Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 27 novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner l'accessibilité, l'éventail et la prestation des services, les problèmes liés aux politiques et aux compétences, l'emploi et l'éducation, l'accès aux débouchés économiques, la participation et l'autonomisation des jeunes et d'autres questions connexes.
Le sénateur Thelma Chalifoux (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Nous sommes en train de dresser un plan d'action extrêmement intéressant en faveur du changement. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Nous sommes certains que votre exposé nous en apprendra beaucoup sur ce que fait votre bureau pour régler les problèmes des Autochtones, et surtout des jeunes autochtones, vivant en milieu urbain.
La parole est à vous.
M. Fred Caron, sous-ministre adjoint, Secrétariat des affaires autochtones, Bureau du Conseil privé: Je vous remercie de m'avoir invité ici ce matin. Je suis bien d'accord qu'il s'agit d'une occasion extrêmement intéressante. Ce dossier n'a pas fait l'objet de l'attention qu'il mérite dans le pays. Il s'agit d'une nouvelle affaire, même si le problème aurait dû être reconnu depuis longtemps. Je me propose aujourd'hui de vous donner un compte rendu de ce que le gouvernement fédéral essaie de faire et de ce que certaines provinces ont déjà entrepris.
La question revêt de plus en plus d'importance. Vous avez probablement lu les études réalisées par l'Institut C.D. Howe, la Canada West Foundation et d'autres, qui mettent cette question en évidence. On a récemment écrit à ce sujet bien plus qu'on ne l'avait fait depuis un certain temps. Le débat est maintenant engagé.
[Français]
J'aimerais diviser ma présentation en cinq parties afin de discuter des conditions socioéconomiques des Autochtones, de leur stratégie en milieu urbain de 1997 à aujourd'hui, des points qu'il leur reste à développer et de l'opinion des experts.
[Traduction]
C'est un rôle assez étrange pour le Bureau du Conseil privé, puisque nous n'assumons pas ordinairement des fonctions reliées à des programmes. Le bureau de l'interlocuteur fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits se trouve probablement au Bureau du Conseil privé parce qu'on n'a pas trouvé un autre endroit où le placer. Nous relevons de M. Goodale, ministre responsable de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain.
Le mémoire adressé au Cabinet pour obtenir l'approbation de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain était coparrainé par l'interlocuteur fédéral d'alors, Mme McLellan, et le ministre des Affaires indiennes d'alors, M. Irwin.
Je vais commencer par les conditions socioéconomiques. Vous en avez déjà beaucoup entendu parler par le ministère du Développement des ressources humaines. Les conditions ne sont pas très différentes de celles qui règnent dans les réserves.
Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 4, à la page 2 du texte qui vous a été remis, les estimations du pourcentage d'Autochtones vivant hors réserve varient beaucoup, mais il est admis que le chiffre n'est pas inférieur à 50 p. 100. Certains croient que c'est plutôt 60 p. 100, la majorité étant concentrée dans les villes, et notamment celles que vous voyez sur la diapo 5, à la page 3 du texte.
Ces caractéristiques démographiques indiquent que les Autochtones constituent une importante part de la population, non seulement en chiffres absolus, mais aussi en pourcentage. Le graphique de la diapo 5 donne une idée de la façon dont la présence des Autochtones modifie la dynamique des villes, en ce qui concerne non seulement leur composition, mais aussi leur politique.
Sur la diapo intitulée «Situation socioéconomique», vous verrez des chiffres que, probablement, vous ne connaissez déjà que trop. Plus de 50 p. 100 des Autochtones vivent au-dessous du seuil de la pauvreté. On assiste de plus en plus à la formation de ghettos autochtones urbains, surtout à Winnipeg, à Regina et à Saskatoon. Il y a un taux élevé de sans-abri: les Autochtones sont presque aussi surreprésentés dans la population des sans-abri qu'ils le sont dans la population carcérale.
Quelque 40 p. 100 des enfants autochtones vivent dans une famille monoparentale, le plus souvent dirigée par une femme. Le problème comporte beaucoup d'éléments féminins. Plus de50 p. 100 des parents célibataires ont moins de 24 ans. Ces chiffres sont semblables à ceux qu'on trouve dans les réserves ayant une population jeune.
Le dernier point concerne le taux élevé de mobilité ou d'allées et venues. D'après les renseignements dont nous disposons, il y a beaucoup de mouvement entre les zones urbaines et les réserves. Nous ne sommes pas sûrs des motifs. Il y a des facteurs évidents, que nous ne connaissons que sous forme anecdotique, comme la situation du logement, l'accès aux soins de santé, et cetera. Cependant, nous devrons déployer plus d'efforts pour trouver les vraies raisons.
La population des réserves augmente. La plupart de nos statistiques montrent que la croissance est principalement due à une expansion naturelle plutôt qu'à une importante migration de la population hors réserve. Les deux populations croissent à un taux plus élevé que celui de la population non autochtone du pays.
La diapo 8, à la page 4, traite de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Le gouvernement fédéral a élaboré cette stratégie en réponse aux préoccupations principalement exprimées par les ministres de l'Ouest, qui s'inquiétaient de la situation dans leurs villes. Ils voulaient savoir si le gouvernement pouvait faire quelque chose pour améliorer cette situation, tout en se rendant compte que, depuis longtemps, le gouvernement fédéral estime que sa responsabilité première est envers les Indiens vivant dans les réserves. Les ministres voulaient quand même savoir s'il n'était pas possible d'adopter une approche dans laquelle le gouvernement fédéral aurait quand même un rôle à l'égard des populations autochtones vivant en milieu urbain.
On nous a alors demandé de concevoir une approche possible pour le gouvernement fédéral. La ligne de conduite approuvée à l'époque traduisait la position d'alors concernant la responsabilité: le gouvernement fédéral admettait qu'il avait un rôle à jouer, mais il ne voulait pas être le premier responsable à cet égard. Nous avons élaboré une stratégie reflétant le principe du partenariat avec les provinces, les municipalités et les groupes autochtones eux-mêmes, et comportant des efforts destinés à en faire plus avec les ressources disponibles et à essayer d'engager le débat.
Vous pouvez voir sur la diapo 9, à la page 5, les éléments de la stratégie approuvée.
Le premier point traite des moyens de cibler les besoins socioéconomiques des Autochtones urbains. Lors de la rédaction de mémoires au Cabinet, les ministères ont été invités à déterminer s'il ne serait pas avantageux de consacrer des éléments précis de leurs initiatives aux Autochtones urbains. Les deux principaux exemples à cet égard sont la composante autochtone de l'initiative concernant les sans-abri et les centres urbains polyvalents pour les jeunes. La Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones comporte également une importante composante urbaine.
Le deuxième point traite de l'amélioration de l'accès aux programmes et aux services et de leur coordination. C'est probablement l'un de nos plus grands problèmes: amener les différents ministères fédéraux à mieux coordonner leur action dans ce domaine. Nous avons eu un certain succès à cet égard, sur lequel je reviendrai plus tard.
Ensuite, il importe d'assurer une plus grande sensibilisation dans différents forums multilatéraux. Il s'agit de cibler des choses telles que les ententes d'association pour le développement économique de l'Ouest et les ententes d'aménagement urbain pour voir, encore une fois, s'il n'y a pas lieu d'établir un élément autochtone urbain.
Le point suivant concerne la coordination de la recherche sur les politiques et de l'échange d'information sur les questions autochtones. Nous pourrions sans doute mieux faire dans ce domaine. Nous avons déjà réuni certaines de nos initiatives de recherche sur les politiques et avons financé les travaux d'organismes extérieurs. Je reviendrai plus tard sur cette dernière question.
Le cinquième point porte sur l'amélioration des liens horizontaux avec les provinces et au sein du gouvernement fédéral. Je vais parler de nos réalisations à cet égard, qui sont les plus importantes pour ce qui est d'engager le débat. Nous avons mis en place des structures, que nous n'avions pas avant 1997, pour examiner ces questions avec les provinces, les municipalités et les groupes autochtones. En fait, avant 1997, beaucoup de provinces niaient l'existence même du problème.
[Français]
Les conditions socioéconomiques, dans le cas des réserves autochtones, ont été améliorées, mais pas suffisamment. Des pressions venant d'intérêts privés seront multipliées sur cette question. Les instituts C.D. Howe et Canada West ont mené des études. Des experts ont écrit sur la situation des autochtones en milieu urbain, et la question suivante a été soulevée: pourquoi les gouvernements fédéraux et provinciaux ne font-ils pas plus d'efforts dans ce domaine?
[Traduction]
Malgré ces problèmes, néanmoins, c'est une bonne première étape. J'ai hâte d'entendre vos questions et vos commentaires. Nous ne nous sommes pas croisé les bras dans ce domaine. Nous avons quelques idées sur l'orientation à prendre à l'avenir. Quoi qu'il en soit, je peux vous affirmer qu'on ne tentera plus de masquer ou d'enterrer le problème. Le débat est maintenant engagé et il n'est plus question de faire rentrer le génie dans la bouteille.
La présidente: Nous l'espérons bien.
M. Caron: La diapo 11, page 6, représente la situation actuelle du côté fédéral. Le gouvernement fédéral consacre d'importantes sommes aux Autochtones des régions urbaines. Ces sommes ne comprennent pas les montants fédéraux que les Autochtones peuvent toucher à titre de citoyens canadiens, au même titre que tous les autres.
Lorsque nous avons examiné la question, nous avons constaté que nos dépenses étaient assez importantes. Bien sûr, elles n'atteignaient pas le niveau que les Autochtones auraient souhaité, mais il n'y a pas de doute que le gouvernement fédéral fait des efforts. Nous pourrions probablement obtenir de meilleurs résultats en dépensant mieux cet argent - et je reviendrai sur ce point -, mais en l'ajoutant à ce que les provinces dépensent, on arrive à un chiffre qui est loin d'être insignifiant.
De toute façon, chacun se rend compte qu'il subsiste une lacune sur le plan des politiques, parce que les conditions persistent et ne s'améliorent pas du tout à un rythme acceptable.
