Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 3 novembre 1999
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, en conformité du paragraphe (5) de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada, se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour étudier le décret autorisant certains transporteurs aériens majeurs et certaines personnes à négocier et à conclure toute entente conditionnelle.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui le président et chef de la direction de Canadien International, M. Benson. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous espérons avoir avec vous une discussion franche et ouverte. Lorsque vous aurez terminé votre exposé, je suis sûre que bien des sénateurs auront des questions à vous poser. Je prie M. Benson de présenter ses collègues.
Le sénateur Forrestall: Peut-on nous expliquer pourquoi des représentants d'Air Canada ne sont pas présents?
La présidente: La semaine dernière, nous avons contacté Canadien International et Onex. Les représentants d'Air Canada ont demandé que l'on change la date de leur comparution en raison des événements d'hier. M. Milton a des réunions d'affaires aujourd'hui et souhaite comparaître personnellement devant notre comité. Il sera parmi nous la semaine prochaine.
Le sénateur Kirby: Madame la présidente, ils comparaîtront donc la semaine prochaine. Je sais que nous avons toujours eu pour principe de faciliter les choses aux témoins qui nous ont proposé, lors de notre premier contact avec eux, de venir à un autre moment. Je sais que c'est ce que nous avons fait pour Canadien International. Nous l'avons fait aussi pour M. Schwartz. En réalité, je suis sûr que nous l'aurions fait dans le cas d'Air Canada s'ils l'avaient demandé plus tôt.
Cependant, il importe de faire savoir que M. Milton, le président d'Air Canada, a critiqué l'examen parlementaire de cette question à maintes reprises depuis deux ou trois semaines. À vrai dire, je peux vous en citer deux exemples. Alors qu'il témoignait la semaine dernière devant le Comité des transports de la Chambre des communes, M. Milton a dit qu'étant donné l'importance que revêtait la question des 10 p. 100 pour la restructuration actuelle de l'industrie, il faudrait discuter de la chose d'une manière complète et approfondie. Il a noté en outre que l'on pouvait raisonnablement se demander si les Canadiens auraient suffisamment de temps pour présenter leurs points de vue et si le Parlement disposerait d'assez de temps pour les examiner avant la date prévue du 26 novembre qu'a proposée le ministre.
Dans une entrevue publiée le 30 octobre 1999 dans le Toronto Star, M. Milton a déclaré:
La décision appartient au Parlement et je puis vous dire que les parlementaires sont stupéfaits de voir ce qui se passe.
Franchement, ce n'est pas le procédé qui me stupéfie, mais je suis abasourdi de voir que quelqu'un qui publiquement attaque le processus parlementaire, les ministres, les députés et les sénateurs manifeste ensuite un manque total de respect pour le processus en annulant à la dernière minute une comparution prévue devant notre comité, de sorte qu'il ne viendra pas témoigner avant qu'ait lieu le vote des actionnaires.
Sauf erreur, lors d'une conversation avec le greffier du comité, M. Milton a déclaré qu'il devait rencontrer les sociétés actionnaires et qu'il devait s'acquitter d'obligations envers le milieu des affaires. C'est peut-être vrai ou pas. Les médias m'ont dit qu'en fait, il allait leur donner des entrevues cet après-midi, y compris à Radio-Canada. C'est une insulte au Parlement et à notre comité que d'estimer qu'il importe davantage de rencontrer les médias et de donner des entrevues télévisées que de comparaître devant le comité avant que les actionnaires ne votent lundi.
Il doit comparaître pour répondre à nos questions et pour nous expliquer pourquoi il a tant critiqué le processus parlementaire auquel nous participons tous.
Même si je me rends compte, madame la présidente, que nous sommes impuissants à y remédier, il convient de noter que notre comité, et je parle surtout en mon nom, ne voit pas d'un bon oeil cette annulation de dernière heure, surtout pour une raison qui semble relativement suspecte.
Des voix: Bravo!
La présidente: Sénateur Kirby, vous pourrez transmettre votre message à M. Milton lui-même lorsqu'il comparaîtra devant le comité.
Le sénateur Kirby: Soyez certaine, madame la présidente, que je ferai plus que cela.
La présidente: Nous allons maintenant entendre le témoignage des représentants de Canadien International.
M. Kevin E. Benson, président et chef de la direction de Canadien International: Madame la présidente, je suis accompagné aujourd'hui de M. Stephen Markey, premier vice-président, Affaires générales et gouvernementales; et de M. Scott Bradley, directeur, Relations gouvernementales.
Madame la présidente, j'ai fourni au comité un exposé écrit. Avec votre permission, je vais pendant quelques minutes vous donner un aperçu de certains des points essentiels de notre mémoire.
Il a fort été question récemment des problèmes qui confrontent Canadien International et en particulier des efforts que nous avons déployés pour attirer des capitaux à long terme. J'aimerais dire malgré tout, madame la présidente, que ce n'est pas Canadien International mais la structure de l'industrie qui est le véritable problème.
J'admets très volontiers que le rendement de Canadien International n'est pas satisfaisant depuis neuf ou dix ans. Mais en vérité, celui d'Air Canada ne l'a pas été non plus. Si l'on compare le rendement d'Air Canada depuis cinq ans à celui des gros transporteurs américains, sa marge d'exploitation représente environ la moitié de la leur. En fait, jusqu'à ce que le ministre n'offre en août dernier la possibilité de recourir à d'autres solutions, les actions d'Air Canada ont baissé de 14 p. 100 de leur valeur au cours des cinq dernières années, comparativement à une augmentation moyenne de 300 p. 100 du cours des actions des transporteurs américains. À nous deux, Air Canada et Canadien International, nous avons réussi sur le plan de l'exploitation, à perdre environ 2,5 milliards de dollars dans les années 90 pendant une période où bien des transporteurs américains obtenaient d'excellents résultats. Il est évident qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Cependant, lorsqu'on envisage les changements et les décisions qui pourraient être pris pour rectifier cet état de choses, il importe de reconnaître que trois défis assez exceptionnels s'appliquent à notre industrie au Canada: il s'agit des défis que posent la géographie, le duopole et la saisonnalité.
Le Canada couvre une surface géographique immense avec une population relativement clairsemée. Il s'ensuit donc, du point de vue des lignes aériennes, que les marchés sont restreints. La proximité de la frontière américaine et les trois corridors démographiques où habitent les Canadiens -- 90 p. 100 de la population est répartie sur une superficie de 150 milles, soit 30 minutes d'heure de vol à partir de la frontière des États-Unis -- aggravent le problème. Il en résulte que la plupart des vols nationaux s'effectuent d'est en ouest à l'intérieur du Canada, ce qui rend très difficile aux lignes aériennes d'atteindre la masse économique essentielle à une plate-forme centrale payante.
Le deuxième défi est le duopole qui résulte de la façon dont Canadien International et Air Canada exploitent leurs lignes depuis bien des années. Les deux principaux transporteurs circulent sur 82 p. 100 des principales liaisons au Canada. Aux États-Unis, seulement 45 p. 100 des liaisons seraient desservies par plus d'un transporteur principal. La situation empire si l'on considère que 80 p. 100 des vols décollent en moins de 10 minutes l'un de l'autre. À vrai dire, du point de vue des consommateurs, les vols sont plus nombreux mais pas les choix.
Cette crise s'est aggravée par la récente évolution des alliances internationales. Souvent, lorsqu'un transporteur canadien ne dessert pas directement un marché, il préfère acheminer ses passagers à bord d'un transporteur étranger plutôt que de recourir aux services d'un autre transporteur aérien canadien. Il s'ensuit donc qu'un tiers seulement des passagers internationaux du Canada quittent l'Amérique du Nord à bord d'un transporteur canadien, soit Air Canada ou notre ligne. Si l'on pouvait hausser ce chiffre à 50 p. 100, nous pourrions engendrer des revenus de 800 millions à un milliard de dollars qui resteraient au Canada.
Le troisième défi est la saisonnalité. Nous n'avons tout simplement pas beaucoup de destinations hivernales au Canada. Par conséquent, environ les deux tiers de notre chiffre d'affaires se fait dans les quatre ou cinq mois d'été. Évidemment, on a des sièges excédentaires pendant les huit autres mois. On offre pendant cette période d'énormes rabais et des soldes de places qui entraînent d'énormes pertes pour les lignes aériennes pendant ces mois-là.
Comme je le disais plus tôt, les années 90 ont été extrêmement éprouvantes pour l'industrie. Elles ont mis en danger les ressources canadiennes. Nous nous trouvons vraiment à l'heure actuelle à un point critique. On m'interroge constamment sur la position financière de Canadien et sur notre aptitude à survivre. Pour pouvoir répondre à cette question, il faut savoir si nous pourrons répondre à nos besoins de trésorerie au cours des 12 prochains mois, ce qui dépend énormément des réservations et les ventes de billets que nous pourrons enregistrer pendant cette période. Dans notre industrie, où le bilan de santé d'une compagnie aérienne dépend essentiellement de la confiance qu'ont ses clients dans cette santé, il ne faut qu'un pas pour passer de santé à trépas.
Nous devons agir immédiatement pour apporter les changements qui feront renaître la confiance dans les lignes aériennes et dans toute l'industrie au Canada. Pour le moment, le temps est notre pire ennemi.
Je crois que Air Canada reconnaît également que l'industrie doit subir une transformation majeure. Des discussions approfondies avec Air Canada au cours du premier trimestre de cette année nous ont montré à nous deux les avantages qui résulteraient de la fusion des deux compagnies aériennes pour tous les groupes intéressés, c'est-à-dire les actionnaires, les employés et le public voyageur. La seule différence entre nous deux, madame la présidente, tient peut-être aux moyens à prendre pour y parvenir.
Au début de l'année, nous avons invité Air Canada à discuter plus ou moins en détail de la possibilité d'une fusion amicale. Même si je crois qu'en principe Air Canada était d'accord avec toutes les conditions essentielles proposées, alors que les négociations étaient pas mal avancées, Air Canada a exigé un énorme montant au comptant dans le cadre de la transaction. C'est ce qui en fin de compte a mis un terme aux discussions.
