Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 16 - Témoignages du 1er juin 2000
OTTAWA, le jeudi 1er juin 2000
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour en faire l'examen.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'apprête, aujourd'hui, à entendre le témoignage de représentants de divers ministères au sujet du projet de loi C-23, c'est-à-dire la Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.
Nous accueillons, comme premiers témoins, Mme Michelle Gosselin et Mme Lisa Hitch, du ministère de la Justice. De nombreuses autres personnes se trouvent dans la salle et peuvent être appelées à la table, au besoin, pour répondre à nos questions. On me dit que vous n'avez pas d'exposé à faire, que vous êtes prêtes à répondre aux questions des membres du comité. Quelqu'un en a peut-être une, justement?
Le sénateur Andreychuk: Mmes Gosselin et Hitch parleront-elles au nom de tous les ministères ou des représentants des divers ministères viendront-ils témoigner à tour de rôle?
La présidente: Si les questions portent sur un point particulier du projet de loi, alors soit Mme Gosselin, soit moi, appellerai quelqu'un à la table pour l'aider.
Le sénateur Andreychuk: Fort bien.
La présidente: Ces autres personnes sont ici pour l'appuyer.
Le sénateur Joyal: Au cours des dernières semaines, certaines personnes sont venues témoigner devant le comité, et je crois savoir que quelqu'un du ministère de la Justice a assisté à ces séances en votre nom. Avez-vous quelque chose à dire au sujet des points qui ont été soulevés par certains témoins?
Mme Michelle Gosselin, gestionnaire de projet, Modernisation des avantages sociaux, ministère de la Justice: À quels points en particulier faites-vous allusion?
Le sénateur Joyal: Votre commentaire me surprend. Navré si j'ai l'air peu commode ce matin. Un représentant de votre ministère a assisté aux réunions et a entendu les points qui ont été soulevés. Pourtant, vous n'avez rien à nous dire. Êtes-vous en train de me dire que vous n'avez rien à ajouter au sujet de ce que ces témoins nous ont dit durant toutes ces délibérations?
[Français]
Mme Gosselin: J'essaie seulement de clarifier les questions que vous voudriez que l'on soulève.
[Traduction]
Aimeriez-vous que nous parlions de la dépendance économique ou de la modification prévue à l'article 1.1?
Le sénateur Joyal: J'aimerais que vous nous parliez des divers points qui ont été soulevés. Je m'attendais qu'à votre arrivée, ce matin, vous manifestiez le désir de faire des observations au sujet de certains aspects des témoignages qu'a entendus le comité.
Par exemple, des représentants des autochtones sont venus témoigner et ont abordé un point au sujet duquel vous auriez peut-être quelque chose à dire. Vous croyez peut-être que la question a bien été examinée et que nous n'avons pas de questions, mais je m'attendais que vous nous expliquiez les divers points qui ont été soulevés.
La présidente: Sénateur Joyal, j'aurai des questions précises au sujet du point soulevé par les Cris-Naskapis, mais elles s'adresseront au porte-parole du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, lors de sa comparution.
Le sénateur Joyal: J'aimerais avoir une certaine réaction aux témoignages que nous avons entendus jusqu'ici. C'est ce que j'attends des témoins. C'est leur rôle.
Mme Gosselin: Je m'excuse. Je m'attendais à des questions précises. Nous pourrions peut-être commencer par parler de la dépendance économique.
J'ai entendu des témoins demander si le projet de loi faisait une distinction à l'égard de personnes vivant ensemble et ayant un lien de dépendance, par exemple des frères et soeurs. Quand Mme McLellan a comparu devant le comité, elle a fait valoir que, bien que de nombreuses lois fédérales prévoient actuellement des avantages et des obligations limités pour les membres de la famille, il faudra creuser la question pour voir s'il conviendrait d'accorder ces mêmes avantages et obligations à d'autres personnes à charge.
Elle a aussi fait valoir qu'il y avait une différence qualitative entre le conjoint ou l'époux et d'autres genres de relations avec des membres de la famille.
Il ne sera peut-être pas possible d'imposer de nombreuses obligations. Cela ne sera peut-être pas approprié. C'est pourquoi la ministre a renvoyé la question à un comité parlementaire. Le projet de loi C-23 n'interdit pas d'en débattre et de faire avancer le dossier plus général de la dépendance économique.
Le sénateur Joyal: La ministre a-t-elle fixé une échéance pour cette étude? Qui est visé et qui doit faire rapport? Nous pourrions être appelés à répondre à ces questions plus tard. J'aimerais avoir une idée des échéances.
Mme Gosselin: La ministre a communiqué avec les présidents de deux comités qui se concentreraient essentiellement sur ces questions, soit le comité des finances et le comité du développement des ressources humaines. D'après l'entretien que nous avons eu avec les greffiers de ces comités, je m'attends que l'étude aura lieu cet automne, à la rentrée parlementaire.
La Commission de la réforme du droit a publié hier un rapport qui touche à cette question, et nous en discuterons.
Quant au calendrier de toute autre mesure législative ou d'un changement d'orientation, je n'en saurais rien. Cette question relève toujours du domaine politique.
Le sénateur Joyal: Si j'ai bien compris votre réponse, la ministre souhaite former le comité cet automne, après les consultations d'usage.
Mme Gosselin: La ministre a parlé. Nous avons eu certaines discussions préliminaires et, si j'ai bien compris en tant que bureaucrate, les greffiers de ces comités formeront un comité qui étudiera cette question au début de l'automne. Au fil des ans, le ministère a fait beaucoup de travail à cet égard. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous n'avons pas étudié attentivement cette question. Le projet de loi C-23 a été déposé parce qu'il importe d'agir dès maintenant. Toutefois, nous estimons que de nombreuses questions demeurent sans réponse en ce qui concerne les personnes à charge.
Mme Lisa Hitch, avocate-conseil, Modernisation des avantages sociaux, ministère de la Justice: Il n'y a pas d'échéance précise encore parce que -- je suis sûre que les sénateurs seront d'accord avec moi -- cette question plus générale de la dépendance économique relève, sur le plan des orientations, de nombreux ministres. On estime que, contrairement à la question des conjoints de même sexe pour laquelle la Cour suprême du Canada nous avait clairement indiqué la voie, cette question n'est pas directement reliée à la Charte. Elle serait peut-être mieux gérée en vertu d'un partage des responsabilités de plusieurs ministres. Ces discussions sont en cours, mais aucune décision finale n'a encore été prise au sujet du sous-comité qui s'en chargera ou du calendrier précis.
La présidente: Sénateur Joyal, j'ai ici un exemplaire du rapport de la Commission du droit du Canada qui a été rendu public hier. Je vais en faire distribuer à tous les membres du comité.
Le sénateur Joyal: Ai-je raison de dire que c'est le ministère de la Justice qui assume la responsabilité de ce dossier?
Mme Hitch: C'est la question dont il faudra décider en raison de l'enjeu de la dépendance économique. Bien sûr, le ministère de la Justice sera peut-être capable d'assurer la coordination de manière valable, mais la question n'a pas de lien avec la Charte comme l'autre. Il ne s'agit pas d'une mesure législative relevant directement du mandat de la ministre de la Justice.
Bien sûr, pour faire l'examen de l'orientation voulu, il faudra que plusieurs ministres collaborent. C'est pourquoi les discussions qui ont déjà eu lieu cherchaient surtout à savoir s'il fallait faire un examen en vertu du mandat de l'un des autres comités ou plutôt le confier à une forme hybride des comités des finances et du développement des ressources humaines, puisque ce sont là les principaux mandats touchés sur le plan des orientations.