La diapo 12, également la page 6, vous donne une idée de la structure fédérale mise en place pour gérer la mise en oeuvre de la stratégie. Comme je l'ai mentionné, le Bureau du Conseil privé joue un rôle de coordination d'ensemble, les efforts concrets étant déployés par les ministères de première ligne, notamment au niveau régional. Nous avons constaté qu'il était impossible de donner à cette stratégie une orientation nationale. En effet, les problèmes varient considérablement d'une province à l'autre et même d'une ville à l'autre. Un modèle national ne servirait pas à grand-chose. Le vrai leadership doit venir de la base, dans les régions. Nous avons constaté que cette approche pouvait réussir.
J'ai déjà mentionné quelques-unes de nos réalisations, que vous pouvez voir sur les diapos 13 et 14. J'ai parlé de la plus grande sensibilisation. Nous avons publié le «Guide des initiatives fédérales à l'intention des Autochtones vivant en milieu urbain» et avons établi un site Web qui donne la même information. C'est une liste de tous les programmes et les services fédéraux auxquels les Autochtones des villes peuvent recourir. La liste est assez longue. Il y a en effet près de 80 programmes fédéraux appliqués hors réserve.
L'autre réalisation digne de mention à cet égard est l'ouverture d'un «guichet unique» au Centre autochtone de Winnipeg, dans lequel le gouvernement fédéral, les organisations autochtones et les gouvernements provinciaux ont créé des bureaux, dans un seul bâtiment. Cela a été très utile pour établir une certaine coopération entre les deux paliers de gouvernement et les organisations autochtones. Nous travaillons actuellement à l'établissement d'autres guichets uniques à Regina, Vancouver et Edmonton. Nous espérons qu'ils seront opérationnels dans un proche avenir. Nous en sommes encore à l'étape de la discussion.
Le niveau d'engagement provincial a sensiblement augmenté. Au début, la Saskatchewan et le Manitoba étaient les deux seules provinces qui voulaient bien admettre qu'il y avait un problème. Nous avons maintenant un protocole d'entente avec le gouvernement du Manitoba sur les questions relatives aux Autochtones vivant en milieu urbain. Nous visons le même genre d'accord avec la Saskatchewan. Dans son récent discours du Trône, le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué qu'il souhaitait consacrer plus d'efforts aux Autochtones urbains. Le gouvernement de l'Alberta a également fait savoir, dans sa nouvelle politique concernant les Autochtones, que c'était une de ses priorités. Nous espérons que le même engagement se manifestera partout dans le pays.
Nous travaillons avec le gouvernement de l'Ontario. Nous verrons à quel point nous aurons du succès, et nous espérons que cela s'étendra au reste du pays.
Les statistiques montrent que les éléments les plus aigus du problème se situent dans l'ouest du pays, mais on en trouve aussi dans des villes de l'Est, comme Toronto et Montréal. Les enseignements que nous tirons ici peuvent vraisemblablement être utiles ailleurs dans le pays.
Les diapositives donnent des exemples précis des progrès réalisés dans les provinces de l'Ouest. Cela s'est principalement fait au niveau local. Nous avons organisé des tables rondes et d'autres genres de réunions de discussion où des représentants des gouvernements et des organisations autochtones ainsi que des particuliers ont essayé de définir les problèmes communs. Les jeunes, qui font l'objet de vos délibérations, figurent probablement en tête de liste dans tous les cas. C'est donc l'un des éléments communs.
Dans diverses villes, et parfois à l'échelle de toute une province, des comités d'Autochtones urbains ont été formés pour tenter de définir les problèmes communs et d'élaborer un plan d'action. Le contenu varie d'un endroit à l'autre, mais il y a certains thèmes communs. Une fois de plus, les jeunes figurent en tête de liste. Les problèmes des femmes, et notamment des familles monoparentales, se situent également très haut sur la liste.
Il y a des variantes. À Vancouver, la toute première priorité est la prostitution enfantine, suivie de très près par le VIH/sida.
Le plus important, c'est que ces processus ont commencé. Il y a un bon niveau d'engagement. La question est maintenant de déterminer comment passer à l'étape suivante.
Cela m'amène aux diapositives suivantes concernant les grandes préoccupations que nous avons. La première réside dans les «chasses gardées», c'est-à-dire dans la rigidité des structures de compétence. Ceux qui connaissent bien la question, comme beaucoup d'entre vous, savent que les provinces et le gouvernement fédéral ont des divergences au sujet de la compétence dans ce domaine. Entre-temps, les Autochtones souffrent. Heureusement, les attitudes sont en train de changer. Les discussions fédérales-provinciales sont beaucoup plus productives. Les quelques dernières réunions des ministres chargés des questions autochtones et des chefs que M. Nault a présidées ont eu un caractère très professionnel et ont été fructueuses. Les provinces commencent à se montrer disposées à mettre de côté les questions de compétence pour s'attaquer aux vrais problèmes. Aucun des deux paliers de gouvernement n'est susceptible d'abandonner complètement les arguments relatifs à la compétence, mais chacun semble disposé à les écarter pour le moment pour examiner, sans préjudice pour personne, les solutions qu'il serait possible de réaliser ensemble puisqu'en réalité, nous sommes tous responsables. Nous commençons donc à obtenir certains résultats surtout parce que le problème a pris des dimensions de crise.
Les problèmes de compétence constituent une énorme difficulté pour les gouvernements. C'est un vrai défi d'amener les ministères à renoncer au cloisonnement et à l'esprit de clocher et à collaborer, aux niveaux tant fédéral que provincial. Il y a un degré limité de flexibilité dans certains de ces programmes. Surtout au niveau local, quand des gens déterminent qu'il y a des améliorations à apporter dans un domaine, il est impossible de rien faire si le domaine en question ne s'inscrit pas entièrement dans le cadre d'un programme. Nous devons trouver un moyen de coopérer davantage entre ministères.
Mon point de vue personnel est qu'il faut changer la psychologie ministérielle, de façon à y intégrer beaucoup plus de collaboration qu'il n'y en a à l'heure actuelle. Les Autochtones nous disent que s'ils ont affaire à deux ministères différents, ils obtiennent en général deux points de vue différents. Nous devions présenter hier un exposé en Ontario. Notre interlocuteur du centre d'amitié a présenté un plan des programmes fédéraux et provinciaux touchant les enfants. Le degré de chevauchement et de contradiction était renversant. Nous devons faire mieux à cet égard.
De plus, une multitude d'organisations affirment qu'elles représentent les Autochtones.
[Français]
Il est difficile de déterminer, particulièrement dans le milieu urbain, quelles organisations autochtones parlent au nom de la population. La population est mixte et provient de nombreuses Premières nations, dont les Métis et quelquefois les Inuits. C'est un défi important pour nous. Cette question a été débattue dans plusieurs provinces, en premier lieu, au Manitoba. Cela a demandé beaucoup d'efforts. Toutefois, des problèmes existent toujours à Vancouver et dans d'autres parties du pays pour identifier l'organisation qui peut parler au nom de la population.
[Traduction]
C'est une question que les gouvernements aimeraient voir les Autochtones régler eux-mêmes. Toutefois, nous avons été obligés, dans certains cas, de choisir une organisation et de collaborer avec elle pour pouvoir avancer.
Le problème suivant concerne les problèmes socioéconomiques graves et complexes qu'il faut affronter. Aucun montant imaginable ne serait suffisant pour régler ces problèmes. La question est de savoir comment investir sagement pour tirer les meilleurs résultats des programmes existants avant de songer à de nouveaux programmes, même si, en réalité, comme dans beaucoup d'autres dossiers autochtones, des investissements supplémentaires seraient faciles à justifier.
Sur les diapos 19 et 20, sous le titre «Opinions externes» Alan Cairns est cité comme l'un des grands experts canadiens des questions autochtones. C'est un homme très respecté qui a déployé de très grands efforts en écrivant et autrement pour que le gouvernement fédéral et les provinces s'occupent des problèmes des Autochtones vivant en milieu urbain.
L'une des trois parties de l'étude entreprises par la Canada West Foundation sur les questions autochtones vient d'être publiée. Elle a beaucoup retenu l'attention des médias.
Il y a quelques semaines, l'ancien premier ministre ontarien Bob Rae a fait l'observation que vous pouvez voir sur la diapo 21. L'Institut C.D. Howe s'occupe aussi activement de la question. Il a organisé un forum l'année dernière à Regina pour en discuter, et je crois qu'il a l'intention d'en organiser d'autres.
Quant à savoir quelle direction prendre maintenant, M. Goodale envisage de présenter au Cabinet, au cours de l'année prochaine, ses recommandations sur la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Nous collaborons étroitement avec les provinces et les groupes autochtones pour déterminer comment nous attaquer à certains des problèmes que j'ai mentionnés. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Cette stratégie ne sera pas terminée dans les trois prochaines années. Je crois qu'elle se poursuivra pendant assez longtemps encore. Nous avons pris quelques mesures utiles pour engager le débat. Nous recommanderons des solutions à certaines des préoccupations que nous avons définies. Nous espérons que les provinces nous appuieront dans leurs propres systèmes. Je suis sûr que certains d'entre vous apprendront de M. Goodale ce qu'il a précisément l'intention de proposer au Cabinet. Je crois qu'il parlera de ses propositions à un moment donné de l'année prochaine.
Je serais maintenant heureux de répondre aux questions.
La présidente: Est-ce que vos statistiques comprennent les Métis des centres urbains?
M. Caron: Oui.
Le sénateur Cochrane: Vous nous avez dit que le sida est en tête de liste parmi les préoccupations en Colombie-Britannique. Quel est le pourcentage de jeunes Autochtones qui sont atteints de cette maladie?
M. Caron: Je ne connais pas le pourcentage, mais je peux certainement vous l'obtenir. Toutefois, un pourcentage assez important d'Autochtones sont séropositifs ou ont le sida. Beaucoup d'entre eux sont mêlés à la prostitution et aux drogues injectables, qui sont les principaux moyens de propagation du virus. Les Autochtones sont moins renseignés sur ce sujet que les autres. Leur niveau de connaissance de la maladie et de la façon dont elle se propage est faible. L'incidence du VIH/sida est élevée à Vancouver.
