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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 7 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 16 novembre 1999

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, en conformité avec le paragraphe 47(5) de la Loi sur les transports au Canada, en vue d'examiner le décret autorisant certains grands transporteurs aériens et certaines personnes à négocier et à conclure des ententes conditionnelles.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nos premiers témoins, ce matin, sont des représentants de First Air. Nous accueillons donc M. Bob Davis, l'honorable Jean Bazin et M. Sam Silverstone. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Vous avez la parole.

[Français]

L'honorable Jean Bazin, membre du conseil d'administration, First Air: Madame la présidente, la dernière fois que j'étais dans cet immeuble, c'était pour me rendre à mon bureau au sixième étage. C'est intéressant de me retrouver aujourd'hui de l'autre côté de la table. M. Aatami, le président de la société Makivik, qui devait nous accompagner, est malheureusement retenu à Kuujjuaq pour des raisons personnelles.

Mon cabinet, Byers Casgrain, représente les intérêts des Inuits du Québec depuis les négociations et la signature du traité de la Baie de James dans le milieu des années 1970. Nous avons donc été présents depuis le début des activités de la société Makivik et l'avons accompagnée dans son évolution. Je suis également un administrateur de First Air depuis son acquisition par Makivik en 1990.

Rappelons que la société Makivik a été créée par suite de la Convention de la Baie de James et du Nord Québécois. En sont membres tous les bénéficiaires Inuits de la Convention de la Baie de James, soit quelque 9 000 personnes en ce moment. Ces bénéficiaires Inuits vivent dans 14 municipalités du Nunavik et sont pleinement assujettis à toutes les formes d'impôts sur le revenu et taxes de vente. La société Makivik est chargée d'administrer et d'investir l'indemnité versée aux Inuits, conformément aux dispositions de la Convention de la Baie de James.

Depuis sa création, Makivik s'est particulièrement intéressée à l'industrie du transport aérien. En 1975, Makivik a créé Air Inuit afin de servir les collectivités de la côte de l'Ungava au Nunavik. Depuis lors, Air Inuit s'est développée et offre un service partout sur le territoire du Nunavik, en utilisant des Twin Otters 748 et un Dash-8.

Air Inuit génère approximativement 35 millions de dollars en recettes annuelles, mais ce qui compte davantage, c'est qu'elle emploie quelque 300 personnes dont le tiers sont des bénéficiaires Inuits de la Convention.

En 1990, Makivik a fait l'acquisition de First Air. Ce faisant, Makivik ouvrait la voie aux Inuits du Canada en vue de contrôler un élément crucial du transport nordique. En 1995, First Air acquérait à son tour Ptarmigan Airways à Yellownkife et en 1997 elle achetait NWT Air d'Air Canada.

En 1998, pour renforcer un partenariat déjà bien établi avec Air Canada, First Air a conclu un accord commercial visant la fourniture d'un service de transport aérien pleinement intégré et concurrentiel dans le Nord. Makivik a investi plus de 50 millions de dollars dans First Air, qui emploie près de 1 100 personnes dont 450 dans le Nord.

Comme vous pouvez le constater sur la carte, First Air couvre un immense territoire, et c'est pourquoi on le considère comme le troisième des grands transporteurs canadiens. Mais si immense soit-il, le territoire en question n'abrite probablement pas plus de 75 000 personnes. Comme dans le cas d'Air Inuit, la somme investie dans First Air démontre que Makivik n'hésite pas à investir dans la région où les Inuits vivent et travaillent.

Monsieur Bob Davis, le président de First Air, vous expliquera combien Makivik, le seul actionnaire de First Air, est préoccupé par l'impact que pourrait avoir sur First Air la restructuration du transport aérien au Canada. Il sera suivi de maître Sam Silverstone, qui traitera de la responsabilité de fiduciaire du gouvernement fédéral.

[Traduction]

M. Bob Davis, président, First Air: Nous sommes ici ce matin pour vous faire part de notre réaction à la décision du gouvernement fédéral de restructurer le transport aérien au Canada, une décision qui repose en grande partie sur la position financière précaire de Canadien International. Au début d'octobre, notre société a fait parvenir aux ministres Collenette et Nault un mémoire qui résume les grandes questions liées à la restructuration du transport aérien. Alors que le débat évolue, continuant de nourrir les inquiétudes, First Air et la Société Makivik demeurent préoccupées par cette restructuration du transport aérien que le gouvernement fédéral cherche à accomplir et, plus particulièrement, par son impact sur le Nord.

First Air est le plus grand transporteur du nord et des régions éloignées du Canada. Cela dit, nous devons faire face à la concurrence de toute une pléthore de petits transporteurs sur les trajets pour avions à turbopropulsion et à celle, plus soutenue, de Canadian North sur les trajets pour avions à réaction. Comme vous le savez bien, l'industrie du transport aérien au Canada repose en fait sur deux grands transporteurs: Air Canada et Canadien International. First Air et son principal concurrent ont tous deux conclu des accords commerciaux, respectivement avec l'un et l'autre de ces deux grands transporteurs nationaux.

Comment en sommes-nous arrivés là? Après la déréglementation de 1986, un clivage s'est produit dans le transport aérien au Canada (Canadien International, d'une part, et Air Canada, d'autre part), et les deux offraient leurs services dans toutes les régions du pays. Cette évolution procédait directement de la politique gouvernementale visant à déréglementer le transport aérien. First Air a dû composer avec cette réalité. Le Nord n'était ni isolé, ni protégé contre ce qui se passait ailleurs au pays. Canadien International a pénétré le marché nordique sous la bannière de Canadian North et y est devenu un acteur important. Transporteur régional nordique, First Air a dû s'aligner avec l'un des deux grands groupes nationaux. Cela n'avait rien de discrétionnaire: il fallait s'aligner ou périr.

Comme Canadien International était notre concurrent, quoi de plus naturel pour nous que de nous aligner sur Air Canada? Bien que prise en l'absence de tout autre choix, la décision a donné des résultats dépassant nos attentes, et notre accord initial avec Air Canada a pris la dimension d'une pleine alliance commerciale comportant d'importants avantages pour les deux parties.

La proposition d'Onex a obligé First Air à faire face à la possibilité que son partenaire, Air Canada, et son principal concurrent, Canadien International, fusionnent en une seule entité. Bien qu'Onex ait été forcé de retirer sa proposition, le scénario d'un seul transporteur dominant semble près de se réaliser, puisque Air Canada maintient son plan d'acquérir Canadien International, une stratégie mise au point dans le contexte d'une OPA hostile.

Dans un tel scénario, il est difficile de prévoir une structure suivant laquelle un transporteur dominant voudrait se faire la concurrence à lui-même par le biais de ses partenaires nordiques. L'alliance commerciale de First Air avec Air Canada demeure un outil essentiel dans un marché de concurrence. Le scénario du transporteur dominant en compromet largement l'avenir.

Vous pouvez constater sur la carte que First Air offre un horaire de vols réguliers à 26 collectivités nordiques. Sans autre moyen de transport à leur disposition, toutes ces collectivités dépendent du service aérien; il n'y a ni route, ni voie ferrée, et le service maritime est limité à la courte saison d'été. Dans le Nord, le transport aérien est, non pas une simple commodité, mais bien une nécessité. First Air est le seul transporteur prêt à offrir un service régulier dans nombre de ces collectivités.

First Air fait partie intégrante de l'économie nordique et elle est fière de ses accomplissements. Sur des recettes annuelles de 170 millions de dollars, nous injectons 38 millions de dollars directement dans l'économie nordique. Dans cette région où le taux de chômage est élevé, First Air emploie 450 personnes qui vivent et travaillent dans le Nord, sur un total de 1 100 employés. Nous sommes le plus important employeur privé du Nord.

Le transport du fret, composé en grande partie d'aliments, constitue un élément critique du transport aérien dans le Nord. Toutefois, la demande de fret est très faible en direction du Sud. Il importe de noter que, parce qu'elle transporte le fret uniquement en direction du Nord, notre entreprise ne peut survivre que si elle a un mélange bien proportionné de passagers, de fret et de nolisement. Nous sommes très vulnérables à la concurrence segmentée, c'est-à-dire à la concurrence qui fournit des services fragmentés plutôt que toute la panoplie des services aériens, comme nous le faisons.

De nombreux et divers commentaires ont été faits sur le transport aérien dans l'hypothèse d'un seul transporteur dominant. Mais personne n'a manifesté la moindre inquiétude au sujet du Nord, où le transport aérien constitue pourtant un service essentiel.

La proposition visant à restructurer le transport aérien n'a traité jusqu'à maintenant que des deux transporteurs nationaux et de leurs filiales. Le gouvernement fédéral peut-il intervenir? Nous croyons qu'il peut le faire. Le Canada pourrait encourager Air Canada à respecter l'accord commercial conclu avec First Air pour toute sa durée (de 15 ans), y compris les restrictions interdisant la concurrence directe ou indirecte sur les routes nordiques. En outre, il pourrait encourager Air Canada à examiner et à modifier l'accord commercial conclu avec First Air, compte tenu du fait que Air Canada sera désormais le principal transporteur aérien du Canada.

Il faut que le Canada fasse en sorte que, pour First Air, la concurrence se joue sur un terrain égal et viable, tant pour le nolisement que pour les services de fret et de passagers. Il faut que le Canada offre de nouveaux débouchés clairs et concrets à First Air, pour assurer sa viabilité. Le processus de restructuration a été amorcé pour fournir une telle occasion à Canadien International. Les emplois, l'apport économique et les services essentiels assurés par First Air ne sauraient être compromis en raison du même processus.

Nous croyons que, vu le caractère essentiel du transport aérien dans le Nord canadien, il faut que le gouvernement fédéral porte une attention particulière au Nord et au rôle joué par First Air dans toute restructuration du transport aérien. Il est intéressant de noter que la politique gouvernementale visant la restructuration du transport aérien mentionne comme principal avantage pour le Canada «la capacité de faire des ajustements sur les trajets».

La suggestion du gouvernement selon laquelle une réduction de l'offre serait survenue sur tout marché concurrentiel soulève une question intéressante pour le Nord: si le gouvernement fédéral a conclu que le marché du sud du pays ne peut soutenir deux transporteurs avec une population de quelque 30 millions, comment croit-il que le Nord puisse le faire avec une population de 75 000 personnes, réparties sur un territoire couvrant les deux tiers du pays?

Je cède maintenant la parole à Sam Silverstone, qui vous présentera d'autres arguments convaincants qui expliquent pourquoi le gouvernement fédéral doit protéger les intérêts de First Air, de ses employés et de son seul actionnaire, la Société Makivik.

M. Sam Silverstone, conseiller juridique de la Société Makivik: Honorables sénateurs, l'acquisition de First Air a été rendue possible grâce à l'indemnité provenant d'un traité conclu avec le gouvernement fédéral par suite de la mise en oeuvre de la politique fédérale visant le règlement des revendications globales autochtones; en outre, l'entremise a pris de l'expansion en raison des politiques précises adoptées par le fédéral au chapitre du transport aérien, ce dont mon collègue a déjà fait état.

Dans le traité de la Baie James, le Canada oblige la Société Makivik à utiliser l'indemnité et les terres qui y sont prévues selon les indications précises fixées par le Canada, le fiduciaire, règles que Makivik a suivies rigoureusement. Notons en particulier que le Traité de la Baie James conférait à Makivik le pouvoir d'investir dans toute société dont les activités servaient directement les intérêts économiques ou autres des Inuits.

La politique fédérale de règlement des revendications a toujours eu pour principal objet, entre autres, de fournir aux Autochtones les outils nécessaires pour promouvoir leur propre développement économique. La décision de Makivik d'investir dans First Air, puis de lui donner de l'expansion, reposait directement sur la politique fédérale visant la concurrence, le contrôle des investissements étrangers, la déréglementation du transport aérien et les obligations fiduciaires de la Couronne à l'égard des Inuits du Nunavik.