Le sénateur Joyal: Nous ne savons pas encore quel ministère assumera la responsabilité de ce dossier. Il faudra faire rapport. Comme vous le dites, la question ne relève pas essentiellement de la justice, il ne s'agit pas forcément d'une question juridique, comme c'est le cas du projet de loi C-23. Nous en sommes conscients.
Vous espérez pouvoir dégager un consensus des divers ministères à cet égard, mais vous n'avez pas de calendrier, pas d'échéance pour le dépôt du rapport de ce groupe.
Mme Hitch: Pardon, mais nous n'espérons pas dégager un consensus au niveau ministériel. La question relève carrément de la ministre. C'est elle qui va en discuter avec ses collègues. C'est à ce niveau que nous espérons qu'un consensus se dégagera, savoir s'il faut confier l'examen à un sous-comité ou à un nouveau sous-comité regroupant des membres de plusieurs comités permanents.
Le sénateur Joyal: Le conseil des ministres a-t-il approuvé cela?
Mme Gosselin: Il ne l'a pas encore fait. Des travaux très préliminaires sont en cours au sujet de la dépendance économiques. Il s'agit d'une question très générale qui aura d'importantes répercussions sur les programmes budgétaires et sociaux. À nouveau, elle exigera une étude solide et probablement un débat, et les Canadiens devront faire des choix.
Le sénateur Joyal: Il faudra mettre en branle un processus de consultation publique.
Mme Gosselin: C'est juste.
La présidente: Souhaitez-vous parler de certaines autres questions abordées?
Le sénateur Joyal: Vous dites que le rapport a été rendu public hier. Projetez-vous de traiter de ce rapport? Quelle est la prochaine étape avant la prise de décision à ce sujet?
Mme Hitch: Par souci de clarté, je précise que le document rendu public hier par la commission du droit n'est pas un rapport, mais un document de travail préliminaire. D'après son propre calendrier, il semble que la commission invite actuellement les Canadiens à faire connaître leur opinion au sujet de toute une série de questions à débattre. Comme la ministre l'a mentionné lors de sa comparution, nous espérons que cette contribution aidera le comité ou sous-comité formé à cette fin à examiner la question au Parlement.
Le sénateur Joyal: Il s'agit d'un document de travail préliminaire, non pas d'un rapport.
Mme Hitch: C'est juste, et la commission ne fait pas de recommandation.
Le sénateur Joyal: Le document décrit simplement les divers aspects d'un débat général sur cette question. Habituellement, la Commission de réforme du droit a pour pratique, lorsqu'elle dépose un rapport préliminaire, de fournir de la matière à réflexion pour un débat qui inclurait les gouvernements provinciaux, je suppose, tous les autres organismes institutionnels du pays, et, en règle générale, les concitoyens ou les groupes intéressés. Quand la Commission de réforme du droit se lance dans un pareil processus, fixe-t-elle les échéances?
Mme Hitch: Elle propose un calendrier. D'après ce que nous en savons, le ministère fera un résumé des commentaires reçus au sujet des questions à débattre et des autres travaux qu'il aura confiés à contrat. Il espère pouvoir faire rapport à la ministre et au gouvernement d'ici à la fin de l'année. Bien sûr, c'est un objectif qu'il s'est fixé plutôt qu'un calendrier figé.
Le sénateur Joyal: Naturellement. Par conséquent, d'ici à la fin de l'année ou au début de la nouvelle année, la Commission de réforme du droit devrait être en mesure de faire certaines recommandations.
Mme Hitch: C'est du moins ce qu'elle a annoncé.
Le sénateur Joyal: Quel est le rôle du ministère dans ce processus?
Mme Hitch: Dans le processus de la discussion?
Le sénateur Joyal: Oui.
Mme Hitch: Comme vous le savez peut-être, la Commission de réforme du droit est structurée de telle façon qu'elle n'a pas de lien de dépendance à l'égard du ministère de la Justice et du gouvernement. Ce choix a été très délibéré. On visait ainsi à lui laisser la liberté de voir à longue échéance et d'essayer de conseiller le gouvernement quant à ce que devrait être la loi dans 10 ou 20 ans. Son mandat est axé sur l'avenir plutôt que sur des problèmes immédiats.
Le sénateur Joyal: Dans ce contexte, puisqu'il y a déjà et qu'il continuera d'y avoir des causes devant les tribunaux concernant la définition du mariage, quelle sera la position du Procureur général du Canada durant la consultation? Les définitions ou propositions même faites dans les documents préliminaires auront peut-être une influence sur la position adoptée par le Procureur général du Canada dans des causes connexes.
Mme Hitch: Vous posez deux questions, selon moi. Si vous le permettez, j'aimerais vous répondre en deux temps. La première question concerne l'effet du document rendu public par la Commission de réforme du droit. Le document se veut -- et c'est ainsi qu'on le présente -- un document de travail soulevant des questions préliminaires à soumettre à un débat public.
Je crois savoir que l'une des questions posée aux Canadiens était de savoir s'ils souhaitent créer un régime d'enregistrement des partenaires domestiques comme moyen de régler la question de la dépendance économique. Cependant, on fait aussi état de nombreuses autres solutions avancées au sujet desquelles la Commission de réforme du droit de l'Ontario fait valoir les limites d'un pareil régime. Dans ce contexte, une des questions était: un tel régime d'enregistrement, s'il était mis en place, remplacerait-il le mariage ou le compléterait-il?
Je ne crois pas, à ce stade-ci, qu'il y ait quoi que ce soit dans le document de la commission qui influerait directement sur la position du gouvernement du Canada dans les procès, bien que nous suivions de très près les réponses données aux questions soumises à un débat public.
La deuxième question que vous posez, je crois, concerne la position du ministère de la Justice et du gouvernement du Canada lors de poursuites devant les tribunaux concernant le mariage. Je suis désolée. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question actuellement. Le comité du contentieux qui énonce les positions adoptées dans les poursuites importantes entamées contre le gouvernement n'a pas examiné la question parce que des poursuites n'ont pas encore été entamées contre le ministère de la Justice.
Le sénateur Joyal: Je pose la question parce que, comme vous le savez, le procureur général du Canada est déjà intervenu dans des causes antérieures. J'aimerais que vous me disiez si la position prise par le procureur général en 1992, surtout devant la Cour d'appel de l'Ontario, sera différente dans les poursuites à venir, compte tenu de l'arrêt rendu dans l'affaire M. c. H.?
Mme Hitch: Je crois savoir que la position se fondera sur l'état actuel du droit. Comme je l'ai dit, le comité du contentieux n'a pas encore examiné la question. Des recommandations n'ont donc pas été faites à la ministre dans ce dossier particulier.
Comme le savent les sénateurs, les tribunaux ont confirmé que, pour être valide, il faut que le mariage ait lieu entre deux personnes de sexe opposé, même lorsque la Charte est invoquée. C'est l'état actuel du droit. L'affaire M. c. H. ne portait pas sur le mariage.
Le sénateur Joyal: Non. Toutefois, certains principes mis de l'avant dans l'affaire ont servi à interpréter l'article 15.1, de sorte que le ministère de la Justice ne pouvait pas ignorer un principe énoncé dans l'arrêt rendu. Je ne souhaite pas vous voir prendre un engagement à ce sujet aujourd'hui, mais j'aimerais souligner que le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans son interprétation de l'article 15.1, la disposition relative à l'égalité, a une signification et une portée dans toute discussion liée à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.