Le sénateur Cochrane: Le Centre autochtone de Vancouver a-t-il des programmes d'éducation dans ce domaine?
Mme Susan Anzolin, agente, Direction de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Bureau du Conseil privé: Il y a un certain nombre de centres de santé autochtones dans l'est du centre-ville. Toutefois, ils sont en conflit avec le Conseil régional des services de santé de Vancouver. Des efforts sont déployés pour faire face aux pressions qui s'exercent en matière de sida dans les centres autochtones, surtout dans l'est du centre-ville.
Malheureusement, nos statistiques sur la santé ne nous permettent pas de mesurer l'étendue du problème dans le cas particulier des Autochtones. Les statistiques de la santé dont nous disposons portent sur l'ensemble de la ville de Vancouver, Nous n'avons pas de ventilation entre Autochtones et non-Autochtones. Nous avons de bonnes statistiques sur la santé dans les réserves, mais elles ne sont pas très bonnes dans le cas des Autochtones hors réserve.
Le sénateur Cochrane: J'ai lu quelque part que 17 p. 100 des jeunes à Saskatoon sont infectés du virus du sida. N'est-ce pas là l'une des priorités du Groupe des femmes autochtones de Saskatoon?
Mme Anzolin: Je n'ai pas ces chiffres, mais je vais essayer de faire un suivi. À Saskatoon, l'itinérance fait partie des problèmes prioritaires, mais pas le sida. Il est certain, comme M. Caron l'a dit, que la situation est tellement complexe qu'on pourrait dire que n'importe quelle condition socioéconomique négative constitue une priorité pour la collectivité autochtone de Saskatoon. C'est peut-être un problème important, mais nous n'avons pas entendu dire jusqu'ici qu'il figurait parmi les problèmes jugés prioritaires.
Le sénateur Cochrane: À part le problème des sans-abri, si cette estimation est exacte, le problème semble être prioritaire.
M. Caron: Nous vérifierons certainement cette information pour voir ce qui se fait à Saskatoon. Comme l'a dit Mme Anzolin, il y a tant de problèmes à résoudre qu'il n'est pas toujours facile de savoir lesquels sont prioritaires. Nous n'avons pas connaissance de tels chiffres dans le cas de Saskatoon, mais nous allons nous renseigner.
Le sénateur Cochrane: Je voudrais revenir à ce portefeuille au Conseil privé. Je suppose que cela se fait au petit bonheur. Est-ce que je me trompe?
M. Caron: J'ose croire que ce n'est pas le cas.
Le sénateur Cochrane: Excusez mon ignorance à ce sujet.
M. Caron: Je comprends votre question. Voici l'historique de l'affaire. Le bureau de l'interlocuteur fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits a été créé à la suite des discussions constitutionnelles qui ont eu lieu entre 1983 et 1987. Les Métis et les Indiens non inscrits se plaignaient alors que, contrairement aux Indiens inscrits, ils ne pouvaient pas s'adresser à un endroit central au gouvernement fédéral pour parler de leurs préoccupations. Les Indiens inscrits ont le ministre des Affaires indiennes, mais eux devaient adresser leurs griefs à différents ministères fédéraux.
Le gouvernement fédéral n'était pas disposé à créer un nouveau ministère pour s'occuper de leurs affaires. Comme compromis, il a établi le bureau de l'interlocuteur fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits. Son rôle consiste à les défendre auprès du Cabinet. Pour s'acquitter de ce rôle, nous avons un petit secrétariat composé d'une douzaine de personnes, qui est responsable de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, des Autochtones hors réserve, des négociations sur l'autonomie gouvernementale et d'autres questions intéressant les Métis et les Indiens non inscrits. Comme aucun ministère ne semblait constituer l'endroit idéal pour abriter le bureau de l'interlocuteur fédéral, il a été décidé de le placer au Bureau du Conseil privé. L'interlocuteur n'est pas ordinairement le président du Conseil privé. C'est habituellement un ministre qui a des liens particuliers avec le sujet. Ordinairement, il s'agit d'un ministre de l'Ouest, mais un ministre ontarien s'en est occupé à un moment donné.
Le sénateur Christensen: Les problèmes de coordination entre ministères deviennent très évidents. Notre comité dispose d'un certain temps pour terminer son étude, mais, à mesure que nous avançons, nous nous apercevons que, comme une pieuvre, le problème étend partout ses tentacules. Nous essayons de situer les programmes, de savoir où ils sont gérés et comment on y accède. Il semble y avoir beaucoup de gaspillage financier et administratif à cause de tous les chevauchements. J'espère que le comité arrivera à réunir toute l'information voulue. Il est probablement trop tôt pour poser des questions sur les besoins fondamentaux, sur les détails de votre programme ainsi que sur les objectifs des politiques et des programmes. Nous y arriverons plus tard.
Je vous demande de nous donner une liste détaillée de vos programmes et de la façon dont ils sont mis en oeuvre. Nous avons demandé la même chose à DRHC, pour être en mesure de connaître tout ce qui est disponible.
Nous nous rendons compte de l'importance de la croissance démographique autochtone. Je veux parler de tous nos Autochtones, y compris les Métis, les Indiens non inscrits, les Indiens inscrits et les Inuits. Nous nous attendons à ce que, dans les dix prochaines années, au moins 10 p. 100 de nos nouveaux emplois soient occupés par des immigrants. Dans vingt ans, ce sera 100 p. 100. Pourtant, il y a dans notre société de plus en plus de jeunes qui n'ont pas fait d'études et qui n'ont pas la possibilité d'obtenir l'éducation dont ils ont besoin. Quel gaspillage! Nous devrions nous concentrer sur cette question.
M. Caron: Nous commençons à le faire. La question même que vous venez de mentionner constitue un sujet d'étude non seulement pour les gouvernements, mais aussi pour le secteur privé. Tout le monde pense à la possibilité de recourir aux Autochtones pour remplir les postes vacants. Il est à espérer que le programme d'apprentissage et d'accroissement des compétences de DRHC aura une composante visant cet objectif. Le secteur privé s'efforce également de recourir à cet élément de la population pour remplir les emplois vacants. M. Goodale se montrer infatigable dans ses efforts de communication avec le secteur privé.
Il y aura, le 7 décembre, une réunion des ministres chargés des questions autochtones et des chefs. La discussion portera sur la participation économique. Nous espérons que cette réunion aboutira à des résultats en ce qui concerne les efforts communs des gouvernements tendant à trouver des emplois pour ce segment de la population.
Le sénateur Christensen: Indépendamment des gouvernements et du secteur privé, nous devons trouver un moyen de toucher le plus tôt possible le groupe des jeunes Autochtones, qui a le taux de suicide le plus élevé. C'est à cause du désespoir qui règne dans ce groupe, qui n'a aucune perspective d'avenir. Nous devons aider les jeunes à comprendre qu'ils peuvent avoir un brillant avenir et qu'ils peuvent beaucoup contribuer à l'édification du pays.
M. Caron: Une stratégie nationale pour les jeunes Autochtones a été approuvée à la dernière réunion fédérale-provinciale. Une conférence de jeunes a été organisée avec beaucoup de succès en octobre par Développement des ressources humaines Canada. Les participants ont présenté des recommandations aux ministres fédéral-provinciaux et aux chefs, pour examen le 7 décembre, en vue d'une participation plus directe des jeunes au suivi et au plan d'action relatifs à la stratégie pour les jeunes. Nous sommes persuadés que les recommandations seront approuvées. Cela donnera aux jeunes un rôle beaucoup plus direct. Les jeunes ont indiqué très clairement, au cours de leur conférence, qu'ils n'avaient pas l'impression de jouer un rôle adéquat dans les décisions qui les touchaient.
Le sénateur Cochrane: Lorsque vous nous enverrez la liste de vos programmes, pourriez-vous nous donner des détails précis sur le financement des programmes relatifs aux femmes autochtones, au lieu de vous limiter à énumérer ces programmes?
M. Caron: Les documents que nous enverrons montreront les dépenses liées aux Autochtones, qu'il s'agisse de programmes féminins ou d'autres programmes.
Le sénateur Wilson: Je vois que vous avez des comités d'Autochtones vivant en milieu urbain en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan. Quel est le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans parmi les membres de ces comités?
M. Caron: Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Chaque comité comprend ordinairement un représentant des organisations autochtones, mais les jeunes ne sont pas représentés séparément. Habituellement, il y a des représentants de différents ministères fédéraux, ministères provinciaux et organisations autochtones. Je ne crois pas qu'il y ait dans ces comités, à l'heure actuelle, des membres représentant particulièrement les jeunes.
Le sénateur Wilson: Je pose encore la même question. Combien de jeunes ayant moins de 25 ans y a-t-il dans ces comités?
M. Caron: Je vous trouverai la réponse à cette question.
Le sénateur Wilson: Nous avons le même problème dans les églises. Nous avons découvert qu'il nous fallait nommer trois jeunes pour chaque adulte, afin de leur permettre de se faire entendre.
Quelle relation y a-t-il entre tout cela et l'étude de la Commission royale sur les peuples autochtones?
M. Caron: La commission royale avait signalé la nécessité d'accorder plus d'attention à cette question. Cela explique que la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain ait été annoncée dans le cadre de «Rassembler nos forces». La Commission royale avait recommandé une augmentation sensible des dépenses, ce qui ne s'est pas fait encore. Nous avons déployé d'importants efforts dans ce domaine.
Le sénateur Léger: Vous dites dans votre document que moins de 50 p. 100 des fonds sont distribués à l'échelle locale. Qu'est-ce que cela signifie?
Mme Anzolin: Le financement fourni par le gouvernement fédéral est versé par le ministère ici, à Ottawa ou à Hull, après quoi on détermine comment l'argent sera distribué aux Autochtones dans les centres urbains. Dans certains cas, l'argent est réparti sur une base régionale. Il existe au ministère des formules permettant de répartir les fonds par province, pour distribution aux Autochtones des centres urbains. Le ministère fédéral verse l'argent à une organisation locale qui offre des prestations aux Autochtones.