Le Canada envisage de changer les règles sans égard à ses obligations fiduciaire à l'égard des Inuits du Nunavik. Le Canada ne peut modifier arbitrairement les politiques visant le transport et la concurrence si pareille modification contrevient à son obligation fiduciaire ou à ses obligations contractées par convention.

La Couronne entretient une relation de fiduciaire avec les Inuits du Nunavik en raison de sa relation historique avec les peuples autochtones, telle que la reflète l'article 91.24 de l'Acte de d'Amérique du Nord britannique et l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce rapport de fiduciaire est confirmé dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et en est venu à signifier que la Couronne a le devoir d'agir de manière équitable envers les peuples autochtones, de veiller généralement à leurs intérêts, de les protéger, eux et leurs droits, et de faire passer les peuples autochtones et leurs droits en premier lieu dans toute décision fédérale, plutôt qu'en deuxième ou en troisième place. La Cour suprême a aussi statué que le devoir de fiduciaire signifie que le gouvernement doit tenir compte des préoccupations autochtones lorsqu'il élabore et met en oeuvre des politiques et que de faillir à cette tâche peut en fait constituer un manquement à son devoir de fiduciaire.

Outre son devoir de fiduciaire, le Canada a une responsabilité toute spéciale envers les Inuits du Nunavik en vertu du traité de la Baie James et de la loi fédérale de mise en oeuvre du traité. Ainsi, l'article 8 de la loi habilitante précise que, là où il y a incompatibilité et conflit entre les dispositions du traité et celles de toute autre loi d'application générale, le traité prévaut dans la mesure de l'incompatibilité ou du conflit.

Qu'on ne s'y trompe pas! La Société Makivik n'a pas investi dans une entreprise comme First Air sans pleinement accepter les risques inhérents à un tel placement. Elle est tout à fait disposée à composer avec les aléas du marché. Cependant, Makivik ne peut accepter des pertes financières causées par un changement de règles en cours de route ou parce que le gouvernement central favorise par des moyens directs ou indirects un secteur du transport aérien plutôt qu'un autre, le tout sans la moindre considération pour ses obligations découlant de traités et son devoir de fiduciaire à l'égard des Inuits du Nunavik. Une obligation fiduciaire de la Couronne envers les Inuits du Nunavik fait en sorte que le Canada, en restructurant le transport aérien, a le devoir d'agir d'une manière conforme à ces obligations, de ne pas y manquer. Ces obligations de la Couronne sont beaucoup plus anciennes que toute restructuration du transport aérien et le devoir de fiduciaire comme tel existait bien avant l'invention de l'avion.

Les Inuits du Nunavik ne sont pas des investisseurs ordinaires. Ils sont un peuple envers lequel le Canada a des obligations spéciales à cause de rapports historiques, de la Constitution du Canada et du traité de la Baie James que le gouvernement fédéral a conclu avec eux. Les obligations du Canada à leur égard ne relèvent pas simplement de la loi fédérale, mais bien de la Constitution du Canada et priment sur toute autre loi ou politique, y compris la restructuration du transport aérien. Ces obligations existaient avant et elles signifient que le Canada n'est pas aussi libre qu'il le souhaiterait peut-être de restructurer l'industrie du transport aérien, s'il décide de le faire, sans tenir compte des Inuits du Nunavik. Voilà qui met fin à mon exposé.

La présidente: Je vous remercie. Si vous avez des projets d'expansion future, la restructuration du transport aérien au Canada les changerait-elle?

M. Davis: Il est très difficile de vous répondre à ce stade-ci parce que, manifestement, nous ne sommes pas un joueur dominant, quels que soient les résultats de la restructuration. Il est difficile de prévoir quel effet elle aura et comment elle influera peut-être sur notre entreprise. Nous sommes préoccupés par l'avenir, par notre relation avec notre principal partenaire et par son influence sur la viabilité à long terme de notre entreprise. Je ne puis vous répondre directement à ce stade-ci. Nous ne dominons pas l'industrie, de sorte qu'il faut attendre de voir l'évolution du processus.

La présidente: Avez-vous des projets d'expansion future?

M. Davis: Les plans d'entreprise actuels font état de certains projets d'expansion dans le domaine du transport du cargo, effectivement.

La présidente: Ils ne seraient pas touchés par la restructuration.

M. Davis: Tout est possible. Comme j'ai essayé de le souligner dans notre exposé, le transport du cargo dans le Nord est un élément extrêmement important de notre activité. Tous nos appareils sont des avions mixtes pouvant transporter à la fois des passagers et du cargo, parce que nous n'avons pas suffisamment de passagers pour y consacrer un avion entier. Notre principale activité est le service de vols réguliers dans le Nord. Au cours de toutes les discussions concernant les contrôles proposés par le gouvernement en ce qui concerne le service aux petites collectivités, rien ne protège le cargo. Il serait très simple et très facile pour un membre dominant de l'industrie de simplement nous enlever du cargo, ce qui nuirait à notre activité. Cela affecterait la viabilité de l'entreprise.

À ce stade-ci, la restructuration représente un casse-tête très complexe pour une petite entreprise comme la nôtre.

Le sénateur Roberge: Je vous remercie beaucoup d'être venu ce matin. Nous avons tous pris note des obligations fiduciaires dont vous avez parlé.

Ma question concerne l'entente passée avec Air Canada. Que prévoit cette entente de 15 ans en cas de résiliation, si elle comporte une pareille disposition?

M. Davis: Actuellement, l'entente est d'une durée maximale de 15 ans. Elle est renouvelable aux cinq ans. Ainsi, il faudra la renouveler pour la première fois dans deux ans à peu près. Divers facteurs peuvent amorcer le maintien ou la cessation de ces rapports.

Le sénateur Roberge: Avez-vous lieu de croire qu'Air Canada souhaitera peut-être résilier l'entente, si elle occupe une position dominante sur le marché?

M. Davis: De toute évidence, nous l'ignorons, étant donné la restructuration en cours. Cependant, rien jusqu'ici ne semble justifier un pareil scénario. M. Milton a mentionné dans son exposé, je crois, que nous étions alliés à cette compagnie et que nous faisions du bon travail. Rien, par conséquent, ne laisse présager d'un changement dans ces rapports.

Je crois cependant que ce scénario de transporteur dominant ouvre la porte à toutes sortes de nouvelles alliances. Manifestement, elles pourraient avoir de très graves conséquences sur les autres transporteurs qui n'ont pas de telles relations d'affaires. Faut-il que tous concluent une alliance? Ou aucun? À nos yeux, l'avenir des alliances nationales donne lieu à certaines incertitudes.

Le sénateur Roberge: Avez-vous eu des discussions avec Air Canada depuis le début de toute cette situation?

M. Davis: Nous vérifions constamment l'évolution de la situation avec eux, mais comme nous, ils reconnaissent qu'il s'agit là d'un processus en pleine évolution. En somme, ce que nous avons eu, c'est plutôt un échange d'informations pour essayer de suivre l'évolution de la situation.

[Français]

Le sénateur Roberge: Monsieur Bazin, quel est votre avis sur la possibilité d'une surévaluation des prix? Est-ce que le gouvernement devrait revenir à une réglementation pour pouvoir prévenir cet excès possible?

M. Bazin: C'est une question assez difficile car il y a la question de principe sur laquelle on peut facilement répondre. La loi du marché devrait être ce qui prévaut. Par ailleurs, sur le plan pratique, il peut y avoir des circonstances où les communautés, les consommateurs ont besoin d'un certain encadrement pour éviter justement que les prix soient excessifs. On constate dans le nord que la concurrence est le meilleur régulateur. Comme le mentionnait la présidente, il y a beaucoup de petites entreprises. La concurrence locale existe entre les communautés, forçant le contrôle des choses. Deuxièmement, toute la question du cargo entre en ligne de compte et elle est vitale pour une ligne aérienne comme First Air. Cette question, à la base, relève de contrats à prix fixe, négociés dans la majorité des cas. Ainsi la réglementation devient plus ou moins pertinente.

[Traduction]

Le sénateur Roberge: Monsieur Davis, que pensez-vous du projet actuel d'Air Canada visant à établir une troisième compagnie aérienne à faible coût dans l'est du Canada et, peut-être, dans le Nord en bout de ligne?

M. Davis: Actuellement, nous insistons pour que nos relations avec Air Canada ne changent pas, ce qui ne permettrait pas à Air Canada de piétiner dans nos plates-bandes. C'est l'hypothèse que nous favorisons actuellement. Nous ne croyons pas que le transporteur dominant ira assurer directement des liaisons dans l'extrême nord de l'Arctique. Nous soupçonnons qu'on essaiera peut-être cependant de nous subtiliser une part de notre marché de transport du cargo ou de passagers sur les routes à plus fort volume.

Faites-vous allusion à cette compagnie aérienne à faible coût de Hamilton?

Le sénateur Roberge: Oui.

M. Davis: Ce n'est certes pas là notre marché. Par conséquent, nous ne croyons pas que cela aurait un impact sur notre entreprise. Nous ne voyons pas le transport aérien à faible coût et à faible tarif comme un domaine de croissance pour nous. Actuellement, nous sommes un transporteur aérien offrant la gamme complète de services avec tout ce que cela comporte -- des programmes pour grands voyageurs et des tarifs communs, la coordination des horaires et ainsi de suite. C'est le genre de produits que nous aimerions continuer d'offrir à nos clients du Nord. Je ne crois pas que le transporteur aérien à faible coût de Hamilton ait un impact sur nous.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous passé une entente avec Air Canada concernant des tarifs communs pour vos passagers?

M. Davis: Oui. C'est là un élément important des avantages réciproques que nous partageons, et ils sont nombreux. Beaucoup de personnes de la côte Est travaillent dans le Nord. Nous offrons donc de nombreux tarifs communs à destination de la côte Est ainsi que, à partir de la partie ouest de l'Arctique, jusqu'à Vancouver et dans les provinces des Prairies.

Le sénateur Callbeck: Si la proposition d'Air Canada reçoit le feu vert et que nous nous retrouvons avec un transporteur dominant ou trois transporteurs distincts regroupés, quels changements aimeriez-vous que le gouvernement apporte au cadre de réglementation?

M. Davis: À nouveau, il est très difficile de répondre à pareille question puisqu'on ignore quelle sera la situation à la fin du processus. Certains éléments sont inhabituels, pourrions-nous dire. Air Canada souhaite acquérir Canadien et l'exploiter en tant que ligne aérienne distincte. Je demanderais alors au gouvernement ce qu'il peut faire pour nous aider. Nous aimerions acquérir notre concurrent et l'exploiter comme transporteur distinct. Y a-t-il quelque chose que le gouvernement peut faire pour nous faciliter la tâche?

Nous nous trouvons dans des circonstances fort inhabituelles. Nous ne sommes pas le transporteur dominant qui dicte le processus. Il faut attendre de voir le résultat.

Le sénateur Callbeck: Vous êtes sans doute au courant des recommandations présentées par le Bureau de la concurrence. Avez-vous quelque chose à dire à leur sujet?

M. Davis: Il faudrait beaucoup de temps pour passer en revue chacune d'entre elles. La liste est passablement longue. Je suis d'accord avec certaines parties des recommandations et en désaccord avec d'autres.

À nouveau, notre principale préoccupation est de savoir quel sort sera réservé à nos alliances. Nous sommes actuellement alliés à Air Canada. Si Air Canada devient le transporteur dominant, notre concurrent actuel pourrait-il passer une entente intercompagnies avec Air Canada? Cela pourrait sembler niveler le terrain de jeu, mais est-ce bien le cas? Nous avons travaillé très fort pour conserver cette alliance. Nous parions sur un gagnant depuis 1986. Maintenant, subitement, le contexte change. Tous ceux qui peuvent se permettre une alliance commerciale avec le transporteur dominant seront autorisés à le faire. Si l'un d'entre eux signe une entente, il faudra que tous les autres l'aient. Ils auront tous besoin d'un programme pour grands voyageurs afin de récompenser le client fidèle. Essentiellement, nous offrons tous des correspondances intercompagnies avec le transporteur dominant, nous offrons tous les mêmes produits et services. La situation semble être non compétitive et sans valeur rajoutée.