M. Hitch: Je tiens à préciser officiellement, par souci de clarté, que le gouvernement du Canada, le ministère de la Justice et sa ministre de même que le procureur général du Canada ont toujours pour position, naturellement, de ne pas avoir une position contraire à la loi suprême du pays. Comme toujours, nous examinerons avec soin les répercussions des décisions prises récemment par les tribunaux avant d'arrêter notre position finale. Toutefois, je dois à nouveau souligner que tout cela relève de la conjecture pour l'instant puisque nous n'avons pas encore été signifiés.
Le sénateur Joyal: Je vous remercie. J'ai pris plus de temps que ce à quoi j'avais droit, mais j'ai encore des questions.
La présidente: Oui. Les autres questions, je vous prie.
Mme Gosselin: En ce qui concerne l'article 1.1 du projet de loi, l'amendement, comme l'a dit la ministre lorsqu'elle a comparu devant le comité, la définition du «mariage» ne changera pas. Le gouvernement n'a pas l'intention de changer la définition juridique du mariage. Le projet de loi C-23 n'a pas de rapport avec le mariage.
Nous avons dû ajouter l'article 1.1 au projet de loi C-23 pour apporter des éclaircissements. De nombreuses préoccupations ont été exprimées au gouvernement tant en faveur de l'amendement que contre. Bon nombre de ces personnes craignaient que le gouvernement change la définition du mariage. La modification apportée à l'article 1.1 du projet de loi vise à donner plus de certitude. Elle dispose que:
[...] les modifications que la présente loi apporte ne changent pas le sens du terme «mariage», soit l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne.
Cette clarification maintient l'intégrité du projet de loi C-23 et répond en même temps aux préoccupations qu'ont exprimées de nombreux Canadiens au sujet de l'importance du mariage. Voilà l'objectif que vise cet amendement. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Joyal: Comme vous le savez, divers groupes ont exposé leurs vues sur cette question. Je tiens à être très clair. Nous avons entendu, hier soir, le témoignage du groupe de pression REAL Women of Canada, que le ministère de la Justice connaît bien. Ils nous ont donné leur interprétation de l'article 1.1 du projet de loi. En quoi votre interprétation diffère-t-elle de la leur? Je ne cherche pas à vous mettre dans l'embarras, surtout si vous n'étiez pas présente ou que vous n'avez pas reçu une copie de leur mémoire.
Mme Hitch: Dites-le moi si je ne réponds pas à votre question, sénateur, parce que telle n'est pas mon intention. Nous étions ici hier soir et nous avons entendu le témoignage du groupe d'intérêt et de Mme Landolt. Peut-être que la meilleure façon de répondre à votre question serait de répéter ce que la ministre et le ministère ont dit, à savoir que l'article 1.1 est une disposition interprétative. Comme l'a mentionné la ministre quand elle a déposé le projet de loi, cet article a été ajouté dans le but de clarifier que le projet de loi C-23 ne traite pas du mariage. Il vise plutôt à accorder un traitement égal, comme l'a précisé la Cour suprême dans l'arrêt M. c. H., aux partenaires de sexe différent et aux partenaires de même sexe qui vivent en union de fait.
Le sénateur Joyal: Dans le même ordre d'idées, vous n'avez pas l'intention d'utiliser la définition qui a été ajoutée au projet de loi C-23, comme on l'a laissé entendre au comité, pour appuyer la position que le procureur général du Canada pourrait adopter, dans le cadre d'une contestation, en faveur de la définition traditionnelle de «mariage».
Mme Hitch: Si je puis me permettre, à mon avis, tout ceci est hypothétique, car je ne sais pas quel argument invoquera le gouvernement si jamais il y a contestation à ce chapitre. Il n'y en a pas eu jusqu'ici. Par conséquent, le comité du contentieux n'a pas décidé quels arguments seront invoqués, et quelle sera la position du gouvernement.
Je tiens à préciser qu'il y a mésentente sur ce point et que le fait de considérer l'article 1.1 comme une définition ne fait qu'ajouter à la confusion. Nous avons évité d'utiliser le mot «définition» dans ce cas-ci, car, comme vous le savez, il existe, en droit, de nombreux éléments qui doivent être pris en compte pour établir la validité d'un mariage. Certains de ces éléments relèvent de la compétence des provinces. Mentionnons, par exemple, la célébration. Il ne peut y avoir célébration de mariage si les personnes ne sont pas enregistrées en vertu de la loi provinciale. Le mariage ne sera pas valide, peu importe le nombre de conditions qui sont réunies. Il y a d'autres éléments qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, sauf au Québec, où le code date d'avant la Confédération. Au nombre de ceux-ci figurent le mariage entre personnes de sexe différent, les degrés de consanguinité, la consommation du mariage, le consentement éclairé et les nombreux autres motifs pour lesquels un tribunal accorderait une ordonnance de nullité. On a donc tort de considérer l'article 1.1 comme une «définition», puisqu'il ne fait que préciser un des éléments qui permettent de déterminer l'existence d'un mariage légitime.
Cela dit, le ministère de la Justice estime que cet aspect du mariage entre conjoints de sexe différent relève de la common law, comme en témoigne l'arrêt Hyde c. Hyde, rendu en 1866, dont les principes ont, depuis, été appliqués de façon uniforme au Canada. Cette définition ne figure pas dans la législation fédérale, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'elle a moins de valeur sur le plan juridique. Encore une fois, il s'agit d'une disposition interprétative qui renvoie uniquement à la loi actuelle. Elle n'apporte rien de nouveau. Si quelqu'un souhaitait contester cet aspect-ci du mariage, il serait obligé de le faire en vertu de la common law, non pas en vertu de l'article 1.1.
Le sénateur Joyal: Merci de l'explication. Je la trouve fort utile.
Le sénateur Cools: Les témoins viennent de la section de la modernisation des avantages sociaux. Qu'est-ce qu'on entend par cela?
Mme Gosselin: C'est le nom que nous avons donné à cette initiative, soit la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, qui est également le titre du projet de loi C-23.
Le sénateur Cools: Je le sais. Je me demandais tout simplement quel était votre objectif.
Mme Gosselin: Mon objectif était de déposer un projet de loi qui vise à accorder les mêmes avantages et obligations aux couples de même sexe et aux couples de sexe différent vivant en union de fait.
Le sénateur Cools: Quand la Chambre a débattu du projet de loi C-78, j'ai souligné le fait qu'il y avait une disposition en particulier qui comportait, selon moi, une lacune grave. Avez-vous tenu compte de ces arguments quand vous avez rédigé ce projet de loi-ci?
Mme Gosselin: Est-ce que vous faites allusion à l'utilisation du terme «conjugal»?
Le sénateur Cools: On avait utilisé l'expression «relation de nature conjugale» dans le projet de loi C-78. Quand les rédacteurs du ministère s'apprêtent à rédiger un projet de loi, est-ce qu'ils tiennent compte des commentaires qu'ont formulés les députés à la Chambre?
Mme Gosselin: Oui. Nous l'avons fait dans ce cas-ci. Nous avons passé de nombreuses heures à discuter de la terminologie qui pourrait être utilisée d'un point de vue juridique. Nous avons jeté un coup d'oeil à tous les comptes rendus et analysé la question sous tous les angles.
