Délibérations du comité sénatorial permanent des
Privilèges, du Règlement et de la procédure
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 22 février 2000
Le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure se réunit aujourd'hui à 18 h 05 pour l'étude de la question de privilège soulevée par l'honorable sénateur Kinsella.
Le sénateur Jack Austin (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, le programme de ce soir est chargé. Notre ordre du jour prévoit la poursuite de l'examen des témoins relativement à la question de privilège soulevée le 13 octobre 1999 par le sénateur Kinsella, laquelle a été déclarée fondée par le Président pro tempore; la question a ensuite été envoyée à notre comité aux fins d'étude.
J'ai parlé à une personne qui était dans la salle et distribuait des documents. Je tiens à bien préciser qu'il est interdit de distribuer des documents autres que ceux que nous remettent les témoins. Je tiens à ce que ce soit bien clair. C'est le comité qui décide de sa façon de procéder. Il ne s'agit pas d'une assemblée publique. Nous nous penchons sur une question grave et nous tenons à respecter notre procédure.
Les trois témoins qui comparaîtront ce soir sont la docteure Margaret Haydon, le docteur Gérard Lambert et le docteur Rajinder Sharma. Ils ont tous répondu à une lettre de moi leur demandant s'ils avaient des choses à nous dire à la suite du témoignage présenté par le docteur Chopra le mardi 7 décembre 1999. Ces lettres sont restées confidentielles jusqu'à ce que les témoins nous autorisent à les distribuer, ce qui va être fait.
Je tiens également à répondre à la demande faite au comité par ces témoins qui veulent avoir l'assurance qu'ils n'ont pas à craindre de représailles, au niveau de leur emploi, s'ils témoignent devant notre comité. Le comité s'attendait à cette demande. En réponse à une lettre que j'ai adressée le 9 février 2000 au sous-ministre de la Santé, David A. Dodge, voici la lettre que j'ai reçue.
Cher sénateur Austin,
Merci de votre lettre du 9 février 2000 dans laquelle vous m'informez que le comité permanent juge opportun de donner suite à l'enquête confiée au Dr George Hunter en vue d'établir les faits.
Dans votre lettre, vous exprimez également certaines opinions et préoccupations quant à la portée et à l'objet de cette enquête. Tout d'abord, vous avez dit que l'enquête ne devrait pas s'appliquer aux délibérations du comité proprement dit, mais qu'elle devrait plutôt porter sur les mesures prises au ministère. Je tiens à donner l'assurance au comité que c'est bien l'objet de cette enquête. Le lien avec le comité vient tout simplement du fait que les autres allégations, faites sous serment, selon lesquelles un gestionnaire de Santé Canada désigné par son nom a tenu des propos menaçants de représailles, ont été faits lors du témoignage du 7 décembre 1999. Le mandat de l'enquête confiée à M. Hunter se limite à établir les faits entourant ces allégations, au sein de Santé Canada.
Le comité s'est également dit d'avis qu'aucune déclaration faite par le Dr Chopra lors de ces audiences ne devrait être utilisée contre lui dans des mesures disciplinaires ou autres, et le comité nous a demandé de rassurer le Dr Chopra en lui disant que le ministère n'a pas l'intention d'utiliser les résultats de l'enquête pour lui faire du tort à cause de son témoignage devant le comité. Je peux donner l'assurance au comité que Santé Canada n'utilisera pas les déclarations faites par toute personne qui témoignera devant votre comité pour prendre des mesures disciplinaires ou autres à son égard. En outre, aucun employé ne doit craindre des représailles ou des mesures de rétorsion pour avoir témoigné devant le comité. En fait, l'enquête dont j'ai demandé la tenue vise précisément à vérifier les allégations de menaces de représailles en milieu de travail. Si elles sont avérées, le ministère ne tolérera pas un tel comportement.
Il importe également de reconnaître que, dans le cadre de l'enquête effectuée au sein du ministère en vue d'établir les faits, les gens doivent bien comprendre que les déclarations faites au cours de cette enquête risquent, s'il y a lieu, d'être utilisées dans des mesures disciplinaires ou autres. Les personne qui fournissent des renseignements dans ce contexte doivent assumer la responsabilité de leurs observations et bien comprendre que le ministère fait enquête sur ces allégations dans le but de prendre les mesures qui s'imposent, s'il y a lieu.
Le comité a signalé qu'il invitera peut-être M. Hunter à témoigner lorsqu'il aura remis son rapport et qu'il souhaite que ce dernier pourra parler librement du mandat et des conclusions de l'enquête. Même si M. Hunter a été choisi pour mener cette enquête notamment parce qu'il est un éminent et compétent membre du barreau, son mandat ne prévoit pas qu'il fournisse des opinions juridiques à Santé Canada. Je peux donner l'assurance au comité que j'autoriserais M. Hunter à témoigner devant lui, lorsqu'il aura terminé son rapport, si le comité juge son témoignage utile. Conformément au mandat de M. Hunter, et à ma lettre du 21 janvier 2000, j'estime que, bien qu'il puisse y avoir certaines questions mettant en cause la protection des renseignements personnels, le rapport devra être rendu public dans la mesure du possible, tout en respectant ces préoccupations, et M. Hunter devrait pouvoir parler librement du mandat et des conclusions de son enquête.
J'ai envoyé copie de cette lettre à, entre autres, M. Hunter et au Dr Chopra, pour qu'ils connaissent la teneur de ma réponse à votre lettre.
Par le biais de cette lettre, honorables sénateurs, j'estime que le comité a reçu du sous-ministre l'assurance qu'il demandait relativement aux intérêts et à la protection des témoins.
Je vous invite, docteure Haydon, à prêter serment, si vous êtes satisfaite de la façon dont ces délibérations se déroulent.
Mme Margaret Haydon, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Oui, je le suis.
(La docteure Margaret Haydon prête serment)
Le président: Merci. Veuillez vous asseoir.
J'aimerais signaler au comité, avant que la docteure Haydon ne prenne la parole, que deux des huit personnes que nous avons invitées à comparaître ont répondu, nous laissant savoir qu'elles étaient prêtes à témoigner mais qu'elles n'avaient rien à dire au comité en rapport avec cette affaire. Je voudrais simplement lire ces deux courtes lettres pour qu'elles fassent partie de notre compte rendu officiel.
La première vient de Marc Feeley, Bureau d'innocuité des produits chimiques, à Santé Canada, et elle est datée du 6 janvier.
Cher sénateur Austin,
En réponse à votre demande du 16 décembre 1999 concernant l'affaire de la suspension du Dr Shiv Chopra, voici ce que j'ai à déclarer:
À ma connaissance, je n'ai fait l'objet d'aucune menace directe ni tentative d'intimidation en ce qui a trait à mon témoignage devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts qui examinait le dossier de la STbr;
Aucun commentaire négatif ne m'a été adressé, par écrit ou oralement, à ma connaissance;
Fait surprenant à noter, je n'ai guère eu de réaction de la haute direction à l'époque au sujet de mon témoignage;
Je n'ai fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire directe pour avoir témoigné devant le comité sénatorial permanent;
Il me serait difficile d'affirmer avec certitude si ma participation à ces délibérations a influé, de façon positive ou négative, sur ma carrière;
Je ne connais pas les circonstances entourant la suspension du Dr Shiv Chopra et il serait déplacé de ma part de donner mon avis sur les éventuelles menaces, représailles ou intimidation dont ont pu faire l'objet certains employés du Bureau des médicaments vétérinaires pour avoir apporté leur aide au comité sénatorial permanent dans le dossier de la somatotropine recombinante.
Au cours de mon témoignage devant le comité sénatorial, j'ai essayé d'expliquer qu'il existait au Bureau des médicaments vétérinaires certains «litiges» en rapport avec les ressources humaines, mais qu'ils étaient selon moi propres à ce service et expliquaient en partie les problèmes que posait l'évaluation de la demande sur la STbr. Malheureusement, je n'ai pas été appelé à participer davantage à l'examen de cette question puisque le sujet a été renvoyé aux deux comités d'experts externes et je ne pense pas pouvoir être d'une autre utilité à votre comité.
L'autre lettre vient de Thea Meuller, évaluateur des drogues, Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques, Programme des produits thérapeutiques, en date du 14 janvier.
J'ai reçu la lettre de l'honorable Jack Austin, P.C., C.R., en date du 16 décembre 1999, me demandant si j'avais fait l'objet ou avait eu l'impression de faire l'objet de menaces ou d'intimidation après avoir témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis heureuse de vous informer que je n'ai jamais fait l'objet de telles mesures, ouvertement ou non, de la part de mes supérieurs immédiats ou de la haute direction. Au cours de mon examen des évaluations scientifiques effectuées par le Bureau de médecine vétérinaire relativement à la somatotropine recombinante et lors de mon témoignage proprement dit, les gestionnaires sont toujours restés en dehors du processus à moins que je ne leur aie expressément demandé leur avis ou des conseils. La réponse à toutes les questions que vous posez dans votre lettre est donc un «non» retentissant.
Plus précisément, je n'ai personnellement pas entendu dire que le Dr Shiv Chopra ou l'un de mes collègues qui ont témoigné en même temps que moi, ont fait l'objet de harcèlement, de mesures disciplinaires, d'obstacles à l'avancement ou de toute autre mesure de représailles ou de discrimination à la suite de nos deux comparutions devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, lorsqu'il se penchait sur les questions entourant la commercialisation de la STbr au Canada. J'aimerais préciser que je ne suis pas une employée du Bureau de médecine vétérinaire et que, par conséquent, je ne suis pas intimement au courant de tout ce qui se passe dans ce bureau.
J'étais chargée de faire une évaluation externe de l'évaluation scientifique de la STbr par le Bureau de médecine vétérinaire. C'est pourquoi j'estime n'avoir rien d'autre à apporter aux délibérations du Comité sénatorial des privilèges, du règlement et de la procédure, en ce qui a trait à l'affaire du Dr Shiv Chopra [...]
Après avoir fait consigner tous ces documents, ce qui était nécessaire, nous sommes prêts à vous écouter au sujet de cette affaire, docteure Haydon. Avant d'aller plus loin, je tiens à vous dire ainsi qu'aux autres témoins qui seront assermentés ce soir que notre mandat a une portée restreinte mais que nous pouvons aller au fond des choses. Nous nous préoccupons de privilège parlementaire, à savoir le droit de témoigner librement devant le Parlement en disant la vérité et sans faire l'objet de la moindre intimidation, contrainte ou atteinte à son intégrité.
C'est un élément d'une importante politique gouvernementale sur laquelle reposent la vitalité et la crédibilité du Parlement du Canada; ce que nous recherchons ici, ce n'est pas les antécédents professionnels des employés du ministère, ou une série d'événements qui ont pu survenir dans la vie personnelle de l'un d'entre eux, à moins que le lien entre ces événements n'ait un rapport avec la question qui nous occupe: l'ingérence directe, avant ou après les faits, auprès d'un témoin appelé à comparaître devant notre comité pour dire la vérité.
Je sais que vous comprenez cela et c'est pourquoi je vous invite à nous présenter votre témoignage.
Mme Haydon: Monsieur le président. Honorables sénateurs, avant toute chose, j'aimerais dire que j'ai apporté le texte de mon allocution qui consiste en un aide-mémoire. Je m'excuse, mais ces notes ne sont qu'en anglais; toutefois, je vais aussi vous remettre un classeur à plusieurs onglets auquel je me rapporterai au fur et à mesure de mon allocution.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais je signale que la personne assise à côté de la docteure Haydon est David Yazbeck, avocat d'Ottawa qui accompagnait également le docteur Chopra lors de son témoignage. J'ai dit à nos trois témoins qu'ils pouvaient se faire accompagner par qui ils voulaient, mais M. Yazbeck sait qu'il ne peut pas participer aux témoignages.
Docteure Haydon, souhaitez-vous distribuer votre document?
Mme Haydon: Je crois que les copies ont déjà été distribuées, monsieur le président.
Le président: Ah bon? Si ce texte est en anglais seulement, il faut obtenir le consentement des sénateurs présents pour le déposer. Y a-t-il des objections? Non?
Comme il n'y a pas d'objections, je vais autoriser la distribution de votre témoignage.
Mme Haydon: Merci.
Le président: Nous vous écoutons.
Mme Haydon: Honorables sénateurs, je comparais ce soir devant le comité sénatorial permanent des privilèges, du règlement et de la procédure en réponse à votre demande; votre comité fait enquête sur les allégations entourant des menaces dont aurait fait l'objet un témoin qui a comparu devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Lors de son témoignage du 7 décembre 1999, mon collègue le docteur Shiv Chopra vous a dit que la suspension de cinq jours qui lui avait été imposée par Santé Canada en août 1999 était motivée par son témoignage devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts lorsque celui-ci étudiait le dossier de la somatotropine bovine recombinante.
Après ses comparutions devant ce comité, mon collègue a fait l'objet d'autres menaces, d'intimidation et de menaces et de mesures de représailles. J'ajoute que tout cela se poursuit également depuis qu'il a comparu devant votre comité.