Par la suite, Air Canada a tenté de régler les problèmes de l'industrie en offrant d'acheter les liaisons internationales de Canadien tout en refusant de dire pour quelle raison la compagnie avait fait cette offre. Nous croyons qu'un des obstacles à une discussion franche et honnête avec Air Canada était la Loi sur la concurrence. C'est pourquoi nous avons demandé au ministre de chercher à trouver des façons de faciliter les échanges pouvant être à l'origine de solutions novatrices aux problèmes complexes auxquels nous étions confrontés. Nous estimons qu'en invoquant l'article 47, le ministre a fait preuve de courage et de perspicacité et les offres d'Onex et d'Air Canada qui ont suivi en prouvent le mérite.
Je voudrais maintenant dire quelques mots au sujet des propositions. Je tiens à bien insister sur le fait que jusqu'à maintenant, nous n'avons pas reçu d'offre officielle de la part d'Air Canada. Nous avons approuvé la seule offre que nous ayons reçue et qui provenait de Onex.
Nous appuyons toujours cette proposition. Nous estimons que le plan d'Onex répond aux principales questions que se posent les trois groupes intéressés. Il apporte 750 millions de dollars de mise de fond à l'industrie. Il traite carrément et d'une façon équitable et honnête des pertes d'emplois. Une fois mis en oeuvre, ce plan créera de nouvelles possibilités d'emploi et de nouveaux services. Malheureusement, certains des avantages de cette offre ont été estompés ces dernières semaines par pas mal d'information erronée concernant le rôle que jouerait American Airlines tant à l'égard de Canadien International que de la nouvelle AIRCO.
Du point de vue canadien, je dois dire que nos rapports avec American Airlines ont été extrêmement positifs. En outre, American Airlines n'a aucune possibilité de limiter les vols de Canadien en lui disant où et quand ils peuvent avoir lieu. L'American Airlines n'a un droit de regard que lorsque nous utilisons ses codes, c'est-à-dire lorsque nous appliquons ses codes à nos vols.
On a prétendu que l'offre d'Onex entraînerait un contrôle américain de notre industrie. Nous avons bien fait remarquer la semaine dernière que ces tactiques alarmistes étaient répréhensibles. La nouvelle offre d'Onex le prouve.
Je le répète, nous attendons toujours de recevoir une offre officielle d'Air Canada. Lorsque nous la recevrons, j'espère qu'elle répondra à un certain nombre de questions importantes, dont certaines ont des ramifications assez significatives.
Nous avons des questions relatives à l'emploi. Nous craignons que les compressions éventuelles ne soient bien supérieures au chiffre de 2 500 donné dans le communiqué.
Nous avons des questions en matière de litiges. Nous ne comprenons pas comment le processus pourrait se dérouler quand Air Canada a annoncé au départ son intention de proposer aux créanciers et aux fournisseurs une valeur inférieure au marché. C'est là à notre avis une invitation à des litiges longs et pénibles qui menaceraient l'avenir de la compagnie.
Nous avons des questions concernant l'efficience. Je le répète, le marché au Canada est restreint et nous ne voyons pas comment trois compagnies aériennes assorties de trois sous-marques pourront répondre aux exigences de l'efficience internationale.
Il y a aussi des questions qui pourront dérouter le public voyageur. Les gens voudront savoir le lieu de départ et d'arrivée des vols, la correspondance avec d'autres liaisons et quelles lignes aériennes internationales sont des transporteurs associés. Le tableau est loin d'être clair du point de vue du consommateur.
Madame la présidente, l'occasion nous est donnée de régler bien des questions qui confrontent notre industrie et de procéder d'une façon qui, à notre avis, sera avantageuse pour tous les Canadiens. Dans tous les énoncés ronflants des semaines écoulées, il est quelquefois facile d'oublier l'objectif que l'on vise soit d'assécher le lac et non de s'y noyer.
L'industrie ne tourne pas rond. Elle est mal en point et elle est confrontée à une crise. Pour trouver la solution qui s'impose, j'exhorte chacun d'entre vous à mettre de côté ses préférences personnelles et à s'attacher à résoudre les questions fondamentales qui se posent à nous.
Nous sommes fermement en faveur d'une seule compagnie aérienne nationale desservant l'ensemble du pays et jouissant d'une part respectable du marché international. L'offre d'Onex nous donne l'occasion d'y parvenir et nous implorons le Sénat d'appuyer les changements législatifs requis pour son aval.
Le sénateur Forrestall: Je tiens à faire miennes les remarques du sénateur Kirby. Nous sommes un peu troublés, étant donné les courts délais dont nous disposons pour traiter de cette question.
Vous avez répondu à une question qui me tracasse depuis quelque temps. Il est possible que vous en ayez parlé dans votre exposé et que je ne l'ai pas remarqué. Air Atlantic m'est particulièrement chère et, en fait, du temps où cette campagne était un transporteur régional, j'étais alors administrateur et petit actionnaire.
J'ai toujours été d'avis que les difficultés que rencontre Canadien International depuis 10 ans environ, et même à l'heure actuelle pour ce qui est d'obtenir de nouveaux capitaux, étaient des problèmes «provoqués» qui pourraient être résolus. D'après moi, toutes ces difficultés reposent malgré tout sur une solidité financière fondamentale. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on considère Canadien International comme la victime de ce remaniement et de cette restructuration généralisée. Il m'a toujours semblé que la structure financière d'Air Canada était beaucoup moins solide. J'ai pensé que cette compagnie avait reçu plus d'argent pour sa flotte continentale qu'on ne lui a attribué. Si l'on retire cet élément du tableau, Air Canada est loin d'être dans une situation financière aussi solide qu'on pourrait le croire.
Auriez-vous l'obligeance de me dire si, d'après vous, Air Canada est financièrement solide et bien mieux gérée ou potentiellement mieux gérée que Canadien International? Auriez-vous présenté une offre pour acheter Air Canada?
M. Benson: On peut répondre à cette question de bien des façons.
Lorsqu'on envisage la situation financière et le montant de la dette que nous avons et qu'a Air Canada, il faut tenir compte du fait que ce n'est pas tellement le montant total de la dette qui est en jeu, mais l'aptitude à assurer le service de cette dette. Si l'on envisage le rendement d'exploitation qui détermine l'aptitude à assurer le service de la dette, dans ce cas, sous l'angle des coûts, les nôtres sont considérablement inférieurs à ceux d'Air Canada.
Cependant, le rendement, soit la moyenne des tarifs en vigueur, est beaucoup plus élevé dans l'Est que dans l'Ouest. En fait, il est presque du double pour les parcours de courte durée. Il ne fait aucun doute que Air Canada occupe une position dominante sur le marché de l'Est. Par conséquent, le rendement soit les recettes par voyageur-mille est considérablement plus élevé que le nôtre, également. Bien que j'aimerais beaucoup pouvoir dire le contraire, la situation financière d'Air Canada à l'heure actuelle est considérablement plus solide que la nôtre.
Pour ce qui est de la gestion, nous sommes fiers de la compagnie que nous dirigeons. Nous avons une équipe fantastique. Tous ceux qui ont voyagé à bord de nos avions au cours des derniers mois, qui ont fait vivre à tous nos employés beaucoup de stress et d'inquiétude, se sont peut-être demandé si les employés justement étaient au courant de la situation tellement le niveau de service était élevé.
L'an dernier, Air Canada a reçu un prix attestant qu'elle est l'une des meilleures compagnies aériennes du monde. Nous devons donc convenir qu'elle fait elle aussi un assez bon travail.
Je vais répondre à la question au sujet de notre capacité de faire une offre à Air Canada. Comme je l'ai dit, nous avons rencontré Air Canada au début de l'année et nous lui avons alors indiqué que la fusion de nos deux compagnies aériennes présentait de grands avantages. Ses dirigeants ont fait des études et ont convenu que c'était le cas. Nos discussions ont finalement été rompues parce qu'ils craignaient les répercussions de la fusion sur leur bilan financier. Nous n'avions vraiment pas le capital nécessaire pour présenter l'offre qu'il aurait fallu.
En encourageant Onex à voir les choses comme nous, nous pensions pouvoir répondre à la préoccupation financière d'Air Canada. Si un investisseur avisé était prêt à faire une offre avantageuse du simple fait qu'elle entraînerait la hausse du prix des actions, cela rassurerait Air Canada et les actionnaires. C'est pourquoi nous avons encouragé Onex à envisager cette possibilité. De notre côté, nous n'avions pas les ressources voulues.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous discuté de gestion avec Onex, dans l'éventualité où son offre serait acceptée?
M. Benson: Nous en avons discuté brièvement. Nous avons discuté au début de la personne qui dirigerait la nouvelle compagnie. À mon avis, et M. Schwartz était d'accord avec moi, dans une opération de fusion, à moins qu'il y ait une grande différence de qualité entre les deux compagnies -- ce qui n'est pas le cas, d'après moi --, il faut que le PDG de la nouvelle compagnie encourage tout le monde à le suivre avec confiance. C'est ce que j'ai cru dès le début. Par la suite, tout ce qu'Onex a dit à ce sujet, et qui a été approuvé par American, c'est que l'équipe serait composée des meilleurs dirigeants des deux compagnies.
Le sénateur Forrestall: S'il n'y a pas de fusion, avez-vous une idée de la date à laquelle vous ne pourrez plus assurer l'exploitation de l'entreprise?
M. Benson: Non. Je n'ai pas de date en tête parce que si nous fixions une date, ce serait une façon de provoquer notre fin. Le simple fait de déterminer à quel moment nous n'aurions plus les moyens de fonctionner entraînerait immédiatement la dégringolade de notre système de réservation.