Le sénateur Cools: Vous pourriez peut-être alors nous décrire le cadre juridique et conceptuel qui a servi de toile de fond à ce libellé, vu que le sens du mot «conjugal» a toujours été celui de «sexe opposé». J'ai de la difficulté à composer avec les expressions «de sexe opposé» et «de même sexe». Nous connaissons tous le sens du mot «conjugal», qui s'entend d'une union biologique en vue de la reproduction.
J'aimerais savoir comment vous êtes arrivés à rédiger une disposition qui contient des termes dont le sens ne correspond pas du tout à leur sens habituel?
Mme Gosselin: Comme l'a indiqué la ministre quand elle a comparu devant le comité, le sens du terme «conjugal» a été clairement défini dans divers jugements. Les administrateurs fédéraux appliquent depuis de nombreuses années ces jugements aux couples de sexe différent non mariés. Ils comptent maintenant les appliquer également aux couples de même sexe. Les éléments qui déterminent l'existence d'une relation conjugale ont été résumés par la Cour suprême dans l'arrêt M. c. H. Ces éléments ne sont pas tous requis pour établir l'existence d'une relation.
Mme Hitch: Sénateur, je tiens d'abord à dire que le ministère est conscient du fait que la situation est parfois difficile pour tous les Canadiens, surtout ceux qui n'ont jamais été visés par des lois dans un sens large, et que la plupart des lois utilisent des termes dans le sens qu'on leur donne habituellement, sauf qu'ils peuvent parfois, dans le cadre d'une loi particulière, avoir un sens plus restreint ou plus vaste. Il existe dans la législation fédérale une foule d'exemples de termes dont le sens qu'on leur donne habituellement diffère de celui qu'on leur attribue à des fins de politique générale, dans une loi particulière. C'est une démarche tout à fait normale.
Vous n'êtes pas sans savoir que le sens légal d'un terme ne correspond pas nécessairement au sens que lui donne habituellement le dictionnaire. D'après le ministère de la Justice, la Cour suprême du Canada a changé le sens du terme «conjugal» dans l'arrêt M. c. H. -- et il est vrai que, jusqu'à ce moment-là, ce terme s'appliquait uniquement aux couples de sexe différent -- de sorte que ce mot s'applique maintenant aux conjoints de même sexe.
Je tiens à signaler que ce n'est pas la première fois qu'on étend le sens du terme «conjugal». À l'origine, le mot «conjugal», comme vous l'avez signalé, ne s'appliquait qu'aux conjoints mariés. Toutefois, au fil des ans, les tribunaux ont appliqué ce terme aux personnes de sexe opposé vivant en union de fait. Ce sens plus large a été adopté par voie législative, par le gouvernement fédéral et les provinces, de sorte que le mot «conjugal» fait partie de la législation fédérale depuis maintenant une quarantaine d'années, sans qu'on en explique davantage le sens.
Le sénateur Cools: Mon interprétation de l'arrêt M. c. H. -- que j'ai lu au complet -- est différente de la vôtre. D'après ce que j'ai compris, la signification de l'expression «relation conjugale» sera débattue à un autre moment, dans le cadre d'un autre jugement. L'arrêt auquel Mme Gosselin fait allusion a été cité une douzaine de fois. Le problème, c'est que cet arrêt met en cause des personnes de sexe opposé. Les éléments que vous avez décrits s'appliquent aux hétérosexuels.
Pour revenir à la réponse de Mme Hitch, qui a parlé du sens habituel des mots, certaines de ces notions relèvent des cours de droit de première année. On se demande pourquoi le ministère et les tribunaux continuent de jouer avec le sens des mots. Par exemple, la plupart d'entre nous, j'en suis certaine, ont étudié la biologie et la zoologie il y a des dizaines d'années de cela. Le terme «conjugal», comme vous le savez, vient du mot «conjugaison». Or, la conjugaison chez les mammifères et l'homo sapiens s'entend de la combinaison de matériel génétique provenant de l'espèces différentes. On ne peut pas, en s'inspirant d'une remarque qu'a fait le juge Cory dans l'arrêt M. c. H., prendre un terme qui a un sens biologique et scientifique et lui attribuer une toute autre signification.
Donc, mon interprétation est très différente de la vôtre. Chaque mot utilisé par les rédacteurs, quand ils préparent un projet de loi, a un sens précis, un but particulier. Franchement, j'estime que le but visé dans ce cas-ci était de provoquer une contestation et de ramener encore une fois la question devant les tribunaux.
Je tiens à ce que cela soit très clair, car j'ai participé à diverses réunions où de nombreuses options ont été envisagées. L'option privilégiée était celle du partenariat domestique. On m'a expliqué, en privé, pourquoi la ministre n'a pas cru bon de la retenir. Toutefois, l'argument que vous invoquez pour justifier le choix de ces termes ne tient tout simplement pas.
Mme Hitch: Le modèle de partenariat domestique a été rejeté pour plusieurs raisons. Cela ne veut pas dire qu'il ne sera pas retenu à l'avenir, et c'est pourquoi le ministère de la Justice a bien accueilli, hier, la position exprimée par la Commission de réforme du droit.
Le modèle de partenariat domestique, comme l'a signalé la Commission de réforme du droit de l'Ontario, présente deux grands inconvénients. D'abord, il oblige les partenaires à s'enregistrer pour avoir droit aux avantages et obligations. Cette démarche ne cadre pas du tout avec la tradition juridique canadienne, mais s'inscrit fort bien dans la tradition des pays qui ont choisi de reconnaître uniquement les relations où les conjoints s'enregistrent, c'est-à-dire le mariage. On estime, selon la tradition juridique canadienne, que cette démarche ne protège pas adéquatement les femmes et les enfants, surtout dans les relations où l'un des deux conjoints refuse le mariage afin d'éviter d'être assujetti à la loi s'il y avait rupture de la relation. Par conséquent, nous avons choisi au Canada de «présumer» que certaines personnes étaient engagées dans une relation et qu'elles avaient donc des obligations après une année de cohabitation, tout ceci dans le but de les protéger.
Le sénateur Cools: Je trouve cela curieux parce que, à ce moment-là, les tribunaux se trouvent non pas à interpréter les obligations, mais à les créer. Ce que je trouve inquiétant, entre autres, dans ce projet de loi, c'est qu'il est impossible de savoir si les personnes qui s'engagent dans de telles relations entendent assumer ces obligations. Le certificat de mariage constitue une preuve que les personnes ont sciemment l'intention d'assumer des obligations. Or, il n'y a rien, dans ce projet de loi-ci, qui indique qu'elles vont le faire. Quand on jette un coup d'oeil au sens du terme mariage dans l'arrêt Hyde c. Hyde, on comprend clairement qu'il s'agit d'une union volontaire, chose qui n'est pas évidente dans ce projet de loi-ci.
Mme Hitch: Le gouvernement fédéral a décidé, il y a une quarantaine d'années de cela, que l'expression de la volonté se manifesterait de deux façons. D'abord, comme vous l'avez si bien indiqué, par le lien juridique du mariage. Deuxièmement, par le fait de vivre dans une relation conjugale depuis un an. Évidemment, il faut s'engager dans ce genre de relation sciemment, puisqu'il y a des personnes qui peuvent choisir de ne pas cohabiter ensemble.
Le principe de la cohabitation d'un an figure dans la législation fédérale depuis 40 ans. Je m'excuse, je ne voulais pas laisser entendre que ce principe avait uniquement été reconnu par les tribunaux.