Il faudrait beaucoup de temps pour passer en revue chacune des recommandations faites par le Bureau de la concurrence.

Le sénateur Callbeck: Quelles sont vos principales sources de désaccord avec les recommandations du Bureau de la concurrence? Quelles sont vos trois principales sources de préoccupation?

M. Davis: Je crains qu'il ne faille que j'examine la liste. Le document est plutôt long. Cependant, notre préoccupation demeure le sort que connaîtrait notre compagnie dans le Nord.

Je sais que la situation à Toronto cause un problème de taille à WestJet et à tous les autres nouveaux transporteurs aériens qui souhaitent pénétrer ce marché. Cependant, ce n'est pas et ce ne sera probablement jamais un problème pour nous.

Le sénateur Spivak: J'aimerais être sûre de bien comprendre ce que vous craignez. Je serai donc précise. Voilà une situation étrange. Selon certains, il faut plus de concurrence et, pourtant certains genres de concurrence sont ruineux. Vous affirmez que, si la concurrence était ruineuse pour deux grands transporteurs aériens dans le Sud, elle aurait des résultats vraiment catastrophiques dans le Nord. Vous dites que vous êtes très vulnérables à la concurrence segmentée. Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet? Quelle sorte de concurrence souhaitez-vous éviter?

Vous avez mentionné que, si tous les nouveaux concurrents commencent par conclure des alliances commerciales avec Air Canada, cela vous nuirait énormément, même si cela signifiait une concurrence accrue. Pourriez-vous donner des détails à ce sujet?

M. Davis: Je vais donner des précisions. J'ai peut-être mal expliqué notre position.

Le sénateur Spivak: J'ai peut-être mal compris aussi.

M. Davis: Nous ne sommes certainement pas contre le fait qu'il y ait de la concurrence, mais nous voulons qu'elle soit loyale et que les règles du jeu soient équitables. Par exemple, notre plus grand rival sur les routes des avions à réaction est Canadian North, une compagnie que Canadien International a vendu l'année dernière à un autre groupe du Nord. Canadian North est, en réalité, une compagnie aérienne virtuelle. Ce n'est qu'une société de marketing qui emploie 65 personnes. Elle fournit des services au sol et certains autres services. Par contre, Canadien International continue d'exploiter les aéronefs, d'assurer le contrôle opérationnel, de fournir l'assurance, le carburant, etc.

Si une compagnie aérienne dominante devait être créée et exploitée par Air Canada, je conclurais un accord de commerce avec elle. Canadian North aurait aussi un accord commercial, mais ses primes d'assurance seraient le dixième des nôtres, et elle paierait certainement moins cher pour son carburant. Ceci n'est pas un contexte viable, concurrentiel, et équitable. C'est ce qui m'inquiète. Une petite compagnie autochtone comme la nôtre ne peut pas rivaliser avec Air Canada. Nous allons nous faire massacrer.

Le sénatrice Spivak: Votre accord commercial empêche Air Canada de prendre vos routes. Est-ce que vous voulez dire qu'en réalité, par d'autres moyens, elle le ferait?

M. Davis: Oui. À part ce problème, nous avons d'autres sujets de préoccupation. Nous desservons 26 communautés. Bien franchement, elles ne sont pas toutes rentables. De fait, nous perdons même de l'argent sur certaines liaisons.

Nous transportons environ 18 millions de kilos de courrier chaque année pour Postes Canada, principalement des colis d'aliments. Postes Canada s'adresse à nous en tant que guichet unique, parce que nous desservons tout le Nord et, comme ça, ils n'ont pas besoin de faire affaire avec cinq ou six compagnies aériennes. Il a déjà été prouvé que si les colis font une partie du trajet par avion à réaction, disons jusqu'à Iqaluit, puis sont transférés sur un avion à turbopropulseurs, les aliments sont endommagés et il y a des tas de problèmes. Nous avons décidé il y a bien des années de desservir le plus de communautés possible pour pouvoir fournir un service à Postes Canada, aux magasins du Nord et aux coopératives.

Il se pourrait que des concurrents segmentés nous affaiblissent. Les uns pourraient prendre une partie de notre fret sur certaines routes, et les autres une partie de nos passagers. Cela désorganiserait notre système. Je ne dis pas que nous craignons la concurrence.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous subiriez des pertes si quelqu'un vous prenait les meilleures routes.

M. Davis: Si nos bénéfices baissent sur ces liaisons, nous pourrions être obligés de cesser de desservir une communauté qui en a besoin. J'aimerais que vous le compreniez. Ça nous dérange d'entendre tout ce qui se dit au sujet des services qu'offrent aux petites communautés certaines sociétés, y compris les transporteurs nationaux, puis on mentionne des endroits comme Baie-Comeau, qui a accès à des voies ferrées, des bateaux et des routes. Ce dont nous voulons parler, nous, c'est d'endroits comme Resolute Bay, qui est situé à 2 000 milles au nord d'ici et où passent trois avions par semaine. Il n'y a aucune route à moins de 1 500 milles. C'est ça que j'appelle une «petite communauté». Je pense que le sénateur Watt serait d'accord avec moi.

Ce qui nous préoccupe, c'est le service à ces petites communautés. Oui, nous sommes aussi une entreprise, mais c'est une entreprise qui appartient aux autochtones, mais au moins elle a un certain sens de sa responsabilité sociale.

Le sénateur Watt: Supposons qu'Air Canada devienne un transporteur dominant au Canada et envisage de conclure des accords semblables à celui que vous avez avec eux, mais avec d'autres compagnies aériennes. Nous savons que les liaisons vers le Nord ne sont payantes que dans un sens. Est-ce que le fait que la rentabilité soit incertaine peut avoir une incidence sur la survie de compagnies aériennes qui ont des accords intercompagnies avec Air Canada?

M. Davis: Monsieur le sénateur, c'est un marché très limité et très frêle. Dans le Sud, 30 millions de gens vivent dans une région qui ne représente que les quatre pouces, ou le tiers inférieur de la carte du pays, et ils ne sont même pas sûrs de pouvoir faire vivre deux compagnies aériennes. Nous offrons du service dans le Nord, où le marché est plutôt restreint. Il n'y aurait aucun sens à le partager entre un tas de compagnies aériennes.

Le sénateur Watt: Ce que vous dites à ce comité, c'est que, lorsque le moment viendra de prendre une décision, vous devrez peser combien de temps deux compagnies aériennes peuvent survivre en offrant des services dans le Nord, à la lumière du fait qu'il n'y a qu'une seule charge utile. Vous demandez donc à ce comité d'être sensible à ce facteur si le gouvernement devait instaurer des règlements. Est-ce bien cela?

M. Davis: Nous croyons fermement que le service aérien est absolument essentiel dans le Nord, plus que partout ailleurs au Canada. Si quelqu'un du Nord a besoin de voir le dentiste, il doit prendre l'avion. S'il a besoin de produits d'épicerie, c'est un avion qui les amène jusqu'à lui. D'après nous, c'est une situation qui mérite une attention particulière. Je ne demande pas une rerégulation, et nous ne craignons pas la concurrence.

Le sénateur Watt: Je vais essayer de reformuler ma question. Je n'essaie pas de vous faire dire ce que vous ne dites pas. Vous dites que vous aimez avoir un monopole, mais que si deux compagnies aériennes devaient offrir des services dans le Nord, il y a un facteur économique dont il faut tenir compte. C'est bien ce que vous dites?

La présidente: Laissons M. Davis exprimer son point de vue.

M. Davis: Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir. Nous sommes manifestement la principale compagnie aérienne du Nord actuellement. Beaucoup de concurrents s'intéressent à notre marché. La concurrence s'étoffe et nous complique les choses. Il y a certains éléments de concurrence «ruineuse», comme l'a dit, je crois, M. Benson.

Nous ne cherchons pas à avoir un monopole. Nous sommes en assez bonne position dans le Nord, actuellement. C'est sûr que comme toute entreprise, probablement, nous ne faisons jamais assez de profits. Cependant, nous ne craignons pas la concurrence, et à notre avis tout ce que nous avons mis sur pied et toute l'infrastructure que nous avons créée ne devraient pas être menacés rien que parce que le gouvernement veut aider Canadien International.

Le sénateur Spivak: Ce que vous dites, en fait, c'est qu'on ne peut pas laisser les forces du marché l'emporter sans une réglementation adéquate. On nous a demandé de commenter la rerégulation, probablement du point de vue du commissaire à la concurrence.

Monsieur Silverstone, pourriez-vous donner des précisions sur le genre de mesures que le gouvernement pourrait prendre, d'après le rapport du commissaire à la concurrence lequel, comme vous pouvez le voir, pourrait être en conflit avec les obligations fiduciaires du gouvernement décrites dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois? Par exemple, est-ce qu'il relèverait la limite de 10 p. 100 imposée à la propriété individuelle; est-ce qu'il n'autoriserait que les compagnies aériennes étrangères; ou est-ce qu'il imposerait des limites au cabotage? Prendrait-il ce genre de mesures? Quels sont les plus graves menaces à ce que vous considérez être l'obligation constitutionnelle et les responsabilités fiduciaires du gouvernement fédéral?

M. Silverstone: La Cour suprême et le tribunal fédéral sont en lutte à cette question quotidiennement. Que signifie l'obligation fiduciaire de l'État à l'égard du peuple autochtone? Il y a quelques mois, nous avons découvert quel sens elle avait pour les Micmacs, avec l'affaire Marshall. Cependant, ce dont je parlais ce matin relevait en grande partie de l'affaire Sparrow de 1991 et, bien entendu, plus récemment, de l'affaire Delgamuukw. J'ai cité une déclaration tirée directement de l'affaire Sparrow, lorsque je parlais des politiques économiques et sociales du gouvernement qui doivent respecter les peuples autochtones et leurs droits. Comme vous savez, l'affaire Sparrow est née d'un simple conflit entre pêcheurs de la Colombie-Britannique sur la taille des filets.

Personne ne sait comment la question de l'obligation fiduciaire fera surface ou se manifestera, ni comment on est censé la régler. Le tribunal en a débattu et a essayé de dire au gouvernement quel sens elle a selon diverses situations. Tout ce que nous savons, c'est que si le gouvernement prend des mesures maintenant pour restructurer l'industrie, pour faciliter l'achat de Canadien International ou pour créer une compagnie aérienne dominante, dans la mesure où nos droits pourraient être touchés, il pourrait y avoir violation de l'obligation fiduciaire. Il est très clair dans la loi fédérale et celle du Québec que nous avons renoncé à certaines choses en échange de certaines autres, dont la confirmation du devoir particulier de la Couronne à notre égard. Si vous prenez des mesures qui nous nuisent de quelque façon que ce soit, nous estimons que nous pourrions avoir certains recours. Ce qui est le plus important, c'est que vous devez agir conformément à votre devoir à notre égard.

Vous m'avez posé une question précisément sur la possibilité d'augmenter les 10 p. 100 de participation publique, dans le cas d'Air Canada, ou les 25 p. 100 dont il est question dans la loi sur le transport. Nous devons attendre de voir ce qui arrivera. Comme le disait M. Davis, on ne peut pas savoir si nous serons touchés ou non, à cause de l'incertitude que suscitent les perspectives du restructuration. Si vous facilitez la création d'un transporteur dominant, et que l'une des conditions imposées à ce transporteur dominant est de faire quelque chose pour permettre à Canadien International de survivre, et si Air Canada décide de lui abandonner une part de ses affaires pour préserver son nom et ses employés et, peut-être aussi de lui donner certaines liaisons du Nord, ces mesures pourraient avoir des répercussions négatives sur notre investissement, qui pourtant est la conséquence directe du traité que votre gouvernement a signé.