Quand nous avons fait nos prévisions pour 12 mois en fonction des résultats du dernier trimestre, prévisions qui ont été rendues publiques il y a une semaine à peu près, nous avons indiqué qu'à la fin du premier trimestre et au début du second trimestre de la prochaine année, il y aurait des moments où nous n'aurions pas assez de liquidités pour respecter nos obligations. American Airlines nous a remis une lettre d'assurance, dans laquelle elle annonce qu'elle accepte que nous reportions certains paiements pour réussir à traverser cette période.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais maintenant parler de l'équipement au moment de la fusion. Vous êtes satisfaits des 737 et Air Canada est aussi satisfaite des DC-9 qu'elle utilise. J'aurais aimé pouvoir demander à des représentants d'Air Canada quel est l'âge de ses 747-100 et pendant encore combien d'années ils pourront servir parce qu'ils sont en service depuis assez longtemps. À quoi les Canadiens peuvent-ils s'attendre de la fusion pour ce qui est de l'équipement?
Ensuite, il faut aussi penser au coût de remplacement des aéronefs. Serait-il difficile de réunir les capitaux nécessaires pour remplacer l'équipement au cours des 10 prochaines années?
M. Benson: Certains éléments sont ressortis de notre étude sur la nouvelle compagnie. D'abord, il faudrait très rapidement commencer à éliminer progressivement un certain nombre de vieux aéronefs. La flotte des DC-10 serait rapidement retirée, tout comme celle des DC-9.
Canadien exploite de façon très efficace une flotte de petits jets, des F-28 qui comptent 55 sièges. Cependant, ce sont de vieux avions et il faudra s'occuper tout particulièrement de les rénover et de les moderniser. Les 737 ont énormément servi. Ce sont de très bons avions. Leur fiabilité est excellente. Je pense même qu'Air Canada a reconnu publiquement, au sujet de son offre, qu'elle songeait à utiliser des 737 comme transporteurs à faible coût. WestJet utilise des 737-200, qui sont d'excellents avions.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Benson, vous avez parlé des difficultés financières de votre compagnie, et aussi de celles d'Air Canada, par rapport aux compagnies américaines. Si on remontait cinq années en arrière, que feriez-vous différemment? Êtes-vous d'avis qu'il est tout simplement impossible d'avoir deux grandes compagnies aériennes au Canada?
M. Benson: Aux problèmes que posent la géographie, la population et la superficie du pays vient s'ajouter le fait que les quatre ou cinq plus importants transporteurs au monde, dont les plaques tournantes se trouvent dans six centres métropolitains situés juste au sud de notre frontière, à une heure d'avion, sont prêts à rivaliser avec nous pour attirer de la clientèle. Je pense qu'il est vraiment très peu probable que deux transporteurs d'envergure puissent fonctionner de façon rentable et efficace.
Si je remontais cinq ans en arrière, je me demanderais pourquoi je n'ai pas entamé le processus dès ce moment-là, dans la mesure où les problèmes auxquels nous sommes confrontés auraient été reconnus.
Le sénateur Callbeck: S'il y a fusion ou restructuration, les Canadiens se demandent si le prix des billets va changer. D'après les témoins que nous avons entendus jusqu'ici, la portée de l'article 66 de la Loi sur les transports devrait être élargie. Quel est votre avis à ce sujet?
M. Benson: J'ai un avis à ce sujet et je pense que M. Schwartz en a un encore plus précis. Je crois qu'il a pris des engagements à cet égard. Les deux compagnies aériennes sont actuellement structurées de façon à exploiter un réseau. Ce réseau est axé sur le voyageur qui paie le plein tarif, le client d'affaires. Ainsi, un vol qui est censé partir à 8 heures du matin va décoller à l'heure même s'il n'y a que huit ou neuf passagers à bord, parce que notre service est axé sur le client qui paie le plein tarif. Nous ne pouvons nous permettre d'offrir un service de qualité moindre que les autres compagnies aériennes parce que les consommateurs choisiront une autre compagnie qui leur offre plus de choix.
Nous essayons de vendre les places qui restent à rabais même si le prix auquel nous les vendons ne nous permet pas de rentrer dans nos frais. Il reste que nous devons récupérer ces coûts en augmentant le prix des billets plein tarif. C'est pourquoi il y a constamment des augmentations de tarif.
Cependant, le coût moyen par siège-mille n'augmente pas parce qu'on donne d'une main ce qu'on essaie de gagner de l'autre.
Je crois fermement que la capacité de planifier un réseau en fonction des besoins, et non pas en fonction des besoins et de la concurrence, permet d'offrir le même produit, avec plus de choix, des vols plus fréquents et des meilleurs tarifs. Nous en sommes conscients et je pense qu'Onex sait très bien qu'il est possible de baisser les prix pour augmenter le trafic.
M. Schwartz a garanti qu'il n'y aurait pas d'augmentation de prix, et c'est très faisable, même qu'il pourrait y avoir des réductions à certains endroits.
Le sénateur Callbeck: Il a garanti qu'il n'y aurait pas d'augmentation pendant cinq ans.
Pour revenir à l'article 66, pensez-vous que la portée de cette disposition devrait être élargie et renforcée?
M. Benson: Est-il question ici de réglementer davantage?
Le sénateur Callbeck: Si j'ai bien compris, on peut réduire les augmentations déraisonnables apportées au plein tarif sur les liaisons qui font l'objet d'un monopole. Comme vous l'avez dit, 90 p. 100 des gens achètent des billets à rabais.
M. Benson: Personnellement, je m'y opposerais. Il y a cinq autres compagnies aériennes au Canada, et je pense qu'elles vont connaître une croissance. Elles ont très peu contesté l'offre. Une d'entre elles parle déjà d'augmenter ses activités pour répondre aux débouchés qui vont s'offrir. Je ne crois pas que ce soit nécessaire et je pense que le temps le prouvera.
Le sénateur Roberge: J'aimerais parler des discussions sur la fusion avec Air Canada. Vous avez dit qu'Air Canada avait exigé un paiement en espèces de 1,7 milliard de dollars et insisté sur le fait qu'American Airlines accuse d'énormes pertes financières. Voulez-vous apporter des précisions là-dessus?
M. Benson: Évidemment, on a parlé de toutes parts de l'escompte qu'American Airlines pourrait offrir pour faciliter la réalisation de la transaction.
J'aimerais répéter qu'American Airlines avait des droits. Elle avait des actions privilégiées d'une valeur d'environ 350 millions de dollars. Ces actions devaient lui assurer un rendement nécessitant un paiement de plus de 500 millions de dollars. Elle avait également un contrat de services de 20 ans avec Canadien. Évidemment, elle voulait aussi récupérer certains coûts initiaux et avait prévu des pénalités à payer en cas d'annulation de contrat. Cette année, ces coûts représenteraient en moyenne un montant supplémentaire de 500 millions de dollars.
Si la transaction devait rapporter à American 500 millions ou 1 milliard de dollars, nous savions qu'il fallait nous assurer qu'elle n'aboutisse pas. Assez tôt dans le processus, nous l'avons indiqué à American et nous lui avons signalé qu'elle devait être prête à réduire ces montants d'une façon ou d'une autre.
Elle a offert qu'Air Canada lui verse environ 450 millions de dollars pour l'annulation de tous les contrats et tous les autres montants. On lui a répondu qu'elle devait radier la totalité des montants, même celui de 450 millions de dollars, et qu'il faudrait aussi payer 1,7 milliard de dollars de plus pour que la transaction se réalise.
American Airlines n'était pas prête à le faire. Personne d'autre n'avait les reins assez solides.
Le sénateur Roberge: Par la suite, on vous a fait une offre pour vos liaisons internationales.
M. Benson: Oui.
Le sénateur Roberge: Pouvez-vous nous donner des précisions là-dessus?
M. Benson: Le 22 ou le 23 juin, Air Canada nous a envoyé une offre. Elle proposait d'acheter nos liaisons internationales; elle offrait de reprendre nos flottes de 747 et de 767 à la valeur de la dette en cours, quelle qu'elle soit. Elle offrait aussi d'embaucher les pilotes de ces avions ainsi que les employés qui travaillaient à bord de ces avions dans différentes villes du monde. Nous n'en avons pas beaucoup, mais Air Canada proposait de les embaucher. Elle se laissait le choix de décider si elle allait embaucher d'autres employés, comme les agents de bord ou d'autres groupes d'employés. Elle demandait aussi d'obtenir les pièces des aéronefs. Elle proposait de nous verser 400 millions de dollars pour tout cela, plus 150 millions de dollars pour les pièces et le simulateur et d'autres choses qui venaient avec cela.
Nous avons étudié sa proposition à partir de trois critères. Nous nous sommes demandé, premièrement, si cette somme réglerait nos problèmes financiers à venir, deuxièmement, si cette somme représentait la juste valeur des biens vendus et, troisièmement, si la compagnie aérienne qui serait ainsi créée serait viable ou si elle ne finirait tout simplement pas par disparaître. Nous avons conclu, d'après les informations que nous avions, que la réponse à toutes ces questions était négative.
Le sénateur Roberge: Aux trois questions?
M. Benson: Oui. En fait, selon les hypothèses mises de l'avant, nous aurions des liquidités pour neuf à 18 mois. Par conséquent, cela ne réglait pas le problème. Pour ce qui est de la juste valeur des biens vendus, les flottes de 767 et de 747 valent environ 210 à 220 millions de dollars actuellement, soit plus que ce qui était offert; à notre avis, nous ne recevions pas un montant juste dans ce cas non plus.
Le sénateur Roberge: Et au sujet du montant offert pour les liaisons?
M. Benson: Les 400 millions de dollars?
Le sénateur Roberge: Non, pour les liaisons seulement. Par exemple, vous faisait-on une offre pour toutes les liaisons que vous avez actuellement?
M. Benson: C'était tout compris dans le prix.
Le sénateur Roberge: C'est une offre à rabais.
