Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 13 - Témoignages pour le 6 avril 2000
OTTAWA, le jeudi 6 avril 2000
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois, se réunit aujourd'hui, à 10 h 53, pour en faire l'examen.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous avons avec nous ce matin M. Stephen Best et Mme Liz White. Pourriez-vous s'il vous plaît nous présenter ce monsieur qui s'est joint avec vous à la table et commencer.
M. Stephen Best, directeur, Environment Voters: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter George Dupras. Environment Voters est le produit de deux organismes, soit le International Wildlife Coalition et l'Alliance animale du Canada. M. Dupras est le directeur de ce deuxième organisme, lequel injecte des ressources considérables pour soutenir les efforts d'Environment Voters.
Je tiens à remercier le comité d'avoir invité Environment Voters à comparaître pour discuter du projet de loi C-2. Nous avons déjà comparu devant le comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en novembre sur ce même projet de loi. Aujourd'hui, nous espérons tirer profit des différents rôles de la Chambre des communes et du Sénat pour étoffer ce que nous avons dit en novembre, au lieu de simplement nous répéter.
Aujourd'hui comme en novembre, nous nous intéressons tout particulièrement à la partie 17 du projet de loi C-2, c'est-à-dire la publicité électorale faite par des tiers. De façon moins élégante mais sans doute plus précise, on pourrait aussi dire de la partie 17 qu'elle renferme les dispositions «bâillon» du projet de loi C-2. Quoi qu'il en soit, à en juger d'après le texte du projet de loi C-2 que vous êtes en train d'étudier, il semblerait que la comparution de notre organisation devant le comité des Communes n'ait pas eu un grand effet.
Avant de commencer, je voudrais régler quelques petits détails d'ordre administratif. Comme nous avons reçu un court préavis de notre comparution, il nous a été impossible d'obtenir dans les deux langues officielles tous les documents que nous voulions vous soumettre. Veuillez nous en excuser.
Cela dit, vous avez le texte de l'exposé présenté au sous-comité de la Chambre des communes. Nous avons également apporté un rapport détaillé sur la campagne que nous avons menée durant les élections provinciales de 1999 en Ontario. Nous ne parlerons pas aujourd'hui d'abstractions, mais bien de réalisations concrètes, car le rapport décrit une de nos campagnes.
Il s'agissait de notre première campagne, et nous avons ciblé sept circonscriptions électorales. C'est une étude extrêmement utile puisqu'elle explique clairement ce qu'est Environment Voters, pourquoi nous faisons campagne lors des élections et quelle méthode de campagne nous employons. Le rapport donne aussi les résultats d'une analyse des effets qu'a eus la campagne d'Environment Voters sur la répartition des voix. Je pense que vous trouverez ce document assez intéressant puisque nous avons réellement mesuré ce qui est arrivé et les effets que nous avons eus. Seulement trois des sept députés provinciaux progressistes-conservateurs ciblés ont été réélus à l'assemblée législative de l'Ontario.
Nous également le plaisir de vous offrir plusieurs copies d'une vidéo qui a servi de base à nos messages publicitaires durant la campagne. Nous avons en effet utilisé la télévision lors de notre campagne. J'ai aussi la vidéo d'une interview que j'ai réalisée à Plymouth, au Massachusetts, avec Thomas McMillan, qui a été ministre fédéral de l'Environnement de 1985 à 1988. M. McMillan y parle franchement de politique, d'écologie, de groupes environnementaux et d'Environmental Voters.
Si vous me le permettez, j'aimerais présenter notre comparution dans un contexte qui comprend les gens ordinaires. Nous ne parlerons absolument pas de choses abstraites. Les décisions prises auront des effets réels.
Imaginons, si vous le voulez bien aux fins de la démonstration, que demain, une usine locale de produits chimiques laisse accidentellement s'échapper dans l'atmosphère un panache toxique qui se dépose sur Ottawa et tue -- en quelques jours -- 2 000 personnes. L'incident serait à l'échelle de celui de Bhopal. Rien que l'horreur de la catastrophe déclencherait une réaction massive et immédiate des services d'urgence, de santé, de police et de presse et, par la suite, des milieux politiques et juridiques. Les décès affecteraient énormément les familles concernées et des dizaines de milliers de personnes souffriraient de séquelles graves pendant des années. Les conséquences économiques de l'incident coûteraient sans doute les milliards de dollars. Tous les ordres de gouvernement prendraient des mesures pour que jamais une telle tragédie ne se reproduise. La compagnie fautive ne reprendrait sans doute jamais ses activités.
Comparons avec la situation suivante: en Ontario cette année, près de 2 000 personnes mourront prématurément à cause de la piètre qualité de l'air. Les seules différences entre ce fait et l'incident fictif que je viens de décrire, c'est que ces gens ne mourront pas tous la même fin de semaine ni au même endroit, et que ce n'est pas une seule société qui en portera le blâme. Mais ces 2 000 êtres humains mourront d'une façon tout aussi douloureuse et leurs familles souffriront tout autant. Une autre différence entre la réalité et la fiction, c'est que, jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a eu l'intention de prendre des mesures pour empêcher tous ces êtres de mourir.
Le crime, c'est que ces 2 000 personnes vont mourir inutilement. Il est trop tard pour elles, puisque leur sort est déjà décidé. Pourtant, les gouvernements canadiens -- en particulier le gouvernement fédéral -- ont toujours eu les compétences législatives voulues pour empêcher ces décès. La vérité, c'est que ces gens vont mourir parce que les politiciens et les partis politiques que nous avons élus ont été forcés, pour des raisons politiques parfaitement valables, à ne pas exercer leurs pouvoirs d'une façon qui aurait permis de sauver la vie de ces gens.
Environment Voters met à profit le jeu électoral pour changer la situation. Les rédacteurs du projet de loi C-2 cherchent à empêcher Environment Voters de le faire.
La mort prochaine de ces 2 000 Ontariens n'est qu'une des conséquences de la dégradation constante de l'environnement du Canada et de la planète. D'après une étude réalisée par le National Centre for Economic Alternatives de Washington, D.C., la qualité de l'environnement du Canada s'est détériorée de 40 p. 100 depuis 1970. Cette dégradation constante est également signalée dans le rapport de 1999 du Commissaire fédéral à l'environnement et au développement durable, dans le rapport de 1999 du Commissaire à l'environnement de l'Ontario, dans le rapport Global Environment Outlook 2000 du Programme des Nations Unies pour l'environnement et dans celui du Fonds mondial pour la nature, intitulé Living Planet Index. Tous ceux qui mesurent ce genre de choses ont constaté une détérioration de l'environnement au cours des 30 dernières années.
De toutes les démocraties occidentales, le Canada est celle qui a l'un des pires dossiers en environnement. Ses politiques gouvernementales ne reconnaissent pas qu'un environnement sain n'est pas un luxe, que c'est un élément fondamental essentiel à la vie et un préalable au bien-être social, économique et physique de tous les Canadiens. Bien que le texte varie d'un rapport à l'autre, la raison donnée pour la dégradation continue de l'environnement est la même, c'est-à-dire que les gouvernements ne prennent pas de mesures pour protéger l'environnement. Toutefois, tous ces rapports omettent de traiter d'un sujet: la raison de l'inaction des gouvernements. Ce n'est pas parce qu'il se compose de gens pervers qui aiment respirer de l'air pollué, boire de l'eau non potable et observer la destruction de l'habitat et la mise en péril de certaines espèces; c'est pour des motifs politiques. Les contraintes à court terme du jeu électoral -- d'ailleurs, le fondement même de nos régimes démocratiques -- signifient que, plus souvent qu'autrement, il est tout bonnement impossible d'implanter des politiques à long terme réfléchies qui protégeraient l'environnement.
Les divers organismes qui font rapport sur la dégradation de l'environnement reprochent généralement au gouvernement son inaction, mais il faudrait plutôt faire porter au mouvement écologiste une plus grande part du blâme. En effet, le mouvement écologiste international d'aujourd'hui, malgré l'appui de millions de personnes et l'accès à des milliards de dollars, a complètement échoué dans ses tentatives pour faire de l'environnement un enjeu politique. Il n'a pas saisi que le problème était d'ordre politique, non pas environnemental. Nous avons l'expertise technique et scientifique, les moyens économiques, les systèmes de marché, les réseaux de communications et les régimes politiques nécessaires pour régler tous les problèmes environnementaux auxquels le Canada et le monde font face de nos jours.
Ce ne serait pas facile, cela ne se ferait pas non plus du jour au lendemain et certaines des choses que nous avons perdues ont disparu à jamais. Mais on peut avoir un environnement sain et non pollué, à la biodiversité riche, et qui va en s'améliorant au lieu de se dégrader d'année en année. Nous avons échoué en tant que mouvement écologiste en n'exerçant pas pleinement nos droits démocratiques et en n'obligeant pas nos gouvernements à mettre en application les politiques nécessaires pour protéger l'environnement. La conclusion à tirer de 30 années d'échecs est inéluctable. On ne réussira jamais à protéger le milieu naturel -- encore moins à le remettre en état et à l'améliorer -- tant que le milieu politique n'aura pas changé. C'est dans le milieu politique que les gens décident comment vivra la société qu'ils forment.