Le gouvernement n'a pas fait que signer ce traité, il nous a aussi dit comment utiliser l'argent. Des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux siégeaient à notre conseil d'administration, dont le rôle était de veiller à ce que nous dépensions cet argent de la façon appropriée. Les possibilités de développement économique sont limitées dans le Nord. Le transport est l'un des principaux débouchés. Par conséquent, si la restructuration devait avoir des répercussions négatives sur nous et nous faire perdre de l'argent, ou même tout notre marché, nous dirions que c'est nettement une violation de votre obligation à notre égard.

Il y en a qui n'aiment pas entendre cela, mais ces droits existent, et ils ont été enchâssés dans la Constitution du Canada. Le plus haut tribunal du pays les a interprétés et a décrété qu'ils signifient quelque chose. Dans ce cas particulier, selon nous, ils signifient que vous devez prendre garde de vous assurer que les mesures que le gouvernement décide de prendre ne nous nuisent pas.

Le sénateur Spivak: Je comprends. Merci.

Le sénateur Kirby: Le sénateur Spivak a posé la plupart des questions que j'avais en tête, mais j'aimerais brièvement en approfondir certaines. Je ne suis pas avocat, alors je ne voudrais pas contredire M. Silverstone sur la question de la Constitution, bien qu'à mon avis cela n'ait pas d'importance parce qu'il me semble que nous avons une obligation morale, et que la question n'est pas de savoir si nous avons oui ou non une obligation juridique. J'aurais quelque difficulté à saisir la notion, comme vous dites dans votre déclaration, selon laquelle vous ne pouvez pas accepter et n'accepterez pas de subir des pertes financières qu'entraînerait le changement des règles par le gouvernement à mi-parcours. Le fait est que vous serez toujours à mi-parcours, alors la seule conclusion possible à en tirer est que vous voulez nous faire comprendre que le gouvernement fédéral ne pourra jamais changer les règles à moins de vous indemniser. Ça ne me semble pas être un point de vue défendable. Quoi qu'il en soit, nous avons une obligation morale à votre égard.

Je cherche une solution simple à votre problème. Nos chercheurs peuvent le confirmer. D'après ce que je comprends de la politique d'ouverture des espaces aériens, une fois qu'une compagnie aérienne commence à exploiter une route, disons entre Ottawa et Pittsburgh, une autre compagnie aérienne ne peut s'immiscer sur cette route que si le volume de la circulation excède un certain niveau qui, je crois est de 300 000 passagers; est-ce que c'est bien cela?

M. J. Christopher, attaché de recherche adjoint du comité: Il y a un seuil, mais il ne concerne pas les liaisons avec les États-Unis; il s'applique à certaines routes internationales.

Le sénateur Kirby: J'essayais de trouver un précédent qui nous permettrait de régler votre problème en disant qu'aucune concurrence supplémentaire ne peut être permise sur les routes que vous desservez maintenant tant qu'un certain seuil n'aura pas été franchi.

Vous nous dites que la concurrence serait absolument destructive et qu'elle ne peut être autorisée. J'essaie de trouver un moyen simple de résoudre ce problème sans avoir à prendre d'autres mesures si le seuil fixé a pu servir à contrôler la concurrence destructive dans d'autres secteurs de l'industrie aérienne.

Je vous laisse y réfléchir. Il ne fait pas de doute que le fondement de votre raisonnement est parfaitement juste.

M. Davis: Les solutions sont très complexes. C'est un concept intéressant, qu'il vaudrait la peine de faire valoir.

Le sénateur Kirby: La question qui se pose est: «Comment le faire le plus simplement possible?», et non pas «Est-ce qu'il faut le faire?»

M. Silverstone: Peut-être pourrais-je répondre brièvement à ce que disait le sénateur Kirby.

Je comprends et j'apprécie ce que vous dites à propos de l'obligation morale. Peu de gens en parlent. L'obligation est autant morale que juridique. Cependant, comme on peut le voir avec la situation des droits de pêche sur la côte est de nos jours, ce n'est pas un concept très populaire. Nos tribunaux ont pris ces mesures pour tenter de palier à la discrimination systémique que subissaient nos peuples autochtones au Canada depuis plusieurs centaines d'années.

L'article 135 a été enchâssé dans la Loi constitutionnelle en 1982 dans un effort de respect et de promotion des droits issus des traités. C'est clair, soit que les droits issus des traités signifient quelque chose dans ce pays, soit qu'ils ne signifient rien. Le tribunal a dit qu'ils signifient quelque chose, et elle transmet ce message à l'assemblée législative et au pouvoir exécutif: «loi conforme à ce que nous disons».

C'est ce que nous faisons. Les Inuits de Nunavik sont bénéficiaires de ces droits et, dans plusieurs cas, ils ont renoncé à certaines choses pour ces droits. Ils ont conclu des traités solennels qui sont maintenant protégés par la Constitution. Vous savez que la Constitution est la plus haute loi du pays.

Ce que nous vous disons est ceci: faites les changements que vous voulez dans l'industrie au profit de tous les Canadiens, mais n'oubliez pas que les Inuits de Nunavik sont des Canadiens, et que vous avez à leur égard des obligations particulières en plus des obligations ordinaires. Voilà le message.

Le sénateur Roberge: Si, dans notre rapport, nous recommandions au gouvernement de veiller à garantir à First Air le maintien du contrat actuel avec Air Canada, est-ce que cela vous assurerait quelque protection?

M. Davis: Je ne crois pas que ce soit si simple. Canadien International continuera de fonctionner sous un nom distinct et de fournir des services aériens et autres à partir de l'Ouest. Cependant, nous apprécierions que vous fassiez une recommandation dans votre rapport au sujet de notre accord avec Air Canada, mais, je le répète, la solution à notre situation est complexe.

Je remarque que nous sommes les avant-derniers témoins, et je suis sûr que vous avez beaucoup d'autres éléments à examiner.

Le sénateur Andreychuk: Pourquoi croyez-vous que le gouvernement du Canada n'a pas tenu ses obligations fiduciaires et n'en tiendra pas compte?

M. Silverstone: Notre intervention est plutôt une remontrance, ou un avertissement que quoi qu'il soit prévu ou tenté, je sais que les comités sont à l'écoute des idées et qu'ils décideront des recommandations qu'ils feront au gouvernement. Nous insistons sur ces droits pour nous assurer qu'il en soit tenu compte. Nous ne disons absolument pas qu'il n'en sera pas tenu compte, nous ne faisons que réagir aux déclarations des médias, à ce que nous avons vu arriver avec la proposition d'Onex, au rapport du Bureau de la concurrence et, en fait, à ce qui pourrait déjà être en train d'arriver.

M. Davis: Lorsque la proposition d'Onex a été déposée, nous avons bien vu qu'elle était illégale. Pourtant, le gouvernement du Canada n'a jamais rien fait pour la contrer. C'est Air Canada, une compagnie privée, qui a réagi est a dit qu'elle pensait que c'était illégal et qu'elle voulait la porter devant les tribunaux. À notre avis, c'était la responsabilité du gouvernement fédéral de s'opposer à Onex, à lui dire que la proposition était illégale et lui suggérer de la reformuler. On en est venus à se demander si le mécanisme était efficace ou même, en fait, si mécanisme il y a.

M. Silverstone: Nous avons compris que nous devons défendre nos propres droits parce que personne ne le fera pour nous, ni pour nous protéger, bien que le gouvernement du Canada soit notre fiduciaire.

M. Bazin: Il est important de souligner que nous avons l'AANB, la Loi constitutionnelle et la Convention de la Baie James et du Nord québécois, premier traité des temps modernes à avoir été négocié. Cette convention fait allusion de façon précise à First Air. En deux mots, les propriétaires bénéficient d'une triple «protection». Nos droits font l'objet d'une protection spéciale.

Le sénateur Andreychuk: L'article 35 de la Constitution précise que des consultations doivent avoir lieu, comme les tribunaux l'ont déjà indiqué, avant que les droits des Autochtones ne puissent être modifiés. Êtes-vous en train de dire que le gouvernement du Canada ne vous a pas consulté pendant cette période? A-t-il fait des déclarations et adopté des prises de position sans vous consulter, conformément à l'article 35?

M. Silverstone: Personne ne nous a demandé notre avis au sujet des modifications qui pourraient être apportées à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada ou à la règle de 25 p. 100 dont il a été question dans les journaux. Personne ne nous a demandé si la Loi sur la concurrence devrait être suspendue pendant 90 jours à cause d'une situation qui ne constituait sans doute pas une urgence.

Pour ce qui est de la consultation, la Cour suprême est allée encore plus loin. L'an dernier, elle a rendu une décision qui a permis aux Inuits du Nunavik de mettre un terme au projet de création d'un parc national dans le nord du Labrador. Nous sommes en train de négocier un traité concernant ce territoire, et le gouvernement a essayé de créer un parc national qui nous aurait empêchés d'y exercer nos droits. La Cour fédérale a indiqué que la consultation n'était pas tout. Elle a statué que si le gouvernement modifiait des politiques qui influaient sur nos droits, il devait pour ce faire obtenir notre consentement. Or, le consentement est plus important que la consultation. Vous avez tout à fait raison -- dans certains cas, il faut tenir des consultations en vue d'obtenir notre consentement.

La Cour a défini ce qu'on entend par «consultation». Cela veut dire que le gouvernement doit écouter ce que nous avons à dire et en tenir compte.

Le sénateur Andreychuk: Il faudrait qu'il y ait au moins des consultations. Vous dites que cette exigence minimale n'a pas été satisfaite.

M. Silverstone: Les premières consultations que nous avons eues, ce sont devant votre comité et celui de la Chambre des communes. Nous sommes heureux de profiter des occasions qui nous sont offertes.

Comme M. Davis et moi l'avons indiqué, l'intervention du gouvernement dans le processus crée maintenant de l'incertitude. On s'attache depuis 1987 à déréglementer le secteur. Or, voilà maintenant qu'on propose de créer un transporteur dominant.

M. von Finckenstein, si je ne m'abuse, a parlé de «reréglementation». Qu'est-ce qu'on entend par cela? Personne ne le sait.

Comme l'a mentionné M. Davis, si la création d'un transporteur dominant permet de régler les problèmes qui existent dans le Sud, peut-être serait-il logique d'en créer un dans le Nord. Nous sommes le transporteur dominant dans le Nord, et si l'on intervient dans nos activités, nous ne savons pas ce qui va se produire. Air Inuit dessert les collectivités du Nord sans l'aide ou l'intervention du gouvernement. Nous avons construit nos propres hangars et pistes d'atterrissage, et nous avons acheté nos propres avions. Or, l'intervention qui est maintenant proposée risque de nous nuire.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que le gouvernement fédéral, à titre de fiduciaire et aux termes de la Convention de la Baie James, vous a donné des conseils quant aux investissements que vous pouviez faire. Cette disposition, à mon avis, a été mise en place dans le but de vous aider à faire des placements à tout le moins raisonnables qui résisteraient à tout examen et contrôle. Êtes-vous en train de dire que toute modification aux règles de concurrence constituerait un manquement à ce devoir de fiduciaire? Pourquoi est-ce que je pose cette question? Dire qu'investir dans telle entreprise constitue un bon placement, c'est une chose, mais dire que cette entreprise ne fera jamais faillite, qu'elle n'aura jamais de difficultés, qu'elle ne subira jamais aucune concurrence, c'en est une autre. Or, c'est ce que vous semblez dire, et je trouve cela plutôt inquiétant.

Vous avez manifestement une obligation envers vos actionnaires. Le gouvernement a également une obligation envers vos actionnaires par le biais de la Convention de la Baie James. Il a également une obligation envers les clients et l'intérêt national, et c'est celle de fournir un service rentable. La concurrence constitue un moyen d'y arriver.