Le sénateur Léger: Dois-je donc comprendre que les Autochtones reçoivent moins de 50 p. 100 de l'argent total prévu dans les budgets?
Mme Anzolin: Non. Les 270 millions de dollars représentent notre estimation du chiffre total qui est versé aux Autochtones vivant en milieu urbain. La moitié de cet argent est distribuée localement. Cela signifie que les moyens de réagir aux priorités locales sont détenus par des organisations qui se trouvent sur place. Cela fait partie des difficultés. M. Caron a indiqué tout à l'heure qu'il est impossible d'établir une stratégie nationale. Dans certains cas, les ministères fédéraux ont des chiffres nationaux concernant les prestations versées aux Autochtones vivant dans les centres urbains. Les organisations locales n'ont pas les moyens nécessaires pour réagir parce qu'elles n'ont pas accès au financement.
Le sénateur Léger: Si le gouvernement détient plus de 50 p. 100, il n'en reste plus beaucoup.
M. Caron: Non. Tout l'argent est versé aux Autochtones. Environ 50 p. 100 des fonds vont d'Ottawa à des organisations régionales qui n'ont pas nécessairement une représentation locale.
Un certain nombre de programmes sont mis en oeuvre à partir d'Ottawa, tandis que d'autres le sont sur une base régionale. Nous avons mentionné ce chiffre parce que certains des groupes régionaux pourraient vouloir que tout l'argent soit distribué au niveau régional pour qu'ils le contrôlent mieux. C'est sur ce point que nous essayons d'attirer l'attention.
Je dois signaler cependant que, même si le financement est distribué à partir d'Ottawa, la distribution se base sur des renseignements provenant du niveau régional. Les politiques ont été établies après consultation des régions.
Le sénateur Léger: C'est une étude de la stratégie relative aux Autochtones des agglomérations urbaines. Y a-t-il un rapport quelconque avec ce qui s'est passé à Burnt Church ou dans les villes comptant un petit nombre d'Autochtones? Est-ce qu'un autre ministère s'occupe de telles situations?
M. Caron: Ces questions sont très interdépendantes. Il est difficile de faire une nette distinction entre les questions urbaines et celles qui se posent dans les réserves. Par exemple, lorsque des bandes d'Autochtones se forment à Winnipeg, elles font du recrutement dans les réserves, en prison, et cetera. Les problèmes de logement dans les réserves peuvent amener des gens à emménager en ville. Par conséquent, il y a des liens étroits entre les deux. Nous devons adopter une approche holistique du problème parce qu'il existe un lien indubitable.
Comme la montre notre document, il y a beaucoup de mobilité entre les réserves et les régions urbaines.
Le sénateur Sibbeston: Je suis Métis. Je comprends donc dans une certaine mesure la situation des Métis du Canada. Je connais le mieux la situation dans les Territoires du Nord-Ouest, parce que c'est de là que je viens. En général, les Métis se sont raisonnablement bien débrouillés. Dans l'histoire du Nord, ils ont été les interprètes et les guides. À ce jour, les Métis sont ceux qui participent le plus au gouvernement, aux entreprises, et cetera. Dans le Nord, la situation des Métis est raisonnablement bonne. Cela est surtout attribuable à leur esprit indépendant et aux occasions qu'ils ont pu saisir grâce à leur éducation. C'est un fait qu'ils sont plus instruits que les Dénés ou les Indiens. Leur situation dans le Nord est donc assez bonne. Les gens comme moi ont de bonnes chances d'aller à l'école, de s'occuper des affaires du gouvernement et de devenir sénateur. Nous n'avons pas vraiment à nous plaindre.
Sur le plan historique, le gouvernement fédéral a reconnu aux Métis des droits ancestraux. Tandis qu'il signait des traités avec les Indiens, il concluait aussi des accords avec les Métis, reconnaissait leurs droits ancestraux et leur donnait de l'argent. Dans le Nord, les Métis participent au processus des revendications territoriales au même titre, par exemple, que les Dénés et recevront des indemnités sur les mêmes bases. Ils seront traités comme les Indiens. Je crois donc qu'à certains égards, notre sort est et a été raisonnable.
Toutefois, dans le Sud, même si les Métis ont la même histoire, ayant joué le rôle de guides, d'interprètes et d'intermédiaires, Louis Riel est un bon exemple de ce que les Métis du Sud ont réalisé. À un moment donné, le gouvernement fédéral a estimé que les Indiens avaient besoin d'aide, de reconnaissance et de dispositions spéciales. La Loi sur les Indiens a été adoptée et le ministère des Affaires indiennes a été créé pour les Indiens. Les Métis, peut-être parce que ce n'était pas justifié ou pour d'autres raisons, n'ont pas été traités de la même façon.
Au cours des dernières décennies, les Métis se sont battus pour être reconnus. Ils sont reconnus à l'article 35 de la Constitution, mais ils exhortent le gouvernement fédéral à reconnaître leurs droits et à établir des programmes à leur intention.
Où en sommes-nous à cet égard? Est-ce que le gouvernement et le pays se préparent à reconnaître les droits des Métis et à établir des programmes et des ministères pour s'occuper d'eux? Peuvent-ils s'attendre à quelque chose dans les prochaines années?
M. Caron: Un certain nombre des programmes fédéraux actuels s'adressent à tous les Autochtones. Ils profitent également aux Métis, aux Inuits et aux Indiens. C'est un domaine dont nous nous occupons actuellement.
Nous avons adopté des approches régionales intéressantes qui, sans s'adresser en particulier aux Métis, peuvent néanmoins les aider. Dans le nord de la Saskatchewan, nous essayons de conclure l'entente de développement septentrionale qui aidera les collectivités métisses aussi bien qu'indiennes. Ce ne sont pas des programmes destinés particulièrement aux Métis, mais ils peuvent en tirer parti.
Nous discutons avec le Ralliement national des Métis d'un programme pour la nation des Métis. Nous ne sommes pas encore près d'un accord, mais nous essayons de voir s'il est possible de se concentrer sur quelques-unes des questions que vous avez mentionnées, comme les droits et l'accès aux programmes. Pour être franc, je dois dire que nous avons encore des divergences avec les Métis au sujet d'une composante spécifiquement métisse des programmes fédéraux. Notre position se base sur des considérations de responsabilité ainsi que sur les avis que nous donne le ministère de la Justice. Nous espérons trouver d'autres moyens de progresser sur cette question.
Du point de vue des Métis, ou plutôt de ce qu'ils nous en disent, il y aurait deux sujets de friction. D'abord, ils ont l'impression d'être oubliés dans les programmes fédéraux et d'être laissés pour compte quand de nouvelles initiatives concernant les Indiens sont annoncées. Nous essayons de faire en sorte qu'il n'en soit pas ainsi.
Il y a en outre la question des droits. Les Métis se sont adressés aux tribunaux à ce sujet. En fait, les deux questions font actuellement l'objet de procès. Ils ont contesté les positions fédérales au sujet des droits des Autochtones. Nous examinons soigneusement cette question avec eux pour voir s'il est possible de trouver un terrain d'entente.
Cela étant dit, les Métis, à titre de citoyens des provinces, bénéficient d'un certain nombre de programmes provinciaux. Si on examine la situation des Indiens inscrits, on constate qu'une bonne part des 7,3 milliards de dollars dépensés vont à des services de base dispensés dans les réserves. Un Métis obtiendra les mêmes services de la province. Les principaux sujets de friction sont reliés au financement du logement, de l'enseignement postsecondaire et des services de santé non assurés. Les Indiens inscrits qui vivent dans les réserves ont accès à plus de programmes que les Métis. Ceux-ci reçoivent du financement des provinces pour certaines de ces choses, mais les prestations se fondent sur le besoin plutôt que sur le statut. C'est une question très importante qu'il n'est pas facile de régler. Nous espérons, grâce aux programmes que nous avons au niveau régional, aider certaines collectivités de Métis et certains particuliers sans pour autant créer des programmes conçus spécifiquement pour eux.
Le sénateur Sibbeston: Les Métis doivent constamment recourir aux tribunaux pour faire reconnaître leur situation d'Autochtones. Est-ce que cela amènera un jour le gouvernement à reconnaître que les Métis ont des droits qu'il faut respecter? Aurons-nous jamais un ministère des Affaires des Métis? Pensez-vous que c'est trop demander?
M. Caron: La décision concernant les structures appartiendrait au premier ministre. La commission royale a recommandé la création d'un ministère des Affaires autochtones. C'est de cela qu'on a toujours parlé, mais tout ce que j'aurais à vous dire là-dessus serait purement hypothétique.
Au sujet des droits, je crois personnellement qu'il faudra avancer sur ce point à l'avenir. Les tribunaux ont de plus en plus tendance à reconnaître les droits ancestraux des Métis. Il y a un important cas, que certains d'entre vous connaissent sans doute, l'affaire Powley. Les tribunaux ontariens y ont reconnu les droits de chasse des Métis. L'affaire est en appel devant la Cour suprême du Canada, où elle sera sans doute entendue dans le courant de l'année. La Cour d'appel de l'Ontario a accordé à la province et aux Métis un an pour s'entendre, mais je ne crois pas que les négociations avancent bien. Nous nous attendons donc à ce que l'affaire se poursuive devant les tribunaux.
Il y a d'autres affaires en procès. Nous examinons cette possibilité. Encore une fois, M. Goodale devra se présenter devant le Cabinet avec la ministre de la Justice pour formuler des recommandations à ce sujet. Il n'y a pas de doute que c'est un sujet de friction.