Environment Voters s'est donné pour mission de transformer le paysage politique, de faire en sorte que tous les politiciens et partis politiques aient intérêt à protéger l'environnement parce qu'un bon parcours en matière d'environnement leur apporterait un avantage politique alors qu'ils devraient payer le prix, si leurs dossiers étaient mauvais, en perdant des voix et des sièges. Il faut qu'en politique, la protection de l'environnement l'emporte sur les intérêts sociaux et économiques, puisque les buts de ces intérêts, à court terme, si on n'y faisait pas obstacle, détruiraient l'environnement. Dans une démocratie de marché moderne et fondée sur la primauté du droit, il n'y a vraiment aucun moyen de protéger l'environnement. Tom McMillan a expliqué qu'en politique, au Canada, se sont tout bonnement les politiciens et l'administration qui prennent la plupart des décisions concernant l'environnement. Les voix, les électeurs, la boîte de scrutin constituent le meilleur moyen de faire avancer la cause de l'environnement. Ce qu'il faut, c'est une organisation qui vérifie si les politiciens et le gouvernement agissent de façon responsable dans le domaine de l'environnement, qui les récompense quand ils le font et les punit quand ils ne le font pas.
Plus précisément, Environment Voters est en train de se préparer à faire campagne dans 22 circonscriptions électorales lors des prochaines élections fédérales. On prévoit un budget de 50 000 $ par circonscription, qui proviendra des dons recueillis grâce à de la publicité directe sous forme d'émissions de télévision -- des infomerciaux de 30 minutes -- qui devraient être diffusés à partir du mois de mai. Les circonscriptions électorales choisies ont deux points en commun: elles sont détenues par un libéral et elles sont susceptibles d'être remportées par une marge d'au plus 4 p. 100 des voix.
Environment Voters ne fait pas campagne pendant les élections pour faire élire des candidats ou des partis qui promettent de faire adopter de bonnes lois en matière d'environnement. Environment Voters exige plutôt des comptes des hommes et des femmes politiques pour ce qu'ils ont réellement fait pendant qu'ils tenaient les rênes du pouvoir. Comme c'est actuellement le Parti libéral qui forme le gouvernement, il est le seul à avoir le pouvoir de faire adopter de bonnes lois sur l'environnement. Si, lorsque les prochaines élections seront déclenchées, on peut dire en toute justice que les libéraux ont un bon bilan en matière d'environnement, alors Environment Voters fera campagne pour faire réélire des candidats libéraux. Par contre, si ce bilan laisse à désirer, Environment Voters fera campagne pour que les candidats libéraux subissent la défaite. Étant donné la feuille de route du Parti libéral, jusqu'à maintenant, pour ce qui est de la protection de l'environnement, il semble probable que l'organisation fera campagne contre les libéraux aux prochaines élections.
Il est très important de comprendre que la seule chose qui préoccupe Environment Voters, c'est les politiques, et non le parti qui détient le pouvoir. Au cours de la campagne électorale ontarienne par exemple, l'organisation a lutté contre les candidats progressistes-consevateurs en faveur des candidats libéraux et néo-démocrates.
Le projet de loi C-2, il va sans dire, a été conçu délibérément dans l'espoir de prévenir ce genre d'activités politiques. Ses rédacteurs espèrent empêcher les citoyens canadiens, qui peuvent faire cause commune avec des organisations comme Environment Voters, d'utiliser le seul moyen démocratique qu'ils ont à leur disposition, c'est-à-dire le droit de vote, pour obliger directement les hommes et les femmes politiques et les gouvernements à rendre compte de ce qu'ils ont fait pendant leur mandat.
Le projet de loi C-2 ne va pas jusqu'à interdire toute participation de tiers aux élections, mais les limites des dépenses sont si faibles que cela revient au même. Il est tout simplement impossible de mener une campagne sérieuse dans une circonscription avec seulement 3 000 $. Dans le projet de loi C-2, le gouvernement dit en fait: «Nous n'avons pas d'objection à ce que vous exerciez votre droit à la liberté d'expression, mais nous ne voulons pas que vous le fassiez de telle manière que les électeurs puissent vraiment vous entendre.»
L'honorable Don Boudria, ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, a déclaré au comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre que le projet de loi C-2 visait à perfectionner notre processus démocratique. Récemment, Jamie Robertson, de la Bibliothèque du Parlement, a écrit dans son aperçu législatif sur le projet de loi C-2 que le système électoral canadien est connu de par le monde comme un modèle de démocratie électorale. En fait, aucune de ces deux affirmations n'est conforme à la vérité. Le projet de loi C-2 ne fait rien pour perfectionner notre processus démocratique. L'un de ses objectifs explicite est même de réprimer les droits consacrés par la Charte canadienne. De plus, le régime électoral canadien est reconnu comme archaïque et tellement peu démocratique qu'il est universellement rejeté par les démocraties modernes et émergentes lorsqu'elles tentent de faire de véritables réformes électorales.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Le système électoral fondé sur les circonscriptions, avec un scrutin «tout au vainqueur», qui est confirmé dans le projet de loi C-2, donne des résultats grotesques qui vont souvent directement à l'encontre des v<#0139>ux exprimés par les électeurs, ce qui a parfois de lourdes conséquences qui peuvent menacer l'avenir même du Canada. Aux élections provinciales qui ont eu lieu en Colombie-Britannique en 1996, les libéraux ont obtenu 42 p. 100 des suffrages, et le NPD seulement 39 p. 100. Pourtant, le NPD a formé un gouvernement majoritaire avec 39 sièges, contre 33 pour les libéraux, ce qui est un véritable affront aux électeurs. L'actuel gouvernement de la Colombie-Britannique est donc légal mais est démocratiquement illégitime, grâce à notre régime électoral.
Aux élections fédérales de 1993, les progressistes- conservateurs ont remporté 16 p. 100 des suffrages, mais ils ont dû se contenter de deux sièges à la Chambre des communes. Le Parti réformiste, qui n'a recueilli que 3 p. 100 de plus des voix, a récolté 52 sièges. Le Bloc québécois a recueilli moins de suffrages que le Parti réformiste et est pourtant devenu l'opposition officielle.
En 1993, le système électoral du Canada, ce modèle de démocratie perpétué par le projet de loi C-2, a nié un critère fondamental de la vraie démocratie, soit l'égalité du vote de chacun des électeurs. Au Canada, à cause de notre système électoral, certains votes pèsent plus lourd que d'autres. Aux élections, les Canadiens ne sont pas tous égaux aux yeux de la loi, ce qui va à l'encontre de la lettre et de l'esprit de notre Constitution et de la Charte des droits et libertés.
Le pire exemple, cependant, celui qui montre clairement quels torts terribles et durables notre système électoral peut vraiment causer, est celui des élections qui ont eu lieu au Québec en 1998. Lors de ces élections, le Parti libéral a remporté 43 p. 100 des suffrages. Les électeurs qui ont voté pour le Parti québécois ont été moins nombreux, soit seulement 42 p. 100. Pourtant, le Parti québécois, fort de ses 70 sièges, contre les 48 des libéraux, a formé un gouvernement majoritaire. Le système électoral dont le ministre vante les vertus et qu'il a présenté comme un modèle de démocratie, a traduit de façon tout à fait erronée la volonté des électeurs et produit un gouvernement démocratiquement illégitime voué à la dislocation du Canada.
Les distorsions que le système électoral introduit entre le nombre des voix recueillies par les partis et le nombre de sièges dans les assemblées législatives ne sont que les plus flagrantes, puisqu'il est facile de comparer les suffrages exprimés et le nombre de sièges remportés. Notre système électoral a encore un autre effet encore plus préjudiciable pour le pays; il n'est pas aussi flagrant, mais il est tout aussi dévastateur, et c'est la distorsion introduite dans l'importance relative accordée à la multitude des questions que les représentants élus sont appelés à trancher.
Le fait que le système électoral canadien prive si efficacement de leurs droits des millions de Canadiens est à l'origine de la montée des tierces parties, et c'est aussi un argument qui montre que notre système a un besoin indéniable de ces parties qui participent vigoureusement aux élections. C'est la raison pour laquelle l'organisation Environment Voters a vu le jour.
Le troublant principe sous-jacent qui corrompt l'ensemble du projet de loi C-2 est que les lois électorales ne sont pas là pour servir le citoyen, mais plutôt les intérêts des grands partis politiques. Le projet de loi C-2 est une mesure législative intéressée et pernicieuse à laquelle devrait résister le Sénat et quiconque s'intéresse vraiment à la démocratie et à la tenue d'élections justes et transparentes.
Ce qui intéresse plus particulièrement Environment Voters dans le projet de loi C-2 tourne autour de la publicité électorale faite par des tiers. Il y a deux mois, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a annulé les dispositions concernant les campagnes de tiers, dans la Loi électorale de la Colombie-Britannique, dispositions qui sont à peu près identiques à celles qu'on trouve dans le projet de loi C-2. De plus, le juge Brenner, dans les motifs de sa décision, a rejeté très exactement les mêmes arguments et précédents jurisprudentiels sur lesquels le gouvernement fédéral se fonde pour défendre les restrictions que le projet de loi C-2 impose aux dépenses des tiers. Le premier ministre de la Colombie-Britannique a décidé de ne pas en appeler de la décision de la cour britanno-colombienne. Au niveau fédéral, le gouvernement s'entête à appliquer des limites aux dépenses des tiers malgré les décisions judiciaires qui dénoncent ces dispositions législatives comme contraire à la Charte des droits et les indications selon lesquelles elles ne résisteraient jamais à une contestation devant la Cour suprême.
Comme il est peu probable qu'une contestation du projet de loi auprès de la Cour suprême puisse aboutir avant les prochaines élections fédérales, on peut raisonnablement conclure que le Parti libéral agit de mauvaise foi en cette matière et espère que le projet de loi C-2 refroidira l'ardeur de la participation des tiers, au moins aux prochaines élections.