M. Silverstone: Je suis d'accord avec vous. Nous ne disons pas que le gouvernement du Canada ne peut intervenir parce qu'il a signé un traité. Ce que nous disons, c'est que si le gouvernement intervient, il doit tenir compte de ses obligations contractées par traité et de son obligation fiduciaire. Il faudra tenir compte de ces obligations au moment de formuler des recommandations sur la restructuration du transport aérien. C'est tout ce que nous disons.

Pour ce qui est du contrôle exercé sur les sommes investies, on s'inquiétait beaucoup à l'époque de ce que les sommes soient utilisées à perpétuité pour le bien de la collectivité et des générations futures. Les placements que nous avons effectués étaient assortis de restrictions identiques à celles qui s'appliquent aux banques et aux compagnies d'assurance. Nous devions faire en sorte que l'argent soit là dans 50, 100, 150 ou 200 ans. Cela faisait également partie de la politique visant les revendications des peuples autochtones. Tout ce que nous disons, c'est que le gouvernement devrait respecter ces obligations. Nous ne disons pas qu'il n'a pas le droit d'intervenir. Nous disons simplement qu'il devrait tenir compte de ses obligations.

Le sénateur Andreychuk: Madame la présidente, je ne suis pas un membre à part entière de ce comité. Toutefois, il me semble qu'il existe déjà une tendance bien établie à cet égard, et le sénateur Watt peut vous en parler, et que le gouvernement doit consulter les Autochtones beaucoup plus tôt dans le processus. J'espère que le comité formulera une recommandation à cet égard dans son rapport.

Le sénateur Fairbairn: Il est important de signaler que ces témoins ont comparu devant notre comité pour nous exposer les préoccupations et les intérêts particuliers des habitants du Nord.

Au cours de ces audiences organisées rapidement, les sénateurs des régions rurales ont insisté sur la nécessité d'avoir une industrie qui sert de façon équitable les intérêts des habitants des petites collectivités. En effet, au fur et à mesure de nos discussions, nous avons vu que le Nord est une région unique à laquelle on ne peut souvent avoir accès que par avion, étant donné qu'il n'y a ni routes, ni voies ferrées. Vous l'avez bien indiqué dans votre exposé.

Bien sûr, nous devons également tenir compte de la relation spéciale qui existe entre le gouvernement du Canada et le peuple autochtone.

Nous sommes dans la même situation que vous, en ce sens que nous ne savons pas quelle sera la teneur de la proposition, des règles ou des règlements, ou même ce que le gouvernement a en tête. Nous essayons, comme vous, d'obtenir des renseignements, et nous devrons attendre de voir la proposition d'Air Canada pour en savoir plus. Beaucoup d'hypothèses ont été émises au sujet de cette proposition.

Si, une fois la poussière retombée, on arrivait à une entente qui équivaut à un statu quo, est-ce que cela vous dérangerait? Vous dites que vous ne voulez pas de monopole, que vous souhaitez que la concurrence se fasse selon des règles du jeu équitables. Croyez-vous que Canadian North pourra continuer d'offrir des services sans que cela nuise à votre entreprise ou aux services de fret et de passagers auxquels ont accès les habitants des collectivités du Nord?

M. Davis: Vous venez de détruire un grand mythe dont m'avait fait part M. Bazin. Il m'avait dit que les sénateurs avaient la réponse à tout.

Le sénateur Fairbairn: Comme il est gentil.

Le sénateur Kirby: Que cela vous serve de leçon.

M. Davis: J'aimerais dire quelques mots au sujet de la rapidité avec laquelle ces audiences ont été organisées. Le processus a été entamé dès que la situation financière précaire de Canadien International a été dévoilée. Or, la compagnie semble utiliser le facteur temps comme bon lui semble. À un moment donné, elle a dit qu'elle ne pouvait tenir que quelques jours encore. Plus tard, elle a affirmé qu'elle pouvait tenir pendant un an. À mon avis, la vérité se situe en quelque part dans le milieu. Voilà pourquoi je pense que nous devons prendre le temps d'examiner à fond toutes les questions. Si Canadien dit qu'elle peut tenir pendant un an, alors prenons le temps de bien analyser la situation. Pourquoi se presser?

Pour ce qui est du statu quo, notre réponse est oui et non. Il est acceptable. Nous sommes une entreprise compétitive. First Air existe depuis 1946. Ce n'est après tout qu'un nouveau défi, une restructuration de l'industrie. Nous allons trouver un moyen de nous y adapter sans que cela ne nous nuise. Autrement, nous aurons beaucoup de problèmes parce que nous possédons beaucoup de terrains dans des régions très éloignées, des terrains d'aéroports loués qui ne sont d'aucune utilité aux autres.

Le statu quo est acceptable. Nous pensons être en mesure de soutenir la concurrence. Nous avons déjà un concurrent, Canadien International qui, d'après les médias, est au bord de la faillite. Je ne suis pas un expert financier. Quand une entreprise est au bord de la faillite, elle pose des gestes ridicules qui ont un effet néfaste sur la concurrence, et c'est ce qu'elle a fait. Cela a un impact sur nous, dans le Nord, parce que Canadien fournit des avions et des pilotes. Notre petite entreprise autochtone essaie de livrer concurrence à la structure des coûts de Canadien International, et cela englobe le coût du carburant, les frais d'assurance, ainsi de suite. Elle pose également des gestes ridicules sur le plan de la commercialisation. Le consommateur pense peut-être que c'est une bonne chose parce qu'il fait une bonne affaire.

Nous pourrions sans doute nous adapter au statu quo. Nous allons continuer de soutenir la concurrence. Nous pensons être en mesure de tenir le coup. Donc, je suppose que le statu quo est une option acceptable, même si Canadien nous complique l'existence.

Le sénateur Fairbairn: Il n'est pas simplement question ici de fusion. Nous allons nous retrouver avec une proposition différente. Si Air Canada va de l'avant avec son projet -- comme elle l'a indiqué ici et ailleurs -- qu'elle achète Canadien International, qui conservera son nom commercial, mais qui ne sera pas exploité comme une compagnie indépendante d'Air Canada, ne croyez-vous pas que la situation particulière du Nord sera prise en considération, peu importe la forme que prendra ce transporteur dominant? Canadien International ferait partie intégrante de cette compagnie aérienne.

M. Davis: Bien entendu, je ne sais pas ce qu'Air Canada compte faire avec la nouvelle compagnie aérienne qui verra le jour. Air Canada a dit qu'elle fera de cette compagnie un transporteur viable et puissant. Or, plus l'entreprise est puissante, plus elle sera en mesure de nous livrer concurrence.

Nous sommes en mesure, actuellement, de livrer concurrence au transporteur qui dessert le Nord. Toutefois, la concurrence serait beaucoup plus vive. On assisterait à une plus grande fusion des opérations.

Nos avions desservent le Nord et notre propre système. Nous ne pouvons pas effectuer un vol entre Yellowknife et Edmonton, et ensuite utiliser la route exploitée par Air Canada pour effectuer un vol d'Edmonton à Vancouver. Comme je l'ai mentionné, nous voulons des règles du jeu viables et équitables.

Le sénateur Fairbairn: Vous avez soulevé aujourd'hui des questions brûlantes. A-t-on répondu à la lettre que vous avez adressée à M. Collenette?

M. Davis: Non.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous reçu une réponse de M. Nault, le nouveau ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien?

M. Davis: Non.

Le sénateur Fairbairn: Vos arguments sont très solides, compte tenu de l'entente qui vous lie à Air Canada et des droits consacrés par la Constitution et conférés par traité que vous possédez. La situation particulière du Nord constitue un argument de poids qui milite en votre faveur. Or, peu importe l'issue de cet imbroglio, il faudra que l'option retenue soit juste envers les habitants du Nord, parce que c'est la seule option possible. Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

Le sénateur Finestone: J'ai souvent eu recours aux services de votre transporteur. J'ai fait un merveilleux voyage dans le Nunavut, avant que cette région ne devienne connue sous ce nom, et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Ce qui m'intéresse surtout, c'est l'article 35 et j'espère que vous allez continuer à mettre l'accent là-dessus.

Est-ce que la Société Makivik est votre plus important investisseur?

M. Davis: C'est notre seul actionnaire.

Le sénateur Finestone: Quelle est la relation qui existe First Air et Air Inuit?

M. Davis: La Société Makivik est également le seul actionnaire d'Air Inuit.

Le sénateur Finestone: Les deux compagnies aériennes lui appartiennent?

M. Bazin: Il s'agit de deux entités distinctes.

Le sénateur Finestone: Est-ce que le financement accordé aux deux compagnies découle des dispositions de la Convention de la Baie James?

M. Davis: Oui.

Le sénateur Finestone: La Convention de la Baie James et les obligations qu'elle prévoit ont pour but d'assurer le bien-être socioéconomique des autochtones, n'est-ce pas?

M. Davis: Oui.

Le sénateur Finestone: Donc, les gestionnaires de ce fonds ont financé les activités de First Air, et ce sont eux les propriétaires de First Air et d'Air Inuit. Le Canada a une obligation fiduciaire envers les Inuits et les autochtones du Nord. Or, vous avez vous aussi une obligation fiduciaire envers les actionnaires de la Société Makivik.

M. Davis: Oui.

Le sénateur Finestone: Cette société a investi tout son argent sur une courte période, et je crois comprendre qu'aucun dividende n'a été versé. Est-ce qu'exact?

M. Davis: C'est exact.

Le sénateur Finestone: Pourquoi les actionnaires n'ont-ils pas reçu des dividendes qu'ils auraient pu investir dans d'autres projets de développement dans le Nord?

M. Davis: L'argent a été réinvesti dans la compagnie aérienne pour qu'elle puisse prendre de l'expansion. Nous sommes effectivement partis de zéro en 1999, il y a 20 ans.

La Société Makivik avait investi environ 50 millions de dollars dans First Air. Je ne sais pas combien d'argent elle a investi dans Air Inuit. Nous sommes partis de zéro et nous avons utilisé tous ces fonds. Nous avons également réinvesti tous les bénéfices non répartis afin de permettre à la compagnie aérienne de prendre de l'essor.

Les deux transporteurs emploient environ 1 350 personnes. Nos recettes s'élèvent à un peu plus de 200 millions de dollars. Malheureusement, il arrive souvent au sein de l'industrie que les dividendes ne soient pas distribués. C'est ce que voulaient nos actionnaires.

Le sénateur Finestone: Vous n'avez jamais, en 20 ans, versé de dividendes.

M. Davis: Jamais.

Le sénateur Finestone: Est-ce que cela faisait partie de vos objectifs quand vous avez emprunté cet argent ou conclu cette entente?

M. Silverstone: Certains de nos placements sont à court terme. Pour ce qui est du Nord, il s'agissait d'un investissement à long terme. Nous investissons dans le seul mode de transport qui existe dans la région, et notre objectif était de faire fructifier nos placements et nos avoirs au fil des ans.

Mais vous avez tout à fait raison. La Société Makivik a une obligation fiduciaire envers ses propres membres, tout comme le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire envers nous. Nous essayons de la respecter. Ce qui nous essayons de vous dire ici, c'est que nous ne voulons pas que la restructuration de l'industrie nous empêche de respecter cette obligation.

M. Davis: Nous n'avons peut-être pas versé de dividendes, mais nous avons créé de nombreux emplois dans une région où les emplois sont rares.

M. Bazin: Il existe entre la Société Makivik et First Air un accord administratif qui prévoit le versement de certaines sommes à la Société Makivik pour les services qu'elle fournit au transporteur. Tous ces renseignements sont publics. L'investissement se présente sous forme de placements en action et de placements par emprunt.