J'ai reçu une lettre de l'honorable sénateur Jack Austin au sujet de l'enquête que livre ce comité. Dans sa lettre, le sénateur Austin me pose un certain nombre de questions, touchant des sujets qui intéressent le comité. Je répondrai à la plupart de vos questions au moyen de brefs exemples et, s'il y a lieu, j'indiquerai le numéro d'onglet approprié, où se trouvent des copies des documents dans le classeur.
Dans votre lettre, vous dites que le comité aimerait savoir si j'ai fait l'objet ou ai eu l'impression de faire l'objet de menaces ou d'intimidation en raison de ma comparution, que ce soit avant, pendant ou après ladite comparution. Le sénateur Austin m'a demandé si l'on m'avait adressé des commentaires négatifs oralement ou par écrit. Aux deux questions, qui portent les numéros 1 et 2 dans votre lettre, ma réponse est oui.
Comme le savent les honorables sénateurs, j'ai comparu en qualité de témoin le 22 octobre 1998 et le 3 mai 1999. Je vous présente le contexte à l'onglet 1-2(a), mais je ne lirai pas cela.
Passons à l'onglet 1-2(b). Il s'agit du courriel du directeur général, M. George Paterson, en date du 23 mai 1998. Il dit se préoccuper du fait que je vais être interviewée par l'équipe interne d'examen de la somatotropine bovine avant qu'elle ne rédige le «rapport d'analyse des lacunes de la STbr.» Je cite le courriel de George Paterson à l'équipe interne d'examen de la SBt.
[...] deux questions me préoccupent:
[...] M. Alexander m'apprend maintenant que vous avez l'intention d'effectuer des entrevues avec les personnes qui, dans le passé, ont été liées à des études sur la sécurité des animaux et des études d'efficacité.
Passons à l'onglet 1-2(c). Ce document porte sur une réunion du personnel du Bureau des médicaments vétérinaires où la direction a présenté le rapport de KPMG. Le directeur, M. A. Lachance, nous a avertis, d'un ton courroucé, de la possibilité que notre équipe soit dispersée, que nous soyons transférés à d'autres services gouvernementaux et que l'on n'entende plus parler de nous.
Cette menace verbale intimidante est mentionnée dans une lettre datée du 3 juin 1998, signée par notre représentant syndical, M. S.S. Malik, et adressée à notre agent syndical des relations de travail, M. Jock Hazeldean. Je cite:
[...] Le directeur du BMV, M. A. Lachance, a refusé d'accéder à une demande d'enregistrement électronique et de rédaction d'un procès-verbal des délibérations. Le personnel s'est également fait dire qu'il pourrait être dispersé, transféré à d'autres services gouvernementaux et qu'il se pourrait qu'on n'entende plus parler d'eux.
Mme Liska a appris au personnel que 15 membres du personnel sur 24 avaient été interviewés aux fins du rapport de KPMG. Toutefois, d'après des estimations officieuses, la majorité du personnel scientifique professionnel ne s'était pas porté volontaire pour ces entrevues avec KPMG, pour diverses raisons.
La page 4 du rapport de KPMG fait état de la présence de «fauteurs de troubles».
Passons à l'onglet 1-2(d). J'ai reçu une lettre d'instruction de mon directeur, datée du 21 juillet 1998, qui équivaut à une réprimande écrite au sujet de déclarations sur moi-même que j'avais faites aux médias.
Le docteur Chopra a reçu une réprimande écrite et une autre lettre lui interdisant de participer à une réunion à 19 heures au YMCA. Ces questions font maintenant l'objet d'un procès devant la Cour fédérale.
Nous sommes entièrement appuyés par notre syndicat, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, communément appelé l'IPFPC. Les quatre intervenants aux côtés de l'IPFPC dans ce procès en cour fédérale sont le Syndicat national des cultivateurs, la Coalition canadienne de la santé, le Conseil des Canadiens et la Sierra Legal Defence Found.
La première audience de notre procès en cour fédérale contre les gestionnaires de Santé Canada, qui sont représentés par le Conseil du Trésor, est prévue les 20 et 21 juin 2000.
Le président: Madame Haydon, vous parlez d'un événement antérieur au 21 juillet 1998, n'est-ce pas? C'est de ces événements-là que vous parlez maintenant. Or vous avez comparu devant le comité le 22 octobre 1998 et le 3 mai 1999. Ces événements se sont donc produits avant vos comparutions.
Mme Haydon: Oui, c'est exact. Ma seule préoccupation, c'est que je crois comprendre que la motion initiale du Sénat pour examiner la question de la somatotropine bovine remontait, si je ne m'abuse, au 5 mai 1998. J'ai jugé que ces événements pouvaient être considérés comme s'étant produits à cette période.
Le président: Le 21 juillet 1998, aviez-vous déjà accepté de comparaître? Aviez-vous été invitée à comparaître?
Mme Haydon: Non. La première information m'est parvenue vers la fin de septembre 1998.
Le président: Veuillez continuer.
Mme Haydon: Ce qui suit est une notice de notre conseiller juridique, M. David Yazbeck, notice imprimée dans la lettre de nouvelles de la région de la capitale nationale de l'IPFPC, en septembre 1999. Je cite:
Les demandes de contrôle judiciaire présentées au nom du Dr Chopra et de la Dre Haydon à la Cour fédérale portent sur la grave et importante question de savoir si des fonctionnaires s'exprimant à titre personnel sur des questions qui intéressent le grand public sont protégés par la garantie de liberté d'expression de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces demandes ne portent pas uniquement sur les droits et les obligations des fonctionnaires quant à la divulgation de renseignements en cas de risque pour le public, mais portent également sur l'intérêt, pour le public, que ces renseignements soient rendus publics.
Onglet 1-2(e). Le 27 octobre 1999, le sous-ministre, M. D. Dodge, a parlé au personnel de la Direction des aliments. Nous avons trouvé que certaines observations faites à notre sujet étaient inexactes et offensantes. Je vous prie de vous reporter à notre lettre du 1er novembre 1999 à M. Dodge, lettre signée par sept membres du personnel scientifique professionnel du Bureau des médicaments vétérinaires.
En réponse à votre troisième question, où vous me demandiez si j'avais perçu la moindre désapprobation du fait de ma comparution, ma réponse est oui. Vous trouverez cela à l'onglet 3(a). J'avais été invitée à comparaître devant le comité sénatorial permanent, donc devant une tribune publique, le 1er octobre 1998. Toutefois, le 21 juillet 1998, mon directeur m'avait adressé une lettre d'instruction qui équivalait à une réprimande écrite et qui résultait de déclarations que j'avais faites aux médias. Je n'ai donc pas pu me conformer à l'invitation du comité sénatorial permanent.
Le 1er octobre 1998, les docteurs Chopra, Lambert et moi-même avons reçu une lettre du sous-ministre adjoint, le docteur Losos, nous indiquant comment nous préparer à discuter des constatations du rapport d'analyse des lacunes de la STbr. Il y avait de nombreuses parties du rapport qui avaient été supprimées, y compris l'annexe au complet. Or l'annexe contenait des renseignements portant sur ma participation à l'étude.
En outre, j'ai reçu un document du Conseil privé intitulé: «Notes sur les responsabilités des fonctionnaires relativement aux comités parlementaires».
Le 8 octobre 1998, le directeur du Bureau des relations parlementaires, M. B. Houston, m'a invitée à une séance d'information prévue pour le 15 octobre 1998, et où seraient présents des représentants du Bureau du Conseil privé.
Le président: Pardon, madame Haydon, je tâche de comprendre. Je m'interroge sur ce que vous disiez, deux paragraphes plus tôt. Vous dites ne pas avoir pu vous conformer à l'invitation du comité sénatorial permanent. Cela reste sans explication. Pouvez-vous nous donner une explication maintenant?
Mme Haydon: Oui. Dans une lettre qu'il m'avait adressée plus tôt, c'est-à-dire le 21 juillet 1998, mon directeur m'instruisait du fait que je ne pouvais pas parler en public ni aux médias.
Le président: C'était une directive générale.
Mme Haydon: Essentiellement, oui.
Le président: Sa lettre parlait-elle des comités parlementaires?
Mme Haydon: Pas en particulier, mais...
Le président: Pas en particulier. Merci.
Mme Haydon: Onglet 3(b). Le courriel daté du 23 octobre 1998 émanait d'un agent des relations parlementaires à Santé Canada. Nous l'avons reçu le lendemain de notre comparution devant le Sénat. Il y avait une pièce jointe particulièrement révélatrice. Elle s'intitule «MISE À JOUR sur la STbr, le 20 octobre 1998». Elle contenait les renseignements suivants, à la page 3:
[...] aucune réponse encore à la demande de faire aussi comparaître Juneau et Losos (en plus Paterson et des cadres supérieurs du BMV).
. nouvelle stratégie, seul Losos comparaîtra.
. le Bureau du ministre essaiera d'arranger cela
À la page 5, sous la rubrique «Stratégie pour le comité sénatorial», on trouve ceci:
Les SM ont exigé que le SMA de la DGPS dirige les scientifiques à l'audience, qu'il soit invité ou non:
-- le SMA facilitera les question et réponses et interviendrait au besoin.
-- Le SMA se rendra disponible aux médias sur place et plus tard dans la journée.
La question suivante, no 4, était: «Avez-vous fait l'objet de mesures disciplinaires depuis votre comparution?»
Onglet 4(a): J'ai reçu récemment une lettre d'intimidation, en date du 4 février 2000, de M. George D. Hunter, du cabinet d'avocats Borden, Elliott, Scott & Aylen concernant des «allégations au Comité permanent du Sénat». Je joins une copie de la lettre, ainsi qu'une copie du message du sous-ministre adressé à tous les employés de Santé Canada sur cette question.
J'ai par la suite appris que seulement trois des six témoins qu'a nommés le docteur Chopra lors de son témoignage du 7 décembre 1999 ont reçu cette lettre faisant peser la menace de mesures disciplinaires. Les docteurs Lambert, Vilim et moi-même avons reçu cette lettre. Mais nos collègues qui ne l'ont pas reçu sont les doceurs Basudde, Malik et R. Sharma. Il me semble curieux que ces trois collègues aient été exclus, puisqu'une partie de cette enquête concerne la discrimination raciale et l'équité en matière d'emploi. Ce sont des questions dont pourraient s'occuper ces trois personnes, surtout les docteurs Basudde et R. Sharma qui, si je ne m'abuse, ont des plaintes étudiées actuellement par la Commission des droits de la personne.
Il est fréquent, à Santé Canada, que l'on charge M. Hunter de mener une de ces «enquêtes externes». À mon avis, ces supposées «enquêtes externes» ne servent qu'à garder le contrôle et à intimider le personnel.
La cinquième question du sénateur était la suivante:
Pensez-vous que des déclarations ou d'autres mesures découlent de votre comparution devant le comité?
Ma réponse est oui. Onglet 5(a): J'ai reçu une lettre de «conflit d'intérêts» en date du 22 avril 1999 du docteur G. Paterson, directeur général de la Direction des aliments à Santé Canada, en raison de ma participation à un comité d'organisation parrainé par notre syndicat. Je vous renvoie à l'onglet 7 (b) pour plus de détails sur notre contribution à l'organisation de la tribune publique de l'IPFPC ayant pour thème l'innocuité des aliments.
Onglet 5(b): Le 17 juin 1999, j'ai reçu le prix du dénonciateur (Whistleblower Award) de la British Columbia Freedom of Information and Privacy Association, à Vancouver; mon syndicat, l'IPFPC, m'a appuyé dans ce voyage.
À mon retour au travail, on m'a immédiatement interrogé au sujet d'un article paru dans le Vancouver Province le vendredi 18 juin 1999. J'ai rencontré le docteur A. Lachance, directeur du Bureau des médicaments vétérinaires, à sa demande, et il m'a alors aussi interrogé sur cet article ainsi que sur une émission de radio qui avait été diffusée le 4 mai 1999. Comme par hasard, c'était le lendemain de ma comparution devant le comité sénatorial étudiant la STbr.
J'ai reçu une autre lettre en date du 23 juillet 1999 du directeur qui m'y demandait de «confirmer» l'exactitude des déclarations qui m'étaient attribuées dans l'article du journal de la Colombie-Britannique. En annexe à la lettre se trouvait une ébauche de lettre de 2 pages adressée au rédacteur du journal et rédigée par Miles Kirvan, des Services juridiques de Santé Canada, pour examen et réponse écrite.
Soit dit en passant, sauf le respect que je dois au journal, je crois que le nom exact est The Province.
La sixième question du sénateur était la suivante:
Estimez-vous que votre carrière a souffert de ces événements ou avez-vous vécu des craintes ou des suggestions de préjugé?