En l'absence d'une réforme électorale valable, les campagnes des tiers jouent un rôle démocratique important. Le juge Brenner a fait observer qu'elles permettent aux simples citoyens d'exercer de l'influence sur la nature des questions qui seront soulevées avant une élections, questions que les partis politiques préféreraient ne pas voir abordées durant la campagne. Elles permettent aux citoyens d'exercer un certain contrôle sur l'évolution de la campagne au lieu de rester des consommateurs passifs de la propagande électorale.
Les stratèges des campagnes ont en abomination les changements du système électoral parce qu'ils veulent être le plus possible maîtres du message de la campagne et des réactions qu'il suscitera. S'il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi C-2 répondra tout à fait aux désirs des stratèges, au détriment de l'amélioration du système démocratique du Canada et de la Charte des droits de ses citoyens.
Selon nous, et selon de nombreux témoins ayant comparu devant les comités parlementaires, le projet de loi C-2 est un mauvais texte de loi. Certains des passages les plus contestés, à savoir ceux qui s'appliquent aux tiers ainsi qu'aux critères à respecter pour devenir un parti politique enregistré, ont déjà été invalidés par différents tribunaux, mais non par la Cour suprême du Canada. Par conséquent, il existe encore des doutes au sujet de la validité des restrictions applicables aux tiers dans le projet de loi. Nous croyons que le gouvernement a l'obligation, envers les citoyens du Canada et à l'égard des tiers qu'il se permet de réglementer et de priver des droits de la Charte, de clarifier cette question avant la prochaine élection.
Cela étant dit, nous voulons demander aux membres de ce comité d'examiner quelles mesures le Sénat pourrait prendre pour recommander au gouvernement de renvoyer le projet de loi C-2 à la Cour suprême du Canada pour qu'elle se prononce sur sa constitutionnalité avant la prochaine élection. Le Sénat serait peut-être capable de renvoyer lui-même le projet de loi C-2 à la Cour suprême. À défaut d'un examen de la question par la Cour suprême, des groupes comme Environment Voters se verront placés dans la situation très difficile de devoir choisir entre l'exercice de leurs droits prévus dans la Charte, qui ont déjà été maintenus par différents tribunaux, et le non-respect des lois électorales fédérales.
En terminant, je tiens à ajouter que le projet de loi C-2 est si mal conçu, du fait qu'il est avant tout destiné à servir les intérêts des grands partis politiques et non des électeurs et de la démocratie, qu'en dépit de la partie 17, les tiers comme Environment Voters disposent de nombreuses façons de respecter à la lettre le projet de loi C-2 et de dépenser quand même des sommes illimitées dans n'importe quelle circonscription pour appuyer ouvertement un candidat ou s'y opposer.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Mme White et moi-même serons heureux de répondre à vos questions ou d'éclaircir certains aspects.
Le sénateur Beaudoin: Ma question a trait au renvoi du projet de loi C-2 à la Cour suprême. Le Sénat n'a pas ce pouvoir. Bien entendu, le gouvernement l'a. Avez-vous fait cette suggestion lorsque vous avez comparu devant la Chambre des communes?
M. Best: Comme nous étions en présence de représentants élus du Parlement, nous avons décidé de nous en tenir au déroulement concret de nos campagnes et aux raisons pour lesquelles nous estimons important d'exercer nos droits à cet égard.
Si vous me le permettez, je vais m'expliquer brièvement. L'environnement est un enjeu qui n'a pas de pertinence politique en soi. En d'autres termes, le fait que vous ayez un bon ou un mauvais carnet de route en matière d'environnement ne change rien à vos chances d'être élu. L'environnement n'est pas délimité sur le plan géographique. Ainsi, nous n'avons pas un groupe de mineurs ici ou un groupe d'ouvriers là. C'est un enjeu diffus. Il n'acquiert pas de pertinence dans le système majoritaire uninominal que nous connaissons. Nous avons plutôt décrit aux députés comment nous utilisions nos droits démocratiques pour donner à l'environnement de la pertinence ou, si vous voulez, un caractère délimité sur le plan géographique.
Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, si les tribunaux disent une personne, un vote, comme on l'a fait aux États-Unis il y a longtemps, on ne vous permet pas d'atteindre votre objectif. Si vous avez une personne, un vote et la représentation proportionnelle, vous pourriez atteindre votre objectif. Est-ce exact?
M. Best: Nombreuses sont les personnes qui ont comparu devant ces comités pour se plaindre du système majoritaire uninominal que nous connaissons. Les pays qui ont la représentation proportionnelle se démarquent généralement par leurs réalisations en environnement parce que les partis comme le Parti vert peuvent recueillir entre 10 et 12 p. 100 du vote. Les élus peuvent s'asseoir à la table et discuter; des représentants élus peuvent donc défendre ces enjeux dans les diverses assemblées législatives. Il existe en ce moment une alliance Rouges-Verts en Allemagne par exemple. Avec la représentation proportionnelle, vous pouvez vous servir du système politique simplement pour recueillir des votes et rendre vos enjeux pertinents. Nous n'avons pas cette possibilité au Canada.
Aux États-Unis, la situation est légèrement différente en ce sens qu'il n'existe pas de limites de dépenses pour les tiers de sorte qu'une organisation comme la League of Conservation Voters peut donner son appui ou s'opposer directement à des sénateurs et à des représentants du Congrès et ainsi de suite.
Le Royaume-Uni est intéressant; il a le même système que nous. Ce pays est presque toujours ramené dans le droit chemin de l'environnement par l'Union européenne, celle-ci étant dominée par des pays ayant la représentation proportionnelle.
Le sénateur Beaudoin: Le système français s'appelle système uninominal à deux tours. Vous avez la majorité au second tour. C'est un compromis qui semble donner de bons résultats en France. Le Canada a un autre système.
Je crois comprendre que l'atteinte de votre objectif passe par la représentation proportionnelle.
M. Best: L'objectif d'Environment Voters n'est pas de réformer la démocratie, mais plutôt d'utiliser tous les moyens à sa disposition, quel que soit le système politique, pour faire adopter des politiques environnementales rigoureuses. Il appartient aux autres de décider.
Le projet de loi C-2 est un livre de règlements pour nous. Nous regardons les règles. Voilà comment nous sommes censés jouer. Servons-nous de ce livre de règlements.
Mme Liz White, directrice, Environment Voters: Honorables sénateurs, soyons bien clairs: quelles que soient les règles, nous serons au rendez-vous pour exercer nos droits démocratiques. Nous n'attendrons pas d'avoir la représentation proportionnelle.
Nous serons donc en lice aux prochaines élections, soit dans 22 circonscriptions détenues par des députés libéraux où nous pouvons influencer 4 p. 100 du vote. Nous n'attendrons pas. Ce serait bien d'avoir la représentation proportionnelle, parce que nous aurions un meilleur débat sur l'environnement dans l'arène politique, mais si cela ne se produit pas, nous devrons forcer ce débat de l'extérieur.
La présidente: Si j'ai bien compris, vous avez dit, monsieur Best, que vous ne présentiez pas de candidat.
M. Best: Non, c'est exact.
Mme White: Nous avons produit des vidéos sur notre campagne pour la dernière élection. Dans ces vidéos, nous disions: «Voici pour qui nous ne voulons pas que vous votiez; voici pour qui nous voulons que vous votiez.» Nous étions très explicites à la fin de chaque vidéo. Nous en avons filmé sept où l'on disait pour qui voter et pour qui ne pas voter. La majorité des vidéos se ressemblaient beaucoup. Nous avons un exemple de la circonscription de St. Paul's.
M. Best: Pour préciser ce que j'ai dit au sujet des candidats, un des moyens permettant à Environment Voters de participer aux élections d'après le projet de loi C-2 est de présenter des candidats. Le projet de loi ne prévoit pas de restrictions à l'égard des dons pour les campagnes. Ainsi, si nous voulions nous présenter dans la circonscription de David Anderson, par exemple, nous pourrions présenter un candidat indépendant qui ne serait affilié à aucun parti politique, affecter à ce candidat la somme permise de 80 000 $ et dépenser cet argent dans le milieu qui appuie le candidat réformiste, qui battrait vraisemblablement David Anderson.
En d'autres termes, vous pourriez présenter des candidats afin de pouvoir dépenser l'argent. Si vous voulez dépenser 160 000 $, vous présentez deux candidats et ainsi de suite. Le projet de loi a tellement de lacunes qu'il devient presque sans intérêt pour quiconque le regarde dans une optique différente de celle d'un parti ou d'un candidat.
Le sénateur Andreychuk: Je vois ce que vous voulez dire: Vous voulez un système différent de notre système proportionnel, mais cela requiert un vaste débat puisqu'il s'agit de changer le Parlement et le système électoral. Vous semblez dire cependant que vous viserez des candidats qui à votre avis n'oeuvrent pas pour le bien de l'environnement.
Le sénateur Murray: Non, ce n'est pas ce qu'ils disent.
Mme White: Permettez-moi de préciser. Le parti au pouvoir est celui qui a la possibilité de prendre des décisions pour réaliser son programme environnemental. Nous ciblons les personnes que nous sommes le plus en mesure de défaire, celles qui ont gagné ou perdu leur siège par 4 p. 100 du vote ou moins. Leur position au sujet de l'environnement importe peu parce que les décisions en matière d'environnement ne sont pas prises par les personnes mais plutôt par les partis politiques.
Charles Caccia, Karen Kraft Sloan et d'autres membres du Parti libéral ont beaucoup milité en faveur de l'environnement et leur position tranchait nettement par rapport au gouvernement libéral. C'est tout à leur honneur mais cela n'a strictement rien changé aux politiques environnementales du gouvernement libéral jusqu'à présent.
