité avait dit craindre que les profils d'identification génétique ne soient utilisés à des fins autres que la répression de la criminalité, un nouveau principe sera ajouté à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui précisera que les profils d'identification génétique et les prélèvements de substances corporelles ne pourront servir qu'à l'application de la loi. Ce principe est enchâssé dans la loi plutôt que dans les règlements d'application car il importe d'empêcher que ces profils ne soient utilisés à des fins illégales. Nous sommes donc allés un peu plus loin que ce que recommandait le comité.

Un certain nombre de changements sont également apportés au Code criminel en réaction aux craintes exprimées par les responsables fédéraux et provinciaux des poursuites pénales. Ces changements auront pour effet: de préciser qu'un tribunal n'est pas tenu de rendre une ordonnance sur la banque de données s'il est informé que la banque de données renferme déjà le profil génétique de la personne concernée; d'autoriser les juges des cours provinciales à avaliser toute ordonnance qui aura été rendue ou délivrée dans une autre province; d'abroger les dispositions autorisant une personne à exprimer sa préférence quant à la substance à prélever; et de veiller à prélever de nouveaux échantillons de substances corporelles chaque fois qu'une ordonnance relative à la banque de données génétiques est rendue. Les changements en question étaient recommandés par les autorités provinciales et territoriales et ont été intégrés au moment de la conception de la banque de données.

En réponse à votre demande d'examiner les règlements pris en application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques avant leur publication, je suis heureux de vous remettre aujourd'hui les ébauches de ces règlements. La totalité des territoires et des provinces les ont déjà avalisés lors de nos consultations.

Deux séries de règlements sont proposées. La première créera le comité consultatif de la banque de données génétiques qui sera chargé d'offrir des conseils sur la mise oeuvre et les activités de la banque de données. Comme vous le constaterez, le comité consultatif comprendra un représentant de la Commission de protection de la vie privée, ce qui était l'une des recommandations de votre comité. La deuxième portera sur les dispositions de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

Pour que le commissaire de la GRC puisse constituer sous peu le comité consultatif, les règlements s'y rattachant doivent être adoptés avant que la banque de données ne devienne opérationnelle. La deuxième série de règlements entrera en vigueur une fois la banque de données établie. Je vous serais reconnaissant de me dire ce que vous pensez de ces deux ébauches lorsque vous étudierez le projet de loi S-10.

En résumé, je suis convaincu que tous les changements que renferme le projet de loi S-10 permettront d'améliorer la loi en vigueur et de créer un banque nationale de données génétiques qui sera utile. J'attends avec intérêt les résultats de votre étude pour que nous puissions apporter rapidement les modifications avant que ne soit créée cette banque de données.

La présidente: Nous avons des exemplaires des ébauches de règlements, qui seront distribués à tous les membres du comité.

Le sénateur Beaudoin: Monsieur le ministre, nous nous soucions du respect du caractère privé des données génétiques, ainsi que de la possibilité qu'on en fasse un usage illégal. Nous nous préoccupons également de la collaboration entre les autorités fédérales et les procureurs généraux des provinces. Dans notre système, le droit pénal relève du gouvernement fédéral, mais l'administration de la justice relève des gouvernements provinciaux. Quel type de collaboration existerait entre les procureurs généraux des provinces? La réponse à cette question figure peut-être dans les règlements qui ont déjà été acceptés, mais j'aimerais en savoir davantage.

C'est peut-être le système idéal et c'est peut-être la chose à faire, mais il faut la faire en ayant certains objectifs à l'esprit. Nous ne pouvons passer des données génétiques à la télévision ou autres choses du genre. Êtes-vous satisfaits du secret qui entoure tout cela? Quelles sont vos relations avec vos collègues des provinces?

M. MacAulay: Compte tenu des craintes exprimées par votre comité au sujet d'une possible utilisation des profils d'identification génétique, nous avons décidé d'intégrer un nouveau principe non pas dans les règlements, mais dans la loi même. Il est maintenant précisé dans la loi que ces profils ne sauraient être utilisés à d'autres fins que l'application de la loi.

Le sénateur Beaudoin: C'est dans la nouvelle loi.

M. MacAulay: C'est dans la nouvelle loi, et non dans les règlements.

Le sénateur Beaudoin: Cela peut toujours être ajouté dans les règlements ultérieurement ou est-ce uniquement dans la loi?