M. Benson: En fait, on aurait vendu le secteur de l'entreprise qui était vraiment rentable. Nous ne pouvions voir comment nous aurions pu continuer de fonctionner.
Air Canada était convaincu, d'après ses hypothèses, que nous étions rentables. Je crois comprendre que c'est ce qu'elle a dit aux représentants du ministère des Transports.
Nous avons demandé de rencontrer ses représentants pour examiner ses modèles et ses hypothèses, et ils hésitaient beaucoup à nous rencontrer sans obtenir certaines protections. À mon avis, ils craignaient que nous portions atteinte à la Loi sur la concurrence. Je ne connais pas les raisons précises. On ne nous les a pas données. Ils ont refusé de nous rencontrer à ce moment-là sans avoir certaines protections.
À un moment donné, ils ont indiqué qu'ils consentaient à ce que des représentants du Bureau de la concurrence participent aux discussions. Nous ne pouvions accepter d'entamer un processus qui pourrait durer 12 à 33 mois compte tenu du temps dont nous disposions, surtout qu'Air Canada nous demandait dans son offre de cesser toutes nos discussions et nos négociations sur les capitaux à long terme pendant le processus. Nous avons répondu que nous ne pouvions faire cela.
Le sénateur Kirby: Madame la présidente, j'aimerais avoir des éclaircissements.
Les liaisons internationales peuvent-elles être vendues? Ces liaisons sont accordées par le gouvernement et, si vous ou toute compagnie ne parvient pas à assurer les services pendant une période donnée, ces liaisons sont automatiquement redonnées à la Couronne. Je ne pensais pas qu'elles pouvaient être échangées entre compagnies aériennes une fois accordées par le gouvernement. Ai-je tort ou raison?
M. Benson: Je crois que vous avez raison, sénateur. Des liaisons ont été vendues et échangées aux États-Unis à quelques reprises. Je ne crois pas qu'on l'ait déjà fait au Canada.
Le sénateur Kirby: Autant que je sache, ce n'est jamais arrivé au Canada.
J'aimerais savoir pourquoi on vous a offert 400 millions de dollars pour un bien que vous ne pouviez pas vendre de toute façon?
M. Benson: Nous aurions pu lui vendre les aéronefs et l'équipement. Nous aurions pu organiser le transfert des employés et nous aurions aussi pu nous engager à ne pas assurer ces liaisons. En n'offrant pas le service pas, nous aurions été assujettis à la politique selon laquelle on peut nous retirer ces liaisons si nous ne respectons pas notre engagement. Nous aurions probablement pu faire indirectement ce qui ne semble pas pouvoir se faire directement.
Le sénateur Kirby: Cela serait possible dans la mesure où il n'y a qu'un autre acheteur potentiel. Si l'on veut respecter les règles de la concurrence, je ne comprends pas pourquoi vous avez tous les deux présumé que, si vous n'assuriez pas ces liaisons, il serait normal de les transférer à Air Canada. Ces liaisons devraient peut-être être données à WestJet ou à une compagnie de nolisés. C'est intéressant d'apprendre que deux entreprises privées négociaient la vente d'un bien qu'elles ne possèdent pas. C'est nouveau.
La présidente: Est-ce un commentaire?
Le sénateur Kirby: Oui.
Le sénateur Roberge: Pour poursuivre sur le même sujet, n'auriez-vous conservé que les lignes intérieures?
M. Benson: Oui.
Le sénateur Roberge: Ce service de lignes intérieures aurait-il été viable?
M. Benson: À notre avis, non. Le moment où l'argent viendrait à nous manquer varie en fonction de certaines hypothèses. Les passagers qui se rendent à l'étranger à bord de nos avions voyagent aussi avec notre compagnie à l'intérieur du pays. Ils peuvent se rendre de Toronto à Ottawa et à Vancouver avant de prendre un avion pour une destination étrangère. Serions-nous en mesure de conserver les revenus de ces vols intérieurs ou les perdrions-nous au profit du transporteur acheminant les passagers à l'étranger? Comme je l'ai dit, cela représente un revenu supplémentaire d'environ 350 à 400 millions de dollars par année. Tout dépend pendant combien de temps vous avez des fonds.
Le sénateur Roberge: Quel est le montant total de votre dette actuellement?
M. Benson: Selon notre bilan financier, la dette est de l'ordre de 800 millions de dollars.
Le sénateur Roberge: Quelle est-elle indépendamment du bilan?
M. Benson: Il faudrait évaluer le contrat de location-acquisition de chacun des aéronefs, mais elle se situe probablement autour de 2,25 milliards de dollars.
Le sénateur Roberge: Qui en est le bailleur?
M. Benson: Il y a différents bailleurs. Dans certains cas, il s'agit de contrats de location et, dans d'autres, de contrats de crédit-bail.
Le sénateur Roberge: Est-ce que l'autre partie de votre dette, celle du bilan, est détenue par des institutions?
M. Benson: Une partie importante des obligations que nous avons émises il y a quelques années sont garanties, mais d'autres ne le sont pas. Elles ont été émises en dollars américains et sont évaluées à environ 400 millions de dollars. Elles sont détenues par divers fonds de pension ainsi que des fonds institutionnels et financiers.
Le sénateur Roberge: Vous aurait-il été possible de renégocier une entente avec American Airlines pour étaler la dette ou obtenir plus d'argent?
M. Benson: Nous n'avons pas de dette envers American Airlines. Dans le cadre de la réorganisation de notre base financière, en 1996, nous avons demandé à American Airlines de réduire de 33 p. 100, pendant quatre ans, les montants que nous lui versons aux termes de son contrat, ce qu'elle a accepté de faire. C'est toujours le cas aujourd'hui; on parle d'environ 250 millions de dollars par année.
[Français]
Le sénateur Poulin: Les réponses que vous nous avez données démontrent énormément de respect envers les membres de la compagnie qui n'ont pas pu comparaître devant nous aujourd'hui.
[Traduction]
Pour faire suite à ce que le sénateur Kirby a dit, j'aimerais vous signaler que tous les sénateurs représentent des régions différentes, que beaucoup d'entre nous ont des formations professionnelles différentes et représentent différents groupes minoritaires de la société. Nous espérons pouvoir, ensemble, grâce à nos travaux et au temps que nous consacrons à cette étude, pouvoir contribuer à la politique nationale sur la restructuration de l'industrie aérienne. Votre témoignage d'aujourd'hui est extrêmement important pour nous.
Au début de votre exposé, vous nous avez dit que l'industrie ne tourne pas rond pour trois raisons: la saisonnalité, la géographie et le duopole, et vous avez expliqué chacun de ces aspects. Beaucoup de Canadiens ont l'impression que la situation est attribuable au fait que Canadian Airlines est au bord de la faillite.
J'aimerais donc revenir en arrière. Même si nous avons lu toutes les notes d'information, et nous vous remercions pour tous les renseignements que votre compagnie a fournis, pourriez-vous nous brosser le tableau de Canadian Airlines aujourd'hui, et nous dire quel serait l'impact d'une faillite?
M. Benson: Nous sommes aujourd'hui la compagnie aérienne qui a le plus de potentiel, mais nous avons besoin d'aide pour le réaliser.
J'aimerais commencer par répondre à la deuxième partie de votre question et j'essaierai de revenir à la première par la suite. L'impact d'une faillite d'une compagnie aérienne est assez tragique pour tout le monde; c'est évident pour les employés et les investisseurs, mais c'est aussi tragique pour les consommateurs. Il s'agit de penser à ce qui se passe lorsqu'il y a une grève pour avoir une bonne idée de ce qui arrive quand une compagnie aérienne fait faillite.
En partant, il y aurait pénurie de places sur pratiquement tous les vols. Cette pénurie se poursuivrait, d'après nous, pendant 15 à 18 mois. Air Canada ne pourrait pas, par exemple, reprendre les flottes de 767 et de 747. Il y a les créanciers. Les créanciers pourraient décider d'utiliser les avions ailleurs dans le monde. Ce sont des biens facilement transportables. Toute l'opération peut prendre deux ou trois mois. Souvent, les appareils sont gardés en location à l'étranger et les bailleurs étrangers ne réagissent pas rapidement. Il y a un aéronef d'une compagnie sud-américaine qui est resté stationné à Toronto pendant quelque temps. C'est un exemple classique.
Même si Air Canada ou une autre compagnie aérienne pouvait obtenir un avion, il faudrait ensuite s'occuper de rendre la cabine de pilotage et les cuisines conformes. Si l'avion arrive, disons, de Rome, il faut pouvoir monter de la nourriture à bord, et les chariots ne seront pas conformes pour les cuisines.
La restructuration d'une compagnie aérienne peut coûter normalement 3 à 5 millions de dollars américains. En même temps, il faut commencer à former des pilotes. Même si Air Canada voulait embaucher 100 de nos pilotes, ces pilotes commenceraient au bas de l'échelle. Ils commenceraient à piloter les plus petits avions d'Air Canada. Chaque groupe de pilotes reçoit une nouvelle formation. C'est ce qu'on appelle une formation en pyramide, et cela prend du temps. Ce n'est pas rapide. Pendant ce temps, il y a tout simplement pénurie de places. C'est une situation catastrophique.
Si on examine ce qui s'est passé dans le cas d'Eastern Airways, pour ce qui est des liaisons qu'elle assurait et des tarifs aériens pendant les 18 à 24 mois qui ont suivi sa faillite, on voit vraiment -- même dans un pays où il y a cinq ou six grosses compagnies aériennes -- quel est l'impact d'une faillite. C'est traumatisant pour tout le monde. C'est pourquoi, selon nous, c'est le dernier recours, et il faut tout tenter pour l'éviter.
Les gens insistent beaucoup sur les différences entre Canadien et Air Canada. Nous misons sur le service. Nous l'avons toujours fait. Nous avons une réputation bien établie à ce sujet. En Asie, nous sommes considérés comme l'une des meilleures compagnies aériennes au monde.