Ma réponse est oui. Onglet 6: On ne m'a pas demandé d'occuper, de façon permanente ou temporaire, le poste de chef de la Division de l'évaluation pharmaceutique. On a recruté, de l'extérieur, la docteure Kelly Butler qui s'est vu offrir un poste de gestionnaire au Bureau des médicaments vétérinaires. Des plaintes à ce sujet ont été portées à l'attention du ministère, de la Commission de la fonction publique et de la Commission des droits de la personne. Aucune mesure n'a été prise. Il n'y a eu qu'une supposée «enquête externe», menée par le ministère.
La septième et dernière question du sénateur était la suivante:
Savez-vous personnellement si le docteur Chopra ou l'une des autres personnes qui a témoigné concernant la STbr ont fait l'objet de menaces, de représailles ou d'intimidation provoquées par leur témoignage?
Oui, je sais que les docteurs Chopra et Lambert ont tous les deux fait l'objet de menaces, de représailles et d'intimidation depuis leur comparution devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pendant son étude de la STbr.
Comme vous le savez, le docteur Chopra a témoigné trois fois: le 22 octobre 1998, le 26 avril 1999 et le 3 mai 1999. Le docteur Lambert a témoigné le 22 octobre 1998 et le 3 mai 1999.
Onglet 7(a): La direction de Santé Canada a présenté le docteur Chopra comme un leader du groupe, ce sur quoi insistent les médias. Par conséquent, c'est lui qui a fait l'objet de menaces, d'intimidation et de représailles beaucoup plus vives de la part de la direction de Santé Canada, avant, pendant et après ses comparutions devant le comité sénatorial.
Onglet 7(b): Les docteurs Chopra et Lambert et moi-même sommes les seuls du Bureau des médicaments vétérinaires à avoir reçu une lettre de «conflit d'intérêts» en date du 22 avril 1999 du docteur G. Paterson, directeur général de la Direction des aliments à Santé Canada, par suite de notre participation à un comité d'organisation. Plusieurs de nos collègues ont aussi participé à l'organisation de la tribune publique sur l'innocuité des aliments qui s'est tenue les 7 et 8 mai 1999 et qui a été parrainée par notre syndicat, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Toutefois, ces collègues, les docteurs R. Sharma et A. Vilim n'ont pas reçu de lettres de «conflit d'intérêts» de la part du docteur Paterson.
Onglet 7(c): La suspension de cinq jours imposée au docteur Chopra par Santé Canada du 18 au 24 août 1999 est, à mon avis, une mesure de représailles exercée par la direction de Santé Canada suite aux comparutions devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur l'hormone de croissance bovin (STbr).
Onglet 7(d): Les docteurs Chopra et Lambert se sont vus refuser des possibilités d'avancement au bureau. Plutôt, le docteur Ian Alexander, un évaluateur de médicaments de la Division de l'évaluation pharmaceutique, a été nommé chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains, poste qu'il a occupé de mai à septembre 1999. Il est intéressant de noter que c'est ce même docteur Alexander qui avait la garde confidentielle du dossier de la STbr de 1996 jusqu'à ce qu'il soit publié pour l'Analyse des lacunes de la STbr.
Depuis septembre 1999, Mme Kelly Butler, recrutée récemment de l'extérieur, occupe le poste de chef de la Division de l'innocuité pour les humains. À son arrivée, en août 1999, elle a aussi été nommée chef de la nouvelle Division de la politique et des programmes.
Onglet 1-2(e): Le 27 octobre 1999, M. D. Dodge, sous-ministre, Direction des aliments, a pris la parole devant le personnel de la direction; nous avons jugé qu'il avait fait à notre sujet des commentaires inexacts et choquants, comme je l'ai déjà indiqué.
Onglet 7(e): À deux reprises, on a constaté de vastes opérations de déchiquetage de papier au Bureau des médicaments vétérinaires. Ça s'est produit la première fois immédiatement après notre première comparution devant le comité sénatorial, le 22 octobre 1998. Le deuxième incident s'est produit plus récemment, pendant les trois premières semaines de septembre 1999. Je m'interroge sur la façon dont cet incident a été traité.
Le président: Le dernier paragraphe de vos remarques ne sera pas supprimé de votre mémoire. Merci beaucoup de votre déclaration. Je pourrais peut-être commencer les questions.
Je vous prierais d'aller à la page 8 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, où vous nous renvoyez à l'onglet 7(c):
La suspension de cinq jours imposée au Dr Chopra par la direction de Santé Canada, du 18 au 24 août 1999 est, à mon avis, une mesure de représailles exercée par la direction de Santé Canada suite aux comparutions devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur l'hormone de croissance (STbr).
Nous voulons savoir plus précisément pourquoi vous êtes de cet avis. Vous nous avez décrit en détail le milieu et l'atmosphère de travail à Santé Canada. Toutefois, votre opinion serait plus précieuse si vous pouviez nous citer les propos de quelqu'un qui aurait établi un lien entre la comparution, devant le comité sénatorial de l'agriculture, du docteur Chopra à quelque châtiment qui vous aurait été infligé à vous, au docteur Chopra ou à quelque autre témoin. J'aimerais avoir une lettre ou un document signé par un supérieur ou un fonctionnaire qui occupe des fonctions de gestion et de direction et qui dirait que le docteur Chopra a été suspendu ou a fait l'objet de quelque autre mesure parce qu'il a désobéi aux instructions, soit en venant témoigner devant le comité sénatorial de l'agriculture, soit dans ses remarques au comité sénatorial de l'agriculture. Auriez-vous des preuves concrètes de ce genre?
Mme Haydon: Je suis désolée, mais je n'ai pas d'information directe sur la question; c'est pourquoi j'ai formulé simplement une opinion.
Le président: Oui. Je comprends la nuance.
Le sénateur Grimard: Pour l'instant, j'ai une question. Madame Haydon, à la page 4 de votre déclaration, vous dites que vous avez reçu une lettre d'instruction datant du 21 juillet 1998. Vous ajoutez que ces questions sont actuellement examinées par la Cour fédérale.
Quand vous dites «ces questions», vous voulez parler de ce qui s'est passé avant le 21 juillet 1998?
Mme Haydon: Cela concerne la lettre écrite que j'avais reçue. En outre, le docteur Chopra avait reçu une réprimande écrite ainsi qu'une autre lettre.
Le sénateur Grimard: C'était avant votre comparution au comité de l'agriculture.
Mme Haydon: Oui, mais comme je l'ai déjà dit, quand on m'a donné les questions auxquelles je devais répondre, je me suis dit que la motion d'enquête sur la STbr du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts datait du 5 mai 1998, et partant de cela, je me suis dit qu'il y avait peut-être un rapport, puisque le ministère savait parfaitement que le comité permanent enquêtait sur la STbr.
Le sénateur Grafstein: Je m'intéresse aussi aux dates. Au cours de la période qui a précédé le 5 mai, étiez-vous préoccupée par des questions de traitement injuste au ministère avant que le comité sénatorial annonce son intention de s'occuper de cette question? Aviez-vous des inquiétudes en ce qui concernait un traitement injuste au ministère avant la date du 5 mai qui, d'après ce que vous nous dites, est la date à laquelle le ministère a reçu un avis public de l'intention du comité sénatorial d'examiner la question?
Mme Haydon: Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous voulez dire, car je m'occupe de somatotropine bovine recombinante depuis une dizaine d'années, depuis environ 1984, et il y a eu tellement de choses qu'il m'est difficile de dire exactement à partir de quelle date il s'est produit quelque chose.
Le sénateur Grafstein: Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, je le comprends. Vous avez parlé de l'importance de ces déclarations. Elles me semblent suffisamment importantes pour justifier au moins un examen de notre part. Vous avez choisi, et je pense que c'est correct, la date à laquelle le ministère a été informé, le public a été informé, vous-même avez été informée qu'un comité sénatorial allait procéder à une étude sur cette question.
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais savoir si vous-même ou d'autres personnes au ministère étiez victimes de traitement injuste avant cette intervention du Sénat?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Grafstein: Oui? Pourriez-vous nous décrire cela brièvement?
Mme Haydon: J'ai eu dès le début un rôle d'évaluatrice de la partie des soumissions qui concernaient la sécurité animale et l'efficacité, et au début ces soumissions provenaient de trois fabricants différents. Cela a commencé vers 1984-1985; en 1994, j'ai des documents qui ont été volés dans des classeurs fermés à clé. J'avais assisté à une réunion avec des représentants d'une de ces compagnies pharmaceutiques au cours de laquelle on avait proposé un pot-de-vin de 1 ou 2 millions de dollars, ce genre de chose; ensuite, en 1994, on m'a mis à l'écart de l'examen des soumissions sur la STbr.
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, c'est une longue histoire qui remonte à bien avant l'intervention du comité.
Mme Haydon: C'est juste, et je crois que le comité de la Chambre des communes a aussi enquêté sur cette question plus tôt.
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, j'ai des questions auxquelles je souhaiterais demander à la témoin de répondre non pas tout de suite, mais quand elle en aura le loisir.
Madame Haydon, vous avez nommé des hauts fonctionnaires du ministère et mentionné le bureau du premier ministre et ses adjoints. Pouvez-vous nous donner les noms de tous ces hauts fonctionnaires?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Grasftein: Peut-être serait-il utile que nous ayons une liste complète de tous ces noms. Le comité jugera alors de ce qu'il devra en faire. Plutôt que d'entendre des hauts fonctionnaires, je pense qu'il est important que nous nous concentrions sur ce que ces personnes particulières pourraient avoir à nous dire éventuellement.
En dernier lieu, je ne comprends pas bien le sens de l'avant- dernier paragraphe. Vous y écrivez: «Je sais que le docteur Chopra a fait l'objet d'une plainte de harcèlement fabriqué par la direction de Santé Canada par l'intermédiaire d'une secrétaire.» Que voulez-vous dire exactement? Je ne comprends pas bien. Est-ce que c'est le ministère qui harcelait le docteur Chopra ou est-ce qu'on l'accuse d'avoir harcelé quelqu'un au ministère?
Mme Haydon: Je n'en ai pas parlé parce que je n'avais plus beaucoup de temps. En outre, je ne suis pas directement concernée par cette question. Je crois que certains de mes collègues seraient mieux placés pour répondre à votre question car je n'en suis au courant qu'accessoirement. Je ne pourrais pas répondre à des questions précises car je n'ai pas assisté aux réunions.
Le président: Si vous pouvez nous donner des noms, nous vous en serons reconnaissants.
Mme Haydon: Très bien.
Le président: Nous les traiterons de manière confidentielle.
Le sénateur Grafstein: Merci de cette précision. Il est important de préserver le caractère confidentiel de ces noms. Il faudra les examiner soigneusement à la lumière des témoignages.
Le sénateur Prud'homme: Il faut que ces noms restent confidentiels, certes, mais cela n'empêche pas le comité de les convoquer publiquement en tant que témoins.
Le président: Non. Nous examinerons ces noms et nous déterminerons s'ils sont utiles dans le contexte des témoignages que nous avons.
Le sénateur Prud'homme: D'accord.
Le sénateur Kroft: Bienvenue, docteure Haydon. Je voudrais vous poser quelques questions pour mieux comprendre la situation.
Vous dites à la page 7 que vous savez que les docteurs Chopra et Lambert ont fait l'objet de menaces de représailles et d'intimidation. Comment le savez-vous? Par des conversations ou par de la correspondance?
Mme Haydon: Oui, par des conversations. C'est parce que nous avons tous reçu les mêmes lettres que j'ai fait cette déclaration.
Le sénateur Kroft: Vous discutiez régulièrement de ces communications?
Mme Haydon: Le bureau du docteur Lambert est juste à côté du mien.
Le sénateur Kroft: Au paragraphe suivant, vous dites: «Le docteur Chopra est présenté par la direction de Santé Canada comme un leader du groupe.» À votre avis, qu'entend-il par là?
Mme Haydon: Dans le dossier j'ai inséré un grand nombre de pages de journaux ou de revues avec des photos et des articles du docteur Chopra. Il est toujours en vedette. C'est pour cela que je dis cela, et j'ai inclus ces documents à l'appui de ce que je disais.
Le sénateur Kroft: Par leader, vous voulez dire que c'est quelqu'un qui dirige ses collègues au ministère, que c'est un porte-parole?
Mme Haydon: La meilleure réponse, c'est sans doute que le docteur Chopra est un leader bien connu dans la collectivité qui s'occupe de beaucoup d'autres activités en dehors de son milieu de travail. Il est très connu dans le public.
Le sénateur Kroft: Je dois préciser que si je cherche à avoir des réponses bien précises à ce sujet, c'est parce que nous abordons de manière très étroite la question du docteur Chopra et les problèmes le concernant. Nous devons toujours faire bien attention de ne pas déborder sur d'autres questions au niveau de la collectivité ou autre. La notion de leader peut avoir une connotation utile ou négative. Je pense que c'est quelque chose de très important à comprendre. Au ministère et dans son cadre de travail, est-il considéré comme un leader en tant que représentant de son groupe et en tant que représentant des problèmes des employés vis-à-vis de la direction?