Le sénateur Cools: Je comprends très bien ce que vous dites. Toutefois, il y a beaucoup de personnes qui cohabitent ensemble et qui n'ont pas l'intention d'assumer certains types obligations. Cet argument a été fort bien défendu dans l'arrêt M. c. H. Si vous vous souvenez bien, les deux parties ont conclu une entente en privé, mais l'affaire a continué d'être débattue devant les tribunaux. Il importe de préciser que, même que s'il n'y avait que deux parties en cause, l'une des deux a nié -- il s'agissait de femmes dans ce cas-ci -- qu'elle avait l'intention d'assumer de telles obligations. Autrement dit, l'arrêt M. c. H. prouve également le contraire, à savoir que les deux parties ne se sont jamais engagées à assumer mutuellement des obligations.
On pourrait continuer à en débattre pendant longtemps. À long terme, c'est celui qui a le stylo en main qui rédige la loi. C'est de cela dont il est question ici. Le ministère compte sur les services de 1 200 avocats. Il devrait donc être possible de rédiger une loi ou une disposition qui n'est pas aussi discutable ou insatisfaisante que celle-ci. Voilà où je veux en venir. Personne n'a tenu compte de mes arguments.
J'aimerais maintenant vous poser une question au sujet de ce document qui a été rendu public, hier. Je ne sais pas si on en a cité le nom aux fins du compte rendu, ou s'il nous a été distribué. Je n'ai pas reçu de copie.
La présidente: Je viens d'en recevoir une. J'ai dit plus tôt qu'on le ferait circuler.
Le sénateur Cools: Je ne l'ai pas vu. J'ai deux questions à poser à ce sujet. D'abord, vous dites qu'il s'agit d'un document de discussion. Il s'intitule comment?
La présidente: «Rapports personnels étroits entre adultes».
Le sénateur Cools: Est-ce que ce document traite des relations qui sont fondées sur la dépendance économique?
Mme Hitch: Ce document de discussion a été rendu public par la Commission de réforme du droit du Canada, qui est un organisme indépendant du gouvernement.
Le sénateur Cools: Je sais qu'il a été préparé par la Commission de réforme du droit. Je me demande tout simplement s'il traite de la même question que nous avons abordée avec la ministre, soit la dépendance économique?
La présidente: Oui. Le sénateur Joyal a posé, plus tôt, des questions assez fouillées à ce sujet.
Le sénateur Cools: Je vais donc lire le compte rendu. Je suis arrivée avec quelques minutes de retard et je m'en excuse. Ce document ne nous a pas été distribué. J'aimerais bien le lire, prendre connaissance de son contenu.
J'ai deux dernières questions à vous poser. D'abord, j'aimerais que vous répondiez à une question qu'on a posée au début du processus qui a mené au projet de loi C-23. La question n'a pas été soulevée au Sénat, mais à la Chambre des communes. On a laissé entendre que le groupe ÉGALE a participé à l'élaboration du projet de loi ou, si tel n'est pas le cas, qu'il a reçu, à l'avance, des copies du projet de loi. Pouvez-vous répondre à cette question, puisque je présume que c'est vous qui êtes responsable du processus de rédaction?
Ma deuxième question concerne ce document particulier. J'ai été très intéressée d'apprendre qu'à la fin du processus, pendant que le projet de loi est à l'étude ici au comité, un pareil document circule alors que, devant notre comité il y a deux ans, la ministre a juré qu'elle ne ferait pas ce que semble proposer les auteurs. Je me demande simplement pourquoi le ministère ou la ministre n'a pas fait circuler un document sur cette question qui représente la teneur du projet de loi C-23. C'est un peu comme si l'on fermait l'écurie quand les chevaux sont dehors. Je m'étonne de voir que le Parlement a si peu participé au débat sur ce genre de questions. On ne nous a présenté aucun document de discussion ou d'étude.
La raison pour laquelle je porte un peu d'attention à certaines de ces études, c'est que, par exemple, dans une vie antérieure où je portais un autre chapeau, j'ai connu celui qui a vraiment fait l'étude qui a entraîné la décriminalisation de l'homosexualité en 1968 et j'en sais donc un peu au sujet du travail et des études qu'il a faits. On en connaît bien l'historique. Pourquoi la ministre n'a-t-elle pas jugé bon d'inviter le Parlement à contribuer à la teneur du projet de loi à l'étude ou, du moins, ne nous a-t-elle pas présenté un document de discussion?
Voilà deux questions fort simples. J'ai peut-être mis du temps à les formuler, mais elles sont assez directes, je crois.
Mme Gosselin: Pour ce qui est de votre première question, je puis vous donner l'assurance que EGALE n'a pas participé du tout à la rédaction du projet de loi ou à quoi que ce soit le concernant, y compris à l'élaboration de la politique. Je puis également vous donner l'assurance que personne, sauf celles qui avaient besoin de savoir au sein même du gouvernement, n'a eu à l'avance l'ébauche, la première version ou le premier exemplaire du projet de loi C-23. Tous ont reçu leur exemplaire au même moment, après que nous l'avons déposé au Parlement. M. Fisher a répondu, je crois, à cette question et a expliqué la source du malentendu selon lequel il aurait peut-être reçu une version préliminaire.
Le sénateur Cools: Notre comité n'a pas posé de pareille question.
Mme Hitch: Non, il a répondu à cette question dans une autre enceinte. Il faudrait aussi que je précise que, si j'ai bien compris, le Président a rendu une décision à cet égard à la Chambre des communes.
Le sénateur Cools: J'essaie d'établir les faits aux fins du compte rendu. Si EGALE n'en a pas eu d'exemplaire, il conviendrait selon moi d'en faire état dans le compte rendu, de bien le préciser, parce que nous savons tous à quel point les bruits courent vite. De plus, les possibilités de mésinformation sont évidentes. Tout ce que vous pourrez dire ici aujourd'hui afin de dissiper ce malentendu sera très utile.
Mme Hitch: Aucun exemplaire prétirage du projet de loi n'a été remis à des organismes non gouvernementaux.
Le sénateur Cools: Excellent. Je suis heureuse de vous l'entendre dire.
Mme Hitch: Votre deuxième question avait trait à la raison pour laquelle aucun document de discussion n'a été rendu public. À nouveau, je vous renvoie au témoignage de la ministre qui a dit que la question de la dépendance économique était à l'étude, non seulement au Canada mais au sein de diverses juridictions. On craint d'aller trop vite dans ce domaine. Je vous donne un exemple. On craint que, comme il s'agit d'un régime d'avantages et d'obligations, bien que l'existence d'avantages entre un frère et une soeur, ou même entre une mère et sa fille, habitant ensemble soit la bienvenue, certaines des obligations pourraient poser d'énormes problèmes et pourraient même en réalité obliger les personnes à vivre séparément.
Prenons l'exemple d'une mère qui vit avec sa fille. Si l'une des deux décide de contracter mariage, aura-t-elle à assumer les obligations découlant de cette relation de dépendance? Cela soulève des enjeux importants dont il faut faire un examen attentif.
La deuxième réponse est que, naturellement, les nouvelles décisions rendues par la Cour suprême du Canada ont fourni au gouvernement des instructions claires en ce qui concerne la question particulière des partenaires de même sexe. Par contre, les tribunaux n'ont rien dit encore au sujet des questions plus générales de dépendance économique.