Vous avez parlé plus tôt de mon respect pour Air Canada. Je pense que cette entreprise fait du bon travail. Je pense que c'est un grand défi pour un PDG de fusionner ces deux entreprises pour créer la meilleure compagnie aérienne au monde. C'est un défi que j'adorerais relever mais je n'aurai probablement pas à le faire. De grandes possibilités s'offrent à nous. J'espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Poulin: Les Canadiens des différentes régions nous disent que ce qui compte le plus pour eux, c'est la sécurité, le service et qu'on offre des prix abordables. Quand vous venez du Nord de l'Ontario, ce sont trois facteurs très importants. À cet égard, une fusion entraînant la présence d'un seul transporteur national est quelque chose d'inquiétant. Selon vous, qu'est-ce qui va arriver aux compagnies aériennes régionales?
M. Benson: Le plan que M. Schwartz a proposé prévoit clairement la fusion des deux filiales des grandes compagnies aériennes. Il est clair que, si on regroupe deux bassins de consommateurs, vous pouvez améliorer les liaisons que vous assurez. En fait, on peut aussi utiliser de plus gros avions et augmenter la fréquence des vols. Ce sont des possibilités que nous n'avons plus. Par exemple, depuis l'an dernier, Air Canada et Canadien utilisent en sous-traitance un avion Beech de 19 places pour des liaisons. Nous l'avons fait parce que les gens exigent qu'il y ait des vols fréquents. Nous ne voulons pas avoir moins de vols que les autres. Nous avons des vols aux mêmes heures, mais aucune des deux compagnies ne pouvait remplir des avions de 34 places pour toutes ces liaisons. Je pense qu'il n'y aura plus six vols par jour, mais quatre, et qu'on utilisera des avions plus gros.
Pour ce qui est de la sécurité et du service, ces deux éléments vont s'améliorer à mon avis. Quand on utilise un avion plus gros, dont toutes les places sont occupées, le coût moyen par place est réduit. On a la possibilité de veiller à ce que les tarifs n'augmentent pas comme on le prévoit. Il est aussi possible, bien que j'aie des doutes, de réduire le tarif brut sans réduire le tarif moyen.
Le sénateur Poulin: Quand le ministre des Transports est venu nous rencontrer, il nous a exposé ses intentions pour le nouveau millénaire. Pour lui, l'industrie aérienne canadienne doit être saine et sécuritaire, être détenue et contrôlée par les Canadiens, servir toutes les régions du Canada en offrant des tarifs équitables et être en mesure de concurrencer les plus grosses compagnies aériennes du monde.
D'après votre expérience de l'industrie aérienne, si vous étiez ministre des Transports aujourd'hui et que vous deviez atteindre tous ces objectifs, quelles sont les exigences ou les conditions que vous fixeriez pour une compagnie devant être le seul transporteur national au Canada?
M. Benson: Je ne suis pas certain d'être qualifié pour répondre à cette question.
D'abord, le ministre s'attaque à beaucoup de problèmes qui doivent être réglés. Il a demandé qu'on examine des questions concernant le service, les prix, la sécurité et la fréquence. Certaines assurances ont déjà été données.
J'ajouterais à cela seulement un élément, et c'est la rapidité de décision. Cette opération touche beaucoup de gens. Il y a 40 000 personnes directement en cause dans l'industrie, et on peut probablement doubler ce chiffre si on tient compte des gens dont le gagne-pain dépend de l'industrie d'une façon ou d'une autre. Il y a aussi 26 millions de Canadiens qui se demandent ce qu'on va décider. J'ajouterais seulement la rapidité de décision aux enjeux qui sont déjà sur la table.
Le sénateur Poulin: Il est certain qu'il essaie de nous faire accélérer les choses.
Le sénateur LeBreton: Monsieur Benson, vous avez dit dans votre exposé ne pas avoir reçu d'offre d'Air Canada, mais seulement d'Onex. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi c'est le cas? Et vous attendiez-vous à recevoir une offre d'Air Canada?
M. Benson: Air Canada a annoncé, il y a deux semaines, qu'elle avait l'intention de présenter une offre à Canadien, à 2 $ l'action. Au même moment, Air Canada a présenté sa vision des choses. Elle a alors annoncé qu'une offre serait envoyée par le courrier dans les deux semaines. Il faut du temps pour réunir la documentation, obtenir la liste des actionnaires d'une entreprise et envoyer les documents par la poste.
Ce que je voulais dire, c'est que nous n'avons pas encore reçu ce document. En attendant, il y a évidemment d'importantes questions qui se posent.
Le sénateur LeBreton: Je ne veux pas paraître méfiante mais, compte tenu de l'offre d'Onex et de la situation de votre entreprise, il est certain qu'une compagnie comme Air Canada devrait présenter une offre, surtout dans ce contexte. Je ne peux m'empêcher de me demander si elle n'attend tout simplement pas que Canadien fasse faillite.
M. Benson: Je ne peux spéculer là-dessus. Je ne peux que vous exposer les faits tels qu'ils se présentent.
Onex a présenté une offre que nous approuvons. Nous estimons qu'elle répond à tous les problèmes importants. Nous trouvons qu'elle offre aux trois actionnaires des avantages importants par rapport à la situation actuelle. Mon opinion à l'égard de l'offre d'Onex est motivée par le fait que l'entreprise a bien saisi la valeur de l'employé dans l'industrie et qu'elle s'est engagée à assurer sa protection dans les années à venir.
En vertu du contrat que j'ai signé avec Onex, je suis tenu de ne pas solliciter d'autres offres. En revanche, à titre de chef de la direction de Canadien, je dois honorer ma responsabilité fiduciaire qui est d'examiner à fond toute autre offre reçue. Je dois toutefois attendre de la recevoir et, pour l'instant je n'ai rien reçu.
Le sénateur LeBreton: Avez-vous consulté les actionnaires de Canadien? Quel est leur rôle actuellement?
M. Benson: Les actionnaires de Canadien ont probablement moins d'attentes depuis trois ou quatre ans. Pour eux, c'est une occasion d'affaire. Cette occasion semble leur plaire et ils veulent pouvoir en profiter.
C'est une des raisons pour lesquelles nous approuvons l'offre d'Onex. Elle donne aux actionnaires le droit de recevoir la moitié au comptant et l'autre moitié en actions de la nouvelle compagnie. D'après ce qu'ils nous ont dit, les actionnaires approuvent l'offre d'Onex. Nous devons les rencontrer lundi après-midi prochain pour savoir ce qu'ils en pensent.
Le sénateur LeBreton: Est-ce que toute la transaction, la négociation et les annonces dans les journaux ont un effet direct sur les consommateurs ou les consommateurs potentiels? Tout cela a-t-il nui à votre capacité de promouvoir la compagnie et de vendre des billets et des forfaits pour le Sud?
M. Benson: Pas jusqu'à maintenant. Au contraire, notre part totale du marché a légèrement augmenté -- pas de beaucoup, mais c'est quand même une amélioration. Je ne peux insister suffisamment sur la contribution incroyable de tous nos employés. Nos employés veulent offrir le meilleur service et je pense que cela paraît.
Le sénateur LeBreton: Cela peut peut-être aussi être interprété comme un vote de confiance de la part de la population.
M. Benson: Je serais heureux qu'il y ait des indications en ce sens.
Le sénateur Watt: J'aimerais vous poser des questions sur le Nord. Vos rapports avec Canadian North -- qui était, dans un sens, la même compagnie -- sont-ils restés les mêmes?
M. Benson: Je crois que les rapports sont excellents des deux côtés. Les représentants de cette entreprise vont vous rencontrer à un moment donné j'imagine, et ils pourront alors vous donner leur point de vue.
Les relations sont bonnes des deux côtés. Les passagers apprécient le service. Nous pensons que ces relations vont s'intensifier avec la nouvelle compagnie.
Le sénateur Watt: Si Canadien International faisait faillite, quel en serait l'impact sur Canadian North?
M. Benson: Dans ce cas, la compagnie devrait concurrencer d'autres transporteurs dans le Nord qui entretiennent peut-être des liens étroits avec Air Canada. Je crois que ce serait très néfaste pour elle. Nous comptons sur son apport tout comme elle compte sur le nôtre.
Le sénateur Watt: Ce serait dans quels secteurs -- la gestion et la flotte aérienne?
M. Benson: Nous offrons un certain nombre de services, comme des services de pilotage et de manutention. Ces services sont importants, mais ils ne sont pas essentiels. Ce qui est essentiel à sa santé financière, c'est la clientèle. Si les clients prennent un avion pour se rendre dans une ville qui n'offre pas de correspondances, on va attirer moins de clients.
Le sénateur Watt: Canadien International a-t-elle encore des intérêts financiers dans Canadian North?
M. Benson: C'est une coentreprise.
Le sénateur Watt: Pouvez-nous dire comment se répartissent les actions de cette coentreprise?
M. Benson: Vous devriez probablement poser cette question à ceux qui connaissent bien la situation. C'est une entente de coopération; nous fournissons des services. Nous avons un contrat de cinq ans. Nous fournissons certains services de bord aux termes d'un contrat de deux ans. Nous offrons aussi certains services de manutention au sol. Il y a aussi un centre de liaison, qui permet d'offrir des tarifs aériens uniques aux passagers qui font escale à différents endroits et voyagent à bord d'avions de différentes compagnies.
Le sénateur Perrault: Le Canada a deux grandes compagnies aériennes. Elles répondent bien aux normes internationales et se comparent favorablement aux transporteurs américains. J'ai voyagé par avion pour aller assister à des parties de baseball l'hiver et je n'ai pas trouvé l'expérience très drôle. Je me suis senti bousculé. D'après moi, la qualité des services de certains transporteurs américains diminue, mais je ne m'attends pas à ce que vous fassiez de commentaire. J'imagine que cela reflète la nature très concurrentielle de cette industrie. Ce ne fut pas un voyage très agréable, sans compter qu'on a aussi perdu mes bagages au retour.