Le sénateur Andreychuk: Donc, vous vous servez de certaines circonscriptions pour faire avancer la cause de l'environnement, si je puis m'exprimer ainsi. Premièrement, faites-vous des choix à partir de critères objectifs, ou allez-vous simplement là où vous croyez être en mesure de défaire le candidat? À part le caractère instable du vote dans le comté en question, quels critères objectifs, ou subjectifs je suppose, utilisez-vous pour juger si des réalisations sont bonnes ou mauvaises?
Deuxièmement, il me semble que c'est reconnaître l'échec de votre tentative de communiquer votre message sur l'environnement que de croire qu'il faut procéder comté par comté au lieu de vous lancer à l'échelle nationale. Dans les années 80, il y avait un consensus et les Canadiens accordaient à l'environnement une grande priorité. Ce sujet a fait l'objet d'une forte activité au pays en prévision de Rio et d'un débat national entre les partis. Cet élan est disparu.
M. Best: Il n'est pas facile d'améliorer la politique environnementale et d'aller de l'avant dans ce domaine. Dans bien des cas, c'est une cause de bouleversements sociaux et économiques profonds pour l'industrie, le milieu des affaires, et ainsi de suite. Il faut avancer pas à pas à un rythme qui convient à la société et à l'économie.
Nous avons constaté que les rapports étaient très utiles. Par exemple, nous pouvons utiliser le rapport du Commissaire à l'environnement de l'Ontario. À l'échelon fédéral, nous pouvons utiliser le rapport du Commissaire à l'environnement et au développement durable. Nous voulons voir des progrès à la fin du mandat d'un gouvernement. Certaines questions peuvent être abandonnées mais dans l'ensemble le gouvernement doit aller de l'avant. Nous devrions pouvoir dire, en toute bonne foi, que parce que le présent gouvernement est au pouvoir depuis quatre ans, l'environnement est mieux protégé, un peu plus propre et un peu plus en santé qu'il ne l'était il y a quatre ans.
Lorsque c'est le cas, notre travail consiste à apporter un bénéfice politique au niveau des votes recueillis et des sièges remportés. Il n'est pas question d'être malveillants.
Le sénateur Andreychuk: Je trouve que vous le faites comme si vous attribuiez une note dans un bulletin. Vous n'analysez pas l'opposition comparativement au parti au pouvoir afin de déterminer si ses réalisations et ses positions sont aussi solides en matière d'environnement. Vous n'avez pas de critères non plus pour dire que l'opposition fera mieux. Vous faites simplement un constat de l'action du gouvernement.
M. Best: C'est parce que le gouvernement de l'heure possède le pouvoir. Vous voyez peut-être les élections d'un <#0139>il différent du mien. Un gouvernement fait une promesse et présente un programme. Tant qu'il n'y a pas d'échéance, ce qu'on dit importe peu. Prenons par exemple la promesse des libéraux d'abolir la TPS, ce qui n'a pas été fait. C'est bien d'entendre le gouvernement dire qu'il prendra des mesures favorables à l'environnement, mais on ne peut juger un gouvernement que par ce qu'il a fait réellement. Au moment des élections, les citoyens peuvent le tenir responsable de ses actions. C'est une question de rendre des comptes et non de voir ce qu'un autre parti dit qu'il fera.
Dans bien des pays, aucun parti ne possède nécessairement une meilleure feuille de route qu'un autre en matière d'environnement. En ce moment, les gouvernements NPD de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan ne brillent guère par leurs réalisations dans ce domaine. Le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney a affiché un des meilleurs bilans enregistrés dans le domaine de l'environnement.
Tous les partis peuvent avoir un bon dossier au chapitre de l'environnement. C'est une question clé. Cela ne fait aucune différence que tel ou tel parti prenne le pouvoir. La plupart des gens voudront un environnement propre si l'idée est avantageuse sur le plan politique. Mais il faut que cela ait du sens sur le plan politique. Pour que les réalisations en environnement soient positives, il faut qu'il y ait des votes à récolter. C'est ainsi.
Mme White: Nous mesurons les progrès réalisés en matière d'environnement par l'intermédiaire d'organismes externes et relativement conservateurs. La Commission de coopération environnementale et le National Center for Economic Alternatives ont étudié et mesuré diverses situations environnementales. Leurs travaux ont révélé une détérioration de l'environnement au Canada à tous les égards. Nous n'évaluons pas la responsabilité du gouvernement en fonction de ce que nous estimons être un bon ou un mauvais système ou une amélioration de l'environnement. Nous le faisons en fonction des études menées par des organismes externes.
J'ai l'impression que les gens pensent que nous croyons que les politiciens ne sont pas de bonnes personnes. Ce n'est absolument pas vrai. Nous comprenons que certains changements environnementaux ne peuvent pas s'opérer à cause des dilemmes politiques auxquels vous faites face selon l'identité des personnes présentes à la table. Nous disons seulement qu'Environment Voters permet de tirer profit d'un bon dossier en matière d'environnement. Par exemple, si le Parti libéral décidait de déposer une loi sur les espèces menacées portant sur la protection des habitats et d'autres questions, nous dirions, dans les 22 circonscriptions, qu'à notre avis, le gouvernement devrait être réélu, et dans les circonscriptions où les libéraux auraient de la difficulté à se faire réélire, nous dépenserions notre argent en faveur de leur réélection parce qu'ils auraient franchi des pas dans certains dossiers clés. Nous n'essayons pas d'en faire une question de bien ou de mal. C'est simplement constater comment le système politique fonctionne.
Le sénateur Murray: Votre organisation a-t-elle déjà défendu la réélection d'un gouvernement?
M. Best: Notre seule campagne a été celle qui vient de se tenir en Ontario. Or, le PC a une très mauvaise feuille de route en Ontario. Nous serions heureux de soutenir leurs candidats aux prochaines élections; cela peut sembler étrange, mais c'est la vérité.
Le sénateur Murray: Vous allez choisir des candidats libéraux à qui faire la lutte selon qu'ils ont remporté ou perdu leur comté par 4 p. 100 du vote ou moins. Les positions défendues par ces personnes sur les sujets qui revêtent de l'importance pour vous vous importent peu. L'identité de leurs adversaires vous importe-t-elle?
Si Mme Kraft Sloan, M. Caccia ou M. Lincoln, qui sont bien connus pour leurs positions sur ces sujets, venaient à remporter leurs sièges par 4 p. 100 ou moins et que vous leur fassiez la lutte, ne trouvez-vous pas que votre position semblerait plutôt incohérente?
M. Best: Je répondrai que si Charles Caccia avait remporté ou perdu son comté par moins de 4 p. 100, qu'il semblait se diriger vers une défaite et qu'il représentait le Parti libéral, nous interviendrions probablement en faveur de sa réélection.
Le sénateur Murray: Ce n'est pas ce que vous avez déjà dit.
M. Best: Vous semblez attendre de moi un ensemble de critères ou de règles à respecter comme la loi. C'est un exercice politique.
En général, les députés du caucus font ce que le parti décide de faire. Ils s'approprient du crédit de ce que fait le parti. Vous laissez entendre qu'ils ne devraient pas être tenus responsables des échecs du parti parce qu'ils ont peut-être individuellement un point de vue différent. Il demeure cependant que tant et aussi longtemps que nous aurons la discipline de parti, contrairement aux États-Unis où vous pouvez appuyer un sénateur ou un représentant du Congrès, les députés seront collectivement les responsables et les bénéficiaires.
Le sénateur Murray: L'électeur fonde son choix sur une foule de facteurs, notamment les candidats, les chefs, les réalisations passées et les positions des différents partis. Votre position me semble quelque peu intempestive, irrationnelle et pas très cohérente. Je dis cela, mais je reconnais que la gent politique, dont je fais partie, a une part du blâme à porter. Pourquoi ne croyez-vous plus aux partis politiques? Vous rendez-vous compte à quel point il est fréquent que des organisations de circonscription de tous les partis soient, je ne dirais pas contrôlées, mais infiltrées par des défenseurs de bonnes causes?
M. Best: Le sénateur Andreychuk m'a posé une question tout à l'heure qui allait un peu dans le même sens. Depuis 1970, le mouvement écologique a connu une croissance phénoménale. Le montant d'argent investi dans ce mouvement pour financer différents groupes et défendre différentes causes s'élève à 200 millions de dollars par année au Canada. C'est là un énorme soutien public.
Pourtant, malgré la spectaculaire croissance du mouvement écologique, l'environnement au Canada s'est dégradé de 40 p. 100. Même si nous jouissons d'un énorme soutien public et si à chaque sondage, les gens se disent préoccupés d'une façon ou d'une autre par les questions d'environnement, selon la façon dont le sondage est fait, ce soutien public n'a jamais suffi à influencer la politique gouvernementale.
Le sénateur Murray: Il faut prendre garde de ne pas tenir pour acquis que tout cet argent doit servir à financer une action politique. J'espère que vous en êtes conscient.
M. Best: Sénateur, puis-je me permettre de vous faire remarquer que ce sont là des suppositions de votre part. Vous interprétez mes propos.
Le sénateur Murray: Vous avancez des chiffres de centaines de millions de dollars.
M. Best: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que les 200 millions de dollars investis par le public canadien témoignent de son intérêt pour les questions environnementales. Cette somme est représentative du degré de soutien public. La façon dont elle est dépensée est une autre histoire. Ce que je dis, c'est que nous jouissons d'un vaste soutien public. S'il vous faut une preuve absolument claire à ce sujet, vous n'avez qu'à voir le nombre de chèques libellés à l'ordre d'organismes voués à la défense de l'environnement.
Le sénateur Murray: Ce que je dis, c'est que les chèques ne doivent pas servir à financer une action politique.