M. MacAulay: C'est dans la loi.

J'ai acquis beaucoup de respect pour le Sénat à la suite de mes comparutions devant votre comité.

Le sénateur Beaudoin: Au Québec, par exemple -- mais pas uniquement au Québec puisque l'Ontario a sa propre police et que dans toutes les autres provinces on fait appel à la police fédérale -- le système est tel qu'à votre avis, il n'y a pas de fuites possibles. Comment a-t-on établi la sécurité?

M. MacAulay: L'article 5 du projet de loi modifie l'article 4 de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et se lit comme suit:

b) ces profils, de même que les substances corporelles prélevées en vue de les établir, ne doivent servir qu'à l'application de la loi, à l'exclusion de toute autre utilisation qui n'y est pas autorisée;

Cela figure dans la loi. Ce n'est pas dans les règlements. Ce changement a été apporté à la suite des recommandations de votre comité. Vous aviez relevé cela et nous avons apporté un changement.

Le sénateur Beaudoin: Un usage illégal des profils d'identification génétique pourrait être dangereux.

M. MacAulay: Cela serait répréhensible et maintenant, c'est contre la loi.

Le sénateur Beaudoin: Déposez-vous un rapport tous les ans à la Chambre des communes?

M. MacAulay: Le commissaire de la GRC me soumet un rapport que je dépose ensuite devant les deux Chambres tous les ans.

Cela vise un autre problème que vous porterez sans doute à mon attention, comme vous l'avez fait au sujet de l'examen tous les cinq ans. Il y a également un examen annuel prévu et ce, pour prendre en compte tous les changements d'ordre technologique qui peuvent survenir. Nous ne voudrions jamais abandonner si nous allions jusqu'à l'an trois. Nous ne pourrions attendre jusqu'à l'an cinq. Tous les ans, vous recevrez un rapport à des fins d'évaluation. Si des changements sont jugés nécessaires, nous espérons que les autorités -- vous-même et les membres de l'autre endroit -- les feront à ce moment-là, sans attendre l'examen quinquennal. C'est ce que nous nous sommes dit. L'examen est important, peut-être même plus important que vous ne l'aviez indiqué. Il y aura donc un examen tous les ans pour vous donner l'occasion d'évaluer le processus.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes habitués à un examen quinquennal étant donné que c'est une disposition qui figure dans de nombreuses lois, et nous n'avons pas d'objections. Il y a tellement de cas devant les tribunaux en ce qui concerne les articles 7 à 14 de la Charte, qu'il serait peut-être bon de demander au Parlement du Canada d'apporter des changements législatifs. Je suis d'accord avec vous à ce sujet.

M. MacAulay: C'était notre opinion.

Mme Marian Harymann, analyste principale des politiques, Division de l'application de la loi, ministère du Solliciteur général du Canada: Vous vouliez savoir qui, dans les provinces et les territoires, avait été consulté en vue de préparer la mise en oeuvre de la banque de données génétiques. Un certain nombre de groupes ont été créés. Les procureurs généraux ainsi que les autorités provinciales et territoriales ont été consultés au sujet de l'ébauche et ont pu communiquer leurs réactions. Celles-ci se reflètent dans le document préliminaire que vous avez en main. Le ministère de la Justice a également mis sur pied un groupe de travail fédéral, provincial et territorial afin de se pencher sur les questions relatives aux coûts des procureurs et à la préparation de la mise en oeuvre de la banque de données. Leurs membres ont fait certaines propositions visant à parfaire la loi et vous pouvez en prendre connaissance dans les dispositions du projet de loi relatives au Code criminel.

Enfin, le ministère du Solliciteur général et la GRC ont constitué un groupe fédéral-provincial de mise en oeuvre de la Loi sur la défense nationale et l'ont chargé de dresser un plan en vue de la cueillette des échantillons. Faisaient partie de ce vaste groupe des représentants des corps policiers de tout le pays, y compris l'OPP et la SQ du Québec, ainsi que de la GRC, des forces policières locales et des autorités provinciales. Tous ces intervenants devront décider de quelle façon les échantillons destinés à la banque de données génétiques seront recueillies dans leur champ de compétences respectif.