L'idée d'avoir une seule compagnie aérienne est assez attrayante. Qantas est le seul transporteur international de l'Australie et elle offre un bon service. La compétition est toutefois assurée parce qu'elle doit concurrencer d'autres compagnies aériennes dans le monde. Le marché intérieur est servi par de plus petites compagnies aériennes.
Est-ce un modèle valable? Moi, je le trouve intéressant. Je suis assez vieux pour me rappeler de l'époque où le CP a obtenu des droits sur les vols intérieurs. Ces affreuses boîtes à lunch que TCA servait ont disparu en moins de dix jours. Tout à coup, il y a eu de la concurrence, et la compagnie n'a plus servi ce genre de repas.
Votre compagnie offre un excellent service de vol. En fait, j'ai un billet de votre compagnie dans ma poche. Est-il avantageux d'avoir un seul transporteur aérien ambitieux au Canada sur la scène internationale?
M. Benson: Oui. Cependant, comme je l'ai déjà dit, la population du Canada est assez restreinte. Nous devons concurrencer cinq grandes compagnies aériennes aux États-Unis -- ce qui n'est pas le cas de Qantas -- installées juste au sud de la frontière. La plupart de ces compagnies ont des plaques tournantes à une heure de vol de nos grands centres urbains.
Le scénario idéal est celui selon lequel il y a un seul transporteur pour les liaisons internationales et nationales. Cette compagnie assurerait tous les services. Elle offrirait aux consommateurs fréquence, choix, service de qualité, tout ce qu'une compagnie aérienne d'envergure offre, en laissant d'autres transporteurs assurer des services sur certaines liaisons. Certaines pourraient le faire à l'échelle nationale, d'autres pourraient se concentrer à l'ouest, à l'est, au centre du Canada ou simplement sur les liaisons transcontinentales. Les bases de ce service existent. Les transporteurs lorgnent le marché dans l'éventualité où l'occasion se présenterait.
Le sénateur Perrault: Vous feriez concurrence sur le plan national à WestJet Airlines, n'est-ce pas?
M. Benson: Oui, à WestJet, Royal et Canada 3000.
Le sénateur Perrault: Ce sont des compagnies de nolisés, mais elles pourraient offrir des vols réguliers, n'est-ce pas?
M. Benson: Oui. C'est déjà le cas.
Le sénateur Perrault: On se demande si la nature concurrentielle de l'industrie n'avantage pas les voyageurs.
M. Benson: Si le statu quo était une option, c'est l'orientation que nous choisirions tous. Mais le statu quo, tel que nous le concevons, n'est absolument pas une option. Il faut intervenir de façon musclée, et c'est ce que fait l'offre d'Onex.
Le sénateur Perrault: Selon l'ancien sénateur Ian Sinclair, qui a déjà dirigé le CP, il était impossible que Pacific Western achète CP parce que sa dette était trop importante. Une bonne partie de cette dette avait d'ailleurs été accumulée pendant qu'il était à la tête de l'entreprise.
Pensez-vous que c'était impossible dès le départ?
M. Benson: La réflexion est toujours utile. Il n'y a pas de doute que notre industrie est très cyclique. Pour assurer la rentabilité d'une entreprise de cette nature, des capitaux importants sont requis. Il est clair, d'après notre bilan, que nous n'en avons jamais eu dans les années 90.
Le sénateur Perrault: J'espère que vous allez réussir à conclure cette entente. Je suis monté à bord d'avions de chasse de la guerre froide et je ne veux pas répéter l'expérience.
Le sénateur Kirby: Monsieur Benson, j'aimerais avoir certaines précisions au sujet des réponses que vous avez données aux questions de mes collègues ainsi qu'au sujet de ce que vous avez dit dans votre exposé. Vous avez dit qu'en ne mettant pas l'accent d'abord sur la rationalisation et en annonçant qu'elle avait l'intention de présenter aux créanciers et aux fournisseurs une offre inférieure à la valeur du marché, Air Canada ouvre la porte à de longs et pénibles litiges.
Je pensais avoir tout lu la documentation que j'avais reçue. Ce n'est peut-être pas le cas, ou peut-être que vous avez des informations que je n'ai pas. Je ne savais pas qu'Air Canada avait l'intention de présenter aux créanciers et aux fournisseurs une offre inférieure à la valeur du marché. Que voulez-vous dire?
M. Benson: Je parle du communiqué de presse et de certaines des déclarations publiques qu'a faites Air Canada il y a deux semaines, lorsqu'ils ont annoncé l'offre. À ce moment-là, ils ont annoncé leur intention de tenter d'obtenir des compromis des créditeurs dans le cadre de leur stratégie pour faire avancer les choses.
Le sénateur Kirby: Les créditeurs de Canadien International seulement, pas ceux d'Air Canada.
M. Benson: Si vous faites une offre aux actionnaires ordinaires, leur paierez-vous ce qui est considéré comme la pleine valeur marchande du moment pour leurs actions, pour ensuite négocier un compromis avec les gens qui se considéreraient comme prioritaires en matière de distribution par rapport aux actionnaires ordinaires? Comment y arriver sans menacer les emplois? C'est cela qui est inquiétant.
Le sénateur Kirby: Cela répond à ma question. Il avait été question de perte d'emplois chez Canadien.
J'aimerais revenir à votre réponse à la question que vous a posée le sénateur Roberge à propos de ce qui devait advenir d'AMR -- American Airlines --, selon les discussions préliminaires qui ont eu lieu entre vous et Air Canada au printemps dernier.
Je comprends la proposition qui avait été faite. Vous avez expliqué pourquoi elle avait paru inacceptable à American Airlines à ce moment-là. Qu'est qu'il advient exactement d'American Airlines selon la proposition actuelle d'Air Canada?
M. Benson: Nous n'avons pas de réponse à cette question. Encore là, c'est le genre de précisions qui pourraient être dans la proposition détaillée. American Airlines a certains droits de conversion en actions ordinaires.
Le sénateur Kirby: Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas faire cela.
M. Benson: Tout dépend de ce que fera la société mère. Cependant, il restera encore à déterminer si cela pourra s'appliquer à la société exploitante.
Ils ont indiqué qu'alors qu'ils rencontreront les créditeurs et tenteront d'obtenir des compromis sur les montants qui leur sont dus, American Airlines participera aux négociations à titre d'actionnaire privilégié. Cependant, nous n'avons pas les réponses à ces questions.
Dans les premières discussions avec Air Canada, il avait été question de coprésidence avec American Airlines, d'adhésion de la nouvelle compagnie aérienne à oneworld, et de la possibilité que la nouvelle compagnie combinée puisse obtenir les services de Sabre sans avoir à payer d'amende pour l'annulation de l'ancien contrat.
Honnêtement, nous n'avons pas réussi à complètement nous entendre sur tous ces points pour savoir où cela se ferait.
Le sénateur LeBreton: Par conséquent, à l'époque, ils ont bien discuté de la possibilité de faire partie de l'alliance oneworld. Air Canada n'y voit pas d'inconvénient, n'est-ce pas?
M. Benson: Oui, ils ont parlé de oneworld.
Le sénateur Kirby: Et de Sabre?
M. Benson: Oui, de Sabre aussi.
Le sénateur Roberge: Dans l'offre d'Air Canada, il est question de partenariat entre Delta, et non pas American Airlines, avec Canadien International, si Canadien International existe encore. Est-ce que c'est juste?
M. Benson: Oui. Il reste beaucoup de questions, et nous ne pouvons nous fonder que sur des déclarations publiques et des communiqués de presse. Aussi, l'un des cadres supérieurs a signalé qu'ils sont disposés à nous permettre de continuer de partager, ou de fonctionner avec les membres de oneworld. Je n'ai pas la moindre idée de la manière dont ça été formulé. Comme je le disais dans mes observations préliminaires, c'est plutôt déroutant. Qui est membre de quoi? Si je voyage sur Canadien International, est-ce que les points que j'obtiens peuvent être utilisés sur Lufthansa, British Airlines, United, ou quoi? C'est assez déroutant et, par conséquent, cela nous préoccupe.
Le sénateur Roberge: C'est peut-être la raison pour laquelle ils ne sont pas ici pour répondre à ces questions.
Le sénateur Kirby: Vous avez mentionné les conséquences de la faillite de Canadien International et, notamment, un manque de places. Vous avez parlé de ce qui est arrivé aux tarifs aux États-Unis lorsque Eastern Airlines est tombée. Vous avez dit que c'est ce qui arriverait si votre compagnie devait faire faillite.
Les médias ont beaucoup spéculé que l'offre d'Air Canada a été formulée de manière à rendre la faillite de Canadien International sinon inévitable, du moins hautement probable. Je reconnais qu'ils ne vous ont pas fait d'offre formelle et que, par conséquent, vous n'êtes pas beaucoup plus renseigné que nous, mais avez-vous une idée du degré de probabilité de la faillite Canadien International, d'après l'offre d'Air Canada?
M. Benson: Non, je n'en ai aucune idée. Je ne peux que répéter que je dois me fier à ce que j'ai en main. J'ai une offre d'Onex. C'est une bonne offre, qui semble régler les problèmes clés. Une autre chose qui m'inquiète tout autant est le temps. Le temps est contre moi, et peut-être contre d'autres aussi.
Le sénateur Kirby: J'ai deux questions, qui se rapportent toutes deux à l'enjeu difficile de la politique gouvernementale relative à la concurrence. À l'examen des témoignages que nous avons reçus, deux choses deviennent claires. La première, en ce qui touche, la politique gouvernementale, est que le pays aura une compagnie aérienne dominante. La question, c'est est-ce que nous y arriverons par le biais d'une fusion ou d'une faillite? La deuxième question est la suivante: une fois que nous avons une compagnie aérienne dominante, comment assurer une concurrence adéquate pour que les consommateurs reçoivent un bon service et que la position du transporteur dominant ne lui permette pas d'en abuser?