Le sénateur Sibbeston: Ai-je raison de penser que tout ce domaine des droits autochtones en est encore à ses tout premiers stades dans le cas des Métis, comme ce fut le cas des droits issus de traité des Indiens? Dans les 20 ou 30 dernières années, il y a eu un très grand nombre d'affaires qui sont allées devant les tribunaux et qui ont permis de délimiter ou de définir ces droits. Nous voyons partout les résultats des décisions rendues, qui commencent à définir les droits autochtones dans la vie de tous les jours, par exemple, dans l'utilisation de ressources naturelles pour gagner sa vie, chasser, utiliser des terres, et cetera. Est-ce que les mêmes droits pourraient s'appliquer aux Métis? Si les Indiens métis ont des droits ancestraux, ne seront-ils pas traités par les tribunaux, et peut-être par le gouvernement, de la même façon que les Indiens inscrits? Le gouvernement fédéral est-il prêt à envisager cette éventualité, c'est-à-dire à accepter la réalité que les Métis sont des Autochtones et doivent avoir les mêmes droits et les mêmes programmes que les Inuits et les Indiens visés par les traités?
M. Caron: Au sujet des droits, comme vous l'avez dit, les décisions des tribunaux suivent une certaine tendance. Le droit autochtone est en général un domaine très mouvant qui est façonné par les juges. Dans l'affaire Vanderpeet, le tribunal a dit qu'en traitant de la question des droits ancestraux indiens, il ne se prononçait pas sur la question des droits spécifiques des Métis. Il a laissé la porte ouverte.
Quant au scénario que vous avez évoqué, les Métis auront sans doute des revendications, tout comme les Indiens et les Inuits. C'est l'une des questions que nous examinons et qu'il nous faudra affronter.
Sur le plan des programmes, la question est légèrement différente parce que les Métis soutiennent qu'ils devraient avoir le même genre d'accès. L'article 15 de la Charte est celui qui s'applique le plus directement. Comme vous le savez, l'article 15 n'impose pas un traitement identique dans tous les cas. On reconnaît les différences historiques et même socioéconomiques.
Cela étant dit, nous nous demandons s'il est préférable d'étendre certains des programmes actuels ou s'il vaut mieux réexaminer la base de ces programmes.
Le sénateur Johnson: Je suis du Manitoba. Je vis à Winnipeg. Bien sûr, j'ai connu cette situation toute ma vie dans cette province. Cette stratégie a été lancée en 1998 avec «Rassembler nos forces», n'est-ce pas?
M. Caron: Elle a été approuvée en 1997.
Le sénateur Johnson: Elle a été mise en oeuvre en 1998. Ai-je raison de dire que vous avez dépensé 270 millions de dollars à ce jour?
M. Caron: Non. Ce sont des dépenses de programmes qui se font en milieu urbain.
Le sénateur Johnson: Elles concernaient la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Y a-t-il 19 programmes et initiatives en cours dans huit ministères?
M. Caron: Oui.
Le sénateur Johnson: Moins de 50 p. 100 des fonds sont dépensés sur place.
Vous avez évalué ce programme en mai 2000 lors d'un atelier national à Regina, auquel assistaient des responsables des ministères fédéraux. Quelles étaient les forces et les faiblesses que les participants à cet atelier ont relevées dans votre stratégie? Ont-ils déterminé les meilleures méthodes? Si oui, quelles sont-elles?
M. Caron: Les forces et les faiblesses qui ont été décelées sont pratiquement celles qui sont énumérées sur la diapositive 18, à la page 9 de votre document. Il s'agit là du point de vue fédéral. Il existe aussi des points de vue provinciaux. Ces questions sont soulevées par des groupes autochtones. Elles portent, entre autres, sur les chasses gardées. Le gouvernement va dire, par exemple: «Cela ne relève pas de nous mais de vous.» Les deux parties se renvoient la balle.
On a également envisagé de regrouper les ministères horizontalement, au sein du gouvernement fédéral et aussi des gouvernements provinciaux, et de les faire travailler ensemble. Certains ont dit aussi qu'il y avait des chevauchements au niveau de la représentation des Autochtones et ont demandé qui parlait pour la population urbaine.
Choisir une priorité constitue un autre problème, et il a été évoqué ici. Les problèmes sont nombreux, et on ne va pas les résoudre tous en même temps.
Le sénateur Johnson: Les participants ont-ils soumis une de ces recommandations?
M. Caron: Oui. Toutes les recommandations ont été faites par les participants. Elles ont donné lieu à une assez vaste consultation interne, au sein du gouvernement fédéral, mais elles reflètent aussi des choses que nous avons entendues, et surtout que les gens des régions ont entendues de la part des Autochtones.
Le sénateur Johnson: C'est ce que je veux savoir. Combien y en a-t-il qui viennent du gouvernement et d'Ottawa?
M. Caron: La plupart, mais elles reflètent aussi ce que nous ont dit les provinces et les groupes autochtones. Nous avons organisé cet atelier pour permettre aux gens du fédéral de présenter les questions dont on leur a parlé aux réunions de leurs sous-comités des Autochtones vivant en milieu urbain, auxquelles participent des représentants provinciaux et autochtones.
Le sénateur Johnson: Avez-vous découvert d'autres façons d'améliorer votre initiative?
M. Caron: Nous avons des propositions que nous allons présenter à M. Goodale, qui les soumettra ensuite au Cabinet.
Le sénateur Johnson: Quand cela se passera-t-il?
M. Caron: Nous pensons le faire au début de la nouvelle année. Nous n'avons pas encore fixé de date.
Le sénateur Johnson: Je viens d'une région où nous faisons face à ces problèmes depuis longtemps. Je trouve que les opinions émises par Alan Cairns, la Canada West Foundation, avec qui j'ai travaillé, Bob Rae et l'Institut C.D. Howe sont des plus banales. Elles n'apportent ni ne révèlent rien de nouveau. C'est presque dépassé.
En quoi vous aideront-elles à corriger la situation à l'avenir?
M. Caron: Tout d'abord, nous allons essayer d'assouplir le système fédéral. Comme je l'ai déjà dit, la plainte porte en partie sur le fait que, si un problème se présente au niveau local et que vous pensez devoir faire quelque chose à son sujet, rien ne sera possible s'il ne relève pas d'un programme. Nous pourrions, par exemple, envisager d'établir des modalités communes de financement pour avoir plus de souplesse au niveau local.
On peut ensuite améliorer les façons de rendre les gens responsables, au sein du système fédéral, de la gestion horizontale d'un dossier comme celui-ci, ce qui constitue un énorme défi.
Pour obtenir plus de souplesse encore, nous pensons à mettre sur pied un fonds d'initiatives, qui serait constitué d'une somme d'argent déterminée devant servir à l'élaboration d'un ensemble commun de critères pour tout projet à réaliser au niveau local.
Voilà quelques-unes des choses que nous envisageons de faire. Rien, bien sûr, n'a été soumis au Cabinet. On n'en est encore qu'à un stade exploratoire.
Le sénateur Johnson: Je me sens frustrée parce qu'il se produit dans les centres urbains beaucoup de choses positives. Je ne sais tout simplement pas combien d'obstacles bureaucratiques il va encore falloir surmonter avant de faire bouger les choses.
Je sais qu'à Winnipeg on recrute des enfants pour qu'ils vendent de la drogue et se prostituent. Nous connaissons tous les Hells Angels. Nous connaissons tous ces choses-là. Je veux m'assurer que cet argent ira là où il sera le mieux utilisé. Nous connaissons tous aussi les barrières bureaucratiques existantes. D'un côté de la mairie de Winnipeg, vous voyez se produire de grandes choses, comme des gens qui se rendent au pavillon de ressourcement, alors que, de l'autre côté, vous voyez le crime et la prostitution.
Il m'arrive de ne pas très bien savoir à quoi notre travail peut bien servir ici, surtout lorsque je pense à tous les autres ministères qui interviennent également dans ces domaines.
M. Caron: Nous essayons d'abattre certaines des barrières bureaucratiques dont vous avez parlé.
Le sénateur Johnson: Ce serait magnifique si vous y arriviez.
M. Caron: Le travail effectué pour les Autochtones a donné lieu à la création d'un groupe de travail du sous-ministre pour chercher de meilleures façons d'assurer des services dans les régions. C'est ce qui a découlé de ce travail. Espérons que cela permettra d'abattre certaines de ces barrières bureaucratiques. Vous avez raison, c'est là notre plus grande frustration.
J'ai parlé tout à l'heure de la présentation que nous avons faite hier en Ontario, où un Autochtone, membre du centre d'accueil, a montré comment les programmes du gouvernement fédéral et des provinces se chevauchaient. Nous devons nous pencher sur ce problème. Un profond changement d'attitude sera cependant nécessaire.
Le sénateur Johnson: Si nous ne réglons pas ce problème, nous ne pourrons pas progresser.
M. Caron: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Johnson: C'est ce qui nous frustre.
M. Caron: Je n'épargnerai aucun effort, en ce qui me concerne.
Le sénateur Johnson: Il est à espérer que le rapport de notre comité aura un certain impact. Je pense cependant qu'il faudra prendre des mesures énergiques, parce que, dans la situation actuelle, on ne peut avancer.
M. Caron: Certains exemples se font jour dans les provinces. Le gouvernement de l'Alberta a fait de certaines questions autochtones une priorité pour l'ensemble des ministères et il a fait figurer dans les contrats des sous-ministres de chaque ministère axial, dans le cadre de la rémunération au rendement, une clause les obligeant à indiquer ce qu'ils ont fait à ce sujet. Il s'en est suivi un changement d'attitude assez marqué au gouvernement de l'Alberta.
La présidente: Pas vraiment. Ils ont supprimé la semaine dernière un grand nombre de programmes destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain.
M. Caron: Je n'étais pas au courant. De notre point de vue, il existe une approche beaucoup plus coordonnée. La Saskatchewan a mis sur pied un projet auquel participent 13 ministères. Je ne peux me rappeler combien de ministres le premier ministre de la Colombie-Britannique a réuni autour d'une table pour qu'ils rencontrent les représentants des organismes autochtones. Il a dit à ces gens que tous les ministres, et pas seulement celui des Services à la collectivité, aux Autochtones et aux femmes, étaient là pour eux.
On constate une évolution dans ce sens, mais j'admets que c'est là notre plus gros défi.
Le sénateur Hubley: Nous avons vu un peu plus tôt à quel point l'éducation était importante pour le système de soins de santé, et aussi d'une façon générale. Or rien n'a été affecté à l'éducation dans les dépenses fédérales destinées aux Autochtones vivant en milieu urbain. Est-ce parce que les programmes concernant l'éducation relèvent des services sociaux et de santé, des choses comme ça?