Le sénateur Cools: Je vous remercie de cette réponse. Vous m'avez donné une réponse très bien pesée aux deux questions. J'aimerais ajouter un autre point. Les avantages sont toujours les bienvenus. Par contre, les obligations et les responsabilités supplémentaires ne le sont pas. Le raisonnement que vous venez de faire pourrait tout aussi bien s'appliquer aux gais et lesbiennes vivant dans le cadre de certaines de ces relations décrites dans le projet de loi C-23. Nous avons tous des consultations avec divers groupes et particuliers. Je puis vous dire que c'est ce que j'entends. Vous l'avez fort bien dit. Les avantages sont les bienvenus. Ce sont les obligations et la manière de les imposer qui posent problème.
Mme Hitch: Sauf votre respect, la Cour suprême du Canada s'est clairement prononcée sur la question de savoir s'il faut imposer des obligations aux partenaires de même sexe vivant en union de fait, dans l'arrêt M. c. H. Elle a statué qu'il faut effectivement que des obligations soient imposées.
Le sénateur Cools: J'en suis consciente.
Le sénateur Buchanan: J'en ai discuté hier soir et je ne suis toujours pas sûr de comprendre. Êtes-vous en train de dire que la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt M. c. H., inclut dans les relations conjugales les partenaires de même sexe?
Mme Hitch: Oui.
M. Leduc: Où cela se trouve-t-il, dans l'arrêt?
Mme Hitch: Excusez-moi, mais la décision gravite autour de l'article 29 de la Loi sur le droit de la famille. Cet article inclut effectivement les personnes qui sont mariées et les personnes qui ne le sont pas, l'homme et la femme, dit la loi, qui ne sont pas mariés et qui ont cohabité. Il renvoie ensuite au paragraphe 1(1) qui définit la cohabitation comme étant le fait de vivre ensemble dans le cadre d'une relation conjugale, que ce soit dans les liens du mariage ou hors de ceux-ci.
Le juge Cory poursuit en affirmant qu'il existe un certain consensus dans la jurisprudence quant à la signification du mot «conjugal». Il renvoie à la décision Molodowich de 1980, puis étend l'affaire et son raisonnement aux partenaires de même sexe, en disant que les partenaires de même sexe sont tout aussi capables de...
Le sénateur Buchanan: Cela fait-il partie d'une véritable décision rendue dans l'affaire?
La présidente: Je vais vous la lire, sénateur Buchanan. C'est à l'article 60 de la décision qui suit une discussion de l'affaire Molodowich c. Penttinen. On peut y lire:
Étant donné les circonstances, la Cour d'appel a jugé, avec raison, que rien ne laisse entendre que les couples formés de partenaires de même sexe ne satisfont pas à la définition juridique du mot «conjugal».
Le sénateur Cools: Cela ne fait pas partie de la décision. Il s'agit d'une opinion incidente. Elle ne fait pas partie du jugement. On la cite, mais je vous assure qu'elle n'est pas exécutoire.
Mme Hitch: Sauf votre respect, le ministère de la Justice a pour principe qu'il faut que le tribunal interprète non seulement l'article 29, mais également le paragraphe connexe 1(1) qui précise qu'il faut que la relation soit conjugale avant d'imposer les obligations de la Loi sur le droit de la famille. Il faut que le tribunal interprète les deux dispositions.
Le sénateur Buchanan: Vous êtes en train de dire que cela fait réellement partie de la décision, qu'il ne s'agit pas d'une opinion incidente?
Mme Hitch: C'est effectivement la position du ministère.
Le sénateur Buchanan: De votre ministère, oui.
Le sénateur Cools: Elle a dit que c'était la position du ministère.
Le sénateur Pépin: Voulez-vous bien la laisser parler?
Le sénateur Cools: Je parlais à mon collègue. Si vous êtes si impatiente, vous m'en voyez navrée.
La présidente: Sénateur Cools, le sénateur Buchanan a la parole.
Le sénateur Buchanan: J'ai terminé. Je désirais connaître l'opinion du témoin et c'est fait. Je connais maintenant l'opinion du ministère.
Êtes-vous en train de dire qu'il s'agit aussi de la position définitive de la Cour suprême du Canada?
Mme Hitch: D'après ce que j'en sais, le ministère a adopté comme principe qu'il n'y a pas d'autre moyen par lequel la cour aurait pu en venir à cette conclusion. Elle ne pouvait tout simplement pas rendre une décision au sujet de l'article 29, parce qu'il y est question de cohabitation. Il fallait que la cour se penche sur la définition de la cohabitation, qui elle-même parle de relations conjugales. Il fallait obligatoirement qu'elle interprète le mot «conjugal» pour rendre la décision qu'elle a rendue.
Le sénateur Buchanan: Je vous remercie.
Le sénateur Andreychuk: J'aimerais revenir à certaines questions reliées à la Loi sur les Indiens et aux Cris-Naskapis.
Est-ce le ministère de la Justice qui délivre le certificat attestant que le projet de loi à l'étude est conforme à la Charte des droits?
Mme Hitch: Si vous voulez bien m'excuser, je demanderais peut-être au comité de faire preuve d'indulgence et de m'autoriser à appeler à la table ma collègue de la Section du droit autochtone.
Je répondrai, à cette question très précise, que c'est très compliqué. Veuillez m'excuser. Il n'est pas facile de répondre à cette question.
Aux termes de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, c'est au ministre qu'il incombe de juger de la constitutionnalité de la loi.
Le sénateur Andreychuk: Par conséquent, si j'ai bien compris le processus, il faut que soit délivré un certificat attestant la conformité de la loi avec la Charte. C'est ce qu'on me dit au sujet de bien des projets de loi depuis mon arrivée ici, il y a sept ans. On émet un véritable document qui atteste la conformité avec la Charte. Dites-vous que ce n'est pas ainsi que cela se fait?
Mme Hitch: Le mot «certificat» est un peu trompeur. Il faut qu'une partie du mémoire au Cabinet précise si cette question a été examinée ou pas. Un certificat serait vraiment émis seulement si la ministre souhaitait attester son inconstitutionnalité.
Le sénateur Andreychuk: Qu'a fait le ministère de la Justice, par opposition à celui des Affaires indiennes et ainsi de suite, à l'égard de ce projet de loi?
Mme Hitch: On a vérifié la conformité du projet de loi C-23 à la Charte avant de le déposer, comme tous les autres projets de loi.
Le sénateur Andreychuk: Par conséquent, il serait de votre ressort d'en confirmer la conformité. Vous estimez donc que les dispositions relatives à la Loi sur les Indiens et aux Cris-Naskapis sont conformes à la Charte des droits.
Mme Hitch: C'est juste.
Le sénateur Andreychuk: Vous ne voyez pas d'incohérence avec des articles précis de la Charte, c'est-à-dire les articles 25 et 35, qui protègent les droits collectifs des peuples autochtones? Vous ne voyez pas d'incohérence entre ces articles et la teneur du projet de loi C-23?
Mme Hitch: Il faut que je demande l'aide de ma collègue qui, je vous l'assure, est du ministère de la Justice. Elle est spécialisée dans les questions touchant ce domaine particulier.
Le sénateur Andreychuk: Heureusement pour vous.
La présidente: Lorsque des collègues à vous se présentent à la table, vous pouvez peut-être nous les présenter.
Mme Sylvia Duquette, conseillère juridique, Section du droit des Autochtones, ministère de la Justice: Nous nous sommes rencontrés hier.