Selon la proposition d'Air Canada, les consommateurs continueront de tirer parti de la concurrence sur les tarifs et le service à tous les niveaux; qu'Air Canada et Canadien ne seront pas fusionnées; que les compagnies aériennes fonctionneront comme des entités distinctes qui offriront des choix et des marques distincts. Ils soutiennent clairement dans leur documentation que la concurrence persistera même si les deux compagnies aériennes appartiennent à la même société.
Je sais que je donne l'impression d'être contre Air Canada, mais ce n'est pas le cas. Je suis client d'Air Canada depuis longtemps. Ce comité a demandé à plusieurs témoins, dont des représentants de la Canadian Association of Airline Passengers, de l'Association des consommateurs du Canada et du Bureau de la concurrence s'ils connaissaient des cas de sociétés mères qui sont propriétaires de deux filiales et où ces deux filiales se font une concurrence valable. Jusqu'ici, personne n'a pu donner de tels exemples. En auriez-vous un dans l'industrie aérienne? Est-ce que nous nous trompons ou est-ce qu'en réalité, deux compagnies aériennes appartenant aux même personnes ne peuvent pas se faire concurrence?
M. Benson: Il n'y a pas que cela. Air Canada a signalé son intention de rationaliser rapidement les vols entre les deux transporteurs -- autrement dit, d'éliminer les places inutiles.
Le sénateur Kirby: Ce qui, à votre avis, est un objectif nécessaire?
M. Benson: Il faut absolument le faire. Nous devons être efficients et nous devons pouvoir être concurrentiels à l'échelle internationale. La question qui se pose est celle-ci: pourquoi ne pas réduire les frais généraux?
Le sénateur Kirby: Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux, alors, fusionner les compagnies aériennes, puisque d'après ce que vous dites elles ne se feront pas concurrence -- ce qui, en passant, est exactement ce que nous ont dit les autres témoins? Avez-vous une idée de la raison pour laquelle ils ne se débarrasseraient pas de l'un des deux sièges sociaux?
M. Benson: Non. Dans les discussions que nous avons eu au début de l'année, il était question d'une combinaison complète, une fusion véritable.
Le sénateur Kirby: J'ai une dernière question à vous poser -- et si vous ne pouvez pas y répondre maintenant, j'apprécierais que vous nous fournissiez une réponse par écrit avant que nous rédigions notre rapport.
Dans la lettre du Bureau de la concurrence à M. Collenette, il y a une longue liste de propositions visant le maintien de la concurrence dans un contexte où il y aurait un transporteur dominant. Je ne parle pas du deuxième problème que j'ai mentionné relativement à la politique gouvernementale. Il nous serait utile de connaître vos vues sur celles de ces propositions qui vous paraissent pratiques, dans le sens où elles seraient efficaces, et lesquelles ne le sont pas. Certaines présentent d'autres problèmes liés à la politique gouvernementale. Il y a le problème du cabotage, par exemple, qui touche un domaine différent de la politique gouvernementale. Cependant, je m'intéresse à votre point de vue, puisque vous êtes du monde des sociétés aériennes. Certaines mesures pourraient constituer une stratégie de marché concurrentiel efficace, d'autres non. Quel que soit le résultat de la bataille que se livrent actuellement les deux proposants, le ministre a clairement indiqué qu'il devra modifier la loi. Il a clairement dit qu'il faudra prendre des mesures pour nous assurer qu'un transporteur dominant ne pourra pas abuser des consommateurs.
Le comité serait intéressé à connaître vos vues sur lesquelles des diverses propositions que renferme la lettre du Bureau de la concurrence sont susceptibles d'être plus ou moins efficaces. Vous pouvez nous donner un commentaire général maintenant, mais si vous voulez bien nous fournir une réponse détaillée d'ici 10 jours, cela nous serait utile.
M. Benson: Nous répondrons par écrit. Mon seul commentaire pour l'instant est que nous sommes dans une industrie hautement concurrentielle; que le Canada est plus exposé que la plupart des pays à cause de l'emplacement des principaux centres et de la facilité avec laquelle les transporteurs américains peuvent offrir une liaison unique de n'importe lequel de ces centres vers le Canada, avec retour par ce centre, ce qui crée une concurrence efficace et agressive.
Le marché lui-même stimule la circulation aérienne de diverses manières. WestJet a connu un grand essor et s'est très bien débrouillé ces trois ou quatre dernières années, même s'il était en concurrence avec les deux transporteurs -- peut-être même grâce à la concurrence des deux transporteurs. Ils ont certainement réussi à prouver que lorsqu'il y a un créneau que les gros transporteurs ne remplissent pas, il y a moyen de l'exploiter et de croître. Les transporteurs par vols nolisés ont fait la même chose. Nous assisterons à une multiplication des occasions à saisir après la formation de la compagnie aérienne unique.
Nous serons heureux de vous donner une réponse plus étoffée par écrit à cette lettre.
Le sénateur Kirby: Un petit commentaire à propos de la dernière observation du témoin, madame la présidente: le Comité des banques et du commerce du Sénat a étudié cette question sous un angle tout à fait différent; il examinait le moyen de stimuler la croissance des petites institutions financières. Aux États-Unis, chaque fois que deux grandes banques se sont fusionnées pour devenir un participant dominant dans une communauté, dans la période de deux ans qui suivait, les institutions du deuxième niveau connaissaient un essor phénoménal. Ces institutions du deuxième niveau semblent toujours être capables de s'avancer et de prendre 20 à 25 p. 100 du marché constitué par les gens qui ne veulent pas avoir affaire aux grosses compagnies. Il se pourrait bien que tout ceci ait un résultat positif, c'est-à-dire l'essor des compagnies aériennes de deuxième niveau. L'analogie peut ne pas être parfaite, mais ce pourrait être un parallèle intéressant.
Le sénateur Roberge: Il y a aujourd'hui au Québec six ou sept petits transporteurs régionaux dans le Nord qui ont essayé de se fusionner en vue des possibilités qui seront créées.
Le sénateur Finestone: Si les actionnaires d'Air Canada, à leur prochaine réunion, décident qu'ils ne veulent pas poursuivre sur cette voie, quel effet cela aura-t-il sur la rapidité de décision que vous aviez souhaitée?
M. Benson: Le plus grand risque que courent les actionnaires de Canadien International, avec la proposition actuelle d'Onex, est qu'elle est conditionnelle à l'adhésion d'Air Canada. Il est donc clair que si les actionnaires d'Air Canada décident lundi de ne pas y donner suite, notre offre est quelque peu menacée. Par conséquent, le tout serait probablement retardé. Il nous faudrait examiner la réponse et, en fait, examiner quelles offres pourraient être présentées.
Le sénateur Finestone: Aimeriez-vous que cela passe?
M. Benson: Nous aimerions régler les choses au plus vite. Financièrement, ce serait une bonne chose. Du point de vue du consommateur, cela les soulagerait de beaucoup de tensions, particulièrement dans les cinq ou six prochaines semaines. Du point de vue des employés, il serait important de régler enfin la question. Une fusion donnerait la meilleure compagnie aérienne du monde. Plus vite on pourra se lancer, mieux cela vaudra, selon moi.
Le sénateur Finestone: J'écoutais votre conversation avec le sénateur Forrestall. Vous parliez de vos F-28. Vous disiez qu'ils étaient vieux et avaient besoin d'être remplacés; est-ce que c'est vrai?
M. Benson: J'ai dit qu'ils étaient vieux. J'ai aussi essayé de dire qu'ils nous rendent d'excellents services. Cependant, si la flotte devait être fusionnée, il faudrait certainement envisager de moderniser la flotte entière, et les F-28 seraient l'un des trois types d'aéronefs auxquels nous penserions.
Le sénateur Finestone: Lorsque vous faites une analyse des coûts, est-ce que vous faites une distinction entre les coûts de l'entretien de celui de la vente des billets dans votre budget d'exploitation?
M. Benson: Oui. Nous séparons tous les coûts. Nous mettons ensemble ce que nous appelons les frais de propriété, mais il est certain que nous séparons les coûts de l'entretien, et que nous en faisons un suivi étroit, par temps de vol et par temps de flotte.
Le sénateur Finestone: Quelle portion du coût total représente l'entretien?
M. Benson: Ce serait de l'ordre de 10 p. 100 de l'ensemble des coûts. Il y a deux types d'entretien. Le premier est ce que nous appelons la maintenance en ligne, ce sont les petites choses dont il faut s'occuper quotidiennement quand l'aéronef est sur la piste et en service. Le deuxième type de coût d'entretien vient de la mise hors-service d'un aéronef, les vérifications de sécurité A, B, C et D. Ensemble, les frais d'entretien sont de l'ordre de 8 à 10 p. 100 de l'ensemble des coûts.
Le sénateur Finestone: Je présume que le coût de l'entretien serait inférieur, avec une flotte homogène, à ce qu'il est avec une flotte hautement diversifiée.
M. Benson: C'est juste. De toute évidence, plus la flotte est récente, moins elle coûte à entretenir -- mais aussi, bien sûr, plus l'avion coûte cher. Deuxièmement, moins il y a de types d'avion dans la flotte, moins il faut de pièces de rechange différentes dans tous les aéroports où on se pose. De plus, moins il y a de types d'avion, moins il faut de pilotes de réserve, ou d'agents de bord de réserve. Il y a d'énormes gains d'efficience à réaliser en réduisant le nombre de types d'avion. C'est l'une des choses qu'une nouvelle compagnie aérienne s'efforcerait de réaliser aussi vite que possible.
Le sénateur Finestone: Offrez-vous des services à tous vos associés?
M. Benson: Si vous parlez de «service», nous effectuons une gamme de vérifications physiques.
Le sénateur Finestone: Je voulais parler d'«entretien».