M. Best: Il y a un contrat entre l'organisme voué à la défense de l'environnement et le donateur qui dit: «Si vous me donnez de l'argent, je vais faire en sorte de protéger l'environnement en votre nom». Par contre, les moyens choisis par les milieux écologiques ne sont pas régis par ce contrat.
Le sénateur Murray: Je crois comprendre que vous êtes opposés en principe à l'imposition de limites à l'égard des dépenses des tiers lors de campagnes électorales?
M. Best: Oui, c'est exact. Dans le genre de démocratie que nous avons, un groupe particulier peut se voir priver d'une partie de ses droits. En d'autres termes, un organisme privé comme les libéraux peut dépenser autant d'argent qu'il le veut, tandis qu'un autre organisme, comme Environment Voters, se fait dire, pour quelque raison arbitraire, qu'il ne peut participer à l'élection.
La présidente: Je tiens à préciser que les partis politiques sont assujettis à des limites très strictes en ce qui a trait aux montants qu'ils sont autorisés à dépenser.
Le sénateur Murray: Ces dépenses doivent aussi faire l'objet d'une divulgation publique.
La présidente: Parfaitement, ces dépenses sont divulguées publiquement. Je pense que nous allons passer outre à votre dernière observation et revenir à ce que le sénateur Murray disait.
Le sénateur Murray: Êtes-vous contre, en principe, l'imposition de limites à l'égard des dépenses des partis politiques?
M. Best: En principe, je ne suis pas du tout contre. Je pense cependant que leur application doit être équitable.
Le sénateur Murray: Les partis politiques sont assujettis à des limites. La question est de savoir si les tiers doivent l'être aussi. Vous avez de l'argent à dépenser et d'autres organismes environnementaux peuvent avoir de l'argent à dépenser aux fins des campagnes électorales, mais c'est aussi le cas de douzaines et même de centaines d'autres organismes dont le portefeuille est peut-être encore mieux garni que le vôtre. Si on estime que vous représentez une menace et qu'aucune limite ne s'applique, ne pensez-vous pas que le CCCE, en l'occurrence le Conseil canadien des chefs d'entreprises, ou de grosses compagnies pétrolières vont se servir de cet argent pour vous écarter?
M. Best: Ils le font déjà. Ils contribuent directement à la caisse du Parti libéral. C'est de cette façon qu'ils exercent leur influence. En d'autres termes, l'objectif des contributions est d'acquérir la capacité de recueillir des votes. C'est ce à quoi servent les contributions politiques, c'est-à-dire à faire campagne efficacement. L'argent est déjà dépensé par diverses sociétés et par divers intérêts de différentes façons. Ce que nous disons, c'est que nous n'avons pas autant de moyens financiers.
Le sénateur Murray: Qui parle de vous empêcher de passer votre message lors d'une campagne électorale? L'environnement est et a toujours été pour moi, tout au long de ma vie adulte, un enjeu très important dans pratiquement toutes les campagnes électorales. Différents partis adoptent différentes positions à ce sujet.
Mme White: Sénateur Murray, la seule chose qui compte au bout du compte, c'est ce qui se fait concrètement. Peu importe que les gouvernements parlent ou non d'environnement. Peu importe qu'ils signent ou non toutes sortes d'accords internationaux. Bien franchement, la position défendue par une personne à l'intérieur d'un parti n'a guère d'importance non plus. Si l'environnement continue de se détériorer, c'est que cet enjeu n'est pas pris au sérieux. Ça se résume à cela.
Le sénateur Buchanan: Les électeurs peuvent voter contre eux à la prochaine élection. Qu'y a-t-il de mal à cela?
Mme White: Ce que nous disons, c'est que l'environnement n'est pas un luxe, c'est une nécessité. Si l'air et l'eau ne sont pas propres et si nous ne faisons rien pour protéger les habitats, et cetera, toute intervention de notre part en faveur de telle ou telle cause ne servira à rien parce que nous n'aurons pas la santé.
La présidente: Plusieurs autres personnes souhaitent intervenir, mais je voudrais si possible écourter ces réponses. Je pense que nous devons accepter d'être en désaccord sur certaines hypothèses de base.
Mme White: Je suis d'accord. Permettez-moi simplement de rappeler que de l'avis de plusieurs organismes indépendants, l'environnement au Canada se détériore. Il semble que c'est là un aspect très important auquel il faut réagir de façon concrète.
Le sénateur Cools: J'aimerais reprendre la ligne de pensée du sénateur Murray et revenir sur les réponses des témoins. Jusqu'ici, les témoins n'ont pas cessé de parler d'«équité». Je pense que tout le monde autour de cette table partage cette préoccupation.
Peut-être que je me trompe. J'ai manqué l'essentiel de votre témoignage. Ce que je crois comprendre, c'est que vous voulez les résultats sans l'engagement et toutes les autres responsabilités qui vont avec le fait d'être un parti. Si vous voulez intervenir sur le plan politique, pourquoi ne vous organisez-vous pas pour obtenir le statut de parti en vertu de la Constitution et pour présenter autant de candidats que vous le voulez? De cette façon, vous pourriez avoir votre mot à dire. Ce serait une bonne façon de vérifier ce que pensent les électeurs.
M. Best: À vrai dire, il n'est nulle part fait mention dans notre Constitution du mot «parti». Je suis un citoyen du Canada. Je choisis et je demande d'être traité de la même façon que tout autre citoyen. Je choisis de demander que mon organisme, en l'occurrence Environment Voters, jouisse des mêmes droits et avantages qu'un parti politique.
Si vous voulez voir notre liste de donateurs et savoir comment nous dépensons notre argent, je n'ai aucune objection. À mon avis, l'équité suppose que lors d'une élection, qui est le jour le plus important du calendrier démocratique, les citoyens doivent avoir la chance d'entendre tous les sons de cloche; cela suppose que l'organisation de l'élection n'avantage pas un type d'organisme plus qu'un autre; cela suppose aussi que les votes ont la même signification. Le vote d'une personne à un endroit signifie une chose; la représentation est égale et les votes ont un poids égal.
À l'heure actuelle, le système est conçu de façon à servir les intérêts des grands partis politiques. Un parti ne peut même pas obtenir le statut de parti enregistré tant qu'il ne présente pas 50 candidats. C'est ce qui rend possible l'existence du Bloc québécois mais impossible l'existence du Bloc Î.-P.-É. Il n'y a pas d'équité là-dedans.
Le sénateur Buchanan: J'ai du mal à vous suivre. D'un côté, vous dites que lors d'une campagne électorale, un parti politique prendra position en faveur des causes environnementales et s'engagera à faire ceci ou cela, mais ne fera rien une fois élu. La solution ne consiste-t-elle pas alors à le chasser du pouvoir s'il ne fait rien?
Ça ne se passe pas comme ça. Si un gouvernement est chassé du pouvoir, c'est rarement parce qu'il n'a pas donné suite à ses engagements en matière d'environnement. Il y a bien d'autres raisons pour désavouer un parti de la sorte. Votre raisonnement ne tient pas debout.
Deuxièmement, je vous ai entendu à au moins six reprises citer la Charte des droits. Vous affirmez par ailleurs qu'il faut changer notre système de gouvernement. Pourtant, la Charte des droits a été adoptée par des gouvernements élus démocratiquement en vertu de notre système. Je le sais, j'y étais. J'ai signé la Charte des droits. Cette Charte a aussi été signée par les libéraux, les conservateurs et les néo-démocrates. Elle n'a pas été signée par René Lévesque, mais elle a été signée par des gouvernements élus démocratiquement en vertu d'un système auquel vous vous opposez. Vous ne prenez que ce qui fait votre affaire. Vous dites que la Charte des droits est extraordinaire. Pourtant, elle a été adoptée par des gouvernements démocratiquement élus.
La présidente: Avez-vous une question, sénateur Buchanan?
Le sénateur Buchanan: Vous dites que le public canadien est grandement préoccupé par les questions d'environnement. C'est effectivement le cas. Vous dites aussi que notre système a fait en sorte que l'environnement s'est détérioré; que la santé s'est détériorée; bref, que tout s'en va chez le diable. Pourtant, dans notre pays, l'espérance de vie n'a jamais été aussi longue. J'ai lu un article récemment dans lequel on disait que la longévité était en hausse dans notre pays, tant chez les hommes que chez les femmes. Cela contredit ce que vous dites.
Deuxièmement, je peux vous en dire long à propos des sondages. Dans chaque sondage où les répondants sont invités à indiquer quelles sont leurs préoccupations, ils répondent l'éducation, l'emploi, les soins de santé, les services sociaux et, en fin de liste, l'environnement.
Peut-être, direz-vous, est-ce à cause de la façon dont les sondages sont formulés. Effectivement, la question posée dans les sondages est la suivante: «Quelles sont vos préoccupations?». Croyez-vous que les sondeurs vont demander: «L'environnement vous préoccupe-t-il?»? La réponse serait bien sûr affirmative. De la même façon qu'elle serait négative si on leur demandait: «Battez-vous votre belle-mère?»
La présidente: Sénateur Buchanan, posez votre question.
Le sénateur Buchanan: Êtes-vous d'accord avec ce que j'ai dit?
M. Best: Les gens vivent plus longtemps et ils sont davantage malades.
Je me réjouis de la signature de la Charte des droits et libertés. J'aimerais cependant que vous me laissiez mes droits plutôt que de m'en priver.