M. MacAulay: Le représentant du commissaire à la protection de la vie privée participera également à l'examen. Toute atteinte à la Loi sur la protection des renseignements personnels, sous sa forme actuelle, serait dénoncée par ces personnes. C'est une autre garantie.

Le sénateur Ghitter: Je m'inquiète de l'aspect militaire. Lorsqu'il est question dans la mesure d'une demande ex parte. Qui peut présenter une telle demande? Pourquoi n'est-ce pas automatique? Si ces infractions sont commises par des militaires, la décision ne devrait-elle pas être automatique? La demande ex parte semble vouloir dire qu'il faut que quelqu'un présente une demande au juge. Si personne ne le fait, comment procède-t-on? Comment l'échantillon est-il acheminé vers la banque de données génétiques?

M. MacAulay: L'échantillon se retrouve-t-il dans la banque de données?

Le sénateur Ghitter: Le projet d'article 196.12 précise qu'un juge militaire saisi d'une demande ex parte doit alors remplir et signer un mandat pour autoriser une analyse des données d'identification génétique. Qui reçoit la demande ex parte?

Commander Jane Harrigan, directrice, Services juridiques des pensions et des finances, Bureau du conseiller juridique, ministère de la Défense nationale: Les dispositions dont vous parlez sont parallèles aux dispositions du Code criminel. Elles s'alignent sur l'article 487.05 du Code pour ce qui est des demandes de mandat. Il ne s'agit pas d'une ordonnance de tribunal. Nous parlons en l'occurrence d'une demande de mandat. Aux termes du Code criminel, il s'agit également d'une demande ex parte, de sorte que les mêmes personnes peuvent demander un mandat aux termes des deux statuts -- c'est-à-dire les membres de la police et les agents de la paix.

Le sénateur Ghitter: Pour invoquer ces dispositions, un agent de police militaire doit faire une demande ex parte. Est-il facultatif ou obligatoire qu'il le fasse?

Cdr Harrigan: À l'heure actuelle, un agent de la police militaire peut se présenter devant un juge et demander un mandat pourvu qu'il ait des raisons valables de le faire. En l'occurrence, il n'y a rien de différent d'avec le Code criminel. Un «agent de la paix» englobe les membres de la police militaire.

Le sénateur Ghitter: Si quelqu'un, au sein du service militaire, décide de ne pas soumettre de demande, même si certaines de ces infractions ont été perpétrées, à ce moment-là, il n'y aura pas d'échantillon de données d'identification génétiques dans notre banque de données.

Cdr Harrigan: L'échantillon n'est pas acheminé à la banque à ce moment-là. Il s'agit d'un mandat d'enquête. L'échantillon est saisi à des fins d'enquête uniquement à ce stade.

Le sénateur Ghitter: De quelle façon est-il acheminé à la banque? Quel article stipule comment il est acheminé à la banque de données?

La présidente: Au moment de la condamnation, je crois.

Cdr Harrigan: C'est un système qui est tout à fait parallèle au processus civil. Cela relève des articles 196.14 et 196.15, qui sont parallèles aux dispositions du Code criminel. Les juges sont en mesure de rendre une telle ordonnance après la condamnation dans le cas d'une infraction primaire désignée. Dans le cas d'une infraction secondaire désignée, c'est le procureur qui demande qu'une telle ordonnance soit rendue. C'est un système parallèle au régime civil.

Le sénateur Ghitter: Une fois l'ordonnance rendue, après l'inculpation, un échantillon est automatiquement versé dans la banque.

Cdr Harrigan: Oui.

Le sénateur Ghitter: Où cela figure-t-il dans le projet de loi?

La présidente: Au projet d'article 196.15.

Cdr Harrigan: En fait, le projet d'article 196.22 prévoit le transfert au commissaire de la GRC. C'est une disposition parallèle au paragraphe 487.07(1) du Code criminel. Cette disposition consacre le pouvoir de verser l'échantillon dans la banque de données génétiques. Par ailleurs, il y a des modifications à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques qui renvoient aux dispositions du Code criminel afin d'assurer une référence parallèle à la Loi sur la défense nationale. Une disposition de la Loi sur la défense nationale autorise le prélèvement d'un échantillon et son versement dans la banque de données génétiques. De plus, par le biais de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, il y a des renvois aux dispositions de la Loi sur la défense nationale qui permettent à la banque de recevoir des échantillons.