M. Benson: Pas complètement. Nous ne faisons même pas tout l'entretien de nos propres types d'aéronefs. Par exemple, nous n'avons que quatre 747. C'est trop peu pour justifier le coût de tout un service d'entretien. Par conséquent, nos 747 sont entretenus par des tiers. Nous faisons certaines choses sur d'autres aéronefs, les 320 et les 737, par exemple. Nous avons probablement l'une des meilleures équipes du monde d'entretien des F-28.
Le sénateur Finestone: J'ai entendu dire par mon collègue que le F-28 est un avion très bien, confortable et efficient, mais qu'il vieillit et se fatigue.
Je m'intéresse à l'achat, par InterCanadien, du petit jet Embraer. D'après ce que j'ai compris, InterCanadien l'a obtenu à un prix fortement réduit. Comment, à votre avis, ce jet pourrait-il répondre aux besoins de la compagnie aérienne fusionnée?
M. Benson: Nous n'avons plus aucune participation dans InterCanadien. L'un des défis que présentent la concurrence est que l'équipe de direction d'une compagnie aérienne a le devoir de décider de ce qui est le mieux pour elle.
Nettement, on préfère autant que possible nous en tenir aux aéronefs canadiens. Je crois que certains de ces achats d'Embraer ont été reportés ou même annulés. Il me semble qu'InterCanadien remet ces achats en question. Au bout du compte, dans un climat de concurrence libre, ils décideront de ce qui vaut le mieux pour eux.
Le sénateur Finestone: Dans un monde de concurrence libre, est-ce que signé et scellé signifie délivré tel que signé et scellé? Ou pouvez-vous revenir sur votre décision, dans l'industrie aérienne?
On me dit qu'il y a une certaine flexibilité, qu'il y a moyen pour une compagnie de faire des achats et de se faire livrer le produit de diverses manières; est-ce que c'est vrai?
M. Benson: C'est juste. Il y a beaucoup de liberté. Les compagnies peuvent acheter et vendre des positions, selon le besoin de leurs aéronefs. Elles peuvent échanger leurs positions si elles découvrent avoir besoin de plus gros ou de plus petits aéronefs. Il arrive qu'il y ait simplement des options qui permettent de faire un dépôt et vous pouvez soit essayer de reporter l'option, soit perdre votre dépôt. Il y a pas mal de liberté, en matière de commerce, oui.
Le sénateur Forrestall: Une observation rapide: si WestJet réussit c'est qu'elle ne va pas en deçà du seuil de rentabilité. Le prix de ses billets est légèrement plus bas.
Si cette fusion se concrétise, les contribuables y perdront-ils quelque chose? Y aura-t-il des pertes pour Canadien International? Les contribuables n'auront pas à absorber une partie de votre dette, si je ne m'abuse?
M. Benson: Non, ils n'auront pas à le faire.
Le sénateur Forrestall: Je pose cette question parce que l'un des chiffres les plus intéressants en ce qui a trait aux données économiques du gouvernement canadien est 800 millions de dollars. Je ne sais pas ce qu'il y a de magique dans ce chiffre, mais à trois occasions nous avons converti des dettes en actifs pour Canadien National. Au moins à une occasion -- en fait plus d'une fois, je crois -- nous avons échangé des créances contre actifs pour Air Canada.
Avez-vous perdu le contrôle de la dette? Vous avez dit qu'un problème important en ce qui a trait à votre bénéfice d'exploitation résidait dans l'allégement du service de la dette. Est-ce le chiffre magique?
M. Benson: Cela commence au point où vous considérez le rendement, ce que vous êtes en mesure de gagner par mille comparativement à vos coûts. Si vos gains probables dépassent les coûts, vous êtes en mesure de réduire le service de la dette.
En ce qui nous concerne, ce n'est pas le cas. Alors que nous avons tenté de remonter le courant -- le fardeau de notre dette était énorme -- les deux compagnies aériennes se sont simplement croisées. Je ne suis pas sûr que 800 millions de dollars seraient le chiffre magique. Lorsque nous avons examiné nos chiffres, nous avons cru qu'en attirant 500 millions de dollars d'actions ordinaires pendant la mise en oeuvre de ce plan d'entreprise, nous pourrions ainsi avancer.
Le sénateur Forrestall: Je vais passer à un autre domaine. Veuillez croire en ma sincérité. Êtes-vous un lobbyiste inscrit au Canada?
M. Benson: Oui je le suis, pour Canadien International.
Le sénateur Forrestall: À quelles fins?
M. Benson: De toute évidence, les intérêts de Canadien International me tiennent à coeur. Je rencontre souvent des gens et leur parle de la compagnie et on me recommande de mettre les cartes sur table dès le premier contact.
Le sénateur Forrestall: Faites-vous du démarchage exclusivement pour Canadien International?
M. Benson: Je ne suis pas sûr que je peux répondre à cette question. J'ai certes surtout fait du démarchage pour Canadien International. S'il est arrivé que mes activités aient profité à d'autres -- je visais toujours avant tout Canadien International.
Le sénateur Forrestall: Auprès de qui avez-vous fait du démarchage?
M. Benson: À différentes époques, pour bien des gens. Le ministère des Transports serait notre principal secteur.
Le sénateur Forrestall: L'avez-vous fait surtout auprès de fonctionnaires plutôt que de membres du gouvernement?
M. Benson: J'ai surtout rencontré des fonctionnaires.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous déjà rencontré Jean Pelletier du Cabinet du premier ministre?
M. Benson: Oui, j'ai eu des rencontres avec lui.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous rencontré Mel Cappe du Bureau du Conseil privé?
M. Benson: Oui, j'ai rencontré M. Cappe.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais vous demander quel était l'objet de votre démarchage et si vous avez remporté ou non du succès. Il se peut que je veuille vous embaucher un jour si je décidais de mettre sur pied une compagnie aérienne.
Avez-vous fait du démarchage pour M. Schwartz d'Onex?
M. Benson: Dans la mesure où Onex et les intérêts de Canadien International sont alignés, bien sûr. Mon démarchage a porté entièrement sur la façon de régler les problèmes avec lesquels sont aux prises Canadien International et, dans le cadre du processus, l'industrie du transport aérien.
Le sénateur Forrestall: Il n'y a pas d'entourloupettes ici? Les choses sont assez claires.
M. Benson: Il n'y a certes pas d'entourloupettes ni de ma part ni de celle d'aucune des parties avec lesquelles j'ai eu affaire.
Le sénateur Forrestall: Merci d'avoir répondu à cette question. Je voulais que cette réponse soit consignée au compte rendu.
Passons maintenant au Bureau de la concurrence. En ce qui a trait à la question générale d'une industrie du transport aérien réglementée, une industrie reréglementée, croyez-vous que nous en ayons besoin? Croyez-vous que le gouvernement devrait intervenir avec vigueur?
M. Benson: Ce ne serait certainement pas mon premier choix. J'ai déjà dit que je croyais que la conduite du ministre avait été courageuse. Qu'il avait fait preuve d'une grande prévoyance en empruntant cette voie. En fait, il a donné l'occasion à l'industrie et au secteur privé de trouver une solution que lui et d'autres peuvent examiner et approuver.
J'aimerais l'en féliciter peu importe l'issue. J'espère qu'on donnera la chance au secteur de déterminer s'il peut régler les problèmes avant d'en venir à une mesure très draconienne comme la reréglementation. Je ne crois pas que l'histoire démontre que la réglementation a été nécessairement efficace ou a donné lieu à une baisse des prix.
Le sénateur Forrestall: J'ai tendance à abonder dans votre sens. Cependant, qu'en est-il de vos simulateurs? Sont-ils englobés dans l'offre? N'ont-ils pas toujours été en quelque sorte séparés de la société d'exploitation?
M. Benson: Le simulateur et la formation qui est rattachée sont exploités comme une entreprise. Nous formons de toute évidence d'autres pilotes de ligne. Nous utilisons aussi des simulateurs d'autres compagnies aériennes pour notre propre formation. C'est à coup sûr inclus. Tout l'actif serait inclus peu importe le processus.
Le sénateur Forrestall: Avez-vous déjà été inscrit comme lobbyiste avant le tout début de l'année, janvier ou février?
M. Benson: Non, je ne l'étais pas.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Benson, je veux revenir à un secteur dont vous avez parlé, à savoir les compagnies aériennes régionales.
Cela revêt de l'importance dans la région d'où je viens; Air Nova et InterCanadien ont des vols à destination de Charlottetown. Hier, lors de sa comparution, M. Schwartz a dit que, si Air Canada et Canadien International devaient fusionner, ces compagnies aériennes régionales prendraient de l'expansion et aideraient à assainir la concurrence.
En réponse à une question de ma collègue le sénateur Poulin, j'ai cru vous entendre dire que les compagnies aériennes régionales fusionneraient probablement. Pourriez-vous préciser votre pensée?
M. Benson: Ce que j'essayais de dire c'est qu'en ce qui concerne les deux transporteurs régionaux qui sont à l'heure actuelle des filiales des deux principaux transporteurs, Canadien International et Air Canada, l'intention est que ces deux transporteurs fusionneraient et que M. Schwartz s'assurerait qu'elles sont administrées en tant que transporteur unique. D'autres transporteurs leur feront concurrence sur le marché local et il y a des chances pour que InterCanadien soit l'un d'entre eux.
Le sénateur Callbeck: Ne serait-il pas très difficile pour d'autres compagnies aériennes régionales de soutenir la concurrence?
M. Benson: Le principal transporteur régional a l'avantage, qui sait, d'appartenir au transporteur principal et leurs services peuvent être étroitement alignés avec ceux du transporteur principal. L'aspect négatif, c'est que leurs coûts le reflètent. Ils deviennent des transporteurs à service complet. Ils offrent un service selon une certaine fréquence que leurs sièges soient ou non occupés. Cela laisse toujours le loisir aux transporteurs pratiquant des prix plus bas d'offrir des services à un coût différent. Des entreprises comme WestJet l'ont prouvé.
La présidente: Merci, monsieur Benson de votre exposé d'aujourd'hui.
La séance est levée.