En un certain sens, il est un peu prématuré de répondre à la question de savoir si la Loi sur les Cris-Naskapis et ses modifications sont conformes à l'article 15 de la Charte. Selon la manière dont les modifications et les règlements qui visent la Loi sur les Cris-Naskapis s'appliquent, nous prévoyons un certain jeu entre, manifestement, les droits prévus à l'article 35 et créés en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et l'article 25 lorsqu'un droit issu d'un traité sera confronté à un droit protégé par la Charte.
Quant à savoir ce qui primera, bien sûr, il faudra attendre que la Cour suprême du Canada se prononce. La façon dont l'article 25 s'appliquera peut-être dans ces circonstances n'a pas fait l'objet d'un examen judiciaire.
Ce que nous dirions bien sûr, c'est que cet article 25 fait partie de la Charte et partie de la Constitution. Nous prévoyons qu'il jouera un rôle important, de concert avec les articles 15 et 35.
Le sénateur Andreychuk: Oui, mais voici un ministère qui atteste que la loi est conforme, en ce sens qu'il émet une opinion à l'intention du Cabinet et, par conséquent, du Parlement et que nous nous fions à son avis. Je ne voudrais pas que nous abolissions des droits des peuples autochtones.
Répondre que nous le saurons plus tard ne me semble pas être une bonne politique d'État et n'aide certes pas à entretenir de bonnes relations avec nos peuples autochtones.
J'essaie de savoir ce que vous êtes en train de faire et si nous respectons la Charte, d'une manière très simple. Je sais que les tribunaux se prononceront en fin de compte, mais nous avons tous, au Parlement, y compris le premier ministre et la ministre, une forte obligation judiciaire de faire en sorte que les droits autochtones sont protégés dans la forme prévue dans tous les traités, les lois et la Charte.
Le projet de loi C-23 est-il conforme à tous ces textes ou pas?
Mme Duquette: En réponse à votre question, je dirais que cela engage un processus de discussions avec les collectivités autochtones visées. Il existe un traité. Il crée effectivement des droits. Dans la mesure où ces modifications pourraient nuire à ces droits, manifestement il faudra régler certaines questions. Je crois savoir, toutefois, que le ministre Nault s'est engagé à ce que ces modifications n'entrent pas en vigueur tant que n'auraient eu lieu ces discussions. Ce sont là précisément le genre de questions que nous souhaitons examiner pour faire en sorte que l'on débatte pleinement avec les autochtones des effets de ces modifications sur leurs peuples. La question est donc un peu prématurée, car il faut que le règlement soit en vigueur pour savoir de quelle manière il influera peut-être sur ces droits et entrera en conflit avec eux.
Le sénateur Andreychuk: Est-on en train de rédiger ce règlement? A-t-on amorcé des discussions avec les collectivités autochtones visées au sujet de ce règlement?
Mme Hitch: Le règlement n'est pas en train d'être rédigé parce que nous ne pouvons pas le faire sans la participation de la collectivité. Nous avons besoin de savoir quelle approche la collectivité préfère avant de rédiger le règlement.
L'invitation à discuter de cette question a été lancée à la collectivité, mais les pourparlers comme tels n'ont pas encore commencé.
La présidente: Au nom du comité, j'ai envoyé une lettre à la ministre McLellan le jeudi 18 mai, soit jeudi dernier, avant le congé. Je vais en faire une lecture officielle, car je n'ai pas encore reçu de réponse.
Madame la Ministre,
Le mercredi 17 mai 2000, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu des témoignages de représentants de la nation naskapie de Kawawachikamach dans le cadre de ses audiences sur le projet de loi C-23, c'est-à-dire la Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.
À la lumière des témoignages entendus et du débat qui a suivi, le comité aimerait obtenir des éclaircissements au sujet de l'engagement pris par le gouvernement, dans le cadre du projet de loi C-23, à l'égard de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.
De plus, je vous demanderais de bien vouloir commenter d'autres questions qu'ont soulevées les représentants des Naskapis.
Vous trouverez, à titre indicatif, copie de la transcription préliminaire des délibérations du comité à cet égard.
Je tiens à vous remercier de votre coopération dans ce dossier, et il me tarde de connaître votre réponse qui, j'en suis sûre, saura éclairer la lanterne des membres du comité.
Agréez, madame [...]
Une copie de cette lettre a également été envoyée à l'honorable Robert Nault, député et ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord.
Je n'ai pas reçu de réponse. Je puis vous dire dès maintenant que je ne suis pas disposée à proposer que le comité entame l'étude article par article du projet de loi tant que nous n'aurons pas reçu une réponse satisfaisante. Je suis sûre que le ministre Nault ne voudrait pas être celui qui retarde l'adoption du projet de loi.
Mme Hitch: Sénateur, comme réponse officielle, je vous transmets les excuses les plus sincères de la ministre et je vous assure qu'elle a bel et bien l'intention de vous faire une réponse complète avant l'étude article par article du projet de loi.
La présidente: Je vous remercie.
Le sénateur Andreychuk: J'espère alors que nous aurons le temps, lorsque nous aurons reçu la lettre, pour en délibérer avant de passer à l'étude article par article, parce qu'il serait très injuste de la recevoir le jour même ou la veille, étant donné notre charge de travail. Il me déplairait de la recevoir à 17 heures ou 18 heures, le mardi, puis d'avoir à en débattre le mercredi.
La présidente: J'en prends bonne note.
Le sénateur Andreychuk: J'aimerais affirmer officiellement qu'il s'agit là d'un problème. Depuis mon arrivée ici il y a sept ans, les ministères disent qu'ils vont entreprendre de négocier avec la collectivité autochtone. Il est très clair que la négociation devrait avoir lieu bien avant qu'on envisage le dépôt de projets de loi. On semble plein de bonne volonté, mais rien ne se fait.
Le problème semble se trouver au ministère de la Justice. La ministre de la Justice a une responsabilité extraordinaire en ce qui concerne les lois et la justice au pays.
Nous nous retrouvons dans la même situation que lors du projet de loi visant l'enregistrement des armes. Nous avons été obligés de régler les problèmes de réglementation plus tard. Nous avons une responsabilité fiduciaire à l'égard des Autochtones. Comment peut-on s'attendre que nous allons adopter des projets de loi quand nous ignorons si nous violons les droits d'un peuple du Canada? Il faut au moins voir le règlement à l'avance. Il faut que nous ayons l'assurance que des consultations en bonne et due forme ont eu lieu. L'envoi d'une lettre à la collectivité autochtone ne suffit pas.
Lorsque j'étais membre du comité des peuples autochtones, il s'agissait-là d'une grande préoccupation. J'espère qu'à nouveau, le message se rendra aux ministres responsables.
Nous avons demandé que la Loi sur les Indiens soit modifiée pour tenir compte des droits des femmes et que certaines discussions aient lieu pour faire en sorte que les modifications ne nuisent pas aux femmes autochtones. Il s'agit-là de négociations très délicates au sein de la collectivité autochtone.
Si l'article 148 projeté est adopté, nous changerons tout le processus de discussion générale des droits des femmes autochtones aux termes de la Loi sur les Indiens. Ai-je raison? Cela établirait-il un précédent pour des discussions générales plus étendues?