Le sénateur Finestone: Certains représentants des aéroports ont exprimé des inquiétudes au sujet du loyer qu'ils doivent verser au gouvernement. Qui est responsable du contrôle du trafic aérien dans le Nord? Des opérations de dégivrage? De l'entretien des terrains?

Nous examinons tout le domaine du service pour le Nord, qui représente une obligation tout autant qu'une mission importante. Devrions-nous indiquer dans notre rapport que le gouvernement devrait contribuer le loyer reçu pour améliorer certains services communs?

M. Davis: Il y a de nombreux exploitants d'aéroports dans le Nord. Certains aéroports sont la propriété des gouvernements territoriaux, d'autres de la province de Québec et d'autres encore du gouvernement fédéral. C'est une question plutôt vaste étant donné le grand nombre de types d'aéroports.

Le sénateur Finestone: Il y a des services fondamentaux dans chaque aéroport, petits ou grands.

M. Davis: Ce n'est pas vraiment le cas dans le Nord. Jadis, dans le nord du Québec, nous construisions des pistes en glace que nous entretenions nous-mêmes. Nous les construisions, nous les nettoyions et nous érigions un aérogare. Nous avions notre propre petite cabane sur la glace. Et comme il n'y avait jamais de services pour le Nord, nous sommes devenus très autonomes. Nous faisions notre propre déglaçage.

La situation a évolué depuis une dizaine d'années environ et il existe maintenant de nombreuses pistes décentes.

Le coût d'utilisation des installations aéroportuaires est un problème important pour nous. Ces coûts ont grimpé en flèche récemment, particulièrement à la suite de la privatisation des aéroports. Pour le Nord, c'est véritablement un problème financier. À mesure qu'on imposait dans le Sud de nouveaux règlements, par exemple en matière de lutte contre les incendies, les coûts augmentaient dans le Nord car tout coûte beaucoup plus cher et il est beaucoup plus difficile d'offrir ces services dans des aéroports reculés.

Le sénateur Finestone: On a proposé qu'au lieu d'imposer la taxe d'aéroport d'arrivée par appareil, on pourrait l'imposer par passager. Cela pourrait aider davantage pour l'entretien des aéroports. Cela ferait-il une différence pour vous?

M. Davis: Je ne le pense pas car, comme je l'ai dit, le transport du fret est crucial pour le Nord. Il y a de nombreux vols de fret où l'appareil n'est rempli qu'à moitié. En fait, il se pourrait que nos recettes baissent si la taxe était imposée de cette façon. Auparavant, les services offerts par NAV CANADA étaient financés par une taxe imposée aux voyageurs. Cette taxe est maintenant versée par la société aérienne sous forme de taxe d'aéroport d'arrivée parce que cela représente plus fidèlement la réalité.

Il existe différentes méthodes de facturation. Au bout du compte, la question est la suivante: étant donné que la gestion des aéroports coûte tellement cher, comment pouvons-nous les administrer de façon efficiente et peu coûteuse? Et qui devrait payer pour cela?

Le sénateur Finestone: Je ne pense pas que ce soit notre mandat d'examiner cette question, n'est-ce pas madame la présidente?

La présidente: Non.

Le sénateur Finestone: Par conséquent, tout ce que je peux dire, c'est que j'espère qu'on fera un effort concerté pour répondre aux besoins du Nord.

Je tiens à signaler qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce sont les services commandés de traversiers du Canada qui ont donné naissance à un grand nombre de nos lignes aériennes, par nécessité, étant donné qu'ils transportaient des avions en Angleterre.

M. Davis: C'est exact, et nous leur devons une fière chandelle.

Le sénateur Watt: Le sénateur Kirby a parlé de la rentabilité économique des lignes aériennes qui oeuvrent dans le Nord. Si le gouvernement avait des politiques et des règlements plus stables, qui garantiraient que les investissements dans l'industrie aérienne du Nord seraient plus sûrs qu'ils ne le sont à l'heure actuelle, envisageriez-vous la possibilité de réduire les tarifs aériens? À mon avis, les tarifs élevés, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, entravent l'économie du Nord. Y a-t-il quelque chose dans ce secteur que vous souhaiteriez que le comité examine? Vous et moi savons que c'est un problème d'envergure.

M. Davis: La principale raison pour laquelle les coûts de transport vers le Nord sont aussi élevés est la nature unidirectionnelle des vols. On achemine énormément de marchandises vers le Nord, mais très peu vers le Sud.

En outre, le premier quart du tarif sert à payer le carburant. Le carburant est très cher dans le Nord car il y est transporté une fois par an par bateau. Quant aux droits de NAV CANADA, ils représentent environ 10 p. 100 du billet de voyageur. La main-d'oeuvre est un élément fixe en aviation. Il faut deux pilotes aux commandes de l'avion, un nombre fixe d'agents de bord et un certain nombre d'employés d'entretien.

Une société aérienne ne peut vraiment influencer que 20 p. 100 du coût en étant efficience, etc. D'ailleurs, l'entreprise est partie née de la nécessité de maintenir les coûts de transport aussi bas que possible. Il est certainement beaucoup plus facile de faire notre travail si les prix sont bas, de sorte que nous essayons de faire en sorte qu'ils le demeurent.

En ce qui concerne une éventuelle restructuration, si elle renfermait des éléments qui nous aidaient à maintenir nos prix à la baisse, les consommateurs et nous-mêmes serions certainement en faveur de cela.

Le sénateur Watt: Comme vous l'avez dit, certaines collectivités que vous devez desservir n'ont qu'une population de 150 ou 200 habitants. L'industrie aérienne dans le Nord est mue par des facteurs économiques et sociaux. Cependant, n'est-il pas vrai qu'il n'est pas rentable d'assurer un service aérien quotidien dans ces localités?

M. Davis: Il va de soi que notre objectif ultime est de demeurer rentables, de payer nos factures et d'être en mesure de remplacer nos appareils à mesure qu'ils prennent de l'âge. Cependant, nous essayons de desservir le plus grand nombre de collectivités possible. En offrant un service à un plus grand nombre d'entre elles, nous sommes en mesure de réaliser certaines économies. Des collectivités qui ne devraient être desservies que trois jours par semaine peuvent obtenir un meilleur service si elles sont alignées avec d'autres collectivités plus importantes. C'est le caractère collectif de la ligne aérienne qui fait qu'il est possible de desservir un grand nombre de petites localités qui autrement, ne recevraient aucun service ou un service très limité.

Le sénateur Roberge: Y a-t-il des routes sur lesquelles vous n'avez pas de concurrence d'une compagnie aérienne régulière?

M. Davis: Oui, il y en a. Dans la trousse que nous vous avons distribuée, il y a une carte qui indique où nous sommes le seul transporteur aérien. Nous avons énormément de concurrence car un transporteur nolisé peut établir son prix. Il peut arriver que nous ayons un appareil de 40 sièges et qu'il y ait un appareil nolisé de 19 sièges disponibles. Si un groupe voyage, il peut constater qu'il lui coûtera moins cher de faire appel à un service nolisé. Pour notre part, nous sommes la seule entreprise prête à accepter le risque commercial lié au fait d'offrir un service régulier. Des services nolisés nous livrent concurrence sur la plupart des routes.

[Français]

La présidente: Je vous remercie de votre présentation. Nous avons grandement apprécié vos commentaires et vos réponses à nos questions.

[Traduction]

Nous vous remercions d'avoir enrichi nos connaissances aujourd'hui.

Sénateurs, notre prochain témoin est M. Stephen Smith, président de la société WestJet.

Bienvenue à notre comité, monsieur Smith. Vous avez la parole.

M. Stephen C. Smith, président, WestJet: Je suis président-directeur général de WestJet Airlines Limited, un transport régional à bas tarifs dont le siège social se trouve à Calgary, en Alberta. Je suis aussi président de l'Association du transport aérien du Canada. M. Cliff Mackay vous a énoncé la position de l'ATAC au sujet des événements qui ont cours dans l'industrie de l'aviation.

Pour ceux et celles d'entre vous qui ne connaissez pas très bien WestJet Airlines, voici quelques renseignements. WestJet a été créée en février 1996. Elle a commencé par desservir cinq destinations dans l'Ouest canadien avec trois Boeing 737-200 et 220 employés. Aujourd'hui, WestJet exploite 13 avions et dessert 12 villes de l'ouest du pays, avec 1 100 employés. Nous utilisons un seul type d'avion, soit le Boeing 737-200, qui a une capacité de 120 passagers. Cette année, nous allons transporter plus de deux millions de passagers.

Nos actions ont doublé depuis leur inscription à la Bourse de Toronto, au mois de juillet de cette année. Nous avons déclaré que nous avons l'intention d'augmenter notre flotte de trois ou quatre avions par an, et nous visons uniquement le marché de l'ouest du Canada.

Pourquoi WestJet a-t-elle réussi alors que d'autres ont échoué? Un certain nombre de facteurs expliquent cette réussite, mais c'est surtout grâce à notre personnel. WestJet investit énormément dans son personnel, et en retour, il nous permet d'avoir une structure de coûts peu élevés. Nous avons en moyenne 65 employés par avion, alors que les deux grands transporteurs en emploient actuellement entre 140 et 170 par avion. En outre, notre personnel assure un service à la clientèle qui fait notre réputation et qui est la raison pour laquelle les gens reviennent à WestJet.

Les tarifs de WestJet sont équivalents, en moyenne, à la moitié des tarifs pratiqués par les grands transporteurs et aucun de nos tarifs n'exige que le voyageur passe un samedi soir à destination. Nous sommes un vrai transporteur à tarifs bon marché.

L'approche de WestJet en matière de commercialisation n'est pas d'acquérir des parts de marché, mais plutôt de développer le marché que nous desservons. En 1997, alors que WestJet n'avait que sept avions, notre marché avait progressé de 150 p. 100 en moyenne par rapport à 1995, soit avant nos débuts. Et il vient encore d'augmenter de 14 p. 100. Je crois que ce pourcentage vient de connaître encore une fois une hausse spectaculaire. À titre de comparaison, les marchés n'augmentaient en moyenne que de 3 p. 100 par an avant notre arrivée.

Nous considérons que nous sommes davantage en concurrence avec la voiture, le train, l'autobus et, surtout, le canapé-lit ou une nuit à l'extérieur, WestJet ayant tendance à encourager les gens à voyager, plutôt que de détourner la clientèle des autres transporteurs. Nous y parvenons parce que nous pratiquons des prix qui sont beaucoup moins élevés que ceux qui ont cours sur le marché, et nous offrons une excellente valeur pour ces prix. Nous essayons de convaincre les gens de prendre l'avion plutôt que la voiture, et nous y avons très bien réussi. Nous estimons donc être tout à fait uniques dans l'industrie du transport aérien au Canada.

Jusqu'à présent, WestJet n'a fait qu'observer le débat qui a entouré le regroupement proposé des compagnies aériennes du Canada. Nous ne pensons pas qu'il y ait un problème dans le secteur. Nous estimons plutôt que c'est l'un des transporteurs, soit les Lignes aériennes Canadien International, de son propre aveu, qui a des problèmes. D'après les résultats financiers affichés par Air Canada, par les trois compagnies de services d'affrètement cotées en bourse, par certains transporteurs régionaux et nous-mêmes, qui avons tous l'air de nous porter relativement bien, nous ne pouvons que conclure que l'industrie du transport aérien n'est pas en faillite.

Premièrement, nous demandons au gouvernement de ne pas recommencer à réglementer l'industrie canadienne. Nous estimons que cela serait une erreur et que ce n'est absolument pas nécessaire.