Le sénateur Pearson: Je suis d'accord avec votre objectif ultime, à savoir une amélioration de l'environnement. Je ne remets pas cela en question. Tout le monde est préoccupé par l'environnement. Par contre, je ne me sens pas à l'aise avec vos méthodes parce que je ne crois pas qu'elles vont porter fruit. Peut-être parviendrez-vous à défaire certains candidats, mais est-ce que cela va contribuer à améliorer la politique en matière d'environnement?
Les électeurs interviennent à titre individuel. Ce sont eux en qui j'ai confiance. Ce sont eux que vous devez rejoindre en vous servant des moyens appropriés pour le faire, c'est-à-dire assister aux réunions multipartites et lancer le débat sur la question. L'utilisation de ce qui me semble être une forme de chantage ne fonctionnera pas. Si vous êtes vraiment intéressé à défendre la cause que vous dites vouloir défendre, c'est-à-dire améliorer l'environnement, pourquoi choisissez-vous d'avoir recours à cette méthode particulière?
À la lumière de ma longue expérience -- et je suis plus âgée que la plupart d'entre vous --, je peux dire que c'est une méthode qui ne fonctionne pas. Je suis favorable à l'idée d'améliorer l'environnement. Je souhaite que les gens mettent toute leur énergie à encourager les électeurs à faire ces petits changements dans leur vie, et toutes les autres choses que nous pouvons faire, les enfants, le recyclage, et cetera. C'est là où les efforts devraient être mis et pas ailleurs.
Mme White: Nous avons fait une entrevue avec Eva Ligeti qui, jusqu'à récemment encore, était la commissaire à l'environnement de l'Ontario. Elle a affirmé alors que même si tout le monde au Canada faisait tout ce qu'il pouvait pour améliorer l'environnement, ce ne serait pas encore assez. Il faut une politique gouvernementale pour y arriver.
Lorsque nous avons produit le vidéo, nous y avons simplement repris les affirmations du gouvernement conservateur. Nous y avons montré des gens et nous avons dit: «Nous aspirons tous à avoir de l'air et de l'eau propres. Nous souhaitons tous la survie de certaines espèces menacées pour que nos enfants puissent eux aussi les admirer, et peut-être pouvons-nous même faire quelque chose pour que ces espèces ne soient plus menacées. Envisageriez-vous de modifier votre vote pour cette raison?». Les électeurs l'ont fait.
Même s'il y a eu d'autres discussions sur beaucoup d'autres sujets, nous pouvons démontrer que dans les régions que nous avions identifiées comme étant ambivalentes, c'est-à-dire celles où nous avons distribué le vidéo dans chaque foyer, soit environ 4 000 dans chaque circonscription, les gens ont effectivement regardé le vidéo et se sont dit: «Ça me semble vraiment être une bonne idée et je pense que je vais changer mon vote». Nous en avons produit 22 000.
Le sénateur Pearson: 22 000 quoi?
Mme White: Nous avons produit 22 000 vidéos, répartis entre sept circonscriptions.
Le sénateur Pearson: Comment pouvez-vous démontrer qu'ils ont eu l'impact que vous leur prêtez?
Mme White: Si vous regardez le rapport, vous allez constater que nous sommes en mesure d'établir avec précision où étaient les votes fluctuants dans la circonscription. Nous avons mesuré le changement dans les votes en comparant les régions où le vidéo n'avait pas été distribué et celles où il l'avait été.
Le sénateur Pearson: Comment savez-vous que c'est votre vidéo qui a fait la différence?
Mme White: La circonscription la plus intéressante était celle de David Johnson. Tous les syndicats anti-Harris à l'époque ont participé à cette campagne. Nous pouvons démontrer que, dans cette circonscription, le nombre de votes a diminué partout ailleurs, mais là où nous avions distribué notre vidéo, la baisse a été sensiblement plus marquée. Nous sommes responsables de l'élection de David Caplan et de la défaite de David Johnson. Cela est parfaitement démontrable. Nous pouvons mesurer exactement là où nous sommes intervenus et de quelle façon cela a modifié le vote. Le rapport est ici si vous êtes intéressé à le consulter.
Le sénateur Pearson: Et David Caplan est d'accord?
Mme White: Je n'ai aucune idée de ce que pense David Caplan.
Le sénateur Di Nino: Monsieur Best, je crois que vous avez dit que vous fondez votre plan sur la feuille de route du gouvernement. Est-ce exact?
M. Best: Oui.
Le sénateur Di Nino: Je crois avoir entendu Mme White dire, en utilisant l'exemple des espèces menacées, que si la loi mettait la barre un peu plus haut, vous l'appuieriez. Là où je veux en venir, c'est que vous ne pouvez aspirer et souffler en même temps. Ou bien, vous tirez parti de l'expérience passée ou bien, vous tombez dans le même piège que tout le monde et vous croyez aux promesses qui vous sont faites. Qu'en est-il dans votre cas?
M. Best: Nous allons juger n'importe quel parti au pouvoir, à l'échelon provincial ou fédéral, en fonction de ce qu'il a accompli au moment du déclenchement d'une élection. Si les libéraux ont une loi sur les espèces en péril à l'étude, comme c'est présentement le cas, mais ne l'adoptent pas, nous ne leur donnons pas le crédit pour cela.
Le sénateur Di Nino: Est-ce une question d'adopter la loi ou si cela dépend des résultats qui en découlent?
Mme White: Je vais vous donner un exemple très clair et bref. Avant son élection en Ontario, le NPD avait déposé un projet de loi d'initiative parlementaire pour interdire l'utilisation d'animaux aux fins de la mise à l'essai de produits cosmétiques. Je pense qu'il n'y a personne ici à cette table aujourd'hui qui est favorable à l'utilisation d'animaux à cette fin.
Nous croyions qu'une fois élu, le gouvernement néo-démocrate allait adopter une loi, étant donné qu'il avait déposé un projet de loi d'initiative parlementaire à cet effet. Cela semblait parfaitement logique. En fait, le ministre provincial de l'Agriculture a rédigé tout un ensemble de modifications réglementaires et, en cinq ans, nous ne sommes pas parvenus à les faire adopter. Nous n'y sommes pas parvenus parce qu'il y avait des intérêts divergents à la table qui avaient plus de poids politique que nous.
Au bout du compte, il est indéniable que le jugement que je porterai sur le gouvernement sera fonction du fait qu'il a ou n'a pas fait adopter cette loi.
Le sénateur Di Nino: Je ne comprends pas trop ce que vous avez dit et je ne suis pas sûr de totalement comprendre encore, mais au moins vous dites que ce qui importe ce sont les résultats et non les promesses.
Mme White: Tout à fait, ce sont les résultats.
Le sénateur Di Nino: Pour revenir à la principale question qui nous intéresse, je suis d'accord qu'il ne devrait pas y avoir de limites. Toutefois, comment allons-nous définir le mot «tiers» sans bouleverser la démocratie en créant deux camps disposant chacun d'énormes moyens financiers et entre lesquels se jouerait, en fait, l'élection, plutôt que de laisser aux députés le soin de présenter un plan global pour aborder les enjeux qu'ils estiment importants pour l'ensemble du pays et non simplement pour un petit segment et même un grand segment de la population?
M. Best: Je ne pense pas qu'on puisse le faire en vertu du projet de loi C-2 ni au moyen d'un système majoritaire géographique, basé sur les circonscriptions. Je vous dirai d'emblée que, d'après moi, ce que nous faisons n'est pas bien. C'est une réponse stratégique au présent système. Nous le faisons parce que, comme citoyens, nous estimons, à tort ou à raison, que les intérêts qui nous tiennent à c<#0139>ur ne reçoivent pas l'attention qu'ils méritent de la part des députés, et ce, probablement parce qu'ils n'ont pas de pertinence politique.
De ce fait, des tiers viendront fausser le système. Nous ne sommes plus un pays agraire qui peut être soigneusement divisé en petites portions. Ce sont les intérêts qui nous distinguent et ces intérêts peuvent se chevaucher. Dans un immeuble d'habitation, il peut y avoir différents intérêts à différents étages. La géographie n'est plus le dénominateur commun: voilà le problème.
Dans le système allemand, par contre, les intérêts et la géographie peuvent jouer un rôle. Sous un tel régime, on peut avoir des audiences équitables, on peut discuter des questions, on peut négocier les politiques sans avoir ce problème. Dans notre système, toutefois, tout cela peut être horriblement déformé, comme c'est le cas aux États-Unis, par des intérêts économiques.
Le sénateur Di Nino: Le Parti Vert a très bien fait de par le monde. Il a pris le taureau par les cornes et, dans beaucoup de pays, il a réussi à influer sur la législation sans paraître bouleverser la démocratie. N'est-ce pas là une façon plus souhaitable de faire les choses? C'est peut-être un peu plus long mais, à la fin, vous serez assis à la table et prendrez des décisions.
M. Best: Le Parti Vert est une force politique mesurable qui a un effet mesurable sur la politique publique dans les pays ayant la représentation proportionnelle, mais pas dans ceux qui ne l'ont pas. Je ne peux parler au nom du Parti Vert, mais c'est l'un des plus solides défenseurs d'un système doté d'une certaine représentation proportionnelle, un système politique plus moderne.
Le sénateur Di Nino: Vous seriez surpris de voir l'appui dont jouit un tel système au Parlement.
Le sénateur Fraser: Aux fins de la discussion, je présume que votre stratégie est saine, recommandable et efficace. Ceci étant, je me demande pourquoi vous vous opposez à une interdiction concernant les dépenses des tiers, car il me semble que de s'y opposer c'est se tirer dans le pied.