Mme Haydon: Le docteur Chopra fait du télétravail; la plupart du temps, il travaille chez lui, et il ne vient qu'occasionnellement au bureau. Je crois que c'est le cas depuis plusieurs années déjà.
Le sénateur Kroft: Depuis plusieurs années?
Mme Haydon: Oui. Il a son franc-parler, lorsqu'il participe à une réunion. J'espère que cela répond à vos questions.
Le sénateur Kroft: C'est très utile. Enfin, à la page 5, vous parlez d'une invitation à une séance d'information que vous avez reçue de M. Houston le 8 octobre.
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Kroft: Pourriez-vous nous parler un peu de ce qui s'est passé à cette séance d'information?
Mme Haydon: Cela fait déjà un certain temps. Je n'ai pas de notes sur moi, donc je vais essayer de vous en parler de mémoire. À cette réunion, il y avait, je crois, un ou deux représentants du Bureau du Conseil privé et plusieurs représentants du Bureau des relations parlementaires de Santé Canada. Je me souviens qu'on nous a dit que nous devions dire la vérité au comité sénatorial, mais on nous avait donné une copie du rapport d'analyse des lacunes sur l'hormone de croissance bovine recombinante dans laquelle beaucoup de choses avaient été supprimées. En ce qui me concernait, toute l'annexe à ce rapport qui concernait les problèmes qui m'intéressaient avait été supprimée. J'étais donc dans une situation très embarrassante, car si les sénateurs me posaient des questions sans que je puisse parler de la documentation figurant dans ce rapport...
Le sénateur Kroft: Et vous avez soulevé le problème à cette réunion?
Mme Haydon: Non, mais je n'en pensais pas moins. Le docteur Chopra a réagi immédiatement au nom de nous tous.
Le président: Il me semble, d'après le témoignage du docteur Chopra, qu'avant sa comparution et la vôtre au comité sénatorial de l'agriculture, ce rapport a été rétabli dans sa forme non expurgée. C'est bien exact?
Mme Haydon: C'est exact. Toutefois, nous ne le savions pas encore à ce moment-là.
Le président: Bon.
Mme Haydon: C'était une situation très frustrante.
Le sénateur Kroft: Pourrais-je poursuivre sur ce dernier point? Je voudrais savoir comment on a justifié le fait d'avoir supprimé certaines parties de ce document?
Mme Haydon: Je crois qu'ils ont dit qu'ils avaient supprimé des renseignements personnels, mais on ne m'avait pas demandé s'il fallait ou non conservé mes informations dans le rapport. On a supprimé beaucoup d'informations scientifiques, ce que je ne comprends pas, car il n'y avait rien de personnel là-dedans, il s'agissait de rats. J'ai trouvé cela difficile à avaler.
Le président: Je vais donner la parole au sénateur Beaudoin qui sera le dernier intervenant là-dessus.
Le sénateur Beaudoin: Au bas de la page 4, et ceci vient prolonger la question de mon collègue le sénateur Grimard, vous parlez de l'affaire qui est actuellement soumise à la Cour fédérale. L'audience doit avoir lieu en juin. Naturellement, la règle du sub judice s'applique. Je ne veux donc pas entrer dans le détail, mais pourriez-vous me dire de manière très générale en quoi doit consister cette comparution à la Cour fédérale?
D'après votre conseiller juridique, David Yazbeck, il s'agirait dans une certaine mesure d'une question liée à la Charte canadienne des droits et libertés. Dois-je en conclure que c'est une question de liberté d'expression?
Mme Haydon: C'est exact.
Le sénateur Beaudoin: C'est exact?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, c'est une intervention fondée sur ceci en particulier?
Mme Haydon: Je crois que ce sera la première contestation de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le sénateur Beaudoin: La première contestation?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Il y en a eu beaucoup. Vous voulez dire dans ce cas précis?
Mme Haydon: Eh bien, dans le cas de ce document.
Le sénateur Beaudoin: De ce document?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Beaudoin: C'est lié à cela?
Mme Haydon: Oui.
Le sénateur Beaudoin: L'avocat n'est pas là, n'est-ce pas?
Mme Haydon: Si.
Le sénateur Beaudoin: C'est lui qui est à côté de vous?
Le président: Sénateur Beaudoin, vous avez fini ou non?
Le sénateur Beaudoin: Non. J'essayais de poser la question à M. Yazbeck.
Le président: M. Yazbeck n'est pas un témoin.
Le sénateur Beaudoin: Il n'a pas été assermenté?
Le président: Il n'a pas été invité à témoigner.
Le sénateur Beaudoin: Je respecte cela.
Le sénateur Prud'homme: Excusez-moi, monsieur le président, mais est-ce que le règlement n'autorise pas un témoin à dire: «Je préfère ne pas répondre à cette question, mais j'aimerais demander à mon avocat de le faire»? Je pense que ce serait tout à fait acceptable. Votre seul problème est de savoir s'il a été assermenté ou non?
Le président: Vous n'étiez pas là au début de la séance, sénateur Prud'homme.
Le sénateur Prud'homme: Non, j'étais aux Affaires étrangères.
Le président: Évidemment, vous étiez pris par d'autres travaux du Sénat. Je tiens à bien préciser que l'avocat n'est pas là pour s'exprimer au nom du témoin, mais qu'il est simplement là par courtoisie, pour l'accompagner. Je ne tiens pas à ce qu'on demande des explications au conseiller juridique. Je vais simplement entendre les témoins ce soir.
Le sénateur Prud'homme: Elle peut le consulter.
Le sénateur Beaudoin: Je pense qu'elle a donné une réponse assez générale à la question. Je ne tiens pas à approfondir cette question avec l'avocat.
Le sénateur DeWare: Au bas de la page 5, vous parlez de la stratégie pour le comité sénatorial. Il y a deux ou trois petites citations, notamment la suivante: les SM ont exigé que le SMA/DGPS dirige les scientifiques à l'audience, qu'il soit invité ou non». Voici ma question: Était-il là pour vous diriger au cours de ces audiences?
Mme Haydon: Non.
Le sénateur DeWare: Il devait apparemment être là pour faciliter vos réponses et intervenir au besoin; mais il n'était pas là et il ne l'a donc pas fait.
Mme Haydon: Non. Nous avons appris cela après notre comparution.
Le sénateur DeWare: C'est donc quelque chose que le sous-ministre souhaitait, mais qui ne s'est pas réalisé.
Mme Haydon: C'est possible. Je crois que cela nous a été envoyé par accident.
Le sénateur DeWare: Par accident? Bon. Merci beaucoup.
Le président: Pour conclure, docteure Haydon, je voudrais vous poser une question: vous dites en haut de la page 5 que le sous-ministre, M. David Dodge, s'est adressé le 27 octobre 1999 au personnel de la Direction des aliments et a formulé à votre égard des commentaires que vous avez jugés inexacts et choquants. Ma question est la suivante: a-t-il fait allusion à votre comparution au comité sénatorial de l'agriculture?
Mme Haydon: Pas que je me souvienne.
Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, on mentionne dans la même page une publication que le témoin a reçue de quelqu'un. Cette publication s'intitule «Notes sur les responsabilités des fonctionnaires par rapport aux comités parlementaires». Il serait peut-être utile de nous procurer ce document, monsieur le président, pour voir de quelles directives il s'agit et peut-être mieux comprendre tout ceci.
Le président: Je vais veiller à le demander. C'est un document public du Bureau du Conseil privé. Ce sont les directives générales à l'intention des témoins qui comparaissent devant les comités parlementaires.
Docteure Haydon?
Mme Haydon: Je peux vous donner cela. J'ai ce document en anglais et en français dans le dossier que je vais vous laisser.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons examiner avec intérêt ce dossier que vous allez nous laisser.
Le sénateur Sparrow: Monsieur le président, avant de partir, le témoin pourrait-il nous dire si elle était présente aux audiences du Sénat lorsque M. Dodge a comparu devant le comité de l'agriculture?
Mme Haydon: J'étais présente à certaines réunions, je ne suis pas sûre d'avoir été présente à toutes.
Le sénateur Sparrow: M. Dodge a affirmé au comité qu'il n'y aurait pas de représailles contre les témoins. Êtes-vous d'accord?
Le président: Au début de la séance de ce soir, j'ai lu à haute voix une lettre de David Dodge donnant explicitement cette assurance.
Le président: Nous vous savons considérablement gré de votre comparution ici. Merci d'avoir travaillé si fort pour présenter vos observations.
M. Rajinder Sharma sera le témoin suivant.
(M. Rajinder Sharma est assermenté)
Le président: Je conclus des activités dans la salle que vous avez une déclaration écrite à nous présenter.
M. Sharma, Bureau des médicaments vétérinaires, Santé Canada: Oui, monsieur le président.
Le président: Encore une fois, est-elle dans les deux langues?
M. Sharma: En anglais seulement.
Le président: Le comité accepte-t-il de recevoir le témoignage dans une seule langue?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup, honorables sénateurs.
Monsieur Sharma, à vous la parole.
Le sénateur Beaudoin: Au sujet de la règle relative aux deux langues officielles, monsieur le président, je suis prêt de temps en temps à laisser tomber mes objections, mais n'oublions pas que, selon le règlement, les exposés devraient nous être remis dans les deux langues.
Le président: Je suis prêt à demander que le document ne soit pas distribué. Cela me convient parce que, lorsque le témoin lira sa déclaration en anglais, nous en aurons une traduction sous peu.
Le sénateur Beaudoin: Oui, et les circonstances d'aujourd'hui sont un peu spéciales, dans la mesure où cela ressemble un peu à une enquête. Je comprends que ce texte n'ait pas été traduit.
Le président: Je vous sais gré de vos observations. Je suis entièrement en faveur de la règle qui exige que tous les documents soient présentés dans les deux langues officielles. Il appartient entièrement au comité de décider si cette règle peut être négligée dans les circonstances actuelles. Ce n'est certainement pas un état de choses que nous encourageons.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: M. Sharma, j'aimerais que vous compreniez bien qu'en tant que Canadien, vous n'avez aucune obligation de produire votre document dans les deux langues officielles. Votre liberté est totale. Vous pouvez le faire dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. C'est toujours une question sensible. Cela mène toujours à des conflits inutiles. Ne vous sentez pas visé par ces demandes d'application du Règlement. Vous êtes convoqué à témoigner devant notre comité et vous rendez votre témoignage à qui de droit. C'est le travail de ces gens de voir à la traduction. Il faut que quelqu'un, à l'occasion, se lève pour demander l'application des règlements. C'est toujours désagréable parce qu'on passe pour des gens qui vont contre le vent.
[Traduction]
Tout Canadien peut présenter des documents dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Vous avez le droit de parler dans la langue officielle de votre choix et de présenter des documents dans cette langue. Toutefois, la règle existe, et elle cause parfois de la gêne. Toutefois, surtout au Sénat, tout le monde veut être gentil et accueillant et l'on ne soulève donc pas la question de cette règle, même si elle est très claire. Toutefois, elle ne s'applique pas à vous, c'est à nous qu'elle s'applique.
Le président: À vous la parole.
M. Sharma: Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de m'avoir invité à donner mes impressions sur le témoignage du 7 décembre 1999 du docteur Shiv Chopra, devant ce comité.
Monsieur le président, dans votre lettre du 16 décembre 1999, vous m'avez demandé de vous dire particulièrement si des menaces ou des déclarations comminatoires ont été proférées à son endroit en ma présence, dans quel contexte elles ont été faites, si je les ai trouvées menaçantes ou intimidantes et si elles ont été adressées directement au docteur Chopra. En outre, vous m'avez demandé de dire si j'estime que ces déclarations résultaient du témoignage du docteur Chopra sur l'étude de la STbr.
J'ai préparé un texte écrit, mais en raison du manque de temps, je vais résumer mes opinions. L'essentiel de ma réponse, que je vous ai confirmé par écrit, a été présenté le 12 janvier 2000. La déclaration qui suit vise à fournir une confirmation plus complète des mêmes affirmations.
Je crois comprendre que le docteur Chopra travaille à Santé Canada depuis 1969, bien que je n'aie lié connaissance avec lui qu'à partir de 1988. C'est à cette époque que, comme moi, il est devenu évaluateur de médicaments, à la Division de la sécurité humaine du Bureau des médicaments vétérinaires. Depuis que je le connais, j'ai trouvé en lui un scientifique très compétent, diligent et consciencieux. Il croit fermement, comme moi-même, que la responsabilité première du BMV est d'assurer la sécurité, pour les humains, des médicaments vétérinaires, comme le prévoient la Loi sur les aliments et drogues et les règlements qui en découlent. Sans la moindre hésitation, j'affirme que ni moi ni qui que ce soit d'autre à Santé Canada n'avons vu le docteur Chopra faillir à son devoir.