Deuxièmement, en supposant que l'une des offres actuelles soit acceptée -- il va de soi que ce texte date d'avant le retrait d'Onex --, nous nous retrouverons avec un seul grand transporteur au Canada. En tout cas, cela semble la voie qui se profile à l'horizon. En fait, WestJet est très favorable à la concurrence. Nous sommes nés à l'ère de la concurrence. Nous allons nous épanouir dans cette ère de la concurrence. Nous ne pensons pas être en concurrence avec les grands transporteurs, mais nous estimons néanmoins que toute restructuration ou tout regroupement dans l'industrie aérienne serait très positif pour WestJet. Nous devenons une alternative viable par rapport aux grandes compagnies aériennes, à mesure que la fréquence de leur service sur certaines routes diminue, et que nous augmentons la nôtre.

Ce qui nous dérange, par contre, c'est qu'un transporteur qui contrôlerait 90 p. 100 de l'industrie aérienne au Canada pourrait faire ce qu'il voudrait vis-à-vis de ses concurrents actuels et potentiels. Imaginez ce qui arriverait si un transporteur qui contrôle le marché des tarifs élevés décidait d'accaparer également celui des tarifs bon marché. Cela laisserait très peu de place, sinon aucune, à la concurrence. Par ailleurs, cela permettrait à cette nouvelle grande entité de subventionner ses activités sur le marché des tarifs économiques grâce à ses activités sur le marché des tarifs élevés, évidement profitable, où elle n'aurait aucune concurrence.

C'est pourquoi nous demandons à Transports Canada, comme l'a fait le Bureau de la concurrence, de veiller à prévoir une structure de concurrence dans toute proposition visant la création d'un transporteur unique. Nous avons pris connaissance d'une lettre soumise par M. Konrad von Finckenstein, Commissaire à la concurrence, à l'honorable David Collenette, ministre des Transports, dans laquelle il présente certaines idées auxquelles nous avons contribué, et nous appuyons un grand nombre des propositions contenues dans cette lettre.

WestJet estime que nous vivons dans une économie efficace et que, par conséquent, nous devons favoriser la concurrence et laisser agir les forces de cette économie efficace. Bien sûr, cela ne garantit pas que toutes les compagnies qui existent existeront toujours. J'estime, en fait, que nous assisterions à une régénération de l'industrie du transport aérien si le scénario actuel subissait une transformation radicale.

Il a été question par ailleurs de permettre à des sociétés aériennes étrangères d'exploiter certaines routes intérieures. Bien que WestJet soit favorable à la concurrence, nous pensons qu'en l'absence d'ententes réciproques dans d'autres pays, une telle chose ne serait pas acceptable pour le Canada, et surtout pas pour WestJet. Si nous ne pouvons répondre aux transporteurs aériens qui décideraient d'offrir leurs services sur des routes intérieures, nous risquons de créer une situation où les règles seront inégales et où nous pourrions avoir beaucoup de mal a soutenir la concurrence.

J'aimerais que vous reteniez ce qui suit de mon intervention. Premièrement, le WestJet a très bien réussi, et continue à très bien réussir. Récemment, nous avons publié les résultats financiers de notre troisième trimestre et, en terme de marge bénéficiaire, nous sommes l'une des compagnies aériennes les plus rentables en Amérique du Nord.

Deuxièmement, nous ne pensons pas que l'industrie aérienne est en péril; il n'y a qu'une seule société aérienne qui a un problème dans l'industrie.

Troisièmement, bien que nous pensions que WestJet s'en sortira bien si l'on procède à une restructuration ou un regroupement dans l'industrie, s'il ne devait y avoir qu'un seul transporteur dominant sur le marché, nous demanderions au Bureau de la concurrence et à Transports Canada de veiller à ce que nous ayons une industrie du transport aérien compétitive, juste et équitable. Nous estimons être déjà en possession des moyens d'y arriver et il n'est pas utile de recommencer à réglementer le secteur. Nous vous demandons de ne pas envisager un retour à la réglementation car nous jugeons que cela n'est pas nécessaire.

Quatrièmement, nous ne sommes pas en faveur de permettre aux transporteurs étrangers d'exercer leurs activités au Canada s'il n'y a pas d'accords réciproques.

Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps. Mon exposé a été ciblé, à l'image de notre ligne aérienne. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

Le sénateur Roberge: Merci, monsieur Smith, de cet exposé concis.

Il y a quelque temps, j'ai lu dans les journaux que vous aviez amorcé des négociations avec Air Canada en vue de conclure une entente quelconque. Ces négociations ont-elles abouti ou sont-elles encore en cours?

M. Smith: Nous avions des discussions avec Air Canada, mais à la suite de l'évolution de la situation chez les Lignes aériennes Canadien, elles ont été interrompues et mises en veilleuse. En outre, nous avions d'autres priorités. Nous préparions un placement initial de titres et cela est devenu notre dossier prioritaire. Nous n'avons pas une structure de gestion imposante, même si nous comptons 1 100 employés. Les personnes qui participaient aux négociations s'occupaient également de ce placement. Dans la foulée de la suppression de la règle 47, nous avons mis un terme aux discussions avec Air Canada. Nous voulions voir venir, advenant l'émergence d'un seul transporteur dominant. À l'heure actuelle, il n'y a aucune discussion en cours avec Air Canada et une entente commerciale n'a pas été conclue.

Le sénateur Roberge: Vous dites qu'à l'heure actuelle vous visez uniquement l'ouest du pays. Envisagez-vous de faire de votre compagnie aérienne une compagnie nationale?

M. Smith: Dans le contexte du scénario actuel, compte tenu de la situation relative d'Air Canada et de Canadien, nous n'envisageons pas de desservir l'est du pays. Si cet environnement devait changer, nous pourrions examiner de nouveau la question. Pour l'heure, nous n'avons pas l'intention d'aller plus à l'est que Thunder Bay, qui est la localité la plus à l'est que nous desservons.

Le sénateur Roberge: Vous avez fait un commentaire indirect sur le futur transporteur à prix modique qu'Air Canada envisage de lancer. Si ce transporteur desservait uniquement l'est du pays, cela ne toucherait pas votre compagnie.

M. Smith: C'est exact. J'essaie de présenter mes observations dans la perspective de l'industrie. Si ce transporteur devait dominer le volet des tarifs élevés et lancer un transporteur à faible coût, il y aurait très peu de marge pour la concurrence. Oublions WestJet et prenons le cas d'une compagnie X qui voudrait s'implanter sur le marché, que ce soit à l'une ou l'autre extrémité de fourchette des prix. Il lui serait difficile de pénétrer le volet des tarifs élevés en raison de la présence d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien. Si elle essayait de pénétrer le volet bon marché, Air Canada y serait également. Par conséquent, il ne resterait que très peu d'ouvertures.

Le sénateur Roberge: C'est la réponse que je voulais.

Le sénateur Callbeck: Cette entreprise est un authentique exemple de réussite si l'on considère ses débuts en 1976 et sa situation aujourd'hui. À la page 2 de votre mémoire, vous dites que vous avez en moyenne 65 employés par appareil, contrairement aux deux grands transporteurs qui en ont de 140 à 170. Comment faites-vous?

Le sénateur Roberge: C'est ainsi qu'ils font de l'argent.

M. Smith: D'abord, nos employés ne sont pas syndiqués. La participation aux bénéfices est un incitatif financier pour nos employés. En fait, il y a deux semaines, nous avons remis 3,7 millions de dollars à nos employés pour six mois de travail. Pour cette période, les employés ont reçu en moyenne 4 500 $. Ils gagnent 30 000 $ par année en moyenne, et ils ont ainsi reçu pour cette période de six mois un supplément égal à 30 p. 100 de leur revenu. Il y a des incitatifs financiers à court et à long terme, parce que nous offrons aussi un programme d'option d'achat d'actions, en vertu duquel un investissement allant jusqu'à 20 p. 100 du salaire est égalé par l'entreprise.

Ces avantages rendent nos employés productifs. Les salaires sont comparables à ceux de l'industrie, mais une productivité accrue rapporte, si on compare la situation à celle des grands transporteurs.

Le sénateur Callbeck: Quelle proportion de votre entreprise est détenue par vos employés?

M. Smith: Ils détiennent environ 3 à 4 p. 100 du total. Cela dit, nous avons des pilotes qui sont aujourd'hui millionnaires. C'est intéressant.

Le sénateur Callbeck: À la page 5 de votre mémoire, vous indiquez que, selon vous, ce n'est pas l'industrie, mais un transporteur, qui est en difficulté. Croyez-vous qu'il y a de la place au Canada pour deux grandes compagnies aériennes?

M. Smith: Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre. Il y a deux transporteurs au Canada depuis fort longtemps. Mais, pendant tout ce temps, aucun des deux n'a réalisé des profits de façon constante. Si l'on se fonde uniquement sur le passé, deux transporteurs ne peuvent assurer à leurs actionnaires un rendement financier à long terme.

Le sénateur Callbeck: À la page 7 de votre mémoire, vous parlez d'une lettre qui a été envoyée à l'honorable David Collenette. Vous dites approuver beaucoup des éléments qu'elle renferme. Quels sont ceux que vous n'approuvez pas?

M. Smith: Il est proposé, dans cette lettre, d'autoriser les transporteurs étrangers à offrir des liaisons entre des destinations canadiennes. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, nous ne sommes pas favorables à cela. On propose aussi d'accorder plus de contrôle aux aéroports, ce que nous contestons. D'après nous, les aéroports sont déjà des monopoles non contrôlés qui nous causent des problèmes. On aurait tort de leur accorder encore plus de contrôle.

Il est aussi question, dans cette lettre, de la formule Chicago, qui est reconnue dans l'ensemble de l'industrie et dans le monde entier. Pour bien des raisons, cette formule devrait continuer de s'appliquer.

Le sénateur Callbeck: À la page 9 de votre mémoire, vous signalez que le Bureau de la concurrence doit s'assurer que l'industrie aérienne est concurrentielle, juste et équitable s'il y a un transporteur dominant, et vous dites croire que nous disposons déjà des moyens de le faire. Voulez-vous dire qu'aucune autre mesure de protection n'est nécessaire?

M. Smith: La seule autre mesure de protection nécessaire est celle qui consiste à accorder au Bureau de la concurrence plus de pouvoirs pour empêcher la fixation de prix abusifs ou le recours à des pratiques déloyales, comme accroître la capacité sur le marché sans raison. Le bureau devrait pouvoir agir rapidement, sans avoir à effectuer d'interminables enquêtes. Je ne suis pas avocat, mais je ne crois pas que les mesures qui existent actuellement permettent de régler rapidement ces deux genres de problème. Les principes existent, mais pas la capacité d'agir rapidement et efficacement. C'est mon point de vue.

Le sénateur Spivak: Si Canadien International fait faillite, 16 000 emplois seront touchés. Si l'offre d'Air Canada est rejetée à cause d'American Airlines ou pour toute autre raison, Canadien International risque de disparaître. À vrai dire, je ne crois pas que cela dérangerait Air Canada. Que pensez-vous de ce scénario? Que devrait faire le gouvernement? Combien de ces emplois votre compagnie pourrait-elle absorber?

M. Smith: Je suis un fervent partisan de la société capitaliste qui est la nôtre.

Le sénateur Spivak: Nous avons une économie mixte.

M. Smith: Oui, c'est vrai. Le gouvernement ne doit pas intervenir dans les activités d'une industrie. Il est difficile de ne pas aller trop loin quand on commence à le faire.

Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que le gouvernement n'aurait pas dû intervenir? Aurait-il dû laisser Canadien International faire faillite?

M. Smith: Non, la suspension des règles de l'article 47 était justifiée. Je parle de ce que le gouvernement devrait faire si Canadien International a des problèmes à l'avenir. Je crois que, s'il se crée un vide dans l'industrie, surtout dans l'industrie aérienne, des tas de gens vont se manifester. En fait, je garantis qu'ils vont le faire. Deux compagnies aériennes ont fait des annonces aujourd'hui.

Le sénateur Spivak: L'une d'elles vient de Winnipeg.

