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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 16 - Témoignages du 7 juin 2000


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, se réunit aujourd'hui, à 15 h 37, pour l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, la séance du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est maintenant ouverte.

Avant que nous commencions l'étude article par article du projet de loi C-23, à notre demande, la ministre m'a écrit pour répondre à certaines des inquiétudes soulevées durant les séances du comité. Je vais lire cette lettre pour les fins du compte rendu.

Madame,

J'ai bien reçu votre lettre du 18 mai dernier, dans laquelle vous demandiez des éclaircissements sur les engagements du gouvernement quant au projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, et à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Vous avez eu la gentillesse de joindre à mon attention la transcription provisoire des comptes rendus pertinents de la réunion du comité.

D'après l'examen de ces comptes rendus, il semble que le point principal qu'a soulevé M. Robert Pratt, avocat de la Nation Naskapi de Kawawachikamach, concerne l'engagement de mon collègue, M. Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je comprends que, selon M. Pratt, son client estime qu'aucune modification de la loi n'aurait dû être proposée sans consultation préalable et qu'à présent il y a lieu soit de retirer les modifications, soit de l'assurer qu'elles ne prendront pas effet sans le consentement de la Nation Naskapi, ni celui des autres nations touchées par la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec.

Vous trouverez sous pli copie d'une lettre de M. Nault au chef Philip Einish, qui précise que la façon particulière dont les modifications de cette loi ont été rédigées vise à apporter une grande flexibilité à la Nation Naskapi pour décider quels droits elle souhaite accorder dans la réglementation aux conjoints et aux partenaires de fait des membres de sa communauté. M. Nault, afin d'éclaircir l'intention du gouvernement quant à l'entrée en vigueur de ces modifications, y renouvelle son intention de ne pas recommander la mise en oeuvre de ces règlements portant sur la définition de «conjoints» avant d'avoir convenu à cet égard avec la Nation Naskapi et les autres nations concernées par la Loi.

Quant à la rédaction des règlements, je m'oppose à la position de l'avocat de la Nation Naskapi, qui suggère que des discussions entre des fonctionnaires fédéraux et son client sont une «ruse» puisque aucune modification ne peut être apportée au texte du projet de loi C-23 qui prendrait en compte les inquiétudes de la Nation Naskapi. Il est certes exact que la Cour suprême du Canada a clairement indiqué qu'il n'est plus acceptable que, pour la plupart des avantages sociaux et des obligations, l'État fasse des distinctions en fonction de la situation matrimoniale (par exemple, ne pas traiter également conjoints et partenaires de fait en matière d'accession à la propriété); il demeure par contre que d'autres distinctions peuvent se justifier entièrement, le fait par exemple que les conjoints ou les partenaires de fait des Naskapis soient autochtones ou non. La façon dont sont rédigées les modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec permet à la Nation Naskapi de discuter davantage la perspective qu'elle souhaite adopter dans la réglementation vis-à-vis des conjoints et des partenaires de fait de ses membres.

Puisque la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec est une loi fédérale, fondée sur des conventions négociées -- la Convention de la Baie James et la Convention du Nord-Est québécois -- la situation est qualitativement différente de celle qui se pose pour les autres lois fédérales, y compris la Loi sur les Indiens. En cas d'incompatibilité entre les conventions et une loi fédérale, il semble que ce sont les dispositions pertinentes des conventions qui prévalent. Donc, si après que les règlements auront été discutés à fond avec la Nation Naskapi et les autres nations concernées, on n'a trouvé aucun moyen de les rédiger de façon à respecter les inquiétudes des communautés et les protections qu'apporte la Charte, sans incompatibilité avec les conventions, il y aura lieu de modifier celles-ci, ce qui exigera bien entendu l'accord des parties. Je demeure malgré tout persuadée que les règlements corrélatifs aux modifications peuvent être rédigés de façon à satisfaire les inquiétudes de la communauté, le tout en conformité avec les conventions.

J'éclaircis par ailleurs un autre point soulevé pendant la comparution des représentants de la Nation Naskapi. J'ai indiqué que le fond du projet de loi C-23 ne lui pose aucun problème, en réponse à une question dans ma présentation au comité. L'avocat de la Nation Naskapi a déclaré à l'audience du comité sénatorial que c'était là «une qualification absolument erronée» de la position de son client. Je précise que ma déclaration se fondait sur celle de M. John Marneamskum, représentant de la Nation Naskapi de Kawawachikamach devant le comité de la Chambre le 16 mars 2000.

Il m'a paru que la Nation Naskapi n'a pas d'objection à ce que l'égalité de traitement soit étendue dans le projet de loi aux partenaires de même sexe, mais elle s'oppose par contre à ce que les modifications soient incluses sans consultation préalable dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ainsi que je le mentionne ci-dessus, puisque des discussions approfondies n'ont pas eu lieu au préalable, le gouvernement a l'intention de les tenir pour discuter du texte des règlements, avant l'entrée en vigueur des modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. Ces discussions sont nécessaires pour que les fonctionnaires déterminent la perspective que la communauté souhaite adopter pour la rédaction de la réglementation.