Le docteur Chopra est un militant communautaire, tenu en haute estime, qui s'intéresse aux questions d'équité et de droits de la personne en milieu de travail. Son travail dans ce domaine remonte à l'étude de 1989 sur l'équité en matière d'emploi des minorités visibles dans la fonction publique du Canada. Voir l'annexe 1. C'est cette étude qui, ultimement, a mené à la plainte de 1992 pour violation des droits de la personne auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, plainte contre Santé Canada, la Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor du Canada. Subséquemment, dans un arrêt qui a fait date, ACNRI c. La Reine, le Tribunal canadien des droits de la personne a reconnu, en 1997, que le docteur Chopra avait joué un rôle clé.
Pour ce qui est de son rôle dans l'étude sur la sécurité humaine de la STbr, qui remonte à bien avant son témoignage devant le comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, j'affirme que la première personne à contester l'évaluation de la STbr en matière de sécurité humaine en vertu des règlements canadiens sur les aliments et drogues a bien été le docteur Chopra. Ses préoccupations à ce sujet se trouvent exprimées dans une «lettre de données complémentaires» (LDC) qu'il a adressée à l'un des fabricants de la STbr, en 1988, à l'époque où, pour un bref laps de temps, il a été chef par intérim de la Division de l'innocuité pour les humains. Cela figure à l'annexe 3.
J'ajoute que les précisions apportées dans cette LDC par le docteur Chopra ont délibérément été supprimées par le chef permanent de la Division de l'innocuité pour les humains. En outre, peu de temps avant que le directeur général, le docteur Paterson, de la Direction des aliments, n'ait accepté que le docteur Chopra amorce l'étude d'analyse des lacunes de la STbr, c'est moi-même qui, en 1997, avais rappelé au docteur Chopra l'existence de cette LDC. Mon objectif était de lui rappeler que les préoccupations que nous avions exprimées en 1988 au sujet de l'innocuité pour les humains n'avaient pas fait l'objet d'un suivi de la part de la direction de Santé Canada que ce soit pour l'offre d'Elanco ou celle de Monsanto relativement à la STbr, et que la pertinence de ces préoccupations devait être prise en considération dans l'étude projetée d'Analyse des lacunes de la STbr.
Mesdames et messieurs les sénateurs, l'étude d'analyse des lacunes de la STbr a un historique long et complexe, dont je ne connais pas tous les détails. Toutefois, je sais qu'en général, il était convenu qu'elle serait effectuée conjointement par les cinq évaluateurs de médicaments de la Division de l'innocuité pour les humains, sous la direction du docteur Chopra. La décision de travailler ainsi a été prise lors d'une réunion de l'ensemble du personnel du BMV, par le directeur général de la Direction des aliments, le docteur George Paterson, qui était également le directeur par intérim du BMV, ainsi que président du comité ministériel spécial de la STbr.
Il a également été convenu à cette réunion que les divers dossiers touchant la STbr qui, jusque-là, avaient été confiés à la garde unique et confidentielle d'un gestionnaire de dossiers, le docteur Ian Alexander, seraient transmis à tous les intéressés pour qu'ils puissent les examiner. C'est au cours de cet examen que j'ai trouvé cette LDC et que je l'ai remise au docteur Chopra.
Je sais également qu'on n'a pas permis au docteur Chopra de terminer l'étude d'analyse des lacunes de laquelle tout le monde était convenu à l'origine. Cette étude a fréquemment été interrompue et a fait l'objet d'interférences pour raisons d'enquête par le docteur Paterson. En définitive, le moyen qu'il a choisi pour s'ingérer dans l'étude a consisté à nommer une nouvelle «équipe interne d'analyse des lacunes de la STbr» dont le docteur Alexander devait être le «coordonnateur».
Le docteur Chopra et d'autres scientifiques de Santé Canada ont fait état de cette ingérence et d'autres mesures de gestion inappropriées devant le Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, qui étudiait la STbr. J'estime que le contentieux entre la direction de Santé Canada et les scientifiques ne portait pas uniquement sur ces questions, mais qu'il portait également sur de nombreux autres médicaments, y compris les hormones et les antibiotiques dont l'innocuité avait été mise en doute par le docteur Chopra et tout le personnel scientifique de la Direction de l'innocuité pour les humains. Tous les scientifiques, y compris moi-même, avaient affirmé que la direction de Santé Canada nous avait fortement incités à autoriser sans vérification l'utilisation de ces médicaments pour répondre aux souhaits des entreprises pharmaceutiques.
Les pressions auxquelles nous avons été et nous sommes toujours soumis se sont exprimées sous forme de menaces à nos carrières scientifiques, assorties de divers types de harcèlement, incluant des abus d'autorité pour nommer des candidats non qualifiés à des postes de direction, des mesures d'intimidation, de la discrimination raciale et la diffamation injustifiée de notre comportement personnel. Toutefois, la personne qui a dû supporter les pires mesures de harcèlement exercées par la direction de Santé Canada est bien le docteur Chopra, que la direction considère comme le dirigeant d'une bande de «fauteurs de troubles».
C'est lors d'une réunion avec tout le personnel du Bureau des médicaments vétérinaires, le 26 mai 1998, au Centre des conférences à Ottawa, que le terme «fauteurs de troubles» a été utilisé pour la première fois. Ce terme se trouvait, disait-on, dans un rapport d'évaluation du milieu de travail préparé par KPMG Consultants, et portant sur le BMV, rapport que le docteur Paterson et un nouveau directeur de ce bureau, le docteur André Lachance, avaient fait faire à la demande pressante de l'Institut canadien de la santé animale, une association de lobbying de l'industrie pharmaceutique.
Au cours de cette réunion, le docteur Lachance a refusé qu'il y ait un compte rendu officiel des discussions, disant qu'il procédait de cette façon depuis 26 ans dans d'autres ministères et qu'il n'avait pas l'intention de changer maintenant. En outre, après avoir entendu le docteur Chopra et d'autres intervenants dire que ce n'était pas une façon acceptable de diriger des réunions importantes, il a répondu que si nous faisions les fortes têtes, cela nous coûterait cher et que nous serions mutés dans d'autres services gouvernementaux où jamais plus personne n'entendrait parler de nous. Voir l'annexe 5.
Je sais également que quelques semaines à peine avant cette réunion, le docteur Lachance a écrit au docteur Chopra et aux autres membres de l'équipe interne d'analyse des lacunes de la STBr, en leur demandant de faire disparaître de la version finale de leur rapport toute preuve de malversations de la part de la direction. Je sais également que les seuls membres de l'équipe qui ont refusé de se plier à cette demande étaient le docteur Chopra et le docteur Lambert.
Honorables sénateurs, j'espère que vous savez que, avant que le Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts ne commence ses audiences sur la STBr, les pressions susmentionnées «pour accepter des médicaments à l'innocuité douteuse» au sujet desquels les docteurs Chopra, Margaret Haydon, Gérard Lambert, Arnost Vilim, Cris Basudde et moi-même avons déposé des griefs à divers paliers de la direction de Santé Canada mais qui par la suite ont été rejetés au dernier palier par le sous-ministre adjoint, M. Allan Nymark, ont fait l'objet d'une attestation sous serment dans le cadre des autres plaintes de harcèlement que nous avons portées devant la CRTFP le 15 septembre 1998. En rendant sa décision, le président du tribunal, M. Yvon Tarte, a rejeté la plainte, mais uniquement parce qu'il n'avait pas le pouvoir d'examiner et d'évaluer les problèmes d'ordre scientifique soulevés par les diverses personnes qui avaient témoigné à l'audience sur cette question. Toutefois, n'oubliez pas que M. Tarte a signalé, et je cite «les témoignages révèlent effectivement l'existence de conflits interpersonnels et scientifiques inquiétants au sein du Bureau des médicaments vétérinaires...». Voir l'annexe 7.
Venons-en maintenant à la suspension de cinq jours sans rémunération que la direction de Santé Canada a imposée au docteur Chopra. Je sais que cela s'est produit en juillet 1999, soit environ deux mois après sa dernière comparution aux audiences sur la STBr du comité sénatorial de l'agriculture, le 3 mai 1999.
Monsieur le président, je tiens à signaler que plusieurs autres mesures de représailles ont été prises contre le docteur Chopra, et notamment une réprimande pour avoir parlé aux journalistes et une ordonnance visant à le bâillonner. Je ne connais pas tous les détails des mesures prises par le ministère de la Santé à l'encontre du docteur Chopra. En conséquence, je pense que votre comité devrait peut-être l'inviter à nouveau à comparaître pour expliquer en détail toutes les mesures de représailles dont il a fait l'objet de la part de Santé Canada.
Le président: Nous ne manquerons pas de le faire, docteur Sharma, mais ce qui nous intéresse avant tout, c'est votre opinion sur la question. Veuillez poursuivre votre témoignage. Que savez-vous? Qu'avez-vous vu?
M. Sharma: Puis-je terminer le...
Le président: Bien sûr.
M. Sharma: Cela me porte à croire que la suspension de cinq jours sans rémunération imposée au docteur Chopra n'était qu'un simple prétexte pour le punir d'avoir dit toute la vérité au sujet de la direction de Santé Canada lorsqu'il avait témoigné à trois reprises devant le comité sénatorial de l'agriculture et des forêts. Si je dis cela, c'est parce que, à mon avis, depuis cet incident, les gestionnaires de Santé Canada n'ont pas cessé de harceler cet employé honnête, dévoué et très aimable.
Le président: Excusez-moi, docteur Sharma, mais justement à ce propos. Vous avez dit que cela vous a «porté à croire», ce qui est subjectif. J'en déduis que c'est une évaluation subjective qui vous a dicté cette conclusion?
M. Sharma: Humo.
Le président: Avez-vous jamais entendu un supérieur du docteur Chopra citer son témoignage devant le comité de l'agriculture du Sénat comme motif de mesure disciplinaire, de réprimande, de suspension ou de plainte personnelle à l'encontre de celui-ci?
M. Sharma: Non, monsieur.
Le président: Vous n'en avez jamais été le témoin pas plus que vous ne l'avez jamais vu écrit quelque part noir sur blanc?
M. Sharma: Non, monsieur.
Le président: Merci. Poursuivez, je vous en prie.
M. Sharma: Par exemple, lors de la réunion du BMV le 2 septembre 1998 où j'étais également présent, un échange a eu lieu entre les docteurs Chopra et Lachance au cours duquel le docteur Chopra lui a demandé de donner une suite au rapport d'évaluation du milieu de travail du BMV du cabinet KPMG avec l'aide d'un facilitateur, requête à laquelle le docteur Lachance a répondu en disant que «Les choses suivent maintenant leurs cours» pour ce genre d'initiative et que ce mandat émanant de la haute direction ne laissait place à aucune latitude et qu'il avait bien l'intention de l'appliquer à la lettre.
Lors d'une autre réunion du BMV qui s'est tenue à l'hôtel Talisman et où j'étais présent, le docteur Lachance a annoncé la nomination temporaire du docteur Alexander au poste de chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains à la place du chef en titre qui était désormais affecté à d'autres responsabilités non spécifiées. Cette annonce a incité le docteur Chopra à poser des questions sur les compétences relatives du docteur Alexander qui venait d'une autre division du BMV et aussi sur la discrimination raciale manifestée envers trois des cinq membres de longue date de la Division de l'innocuité pour les humains, y compris le docteur Chopra, Cris Basudde et moi-même.
Cependant, malgré ces objections, le docteur Alexander a été nommé à ce poste où il est resté pendant quatre mois en plein accord avec M. Robert Joubert, responsable de la Direction des ressources humaines. Je crois comprendre qu'à la fin de ces quatre mois, le docteur Alexander a refusé une prolongation et donc maintenant une personne complètement nouvelle, la docteure Kelly Butler, qui n'a jamais travaillé au BMV, a été nommée de manière virtuellement permanente chef de la Division de l'innocuité pour les humains.
Je dois ajouter qu'en partie dû à ces nominations injustes et répétées de candidats non qualifiés, tout particulièrement pour exclure chacun des membres appartenant à des minorités visibles de la Division de l'innocuité pour les humains, y compris le docteur Chopra, le docteur Basudde et moi-même, trois plaintes distinctes sont actuellement examinées par la Commission canadienne des droits de la personne. Les cinq membres de la Division de l'innocuité pour les humains ont également déposé des plaintes auprès de la Commission de la fonction publique bien que nous ne sachions pas exactement si elles ont des chances d'aboutir.
Pour ce qui est de M. Dodge, j'ai participé à une réunion au cours de laquelle le ministre de la Santé, M. Allan Rock, lui a demandé de parler d'une pétition concernant le projet de loi C-80 et signée par plus de 200 employés de la Direction des aliments. Lors de cette réunion, en plus des pétitionnaires et de M. Dodge, étaient également présents le SMA de la DGPS, le docteur Joseph Losos, et le nouveau directeur général, le docteur Marc LeMaguer.
M. Dodge a ouvert la réunion en déclarant qu'en sa capacité de sous-ministre de Santé Canada, il trouvait cette pétition inadmissible et que par un manque flagrant de professionnalisme ses signataires risquaient de jeter le trouble dans l'opinion publique. Ces remarques de M. Dodge...