M. Caron: Non. C'est essentiellement parce que le gouvernement fédéral est d'avis que l'éducation, à l'exception de la formation professionnelle, est du ressort des provinces à l'extérieur des réserves, bien que le Programme d'enseignement postsecondaire, qui est administré par le ministère des Affaires indiennes, s'applique dans les réserves et en dehors. Une certaine partie des Indiens inscrits qui vivent à l'extérieur des réserves bénéficient du PEP. En fait, ils vont tous à l'université à l'extérieur des réserves, mais même certains de ceux qui vivent normalement en dehors des réserves ont accès au PEP. Cela s'applique aux Indiens inscrits et aux Inuits, mais pas aux Métis et aux Indiens non inscrits. Le PEP est l'un des plus importants programmes du gouvernement fédéral, mais il bénéficie essentiellement à ceux qui habitent dans les réserves.
Le sénateur Hubley: Est-ce que les garderies, les maternelles et les autres établissements de ce genre relèvent du même programme?
Mme Anzolin: Les garderies, comme l'éducation, sont du ressort des provinces. Bien que les Indiens inscrits reçoivent une certaine aide pour les services de garderie dans le cadre de la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, il n'en est pas de même pour les Autochtones vivant en milieu urbain.
Le sénateur Hubley: Le graphique montre que seulement 1 p. 100 est affecté à la Justice. À quoi sert cet argent, vu qu'il ne représente qu'une toute petite partie des dépenses?
M. Caron: C'est la Stratégie en matière de justice applicable aux Autochtones, qui est un programme du ministère de la Justice. C'est un petit programme, dont le financement n'est que de 3 ou 4 millions de dollars par an. Bien qu'il ne représente pas un pourcentage élevé des dépenses, c'est un programme très important, qui a valu au gouvernement fédéral des commentaires très élogieux de la part des provinces. Il concerne surtout ceux qui vivent à l'extérieur des réserves et il a connu du succès. Ce 1 p. 100 ne comprend pas les fonds destinés au système de justice, qui atteignent un niveau très important quand on y ajoute les Services correctionnels, et cetera.
Le sénateur Hubley: Je vous encourage à continuer à travailler sur votre programme car il sera utile à l'avenir.
Le sénateur Carney: J'ai passé dix ans dans la région du sénateur Sibbeston, à naviguer entre tous ces programmes concernant les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits et les Métis. Il ne semble pas que la situation ait beaucoup changé au cours des 20 dernières années. D'après vous, quels progrès avons-nous réalisés en 20 ans dans cette salade des Indiens inscrits et des Indiens non inscrits?
Mais avant de répondre, pouvez-vous me dire quelle est la définition de «Métis» au niveau opérationnel?
M. Caron: C'est une question difficile. Il existe deux définitions concurrentes de Métis. Il y a le point de vue du Ralliement national des Métis, qui réserve cette qualité aux Métis historiques de l'Ouest. Pour le Congrès des peuples autochtones, on entend par Métis tous ceux qui, ayant des ancêtres de races différentes, décident de se considérer comme des Métis.
Nous n'avons pas pris position à ce sujet. Nous n'avons pas de programmes destinés spécifiquement aux Métis. Nous avons des programmes pour tous ceux qui se disent autochtones. Les divers ministères abordent différemment cette question, mais ils se fondent toujours sur une ascendance autochtone. Les Indiens inscrits et non inscrits ainsi que les Métis sont admissibles aux programmes.
En ce qui concerne les progrès que nous avons faits en matière de programmes, je dirai que l'une des questions que nous aurons à résoudre, c'est de savoir comment distinguer les Autochtones les uns des autres et si certaines des distinctions que nous faisons sont toujours valables. La plupart des programmes actuels se fondent sur le statut, qui, à une certaine époque, était synonyme de besoin. Une partie importante de la population autochtone n'est pas dans le besoin. On se demande donc s'il faut continuer à fonder les programmes sur le statut ou se baser désormais sur le besoin. C'est là un sérieux problème auquel nous pourrions faire face.
J'aimerais bien pouvoir vous dire que nous avons beaucoup progressé dans le règlement du problème que vous avez évoqué, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. De nombreux programmes sont accessibles à des personnes ayant des appartenances différentes, et la question est de savoir si, avec les distinctions que nous faisons, nous atteignons les objectifs visés par notre politique sociale. Le groupe de référence créé par le premier ministre va se pencher sur ce sujet. C'est un problème immense.
Le sénateur Carney: Il doit être difficile de coordonner des programmes si vous ne savez pas à qui ils sont destinés - étant donné l'auto-identification. Pouvez-vous dire que vous vous occupez de tous ceux qui ne sont pas sur la liste d'une bande?
M. Caron: Les programmes que nous offrons à tous les Autochtones sont principalement axés sur les entreprises et le développement économique. Je crois que les personnes qui peuvent prouver leur appartenance à un organisme autochtone peuvent s'y inscrire. L'argent disponible est limité, et elles doivent donc faire la queue, mais c'est essentiellement comme ça que ces programmes sont administrés.
Pour les programmes destinés uniquement aux Indiens, vous devez, bien sûr, être un Indien inscrit et, s'ils sont offerts dans la réserve, être membre de cette première nation.
Le sénateur Carney: Votre document dit qu'une somme estimative de 270 millions de dollars est attribuée aux Autochtones, mais que moins de 50 p. 100 des fonds sont dépensés sur place. Que devient le reste? Est-il affecté aux budgets de programmes de la bureaucratie?
Mme Anzolin: C'est ça. C'est l'administration centrale qui le garde et qui l'affecte ensuite.
M. Caron: Il ne va pas à la bureaucratie. Tout va aux Autochtones; c'est juste que 50 p. 100 des fonds sont dépensés à partir d'Ottawa et 50 p. 100 sont dépensés sur place.
Le sénateur Carney: Donnez-moi un exemple de programme panautochtone réussi que vous administrez.
M. Caron: Nous n'administrons aucun de ces programmes. Entreprise autochtone Canada a géré un programme panautochtone dans le cadre de programmes de développement des entreprises, et il a bien marché. Le programme Bon départ, qui a démarré à l'extérieur des réserves, a bien réussi. En voilà donc deux qui ont donné de bons résultats.
Le sénateur Carney: Je m'intéresse particulièrement à l'effet du projet de loi C-31, qui a été adopté en 1985, car des femmes autochtones de la Colombie-Britannique m'ont parlé de cette question. Faites-vous quelque chose dans ce domaine? Quelles sont les conséquences du projet de loi C-31 pour les femmes métisses?
M. Caron: C'est à long terme que l'effet le plus important du projet de loi C-31 se fera sentir. Il y a deux choses. L'une est l'affaire Corbiere, qui a confirmé que les gens qui vivent à l'extérieur des réserves avaient le droit de voter lors des élections au sein des bandes. Cette décision va, à mon avis, grandement modifier le visage de la politique indienne.
À cause du taux élevé de mariages avec des non-Autochtones, une règle d'appartenance a été établie. Elle dit que si l'un de vos parents n'est pas autochtone ou indien et que vous-même épousiez un non-Indien et avez un enfant, cet enfant ne peut avoir le statut d'Indien. Il a été estimé que, dans un avenir assez proche, il se pourrait très bien qu'il n'y ait plus beaucoup d'Indiens inscrits et qu'une forte proportion des Indiens non inscrits vivraient dans des réserves. C'est là une question qui, d'après moi, découle du projet de loi C-31.
Le sénateur Carney: Il a eu un effet direct sur la migration urbaine, et c'est ce qui fait qu'on en parle à ce comité. Le projet de loi C-31 a été l'une des plus grandes raisons de la migration des réserves au milieu urbain.
Votre observation met en lumière un problème auquel nous n'avons pas porté suffisamment attention. On nous a dit que certaines bandes auront disparu dans deux ou trois générations, parce qu'il n'y aura tout simplement plus d'Indiens inscrits à cause de la façon dont les gens se marient actuellement. Je pense que c'est Alan Cairns qui a dit que, en Colombie-Britannique,50 p. 100 des Autochtones ont épousé des Indiens non inscrits, qui composent maintenant la majorité de la population autochtone.
M. Caron: Il y a un fort pourcentage de mariages mixtes.
Le sénateur Carney: Est-ce que vous en tenez compte dans l'élaboration de vos programmes?
M. Caron: C'est une question importante à laquelle les Affaires indiennes sont confrontées. Ils pourraient vous en dire plus que moi sur le sujet.
Le sénateur Carney: Est-ce que cette tendance n'élargit pas votre clientèle et ne réduit pas la leur?
M. Caron: C'est possible, oui. Cela dépend de ce qu'on fera à long terme au sujet des règles sur le statut. Il existe différentes voies que l'on peut suivre, et l'une d'elles serait d'examiner les règles sur le statut. C'est ce que je pense personnellement. La question se présente ainsi: lorsqu'un fort pourcentage d'Indiens non inscrits vivent dans des réserves, est-ce que cela affecte la façon dont le gouvernement fédéral offre des programmes à ces réserves? C'est une question importante pour nous tous, mais surtout pour les Affaires indiennes, en ce qui concerne les règles d'appartenance.
Le sénateur Carney: Je veux aller un peu plus loin parce que nous n'avons pas pu décrire le problème. Comme nous le savons tous, la Constitution dit que les Métis sont des Autochtones. Dans les réserves, les membres de la bande peuvent demander au conseil de bande de régler un différend. Qu'en est-il des Indiens non inscrits qui vivent dans une réserve? À qui s'adressent-ils pour le règlement d'un différend? Comment font-ils valoir les droits que leur confère la Charte?
M. Caron: Bien sûr, la Charte s'applique dans les réserves. Les personnes qui ne sont pas membres de la bande n'ont pas le droit de voter, et c'est un gros problème. C'est là une autre question qu'il faudra étudier dans le cadre du travail que M. Nault effectue dans le domaine de la gouvernance.