Je comprends votre réponse à la question du sénateur Murray concernant ce qui se produirait si des intérêts vraiment puissants se mettaient en travers de votre route, en admettant que vous commenciez à avoir un impact soutenu. Vous avez répondu qu'ils contribuaient déjà à la caisse des partis. Je vous invite à considérer l'avenir, un avenir peut-être imminent, si nous ne réussissons pas à donner force de loi à cette interdiction: non seulement ils apporteront des contribution aux partis mais ils feront ce qu'ils ont fait durant l'élection de 1988, c'est-à-dire prendre des mesures directes d'une envergure que vous ne pourrez jamais égaler. L'industrie pétrolière, par exemple, étant donné certaines des réalités dont nous savons qu'elle doit s'accommoder, aurait tout intérêt, pour neutraliser votre message, à investir plusieurs millions de dollars dans les circonscriptions que vous auriez désignées. Pourquoi vous, justement, vous opposeriez-vous à cette interdiction?
M. Best: Dans une élection, l'argent n'est pas tout. Il y a aussi la stratégie politique. Il y a également un certain discernement exercé par les électeurs. Comme l'a dit le juge Brenner en expliquant sa décision, durant les discussions sur l'Accord de Charlottetown et le référendum en Colombie-Britannique, le «oui» a surpassé de dix fois le «non» mais ce sont les forces du «non» qui l'ont emporté.
L'argent joue un rôle mais l'essentiel c'est que, à la fin, Environment Voters et les autres intervenants de la communauté environnementale doivent s'asseoir avec les décideurs. Nous devons avoir de la pertinence. Et la pertinence se mesure au nombre de votes et à l'influence exercée sur les élections, qu'il s'agisse de beaucoup ou d'un peu.
En ce moment, lorsque la communauté environnementale discute avec des députés, ceux-ci se préoccupent de la pertinence politique du propos, de ce que les environnementalistes abordent à la table outre l'assainissement de l'air et de l'eau. Si une compagnie pétrolière a davantage de pertinence dans un domaine, elle a davantage voix au chapitre. La pertinence politique, c'est ce qui nous accrédite. Les députés évoluent dans une économie de votes. S'ils en récoltent suffisamment, ils obtiennent le pouvoir; sinon, ils ne l'obtiennent pas. Ceux qui influencent les votes dominent les négociations. Ce que nous faisons aujourd'hui peut se répercuter sur l'avenir, auquel cas les gens devront s'adapter.
J'espère qu'à un certain moment les membres élus du Parlement, ceux qui décident effectivement de nos systèmes, commenceront à examiner ces distorsions et en concluront que c'est inacceptable. Nous ne pouvons avoir des élections où un parti qui obtient moins de votes finit par occuper une position minoritaire et par priver les personnes de leurs droits.
Nous ne pouvons rester inactifs, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui à vous parler en notre qualité de défenseurs de l'environnement, dans mon cas depuis 1972, qui en sont venus à cela après avoir tout essayé ce qui a été dit autour de cette table et avoir lamentablement échoué. Mme White a été très impliquée dans la politique partisane avec le NPD. Nous avons absolument tout fait pour rallier l'opinion publique et rien n'a réussi.
Je me suis occupé, durant les années 70 et 80, de la chasse aux phoques au Canada et, avec Brian Davies et l'IFAW, le Fonds international pour la défense des animaux, j'ai contribué à faire de cette chasse l'un des enjeux les plus publicisés au monde. Tous voulaient que cette chose cesse.
Le sénateur Moore: Pas les pêcheurs.
M. Best: Je le reconnais, mais mon argument demeure: l'opinion publique mondiale et canadienne réclamait la fin de la chasse aux phoques. Aujourd'hui, malgré les millions de dollars dépensés en vue de son interdiction, la chasse aux phoques dépasse de cinq fois ce qu'elle était en 1970. Que vous soyez pour ou contre, la chasse aux phoques a connu une expansion.
Autrement dit, je sais par expérience que rien de ce qu'on veut faire par des moyens traditionnels ne fonctionne. Par exemple, il y a un groupe de l'autre côté de la rue qui a organisé un petit déjeuner pour l'adoption d'espèces en danger. Or, je sais par expérience que de telles actions ne fonctionnent pas.
J'ai mené une campagne en Europe pour qu'on interdise l'importation de produits du phoque. Il s'agissait d'une campagne de trois ans couvrant trois élections, toutes fonctionnant par représentation proportionnelle sauf en Angleterre, et nous avons influencé le vote pour inscrire l'interdiction au nombre des enjeux politiques. Nous avons réussi, car c'est ainsi que le système fonctionne. Ce n'est pas une question d'avoir tort ou raison: c'est une question de système.
Le sénateur Fraser: Je n'ai pas entendu de réponse à ma question, mais je n'insisterai pas.
Le sénateur Moore: Monsieur Best, en quoi consiste l'entité Environment Voters? Est-ce un organisme caritatif? Qu'est-ce que c'est?
Mme White: L'International Wildlife Coalition et l'Alliance animale du Canada, les parrains d'Environment Voters, sont tous deux des organismes à but non lucratif. L'Alliance animale est de régime fédéral. Nous avons l'intention de faire fonctionner Environment Voters grâce à la solidité des autres groupes. À la fin, ce sera un organisme à but non lucratif, constitué en vertu d'une loi fédérale et probablement aussi des lois provinciales.
Comme vous le savez, les <#0139>uvres de charité ne peuvent participer à l'action politique, et c'est pourquoi beaucoup d'entre nous avons choisi des organismes qui n'ont pas de ramifications caritatives ou un quelconque rapport avec une société de bienfaisance. D'après notre expérience, ces dernières ne poussent tout simplement pas les choses.
Le sénateur Moore: Vous avez parlé de deux groupes parrains. Quel était le premier?
Mme White: Le premier que j'ai nommé était l'International Wildlife Coalition.
Le sénateur Moore: Où prenez-vous votre argent? Comment fonctionnez-vous? Quelle est votre source de financement?
Mme White: En ce moment, l'argent passe par l'Alliance animale. Tous les dons viennent de particuliers. Nous recueillons entre 650 000 $ et 750 000 $ par année.
Le sénateur Moore: L'Alliance animale est-elle une entité canadienne?
Mme White: Absolument.
Le sénateur Moore: Est-ce un organisme de bienfaisance enregistré?
Mme White: C'est un organisme sans but lucratif constitué sous le régime de la loi fédérale.
Le sénateur Moore: Est-ce une société caritative?
Mme White: Non.
Le sénateur Moore: Qu'en est-il des reçus?
Mme White: Nous n'émettons pas de reçus. D'après notre expérience, ceux qui sont vraiment convaincus n'ont pas besoin de reçus. C'est ce que nous avons observé. Et je crois que c'est ce qui se produira également dans le cas d'Environment Voters.
Le sénateur Moore: Je veux aborder un point soulevé par les sénateurs Murray et Pearson, c'est-à-dire votre mission de cibler les gens. Je parle de gens comme Charles Caccia et Karen Kraft Sloan.
Mme White: Ils ne sont pas dans des circonscriptions vulnérables, en passant. Ils ne seront donc pas ciblés.
Le sénateur Moore: Vous avez dit que vous les cibleriez.
Mme White: Non, j'ai dit qu'ils avaient pris des positions contraires à la politique du Parti libéral. C'est dans ce contexte que leurs noms ont été prononcés. Nous ne les avons pas ciblés et ils ne sont pas dans des circonscriptions vulnérables.
Le sénateur Moore: Je croyais que vous aviez dit que vous le feriez.
Mme White: Nous n'avons pas dit ça. Nous avons énormément d'admiration pour Clifford Lincoln, Karen Kraft Sloan et Charles Caccia. Ils ont été extraordinaires dans le domaine de l'environnement.
Le sénateur Moore: Si vous les cibliez, vous vous tireriez dans le pied.
Mme White: Nous ne les ciblons pas.
Le sénateur Moore: Vous parlez d'action politique. L'une des meilleures façons de procéder, comme l'autre côté l'a mentionné, c'est de se rallier à un parti, ou alors au moins d'appuyer quelqu'un qui essaie d'effectuer des changements au sein du parti.
Mme White: Quoi qu'il en soit, les libéraux finissent par voter en tant que parti. Ils possèdent la majorité à la Chambre et, sauf votre respect, la position de Clifford Lincoln sur bien de ces aspects n'a aucune importance.
Le sénateur Moore: Vous ne pouvez savoir à quel point vous faites erreur.
Mme White: J'ai participé au projet de loi de Sheila Copps sur les espèces en voie de disparition. Je travaille à la question depuis 1994; je sais très bien de quoi je parle.
La présidente: Je suis convaincu que vous le savez, madame White. Peut-être pourriez-vous laisser le sénateur Moore terminer et vous répondrez ensuite.
Le sénateur Moore: Ma dernière intervention touche l'exemple que M. Best a fait valoir concernant l'argent dépensé en Colombie-Britannique au moment du référendum sur l'Accord de Charlottetown. M. Best a fait remarquer que, peu importe ce qu'il advient d'Environment Voters et ce que les gens peuvent faire quant au montant d'argent qu'ils dépenseront à l'appui d'autres enjeux, on revient toujours à ce qu'a dit le sénateur Buchanan: ce sont les gens qui comptent. Vous ne pouvez jamais ne pas faire confiance aux gens.
Mme White: Pourquoi limitez-vous le montant d'argent que nous pouvons utiliser pour aller parler aux gens? Voilà la question que je vous pose. De quel droit pouvez-vous me dire que je peux dépenser seulement 3 000 $ dans une circonscription pour communiquer avec les gens alors que vous pouvez dépenser beaucoup plus? Je ne comprends pas cette discrimination.