Le sénateur Kinsella: C'était quand?
M. Sharma: Je crois que c'était en octobre 1999. Le 27 octobre. Le docteur Chopra a jugé les remarques de M. Dodge insultantes, surtout s'agissant de questions impliquant la STbr et d'autres hormones et d'autres antibiotiques du même genre. M. Dodge a commencé par répondre au docteur Chopra d'une manière extrêmement menaçante tant par le geste que par la parole, mais après avoir entendu les interventions de la docteure Haydon et d'autres personnes présentes, y compris moi-même, il a semblé changer d'attitude et nous a dit qu'après ce qu'il venait d'entendre il était disposé à faire un complément d'enquête et à revenir nous en parler.
Le dernier commentaire que j'aimerais faire concerne l'enquête menée actuellement par votre comité des privilèges, du Règlement et de la procédure. J'aimerais faire un commentaire concernant la nomination d'un avocat indépendant, M. George Hunter, dont M. Dodge a retenu les services pour qu'il fasse enquête. Cette lette m'a été envoyée et j'ai estimé que cette lettre, quand je l'ai lue, était d'un ton très menaçant et je me suis posé des questions sur la manière dont Santé Canada abordait cette enquête et je me demande la raison pour laquelle Santé Canada s'est senti soudain obligé de nommer avec une telle précipitation M. Hunter lorsque votre comité a décidé de faire sa propre enquête.
Merci, monsieur le président. C'est tout ce que j'avais à dire. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, docteur Sharma. Nous commencerons par le sénateur Grafstein.
Le sénateur Grafstein: Pour nous aider ou tout du moins pour m'aider à comprendre cette question sous un angle différent, si vous voulez, et cela pourrait peut-être nous être à tous utile, commençons par nous intéresser à la Division de l'innocuité pour les humains. Vous avez parlé des doléances de certains membres, y compris vous-même, des doléances de ceux et celles qui appartiennent à des minorités visibles.
Monsieur le président, cela n'a pas de rapport direct avec l'objet de notre enquête, mais placer ces questions dans leur contexte pourrait peut-être nous aider à comprendre. Je vais essayer de le faire aussi brièvement que possible.
Combien de membres de la Division de l'innocuité pour les humains ont la responsabilité de décider de l'examen de certains renseignements scientifiques? Combien? Y en a-t-il beaucoup?
M. Sharma: Il n'y a que cinq professionnels et un chef de division.
Le sénateur Grafstein: Il y a les trois que vous avez mentionnés, vous trois et deux autres.
M. Sharma: Oui.
Le sénateur Grafstein: C'est le personnel scientifique qui évalue ces renseignements. D'une manière générale, ces évaluations de renseignements scientifiques font-elles l'objet de débats animés quant à l'efficacité d'un résultat scientifique donné relativement à l'innocuité? En d'autres termes, arrive-t-il qu'un des membres dénonce le danger que peut représenter un médicament en particulier et que les autres ne soient pas d'accord? Y a-t-il débat vigoureux au sein de la Division de l'innocuité pour les humains ou acceptez-vous simplement la conclusion scientifique d'un membre ou d'un des cinq?
M. Sharma: Nous sommes régis par les règlements et la Loi sur les aliments et drogues.
Le sénateur Grafstein: D'accord. Je comprends.
M. Sharma: Et nous sommes en contact permanent avec le restant du personnel, du personnel professionnel de la Division de l'innocuité pour les humains. Nous nous consultons mutuellement car nous ne pouvons être spécialistes dans tous les domaines.
Le sénateur Grafstein: Mais je suppose, et si je me trompe n'hésitez pas à me le dire, que chaque fois vous êtes saisis d'une recommandation d'approbation ou de désapprobation. Votre comité accepte alors cette recommandation si les preuves semblent irrésistibles dans un sens ou dans l'autre, ou ne l'accepte pas et dans ce cas, je suppose qu'il y a un débat scientifique vigoureux sur la qualité de la recherche ou sur je ne sais quoi d'autre. N'est-ce pas? J'essaie simplement de comprendre un peu mieux.
M. Sharma: Oui.
Le sénateur Grafstein: Maintenant, monsieur le président, cela n'a pas de rapport direct avec l'objet de nos travaux, mais il y a ici une déclaration troublante qui me semble inédite. Je renvoie notre témoin au dernier paragraphe de la deuxième page de sa déposition. Il dit qu'il ne s'agit pas simplement de la STbr, mais aussi, et je cite «... de nombreux autres médicaments, y compris les hormones et les antibiotiques dont l'innocuité avait été mise en doute par le docteur Chopra et tout le personnel scientifique de la Division de l'innocuité pour les humains [...]»
M. Sharma: Oui.
Le sénateur Grafstein: «Tous les scientifiques, y compris moi-même, avaient affirmé que la direction de Santé Canada nous avait fortement incités à autoriser sans vérification l'utilisation de ces médicaments [...]»
J'aimerais que vous me donniez quelques explications. C'est une accusation très grave. Il y a des médicaments ou des hormones ou des antibiotiques qui...
Le président: Excusez-moi, sénateur Grafstein, je ne voudrais pas vous freiner, mais cela nous embarque dans un domaine totalement différent qui n'a rien à voir avec notre enquête. Cette déclaration figure au dossier et vous pourrez y donner suite, si vous le souhaitez, dans un autre contexte.
Puis-je permettre au sénateur Kinsella d'intervenir avant de donner la parole au prochain témoin?
Le sénateur Kinsella: Je vous remercie, monsieur le président. Je me demande si le témoin peut récapituler ce qui s'est produit pour nous.
Qu'avez-vous constaté après le 3 mai 1999? Que s'est-il produit entre le 3 mai 1999 et août 1999, lorsque l'employeur a envoyé une lettre au docteur Chopra lui annonçant qu'il était suspendu de ses fonctions? Qu'avez-vous constaté? Que s'est-il produit?
M. Sharma: Je crois comprendre, sénateur, que le directeur a convoqué le docteur Chopra pour lui parler des déclarations qu'il avait faites à la presse. Le directeur l'a convoqué dans son bureau à quelques reprises et une réprimande écrite lui a été remise et versée à son dossier. C'était sans doute en avril ou en mai 1999.
Le sénateur Kinsella: Le témoin a comparu devant le comité de l'agriculture le 3 mai et la sanction disciplinaire a été imposée en août. Si l'employeur était intervenu auprès d'un témoin avant que celui-ci comparaisse devant un comité sénatorial, il y aurait atteinte au privilège parlementaire. Le comité essaie d'établir s'il y a eu dans ce cas atteinte au privilège parlementaire et si on a essayé d'influencer un témoin qui devait comparaître devant un comité parlementaire. Voilà ce que nous essayons d'établir. Voici les faits. Le 3 mai, le docteur Chopra a comparu devant le comité et il a fait l'objet de sanctions disciplinaires quelques mois plus tard, en août. Je veux savoir si cette sanction disciplinaire est une mesure de représailles qui a été prise à son endroit. J'aimerais savoir si vous avez entendu ou vu quoi que ce soit qui vous permettrait de nous aider à établir si c'est le cas.
À titre d'exemple, le sénateur Grafstein a attiré votre attention sur l'affirmation qui est faite à la page 2 de votre exposé. À l'avant-dernier paragraphe, vous mentionnez le fait qu'on a créé une nouvelle équipe interne d'analyse de la STbr sous la direction du docteur Alexander, mais vous ne précisez pas quand cette équipe a été constituée. Est-ce après la comparution du témoin devant le comité le 3 mai?
M. Sharma: Non, c'était avant.
Le sénateur Kinsella: Combien de temps avant? Est-ce avant la comparution du témoin devant le comité le 3 octobre 1998?
M. Sharma: Je le pense parce que lorsqu'on leur a demandé d'apporter des modifications au rapport d'analyse des lacunes et... Même avant cela parce qu'ils ont nommé deux autres personnes venant de l'extérieur du BMV.
Le sénateur Kinsella: Quelqu'un a-t-il parlé en termes négatifs devant vous du témoignage du docteur Chopra devant le comité sénatorial ou avez-vous entendu un SMA ou un directeur général ou qui que ce soit d'autre au ministère le faire?
M. Sharma: Non. J'ajouterai cependant, sénateur, que le harcèlement prend des formes subtiles. On ne vous dit pas directement ce qu'on va vous faire.
Le sénateur Kinsella: Oui, je comprends ce que vous dites. J'ai été commissaire aux droits de la personne pendant 23 ans, et je sais comment se manifeste le harcèlement fondé sur la race.
Nous devons cependant nous concentrer sur la question de savoir s'il y a eu atteinte au privilège parlementaire. Nous apprenons toutes sortes de choses choquantes, monsieur le président, mais nous devons nous concentrer sur la question dont nous sommes saisis.
Le président: Le témoin a bien fait remarquer que son opinion est subjective et qu'elle se fonde sur son interprétation du déroulement des événements. Il dit n'avoir vu aucun document ou n'avoir entendu aucune personne dire quoi que ce soit qui lui permette d'établir un lien entre la comparution du docteur Chopra devant le comité sénatorial de l'agriculture et la sanction dont il a fait l'objet. Je pense que c'est clair.
J'aimerais que nous passions à l'audition du témoin suivant, mais je ne veux pas empêcher qui que ce soit de poser des questions. Sénateur Corbin, vous avez la parole.
Le sénateur Corbin: On nous a dit qu'on peut harceler quelqu'un en le privant d'une promotion. Tant le témoin précédent, Mme Margaret Haydon, que ce témoin-ci ont dit qu'on les avait privés d'une promotion et qu'on était allé chercher quelqu'un de l'extérieur comme chef intérimaire et que cette personne avait ensuite été remplacée par une autre personne de l'extérieur.
Les deux témoins soutiennent que la division comptait des personnes ayant les qualifications voulues pour occuper ce poste. Ce témoin et certains de ses collègues sont même allés jusqu'à présenter une plainte à la Commission des droits de la personne, alléguant avoir fait l'objet de discrimination du fait qu'ils sont membres d'une minorité visible. Ce n'est cependant pas la question dont nous sommes saisis ce soir.
Le président: C'est juste.
Le sénateur Corbin: Pour ce qui est des promotions, est-il inhabituel, d'après votre expérience non seulement au sein de cette division, mais au sein d'autres services gouvernementaux, que la direction d'une division soit confiée à quelqu'un de l'extérieur? Fait-on nécessairement toujours appel à quelqu'un du service?
M. Sharma: Sénateur, nous ne contesterions pas une décision qui aurait été prise par un jury d'examen impartial. Nous pouvons nous mesurer à qui que ce soit. On ne nous a cependant pas donné la chance de nous présenter à un concours. Le docteur Alexander a simplement été nommé à son poste. La docteure Kelly Butler a été mutée et il n'y a pas possibilité d'appel. Nous ne pouvons même pas faire appel de cette mutation.
Le sénateur Corbin: Vous êtes convaincus d'avoir fait l'objet de discrimination parce que vous êtes des fauteurs de troubles?
M. Sharma: Tout à fait.
Le sénateur Corbin: Vous considère-t-on comme des fauteurs de troubles en raison des déclarations que vous avez faites devant un comité parlementaire?
M. Sharma: Oui, monsieur.
Le sénateur Beaudoin: À la page 3, vous dites que le docteur Lachance a refusé qu'il y ait un compte rendu officiel de la réunion. Y avait-il habituellement un compte rendu officiel? Une secrétaire était-elle chargée de prendre des notes?
M. Sharma: Il a refusé que la secrétaire établisse un procès-verbal ou que la réunion soit enregistrée. Nous avions réclamé l'une ou l'autre de ces mesures.
Le sénateur Beaudoin: L'une ou l'autre?
M. Sharma: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Et il a refusé?
M. Sharma: Oui.
Le sénateur Beaudoin: Beaucoup de personnes ont cependant assisté à cette réunion, n'est-ce pas?
M. Sharma: Oui, mais ce que je vous dis est ce dont je me souviens parce que nous avons ensuite établi des notes.
Le sénateur Beaudoin: Oui. J'essaie d'établir quelle importance revêt le fait qu'on a refusé qu'un procès-verbal de la réunion soit dressé. Vous estimez que cela constitue une injustice. Dresse-t-on habituellement un procès-verbal de ce genre de réunion?
M. Sharma: La démocratie le veut.
Le sénateur Beaudoin: Je ne suis pas contre la démocratie, bien au contraire.
M. Sharma: La démocratie veut qu'on puisse se reporter à ce qui a été dit au cours d'une réunion. Ce gestionnaire et certains hauts fonctionnaires de Santé Canada ne veulent cependant pas qu'on leur demande de rendre des comptes.
Le président: Je vous remercie, monsieur Sharma, d'avoir comparu devant le comité ce soir. Nous comprenons bien ce que cela a pu signifier pour vous.
Je demande maintenant à M. Gérard Lambert de bien vouloir s'avancer.
(M. Gérard Lambert prête serment)
Le président: Docteur Lambert, êtes-vous satisfait de l'engagement qui a été pris par le sous-ministre et que j'ai lu au début de la réunion?