Le sénateur Ghitter: Autrement dit, au début, vous soumettez la demande ex parte afin d'étayer l'affaire. En cas de condamnation, un échantillon est prélevé et cela déclenche les dispositions qui font en sorte qu'il est versé dans la banque de données.

Cdr Harrigan: Oui. Tous les mandats relevant du Code criminel sont des mandats ex parte. Le policier en fait la demande à un juge de paix. Dans le cas d'un mandat visant un profil d'identification génétique, étant donné son caractère délicat, on va un échelon plus haut. La demande est présentée à un juge ou, aux termes de la Loi sur la défense nationale, à un juge militaire. Cependant, ces demandes sont généralement ex parte parce qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une enquête policière.

La présidente: La confusion tient peut-être au fait que dans le projet de loi précédent, il était clair que les échantillons d'identification génétique pouvaient uniquement être versés dans la banque de données au moment de la condamnation, pas avant. Les forces policières ont une grande marge de manoeuvre lorsqu'il s'agit des moyens à prendre pour élucider une affaire, mais les échantillons d'empreintes génétiques doivent être prélevés de nouveau avant d'être versés dans la banque de données et uniquement après la condamnation.

Le sénateur Fraser: Pour revenir à la sécurité du système, un article stipule que tout profil d'identification génétique qui est transmis au commissaire de la GRC électroniquement doit l'être à l'aide d'un réseau sécuritaire encodé, avec accès contrôlé aux points d'entrée et de réception. Cela touche la transmission électronique de profils.

Je m'intéresse à la sécurité des échantillons. Il y a dans le projet de règlement un passage intéressant au sujet de la trousse d'échantillons et de son contenu. Les échantillons doivent être transportés en toute sécurité dans un paquet scellé, étiqueté et bien adressé. Cependant, on est muet sur ce qui se passe une fois que ce paquet scellé est livré. Est-ce parce qu'ailleurs, il y a un système qui régit le transport de la preuve?

Mme Harymann: La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques stipule que les échantillons doivent être transmis au commissaire de la GRC et qu'on ne saurait s'en servir à d'autres fins. Cela constituerait un usage non autorisé. La GRC est en train d'élaborer une trousse sur la collecte d'échantillons assortie d'instructions qui, si elles sont suivies, assureront la qualité, la fiabilité, la validité et l'intégrité des échantillons.

Le médecin responsable de la banque de données génétiques doit comparaître demain matin. Il sera en mesure de nous expliquer plus en détail ce qu'est exactement en train d'élaborer la GRC.

Le sénateur Nolin: Je vous remercie de la diligence que vous-même et votre bureau avez manifestée pour répondre aux préoccupations du comité. Nous apprécions le fait que plus d'une fois, vous-même et vos collaborateurs du ministère avez réagi rapidement pour répondre à nos préoccupations. Nous en sommes très heureux.

Pensez-vous que l'échéancier de 18 mois prévu pour la mise en oeuvre intégrale de la banque de données, échéancier dont vous aviez parlé lorsque vous avez comparu devant le comité au sujet du projet de loi C-3, est toujours réaliste?

M. MacAulay: Oui.

Le sénateur Nolin: D'ici 18 mois, la banque sera entièrement opérationnelle.

M. MacAulay: C'est également la raison pour laquelle les règlements vous ont été distribués. Il serait bon que vous puissiez les évaluer. Je suis sûr que vous vous acquitterez de cette tâche. En effet, vous faites un excellent travail, qui nous est très utile.

Le sénateur Nolin: Les infractions spécifiques auxquelles on fait référence à titre d'infractions relatives au service dans les forces armées figurent dans la liste des infractions secondaires. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Pensez-vous que certaines de ces infractions devraient figurer sur la liste des infractions primaires? Y a-t-il une explication à cela?

Cdr Harrigan: Nous essayons d'établir les mêmes infractions primaires et secondaires que dans le Code criminel. Nous avons également tenu compte du fait que le régime devrait s'appliquer dans un contexte militaire. Par conséquent, nous voulions intégrer les infractions graves analogues à celles figurant dans les catégories des infractions désignées du Code criminel. Je les aborderai une à la fois.