Vous me dites que je ne peux aller parler à ces gens parce que je suis limitée à 3 000 $. Sauf votre respect, quiconque a mené une campagne -- et bon nombre d'entre nous avons mené plusieurs campagnes --, sait que 3 000 $ ne permettront pas à un candidat de parler sérieusement aux électeurs d'une circonscription.
Le sénateur Moore: Je ne comprends pas pourquoi vous ne fonctionnez pas à l'intérieur d'un parti politique.
Mme White: Comme nous l'avons déjà dit, aucun des partis politiques n'a un bon dossier environnemental.
J'aurai bientôt 51 ans. J'ai commencé à travailler au NPD à 14 ans. J'ai travaillé à de nombreuses élections. Je me suis profondément impliquée à tous les niveaux du parti, et je peux vous dire que le dossier environnemental du NPD est déplorable. Ce n'est pas faute de ne pas avoir essayé, mais les structures ou les obstacles au sein du parti sont exactement les mêmes que ceux qu'on rencontre en essayant de faire valoir les enjeux. Toutes les pressions qui agissent dans les partis politiques agissent également à la table politique. Il est impossible d'inscrire véritablement ces enjeux au programme.
Le sénateur Moore: J'ose croire que c'est possible au Parti libéral. J'y reviendrai un autre jour.
La présidente: J'aimerais rappeler à ce moment-ci que vous parliez de la cause en Colombie-Britannique où les limites de dépenses ont été déclarées inopérantes. Qu'en est-il de la décision Libman au Québec? Les dispositions du projet de loi C-2 sur les dépenses se fondent sur cette décision rendue au Québec, laquelle montre qu'il existe clairement un lien rationnel entre la limitation des dépenses des indépendants et l'objectif poursuivi par le législateur. Dans cette cause, le tribunal a stipulé que la limite de ces dépenses est primordiale pour préserver l'équilibre des moyens financiers et garantir le caractère équitable de la consultation populaire. Le tribunal a poursuivi en disant que la preuve démontre que, sans un tel contrôle, tout régime de limitation des dépenses des comités nationaux deviendrait vain et que la limitation des dépenses des indépendants doit être plus stricte que celle prévue pour les comités nationaux puisqu'on ne peut présumer que les dépenses des indépendants se répartiront également pour soutenir chacune des options. Qu'en pensez-vous?
M. Best: Le juge Brenner a en fait examiné la question, a discuté du cas Libman, a entendu les arguments pour ensuite les rejeter.
Le sénateur Fraser: On ne peut rejeter une décision de la Cour suprême.
M. Best: C'est pourtant ce qu'il a fait.
Le sénateur Fraser: Il a dit que la cause à l'étude n'était pas couverte par la décision de la Cour suprême.
M. Best: Je ne suis pas avocat. Je lis ces choses en tant que profane et c'est pourquoi ma terminologie peut manquer d'exactitude.
Sauf erreur, l'argument présenté était que, dans les situations où le seul choix est «oui» ou «non», il peut y avoir un certain sens au plafonnement. L'autre aspect qu'a fait valoir la Cour suprême de la Colombie-Britannique est qu'on ne peut pas simplement appliquer cet argument tel quel à toutes les autres situations, qu'il existe dans les campagnes électorales des complexités allant bien au-delà des situations par oui ou par non. Je pense avoir bien paraphrasé cet argument.
Vous prenez une cause impliquant un «oui» ou un «non» et l'appliquez à une situation extrêmement complexe où il peut y avoir jusqu'à cinq partis dans la course et beaucoup d'autres enjeux qu'une simple question par oui ou par non.
La présidente: Cette décision était fondée sur le référendum, mais on y discutait d'élections. Il est évident, d'après cette décision de la Cour suprême, que la limitation des dépenses des indépendants doit aussi être plus stricte que celle prévue pour les comités nationaux.
Le sénateur Joyal: J'ai écouté attentivement vos commentaires sur le système électoral canadien et deux choses m'ont frappé: depuis le rapatriement en 1982, nous avons la Charte canadienne des droits et libertés. Le Québec n'a pas signé, mais ce n'est là qu'un geste politique. Cela n'a pas d'effet juridique pratique sur les Québécois. Ils bénéficient autant des droits et des libertés que tous les autres citoyens canadiens. En fait, le premier gouvernement à avoir invoqué la Charte après sa mise en vigueur a été celui du Québec, et ce, au cours d'une grève des enseignements de Montréal. C'est de vouloir ménager la chèvre et le chou de dire que, sur le plan politique, c'est inacceptable puis d'en profiter sur le plan juridique.
Ceci dit, il faut toujours faire la distinction entre la loi du pays et ce qui est le mieux du point de vue politique, selon ce qu'on entend par «le mieux». Cela fait partie de la démocratie canadienne.
Vous avez des idées bien arrêtées sur les questions environnementales et je vous en félicite. En tant que législateur, je n'ai aucune objection à faire en sorte que toutes les opinions soient mises de l'avant dans une campagne électorale, sans quoi ce sera le chaos. Comme l'a dit le juge Estey, la Constitution est le mur entre le chaos et le progrès de la civilisation. Je pense que vous recherchez le progrès de la civilisation. Nous ne voudrions certainement pas tomber dans le chaos.
Vous avez fait une affirmation qui, à mon avis, est fondamentale, soit que vous vous sentez défavorisé en tant que citoyen parce que le système est conçu pour servir et protéger les gros partis politiques. Si vous êtes aussi convaincu que vos droits sont brimés, pourquoi ne contestez-vous pas l'essence même du projet de loi?
Je vous rappelle que le 20 août 1998, la Cour suprême du Canada a déclaré très clairement que l'un des quatre principes à la base de l'ordre constitutionnel canadien est la démocratie et que la démocratie est la détermination et la capacité des gens d'exprimer leur volonté. Cela entraîne de nombreuses conséquences.
Si vous vous estimez fondamentalement lésé dans vos droits démocratiques, pourquoi ne contestez-vous pas devant les tribunaux l'essence même du système électoral du Canada?
M. Best: C'est ce que j'ai fait. Mon nom est inscrit comme demandeur dans une cause. Nous avons contesté les dispositions du Règlement sur la protection des phoques qui bloquaient l'accès à la chasse canadienne, car nous estimions que d'empêcher les gens de filmer et de photographier la chasse entravait la liberté d'expression. En d'autres mots, si l'on censure quelque chose, il n'y a pas moyen de s'exprimer à ce sujet.
Le juge de la Cour fédérale a statué que nos droits garantis par la Charte avaient effectivement été enfreints et que de refuser l'accès aux gens qui voulaient filmer la chasse constituait une décision arbitraire. Le juge a également décrété qu'il s'agissait d'un empiétement tout à fait raisonnable sur un droit garanti par la Charte parce qu'il était plus important pour le gouvernement de maintenir la chasse aux phoques que de faire respecter un droit constitutionnel.
La Cour d'appel a invalidé ce jugement au coût de 276 000 $. Le gouvernement a appliqué une tactique juridique de la terre brûlée. Le ministère de la Justice a fait tout pour rendre la démarche dispendieuse.
L'année suivante, le gouvernement a légèrement reformulé la loi. Le règlement a été à peine modifié et, même si l'effet était le même, on a prétendu que ce changement corrigerait le problème. Il nous fallait décider si nous pouvions continuer à dépenser toutes ces sommes pour aller de l'avant.
D'après mon expérience, ce genre de recours aux tribunaux est vain puisque, à la fin, l'autorité demeure les représentants élus, et il faut leur parler par d'autres moyens.
Je comprends ce que vous dites, mais l'investissement nécessaire d'argent et de temps ne produira pas, selon moi, l'effet recherché si la volonté politique n'y est pas.
Le sénateur Joyal: Si vous estimez que notre système électoral uninominal n'est fondamentalement pas démocratique, qu'il porte au pouvoir des gouvernements qui n'ont pas obtenu la majorité des votes, comme vous le dites, pourquoi ne vérifiez-vous pas vos affirmations devant la Cour suprême?
M. Best: Je reviens aux principes de base. Nous ne sommes pas venus témoigner en faveur d'un système politique différent. D'autres personnes le font déjà. En fait, un groupe de l'Université de Toronto ira contester toute la Loi électorale du Canada devant la Cour suprême à cause des contradictions dont j'ai parlé.
Nous sommes ici en tant que tierce partie qui a examiné le système politique. Nous pouvons ne pas avoir la même idée sur le fonctionnement des tactiques mais, en toute bonne foi, nous avons étudié notre système politique et décidé que c'était la stratégie qui fonctionnait. Vous examinez en ce moment une mesure législative qui nous enlèverait cette stratégie. Nous ne sommes pas ici par entêtement mais parce qu'il s'agit d'une réponse rationnelle au système politique qui nous régit.
Environment Voters est tout simplement Environment Voters, non une tribune électorale. D'autres groupes le sont, mais ce n'est pas notre cas.
Nous aborderons les gens en disant: «Nous utiliserons le système de la meilleure façon que nous le pouvons pour obtenir une politique environnementale solide, alors donnez-nous l'argent pour le faire». Voilà comment nous procéderons. Voilà comment nous participerons aux élections, et ce sont là les techniques que nous utiliserons. Si, après 30 ans, nous pouvons nous asseoir à la table et dire au ministre de l'Environnement que nous contrôlons 21 sièges au Canada, la discussion sera alors plus intéressante sur ce que sera la politique environnementale.
Je ne crois pas que ce soit un bon système, mais notre mandat n'est pas de faire une réforme électorale. Notre mandat est d'examiner le livre de règlements et de décider comment l'utiliser au mieux. Je pense que vous devrez simplement changer le livre de règlements.
La présidente: Merci beaucoup d'avoir comparu ce matin.
La séance est levée.