M. Smith: Oui, et une autre annonce est faite pratiquement au moment où je vous parle, par Regional Airline, qui appartient à la famille qui était propriétaire d'Air Ontario. Je crois qu'elle va annoncer qu'elle est prête à acheter les lignes régionales d'Air Canada et de Canadien International.

L'industrie aérienne, plus que toute autre industrie déteste le vide. Si Canadien fait faillite -- et je dis bien «si», par ce que je ne connais pas l'avenir -- les offres vont affluer. Ses emplois seront absorbés, mais peut-être pas les 16 000. Il est possible, même si je n'en sais rien, qu'il y avait trop d'employés au sein de la compagnie. Quoiqu'il en soit, l'industrie aérienne n'en deviendra que meilleure.

Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire que le gouvernement ne devrait rien faire?

M. Smith: Il devrait s'assurer que le Bureau de la concurrence peut agir efficacement.

Le sénateur Spivak: Je comprends cela. Pour ce qui est d'aider Canadien International, devrait-il ne rien faire?

M. Smith: Malheureusement, Canadien doit être traitée comme Eaton l'a été, comme une victime de l'industrie. Je ne suis pas contre les compagnies aériennes canadiennes, mais on l'a déjà soutenue une fois, et on ne devrait plus le faire, parce qu'on risque de maintenir l'industrie aérienne en situation de faiblesse. Je ne pense pas que le statu quo soit une bonne chose.

Le sénateur Spivak: Quoi qu'on fasse, il y aura une compagnie aérienne dominante. Devrait-il y avoir des compagnies aériennes régionales ou à tarifs bon marché et plus de compagnies de nolisés, même s'il y a une compagnie dominante?

M. Smith: Je vais vous présenter un scénario. Autrefois, certains d'entre vous s'en rappellent peut-être, Air Canada était le transporteur dominant au Canada. CP Air servait seulement l'ouest du pays, EPA l'est, et Nordair l'Ontario. Ce scénario n'était pas mauvais, mais les choses ont changé. L'industrie est en constante évolution. Nous devons laisser l'industrie et l'économie évoluer de façon à ce qu'elle offre le modèle qui nous convient le mieux. Il n'y aura peut-être pas un transporteur dominant. Des transporteurs régionaux peuvent apparaître. WestJet peut décider d'étendre ses activités à l'ensemble du Canada. Pour moi, c'est la façon de faire des affaires.

Le sénateur Finestone: Pouvez-vous situer Canadien International et AMR dans votre scénario? Que voyez-vous pour elles? Je ne pense pas qu'on puisse faire abstraction de la participation d'AMR.

M. Smith: D'après moi, la situation d'AMR n'est pas différente de celle de United et de Lufthansa dans le cas d'Air Canada. AMR s'intéresse à Canadien International pour le trafic et les frais qu'elle procure. De toute évidence, AMR a un rôle à jouer dans l'avenir de Canadien International parce qu'elle est intervenue lors de la dernière crise financière de Canadien et qu'elle a ainsi obtenu des droits.

La tendance est aux alliances dans l'industrie aérienne. Autrefois, un transporteur canadien faisait concurrence à un autre transporteur canadien. Puis, ce fut un transporteur canado-américain contre un transporteur canado-américain. Aujourd'hui, les alliances se font au niveau mondial.

Nous discutons ici du transport à l'intérieur du Canada et de la façon dont il est rattaché aux États-Unis. Je crois qu'AMR s'intéresse à Canadien uniquement pour le trafic qu'elle peut apporter. Si son initiative n'a pas de succès, elle va peut-être s'associer à WestJet ou à Canada 3000. Il y a bien des façons de plumer un canard.

Le sénateur Finestone: On veut assurer l'intégrité de l'industrie aérienne canadienne, pour que le drapeau canadien, la feuille d'érable, continue de flotter d'un bout à l'autre du pays, à l'intérieur de nos frontières. La participation d'AMR change la situation.

M. Smith: Dans ce cas, nous serions le seul pays du monde à ne pas faire comme les autres.

Le sénateur Fairbairn: Votre mémoire est plein de vivacité, comme votre compagnie.

M. Smith: Merci.

Le sénateur Fairbairn: La semaine dernière, avec M. Milton, nous avons parlé des compagnies aériennes à tarifs bon marché. Mes collègues peuvent me corriger si je me trompe, mais il nous a donné l'impression que la compagnie aérienne à tarifs bon marché prévue à Hamilton voulait profiter des débouchés qu'offre le trafic à la frontière. Cependant, il n'a pas rejeté l'idée qu'elle puisse étendre ses activités dans l'Ouest. Est-ce que cela vous inquiète qu'un transporteur dominant conserve Canadien comme filiale, comme on le propose? Et cela vous dérange-t-il qu'une nouvelle compagnie à tarifs bon marché de Hamilton puisse étendre ses activités dans l'Ouest?

M. Smith: Air Canada a dit qu'elle n'irait pas plus à l'ouest que Winnipeg.

Le sénateur Kirby: Pour apporter des précisions, M. Milton m'a indiqué bien clairement, en réponse à une question que je lui posais exactement à ce sujet, qu'il ne voulait limiter d'aucune façon la zone géographique que cette compagnie aérienne servirait.

M. Smith: D'accord, mais nous avons déjà fait concurrence à Air Canada avec beaucoup de succès. Nous croyons que notre structure de coûts est inégalable. Je favorise la concurrence. Je demande simplement que le Bureau de la concurrence veille à ce que ni Air Canada ni son transporteur à tarifs bon marché n'offre de prix abusifs.

Dans le contexte actuel, Air Canada pourrait toujours exploiter un transporteur à tarifs bon marché. Je ne peux l'empêcher de le faire. Je me demande simplement pourquoi elle ne l'a pas fait avant. Elle peut toujours décider de se lancer dans cette aventure, et je lui souhaite bonne chance. Si elle veut nous faire concurrence, nous verrons qui gagnera sur le terrain.

Je répète que nous ne faisons pas nécessairement concurrence à Air Canada et à Canadien. Nous visons un certain marché. Nous contribuons à augmenter le trafic parce que, à 49 $, les gens voyagent plus. On vous le dira dans l'Ouest. Nous avons accès à un marché auquel je n'étais pas habitué, en tant qu'ancien président d'Air Ontario et d'Air Toronto et en tant qu'ancien cadre d'Air Canada. Je monte à bord de l'avion en m'attendant à ce que les voyageurs soient des gens d'affaires, mais ce sont des personnes âgées, des gens dont les enfants ont quitté le foyer, de jeunes enfants, des mères célibataires et des familles.

La clientèle de WestJet est tout à fait différente de celle des grands transporteurs. Nous incitons vraiment les gens à sortir de chez eux. Au lieu d'aller passer la soirée au restaurant, ils prennent l'avion pour Vancouver, pour moins cher. En ce sens, notre compagnie aérienne est unique en son genre.

Le sénateur Fairbairn: Vous donnez sûrement l'exemple à d'autres.

M. Smith: En fait, nous avons copié SouthWest.

Le sénateur Fairbairn: D'après votre réponse à la question du sénateur Kirby et à la mienne, vous ne vous opposeriez pas à ce qu'une compagnie à tarifs bon marché établie à Hamilton étende ses activités, à moins qu'elle ait recours à des pratiques déloyales de fixation de prix. Le gouvernement à fixé les conditions pour les offres de ce genre.

M. Smith: Oui, nous sommes vraiment favorables à la concurrence.

Le sénateur Finestone: Cependant, le Bureau de la concurrence a-t-il assez d'autorité actuellement pour empêcher l'établissement de prix abusifs?

M. Smith: Voilà le problème, madame le sénateur. Je ne le crois pas.

Le sénateur Kirby: Non, il n'en a pas assez.

M. Smith: Il faut accroître ses pouvoirs.

Le sénateur Kirby: Tout à fait.

M. Smith: Même Canadien a dit qu'il lui faudrait trois semaines pour dépenser un montant de 88 millions de dollars. Une semaine, c'est long dans notre industrie.

Le sénateur Kirby: Il faut pouvoir interdire ce genre de choses.

M. Smith: Oui, des mesures doivent être prises rapidement.

Le sénateur Andreychuk: Je suis montée à bord de vos avions. En plus de vos horaires et de vos prix, vous auriez pu parler de la vivacité de votre personnel, qui peut faire des blagues à 7 heures le matin avant le décollage. Tout ce que je reproche à WestJet c'est son personnel, qui est un peu trop éveillé pour moi à 7 heures le matin.

Vous avez ouvert un marché dans l'ouest du Canada qui n'existait pas avant. Vous assurez des liaisons dans l'ouest du Canada qui n'étaient pas jugées rentables par Air Canada et Canadien.

Si Air Canada prend le contrôle de Canadien, pensez-vous qu'elle va laisser Canadien telle quelle ou qu'elle va en faire un transporteur à tarifs bon marché sur courtes distances, qui serait en concurrence avec vous? Pensez-vous qu'Air Canada va laisser Canadien continuer de rivaliser avec elle? Actuellement, Canadien et Air Canada se disputent les liaisons canadiennes -- du moins dans l'ouest du pays. Elles ont des horaires de décollage et d'atterrissage comparables. Si l'une vend des places à rabais, l'autre fait la même chose. Croyez-vous que la situation restera la même si Air Canada acquiert Canadien, ou va-t-elle la forcer à occuper votre marché?

M. Smith: Air Canada et Canadien étaient concurrentielles à un autre niveau. Quand l'une augmentait ses tarifs, l'autre faisait la même chose. L'arrivée de WestJet a perturbé le statu quo.

Je préfère ne pas spéculer sur ce qu'Air Canada fera de Canadien. Je ne connais pas ses plans. Air Canada peut faire de Canadien un transporteur à tarifs bon marché, mais je pense que même Canadien a indiqué son intention de s'attaquer à ce marché. Kevin Benson a dit qu'il voulait faire de Canadien un transporteur à tarifs bon marché, mais que les contrats de travail rendaient la chose difficile. Nos avons les mêmes coûts pour les avions, le carburant, les droits d'atterrissage et les droits de NAV CANADA. Ce sont les coûts de main-d'oeuvre qui font la différence entre la plupart des transporteurs. Le fait que nous utilisons un seul type d'avion est un avantage pour nous.

Le sénateur Andreychuk: D'après les communiqués de presse, vous n'allez pas étendre vos activités. Nous dites-vous maintenant que vous envisagez d'offrir des services dans l'Est?

M. Smith: Non. Je dis que nous ne savons pas comment l'industrie aérienne va régler son sort. Dans un scénario à deux transporteurs, nous n'envisageons pas d'étendre nos activités dans l'Est. Cependant, si Canadien disparaît, c'est une possibilité. Notre conseil n'a pas étudié la question. Nous nous occupons de faire ce que nous avons à faire, c'est-à-dire exploiter notre compagnie, sans nous préoccuper de tout ce qui pourrait arriver.

Le sénateur Fairbairn: Avez-vous un droit sur le nom «EastJet» dans le Canada atlantique, au cas où vous en auriez besoin?

M. Smith: Nous avons déposé le nom EastJet par mesure préventive seulement, pas pour nous attaquer à ce marché. Nous l'avons fait parce que nous ne voulons pas que quelqu'un lance une compagnie de ce nom et qu'on nous associe à elle. Malheureusement, on a vu que des compagnies comme Greyhound ou VistaJet n'ont pas survécu plus de six mois. Nous ne voulons pas qu'une entreprise du nom de EastJet fasse faillite et que les gens nous associent à cette compagnie.

Si nous étendons nos activités vers l'Est -- ce que nous ne comptons pas faire pour l'instant -- nous garderions le même nom parce que, pour nous, toutes nos activités se passent à l'ouest de Saint John's?

Le sénateur Fairbairn: C'est vrai.

La présidente: Merci beaucoup monsieur Smith.

Le comité se réunira demain à huis clos, dans la pièce 256-S de l'édifice du Centre, à l'ajournement du Sénat.

La séance est levée.


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