Mme Hitch: J'espère que le comité en est conscient, mais nous vous enverrons le communiqué de presse, la documentation et les notes biographiques rédigées le lendemain de la comparution de la ministre devant votre comité. La nomination du représentant spécial chargé d'examiner les questions relatives aux femmes autochtones a été annoncée par le ministre Nault, et ces pourparlers auront lieu maintenant puisque le rapport doit être déposé d'ici à novembre prochain. Voilà du moins une réponse à la question plus générale.
L'impact de l'article 148 projeté est beaucoup plus restreint qu'il ne le semble. En réalité, il touche surtout une question de succession. Comme les membres du comité le savent peut-être, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a fait ressortir certaines difficultés au sujet du droit successoral, en ce sens que la loi actuelle ne reconnaît, comme bénéficiaire, que le conjoint en droit. S'il n'y en a pas, mais qu'existe depuis longtemps un conjoint de fait de même sexe ou de sexe opposé, pour l'instant, la loi ne le reconnaît pas. Cela a causé certaines difficultés dans des collectivités vivant dans des réserves.
Le sénateur Andreychuk: Votre réponse est-t-elle que l'article 148 projeté établira un précédent quelconque au sujet de la question générale des droits collectifs et des coutumes aux termes des traités?
Mme Hitch: L'article 148 projeté a été conçu pour avoir une portée beaucoup plus restreinte, c'est-à-dire qu'il a été conçu pour régler la question plus immédiate des bénéficiaires de successions sous le régime de la Loi sur les Indiens.
Mme Duquette: J'aimerais bien faire comprendre que la position du ministère de la Justice est que nous prenons très au sérieux tous les droits issus de traités qui sont protégés et la possibilité qu'une loi entrant en vigueur pourrait nuire à ces droits.
À cet égard, nous disons qu'on discutera pleinement des vues des parties autochtones. Il y aura des discussions au sujet du règlement qui sera appliqué, mais nous n'en sommes pas encore au point où nous savons ou pouvons juger avec certitude qu'il y a un conflit entre les droits protégés par ces accords -- que nous prenons très au sérieux -- et les modifications projetées.
La présidente: J'aimerais souligner, de plus, que selon les Naskapis, le traité prévoit leur consentement, plutôt que de simples discussions. Il faudra obtenir leur consentement.
Le sénateur Andreychuk: Êtes-vous en train de dire que ni le ministère de la Justice ni le ministère des Affaires indiennes n'a entamé de pourparlers au sujet des changements envisagés à la Loi sur les Cris et les Naskapis ou à la Loi sur les Indiens? Il n'y aurait pas eu de discussions avec la communauté autochtone visée?
Mme Duquette: Non. Nous essayons de souligner qu'il existe un processus permanent à cet égard. Avec un peu de chance, les pourparlers auront lieu.
Le sénateur Andreychuk: Je vous demande s'ils ont eu lieu dans le passé?
Mme Hitch: Il y a eu des échanges de vues préliminaires, mais je devrais insister sur cet aspect préliminaire et sur le fait que l'intention était plus ou moins de transmettre l'information et, pour le ministère, d'effectuer une étude d'impact détaillée.
Je devrais aussi dire que, en évaluant la constitutionnalité de ces amendements, le ministère de la Justice a pris sérieusement en compte l'engagement du ministre Nault de ne pas leur donner force de loi à moins que tout le monde soit satisfait.
Je comprends que ce n'est peut-être pas une réponse aussi sûre que nous préférerions même avoir, mais comme le fait remarquer mon collègue, nous ne pouvons dire s'il y a incompatibilité avec l'entente tant que nous n'aurons pas vu le règlement. S'il y a incompatibilité, nous avons là une toute autre question; dans le cas contraire, j'espère alors que nous irons de l'avant.
Le sénateur Andreychuk: Une observation a été faite, à savoir que l'article 148 touche les droits individuels et non les droits collectifs. Cependant, n'est-il pas vrai que les droits individuels dans les réserves, par exemple, sont grandement assujettis à la décision prise par la collectivité?
Mme Hitch: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, l'article 148 vise en fait à régler un problème urgent en ce qui a trait aux successions de personnes qui meurent sans testament, les successions ab intestat. Le conjoint de fait n'hériterait d'aucune partie de la succession, il n'y aurait pas droit. Le contexte est plus étroit.
Le sénateur Andreychuk: Je comprends bien cette intention, mais dans ce contexte plus étroit de la succession, certains des biens pourraient se trouver dans la réserve, par exemple. Ils peuvent être un actif tant que la personne est là parce que l'octroi de certains droits à une personne a fait l'objet d'une décision collective. Au moment du décès, toutefois, la collectivité peut influencer la décision portant sur l'utilisation de cet actif.
Mme Hitch: Oui. Je m'excuse.
Le sénateur Andreychuk: Cette définition étroite aurait une certaine incidence sur la collectivité ne croyez-vous pas?
Mme Hitch: J'ai mal compris votre question. Il existe entre la loi et le règlement un mécanisme permettant la mise sur pied de conseils dans chaque réserve qui sont chargés de chaque succession individuelle. Cela existe déjà et régit les bénéficiaires. Cet article a littéralement pour seul but de faire en sorte que le conjoint de fait puisse être considéré comme bénéficiaire d'une succession ab intestat. À l'heure actuelle, en vertu de la loi, la personne ne relève ni de la compétence du gouvernement ni de celle de la bande en cause parce que la loi dit «marié».
La présidente: Vous parlez de l'article 149 plutôt que de l'article 148, si je ne m'abuse?
Mme Hitch: Avec tout le respect que je vous dois, c'est à l'article 148 que se trouve la définition pour cette partie du projet de loi.
La présidente: La partie qui traite du bénéficiaire se trouve à l'article 149. Il y est question des droits du survivant.
Mme Hitch: Oui, l'article 149 énonce les survivants, l'article 148 en donne une définition. Ce sont deux articles reliés. L'article 148 ne s'applique pas à l'ensemble du projet de loi.
Le sénateur Andreychuk: Je vais en rester là. Merci.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Le sénateur Andreychuk: J'ai une autre question qui s'adresse aux représentants du ministère. L'article 1.1 n'a pas été rédigé au ministère, mais à l'autre endroit. Avez-vous tenu compte de cet article en ce qui a trait à votre position concernant les avantages pour les couples homosexuels? Croyez-vous que cet article 1.1 change le libellé que vous aviez rédigé au départ?
Mme Hitch: Comme l'a dit le ministre, tant le ministère que lui-même considèrent l'article 1.1 comme une règle d'interprétation et que, par conséquent, il ne change en rien l'intégrité du projet de loi. Ce n'est pas une disposition positive en soi. En tant que disposition interprétative, elle a été ajoutée par la ministre pour préciser ce qu'elle a toujours dit, c'est-à-dire que le projet de loi ne change pas le sens du terme mariage.
Le sénateur Andreychuk: Il s'agit de l'interprétation juridique, c'est-à-dire l'interprétation du ministère, dans son ensemble. Cet article n'a aucun impact l'objet du projet de loi.
Mme Hitch: C'est exact.
La présidente: Merci beaucoup.
Avant de suspendre la séance, je signale aux membres du comité que nous allons nous réunir demain une fois de plus, le mercredi 16 juin 2000, à l'ajournement du Sénat, mais pas avant 15 h 30. Le comité va procéder à l'étude article par article de ce projet de loi.
Je crois sincèrement que nous allons recevoir notre lettre suffisamment à l'avance afin de pouvoir y réfléchir.
Mme Gosselin: Oui.
La présidente: Merci.
La séance est levée.