Ainsi que M. Nault le souligne dans sa lettre ci-jointe, nous travaillerons de concert avec la Nation Naskapi et avec les autres nations concernées pour aboutir à un résultat qui respecte à la fois l'obligation qu'a le gouvernement de se conformer à l'article 15 de la Charte et les droits, qui figurent dans les conventions conclues avec les communautés autochtones, de prendre des décisions les concernant. Nous sommes persuadés que nous y parviendrons grâce aux discussions fructueuses sur la perspective que la communauté souhaite adopter dans la réglementation. Si cela s'avère impossible, comme je l'ai exposé ci-dessus, il nous faudra alors à un moment donné envisager d'autres actions avec les parties à la Convention de la Baie James et à la Convention du Nord-Est québécois.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité d'apporter ces éclaircissements et de votre analyse minutieuse du projet de loi. Je vous serais reconnaissante de m'indiquer si mon personnel et moi-même pouvons vous aider davantage lors de cet examen important du projet de loi.

Dans l'attente de votre rapport, je vous prie d'agréer, madame, l'expression de mes salutations distinguées,

La lettre est signée par la ministre McLellan. Elle a joint à sa lettre celle envoyée par le ministre Nault aux Cris et aux Naskapis. Cependant, comme elle ne m'est pas adressée, je ne crois pas pouvoir la lire pour les fins du compte rendu. La lettre que j'ai lue m'était adressée en tant que présidente du comité. La lettre traite essentiellement de ce dont il est question dans l'autre lettre.

Le sénateur Beaudoin: Étant donné que la lettre de la ministre fait référence à l'autre lettre, même si elle ne vous est pas adressée personnellement, vous devriez la lire pour les fins du compte rendu, pour que nous ayons une idée complète de la question.

La présidente: Très bien. Je vais lire cette lettre sans autorisation. La lettre est adressée au chef Philip Einish.

Monsieur,

Pour faire suite aux lettres que je vous ai adressées les 10 février et 31 mars derniers, je m'efforcerai ci-dessous d'éclaircir mon intention et celle du gouvernement en ce qui concerne le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

Lors de leur comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 17 mai dernier, vos représentants ont fait part de leur inquiétude vis-à-vis de mon engagement antérieur envers les autres chefs et vous-même par rapport aux modifications de la Loi sur Cris et les Naskapis du Québec et de l'absence de consultation avant le dépôt du projet de loi. Je vous garantis que mon intention est que ces modifications n'entrent pas en vigueur avant que n'aient lieu des discussions approfondie avec la Nation Naskapi et avec les autres nations concernées par la loi. Nous vous consulterons pendant ces discussions pour que vous nous fassiez connaître la perspective que votre communauté souhaite retrouver dans les règlements.

Dans l'intervalle, je n'ai pas l'intention de faire avancer ces règlements, sans lesquels les modifications ne peuvent être mises en vigueur. Si les règlements ne peuvent être rédigés en conformité avec les modalités de l'actuelle Convention du Nord-Est québécois, nous devrons alors discuter ensemble du mode d'action. J'ai toutefois confiance qu'ensemble nous saurons établir l'équilibre entre les obligations que la Charte impose au gouvernement et vos inquiétudes quant aux répercussions que la reconnaissance des partenaires de fait des membres de la Nation Naskapi de Kawawachikamach aura sur la communauté.

Ainsi que je vous l'indiquais dans ma lettre précédente, mon personnel souhaite rencontrer vos représentants à propos des modifications de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, en particulier à propos de l'approche que votre communauté et vous-même souhaitez voir ressortir dans les règlements qui seront rédigés pour mettre en oeuvre ces modifications. Vous avez pu constater que la rédaction des modifications de la loi apporte déjà une flexibilité considérable. Nous souhaitons par là équilibrer l'obligation qu'a le gouvernement de se conformer à l'article 15 de la Charte et notre volonté de respecter votre droit de décider comment la communauté souhaite engager avec les conjoints et les partenaires de fait autochtones et non autochtones des Naskapis de votre communauté.

Mon personnel a déjà pris rapport avec vous pour organiser au plus tôt des discussions sur ce point. J'attends avec impatience le résultat de ces entretiens.

Je vous remercie de votre collaboration soutenue dans l'étude de cette importante question.

Vous renouvelant que je serai heureux de vous rencontrer à ce propos, je vous prie d'agréer, monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

La lettre est signée par le ministre Nault.

Étant donné que nous avons reçu une réponse à temps, quelqu'un veut-il proposer que le comité entreprenne l'étude article par article du projet de loi C-23?

Le sénateur Moore: Je propose que le comité entreprenne maintenant l'étude article par article du projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

La présidente: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

La présidente: Y en a-t-il qui sont contre? Y a-t-il des absentions?

Comme il n'y en a pas, je déclare la motion adoptée.

Le sénateur Moore: Madame la présidente, je propose que le comité adopte tous les articles, ainsi que les annexes et le titre du projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

La présidente: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

La présidente: Y en a-t-il qui sont contre? Y a-t-il des abstentions?

Comme il n'y en a pas, je déclare la motion adoptée.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: Oui.

La présidente: Y en a-t-il qui sont contre? Y a-t-il des abstentions?

Adopté.

Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat sans amendements?

Des voix: Oui.

La présidente: Y en a-t-il qui sont contre? Y a-t-il des abstentions?

Adopté.

La séance est levée.


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