On a mis au point, dans la bande séchelte par exemple, des solutions créatives dont vous avez probablement entendu parler. Les non-Autochtones qui habitent dans cette réserve peuvent se faire entendre; il existe un forum au sein duquel ils peuvent exposer leurs plaintes. On étudie la possibilité d'adopter des solutions de ce genre dans divers autres secteurs.
Certaines Premières nations s'inquiètent dans une certaine mesure du fait que des personnes qui ne sont pas membres d'une bande puissent avoir un droit de vote total. On envisage d'autres types de solutions qui font le pont entre un droit de vote total et le droit d'exprimer ses préoccupations.
Le sénateur Carney: Pour ceux qui vivent en milieu urbain le droit de vote est le seul recours.
M. Caron: Avec l'affaire Corbiere, ils ont le droit de vote, et c'est important, mais ceux qui ne sont pas membres de la bande ne l'ont bien sûr pas. Étant donné qu'ils vivent en milieu urbain, leur droit de vote concerne surtout les élections provinciales et municipales.
Le sénateur Carney: J'ai été impressionnée par l'excellent travail effectué par les centres d'accueil en Colombie-Britannique. Ils ont fait un travail merveilleux.
Cependant, le gouvernement de la Colombie-Britannique a combiné les affaires autochtones avec les arts, la culture, les femmes et presque tout ce qui restait. Selon le ministre, la raison en est que les immigrants, les femmes et les femmes autochtones ont beaucoup de préoccupations communes.
D'après ce que vous en savez, que fait le gouvernement de la Colombie-Britannique dans ce secteur?
M. Caron: Contrairement à celui qui l'a précédé, le gouvernement actuel a indiqué, dans le discours du Trône du moins, que la situation en milieu urbain était pour lui une priorité. Il a laissé entendre, sans se montrer plus précis jusque-là, qu'il désirait travailler avec nous.
Le sénateur Carney: Vous ne savez rien que nous ne sachions pas?
M. Caron: Non. Je peux le dire en toute honnêteté.
Le sénateur Carney: Dommage.
Le sénateur Pearson: Je crois que dans votre présentation, que j'ai manquée, vous avez soulevé la question de l'exploitation sexuelle des enfants à Vancouver. J'étais avant-hier à Vancouver pour discuter de cette question avec un certain nombre de personnes, y compris de jeunes femmes autochtones qui travaillent sur ce sujet. La réalité est encore pire que ce que j'avais pu imaginer. Ceux qui travaillent sur le terrain constatent que les cas se multiplient et qu'il y a de très importants intérêts en jeu. Je ne vous demande pas de régler cette question; je ne fais que transmettre l'information. Le crime organisé est apparemment très impliqué dans ce secteur, tout comme les trafiquants de drogues. C'est un problème qui relève de plusieurs instances.
Les gens à qui j'ai parlé participent à un effort commun - ils ont mis sur pied un comité -, mais ils sont sur les nerfs. Y a-t-il au bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits quelqu'un qui travaille spécifiquement sur ce problème, qui est une manifestation des activités du crime organisé, mais des activités de la pire espèce étant donné leurs conséquences?
M. Caron: Le ministère de la Justice travaille sur le problème général de la prostitution enfantine, et un comité formé de représentants d'un certain nombre de ministères fédéraux se penche actuellement à Vancouver sur la question des Autochtones vivant en milieu urbain. La province montre un intérêt de plus en plus marqué pour le règlement de ce problème. Avec les Autochtones de Vancouver, le Conseil autochtone, elle a fait de la prostitution enfantine sa principale priorité. Ils essaient actuellement de voir ce qu'ils peuvent faire et ils ont, à cet effet, discuté d'un certain nombre d'idées. La priorité du nouveau président de notre comité local est d'établir un plan d'action pour s'attaquer à cette question.
Tout le monde doit savoir que Vancouver est considérée comme une étape dans le circuit international du tourisme sexuel. Elle se situe très haut sur la liste. Il y a une forte demande pour de jeunes enfants autochtones. Ceux qui, à Vancouver, travaillent sur cette question ont fait de la disparition de la prostitution enfantine leur priorité, et ils collaborent étroitement avec le ministère de la Justice.
Le sénateur Pearson: Un jeune m'a dit que le marketing dans ce commerce s'améliorait. Ma question était la suivante: comment peut-on diminuer la demande? Il m'a répondu qu'il s'agissait en fait d'un commerce très florissant. C'est un problème très difficile.
Ma seconde question porte sur la justice. Le gouvernement fédéral met de côté une certaine somme d'argent pour aider les jeunes Autochtones qui ont des démêlés avec la justice. Cependant ce qui préoccupe les personnes qui travaillent directement avec eux, parmi lesquelles on trouve certains Autochtones, c'est de savoir s'il existe un contrôle suffisant sur cet argent pour s'assurer qu'il va au bon endroit. Comment l'obtenir si vous travaillez avec des jeunes dans le centre de Vancouver, au Manitoba ou ailleurs. Que faut-il faire au niveau provincial?
Je ne m'attends à ce que vous me donniez une réponse complète, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Caron: Voulez-vous savoir s'il est possible d'obtenir une aide provinciale plus importante?
Le sénateur Pearson: Si la nouvelle loi est adoptée, des fonds supplémentaires seront disponibles. Comment seront-ils distribués? C'est la question que posent un grand nombre d'Autochtones qui travaillent dans le domaine des jeunes et de la justice.
M. Caron: Tous les ministres, y compris le premier ministre, ont dit qu'il fallait s'assurer que l'argent aille bien à ceux qui en avaient besoin. On veille de plus en plus à ce que les procédures, qui sont nécessaires, soient efficaces. Nous avons eu un problème, en ce sens que, non seulement au gouvernement mais aussi au sein des organismes autochtones, les services administratifs étaient un peu trop importants. Nous essayons de nous concentrer là-dessus. Les exigences actuelles en matière d'évaluation sont très rigoureuses, vu qu'elles comprennent la présentation de résultats tangibles. C'est au moins une façon de mesurer la performance du gouvernement fédéral.
Le sénateur Pearson: Il est important, si la loi entre en vigueur, de faire un suivi pour savoir si les fonds supplémentaires qui semblent avoir été promis vont là où ils seront le plus utiles.
J'ai une dernière chose à dire au nom des jeunes qui m'ont parlé de la prostitution. Ces jeunes n'aiment pas être appelés «enfants prostitués». Ils se voient comme des enfants qui sont exploités dans le commerce du sexe. Le terme «enfants prostitués» est un stéréotype, qui s'applique aussi aux non-Autochtones du même âge. Je leur dis toujours que je transmettrai le message en leur nom.
La présidente: Nous travaillons sur ce sujet depuis au moins deux ans. Monsieur Caron, vous me connaissez depuis longtemps et vous savez que je m'occupe depuis longtemps des programmes et des questions concernant les Autochtones vivant en milieu urbain. Nous avons établi notre programme après avoir rendu visite aux organismes autochtones qui travaillent dans les rues auprès des Autochtones vivant en milieu urbain. Nous les avons interrogés sur leurs succès et sur les lacunes qu'ils avaient relevées en essayant de travailler auprès des gens de leurs collectivités.
Nous avons découvert qu'à Winnipeg, les centres d'accueil n'effectuaient pas le travail qu'ils étaient censés faire. La politique s'en mêlait. En fait, il y avait des querelles. Mais nous avons été impressionnés par le travail fait par le centre autochtone. C'est un exemple pour les autres villes. Le centre autochtone forme des gens dans les domaines de la restauration, de l'artisanat, et il a des écoles qui assurent une formation dans d'autres secteurs. Il tient également une garderie. Il offre le programme Bon départ. Son travail est très impressionnant. Il s'agit d'Autochtones travaillant pour des Autochtones, au niveau communautaire.
En face de ce centre, on trouve la Thunderbird House, où Mary Richard effectue un travail fantastique. Cependant, le groupe qui s'occupe du programme antigang a énormément de difficultés à obtenir des fonds. C'est exactement ce qu'a mentionné le sénateur Pearson. Ce programme antigang est crucial, car il encourage les jeunes à ne pas traîner dans les rues et à retourner à l'école. Le centre comporte aussi une unité de ressourcement, qui est tout simplement merveilleuse.
En Alberta, nous sommes allés voir sept organismes différents, et on nous a dit partout que, étant donné la façon dont les fonds étaient distribués aux organismes autochtones ou politiques, il n'était pas possible d'y avoir accès. Le processus fonctionne mal, en ce sens que ces petits organismes non affiliés ont des difficultés à obtenir de l'argent. Je suis sûr que vous savez que, surtout en matière de politique concernant les Métis, le message est: «Si vous n'avez pas voté pour moi, je ne vais pas vous aider.» C'est là un problème important.
En Alberta, les gens qui travaillent dans ce domaine sont logés dans deux ou trois édifices, et le personnel est divisé. Il arrive que les organismes politiques ne sachent ce qui se passe au niveau communautaire. Or, il faut qu'ils le sachent.
Denise Thomas, qui oeuvre dans le sud-est du Manitoba, y fait un travail merveilleux. Elle arrive à obtenir des fonds et les redistribue aux collectivités.
Que fait votre ministère pour faire en sorte que les petits organismes puissent obtenir des fonds pour faire fonctionner leurs programmes? En Alberta, plus de 23 p. 100 des programmes relatifs aux Autochtones vivant en milieu urbain ont été supprimés. La Ben Calf-Rope Society a dû mettre fin à son projet Going Home, qui visait à encourager les jeunes à retourner chez eux et à retrouver une vie normale. De même la Boyle Street Co-op a dû supprimer plusieurs projets. La liste est longue. On a supprimé des programmes destinés aux membres les plus vulnérables de notre société, et c'est là un problème grave.
Que peut faire le BCP pour établir un processus permettant de financer les petits organismes qui font un bon travail? Ce ne sont pas les organismes politiques qui font le travail, ce sont les organismes chargés des programmes.
Changeons de sujet. Les Métis luttent depuis de nombreuses années pour que l'on fasse un recensement uniquement pour eux. Bien sûr, une telle consultation coûte de l'argent et les Métis n'en ont pas. Existe-t-il quelque part des fonds qui permettraient aux organismes d'effectuer un recensement? Ils en ont fait un en Saskatchewan mais je ne sais pas comment les choses se sont passées.