M. Lambert, Bureau des médicaments vétérinaires, Snaté Canada: Oui.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Nous sommes prêts à écouter votre témoignage.
M. Lambert: Monsieur le président, je pourrais vous distribuer des exemplaires de mon exposé, mais il n'est qu'en anglais.
Le président: Cela ne pose pas de difficultés. Nous avons accepté que les deux témoins précédents nous présentent leur exposé en anglais seulement, mais vous pouvez certainement vous exprimer en français parce que nous avons l'interprétation simultanée.
M. Lambert: Je ferai ma déclaration en anglais, mais je peux répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
Le président: Veuillez commencer.
M. Lambert: Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs. J'ai accepté de comparaître devant le comité dans une lettre datée du 26 janvier 2000. Cette lettre était en réponse à la lettre du 16 décembre 1999 dans laquelle le sénateur Austin traitait des allégations faites par le docteur Shiv Chopra au sujet de sa comparution devant le comité le 7 décembre 1999.
Le docteur Chopra a soutenu que la suspension de cinq jours qu'on lui a imposée pour avoir participé à une conférence organisée par Patrimoine Canada en mars 1999 était liée au fait qu'il avait comparu devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts lorsque ce dernier étudiait la STbr. Il a aussi soutenu avoir fait l'objet de menaces et de représailles en raison de sa comparution devant le comité sénatorial.
De nombreuses questions m'ont été posées auxquelles j'ai répondu dans chaque cas par l'affirmative, sauf pour ce qui est des mesures disciplinaires. J'ai aussi fourni des preuves à l'appui des réponses que j'ai données.
Ce soir, je vous donnerai plus de précisions sur les réponses que j'ai données aux questions qui m'étaient posées. Les réponses portent sur ce qui s'est produit avant, durant ou après mon témoignage devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts le 22 octobre 1999 et le 3 mai 1999. Octobre...
Le président: Il s'agit d'octobre 1998.
M. Lambert: Oui, je m'excuse.
Question no 1: Avez-vous reçu, verbalement ou par écrit, des commentaires négatifs?
J'ai été affecté à l'étude portant sur la STbr le 1er décembre 1997. Je me suis porté volontaire pour participer à ce projet. Peu de temps après, deux de mes collègues, les docteurs R. Sharma et Vilim, ainsi que moi-même, avons été mutés à la Division de l'évaluation pharmaceutique, où nous devions aider à réduire l'arriéré dans l'étude des demandes.
Ma mutation est entrée en vigueur le 5 janvier 1998. J'ai été affecté à l'étude des demandes d'homologation de médicaments au sein de cette division, et je devais aussi poursuivre mon travail sur le projet concernant la STbr. L'histoire de la STbr a commencé avec la plainte déposée en décembre 1996 et qui a fait par la suite l'objet d'un arbitrage. L'arbitrage a échoué et un grief collectif a été déposé le 10 décembre 1997. On a répondu à ce grief collectif le 19 décembre 1997. Une plainte portant sur la mutation a été présentée à la Commission des relations de travail de la fonction publique le 22 décembre 1997.
Durant l'étude sur la STbr, j'ai aussi participé à l'examen d'une demande présentée à la Division de l'innocuité pour les humains, et des commentaires négatifs ont été faits à mon endroit par le docteur George Patterson, directeur général de la Direction des aliments, dans une note datée du 27 avril 1998.
L'ébauche du rapport sur la STbr a été terminée le 15 avril 1998. Le rapport final a été présenté au docteur Patterson le 21 avril 1998. Tous les membres du comité spécial sur la STbr du Bureau des médicaments vétérinaires se sont réunis le 6 mai 1998, et l'équipe d'examen de la STbr a alors demandé qu'on lui soumette des observations écrites. Trois gestionnaires, les docteurs Lachance, Landry et Yong, ont réclamé que certaines modifications soient apportées au rapport. Le docteur Lachance a terminé ses propos en disant qu'il fallait:
[...] assurer aux auteurs du rapport la crédibilité scientifique nécessaire pour leur permettre de poursuivre une carrière scientifique.
Le 26 mai 1998, lors d'une réunion à laquelle participait tout le personnel, le docteur M. Lachance, le directeur du BMV, a refusé qu'on enregistre les délibérations ou qu'on dresse un compte rendu de la réunion. On a présenté au personnel le rapport de la maison KPMG sur l'évaluation du milieu de travail et on a admis que ce rapport ne se fondait pas sur des faits, mais sur des impressions. Le docteur Lachance a présenté le plan d'action qu'il comptait mettre en oeuvre à l'issue du rapport KPMG et il nous a menacés, si nous refusions de lui accorder notre participation, de nous muter dans un autre service gouvernemental où l'on n'entendrait plus jamais parler de nous.
Le président: Je regrette de vous interrompre, docteur Lambert, mais faut-il comprendre qu'on vous menaçait de vous muter à moins que vous n'acceptiez ses révisions? Est-ce ce que vous voulez dire?
M. Lambert: Oui.
Le président: Qu'il a proposé des modifications ou une façon différente de procéder?
M. Lambert: Oui, il a fait un commentaire au cours de la réunion disant qu'il voulait que nous changions, mais il lui a refusé qu'on dresse le procès-verbal de la réunion.
Le président: Je vois. Je pense que c'est clair. Poursuivez.
M. Lambert: Le 26 mai 1998... Non, c'est terminé.
Le président: Vous parlez de la réunion du personnel.
M. Lambert: Lors de la réunion du personnel tenue le 2 septembre 1998 et qui portait sur la mise en oeuvre du plan d'action, le docteur Chopra a demandé qu'on nomme un facilitateur pour analyser le rapport de KPMG. Le docteur Lachance nous a dit que les choses suivaient maintenant leur cours et que si nous ne voulions pas collaborer avec lui, il pourrait être très rigide.
Dans une lettre en date du 18 février 1999 adressée au président du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, M. Dodge a soulevé la question des pressions dont font soi-disant l'objet les scientifiques pour approuver la STbr dont est saisie la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Il a écrit que, relativement aux allégations dont la commission est saisie, le président a conclu que les témoignages reçus par la commission n'ajoutaient pas foi à la plainte. La commission était saisie d'une plainte collective au sujet de la mutation d'une division du BMV à une autre division, en guise de représailles à la suite de notre grief. Ce n'était pas une conclusion au sujet de la question de la STbr.
Le 21 mai 1999, M. Dodge a envoyé un message à tous les employés après avoir témoigné devant le comité sénatorial de l'agriculture et des forêts le 13 mai 1999. Dans ce message, il essayait d'expliquer que trois allégations ne sont pas fondées d'après les conclusions auxquelles en sont arrivés les organismes indépendants de Santé Canada. Dans un cas, l'examen des quatre dossiers de médicaments a été fait sous contrat passé par Santé Canada, c'est ce qu'on appelle le rapport Dittberner, dont nous avons demandé un exemplaire depuis le 2 juin 1999. Ce rapport n'a été rendu public que vendredi dernier, soit le 18 février 2000, après des demandes répétées présentées à nos gestionnaires.
M. Dodge, dans le message en question, essayait de rabaisser les employés de Santé Canada qui avaient comparu devant le comité sénatorial, parce qu'un sénateur les avait qualifiés de héros.
Lors d'une réunion du personnel de la Direction générale des aliments tenue le 27 octobre 1999, M. Dodge a déclaré que les signataires de la pétition envoyée au ministre de la Santé avaient agi de façon non professionnelle et alarmiste. M. Dodge a été très grossier quand le docteur Chopra a pris le micro. Il l'a interrompu et ne l'a pas laissé finir son intervention.
Au cours de cette réunion du personnel, soit la réunion du personnel de la Direction générale des aliments, M. Dodge a déclaré que c'était là qu'il fallait soulever les problèmes et en discuter, mais il n'a pas laissé parler les gens.
Question no 2: Avez-vous eu l'impression qu'on désapprouvait votre comparution?
Dans un courriel reçu le 23 octobre 1998, un document intitulé: «Mise à jour sur la STbr» daté du 20 octobre de la même année, décrivait la stratégie que souhaitait adopter Santé Canada relativement au témoignage de scientifiques, au sujet de la STbr, devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, le 22 octobre 1998. Les sous-ministres ont exigé que le docteur Losos, sous-ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé, dirige les scientifiques qui devaient comparaître, qu'il soit invité ou non. Le SMA devait faciliter les questions et réponses et intervenir au besoin.
Question no 3: Avez-vous fait l'objet de mesures disciplinaires depuis votre comparution?
Je n'ai fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire depuis que j'ai témoigné devant le comité sénatorial.
Question no 4: Pensez-vous que des déclarations ou d'autres mesures découlent de votre comparution devant le comité?
J'ai reçu une lettre du docteur Paterson, en date du 22 avril 1999, faisant état d'un conflit d'intérêts parce que j'avais participé au comité d'organisation d'une tribune sur l'innocuité des aliments organisée par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et devant avoir lieu les 7 et 8 mai 1999 à Ottawa.
Question no 5: Estimez-vous que votre carrière a souffert de ces événements ou avez-vous vécu des craintes ou des suggestions de préjugé?
À la suite de mon témoignage, le 3 mai 1999, devant le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, une réunion de tout le personnel a eu lieu le 6 mai. Le docteur Lachance a annoncé que le poste de chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains avait été offert au docteur Alexander, de la Division de l'évaluation des produits pharmaceutiques pour une période de quatre mois, car le docteur Yong était détaché au Bureau des produits naturels.
Le 16 août 1999, le docteur Lachance a nommé la docteure Kelly Butler chef de la Division de la politique et des programmes, en utilisant la mutation comme instrument de dotation. Le docteur Paterson, directeur général, a reçu au moins huit plaintes portant sur la méthode du déploiement de la part du personnel du Bureau des médicaments vétérinaires. Santé Canada n'a pas encore donné suite à ces plaintes.
Le docteur Lachance a nommé la docteure Kelly Butler chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains du 20 septembre 1999 au 17 janvier 2000. Dans un courriel du 24 janvier, on annonçait que la Dre Kelly Butler continuerait d'occuper le poste de chef intérimaire de la Division de l'innocuité pour les humains pendant une autre période de quatre mois, soit du 17 janvier au 16 mai 2000.
Question no 6. Savez-vous personnellement si le Dr Chopra ou l'une des autres personnes qui a témoigné concernant la STbr ont fait l'objet de menaces, de représailles ou d'intimidation provoquées par leur témoignage?
Le docteur Chopra a été saisi du dossier qui portait sur la résistance aux antibiotiques lors d'une réunion du personnel le 27 novembre 1997 et, à ce moment, le docteur Paterson a déclaré qu'il siégerait au comité de la direction. À la réunion de la Division de l'évaluation pharmaceutique le 15 décembre 1999, ce sont le docteur Breton et la docteure Butler qui représentent maintenant le Bureau des médicaments vétérinaires.
La candidature de la docteure Haydon n'a pas été considérée pour le chef intérimaire de la Division de l'évaluation pharmaceutique, un poste vacant depuis la fin de juillet 1999 quand l'ancien chef a pris sa retraite.
Les docteurs Haydon et Chopra ont tous les deux reçu, du docteur Paterson, une lettre de conflit d'intérêts, datée du 22 avril 1999, en raison de leur participation au comité d'organisation d'une tribune publique de l'IPFPC sur l'innocuité des aliments, tandis que les autres membres du Bureau des médicaments vétérinaires, c'est-à-dire les docteurs R.S. Sharma et Vilim, qui siégeaient au même comité, n'ont pas reçu cette lettre.
En conclusion, je crois que la suspension de cinq jours du docteur Chopra était un prétexte pour intimider les autres scientifiques à Santé Canada.
Le président: Merci beaucoup, docteur Lambert, de nous avoir fait part de votre point de vue. Je vais poser la question standard: Est-ce que, en votre présence ou à votre connaissance, le docteur Chopra a fait l'objet de menaces écrites ou orales de la part de la direction du ministère, qui liaient toute sanction ou suspension à sa comparution devant le comité sénatorial de l'agriculture et des forêts?
M. Lambert: Je ne...
Le président: Est-ce que votre réponse est non?
M. Lambert: Non.
[Français]
Le sénateur Grimard: Monsieur Lambert, je vous remercie pour votre présentation. Je voudrais en venir au dernier paragraphe de votre déclaration, dans lequel vous dites:
[Traduction]
En conclusion, je crois que la suspension de 5 jours du Dr Chopra était un prétexte pour intimider les autres scientifiques à Santé Canada.
[Français]
Est-ce que je dois comprendre que ce n'est pas parce que le docteur Chopra avait témoigné devant le comité de l'agriculture et des forêts qu'il a été congédié, mais c'est pour intimider, comme vous le dites, les autres personnes qui travaillent avec lui.
M. Lambert: Si vous rappelez, durant...
Le sénateur Grimard: Vous pouvez me répondre en anglais.