Le sénateur Nolin: Prenons tout d'abord b)(i), «violence envers une personne apportant du matériel aux forces de Sa Majesté». Je n'ai pas devant moi la définition de l'infraction. Si je compare cela avec les voies de fait graves -- et voies de fait graves est une infraction primaire alors que violence envers une personne apportant du matériel aux forces ne l'est pas --, il s'agit d'une infraction secondaire désignée. Pourquoi?

Cdr Harrigan: Je comparerais cela davantage à des voies de fait.

Le sénateur Nolin: Ce qui est une infraction secondaire désignée.

Cdr Harrigan: C'est une infraction très grave, mais il y en a dans la liste des infractions secondaires désignées. Nous tentons d'être fidèles à l'esprit qui a présidé à la ventilation des infractions.

Le sénateur Nolin: La prochaine disposition b)(ii), cite la mutinerie avec violence. J'imagine que cela ne se produit pas très souvent à la Défense nationale.

Cdr Harrigan: Non, heureusement. Par ailleurs, il se peut qu'une mutinerie avec violence ne donne pas nécessairement lieu à des voies de fait graves. Nous voulions éviter d'inscrire uniquement des infractions relatives au Code criminel. Nous pouvons inculper quelqu'un de mutinerie avec violence, auquel cas nous ne pouvons verser d'échantillons dans la banque de données, ce qui serait approprié en pareil cas, ou inculper la personne de voies de fait. Il va de soi que nous voulons opter pour ce que l'on considère l'infraction militaire la plus sérieuse. Cependant, nous avons essayé de demeurer fidèles à l'esprit de la division entre les infractions primaires et secondaires désignées. Dans le cas de certaines infractions, des empreintes génétiques peuvent être laissées sur les lieux. Voilà comment on catégorise les infractions secondaires désignées, et nous avons essayé de respecter cela.

Le sénateur Nolin: Le projet de loi C-3 renfermait une disposition autorisant le prélèvement de substances corporelles sur des meurtriers et des agresseurs sexuels condamnés antérieurement à plusieurs reprises. On ne trouve aucun parallèle de cela dans le projet de loi S-10 pour les militaires. Quelle en est la raison?

Cdr Harrigan: Avec les conseillers du Bureau du solliciteur général, nous avons passé en revue chaque disposition du projet de loi C-3 pour voir si elles s'appliquaient vraiment à nous et à notre système. De façon générale, la réponse a été oui dans pratiquement tous les cas.

En l'occurrence, il faut examiner les catégories en cause. La première -- je n'ai pas la disposition devant moi -- concerne les meurtriers en série. Premièrement, nous n'avons pas tellement de meurtriers qui relèvent de notre responsabilité et, si l'un d'eux avait été membre des forces militaires, il n'y serait plus la deuxième fois, de sorte que la décision s'imposait d'elle-même. Cette disposition ne s'appliquait pas. Deuxièmement, il n'y a personne dans les forces qui ait été désigné délinquant dangereux. Cela ne s'applique pas.

Passons maintenant à la dernière catégorie, les perpétrateurs d'agressions sexuelles en série. Ils purgent une peine de deux ans. Personne dans le système ne correspond à cette description non plus. À l'heure actuelle, nous ne voyons personne dans le processus qui corresponde à cette description. Compte tenu du fait que nous espérons que le projet de loi entre en vigueur d'ici le mois de juin, nous ne voyons pas comment cela s'appliquerait.

Le sénateur Poy: Monsieur le ministre, je suis une nouvelle venue au comité et par conséquent, je ne connais par tellement bien le dossier. Je n'étais pas ici l'an dernier pour entendre toutes les questions et prendre connaissance de ce qui s'est passé. Par conséquent, on aura peut-être déjà répondu aux questions que je vais poser.

A-t-on élaboré jusqu'au denier détail un système de sécurité inhérente pour empêcher le monde interlope d'obtenir ces échantillons de données d'identification génétique? Comment empêcher que quelqu'un, voire même des membres de la GRC, en fasse mauvais usage? A-t-on réfléchi à tous ces détails?

M. MacAulay: Des mesures de sécurité sont prévues et la GRC elle-même sera à la banque de données. Lorsque j'ai comparu ici l'année dernière, j'ai fait face à un groupe de sénateurs très agressifs.

Le sénateur Poy: Je n'étais pas l'un d'eux.