En ce qui concerne la définition de «Métis», j'ai reçu le rapport que j'avais demandé à Harry Daniels et Paul Chartrand. Je serais très heureux de vous l'envoyer. Il traite des problèmes que pose la définition de «Métis». Ses auteurs sont deux avocats et leaders métis bien connus et très respectés.
Vous avez également parlé de bureaucratie. Votre ministère a-t-il créé une nouvelle bureaucratie?
M. Caron: Nous ne sommes pas un ministère distinct et nous n'avons donc pas imposé une nouvelle bureaucratie. Nous n'avons qu'un pouvoir de persuasion; nous n'avons pas le pouvoir d'imposer. Les programmes sont offerts par les ministères concernés.
Ceci étant, nous avons quand même une certaine influence. Sur le plan de la fourniture de services - et c'est là une question à laquelle certains des ministères concernés et nous-mêmes nous intéressons -, la question de la séparation de l'exécution des programmes de la politique est en haut de la liste, tout comme celle de l'affectation des fonds à l'organisme qui va livrer le produit. Le ministre est bien décidé à s'y attaquer. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons nécessairement imposer.
Pour vous donner un exemple de ce que pense M. Goodale à ce sujet, je vous dirai que, lorsqu'il a été question d'un guichet unique pour le Centre pour Autochtones de Winnipeg, ni l'Assemblée des chefs du Manitoba ni la Fédération des Métis du Manitoba n'étaient d'accord. Nous nous en sommes donc occupé avec l'Aboriginal Council of Winnipeg. Au début, aucun des deux organismes ne s'est montré très heureux de la chose, mais cela a marché. L'idée de choisir un organisme qui fournira effectivement le service et d'effectuer une distinction entre la politique et l'exécution des programmes est, je le redis, très ancrée dans l'esprit du ministre. C'est probablement une des questions sur lesquelles se penchera le groupe ministériel de référence.
Pour ce qui est du recensement des Métis, nous avons bien affecté une certaine somme à cet effet, selon un système qui requiert le versement d'une somme égale par les provinces. Une seule province s'est dite intéressée, mais les négociations ont tourné court. La Métis Nation of Saskatchewan n'a pas été satisfaite du rapport que lui a soumis son propre consultant, et les négociations se sont enlisées. Aucune autre province n'a montré de l'intérêt pour cette question. Nous devons voir s'il existe une façon différente d'aborder ce problème, et je sais que le Ralliement national des Métis a certaines suggestions à faire.
Le sénateur Carney: Vous avez dit que les petits organismes ne pouvaient pas obtenir des fonds et vous avez mentionné l'Alberta, le Manitoba, mais pas la Colombie-Britannique. Or, nous avons entendu la même chose en Colombie-Britannique.
M. Caron: Je vais demander à Mme Anzolin de répondre à la question sur l'enquête. Nous n'avons pas eu de bonnes données sur les Autochtones hors réserves, en particulier les Métis. On pourrait améliorer les données sur les Indiens inscrits et sur les Inuits, mais les données sur les Métis accusent un grand retard. Nous espérons pouvoir faire un meilleur travail avec l'Enquête auprès des peuples autochtones.
Mme Anzolin: On est en train d'effectuer une enquête distincte sur les Métis dans le cadre de l'Enquête auprès des peuples autochtones. Je crois savoir que les gens de Statistiques Canada viendront un peu plus tard faire une présentation devant votre comité et je suis sûre qu'ils pourront alors vous donner plus de renseignements à ce sujet.
M. Caron: On a tendance à aborder les questions autochtones au niveau national, c'est-à-dire que l'on prend un ensemble de statistiques et que l'on en tire des conclusions, au lieu d'examiner les données régionales. La situation diffère tellement d'une région à l'autre que nos programmes devraient, d'après moi, tenir davantage compte de cette réalité, plutôt que de dire qu'il y a un programme national et que tant de dollars vont à chaque province. Il se pourrait qu'il faille mettre davantage l'accent sur certaines régions que sur d'autres. Et, à cet effet, il est crucial d'obtenir de bonnes données.
La présidente: J'ai un commentaire à faire au sujet du projet de loi C-31. En vertu de ce projet de loi, le «statut» ne remonte qu'à une génération. Les enfants des jeunes femmes d'aujourd'hui seront admissibles jusqu'à l'âge de 18 ans et ensuite ce sera fini. Cela crée déjà une situation très délicate au sein des collectivités et des familles. Je sais que vous n'y pouvez rien, mais peut-être pourrez-vous faire usage de votre influence pour soulever ce sujet lorsque vous discuterez des dispositions de divers documents et de leurs conséquences.
Le sénateur Carney: Je ne vois pas très bien comment vous pouvez organiser un recensement si vous n'êtes pas en mesure de définir les personnes sur lesquelles il portera. Pouvez-vous m'expliquer cela? Comment Statistique Canada pourra-t-il organiser un recensement des Métis quand personne ne peut s'entendre sur ce qu'est un Métis?
M. Caron: L'enquête est fondée sur l'auto-identification. La question est la suivante: «Vous considérez-vous comme Métis ou Métis combiné?» Autrement, nous aurions dit nous-mêmes: «Vous êtes Métis si...»
Le sénateur Carney: Qu'est-ce qu'un Métis combiné?
M. Caron: Dans l'enquête de 1996, une question demandait aux gens de dire s'ils étaient de purs Autochtones ou s'ils étaient nés de parents de races différentes. On donnait ainsi la possibilité aux gens de dire qu'ils étaient d'ascendance multiethnique. Chose intéressante, le recensement de 1996 a montré que les gens qui se disaient Métis se trouvaient essentiellement dans l'Ouest. À la question qui leur demandait s'ils étaient d'ascendance autochtone, beaucoup de gens ont répondu «oui» sans préciser s'ils étaient Indiens, Inuits ou Métis. Nous ne savons s'il s'agit du fameux syndrome «Ma grand-mère était une princesse indienne», mais cela peut avoir un rapport avec la question que vous avez posée tout à l'heure au sujet des programmes. Si nous concevons les programmes en fonction du statut, cela va peut-être influer sur le nombre de personnes qui vont se dire Métis, Indiens ou Inuits. J'ai entendu des ministres dire qu'ils ne voulaient pas pousser les gens à se classer dans une catégorie donnée d'Autochtones en fonction des programmes fédéraux. Nous ne voulons pas encourager les gens à migrer artificiellement dans une catégorie quelconque.
Le sénateur Carney: N'est-ce pas comme fermer la porte de l'écurie après que le cheval s'est sauvé?
M. Caron: Il y a certains choix intéressants à faire pour l'avenir. Nous pourrions avoir à fonctionner différemment en ce qui concerne nos programmes actuels.
Le sénateur Carney: Avons-nous une liste de ces programmes, madame la présidente?
M. Caron: Nous sommes en train d'établir la liste des programmes fédéraux offerts à l'extérieur des réserves, répartis par ministère. Vous aurez une liste des divers programmes hors réserves du gouvernement fédéral. Le calcul des dépenses faites dans les villes n'est pas scientifique. Nous prenons un pourcentage des habitants de la ville et nous travaillons avec ce chiffre approximatif. Nous n'avons pas de statistiques qui montrent que l'on dépense telle somme dans la ville et telle somme dans les zones rurales.
Le sénateur Johnson: Combien avez-vous identifié de Métis au Canada?
M. Caron: Cela dépend de la définition.
Le sénateur Johnson: Vous avez un graphique qui montre les populations autochtones vivant en milieu urbain.
M. Caron: Je pense que 200 000 personnes environ se sont dites Métis dans l'enquête de 1996. Ce chiffre dépend de la définition utilisée. Si vous posez la question en y attachant certaines conditions, vous pourriez obtenir une réponse différente, et donc les chiffres seraient différents. La position du Congrès des peuples autochtones est que tous ceux qui, étant de sang mêlé, décident de se dire Métis sont des Métis.
La présidente: C'est intéressant parce que, pour qu'il y ait nationalité, il faut au moins quatre choses: vous devez avoir une langue, vous devez avoir un pays d'origine, vous devez avoir une culture et une histoire et vous devez avoir été en mesure de vous gouverner vous-mêmes. La nationalité n'a rien à voir avec la quantité de sang, qui est la grande question aujourd'hui. Pour pouvoir obtenir des fonds, les sang-mêlé du Labrador n'avaient d'autre recours que de s'identifier à l'une ou l'autre des nations autochtones. Ils ont choisi d'être Métis pour pouvoir recevoir de l'argent.
C'est là qu'est la tragédie. Nous nous battons avec ce problème depuis des années. J'ai été présidente de la Commission sénatoriale des Anciens du Ralliement national des Métis, qui a étudié cette question. Nous avons tenu des consultations à travers le pays et décidé d'une définition. Les leaders politiques ont alors pris les choses en mains et ont fait leur numéro.
Il sera intéressant de voir comment cela va se terminer. Vous verrez, en lisant le rapport de Harry Daniels et Paul Chartrand, combien il est difficile de définir qui est un Métis. Un grand nombre d'entre eux, en dehors des Métis de l'Ouest canadien, ont choisi d'être Métis en vue d'obtenir des fonds.
Le sénateur Carney: Est que le document que vous nous donnez a pour titre «Guide des initiatives fédérales à l'intention des Autochtones vivant en milieu urbain»?
M. Caron: Il fait partie de la documentation. Ce livre a maintenant trois ans.
Le sénateur: Pouvez-vous nous donner une mise à jour?
Mme Anzolin: Les données que nous allons vous fournir se fondent sur un financement estimatif des ministères en l'an 2000.
La présidente: Je vous remercie beaucoup pour cette présentation et cette discussion très intéressantes. Vous nous avez éclairés sur ce que fait exactement le BCP. Vous faites du bon travail avec les ressources limitées dont vous disposez.
M. Caron: Merci de nous avoir invités. Vos questions et vos commentaires nous seront utiles dans notre travail.
La séance est levée.