M. Lambert: ... les témoignages au mois de mai 1999, ensuite il a paru trois fois devant le comité du Sénat, et c'est lui qui a parlé le plus durant ces témoignages au comité de l'agriculture. Et en réalité, il a ... quand j'avais à corriger, j'avais pas grand-chose à faire, lui avait beaucoup à faire parce qu'il a parlé beaucoup durant ces témoignages. Il a soulevé beaucoup de problèmes et, en réalité, il a été très mal vu de la haute direction.
Le sénateur Grimard: Oui, mais, monsieur Lambert, c'est vous qui dites que...
[Traduction]
[...] Je crois que la suspension de 5 jours du Dr Chopra était un prétexte pour intimider les autres scientifiques à Santé Canada.
[Français]
Je vous pose la question: donc cela veut dire que c'est pour cela, d'après vous, qu'il a été suspendu pendant cinq jours pour intimider les hauts employés?
M. Lambert: Pour ne pas que personne puisse avoir ... puisse témoigner comme il l'a fait, de façon très, on peut dire, très agressive.
[Traduction]
Le président: Docteur Lambert, voulez-vous dire parce qu'ils étaient témoins devant un comité parlementaire, ou voulez-vous dire pour lier l'intimidation à l'activité parrainée par le syndicat? C'était une activité de Patrimoine Canada.
M. Lambert: Oui, je crois qu'ils se sont servis de cette activité pour punir le docteur Chopra, mais il avait déjà comparu en tant que témoin devant des nombreux comités sénatoriaux sur la STbr auparavant.
Le président: Vous êtes donc d'avis qu'ils ont visé le docteur Chopra parce qu'il était un leader de certaines activités?
M. Lambert: Oui, mais c'est un homme au franc-parler également, et il n'a pas peur de dire les choses telles qu'il les voit et, pour la direction, cela est très difficile à contrôler.
Le président: Je comprends.
Le sénateur Grafstein: Encore une fois, j'essaie de comprendre l'ordre chronologique. M. Chopra a été suspendu à quelle date?
M. Lambert: Il a été suspendu du 18 au 24 août.
Le président: De 1999?
M. Lambert: Oui.
Le sénateur Grafstein: Nous savons quand il a comparu comme témoin, et c'était plus tôt que cela. Quand est-ce que la tribune publique de l'IPFPC a eu lieu?
M. Lambert: Les 7 et 8 mai 1999.
Le sénateur Grafstein: Les 7 et 8 mai 1999?
M. Lambert: Oui, 1999.
Le sénateur Grafstein: Avant sa suspension de cinq jours le 18 août -- et il y a eu un long laps de temps entre son témoignage et la suspension -- est-ce qu'il y avait d'autres exemples de franc-parler ou de leadership de la part du docteur Chopra qui n'avaient rien à voir avec les audiences mais qui auraient porté sur autre chose -- par exemple, ce dîner ou cet organisme? En d'autres mots, nous essayons d'établir un rapport de cause et d'effet. Je sais que c'est difficile. Pourriez-vous nous aider? En d'autres mots, il témoigne, et quelques mois plus tard, il est suspendu. Certaines choses qui semblent être pertinentes se sont déroulées dans l'intervalle. Pouvez-vous nous aider?
M. Lambert: En une occasion, on a empêché le docteur Chopra de participer à une réunion et il a reçu une lettre recommandée à ce sujet.
Le sénateur Grafstein: Il s'agissait d'une réunion publique?
M. Lambert: Oui. Pour la conférence de Patrimoine Canada, il était prévu à l'ordre du jour. Ils auraient pu l'empêcher d'assister à cette réunion s'ils le souhaitaient.
Le sénateur Grafstein: J'aimerais en revenir aux questions abordées par le sénateur Grimard.
Le président: J'aimerais établir la chronologie des événements. Lorsqu'il a témoigné, le docteur Chopra a déclaré que la direction avait justifié cette mesure disciplinaire, soit la suspension de cinq jours, par sa participation à la conférence de Patrimoine Canada, tenue les 25 et 26 mars 1999.
Le sénateur Grafstein: En mars? C'était quelques mois avant les audiences sénatoriales au cours desquelles il a témoigné.
Le président: C'était entre ses comparutions. La dernière fois qu'il a témoigné c'était en mai 1999.
Le sénateur Grafstein: C'est ma dernière question, monsieur le président, si vous le permettez.
Je suis sidéré de vous entendre dire que la suspension du docteur Chopra était un prétexte pour intimider d'autres scientifiques de Santé Canada et les empêcher de parler en public ou de dire la vérité. Qu'avez-vous conclu? Comment avez-vous conclu, en votre qualité de scientifique, que vous aviez peut-être fait l'objet d'intimidation? En quoi vous a-t-on intimidé?
M. Lambert: En m'empêchant de signaler les problèmes et d'en discuter. D'une certaine façon, ils voulaient essayer de fermer les yeux sur ces problèmes. Pour ce qui est de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, nous avons été tenus à l'écart de ce dossier car ils ont dit que nous n'avions pas le droit de savoir ce qui se passait. Ils ont fait des déclarations dans le cadre de la plainte devant l'OMC et nous ne pouvons pas étayer ces déclarations à l'interne, car certains renseignements sont classés pour nous permettre de donner notre avis si nous participions à ces comités. On va donc s'apercevoir qu'ils ont dit certaines choses qui ne sont pas classées dans nos dossiers. La direction ne veut pas que tout cela soit du domaine public. Elle ne veut pas que nous changions son évaluation finale. Dans certains cas, j'ai été directement concerné; j'ai participé à l'étude et la direction n'a pas suivi mes recommandations. C'est parce que le médicament est cancérogène et, lorsqu'un médicament risque de causer le cancer, on ne doit pas l'utiliser chez des animaux qui servent à l'alimentation. C'est pourquoi on a interdit l'utilisation d'un antibiotique chez les animaux destinés à l'alimentation au Canada
Personnellement, j'ai constaté au cours de l'examen que ce médicament peut être cancérogène et que les résultats quant à la date d'apparition des tumeurs étaient concluants. Toutefois, l'antibiotique a été mis à l'étude dans d'autres pays à la même époque -- par exemple, en Europe -- où il a été approuvé; au Canada et aux États-Unis cependant, nous ne l'avons pas approuvé car il était cancérogène. J'ai trouvé dans un autre dossier que ce médicament risque de provoquer un cancer, mais on ne fait rien pour donner suite à cette question. Si nous ne pouvons pas parler ouvertement de ces problèmes, les Canadiens sont dans de mauvais draps.
Le président: Sénateur Sparrow, avez-vous une question supplémentaire?
Le sénateur Sparrow: Je ne sais pas s'il s'agit d'une question supplémentaire.
Le président: Je donnerai donc la parole au sénateur Kinsella, qui a soulevé cette question de privilège.
Le sénateur Kinsella: À la page 3 de votre exposé, à l'avant-dernier paragraphe, vous parlez du message transmis le 21 mai 1999 par M. Dodge à tous les employés.
En avons-nous une copie dans notre documentation, monsieur le président?
M. Lambert: Elle se trouve dans mon classeur.
Le président: Oui, nous l'avons.
Le sénateur Kinsella: Qu'est-ce qui vous a choqué ou paru menaçant dans ce message?
M. Lambert: Il a signalé à tous les employés que nos allégations au sujet de la STbr ne sont pas fondées. C'était avant que la commission ne juge du bien-fondé de la plainte. Ce n'était pas un fait dont on a discuté. Il a interprété à sa façon la décision de la CRTFP et nous a fait passer pour des fauteurs de troubles qui se plaignaient pour rien.
Le sénateur Kinsella: Avez-vous lu le rapport Dittberner maintenant?
M. Lambert: Nous l'avons reçu au moment où nous préparions les documents pour l'audience du comité sénatorial.
Le sénateur Kinsella: Fournit-il des preuves à l'appui de votre position sur les faits scientifiques?
M. Lambert: Non. J'aimerais faire quelques observations au sujet de ce rapport. Il fait référence à trois produits pharmaceutiques: l'acétate de mélengestrol, le Revelor H et le Revelor S. J'ai certaines réserves à l'égard de l'acétate de mélengestrol.
Le sénateur Kinsella: Vous avez reçu un courriel le 23 octobre 1998, qui énonçait la stratégie que le ministère voulait que les scientifiques suivent lors d'une comparution devant un comité parlementaire. Est-ce que cette note contenait des directives, ou avez-vous reçu des directives par la suite, qui expliquaient que vous pourriez dire à titre de scientifique ou quelle sorte de témoignage vous ne pourriez pas donner à titre de scientifique?
M. Lambert: Cela s'est fait avant lors d'une réunion avec le Bureau du Conseil privé. On nous avait demandé de ne pas parler de la version intégrale de notre rapport à cette réunion parce que certaines parties de ce rapport avaient été supprimées. Toutefois, lorsque nous avons demandé aux avocats du Bureau du Conseil Privé si nous étions obligés de dire la vérité devant le comité, on nous a répondu oui, mais on nous a enjoints de ne parler que de la version révisée du rapport.
Le sénateur Kinsella: En fait, lors de votre comparution devant le comité sénatorial, est-ce que vous et vos collègues avez sciemment caché des informations qui auraient pu aider les sénateurs dans leur examen?
M. Lambert: Non, nous n'avons pas fait cela, parce que, au moment de notre témoignage, nous avions une version intégrale du rapport, tandis que dans le rapport abrégé nos recommandations semblaient être sans fondement parce que certains éléments clés de l'information avaient été supprimés.
Le sénateur Sparrow: Puis-je demander, monsieur le président, si le témoin craint que son ministère réagisse mal à son témoignage devant nous ce soir?
Avez-vous peur de vous faire imposer des mesures disciplinaires ou de vous faire harceler suite à cette audience?
M. Lambert: Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, on ne songe pas à nous ni pour les postes intérimaires ni pour les nouveaux postes au bureau, et je n'estime pas que cela va changer.
Le sénateur Sparrow: Les mesures prises dans le passé ont bloqué les promotions à certains postes ainsi que d'autres possibilités d'avancement au sein du ministère, et cela ne va pas améliorer la situation, mais pourrait l'aggraver; c'est ça que vous voulez dire?
M. Lambert: Oui, cela ne va pas améliorer la situation.
Le sénateur Rossiter: J'aimerais demander une petite précision. Que veut dire le mot «gaps»?
M. Lambert: Il s'agit des lacunes constatées dans la demande, des choses qui n'avaient pas été faites.
Le sénateur Rossiter: Que veut dire «GAPS»?
Le président: S'agit-il d'un sigle?
Le sénateur Rossiter: Cela veut dire «Gaps Analysis Report» en anglais.
Le sénateur Spivak: Il s'agit des lacunes dans l'analyse antérieure de la substance pharmaceutique. Il y avait tant de lacunes que -- comment pourrais-je l'expliquer -- qu'elle était presque en contradiction avec la loi, la Loi sur les aliments et drogues, et ce rapport devait examiner le processus. C'est dans ce contexte qu'on parle de lacunes.
Si vous le permettez, j'ai une question à poser.
Le président: J'aimerais simplement m'assurer que le docteur Lambert soit d'accord avec vous.
M. Lambert: Oui.
Le président: D'accord. Quelle est votre question?
Le sénateur Spivak: Ma question concerne la docteure Kelly Butler. Pourriez-vous me décrire les qualifications professionnelles de la docteure Butler? S'agit-il d'un homme ou d'une femme?
M. Lambert: Une femme.
Le sénateur Spivak: C'est une femme. Quels sont ses antécédents et ses qualifications professionnelles? A-t-elle les compétences voulues pour évaluer le processus d'approbation des médicaments?
M. Lambert: À mon avis, elle ne faisait pas partie de la Division de l'innocuité pour les humains. Elle n'a pas d'expérience de travail dans l'étude de l'innocuité pour les humains des médicaments à usage vétérinaire. Elle n'a aucune expertise dans le domaine, mais on peut nommer n'importe qui pour une période de quatre mois sans possibilité de recours ou d'appel; on ne peut rien faire.
Le sénateur Spivak: Quels sont ses antécédents? Est-elle spécialiste en productivité? L'est-elle en gestion?
Le sénateur DeWare: Est-ce qu'elle détient un doctorat?
M. Lambert: Non, elle était à la tête d'une autre...
Le sénateur Spivak: Une autre direction?
M. Lambert: Une autre direction.
Le sénateur Spivak: Quels sont ses antécédents? Quel diplôme détient-elle, quelles sont ses qualifications professionnelles?
M. Lambert: Elle détient un diplôme en médecine vétérinaire.
Le sénateur Spivak: En médecine vétérinaire?
M. Lambert: Oui.
Le président: Docteur Lambert, je vous remercie pour le travail que vous avez effectué afin de préparer ce mémoire et votre témoignage. J'aimerais également remercier la docteure Haydon et le docteur Sharma pour leur travail et pour le temps qu'ils ont consacré à la préparation de ces mémoires.
La séance est levée.