M. MacAulay: Ils ont fait certaines suggestions, et je les ai écoutés.

Comme je l'ai cité précédemment, le projet de loi stipule:

b) ces profils, de même que les substances corporelles prélevées en vue de les établir, ne doivent servir qu'à l'application de la présente loi, à l'exclusion de toute autre utilisation qui n'y est pas autorisée;

C'est un crime que de les utiliser pour n'importe quoi d'autre.

Le comité avait demandé un examen tous les cinq ans, mais en fait, la GRC me soumettra un rapport tous les ans. Je déposerai un rapport au Sénat et à la Chambre des communes tous les ans. En outre, le Commissaire à la protection de la vie privée participera au processus. C'est lui qui tirera la sonnette d'alarme en cas d'utilisation non autorisée.

Le sénateur Poy: Je sais que cela est déjà précisé dans le projet de loi, mais tous les citoyens du pays ne sont pas respectueux des lois. Comment les empêcher d'obtenir cette information?

M. MacAulay: Ils seront arrêtés et poursuivis en justice. S'ils violent la loi, ils en paieront le prix.

Le sénateur Poy: Cela pourrait être trop tard pour certaines de ces échantillons. Ils pourraient être vendus à des éléments criminels.

La présidente: Au cours de nos discussions concernant les empreintes génétiques, il a été question de la méthodologie des prélèvements et de l'encodage pour que personne ne puisse prendre connaissance du code sans autorisation.

M. MacAulay: Les profils et les échantillons sont gardés dans des endroits différents. Ce n'est qu'un exemple. Demain, vous entendrez d'autres fonctionnaires qui vous donneront des détails approfondis en matière de sécurité. Ce qui importe, c'est que la loi précise que les échantillons ne peuvent être utilisés à d'autres fins. S'ils le sont, cela constitue une violation de la loi et quelqu'un devra en rendre compte.

À la suite d'une recommandation de votre comité, le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée fera un examen tous les ans, ce qui assure des garanties de protection considérables aux échantillons et aux profils. Cela est important.

La présidente: J'ai une question au sujet d'une chose que vous avez mentionnée au cours de votre exposé. Vous avez dit que l'on abrogerait certaines dispositions permettant à l'intéressé d'exprimer sa préférence quant à la substance à prélever pour un échantillon d'empreintes génétiques. Cela figure aux pages 19 et 20 du projet de loi. C'est là que se trouvent les dispositions du projet de loi original qui sont abrogées. Pourquoi fait-on cela?

M. MacAulay: Dans certaines provinces, on utilise une technologie différente. Les experts en criminalistique estiment que le meilleur échantillon est un prélèvement de sang. Nous voulons utiliser le meilleur échantillon possible, et c'est ce que nous ferons. Les intéressés n'auront pas le choix.

Le sénateur Fraser: J'ai posé précisément cette question aux fonctionnaires qui m'ont dit que parfois, il est bon de pouvoir choisir sa propre méthode de prélèvement. Ils ont cité un cas devant les tribunaux en Saskatchewan. Un médecin inculpé de viol avait trafiqué son propre échantillon sanguin à deux reprises pour que ses empreintes génétiques ne correspondent pas à celles du coupable. Les autorités policières ont dû revenir et prélever un cheveu pour obtenir un échantillon convenable. S'il avait pu prétexter: «Non, vous pouvez uniquement faire un prélèvement de sang», où en serait-on?

M. MacAulay: Vous avez raison, bien sûr, mais habituellement, c'est l'inverse. En l'occurrence, cependant, vous avez raison.

Le sénateur Fraser: Il a été reconnu coupable.

Le sénateur Nolin: Il peut faire appel.

Le sénateur Fraser: C'est apparemment ce qui s'est produit.

La présidente: Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Vous nous avez effectivement écoutés. Je vous remercie aussi d'avoir eu la courtoisie de présenter ce projet de loi au Sénat.

M. MacAulay: Je ne pense pas qu'on puisse dire que j'apprends lentement. J'ai eu un cours accéléré au sujet du Sénat. Ma première mesure législative a été envoyée au comité plénier. J'ai rencontré un groupe très dynamique ce soir-là et j'y ai passé la plus grande partie de la soirée.

J'ai été heureux de comparaître ici cet après-midi, madame la présidente.

La séance est levée.


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